Libre arbitre ou liberté de la grâce ?
La notion de grâce irrésistible dans
la Response aux calomnies d’Albert Pighius,
par Jean Calvin
André PINARD*
En 1542, le débat portant sur les thèmes du libre arbitre humain et celui de la grâce divine occupait les controversistes catholiques depuis déjà un bon moment. C’est en cette année qu’Albert Pighius, de Kampen, mettait le point final à son De libero hominis arbitrio (Du libre arbitre humain), qu’il a envoyé à Jean Calvin, réformateur de même que pasteur de l’Eglise Saint-Pierre à Genève. Ce sera le point de départ de la rédaction du premier des deux ouvrages de Calvin contre Pighius : la Response aux calomnies d’Albert Pighius (Response)[1]. Ce traité est le plus important ouvrage du réformateur en ce qui concerne le thème de la grâce et du libre arbitre, d’une part, et celui dans lequel on retrouve le plus de citations patristiques, d’autre part, comme l’a souligné Anthony N.S. Lane, spécialiste de la pensée calvinienne et de la pensée de Pighius[2].
Jean Calvin est principalement connu pour son Institution de la religion chrétienne dont la première édition date de 1536. C’est la deuxième édition latine, publiée en 1539, qui a occasionné la rédaction, par Albert Pighius, du De Libero hominis arbitrio[3] en dix volumes. Lorsque Calvin a pris connaissance de cet ouvrage que le controversiste de Kampen venait de rédiger, il a répondu immédiatement, en trouvant du temps malgré ses nombreuses activités, en écrivant la Response aux calomnies d’Albert Pighius : contenant la defense de la doctrine chrestienne touchant la servitude & delivrance du franc arbitre de l’homme[4].
Le thème du présent article, à savoir la notion de grâce irrésistible, s’inscrit dans le débat qui concerne la question d’un durcissement doctrinal, voire un clivage entre la théologie de Jean Calvin et celle de ses successeurs de l’orthodoxie calviniste. Dans la foulée des meilleures études récentes, notre position est celle d’une continuité entre Calvin et ses successeurs. La notion de grâce irrésistible constitue le pendant sotériologique de la doctrine calvinienne du serf arbitre.
Nous ferons une synthèse des principales notions relevant de l’anthropologie, de l’hamartiologie (les doctrines de l’homme et du péché), puis de la sotériologie contenues dans la Response, en lien avec la notion de grâce irrésistible.
I. L’homme : libre arbitre et serf arbitre
Pour avoir une juste compréhension de la doctrine du salut et de la grâce, il importe de saisir le contexte anthropologique, voire hamartiologique dans lequel ces notions se dessinent. Examinons principalement les points controversés du libre et du serf arbitre humain.
Comme l’a souligné Martin Luther[5], dans sa conclusion au traité Du serf arbitre (1525), en félicitant Erasme de Rotterdam pour avoir abordé dans son Essai sur le libre arbitre (1524) la question principale, à savoir celle de la liberté et de la servitude de l’arbitre humain[6] ; si celle-ci revêt une importance fondamentale dans la discussion sur le salut, c’est qu’elle est directement liée à celle de l’étendue et de la profondeur de l’action salvifique de la grâce.
A ce point-ci, nous examinerons cette question sous deux angles : celui de la liberté de l’homme avant la chute adamique, soit en sa liberté prélapsaire, puis celui de la situation postérieure à la chute adamique, soit la situation postlapsaire.
A. La liberté prélapsaire
En réponse aux accusations de manichéisme[7] à son endroit, Calvin a affirmé haut et clair, de manière analogue à saint Augustin, le libre arbitre de l’homme, mais non pas « libre » dans le contexte actuel. La situation actuelle de l’homme est une situation de servitude en raison du péché qui consiste en la désobéissance adamique. Cette désobéissance est appelée « chute »[8] en raison du changement encouru à cause de la faute commise par Adam. Le réformateur affirme que l’homme est « tombez »[9] par rapport à un état originel d’intégrité dans lequel il avait été créé avec une nature « pure et entière »[10], « orné » des dons de « verité, justice, & sapience » qui auraient pu autrement être communiqués à sa postérité. C’est pourquoi, en anthropologie théologique « de frappe » augustinienne et réformée, on distingue la situation prélapsaire – avant la chute adamique (lapsus) – et la situation postlapsaire – après la chute adamique.
La liberté d’arbitre représente l’une des caractéristiques de cette intégrité originelle. En effet, avant de pécher – ce qui s’est avéré l’option fatale –, l’homme pouvait, de manière indéterminée et libre, sous aucune nécessité relative à sa nature, choisir le bien ou le mal[11].
Car nous ne nions pas que l’homme n’ait esté créé ayant son franc Arbitre, veu qu’il estoit doué & de saine intelligence en son entendement, & de droiture en sa volonté[12].
Ce choix nécessitait toutefois l’aide d’une grâce, une grâce dont l’effet était contingent au bon usage du libre arbitre. C’est pourquoi, en théologie augustinienne, on nomme cette grâce adiutorium sine quo[13]. C’est l’aide sans laquelle Adam ne pouvait persévérer dans le bien. Toutefois, elle ne garantissait pas cette persévérance, contrairement à la grâce accordée dans le cadre de l’économie chrétienne (adiutorium quo). En ce sens, c’était une grâce indispensable, mais qui ne garantissait pas le résultat. Adam aurait pu demeurer en son intégrité originelle « s’il l’eut voulu »[14] : il en avait le potentiel. Cependant, il a choisi le mal et l’indépendance de son Créateur, non par contrainte, mais librement.
Le premier homme n’a pas eu ceste grace, de ne vouloir jamais estre mauvais : mais il a eu la grace, en laquelle s’il eust voulu persister, il n’eust jamais esté mauvais, & sans laquelle [sine qua], mesme avec son Franc Arbitre, il n’eust pu estre bon : mais toutesfois laquelle par son franc Arbitre il pouvait delaisser[15].
Ainsi, en ce qui concerne la théodicée et la question épineuse du mal, Calvin a su maintenir, tout comme Augustin auparavant, tant l’intégrité que l’honneur de Dieu qui a créé l’humain dans une condition originelle intègre et pure.
B. La situation postlapsaire
La situation postlapsaire représente le sombre contexte dans lequel se dessinera la trame de la rédemption, là où la grâce divine prendra tout son sens. Pour préparer son exposé magistral de l’action salvifique divine, Calvin, fondé sur l’Ecriture Sainte, a exposé le mal humain d’une manière qui, tout en étant fidèle à l’augustinisme intégral, en a fait ressortir la profondeur de manière originale en allant un peu plus loin qu’Augustin sous certains aspects.
Nous aborderons l’hamartiologie calvinienne sous les deux aspects suivants : le caractère radical du péché et sa servitude.
1. Le caractère radical du péché
Pighius affirme le caractère intact de la nature humaine[16], à savoir que l’homme n’a pas perdu ses dons naturels, mais simplement les dons surnaturels, dont la vie éternelle[17]. Selon lui, le principe du péché rend simplement plus difficile l’accomplissement du bien. La grâce ne fait que faciliter l’obéissance à la loi divine[18].
De son côté, Calvin soutient, tout comme Pighius, que depuis la chute adamique, les dons surnaturels ont été perdus. Toutefois, les dons naturels, loin d’être intacts, ont été, selon la formule scolastique[19], souillés et viciés. Outre cette distinction qui exprime les conséquences de l’entrée du péché dans le monde sur un plan vertical, il exploite surtout la distinction, conçue sur un plan horizontal, qui renvoie à l’avant et à l’après de la chute adamique. En effet, en théologie réformée, l’usage de ce que l’on a appelé plus tard le « motif central création-chute-rédemption » permet d’éviter les problèmes anthropologique et sotériologique de Pighius. Ce motif fonde l’élaboration calvinienne de l’anthropologie du serf arbitre.
Lorsque Calvin tente de résumer les principaux aspects de la sotériologie augustinienne, il utilise certains aphorismes (phrases de synthèse). Le premier de ces aphorismes porte sur le caractère pervers et aveugle de l’homme en raison de son péché.
L’entendement de l’homme est en telle sorte frappé d’aveuglement, que de soy il ne peut nullement parvenir à la cognoissance de verité : nous disons que la volonté est corrompue d’une telle perversité, qu’elle ne peut ni aimer Dieu, ni rendre obeissance à sa justice[20].
L’être humain est spirituellement aveuglé et paralysé par son péché. D’après la doctrine réformée, cette perversité et cet aveuglement s’enracinent profondément dans son cœur déchu. C’est donc un mal radical et profond.
Car qui a prononcé tous ces arrests ? Toutes les conceptions du cœur de l’homme ne sont que mal dès sa jeunesse. Le cœur de l’homme est pervers sur toutes choses & cauteleux. Tous ont decliné : tous ensemble sont inutiles, il n’y en a point qui face bien : non pas un. […] Car ce n’estoit pas en mentant par humilité, que sainct Paul confessoit, qu’en luy, c’est à dire, en sa chair, aucun bien n’habitoit. […] Là, il condamne comme choses perverses toutes affections de la chair : & puis definit que la chair est tout ce qu’il a de soy-mesme[21].
Au moyen de ces citations pauliniennes, Calvin a voulu étayer tant le radicalisme de Luther que le sien. La récurrence de mots exprimant le couple totalité-nullité contribue bien à véhiculer l’idée de la profondeur du mal humain. « Toutes [Omne] les conceptions du cœur »; « […] pervers sur toutes [omni] choses » ; « Tous [Omnes] ont decliné » ; « il n’y en a point [non] » ; « pas un [ne unus] » ; « en luy […] aucun bien n’habitoit [non habitare in se […] bonumus] » ; « toutes affections de la chair [totum carnis ingenium] ».
Voire, veu que tout l’homme a peché, & non pas seulement en quelque partie de sa personne, se faut-il esbahir si on dit qu’il s’est perdu en tout & par tout ?[22]
Les effets de la perversité humaine qui découlent de la chute adamique se font sentir en toutes les parties de l’homme : « en tout & par tout », notamment en l’arbitre de sa volonté. Ceci signifie « qu’il ne peut en partie quelconque de sa personne tendre à Dieu de soy-mesme[23] ».
Ainsi, nous voyons, d’une part, que pour Calvin le péché est radical et profond : il s’enracine dans le cœur humain. D’autre part, il est pénétrant ou immanent, c’est-à-dire qu’il pénètre et s’étend à toutes les composantes de l’homme, touche chacune de ses facultés et entraîne des répercussions sur tous les aspects de son existence, toutes les facultés de son âme[24]. C’est ce que l’on appelle la doctrine de la déchéance totale. C’est la conséquence du péché sur le plan de son étendue. En raison de cette situation, la grâce salvifique devra suppléer à ce manque par le truchement de la nouvelle naissance, rendue nécessaire par cet état de choses.
2. La servitude du péché
En se fondant sur la distinction scolastique entre dons naturels et dons surnaturels, Pighius soutenait que la chute adamique n’a pas eu de répercussions sur l’arbitre humain, parce que les dons naturels n’ont pas été perdus. La liberté de choix en ce qui concerne le bien ou le mal – ce que Anthony N.S. Lane appelle la liberté éthique – est demeurée intacte, conception que Dewey J. Hoitenga appelle « maximaliste »[25] en ce qui concerne l’arbitre postlapsaire.
Toutesfois la somme en revient là, que quand nous traittons de la cognoissance de Dieu & de nous, & faisons comparaison de l’un à l’autre, nous ne pouvons entendre que le jugement de Dieu soit juste, sinon que nous sachions que nous avons un franc Arbitre, c’est à dire, une volonté libre, & qu’il est en nostre puissance d’obeir aux commandemens, d’eviter le mal, faire le bien, & au contraire[26].
De son côté, Calvin soutient que l’arbitre humain – tout comme les autres éléments de sa constitution (dons naturels) – est asservi au mal. Ceci représente le deuxième d’une série d’aphorismes relatifs à la sotériologie augustinienne.
Ainsi, c’est par la seule grace de Dieu que les hommes sont affranchis de la servitude de peché : & sans icelle ils ne font du tout aucun bien, ni quant à la pensée, ni quant au vouloir & affection, ni quant à l’effet[27].
L’arbitre humain n’est plus franc ou libre, il est serf, d’où l’expression de Luther : « serf arbitre ». En régime postlapsaire, l’homme a perdu sa liberté éthique originelle, tout comme la capacité obédientielle qui lui était assortie (capacité obédientielle : capacité d’obéir à la loi et aux commandements divins).
Parquoy, toutes fois & quantes que Pighius nous recommencera sa premiere chanson, que la volonté de l’homme est dite libre, qu’il n’oublie pas aussi d’entendre pour response, non pas de moy, mais de la bouche de S. Augustin, Que la volonté a esté libre lors qu’elle estoit saine : mais que maintenant estant navrée si avant & jusques à la mort, elle a besoin de faire humble confession de la povreté, & non pas de se defendre fierement[28].
En ce sens, il n’a plus la puissance d’effectuer le choix du « bien », comme « souverain bien », c’est pourquoi il ne peut initier son propre retour à Dieu, soit en précédant la grâce, soit en coopérant à celle-ci. C’est ce que Hoitenga[29] appelle la conception « minimaliste » de l’arbitre humain postlapsaire.
Par conséquent, l’arbitre humain est asservi et devra être libéré. Cette libération prendra place au moment de la régénération spirituelle. Ainsi le serf arbitre deviendra réellement et définitivement libre, selon la promesse de Jésus : « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres. » (Jean 8.36)
II. Le salut
Dans cette deuxième section, où nous traiterons de la doctrine du salut dans la Response, nous tenterons de synthétiser plus particulièrement les éléments sotériologiques liés à l’irrésistibilité de la grâce divine. Préliminairement, nous aborderons la question de la visée du salut, afin de fournir les raisons fondamentales qui ont motivé la formulation calvinienne. Ensuite, nous élaborerons de façon plus détaillée la notion de la grâce, fondement du salut en ses différents aspects.
A. La visée du salut : la gloire de Dieu
Pour quelle raison Calvin adopte-t-il une perspective si « sombre » de l’humain, d’une part, et si élevée de Dieu, d’autre part ? Ce n’est pas par misanthropie, mais plutôt par un souci d’être le plus fidèle au tableau que dépeint l’Ecriture Sainte en sa description du mal humain, donnant toute gloire à Dieu seul en ce qui concerne le salut.
Ainsi, ce qui motive Calvin dans l’élaboration tant de son anthropologie que de sa sotériologie, c’est la gloire de Dieu, ce que nous appelons le motif doxologique. Le pécheur doit apprendre à « dependre entierement de Dieu », à « se remettre du tout en luy », et à remettre toute louange à Dieu « pleinement & entierement »[30]. En effet, la distinction entre l’état originel (prélapsaire) de l’homme et l’état de déchéance (postlapsaire) amène le croyant à donner toute gloire à Dieu, attribuant tous les éléments du salut, y compris l’initium fidei (l’origine de la foi), c’est-à-dire les premiers mouvements spirituels de l’âme, à Dieu et à l’action antécédente de sa grâce en vue de la libération du serf arbitre.
A l’opposé du système pélagio-pighien de la parité homme-Dieu dans le salut, le diagnostic calvinien de l’homme entraînera une conséquence sur le plan doxologique directement proportionnelle à sa profondeur. Au mal radical correspond le caractère radical de l’action divine. Soli Deo gloria!
B. Le fondement du salut : la grâce
Si Dieu donne ce qu’il ordonne, c’est en vertu de sa grâce infiniment variée et qui surabonde « là où le péché a abondé ». Le thème de la grâce, cette provision divine où Dieu accorde ce que l’homme ne peut fournir, sera le fondement, le départ, le centre, puis l’aboutissement de la sotériologie calvinienne. Ainsi, nous considérerons l’aspect protologique de la grâce (l’élection éternelle), son aspect téléologique (le particularisme) et, plus en détail, son aspect dynamique (le monergisme et l’irrésistibilité).
1. La grâce de l’élection éternelle
Comme nous l’avons souligné, la doctrine avec laquelle le nom de Jean Calvin a été le plus associé est certainement celle de la prédestination. En sa version calvinienne, la doctrine de la prédestination comporte d’une part l’élection des croyants, d’autre part la réprobation des impies. Puisque Calvin a choisi de n’aborder ces questions que dans le deuxième volet de sa réplique à Pighius, le traité De la predestination eternelle, la présente section ne traitera succinctement que du sujet de l’élection, puisqu’il n’a été abordé que de manière indirecte dans la Response.
La doctrine de la gratuitam Dei electionem[31] est le fondement éternel du salut en ses diverses phases, nommément, le début (l’initium fidei), la confirmation concrète « jusqu’à la fin », jusqu’à son achèvement dans la gloire. D’après le réformateur de Genève, c’est en effet avant la fondation du monde que le choix divin a été établi en ce qui concerne le salut.
L’élection éternelle représente la cause ultime du salut, par laquelle Dieu, de toute éternité et par pure grâce, prédestine au salut un nombre déterminé d’hommes et de femmes[32] selon son « propos »[33], c’est-à-dire en vertu de son choix souverain, sans tenir compte de prédispositions humaines favorables ou de bonnes œuvres qu’il aurait connues à l’avance (la prescience). Ce choix, appelé « volonté secrète de Dieu », a été appelé ultérieurement, dans la scolastique protestante, « volonté décrétive »[34]. Tout comme d’autres phases initiales de l’ordo salutis, l’élection est accomplie de manière monergique par Dieu, c’est-à-dire sans aucune intervention humaine.
2. La grâce particularisante
Puisque, dans le cadre du décret d’élection, Dieu détermine de sauver un nombre défini d’individus, et non la totalité des membres de l’humanité, la grâce salvifique qui sera accordée n’est pas universelle, mais de portée définie, particulière, voire particularisante[35]. Cette grâce est « octroyée par un don singulier de Dieu[36] ». La doctrine calvinienne n’est pas un universalisme dans le cadre duquel, en vertu de l’œuvre de la grâce et de la rédemption, chaque humain serait, soit effectivement, soit hypothétiquement sauvé, et ce, malgré lui ; elle est plutôt un particularisme dans le cadre duquel certains ont été prédestinés au salut et seront appelés et certainement assurément sauvés, et ce, en vertu du décret éternel qui est infaillible et immuable. Ceci met en évidence la dimension téléologique de la grâce[37]. En effet, cette grâce, comme le soulignera plus tard K. Barth, comporte, un but[38]. Cet aspect est présent dans la discussion calvinienne sur l’élection, sur la visée particularisante de la grâce, et sur l’efficacité de la grâce.
Selon Calvin, la portée de l’appel ou « vocation » est la même que celle de l’élection : ceux qui sont appelés ont été « appellez selon […] le propos de Dieu[39] ». Cet appel est à distinguer de l’appel externe. Alors que celui-ci est de portée universelle, s’adressant à tous ceux qui entendent l’Evangile, celui-là est de portée définie, s’adressant aux élus, appelés aussi « les siens », parce qu’ils appartiennent à Dieu par grâce en vertu du décret d’élection.
Le particularisme calvinien est à distinguer de la position pighienne qui préconise que la grâce est présentée universellement et de manière indifférente, et accordée de manière contingente à la réponse humaine. Mais Pighius estime que Dieu veut tous hommes estre convertis : & que pourtant il presente son aide egalement à tous : & que par ainsi il est en nostre puissance de vouloir ou ne vouloir pas : que si nous n’avons les premiers vouloir, qu’il ne se convertit pas à nous[40].
Ici, nous pouvons affirmer trois choses en ce qui concerne la sotériologie pighienne, telle que nous le rapporte Calvin : pour Pighius, la grâce est présentée universellement, également, et est accordée de manière contingente à la réponse humaine.
3. La grâce monergique et prévenante
Pour Calvin, à l’instar d’Augustin, plusieurs éléments du salut sont mis en œuvre sans aucune participation humaine, c’est-à-dire de manière monergique, contrairement à ce que soutenait Pighius concernant le rôle déterminant du libre arbitre humain[41].
Pour Pighius, la grâce est « adjuvante »[42] : elle a pour fonction de faciliter l’œuvre méritoire humaine en vue du salut, et non pas d’en être le fondement unique, contrairement à la notion de la grâce prévenante enseignée par Augustin[43]. Selon le controversiste kampenois, la grâce prévenante est une prédisposition suscitée par Dieu ; elle rend simplement plus sensible aux interpellations divines, sans donc que pour autant ceci aboutisse infailliblement à l’action[44].
A l’opposé, le monergisme calvinien constitue l’adéquation de la grâce à la situation humaine : situation de déchéance radicale qui touche toutes les facettes de la nature humaine, y compris l’arbitre de sa volonté[45]. Puisque l’arbitre humain est touché par la chute adamique, c’est aussi cet arbitre asservi qui doit être libéré par la grâce, celle-ci étant antécédente, prévenante au mouvement de celui-là, ce qui amène à donner toute la gloire à Dieu, attribuant tous les éléments du salut, y compris l’initium fidei, complètement à la grâce divine[46]. Aucune prédisposition favorable ne précède l’opération de la grâce, dans l’ordre des causalités du salut : celle-ci précède plutôt celle-là. Si donc la volonté n’est par la grace de Dieu affranchie de la servitude, par laquelle elle a esté faite captive de peché, & si elle n’est aidée pour surmonter les vices, il est impossible de vivre en droiture & crainte de Dieu. Et si ce benefice de Dieu, par lequel elle est affranchie ne la prevenoit, certes le bien seroit attribué à ses merites : & ce ne seroit plus grace, qui ne peut estre si elle n’est donnée gratuitement[47].
4. La grâce irrésistible
La grâce divine, moyen unique pour suppléer à la carence humaine, est accordée à l’âme de manière prédestinante (préparée de toute éternité), particularisante (avec une portée définie) et monergique (sans dépendre des prédispositions spirituelles). La conséquence finale de cette préparation divine du salut (c’est-à-dire la détermination éternelle de l’élection) et au salut (c’est-à-dire la détermination intra-historique, intra-personnelle de la grâce prévenante), c’est la réalisation du salut, sa communication dans la concrétude de l’expérience humaine.
Nous traiterons de cette advenue irrésistible du salut dans l’âme humaine sous les aspects de a) l’inspiration secrète, b) de l’appel intérieur, efficace et irrésistible, appelé aussi c) « attrait » de l’âme. Ces éléments sont autant d’aspects liés à l’intériorisation initiale du salut.
a. L’inspiration secrète
Premièrement, cette œuvre d’intériorisation initiale du salut par l’Esprit Saint est décrite par Calvin comme une grace secrette[48] ou une inspiration secrette[49]. « Secrète » (occulta) en ce que, d’une part, elle n’est pas initiée par l’homme et lui est imperceptible et, d’autre part, en ce qu’elle fonde sa réponse et son mouvement de retour vers Dieu. Cette motion divine n’est point contraignante, ni violente, mais est opérée à notre insu (elle nous est secrète, elle est opérée inconsciemment), nous amenant, sans aucune intervention de notre part, à désirer le souverain bien. Le réformateur cite les canons 3, 4 et 6 des articles du Concile d’Orange et affirme que le fait même de vouloir être spirituellement purifié, de croire, de demander à Dieu le pardon, est « une affection procedante du S. Esprit qui œuvre en nous[50] ». En vertu de cette action secrète, l’humain est « tiré par moyens admirables à vouloir », parce que ceci est accompli « par celuy qui sait besongner au dedans es cœurs des hommes[51] ». Dieu travaille de manière intérieure, secrète, inclinant « nostre cœur à ce que nous consentions à l’Evangile ». C’est une action qui est antécédente par rapport au mouvement de notre volonté[52]. « Sans nous il œuvre que nous voulions[53]. »
b. L’appel intérieur, efficace et irrésistible
L’appel spécial au salut est un appel intérieur. Les expressions « intérieur » (intrinsecus[54] et interior[55]) et « au dedans » (intus)[56] sont quasi synonymes du mot « secret » (« inspiration secrette »). Il s’agit de la même phase initiale du salut. Par contre, chacune de ces expressions comporte un trait sémantique distinctif. Alors que « secret » évoque la dimension épistémologique (inconscience humaine de l’action divine ; dualité secrète-connue), l’« appel intérieur »[57] évoque la dimension existentielle (caractère profondément expérientiel ; dualité externe-interne/superficiel-profond). L’appel intérieur est rendu nécessaire en raison du caractère non salvifique de l’appel extérieur. D’une part, bien que l’appel extérieur, procédant de la proclamation de l’Evangile, ne sauve pas par lui-même, il permet néanmoins la communication d’une certaine conscience du péché et des réalités spirituelles, de même que l’offre du salut en Jésus-Christ. Il est important parce qu’il est, en fait, le moyen prédéterminé (cause seconde) utilisé par Dieu (cause première) pour implanter en l’homme le désir de la régénération et pour préparer les élus à l’impétration des bénéfices du salut. D’autre part, l’appel intérieur est indispensable, parce qu’il constitue l’œuvre d’intériorisation du message évangélique en vertu de laquelle le Saint-Esprit transforme le cœur afin que la vie spirituelle puisse y « jaillir, jusque dans la vie éternelle » (Jn 4.14).
Outre une inspiration secrète et un appel intérieur, c’est aussi un appel efficace.
L’appel intérieur est efficace en ce sens qu’il atteint effectivement et infailliblement le résultat visé, l’effet voulu et décrété par le Père, nommément le salut des élus. La grace de Dieu besongne avec efficace. Je nie donc que Dieu nous presente tellement sa grace, qu’il soit encore apres en nostre chois ou d’y obeir, ou d’y resister. Je nie qu’elle nous soit donnée seulement pour aider à nostre imbecilité, comme si sans elle il y avoit d’ailleurs en nous quelque pouvoir à bien : mais au contraire j’afferme que c’est entierement une œuvre & benefice de la grace de Dieu […] quand estans reformez de cœur & d’entendement nous voulons ce qu’il faut vouloir[58].
Ici sont soulignées non seulement la cessation effective de la résistance humaine, mais bien la détermination divine amenant infailliblement l’élu à vouloir le souverain bien, le bien salvifique. Il est clairement exprimé ici qu’il n’y a plus de possibilité de refus ou de résistance chez l’homme, en raison de l’efficacité de l’action gracieuse de Dieu pour ses élus.
Ainsi, comme Calvin l’affirme en commentant le prophète Ezéchiel, le cœur de l’élu dans lequel la grâce est agissante n’est pas simplement rendu ployable (non cor tantum flexile[59]), au bien ou au mal. Dieu ne lui donne pas simplement la capacité de choix contraire. La grâce affranchit plutôt l’âme jusque-là serve et agit sur l’arbitre de manière à ce que l’élu connaisse, choisisse et accomplisse effectivement le bien[60]. C’est ce qui est souligné dans le contraste entre l’économie de la grâce en Adam et l’économie de la grâce en Christ. La grâce offerte au premier Adam aurait pu lui accorder la persévérance s’il l’avait voulu. En revanche, la grâce que Dieu accorde aux élus dans le régime de la nouvelle alliance dans le Christ assure l’effet prédéterminé en leur accordant et le vouloir et le faire.
Le premier homme a eu ceste grace de Dieu, non pas de ne vouloir jamais estre mauvais, mais de n’estre jamais mauvais s’il eust voulu persister en icelle : & sans laquelle, mesme avec son franc Arbitre, il ne pouvoit estre bon : mais laquelle toutesfois par son franc Arbitre il pouvoit delaisser. Voila la premiere grace, à savoir, celle qui fut donnée au premier Adam : mais il y en a une autre plus puissante [potentior], qui est au second Adam : laquelle fait que mesme l’homme vueille, & vueille si bien, & aime d’une affection si ardente, que par la volonté de l’Esprit il surmonte la volonté de la chair, qui bataille à l’encontre par ses concupiscences[61].
La grâce du premier Adam pouvait lui accorder, s’il l’eut voulu, la persévérance dans le bien. Elle était disponible et indispensable. Toutefois, il ne l’a pas utilisée. En revanche, la grâce que Dieu accorde aux élus, dans le régime de la nouvelle alliance dans le Christ, en assure l’effet, leur accordant et le vouloir et le faire. Elle est ainsi efficace. Cette grâce d’autant plus grande
est donnée à ceux à qui il plait à Dieu de la donner, afin que nous l’ayons telle que non seulement nous ne puissions sans icelle persister, encore que nous eussions le vouloir, mais si grande & telle que mesme nous ayons le vouloir[62].
Puis, l’appel salvifique est irrésistible. En effet, l’appel intérieur au salut vient à l’homme qui résiste, mais ne l’abandonne pas à sa résistance. Il change sa résistance en obéissance. Cette grâce est non résistée puisque irrésistible. Calvin n’enseigne pas seulement la cessation effective de la résistance humaine, mais bien la détermination divine amenant infailliblement l’élu à vouloir le souverain bien, le bien salvifique et à ne point s’en détourner. Contrairement à ce que soutenait Pighius – que l’homme a le pouvoir d’obtempérer au mouvement divin (motioni divinæ & obtemperare) ou d’y résister (refregari[63]) – le réformateur a bien mis au clair qu’il y a un point où il n’existe plus aucune possibilité de refus ou de résistance chez l’homme, en raison de l’efficacité de l’action gracieuse de Dieu pour ses élus.
Par exemple, en commentant le passage du prophète Jérémie (32.39-40), repris par Pighius à partir de l’Institution de la religion chrétienne, le réformateur fait bien ressortir le caractère irrésistible, radical, antécédent et efficace de la grâce.
Et premierement, quant à ces passages que j’allegue de Jeremie, Je donneray la crainte de mon nom en leurs cœurs, afin qu’ils ne se destournent de moy. Item, Je leur donneray un cœur nouveau, afin qu’ils me craignent tous les jours de leur vie : il dit en un mot, qu’il y a suffisamment respondu, afin de ne perdre plus de temps en une chose où il n’est pas besoin. Mais quant à moy, toute la response que j’ay entendu de luy, c’est qu’il a fort et ferme resisté à ces paroles du Prophete[64].
En dépit du caractère restreint de la réponse de Pighius, Calvin exposera le contenu de ces textes. Alors que, dans l’Institution de la religion chrétienne, ce texte n’est commenté que globalement par le réformateur[65], il bénéficie d’une application plus étendue dans la Response.
Et voici comment, Le Seigneur testifie que c’est luy-mesme qui fait que nous ne nous destournerons point de luy. Si on demande le moyen, il respond que c’est en nous donnant un cœur nouveau. Si cela encores est trop obscur, il adjouste la declaration, Qu’il met sa crainte en nos cœurs. Et que dit à cela Pighius? Que la grace de Dieu fait, que s’il nous plait, nous pouvons ne nous destourner pas : & rien d’avantage : combien qu’encores ne l’accorde-il pas sans exception : car il dit que nous prevenons Dieu, & qu’il donne sa grace, sinon à ceux qui la demandent. Voila ses desterminations magistrales, ausquelles il veut que sans contredit on adjouste foy[66].
Calvin souligne donc, à l’instar du prophète Jérémie, l’irrésistibilité de l’œuvre du salut : « c’est luy-mesme qui fait que nous ne nous destournerons point [non recedamus] de luy ». Lorsque Dieu œuvre de manière salvifique chez un élu, celui-ci ne se détourne pas et ce, en raison du caractère efficace de l’action divine. Cette expression est semblable à celle que nous retrouvons dans le De correptione et gratia d’Augustin, que Calvin cite en fin de livre : « Dieu a subvenu à l’infirmité de la volonté de l’homme en faisant que sa grâce divine la conduit inseparablement & sans luy defaillir[67] » ; un peu plus loin : « la grâce de Dieu indeclinable & inseparable[68] » dont nous traitons ailleurs[69]. Dieu agit en l’homme de sorte qu’il reçoit le salut. Ici, le réformateur affirme l’efficacité et la victoire de la grâce divine sur notre péché, celle-ci nous transformant de l’intérieur. Deuxièmement, ce texte souligne le caractère radical de l’œuvre du salut. Dieu œuvre de l’intérieur et nous donne « un cœur nouveau ». Finalement, en opposition à Pighius, qui affirme une grâce conditionnelle et conséquente à la réponse humaine, Calvin soutient que cette œuvre est antécédente à la réponse humaine, puisque le cœur nouveau accordé par Dieu représente la source de toute réponse repentante et croyante.
Cet aspect de la grâce est exprimé souvent par une terminologie à connotation belliqueuse, en raison de son caractère foncièrement dynamique. En effet, à l’égard de l’enracinement du péché, un déploiement de puissance divine proportionnel au mal humain est requis. Des termes latins spéciaux (comme domitum [dompté], subactum [maté], inclina [encline], dirigat [adresse], flectere [fleschit] et formari [forme][70]) sont utilisés afin de mettre en évidence le caractère monergique et irrésistible de l’œuvre de l’Esprit Saint, comme nous l’avons déjà montré ailleurs en ce qui concerne l’Institution de la religion chrétienne et les commentaires bibliques[71]. En outre, cette terminologie s’enracine dans le terreau de la piété biblique et patristique. Par de telles expressions sont soulignés, d’une part, le caractère profondément rebelle de l’homme déchu, d’autre part, le caractère éminemment puissant et efficace de la grâce agissant de manière profonde en l’homme notamment sur le plan de l’arbitre de sa volonté. C’est-à-dire qu’ayant pris des « gens resistans », il les a faits « obeissans »[72]. C’est en fait la victoire de la grâce sur le péché. Nous verrons, plus loin, que Calvin n’enseigne pas, en dépit de la connotation belliqueuse de ces expressions, une contrainte au salut.
Il importe de rappeler le lien très étroit entre les concepts de « grâce efficace » et de « grâce irrésistible »[73]. Alors que la notion de « grâce efficace » représente la face divine, téléologique de l’œuvre d’intériorisation initiale du salut, parce qu’il renvoie à l’accomplissement effectif, par l’Esprit Saint, du dessein salvifique divin à l’égard de l’élu, « grâce irrésistible » en représente la face humaine et dynamique et renvoie à l’action pneumatologique en vertu de laquelle le pécheur cesse de résister à l’invitation divine au salut. Alors que le concept de « grâce efficace » exprime plus positivement le résultat de la communication de la grâce, à savoir son aboutissement existentiel, celui de « grâce irrésistible » exprime plus négativement la conséquence hamartiologique de cette action salvifique, à savoir la cessation du refus humain.La grace de Dieu n’est pas seulement un instrument duquel l’homme est aidé, s’il luy plaist tendre la main à la recevoir : c’est à dire, qu’elle ne presente pas seulement la faculté d’accepter ou rejetter, en laissant le chois à l’homme : mais qu’elle conduit l’entendement à eslire ce qui est droit, & aussi esmeut avec efficace la volonté à y obeir[74].
c. L’attrait efficace et irrésistible
Enfin, cette œuvre d’intériorisation initiale du salut est également dépeinte comme un attrait divin.
Nous prions pour les infideles, afin que leur mauvaise volonté soit changée en bonne. Et de faict, par une grace secrette de Dieu plusieurs sont soudainement tirez à Christ. Et ceux qui reprouvent ceci, resistent non pas à moy, mais à Christ, qui crie, Nul ne peut venir à moy, sinon que mon Pere l’ait attiré. Car il ne dit pas, L’ait mené : afin que nous ne venions à penser, qu’en cest endroit la volonté de l’homme precede en sorte que ce soit. Dira-on qu’un homme est tiré à une chose, quand desja il la vouloit bien ? Et toutesfois nul ne vient, qui ne le vueille. Il est donc tiré par moyens admirables à vouloir : voire par celuy qui sait besongner au dedans es cœurs des hommes : non pas à ce que les hommes croyent sans qu’ils le vueillent (ce qui ne se peut faire) mais que de gens qui ne veulent pas, ils soyent faits voulans. Voyez-vous pas que les hommes ne peuvent vouloir sinon mal, jusqu’à ce que par un changement merveilleux, leur volonté de mauvaise soit faite bonne ? Que gagne donc Pighius à desguiser ainsi & amoindrir la chose, pour du total en faire une partie ?[75]
Cet attrait est énergique et puissant, ce qui est démontré par les expressions « soudainement tirez » (subito trahuntur), « tiré » (traxerit). Ces expressions ne signifient pas une action violente ou contraignante de la part de Dieu, mais efficace, nous menant d’un état de rébellion à un état de soumission, d’un état de refus à un état de vouloir. Toutefois, cet attrait est accompli en respectant la liberté humaine, c’est-à-dire la volontariété de la régénération spirituelle[76]. Calvin exprime bien ce caractère volontaire, non contraint de l’attrait par le Saint-Esprit.
Le réformateur donne ici l’explication d’Augustin concernant la manière dont la grâce se déploie en l’âme humaine. Il affirme que l’homme est « tiré par moyens admirables à vouloir », parce que ceci est accompli « par celuy qui sait besongner au dedans es cœurs des hommes ». Dieu nous devance, nous « prévient » et il le fait d’une manière qui convient à notre situation, avec congruence. Il s’accommode à notre situation.
Ce texte classique, Jean 6.44, qui concerne l’attrait irrésistible au salut, porte sur l’enseignement intérieur par lequel le Père céleste attire les élus au Fils. Ailleurs, Calvin cite : « Nul ne peut venir à moy si mon Pere ne le tire [ne l’attire][77]. » Cet enseignement intérieur, cette « grace mise secretement és cœurs des hommes », constitue l’un des éléments de l’initium fidei menant les pécheurs à « venir » à Jésus, c’est-à-dire à croire de tout cœur à l’œuvre du rédempteur. Dans une autre exposition du passage, le caractère efficace et irrésistible de la grâce est souligné par le moyen du verbe « tirer », qui traduit le latin trahere, rendu en français moderne par « attirer »[78]. Calvin cite Augustin qui spécifie que ce mot est des plus importants, et contraste avec le mot ducere, qui signifie « conduire » ou « mener », action accordant plus d’autonomie à l’arbitre humain, ce qui sous-entendrait un synergisme. Contrairement à Pighius qui, à la suite de Chrysostome, enseignait « que Dieu n’attire sinon ceux qui veulent estre attirez »[79], Calvin soutient l’attrait monergique au salut qui ne présuppose pas le bon vouloir humain, mais plutôt le fonde.
Quand par l’admonition les hommes viennent à la voye de justice, ou s’en estans esgarez, y retournent : qui est-ce qui œuvre salut en leurs cœurs, sinon celuy mesme qui donne l’accroissement, quand l’un plante & l’autre arrouse, à savoir Dieu? & auquel, quand il veut sauver, volonté [arbitre] de l’homme, quel qu’il soit, ne peut resister[80].
Si l’être humain est attiré au salut, comme nous l’avons souligné, ce n’est pas en raison d’une coercition de la part de Dieu. Dieu œuvre sur le plan intérieur afin que les désirs, les choix et l’arbitre de la volonté de l’humain soient changés. Le pasteur genevois commente Augustin :
Mais il ne dissimule pas puis apres, d’où vient ce mouvement non contraint, & cest effort volontaire. Car ayant dit que c’est une œuvre de Dieu, tant de nous faire avoir cognoissance de ce qui nous estoit caché, que de nous faire trouver doux ce qui ne nous plaisoit point : ayant aussi enseigné que ce n’est point de la faculté de l’homme, mais d’un don de Dieu, ou que nous savons ce qui est bon, ou que nous y prenons plaisir[81].
Il amène l’homme à trouver son plaisir (delectamur) dans le souverain bien et à lui faire trouver doux (suave fiat) ce qui ne lui plaisait point. Ainsi, l’âme est attirée au Sauveur, non par contrainte, mais par un émerveillement concernant les innombrables richesses et bontés du Royaume de Dieu qui sont rendues suaves à son âme. Le Saint-Esprit opère cette œuvre de grâce en sorte que « d’une volonté invincible nous appetions ce qui est bon[82] ». C’est ce que l’on a appelé, en tradition augustinienne, la delectatio victrix[83]. Cette delectatio victrix se trouve attestée, notamment, par la célèbre prière de Calvin : « Cor meum velut mactatum Domino in sacrificium offero » (« J’offre mon cœur en sacrifice d’immolation à ta sainte volonté[84]. »). Le cœur travaillé par la grâce divine ne peut s’empêcher d’offrir son cœur présenté en sacrifice d’immolation à son Dieu, mû par l’amour salvateur et libérateur.
Conclusion
Notre étude nous amène à conclure que la notion de grâce irrésistible n’est pas un durcissement des successeurs de Calvin, mais se trouve bel et bien attestée en l’occurrence dans sa Response. Nous avons vu qu’elle fait partie d’un complexe doctrinal cohérent et que le réformateur a voulu fonder sur l’Ecriture Sainte tout en faisant référence aux écrits de saint Augustin.
Nous pouvons mentionner en terminant l’importance de la grâce irrésistible : 1) Sur le plan de la piété chrétienne. Elle permet un décentrement de l’homme par rapport à lui-même et l’amène à contempler avec reconnaissance l’auteur de son salut de qui découle tout don parfait et à lui donner toute la gloire. Soli Deo gloria. 2) Sur le plan spirituel. Celui qui découvre que sa conversion est le fruit de l’action divine irrésistible prendra aussi conscience de son élection éternelle, ce qui ouvre une perspective tout à fait libératrice, décloisonnante quant à la vie. En effet, découvrant que son salut tire son origine loin en dehors du cercle limité de sa petite histoire humaine, il remonte jusqu’à sa source supra-historique, car il devient conscient alors que Dieu l’aime « d’un amour éternel » (Jr 31.3). 3) Sur le plan psychologique[85]. Sachant que Dieu est l’initiateur du salut, ayant régénéré l’âme du croyant par sa force toute-puissante, ce dernier sait que Dieu terminera cette œuvre de salut commencée et qu’il ne le laissera pas tomber. Il peut reprendre les paroles de saint Paul et dire :
J’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. (Rm 8.38s)
La doctrine de la grâce irrésistible est un réconfort pour le croyant qui sait que si « le salut vient de l’Eternel » (Jon 2.10), il peut rester assuré d’être inconditionnellement accepté par son Père céleste.
* Pinard est chargé de cours à la Faculté de théologie évangélique de Montréal (Université Acadia), spécialiste en histoire de la doctrine chrétienne, et il enseigne aussi la théologie systématique. Il travaille comme traducteur à Ottawa et est responsable d’une Eglise réformée baptiste en implantation à Aylmer, au Québec.
[1] Le présent article est une adaptation des premier et cinquième chapitres de notre thèse doctorale, « La notion de grâce irrésistible dans la Response aux calomnies d’Albert Pighius de Jean Calvin », 2006, Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec. En ligne : http://www.theses.ulaval.ca/2006/24111/24111.pdf. Concernant la relation entre le débat Erasme-Luther (1524-1527) et le débat Calvin-Pighius (1539-1552), voir Jean Calvin, Defensio sanæ et orthodoxæ doctrina de servitute et liberatione humani arbitrii, éd. A.N.S. Lane, Graham I. Davies. Ioannis Calvini Opera Omnia Series IV: Scripta didactica et polemica 3, Genève, Droz, 2008 (prochaines références : Defensio, 2008, 56-58).
Jean Calvin, Response aux calomnies d’Albert Pighius : contenant la defense de la doctrine chrestienne touchant la servitude & delivrance du franc arbitre de l’homme : contre diverses opinions contraires, dans Recueil des opuscules, c’est-à-dire petits traictez de M. Jean Calvin, seconde éd., Genève, Iacob Stoer, 1611, 288-494 (prochaines références : RCAP, RO, 288-494) ; version anglaise : John Calvin, The Bondage and Liberation of the Will, A Defense of the Orthodox Doctrine of Human Choice against Pighius, trad. G.I. Davies, A.N.S. Lane, dir., Carlisle, Paternoster, Grand Rapids, Baker, 1996.
[2] A.N.S. Lane, John Calvin, Student of the Church Fathers, Grand Rapids, Baker Books, 1999, chap. 6, 7. Voir aussi notre article « Le débat sur la grâce et le libre arbitre : La Response aux calomnies d’Albert Pighius – contexte et synthèse théologique », in La Revue Farel, vol. 4, 2009, 37-67 ; cf. P. Pidoux, Albert Pighius, adversaire de Calvin, 1932, 112-122. Thèse doctorale, Université de Lausanne, Lausanne.
[3] A. Pighius, De libero hominis arbitrio et de gratia divina, Coloniæ, 1542, 10 vol. (microfilm de l’Université de Chicago, Ill., Univ. Chicago). Les six premiers volumes sont maintenant rendus accessibles en fac-similé dans l’édition critique de la version latine de la Response ; voir Defensio, 2008, 331-450 (prochaines références : DLA, fol.1-107 (Defensio, 2008, 331-450).
[4] RCAP, RO, 289s, 295, de même qu’en écrivant à Guillaume Farel, le 15 décembre 1542, A.-L. Herminjard, Correspondance des réformateurs, Nieuwkoop, B. De Graaf, 1966, 220s. Voir P. Pidoux, op. cit., 117 ; cf. L.F. Schulze, Calvin’s Reply to Pighius, Potchefstroom, Human Sciences Research Council, Publication series, n° 9, 1971, 18. Pour un traitement détaillé, voir A.N.S. Lane, « Calvin and the Fathers in his Bondage and Liberation of the Will », 151-153.
[5] M. Luther, Traité sur le serf arbitre (De servo arbitrio), Paris, Je Sers, Genève, Editions Labor et Fides, 1937, 334.
[6] Le terme théologique « arbitre », vieille traduction de arbitrium, est généralement utilisé pour renvoyer à cette capacité de faire le choix du souverain bien. Nous avons opté pour une restauration de l’usage absolu du terme « arbitre » en son sens philosophique. Si nous voulons un terme plus moderne, il devrait être traduit par « choix » et non par « volonté », qui sert à traduire plutôt voluntas. Voir R.A. Muller, Dictionary of Latin and Greek Theological Terms. Drawn principally from Protestant Scholastic Theology, Grand Rapids, Baker Books, Carlisle, Paternoster Press, 1985, 43, 176s, 330s. Remarquons que, souvent, l’original latin ne comporte que le mot arbitrium, sans l’adjectif liberum.
[7] RCAP, RO, 327 ; 363s ; CO 6.264 ; Defensio, 2008, 115s ; BLW, 47.
[8] RCAP, RO, 353 ; CO 6.286 ; BLW, 77s.
[9] RCAP, RO, 359 ; 439 ; CO 6.290 ; 358 ; Defensio, 2008, 154 ; 261 ; BLW, 84, 182.
[10] RCAP, RO, 322; CO 6.259 ; Defensio, 2008, 108 ; BLW, 40.
[11] H. Blocher, Le mal et la croix, Méry-sur-Oise, Les Editions Sator, Collection Alliance, 1990, 131-133. Nous parlons ici d’une détermination peccamineuse naturelle, car Calvin reconnaîtra la détermination du décret divin, en ce qui a trait à la chute adamique, comme le souligne L. Jaeger, dans « Diverses formes de nécessité dans l’Institution chrétienne de Jean Calvin », dans La Revue réformée, vol. 54, n° 221 (janvier 2003), 54-69, 62 ; IRC 1.xv.8.
[12] RCAP, RO, 327 ; CO 6.263 ; Defensio, 2008, 115 ; BLW, 46s.
[13] A. Pinard, « La notion de grâce irrésistible dans la Response », chapitre 4, section 3.4.2 (L’adiutorium quo : la « grace perpetuelle du Regne de Christ »), 284.
[14] Ibid., chapitre 2, section 4.5, 98s. Saint Augustin, De correptione et gratia (De la correction et de la grâce), XI, 31-32, Œuvres de Saint Augustin, vol. 24, Paris, Desclée de Brouwer, 339-343 (prochaines références : De corr. et gratia, XI, 31-32, 339-343).
[15] RCAP, RO, 398 ; CO 6.324 ; Defensio, 2008, 206 ; BLW, 133.
[16] DLA, fol. 79a (Defensio, 2008, 422) ; RCAP, RO, 441; CO 6.360 ; BLW, 184 ; A. Pinard, « La notion de grâce irrésistible dans la Response », chapitre 4, section 2.2.2., 234.
[17] RCAP, RO, 442 ; CO 6.361 ; BLW, 185 ; DLA 79a (Defensio, 2008, 422).
[18] DLA, fol. 49b (Defensio, 2008, 393) : « In hac difficultate & pugna, quod possit tandem victor euadere, opus habet adiutrice diuina gratia » ; RCAP, RO, 375 ; CO 6.304 ; BLW, 104. P. Pidoux, op. cit., 147 ; L.F. Schulze, Calvin’s Reply to Pighius, 63 ; cf. RCAP, RO, 376.
[19] BLW, 184, note 88. Comme le fait remarquer Lane, Calvin fera référence de manière plus explicitement favorable à la distinction dons surnaturels-naturels, dans les éditions de 1559 et de 1560 de l’Institution de la religion chrétienne.
[20] RCAP, RO, 394 ; CO 6.320 ; Defensio, 2008, 201 ; BLW, 128.
[21] RCAP, RO, 329 ; CO 6.265 ; Defensio, 2008, 117 ; BLW, 49. Citations de Gn 6.5, 8.21 ; Jr 17.9 ; Ps 14.3 ; Rm 3.12, 7.17.
[22] CO 6.351 ; Defensio, 2008, 250 : « sed totus, quid mirum, sise totum dicatur perdisse ? »
[23] RCAP, RO, 431 ; CO 6.351 ; Defensio, 2008, 251; BLW, 173.
[24] Concernant le caractère pénétrant de la déchéance humaine, voir RCAP, RO, 394, 400, 466 ; CO 6.320, 325s, 381 ; Defensio, 2008, 201, 208s, 294s ; BLW, 128, 135s, 213 ; cf. IC 2.1.9 ; 2.2.12-16, 18-20, 22-27.
[25] D.J. Hoitenga Jr., John Calvin and the Will : a Critique and Corrective, Grand Rapids, Baker, 1997, 88s, 152, note 16.
[26] RCAP, RO, 308 ; CO 6.247 ; cf. Defensio, 2008, 91; BLW, 24; cf. DLA, fol. 5a (Defensio, 2008, 348) :
« De la sorte nous ne pouvons pas comprendre le juste jugement de Dieu envers nous, à moins que nous comprenions que notre volonté est dotée du libre arbitre, & qu’il est placé en nous, pour que nous obéissions, nous conseillant de décliner le mal, et de faire le bien, et afin que nous ne négligions, ni ne méprisions ses rappels, de même qu’il puisse être plus clairement suivi. »
[27] RCAP, RO, 395 ; CO 6.322 ; Defensio, 2008, 203 ; BLW, 130.
[28] RCAP, RO, 364 ; CO 6.295 ; Defensio, 2008, 161; BLW, 91. Augustin, De natura et gratia (La nature et la grâce), LIII, 62, Œuvres de Saint Augustin, vol. 21, 363 (prochaines références : De nat. et gratia, LIII, 62, 363).
[29] Hoitenga, op. cit., 85-91.
[30] RCAP, RO, 320s ; CO 6.257 ; Defensio, 2008, 107 ; BLW, 39.
[31] CO 6.338 ; cf. Defensio, 2008, 229.
[32] Voir sur ce sujet Institution de la religion chrétienne (IRC 3.21-24) ; cf. Ioannis Calvini, De æterna Dei ecclesiastica, nº 1, 18-269 (prochaines références : DÆDP ; 18-269).
[33] RCAP, RO, 419, CO 6.342 ; Defensio, 2008, 235 ; BLW, 159s. Calvin cite Augustin: De corr. et gratia, VII, 14 et XVI, 49, 298s, 378s.
[34] Richard A. Muller, Post-Reformation Reformed Dogmatics, The Rise and Development of Reformed Orthodoxy, vol. III, Grand Rapids, Baker Academics, 2003, 439-440, 459-461 ; IRC 1.xviii.1, 3 ; 3.xxiii.8.
[35] Pour une discussion du particularisme, y compris de ses variantes en théologie de tradition réformée, voir B.B. Warfield, dans The Plan of Salvation, Grand Rapids, Eerdmans Publishing Co., 1966, 22-25, 28, 31.
[36] RCAP, RO, 386 ; CO 6.314 ; Defensio, 2008, 191 ; Augustin, Livre sur l’Esprit et la lettre (De spiritu et littera), 9, 15, Œuvres complètes de saint Augustin, évêque d’Hippone, vol. 30, Paris, Librairie de Louis Vivès, 1872, 136-138 (prochaines références : De spir. et litt., 9, 15, 136-138).
[37] K. Barth parlera plus tard de la « puissance téléologique », de la « portée téléologique » de la grâce, qui « a un but précis ». « La grâce est le mouvement et la direction correspondant à la destination humaine. Ce n’est donc pas pour rien qu’elle touche l’homme mais pour agir sur lui à sa manière. » Voir Dogmatique, II, 2, Genève, Labor & Fides, 1959, 60.
[38] K. Barth, op. cit., 60s.
[39] RCAP, RO, 419 ; CO 6.342 ; Defensio, 2008, 235 ; BLW, 159s. Calvin cite Augustin, De corr. et gratia, VII, 14 et XVI, 49, 298s, 378s.
[40] RCAP, RO, 467 ; CO 6.382 ; Defensio, 2008, 296 : « ideoque pariter omnibus suum auxilium offerre : itaque nostræ esse potestatis, velle aut nolle » ; cf. BLW, 214, et DLA, fol. 80ab (Defensio, 2008, 423s).
[41] DLA, fol. 54b, 55a (Defensio, 2008, 398) ; RCAP, RO, 386 ; CO 6.314 ; Defensio, 2008, 191 ; BLW, 119.
[42] DLA, fol. 49b (Defensio, 2008, 393) ; RCAP, RO, 375 ; CO 6.304 ; Defensio, 2008, 175; BLW, 104. P. Pidoux, op. cit., 147 ; L.F. Schulze, Calvin’s Reply to Pighius, 63 ; cf. RCAP, RO, 376. Ici nous utilisons le terme « adjuvante » non pas au sens augustinien, mais dans un sens très général, non monergique, suivant l’usage de Pidoux, comme translitération du terme « adiutrice ».
[43] RCAP, RO, 380 ; CO 6.308; Defensio, 2008, 181s ; BLW, 110s. Augustin, Contra duas epistulas pelagianorum libri quattuor (Réplique en quatre livres à deux lettres de pélagiens), 1.19.37, Œuvres de Saint Augustin, vol. 23, Paris, Desclée de Brouwer, 1974, 385-387 (prochaines références : C. ep. Pel., 1.19.37, 385-387).
[44] DLA, fol. 80b (Defensio, 2008, 424).
[45] Supra, 1.2.1. Le caractère radical du péché.
[46] « Car l’homme a peu tomber volontairement, c’est-à-dire d’un franc Arbitre : mais non pas de mesme se relever. » RCAP, RO, 365 ; CO 6.296 ; Defensio, 2008, 163 ; BLW, 93. Augustin, Les deux livres des Rétractations (Retractationes), 1.9.6., Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, 1864, Œuvres complètes de saint Augustin, vol. 2, p. 317 (prochaines références : Retr., 317), résumant De lib. arb., 2.20.54. Le texte apparait aussi en RCAP, RO, 364 première ligne ; CO 6.295 ; Defensio, 2008, 162.
[47] RCAP, RO, 364 ; CO 6.295 ; Defensio, 2008, 162 ; BLW, 92. Augustin, Retr., 1.9.4., 315, citant De lib. arb., 2.20.54.
[48] RCAP, RO, 380 ; CO 6.308 ; Defensio, 2008, 182 ; BLW, 110s. Augustin, C. ep. Pel., 1.19.37, 385-387.
[49] RCAP, RO, 419 ; CO 6.341 ; cf. Defensio, 2008, 235 ; BLW, 159.
[50] RCAP, RO, 356 ; cf. CO 6.289 ; Defensio, 2008, 151 ; BLW, 81. Voir le texte français dans « IIe Concile d’Orange », canons 3 et 4, dans La foi catholique, Textes doctrinaux du Magistère de l’Eglise sur la foi catholique, Paris, Editions de l’Orante, 1969, 339s.
[51] CO 6.354 ; Defensio, 2008, 255.
[52] RCAP, RO, 387 ; CO 6.314s ; Defensio, 2008, 191s ; BLW, 120. Augustin, Tractatus in Iohannis Evangelium (Homélies sur l’Evangile de saint Jean), XVII-XXXIII (XXIX, 6) ; Œuvres de Saint Augustin, vol. 72, Paris, Desclée de Brouwer, 1977, 608s (prochaines références : Tractatus, 72, XXIX, 6, 608s).
[53] RCAP, RO, 389 ; 420 ; CO 6.316 ; 342 ; Defensio, 2008, 195, 236 ; BLW, 122s, 160. Augustin, De grat. et lib. arb., XVII, 33, 167 : vocat nos sine nobis.
[54] Le mot intrinsecus apparaît deux fois dans le traité : CO 6.313 (1), 341 (1) ; Defensio, 2008, 190 (1), 235 (1).
[55] Le mot interior apparaît trois fois dans le traité. CO 6.253 (1), 280 (1) ; 384 (1) ; Defensio, 2008, 190 (1), 235 (1).
[56] RCAP, RO, 419 ; CO 6.342 ; cf. Defensio, 2008, 235 ; BLW, 159.
[57] Le syntagme Interior vocatio n’apparaît pas dans la Defensio, il apparaît dans l’Institution de la religion chrétienne, 3.xxiv.2.
[58] RCAP, RO, 432 ; CO 6.352s ; Defensio, 2008, 252s ; BLW, 174.
[59] RCAP, RO, 464 ; CO 6.379s ; Defensio, 2008, 292 : « non cor tantum flexile in utramque partem redditurum se promittit, ut tam resistendo, quam obediendo paratum aptumque sit ». BLW, 211.
[60] RCAP, RO, 396 ; CO 6.322 ; Defensio, 2008, 203 ; BLW, 130. Augustin, De prædestinatione sanctorum, Liber ad Prosperum et Hilarum, Œuvres de Saint Augustin, vol. 24, Paris, Desclée de Brouwer, 1962 (prochaines références : De præd. sanct., II, 6).
[61] RCAP, RO, 434s ; CO 6.355 ; Defensio, 2008, 256 ; BLW, 177. Pour plus de détails, voir A. Pinard, « Coup de grâce », in Théologie évangélique, vol. 8, n° 3, 2009, 161-179.
[62] RCAP, RO, 435 ; CO 6.355 ; Defensio, 2008, 256 ; BLW, 178.
[63] DLA, fol. 84b (Defensio, 2008, 428). Pighius cite l’Institution à partir de la version latine de 1539, qui trouve son équivalent dans la version française de 1541 : Institution de la religion chrestienne, texte de la première éd. française (1541), réimprimé (sous dir.) Abel Lefranc, Paris, Librairie Honoré Champion, 1911, vol. 2, 77 (prochaines références : IRC 1541 (1541, 2.77) (IRC 2.3.10).
[64] RCAP, RO, 479 ; CO 6.392 ; cf. Defensio, 2008, 310s ; BLW, 228. DLHA, fol. 96b et IRC 2.iii.8 (1541, 2.75). Jeu de mots sur la question de la résistance de Pighius aux paroles jérémiennes.
[65] IRC 2.iii.8 (1541, 2.75).
[66] RCAP, RO, 479s ; CO 6.392s ; cf. Defensio, 2008, 311 ; BLW, 228.
[67] RCAP, RO, 491 ; CO 6.402 ; cf. Defensio, 2008, 327 ; BLW, 242.
[68] RCAP, RO, 492 ; CO 6.404 ; cf. Defensio, 2008, 328 ; BLW, 243s.
[69] Calvin cite le De correptione et gratia d’Augustin.
[70] CO 6.367 ; Defensio, 2008, 273 ; RCAP, RO, 457, CO 6.374 ; Defensio, 2008, 284 ; BLW, 204 ; cf. IRC 2.iii.6 (1541, 2.73). Voir DLA, fol. 86b (Defensio, 2008, 430).
[71] A. Pinard, La doctrine de la grâce irrésistible chez Jean Calvin, 1994, 146-149. Mémoire de maîtrise, René-Michel Roberge, dir., Faculté de théologie, Université Laval, Québec. De tous les ouvrages consultés, le traitement le plus complet du thème de la guerre comme métaphore est certainement celui d’O. Millet, Calvin et la dynamique de la parole, Etude de rhétorique réformée, Genève, Editions Slatkine, 1992, 678-682.
[72] RCAP, RO, 450 ; CO 6.368 ; Defensio, 2008, 275 ; BLW, 194. Tiré du traité Augustin, C. ep. Pel., 4.9.26, 620-623.
[73] A. Pinard, La doctrine de la grâce irrésistible chez Jean Calvin, 133-135 ; B.A. Ware a fait aussi une remarque semblable dans Bruce A. Ware, « The Place of Effectual Calling and Grace in a Calvinist Soteriology », in T.R. Schreiner and B.A. Ware, dir., The Grace of God, the Bondage of the Will, vol. 2, 339-363 (+346s).
[74] RCAP, RO, 383 ; CO 6.311 ; Defensio, 2008, 186 ; BLW, 114.
[75] RCAP, RO, 380 ; CO 6.308 ; Defensio, 2008, 182 ; BLW, 110s. Augustin, C. ep. Pel., 1.19.37, 385-387. Sur Jn 6.44, voir B.A. Ware, The Grace of God, the Bondage of the Will, 352ss. L’auteur souligne le caractère tant sélectif qu’efficace de l’attrait divin, en opposition à la position pélagienne et arminienne qui lui attribue plutôt un caractère universel et résistible.
[76] RCAP, RO, 488 ; CO 6.400 ; Defensio, 2008, 323 ; BLW, 238s.
[77] RCAP, RO, 397 ; CO 6.323 ; Defensio, 2008, 204s ; BLW, p. 132.
[78] CO 6.354 ; Defensio, 2008, 255.
[79] DLHA, fol. 98a (Defensio, 2008, 441) ; RCAP, RO, 483 ; CO 6.395 ; cf. Defensio, 2008, 315 ; BLW, 232.
[80] RCAP, RO, 489 ; CO 6.400 ; Defensio, 2008, 323s ; BLW, 239. De corr. et gratia, XIV, 43, 366s.
[81] RCAP, RO, 438s ; BLW, 182 ; CO 6.358 ; Defensio, 2008, 261 ; voir Augustin, Sur la peine et la rémission des péchés, Paris, Librairie de Louis Vives, 1872, « Œuvres complètes de saint Augustin », vol. 30, 2.17.26s.
[82] RCAP, RO, 492 ; CO 6.403 ; Defensio, 2008, 328 ; BLW, 243 ; cf. IRC 2.iii.13 (1541, 2.81).
[83] I. Bochet, Saint Augustin et le désir de Dieu, Paris, 1982, 322 ; voir aussi pp. 295-334.
[84] Ce texte est le fameux passage dans lequel Calvin, dans une lettre écrite de Strasbourg à Guillaume Farel, énonce le principe moteur de sa vie. En répondant à l’invitation de Farel de revenir à Genève, il affirme que, bien qu’il soit réticent à l’idée de revenir à Genève pour reprendre le ministère, il offre son cœur comme un sacrifice présenté à Dieu. Voir Jean Calvin, Farellus Calvino, Lettre 249, dans Thesaurus Epistolicus Calvinianus, 1541, dans Baum, Cunitz and Reuss. Brunsvigæ, Ioannis Calvini Opera quæ Supersunt Omnia, vol. 11, dans Corpus Reformatorum, apud C.A. Schwetschke et Filium (Appelhans & Pfenningstorff), 1891. La traduction est tirée de J. Bonnet, « Idelette de Bure, femme de Calvin – 1540-1549 », in Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, vol. 4, 1856, 640.
[85] Voir la section sur l’appel dans le chapitre « Le conseil de Dieu », dans le livre de W. Kirwan, Les fondements bibliques de la relation d’aide, Méry-sur-Oise, France, Les Editions Sator, 1988, 231-232.