Pathologie et guérison spirituelle : la « douleur » et le remède en Genèse 3

Pathologie et guérison spirituelle :
la « douleur » et le remède en Genèse 3

Ronald BERGEY*

Nombreux sont les termes dans l’Ecriture hébraïque qui qualifient l’état spirituel de l’être affligé. Nous allons nous pencher sur un de ces mots « douleur » à partir de Genèse 3.16-17. Nous verrons que Genèse 3 met en lumière des facettes de cette peine qui touchent au cœur de l’homme et de la femme, à la féminité et à la masculinité, surtout à la vie du couple. Les traitements palliatifs sont multiples mais, en fin de compte, le seul remède pour ces maux est le rétablissement de l’être, la guérison spirituelle. En conséquence, ce chapitre prescrit les premiers soins et, dans les grandes lignes, un traitement de fond pour ces douleurs de l’être. Comment les soigner au quotidien ? Certains Psaumes fournissent les réponses.

I. La « douleur » en Genèse 3.16-17

Les diverses formes de ce mot sont souvent traduites « souffrance », « peine » ou « douleur ». Ce mot se trouve pour la première fois en Genèse 3 dans le dialogue que Dieu a avec le couple (vv. 9-19) après la tentation et la chute. Aux versets 16 et 17, ce vocable se réfère à la femme, en particulier à la maternité, et à l’homme, spécialement à sa vocation :

[L’Eternel] dit à la femme : J’augmenterai la souffrance (‘itstsabon) de tes grossesses. C’est dans la douleur (‘etseb) que tu mettras des enfants au monde…[1] (Gn 3.16)

Il dit à l’homme : … le sol est maudit à cause de toi. C’est avec peine (‘itstsabon) que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. (Gn 3.17b)

Ces usages montrent que ces douleurs ne sont pas toujours pathologiques. L’exténuation physique peut en être la cause. En revanche, mis à part dans ce texte, ce mot n’est presque jamais employé pour une souffrance physique si ce n’est pour évoquer ces mêmes deux causes (cf. 5.28 ; Ps 127.2 travail ; 1Ch 4.9 accouchement).[2] Il se rattache généralement aux douleurs du cœur ou de l’esprit comme en Esaïe 54: « Oui, l’Eternel t’a rappelée comme une femme abandonnée, à l’esprit abattu [de ‘atsab]…[3] » (v. 6) C’est la peine profonde ressentie par l’être[4]. Le cœur souffre. C’est en ce sens que j’emploie le mot pathologie.

 

Puis ces douleurs ne sont ni des peines infligées, ni des malédictions[5]. Les annoncer est plutôt une mise en demeure concernant l’existence de l’homme et de la femme, montrant comment la vie sera désormais. Pour l’homme, la peine relève du fait que le sol est maintenant maudit (Gn 3.17; 5.28). Son travail fait néanmoins partie du mandat créationnel établi le sixième jour qualifié de « très bon » (1.26-31; 2.8, 15). De même, pour la femme, les accouchements douloureux supposent de toute évidence la fécondité. Celle-ci, comme la sexualité, est une bénédiction aussi nécessaire pour la réalisation du mandat (1.28). En revanche, ce texte montre que ces souffrances vont désormais accompagner ces grâces. 

 

II. Symptômes de la douleur de l’être en Genèse 3.7-20

1. Aspects généraux

De façon générale, la nature de la souffrance de l’homme et de la femme est différente. La première mention de l’homme au chapitre 2 est en rapport avec sa vocation dans le jardin (2.8, 15). Au chapitre 3, la douleur le touche particulièrement à ce niveau (v. 17). Sur le plan « vocationnel », il aura à lutter continuellement contre la terre et, malgré ses efforts ardus, le rendement sera maigre[6]. Quant à la femme, elle est mentionnée pour la première fois au chapitre 2 en rapport avec son mari (2.23-24). Sur le plan relationnel, elle connaîtra la souffrance dans l’enfantement, l’aboutissement de la grossesse, qui résulte du rapport le plus intime (3.16a). On peut dire que les versets 16 et 17 mettent en exergue, pour chacun des sexes, les lieux où la souffrance sera particulièrement ressentie.

En revanche, il est clair, d’après le contexte immédiat, que ces douleurs affectent la femme au-delà de la maternité. La souffrance de l’homme ne se limite pas non plus à sa vocation. Juste après l’annonce de la peine de la femme, on lit : « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi. » Juste avant celle de l’homme, il est dit : « Puisque tu as écouté ta femme… » Enveloppées dans les annonces des douleurs, ces remarques impliquent qu’elles ne sont pas uniquement maternelles ou « vocationnelles » ; elles frappent le rapport du couple, le mariage[7]

 

Ce récit entier montre que les douleurs ne concernent pas uniquement le corps, mais aussi les pensées et les comportements, et donc l’être entier. Ces souffrances sont inhérentes à l’être et l’affectent lui-même, l’autre (homme et Dieu) et le monde autour de lui. Les nommer aux versets 16 et 17 implique que ces douleurs sont déjà quelque part ressenties et reconnaissables[8]. Ce sont les versets précédents et suivants qui montrent l’ampleur et les aspects divers de ces souffrances.

2. Comportements spécifiques

i. La honte devant l’autre

« Leurs yeux à tous les deux s’ouvrirent… » (3.7a) C’est la première chose dite après le récit de la chute. Qu’ont-ils vu ? Il est bien connu que les verbes de perception dans l’Ecriture impliquent souvent bien plus qu’un simple enregistrement du cerveau (p. ex. Pr 27.20 ; Mt 13.16 ; 2 P 2.14). « Voir » ici veut dire voir plus que le conjoint en face[9]. Comme la suite du verset le montre, « voir », c’est prendre conscience de quelque chose. L’être de chacun d’eux est profondément blessé. « Voir » ici, c’est ressentir la douleur d’un rapport brisé : « … et ils prirent conscience qu’ils étaient nus [‘erummîm]… »

Au chapitre 2, le rapport intime du couple est exprimé par leurs sentiments face à la nudité : « L’homme et sa femme étaient tous les deux nus [‘arummim], ils n’en avaient pas honte. » (2.25) Ne pas avoir honte de leur nudité exprime leur complicité et leur capacité à vivre en toute transparence et confiance l’un vis-à-vis de l’autre. Ils ont été créés mâle et femelle. C’est la première chose dite au sujet de l’homme (1.27). La nudité exprime leur unicité en face de cette altérité. La première facette de l’être affecté est ce sentiment vis-à-vis de l’intimité : « … Ils attachèrent des feuilles de figuier ensemble et s’en firent des ceintures. » (3.7b) Le fait qu’ils aient honte provient de la douleur, de l’être blessé. La joie trouvée dans leur harmonie de corps cède au mauvais sentiment l’un envers l’autre. Le serpent « rusé » (‘arum, 3.1) a bien visé. Comme l’assonance ‘arummim‘arum le laisse entendre, par ruse il a réussi à briser le rapport d’intimité du couple.

ii. Le ressentiment de la peur

Leur connaissance de Dieu aussi est maintenant altérée et tordue : « Quand ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu en train de parcourir le jardin vers le soir, l’homme et sa femme se cachèrent loin de l’Eternel Dieu au milieu des arbres du jardin. » (3.8) Pourquoi se cachent-ils de Dieu ? Selon l’homme, la raison en est : « … j’ai eu peur, parce que j’étais nu. Alors je me suis caché. » (3.10) Pour Dieu, cette peur n’est que la moitié de la vérité comme ses questions le suggèrent : « Qui t’a révélé que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais interdit de manger ? » (3.11) Comme un médecin, il touche du doigt là où ça fait mal ; si Adam a peur, c’est parce qu’il a désobéi. Cette peur révèle le problème de fond. Pour l’homme et la femme, la connaissance du Dieu intime et omniprésent est maintenant obscurcie. Ils ne recherchent plus un rapport intime avec Dieu. Ils agissent en conséquence : ils se cachent de lui et pire encore pensent pouvoir le faire. 

iii. L’autojustification

Si l’homme et la femme ressentent la souffrance de la rupture dans leur rapport l’un avec l’autre et avec Dieu, ils vivent chacun une peine due à la rupture avec eux-mêmes. C’est dans ce cadre qu’on voit un troisième visage de l’être souffrant. Ni l’homme ni la femme ne peut se remettre en cause. Ni l’un ni l’autre ne peut ou ne veut admettre sa faute. Ils nient chacun la responsabilité de leurs actes. Chacun, mari et femme, la rejette sur un autre. Pour lui : « C’est la femme que tu as mise à mes côtés. » (v. 12) Quant à elle : « Le serpent [sous entendu ‘que tu as créé’ !] m’a trompée. » (v. 13) Ils veulent plutôt se justifier de leurs actes. Ultimement ils mettent la responsabilité sur le compte de Dieu. L’autojustification est au fond un penchant de l’être fragilisé. L’être qui se sent mal dans sa peau et pas en sécurité, surtout lorsqu’il est confronté à la vérité, cherche non seulement à se disculper, mais aussi à projeter la faute sur un autre. Il pense avoir raison. En fin de compte, l’être est coupé de la réalité. 

 

iv. Le désir de dominer

Qui aura le dessus risque de devenir le nerf de la guerre des sexes. La mise en garde suivante ne laisse pas de doute : « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi. » (3.16c) Ce morceau de texte sert de charnière entre les douleurs citées pour la femme et l’homme. Ce sont les mêmes mots employés dans le récit du chapitre suivant à propos de Caïn et Abel. L’Eternel dit à Caïn : « … [l]es désirs [du péché] se portent vers toi, mais c’est à toi de dominer sur lui. » (4.7) Ces désirs, ceux du péché personnifié, ne sont évidemment pas des désirs amoureux comme dans le Cantique des cantiques où ce mot se trouve encore une fois (7.11)[10]. En Genèse 3 et 4, il s’agit d’un mauvais désir. On peut interpréter 3.16c : « Tes désirs – pour avoir le dessus – se porteront vers ton mari… ». A ce sujet, un auteur écrit : « En ces moments des plus grandes bénédictions de la vie, les enfants et le mariage, la femme va maintenant ressentir de façon très palpable les conséquences douloureuses de sa rébellion contre Dieu[11]. »

Pour la femme, cette facette de la douleur correspond à sa faute, comme le laisse entendre le récit de la tentation (3.1-6). Le serpent s’adresse aux deux personnes, à l’homme et à la femme, comme l’indiquent les verbes au pluriel. Seule, la femme prend la parole et répond au serpent. Elle prend le fruit, en mange, puis met du fruit dans la main de son mari. Le reproche fait à Adam « Puisque tu as écouté ta femme et mangé… » (3.17) implique qu’elle a encouragé son mari à la suivre dans la désobéissance. En tout état de cause, elle a pris les devants[12]. Ce récit met en lumière son penchant. Pour accomplir sa féminité, elle va maintenant vouloir contrôler sa vie, seule. Cette quête risque de l’amener à vouloir prendre le dessus sur son mari. Puisqu’il est physiquement plus fort qu’elle, la femme va utiliser des moyens plus subtils. L’Ecriture ne manque pas d’exemples ou de mises en garde : lui faire honte (Pr 12.4) ; la méchanceté (Pr 14.1) ; les querelles (Pr 19.13 ; 21.9, 19 ; 25.24 ; 27.15) ; l’irritation (Pr 21.19) ; la privation de l’affection sexuelle (1Co 7.3-5) ; l’irrespect (Ep 5.22, 33). En conséquence, sa masculinité fragilisée dans son rapport avec sa femme, l’homme va chercher à la contrer et à lui imposer ses ordres : « … lui, il dominera sur toi » (3.16c).

Ce verset n’énonce pas de norme selon laquelle ils doivent vivre en couple ![13] Il présente plutôt un comportement palliatif qui cherche à soulager la douleur, mais d’une mauvaise manière. Comme le dit un commentateur de ce verset : « Le mariage… sera troublé par des tendances coupables qui faussent le jeu de son autorité[14]. » Un autre exégète ajoute : « Loin d’être un règne d’égaux sur le reste de la création de Dieu, le rapport devient maintenant une dispute féroce, chacun cherchant à dominer l’autre. Les deux qui avaient régné comme un vont chercher à régner sur l’autre[15]. » Le premier geste de l’homme après cette mise en garde mettra en lumière ce penchant néfaste. Il suffit de dire ici que son autoritarisme va contribuer à la douleur de sa femme.

v. La fuite des responsabilités

Le reproche que Dieu fait à l’homme introduit la description de la douleur qui lui est propre : « Puisque tu as écouté ta femme et mangé… » (3.17) Selon un commentateur : « en écoutant sa femme, Adam a désobéi à Dieu. Il aimait la créature plus que le Créateur[16]. » Oui, il a écouté. Ce reproche veut dire qu’Adam doit finalement accepter la responsabilité dans cette affaire. Le récit de la chute précise qu’il était « avec elle » (3.6). Au lieu d’intervenir, de résister à la tentation du serpent ou de corriger certains propos erronés de la femme, l’homme s’est enfoncé dans le silence[17]. Il est resté passif. Il n’a pas agi. Il n’a fait qu’écouter. Mise à part cette écoute, le seul geste qu’il a accompli avant de manger a dû être d’ouvrir la main pour accepter le fruit. Même cela n’est pas dit, tellement son rôle lors de la tentation est effacé !

Genèse 16 établit un rapport entre l’agir d’Abram et d’Adam. Comme Adam « écouta la voix » (shama‘ lekol) de sa femme (3.17), Abram « écouta la voix » de Saraï (shama‘ lekol, 16.2). Saraï voulait que son mari prenne Agar et ait un enfant par elle. Accéder à la demande de sa femme montre qu’Abram, comme Adam, ne lui a pas rappelé les promesses que l’Eternel lui avait faites. En accédant à la demande de sa femme, il a fui ses responsabilités en tant que chef spirituel. Les deux hommes, en écoutant la voix de leur femme, finissent par agir d’une manière contraire à la volonté divine. Pourtant le reproche « Puisque tu as écouté ta femme et mangé… » ne vise pas la femme mais la lâcheté d’Adam. Cela permet de suggérer que le désir manifesté par la femme de prendre les devants pourrait traduire son envie de combler ce manque, surtout lorsque l’homme devrait prendre ses responsabilités. 

La terre, au cœur du travail de l’homme, finira par l’engloutir. La solidarité originelle entre Adam et le sol (’adamah) est soulignée de façon sonore[18]. En sachant son sort « … Oui, tu es poussière et tu retourneras à la poussière » (3.19b), il vit avec un sens de la futilité ultime de ses efforts dorénavant source de grande satisfaction (cf. Ec 1.2-3 ; cf. Pr 14.23). Pour pallier cette douleur, il cherche à accomplir sa masculinité en surmontant le travail et il pourra y être assujetti. Il risque de devenir un bourreau de travail. Si c’est une dépendance au travail, une addiction, c’est aussi une manière de fuir ses responsabilités, surtout spirituelles, aux dépens de sa femme et de ses enfants. Toutes les dépendances veulent, d’une manière ou d’une autre, pallier cette souffrance de l’être.

vi. L’abus d’autorité 

Tout de suite après l’annonce de sa peine, l’homme montre, dans son premier acte, comment son attitude vis-à-vis de la femme est affectée. Son geste exprime un autre penchant de son être souffrant : « Adam appela sa femme Eve… » (3.20a) Plusieurs choses surprennent dans ces mots.

D’abord, on lui avait déjà donné un nom. Comment s’appelait-elle ? « On l’appellera ‘Femme’ » (’ishah, 2.23b). C’est comme son nom à lui : « Homme » (’ish, v. 23b). L’effet sonore fait entendre la complémentarité. Homme et « Hommesse », c’est un partenariat essentiel pour mener à bien le mandat créationnel confié aux deux[19]. La tournure impersonnelle « On l’appellera… » a pour but d’éviter de dire que l’homme lui a donné le nom de Femme. Lui donner un nom impliquerait une domination de l’homme sur la femme ou impliquerait une possession tout comme celle qu’il a sur les animaux auxquels il a attribué des noms[20]. Maintenant il l’appelle « Eve ». Il n’y a plus d’harmonie sonore. De plus, en la nommant, il change son nom. C’est comme le roi d’Egypte et le roi de Babylone qui, en établissant les rois de Juda sous leur hégémonie, ont changé leurs noms (2 R 23.34, 24.17 ; cf. Dn 1.7). L’homme intervient ainsi juste après la description de sa douleur et la déclaration du penchant qui sera le sien vis-à-vis de la femme : « il dominera » sur elle ! (3.20)

Puis vient l’explication du nom « Eve » (havvah) : « Car elle devait être la mère de tous les vivants [hay] » (v. 20b). C’est plutôt une déclaration de la virilité de l’homme[21]. Celui-ci veut accomplir sa masculinité aussi par la propagation. La polygamie en est une expression (cf. 4.19). Son déséquilibre, sa tendance à utiliser la force au détriment du respect, à annihiler la sensibilité et la compréhension dans ses rapports avec la femme, va l’entraîner à abuser de son autorité. 

III. Vers la guérison spirituelle de la douleur

1. Remèdes ultimes pour la douleur

Le chapitre 3 de la Genèse énonce les premiers soins pour ces douleurs de l’être. Leurs prolongements se trouvent en Esaïe 53 où l’on voit encore plus clairement le traitement de fond en germe en Genèse 3. Le Nouveau Testament met en lumière la véritable guérison dans la personne et l’œuvre de Christ.

i. Blessure du descendant

Paradoxalement, la guérison va passer par la blessure et la souffrance d’un autre : celles de la descendance de la femme (3.15). C’est un jugement sur mesure, la loi du talion : blessure pour blessure, souffrance pour souffrance. Ce descendant donnera le coup mortel au serpent, mais ce faisant, il sera blessé. C’est la sentence passée sur Satan, dévoilé dans le Nouveau Testament comme étant ce serpent. Pour l’homme, c’est là « la première lueur d’espoir de l’Evangile[22]. » Selon le Nouveau Testament, cette promesse est réalisée en Christ. Il est ce descendant. C’est donc la première prophétie messianique, d’où le nom de « proto Evangile[23]. »

Ce passage en rappelle un autre, celui du serviteur souffrant d’Esaïe 53 : « Pourtant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Et nous, nous l’avons considéré comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il était blessé à cause de nos transgressions, brisé à cause de nos fautes : la punition qui nous donne la paix est tombée sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris » (vv. 4-5). Pierre met ces blessures et la guérison en rapport avec la croix et la délivrance du péché (1P 2.24 ; cf. Mt 8.17). La guérison commence par la reconnaissance de la douleur résultant de la faute et du besoin du pardon. C’est la prise de conscience que c’est une grâce totalement imméritée qui ne se trouve qu’en Christ. Chacun étant conscient du pardon de Dieu en Christ, les membres du couple sont appelés à se pardonner réciproquement.

ii. Habits de peau

Après l’annonce de leurs douleurs, l’Eternel œuvre en faveur de l’homme et de la femme et prévoit le traitement nécessaire pour les soigner. Ce remède est draconien. Il « fit des habits en peau… » (3.20b) C’est la première mort dans l’Ecriture. Elle est accomplie par la main de Dieu en faveur de l’homme. Cet animal préfigure le serviteur souffrant. « … Pareil à un agneau qu’on mène à l’abattoir… » (Es 53.7). A partir de ce verset d’Esaïe, Philippe a annoncé « la bonne nouvelle de Jésus » à l’eunuque (Ac 8.32-35). 

Le texte de la Genèse poursuit : « et il les leur mit ». Avec ces habits, l’Eternel recouvre ce dont ces êtres avaient honte. Il soigne la blessure d’abord au niveau où elle est ressentie : honte – habits. Selon le raisonnement de l’homme, s’il n’avait pas honte, il n’aurait pas peur et ne se cacherait donc pas de son Créateur. Mais pour Dieu, il s’agit aussi de couvrir la faute par le sang : péché – sacrifice sanglant substitutif. Les couvrir de cette façon est un geste qui annonce le moyen nécessaire pour rétablir le rapport entre Dieu et l’homme : l’expiation. C’est un présage de Christ, la victime expiatoire ultime (1Jn 4.10 ; cf. 2.2 ; Hé 2.17). Faire couler du sang pour couvrir le couple est signe du grand prix que coûtera ce rétablissement. Le relèvement de la créature en Christ vis-à-vis de Dieu ouvre également la voie au rétablissement du rapport entre l’homme et la femme. Etre accepté par Dieu de cette manière doit se répercuter dans le comportement de chacun dans le mariage, à savoir l’accueil en toute humilité de l’autre tel qu’il est.

iii. Arbre de vie

Les dernières choses narrées en Genèse 3 sont le bannissement du jardin de l’homme et la femme et l’accès bloqué à l’arbre de vie (vv. 22-24). Adam et Eve en sont empêchés car, s’ils en mangeaient, ils vivraient éternellement. C’est une grâce de ne pas vivre à jamais dans cette condition douloureuse. Cela serait une punition insupportable. La vie ne peut plus être comme avant la chute. Les conséquences et les effets néfastes ne peuvent pas être gommés. La preuve ultime en est la mort, le retour à la poussière (v. 19; cf. 2.17). C’est l’expérience humaine commune et universelle. La fin du chapitre 3 laisse entendre que la mort ne ferme pas la porte à la vie éternelle. L’arbre de vie n’est pas abattu. Il est même gardé par les chérubins[24]. Pourtant, dans cette vie, le chemin à cet arbre est barré. Pour vivre éternellement, il faut nécessairement passer par la mort. Sans la résurrection, l’arbre de vie resterait éternellement inaccessible à l’homme. Pourtant il se trouve de nouveau dans la cité céleste : « l’arbre de vie… [qui] donne son fruit et ses feuilles servent à la guérison des nations. » (Ap 22.2) De nouveau, on aura le droit d’en manger dans cette nouvelle vie (cf. 2.7, 22.14, 19), ceci grâce à Dieu et à l’Agneau (22.1). C’est l’ordonnance ultime, le moyen de la guérison complète. Chacun des membres du couple peut se regarder comme l’objet de cet avenir glorieux, tout en étant conscient que, dans ce monde, ce n’est pas encore le cas.

Voilà pourquoi la doctrine de la résurrection est au cœur de l’Evangile et de la proclamation apostolique (Ac 1.22, 2.32, 4.33, 17.18, 23.6, 26.23). Sans cette doctrine, la crucifixion serait une mauvaise nouvelle. Sans la résurrection, comme Paul le dit, votre foi serait « vide », « inutile » et vous seriez « encore dans vos péchés » (1Co 15.14-17). Cela veut dire que cette vie nouvelle et parfaitement guérie est notre espérance. Sans cette espérance « … nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1 Co 15.18). C’est la promesse faite au sujet du serviteur de l’Eternel en Esaïe 53 : « Après tant de trouble, il verra la lumière… » (v. 11a)[25]. Le trouble, c’est sa souffrance jusqu’à la mort. En effet, « voir la lumière » ici, comme parfois ailleurs dans l’Ecriture, veut dire revivre (cf. Job 33.28 ; Ps 56.13 ; Ac 26.23)[26]. Si le serviteur qui meurt et voit ensuite la lumière, cela implique qu’il revit. Il est le second et le dernier Adam, Adam spirituel et l’Homme céleste qui communique la vie (1Co 15.45-47).

Genèse 3 et les prolongements en Esaïe 53 présentent, dans ses grandes lignes, le message central de l’Ecriture. La souffrance de l’homme à cause du péché est guérie par la souffrance d’une victime substitutive, le descendant de la femme. Ce descendant est le serviteur de l’Eternel. Esaïe, en prophétisant les paroles que ce serviteur prononcera, déclare : « L’Esprit du Seigneur, de l’Eternel, est sur moi parce que l’Eternel m’a consacré par onction pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé. » (Es 61.1) Ceci est le passage que Jésus a lu à son sujet dans la synagogue (Lc 4.18-18). Il le cite de nouveau pour attester sa messianité (Mt 11.5; Lc 7.22). La guérison spirituelle est au cœur de sa mission. Genèse 3 prépare d’ores et déjà le chemin pour sa venue et son ministère de guérison.

 

2. Soins quotidiens de la douleur

L’homme et la femme, chacun conscient de sa douleur, de son être blessé, peut demander à Dieu de la soigner. Le psalmiste proclame : « [L’Eternel] guérit ceux qui ont le cœur brisé et panse leurs blessures [de ‘atsab] » (Ps 147.3)[27]. Le balancement strophique du verset établit les rapports sémantiques entre guérir et panser, puis entre le cœur brisé et les blessures, voire, cette douleur. Il s’agit d’une souffrance innée qui ne peut pas être éradiquée dans cette vie. Elle touche au cœur. Ce cœur brisé en rapport avec les blessures fait écho à l’expression de Genèse 6.6 au sujet de l’Eternel qui, en voyant le mal commis par les hommes, « eut le cœur peiné [de ‘atsab] ». Le cœur brisé est justement ce cœur peiné à cause du mal. Panser est le soulagement dans l’immédiat de ces blessures. Le verbe traduit « panser » (habash) ne signifie pas mettre un pansement sur un petit bobo. C’est soigner comme « bander » une plaie vive ou des os brisés (Es 1.6; 30.26). Cette souffrance du cœur est grande et douloureuse, mais elle se soigne.

Pour cela, le psalmiste prie : « Regarde si je suis sur une mauvaise voie et conduis-moi sur la voie de l’éternité ! » (139.24) Le qualificatif « mauvaise » vis-à-vis de cette voie traduit ce même terme « douleur » (de‘atsab). On peut raffiner la traduction de la première moitié de ce verset : « … regarde, oui, j’ai en moi une conduite de douleur…[28]. » C’est une confession. Il s’agit d’une réalité concernant l’être. Le psalmiste en est conscient. Il ressent en lui cette douleur. Il prie. La conduite dont il est question n’est pas en soi pécheresse[29]. Mais si elle n’est pas soignée, elle peut se transformer en comportement tragique comme en Genèse 3 où on peut chercher à la soigner de façon palliative, d’où viennent souvent les dépendances.

C’est pour cette raison que ce regard honnête doit faire tourner les yeux vers « la voie de l’éternité », c’est-à-dire vers les choses célestes à venir, comme elles le sont toujours pour Dieu. Puisque la guérison totale doit attendre la vie dans la cité céleste, il faut, dans cette vie, fixer les regards sur la cité du Dieu vivant (Hé 11.10, 16, 12.22, 13.14). Le seul soulagement, le seul remède dans cette vie, est en Christ, par son Esprit, dans un rapport profond avec lui, c’est-à-dire dans la vie spirituelle. L’assurance de notre union avec lui et la vie vécue dans cette lumière constituent, en réalité, le seul traitement de la douleur qui n’est pas de nature palliative. La prise de conscience de l’existence de cette douleur de l’être, confrontée aux promesses de Dieu, mène à l’espérance en ce monde meilleur. C’est celui où « Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui existait avant a disparu » (Ap 21.4).

 


* R. Bergey est professeur d’Ancien Testament et d’hébreu biblique à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

[1] U. Cassuto observe que ce mot « douleur » a été choisi pour cet effet sonore avec « arbre (‘ets) de la connaissance du bien et du mal », car ce n’est pas le mot usuel pour la douleur de l’accouchement. D’autres termes le décrivent : hebel (Es 13.8 ; Ps 7.15 ; Ct 8.5), hil (Jr 6.24), tsir (Es 13.8) ou tsara (Jr 4.31, 49.24). A Commentary on the Book of Genesis, vol. 1 (Magnes, Hebrew University: Jerusalem, 1961), 165. Nous avons ajouté les références bibliques.

Les trois usages dans Genèse 3.16-17 sont traduits lupé dans la Septante (cf. aussi Pr 10.10, 22). Ce terme se trouve assez souvent dans le NT (Lc 22.45 ; Jn 16. 6, 20, 21, 22 ; Rm 9.2 ; 2 Co 2.1, 3, 7, 10, 7.10 ; Ph 2.27 ; Hé 12.11; 1 P 2.19). Comme souvent dans la Septante, les usages néotestamentaires se réfèrent au cœur peiné avec peut-être une exception (1 P 2.19 ; dans l’AT grec, voir p. ex. Gn 42.38, 44.29 ; Pr 10.1, 14.13).

[2] Les mots les plus utilisés sont holi, « maladie » (p. ex., Dt 7.15 ; 2 Ch 21.18), halah, « être malade » (Gn 48.1 ; 1 S 19.14) et ke’eb, « souffrance » (p. ex., Jb 2.13), de ka’eb, « souffrir » (Gn 34.25).

[3] Nous signalerons généralement l’usage de ces noms en faisant référence à la forme lexique du verbe ‘atsab. Cf. Gn 6.6 « cœur peiné » ; Ps 147.3 « cœur brisé » // « blessures » (de ‘atsab) ; Pr 15.1 « parole dure », c’est-à-dire une parole qui blesse et v. « cœur brisé ».

[4] Selon H.C. Leupold, cette douleur est aussi mentale et spirituelle. Exposition of Genesis (Baker : Grand Rapids, 1942) , 171.

[5] La majorité des commentateurs voit ces douleurs comme une punition, p. ex. Cl. Westermann, Genesis 1-11 (Augsburg : Minneapolis, 1984), 256-267. Pourtant cette conclusion ne nous semble pas justifiée. Même si c’était une sanction, comme s’exclame G. von Rad : « il est impensable de parler de leur malédiction ! » Genesis, OTL (Westminster : Philadelphie, 1972), 93. Ni l’homme ni la femme n’est maudit; juste le serpent et le sol (3.14, 17). « Il l’appela Noé en disant : ‘Celui-ci nous consolera de notre travail et de la peine [de ‘atsab] que ce sol procure à nos mains parce que l’Eternel l’a maudit.’ » (Gn 5.28) Ce verset établit que cette peine fait partie de l’expérience humaine ; Noé est la dixième génération après Adam. Avant il est dit « le sol est maudit à cause de toi [Adam] » (3.17). La malédiction du sol vient du péché et non pas de Dieu. S’il est dit ici que « l’Eternel l’a maudit » ne signifie pas qu’il est à l’origine de cette conséquence. La malédiction est le dépérissement de la vie comme la bénédiction en est l’épanouissement.

[6] Parce qu’il a mangé du fruit défendu (3.6) : « … C’est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. Il te produira des ronces et des chardons, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain… » (vv. 17b-19a) Cette conséquence est sur mesure, comme le souligne la reprise du verbe « manger ».

[7] Suivant von Rad (Genesis, 93), Westermann dit que la souffrance de la femme n’est pas limitée à l’enfantement; elle concerne également ses rapports avec son mari. Elle n’est pas seulement liée à son mari ; elle lui est aussi subordonnée. Genesis, 261. C’est également l’avis de la plupart des commentateurs.

[8] Nommer, c’est reconnaître un trait inhérent dans la chose ou la personne et le qualifier par un nom. Le nom exprime cette conscience. Mais le moment où une chose est nommée n’est pas forcément celui de sa genèse.

[9] Par exemple, Esaïe 6.10, où ne pas voir et ne pas entendre, c’est ne pas comprendre et, en conséquence, ne pas se convertir.

[10] Ce mot employé trois fois dans l’AT est teshuqah. S.T. Foh dit que c’est le désir d’indépendance et de dominer l’homme ; « What is the Woman’s Desire ? » WTJ 37 (1975), 376-83. Certains commentateurs pensent que ce sont les désirs sexuels de la femme qui vont, malgré les souffrances accompagnant les accouchements résultant de rapports sexuels, se porter vers son mari. Voir G.Ch. Aalders, Genesis, vol. 1, BSC (Zondervan : Grand Rapids, 1981), 108. 

[11] J.H. Sailhamer, The Pentateuch as Narrative (Zondervan : Grand Rapids, 1992), 108.

[12] Selon F. Delitzsch, dans la rencontre avec le tentateur, la femme a agi d’une manière indépendante et offensive envers Dieu et puis, d’une façon pécheresse, elle a dominé sur son mari. A New Commentary on Genesis, vol. 1 (T. & T. Clark : Londres, 1888 ; réédition Klock & Klock : Minneapolis, 1978), 165-166. C.F. Keil observe que non seulement la femme s’est émancipée de l’homme afin d’écouter le serpent mais qu’elle l’a conduit dans le péché. The Pentateuch, 103. Selon Leupold, Eve voulait contrôler son mari en prenant en main le contrôle de la situation. Exposition of Genesis, 172.

[13] V.P. Hamilton commente : « …on espère que Dieu parle de façon descriptive et non pas prescriptive. » The Book of Genesis, Chapters 1-17, NICOT (Eerdmans : Grand Rapids, 1990), 201.

[14] M.J. Kline, « Genèse », NCB (réédition française Emmaüs : Saint-Legier, 1987), 89.

[15] V.P. Hamilton, Genesis, 202.

[16] O.T. Allis, God Spake By Moses (Presbyterian and Reformed : Philadelphie, 1951), 19. D’après G.J. Wenham : « Obéir à sa femme plutôt qu’à Dieu a été l’erreur fatale de l’homme. » Genesis 1-15 WBC vol. 1 (Word: Waco, 1987), 82. Pourtant l’hébreu se lit « a écouté » (shama‘ l-) et non pas « a obéi à » (shama‘ b-).

[17] D’où le titre du livre de L. Crabb, Le silence d’Adam (La Clairière : Québec, 1997).

[18] F. Garcia Lopez, Comment lire le Pentateuque (Genève : Labor et Fides, 2005), 80.

[19] G. Lopez emploie la tournure « hommesse » pour parler de la solidarité originelle entre la femme et l’homme. Ibid., 81.

[20] Donner le nom d’un homme à une femme, c’est devenir son épouse. Etre ainsi appelée « femme » (’ishah) par le nom de l’homme (’ish) veut dire qu’elle est son épouse. L’expression en Esaïe 4.1 « …qu’on nous appelle par ton nom… » exprime le désir de ces femmes qu’un homme se marie avec elles. C’est exactement la même expression et la même construction grammaticale qu’en Genèse 3. Ceci explique pourquoi la consigne immédiatement suivante est donnée : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme… » (v. 24a) Le nom « qu’on » a donné à la femme signalait son rapport le plus profond avec lui, son mari.

[21] La vaste majorité des commentateurs attribue cette expression à la foi d’Adam ; malgré la mort, la vie continuera. Par rapport à cette foi, Kline va encore plus loin en disant : « [Adam] pense sans doute à la postérité spirituelle de la femme qui piétinera le prince de la mort et luttera pour soustraire son existence à la malédiction prononcée (cf. 3.15 ; 1 Tm 2.15 ; Rm 16.20). » « Genèse », NCB, 89-90. L’interprétation avancée plus haut nous semble satisfaire, comme indiqué, au contexte du geste d’Adam en renommant sa femme. Pour certains commentateurs médiévaux juifs, sachant que la femme qui l’avait incité au péché ne saurait plus être son aide idéale, Adam limite son rôle à la maternité. Le midrash Berishit Rabba (20.11 ; 22.1) voit ici un jugement sur mesure : puisqu’elle a été séduite par le serpent (hivya en araméen), il lui a donné le nom Havvah (Eve). Selon Sarna, l’inscription Sfire (1.A.31) atteste, comme Havvah, la même orthographe pour le serpent (hvvh) ; Genesis, 29.

[22] D. Kidner, Genesis, TOTC (Tyndale : Londres, 1967), 70.

[23] Rm 16.20 ; Ap 12.9, 20.2, 10 ; cf. Mt 12.29 ; Mc 1.24 ; Lc 10.8 ; Jn 12.31, 16.11 ; 1 Co 15.24 ; Col 2.15 ; Ga 3.16 ; Hé 2.14 ; 1 Jn 3.8). Cette lecture néotestamentaire est appuyée par des considérations grammaticales. D’abord, c’est le seul endroit dans l’AT où le pronom possessif du féminin singulier « à elle/sa » est suffixé au mot zera‘, c’est-à-dire, « ‘sa’ descendant » ou « semence à elle » ; ce qui soulève la question : où est le père ? C’est sans doute le germe de la prophétie concernant une vierge qui donnera naissance à un fils (Es 7.14). Mis à part quelques rares exceptions, en termes de progéniture, l’accent est mis sur le mâle (cf. le zera‘ d’Agar 16.10 ; de Rebecca 24.60, les deux cas étant dans le sens collectif des individus mâles ou femelles et non pas dans le sens d’un individu mâle). Puis, la Septante traduit le pronom qui se réfère au zera‘ « il » (écrasera…) en dépit du fait qu’en grec le genre de ce mot sperma est neutre (« ce »), et non masculin comme dans cette ancienne version. C’est la seule fois que ce « il » ne s’accorde pas avec l’antécédent. Cette traduction ancienne met, par cette entorse grammaticale, l’emphase sur le genre masculin de ce descendant et sur le fait qu’il s’agit d’un individu.

[24] Ils le gardent contre le piétinement car ce lieu est très saint (cf. Ex 25.18). Ces êtres gardent le trône de l’Eternel (l’arche de l’alliance) qui siège entre les chérubins d’où il règne (2 S 6.2 ; Ps 99.1). Le lieu précis de l’arche est le propitiatoire où l’expiation est faite.

[25] Cette leçon « la lumière » qui ne figure pas dans le texte traditionnel qui lit simplement « il verra » sans CO. C’est la leçon attestée dans deux manuscrits qumrâniens, 1QIsaa, 1QIsab, et la LXX (Septante). La largesse de la base de cette variante, composée des témoins textuels proto massorétique (1QIsab) et non massorétiques (1QIsaa, LXX), milite en sa faveur. Cette variante a été adoptée par le comité de D. Barthélemy dans Compte rendu préliminaire de provisoire sur le travail d’analyse textuelle de l’Ancien Testament hébreu, vol. 4 (Alliance Biblique Universelle: New York, 1979), 146.

[26] Selon le midrash Bereshit Rabba, les habits en peaux (‘or) étaient les habits de lumière (’or). Avant la chute, l’homme portait des habits de lumière. Cf. sur 3.21 E. Munk, La voix de la Thora (Fondation Odette S. Levy: Paris, 1969). Ce regard sur l’homophonie laisse suggérer que le Midrash voyait dans ce geste le signe de l’immoralité de l’homme restaurée.

[27] Dans le contexte du Psaume, la douleur provient de l’exil. Comme les premiers parents ont été exilés, chassés de la présence de l’Eternel à l’est du jardin, Israël ressent la blessure du cœur brisé éloigné de Jérusalem (v. 2).

[28] « Oui » traduit ici la particule ’im. Un parallèle syntaxique est : « Regarde, Eternel!… Oui [’im, traduit normalement ici de façon interrogative ‘fallait-il que…?’] les femmes dévorent ceux qu’elles ont mis au monde… » (Lm 2.20). Cette particule ici introduit le constat affirmant une situation actuelle. Dans le Ps 139.4, elle peut être traduite « si », si comprise comme introduisant une proposition conditionnelle conçue comme réelle ; cf. R.J. Williams, Hebrew Syntax (Université de Toronto : Toronto, 2e éd., 1976), § 453, ou une proposition concessive (« même si ») ; cf. GKC, §160a ; P. Joüon, GHB, § 171d. De toute façon, ce verset ne veut pas dire « Regarde si oui ou non il y a en moi une conduite de douleur ».

[29] « Conduite » traduit le mot derek (« chemin, voie ») selon son sens de comportement « habitude, manière » (cf. Gn 31.25 ; 1 R 16.19) ; cf. « conduite » (Gn 6.12 ; 1 R 8.25).

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