Roger VERCELLINO-ARIS – La Revue réformée http://larevuereformee.net Sat, 27 Aug 2011 12:41:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 Le pardon : une résurrection… http://larevuereformee.net/articlerr/n198/le-pardon-une-resurrection Sat, 27 Aug 2011 14:41:04 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=661 Continuer la lecture ]]> Le pardon : une résurrection…

Roger VERCELLINO-ARIS*

Le pardon est de l’ordre de la résurrection…

le pardon est la possibilité de vivre une nouvelle relation à soi, aux autres, à Dieu.

I. Le mal, la faute, le péché[1]

A) Le fait

On ne peut pas parler de pardon s’il n’y a pas offense, un mal fait. Le mal en soi existait avant la création de l’homme: le serpent qui le personnifie était déjà là. L’homme, avant la Chute, avait peut-être une idée du mal puisque l’affirmation du diable ne semble pas l’étonner (Gn 3:5). En tout cas, il savait ce qu’était la mort puisque Dieu peut l’en menacer (Gn 2:17). Par sa désobéissance, il a introduit un mal nouveau: le péché, offense personnelle envers Dieu dont le diable n’est pas responsable même s’il en est l’inspirateur.

Satan n’est l’auteur d’aucun péché sauf le sien. Il est instigateur de péché comme tout mauvais conseiller et tout tentateur parmi les hommes; mais l’auteur du péché humain

c’est le libre arbitre humain, il n’y en a pas d’autres[2].

Il y eut alors rupture de la relation normale avec le créateur, condamnation, paradis fermé, apparition de la souffrance et de la mort, et les mêmes conséquences pour les générations suivantes (Gn 3: 14-19). Sur ce dernier point, les opinions des théologiens divergent: quelques-uns nient l’implication du genre humain par Adam, car il n’est dit nulle part explicitement, dans le Canon biblique, que la culpabilité adamique soit héréditaire; mais la plupart voient une connexion directe entre la faute d’Adam et l’état pécheur de chaque homme dès sa naissance, fort bien résumée par le Dictionnaire de théologie catholique:

Chaque homme, en vertu d’une solidarité mystérieuse qui le relie au premier couple, naît dans un état de déchéance et de culpabilité causé en lui par la faute du chef du genre humain[3].

Le péché est, de fait, bien enraciné dans l’homme (Jb 14:4; Ps 51:7); y compris dans les enfants, ainsi que le prouvent l’expérience et l’allusion de Jésus sur son rôle salvateur envers eux. Les effets de la faute adamique dépassent même l’humanité proprement dite: la terre est maudite (Gn 3: 14-19), la création est soumise à l’errance dans l’attente de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre (2 P 3:13 et Ap 21:1)[4]. L’ensemble des conséquences pourrait paraître, à première vue, disproportionné à l’offense (unique!); mais l’offense a été faite, non pas à un égal ou à un inférieur, mais à Dieu.

De plus, les hommes pèchent à titre personnel, c’est-à-dire violent la Loi de Dieu: phénomène universel. « Tous sont égarés, tous sont pervertis, il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul », déclare le psalmiste, suivi par l’apôtre Paul[5]. Telle est l’expérience de trois mille ans d’histoire connue et l’expérience individuelle. L’homme peut offenser Dieu directement et, s’il offense un autre homme, il pèche aussi contre Dieu: pour Joseph, aller vers la femme de Potiphar, c’est commettre une faute contre Dieu; pour David, son acte envers Urie concerne Dieu. Pratiquer l’injustice sociale, c’est pour Amos et Jacques s’en prendre à Dieu. Ananias et Saphira, s’ils ont, certes, menti aux apôtres, l’ont surtout fait au Saint-Esprit. Le péché a donc un caractère démoniaque parce qu’il est dirigé contre Dieu, parce qu’il est rébellion contre Dieu[6].

B) Les conséquences

La première conséquence est la mort spirituelle, dont la mort physique est le corollaire:

Le péché est la négation de Dieu mais en même temps destructeur de l’homme par lui-même: il anéantit en lui la ressemblance surnaturelle avec Dieu[7].

Ce qui accentue le drame, c’est que l’homme ne se rend pas vraiment compte de ce côté tragique de la séparation d’avec Dieu; il est en quelque sorte aveuglé: seule, une conscience pure pourrait voir l’exacte horreur du péché. Il faut des cas extrèmes de tortures, de génocides, des actes de barbarie pour que l’homme prenne une certaine conscience de la réalité du péché et, par delà, de l’enfer, privation suprème de Dieu. L’homme encourt, en effet, la colère et le jugement de Dieu; nul n’y échappe. Une autre conséquence est la maladie. Si la Bible prend soin de montrer qu’un lien direct n’est pas à faire, il est certain que, dans certains cas, la conséquence est directe (fumeurs, consommateurs de drogue, etc.) et que, de toute façon, il y a une connexion générale entre péché et maladie: la maladie fait partie du cortège du mal qui a envahi la vie humaine à la suite du péché. La maladie, globalement, est la conséquence du péché de l’ensemble de l’humanité[8].

Enfin, le péché est source de culpabilité et de son corollaire, l’angoisse. Il suscite chez l’homme une prise de conscience, plus ou moins confuse, de sa part personnelle de responsabilité dans l’étendue du mal dans le monde. Cette culpabilité, normale, est d’autant plus ressentie que l’homme s’approche de Dieu: le Saint-Esprit aiguise la conscience. Et Paul de s’écrier être le premier des pécheurs, ce qui n’est pas un simple excès d’humilité, mais le sentiment réel du moment (1 Tm 1:15).

L’homme essaie, de manière plus ou moins inconsciente, de se dégager de cette culpabilité latente soit par projection (Adam renvoie la faute sur Eve), soit par justification (David veut construire un temple à Dieu pour se justifier d’être, lui, bien logé, 2 S 7), soit par assimilation (tout le monde le fait), soit par compensation (rites, mortifications), mais celle-ci ressort dès que survient une situation anormale.

Il faut bien entendu distinguer cette culpabilité de la maladie[9]. Un cas typique de culpabilité sans fondement, chez certains chrétiens, est la crainte d’avoir commis le péché contre le Saint-Esprit, péché irrémissible: se poser la question indique qu’il n’a pas été commis.

II. Le pardon divin

A) Sa nécessité et ses motifs

Le péché, même s’il est contre le prochain, étant une offense envers Dieu, provoque la colère du Créateur et l’homme ne peut plus rien pour sa défense: sa faute est trop importante car elle est dirigée contre le divin. Dans la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18:23-35), la somme due relève de montants invraisemblables pour un particulier[10]. Plaider contre Dieu, mais avec quel avocat?

Ici apparaît le caractère tragique du péché qu’aucune pénitence ne peut effacer… l’homme est dans une position de débiteur insolvable[11].

S’il y a donc rétablissement de la relation normale, c’est-à-dire primitive, entre le Créateur et sa créature, cela ne peut être que sur l’initiative de Dieu; il faut, en effet, une solution indépendante de l’effort humain. Dieu seul dispose du pardon. Les Juifs ne s’y sont pas trompés quand ils ont vu Jésus pardonner: celui-ci s’octroyait un privilège divin, d’où leur réaction. Le texte majeur d’Ephésiens 1 montre que Dieu pardonne, sauve l’homme selon le bon plaisir de sa volonté. Cette volonté de Dieu de pardonner relève, d’une certaine manière, de son arbitraire; c’est le « fait du prince ». Par bonheur, le désir de Dieu est de sauver[12]. Un autre motif est l’honneur de Dieu. Si celui-ci abandonne l’homme perdu, c’est un échec de la création, pourtant déclarée bonne et même très bonne (Gn 1:26 et 13:1). Relèvent de cet argument les appels de Moïse et de Daniel. Ephésiens 1 indique encore que Dieu veut être glorifié et que le salut de l’homme en est une composante (vv. 6 et 14). Mais le motif essentiel de la démarche divine reste l’amour, car c’est ainsi que Dieu se révèle: « Je suis un Dieu miséricordieux et bienveillant… plein de fidélité et de loyauté », dit-il à Moïse. Et cet amour s’exprime envers tous les hommes[13]. Dieu est, par essence, amour et il le prouve en sacrifiant son Fils. Néhémie qualifie Dieu de « Dieu des pardons » (9:17). Le pardon de Dieu est le libre jaillissement de l’amour divin. Nous pouvons conclure:

Parce qu’il possède un amour plein de bonté (krestotès) et de miséricorde (eleos), le Père décide (prothesis) par un décret irrévocable (boulè) qui correspond à un bon plaisir (endokia) de sauver le monde. Mais pour réparer la désobéissance (parakoé) du premier homme, le Fils de son côté se fait obéissant (hupakoé-hupekoos) et manifeste au monde sa suprème charité (agapé) en se livrant sur la croix[14].

B) Sa modalité mystérieuse

Dieu se met en colère parce qu’il nomme le péché par son nom, parce qu’il le dévoile sans détour, car il ne fait pas l’économie du péché; il ne le regarde pas comme n’ayant pas eu lieu, mais il « supprime l’obstacle » en payant le prix sur la croix. Aussi, si Dieu se met en colère, cela

ne signifie nullement son éloignement, sa fermeture à l’égard de l’homme mais au contraire sa proximité et sa faveur, sa volonté d’entrer en relation avec l’homme, car la colère est encore une parole de Dieu! Nul ne l’a mieux vu qu’Origène dans la première homélie sur Jérémie; alors que Dieu pouvait infliger sans rien dire, sans prévenir, un châtiment à celui qu’il condamne, il n’en fait rien; au contraire, même quand il condamne il parle, le fait de parler étant un moyen pour lui de détourner de la condamnation celui qui va être condamné… mais celui qui demeure fermé obstinément à cette parole ne trouve devant lui que la colère[15].

Mystérieusement, sans effusion de sang (sans vie donnée), il n’y a pas de pardon. Christ répand son sang et le pardon de Dieu s’opère à travers lui et uniquement par lui, seul médiateur. Ce n’est pas l’homme qui sacrifie quelque chose ou qui se sacrifie; c’est Dieu lui-même qui prend en charge le paiement du péché puisque l’homme est insolvable. Aussi Paul s’écrie-t-il: vous avez été rachetés à prix d’or. La loi mosaïque ne faisait que dévoiler le péché, l’incapacité de l’homme à se sauver. Jésus, lui, expie véritablement, étant victime propitiatoire, rédempteur, devenu péché pour nous et, de ce fait, il ôte notre propre péché. Christ mort pour nous est un grand leitmotiv du Nouveau Testament et un fondement de la foi chrétienne. Nous pouvons nous demander pourquoi Dieu a utilisé cette façon de pardonner et donc de sauver l’homme. Il y a là un grand mystère; pourtant, nous pouvons comprendre que si Dieu avait « passé l’éponge » sans plus, son amour aurait été sauf, mais pas sa justice; et s’il avait passé outre, sa justice aurait été satisfaite, mais pas son amour. Par le sacrifice du Christ, les deux trouvent leur compte.

C) Ses caractères

La dette ayant été effectivement payée, le pardon de Dieu est total et gratuit pour l’homme. Le péché n’est plus imputé mais caché, couvert, comme une chose qu’on ne peut plus voir (Rm 4:7 et 2 Co 5:19). Le Nouveau Testament utilise souvent un terme juridique, aphiemi, remettre, pour désigner le pardon. Déjà les prophètes de l’Ancien Testament avaient eu l’intuition, la révélation, non pas certes de la façon précise dont Dieu agirait pour pardonner, mais de la qualité du pardon divin. C’est ainsi qu’ils utilisaient des expressions imagées comme couvrir, ne plus se rappeler, enlever, effacer, laver, purifier, fouler aux pieds, mettre au fond de la mer les péchés des hommes. Tout péché peut être pardonné sauf celui contre le Saint-Esprit (cf. plus haut). Le pardon de Dieu est « le lieu » privilégié où l’homme se reconnaît totalement dépendant de Dieu. Jamais Jésus ne s’enquiert des péchés de ceux qui l’approchent et il n’y a aucun exemple, dans le Nouveau Testament, de quelqu’un demandant pardon à Jésus. Le pardon de Dieu est un cadeau.

Dieu donne-t-il à un être humain une attitude juste face au péché indépendamment des efforts humains en ce sens? Si on répond à cette question par l’affirmative – et la prédication première de Jésus parle en ce sens puisqu’elle n’exigeait pas de conversion préalable – le pardon de la faute par Dieu ne peut en aucun cas reposer sur la réalisation d’un acte de pénitence. Dieu n’accorde pas le pardon à cause de la réalisation d’une condition qu’il aurait lui même posée[16].

D) Ses conditions

Bien que le pardon de Dieu soit à son initiative, soit gratuit, les effets de ce pardon sont conditionnés. Le pardon n’est pas un automatisme magique, un phénomène qui se passerait en dehors de l’homme. C’est parce qu’il reconnaît son péché que le publicain repart justifié (Lc 18:13).

Jésus, précédé de Jean-Baptiste et suivi par Pierre, déclare: « Repentez-vous, sinon vous périrez. » Quelle est la mission des douze apôtres? Prêcher la repentance (Mc 6:12 et Lc 24:47). De quelle annonce aux Athéniens l’apôtre Paul est-il chargé? Que les hommes aient à se repentir parce qu’il y a un jugement à venir (Ac 17:31). Lors de la guérison d’un boiteux, Pierre dit au peuple: « Repentez-vous et convertissez-vous. » Et Paul agit de même devant Agrippa: cela suppose un changement de vie, le renoncement aux autres valeurs que celles de la Révélation, la production d’oeuvres dignes de la repentance (Mt 3:8 et Ac 26:20).

Repentir et conversion sont indissociables de la foi. Pierre, dans la maison de Corneille, affirme le pardon des péchés pour quiconque croit en Jésus, qui avait eu cette formule lapidaire: « Celui qui croit en moi a la vie éternelle. » « Dans toute vraie conversion, il y a un acte de foi par lequel l’homme reçoit ce que Dieu donne et donne ce que Dieu lui demande. »[17] Le pardon de Dieu est un cadeau; encore faut-il ouvrir le paquet! Aveu des péchés, repentance, changement de vie, foi constituent une démarche solidaire.

Une fois engagée la juste attitude d’un être humain dans la double direction pénitentielle, aversion du péché et conversion avec Dieu, on peut facilement comprendre qu’une telle orientation soit une expérience intérieure de l’amour de Dieu, un événement qui saisit et réforme l’homme à tous ses plans[18].

Si le désir de Dieu est que tous les hommes soient sauvés, tous ne le seront pas, car si le péché

entraîne après lui les plus graves conséquences et si cependant Dieu a attaché un si grand prix à la liberté de la créature jusqu’à la laisser abuser de cette liberté plutôt que de la contraindre, il ne la contraindra pas non plus pour la ramener au bien… [la rédemption] n’est donc pas une action extérieure, magique[19].

Dans la parabole du serviteur impitoyable, le roi a pris le risque de pardonner et il a échoué, car il doit ensuite revenir sur son pardon (Mt 18:23-35).

En outre, comme la mort expiatoire de Jésus est un fait situé dans le temps et dans l’espace (de même que l’évangélisation ultérieure) et qu’elle est l’unique possibilité de salut, il est normal de s’interroger sur le sort de ceux qui ont vécu avant le Christ et de ceux qui n’ont pas accès à la prédication évangélique. Dieu est justice et aura ses critères pour attribuer le sacrifice de son Fils à tel ou tel. Nous voyons, par exemple, que les Ninivites ont été traités selon la connaissance qu’ils ont eue de Dieu (Jon 4:11). L’apôtre Jean met sur un pied d’égalité celui qui pratique la justice, ou qui aime son prochain, et celui qui croit que Jésus est le Sauveur (1 Jn 2:29, 4:7 et 5:1). Jésus déclare enfant de Dieu celui qui est artisan de paix (Mt 5:9). Paul indique que Dieu jugera les hommes selon le critère de la conscience (Rm 2:15-16).

E) Ses conséquences

La première conséquence du pardon de Dieu est le rétablissement de la relation normale entre l’homme et lui, car il y a réconciliation. Ce n’est pas l’homme qui se réconcilie avec Dieu; c’est Dieu qui réconcilie l’homme avec lui-même, gr,ce au Christ (2 Co 5:18, Col 1:20). Dieu est de nouveau accessible; l’homme n’est plus son ennemi. Ensuite, il n’y a plus de condamnation qui pèse sur celui qui croit, mais justification, purification, possibilité de recommencer sa vie avec une culpabilité ôtée (Ph 3:13). Le pardon permet de « naître de nouveau » (Jn 3:3). Le chrétien pourra chuter, mais il se relèvera et repartira.

III. Le pardon entre les hommes

A) La faute et la réparation envers la société

La société, pour être pérenne, ne peut pas pratiquer l’amour, la générosité, le pardon, sans autre. L’Etat le plus démocratique, le plus républicain soit-il, doit sauvegarder la cohésion sociale, assurer la sécurité publique, faire fonctionner l’économie. Il lui est donc nécessaire de rendre la justice, c’est-à-dire d’être, dans certains cas, coercitif, de « porter l’épée pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal » (Rm 13:4). Un pays sans prison n’existe malheureusement pas. « Si on admettait le pardon sous toutes ses formes, il n’y aurait plus de civilisation », note Jacques Attali[20]. Le pardon ne peut être un facteur pris en compte que sous l’aspect de circonstances atténuantes, excuses, ou par la prescription, l’amnistie. La société ne peut pas pardonner; elle doit exiger réparation soit par l’argent, soit par le travail (cf. la tendance actuelle à condamner à des travaux d’utilité publique), à défaut par l’emprisonnement. Le pardon est

extrajuridique et illégitime… Il défie la logique pénale en brisant la causalité, en refusant l’équivalence entre le mal subi et le mal produit… La justice est un d’or, le pardon une gr,ce[21].

Le pardon ne peut donc être qu’une démarche marginale, car pardonner, c’est tolérer l’injustice et s’en rendre complice d’une certaine manière.

Toute injustice subie dépasse celui qui en est victime pour aller constituer un encouragement à des abus ultérieurs… pardonner à un voleur, c’est encourager le vice, le voleur n’allant pas se faire prendre ailleurs mais allant voler ailleurs[22].

La société parle, d’ailleurs, de fautes imprescriptibles, jamais excusables, jamais oubliées. Ce sont les crimes contre l’humanité.

B) Les offenses entre les hommes

i) Leur nature et leurs motifs

Offenser quelqu’un, c’est le blesser dans sa dignité par une parole ou un acte. L’offense fait mal. Offenser, c’est froisser, peiner, humilier, offusquer, faire tort, injurier, outrager, faire affront, bafouer, choquer, scandaliser, trahir, mépriser… On offense par orgueil, envie, jalousie, colère, méchanceté, indifférence, insolence, impertinence… L’offense concerne une relation entre êtres humains. Un animal ne peut offenser personne et n’est offensé par personne. L’importance de la blessure dépend à la fois de l’offenseur et de l’offensé. Celui-là peut être de bonne foi ou dans l’ignorance d’être offenseur ou ne se rend pas compte du mal qu’il fait. La personnalité de l’offenseur joue. Si un ami nous offense, c’est plus dur que si c’est quelqu’un avec lequel on n’a aucune attache. Nous pouvons supporter une offense si nous nous rappelons que nous avons nous-mêmes offensé. D’autre part, selon notre structure psychique, notre degré d’autonomie, notre « vécu » affectif et notre expérience générale de la vie, nous ne réagirons pas de la même manière en face d’une offense, laquelle pourra nous paraître anodine, grave ou très grave. « Il y a des gens à qui on fait beaucoup de choses et des gens à qui on ne fait jamais rien. »[23] De plus, une blessure peut être bénéfique. Dire son fait à quelqu’un, par exemple, peut être l’occasion pour lui d’un sursaut salutaire, d’un changement profitable dont il sera heureux plus tard.

Enfin, il y a ceux qui se sentent coupables de tout, parfois jusqu’à la paranoïa. Inversement, il y a ceux qui se sentent toujours victimes, alors qu’ils ont leurs propres torts. La réaction à l’offense dépend aussi de la culture. J. Buchhold cite le cas d’un Africain qui s’est senti gravement offensé par un Français qui l’avait appelé d’un signe de la main, car la foule était trop dense et bruyante pour se faire entendre. Dans sa culture, c’est ainsi qu’on appelle les chiens. Il existe un cas biblique assez semblable: des chrétiens étaient scandalisés parce que d’autres chrétiens mangeaient les viandes sacrifiées aux idoles, n’ayant pu se débarrasser de certains préjugés (1 Co 8). Toutefois,

ce caractère relatif de la sensibilité à l’offense ne devrait pourtant pas nous faire tomber dans le relativisme ou le subjectivisme, comme si l’offense était quelque chose de très flou et indéfini. Car l’offense est un péché, une transgression objective de la loi de Dieu[24].

Cela permet seulement de faire la part des choses.

ii) Leurs conséquences

Comme dans le cas de la relation avec Dieu, l’offense entre humains crée une rupture dans la relation avec l’autre, ou de l’autre avec soi. Il s’ensuit un cortège émotionnel qui porte le nom de colère, intériorisée en haine si l’offensé est impuissant devant l’offenseur, extériorisée en vengeance si les possibilités sont réunies.

La Bible dit à la fois « ne te mets pas en colère à cause de ceux qui font le mal » (Pr 24:19) et – car la Bible est réaliste et pratique – « si vous vous mettez en colère, ne péchez pas » (Ep 4:26), car

« le péché grave ce n’est pas la colère en soi mais c’est de transformer cette colère en agressivité qui blesse les autres »[25]

La nature humaine étant ce qu’elle est, la colère est normale et salutaire, car elle est une soupape de sécurité. Mais la colère est paradoxale: d’un côté, elle peut sublimer le mal en retour qu’on pourrait faire, en le remplaçant, en quelque sorte, par des scénarios mentaux de vengeance qui apaisent cette colère; d’un autre côté, la colère peut être source d’actes irréfléchis qui n’ont plus rien à voir avec la résolution du problème, ou d’actes qui s’adressent à des personnes étrangères à la situation. On cassera la vaisselle, et aussi on tuera le cas échéant.

La colère revêt autant de formes que d’individus. Les enfants en colère font pipi au lit, les maris se cachent derrière leur travail, le journal ou la télévision, les femmes restent des heures au téléphone, les religieux présentent un sourire forcé et pratiquent le contrôle de soi; les travailleurs rentrent malades et guérissent dès qu’ils sont à la maison; d’autres expulsent leur colère avec des bouffées de cigarette, la noient dans l’alcool ou l’avalent avec de la nourriture.

Si le sujet est impuissant à extérioriser sa colère sur l’offenseur, le risque de transfert direct sur un autre, qui n’est en rien concerné, existe: le mari battra sa femme parce qu’au bureau il est humilié par son patron. Le bizutage relève de ce phénomène.

L’effort pour nier la réalité sous prétexte que la colère n’était pas une réaction catholique aboutissait simplement à transférer vers des cibles qui n’avaient rien à voir avec la situation; par exemple, mes élèves. Ainsi cette façon de nier la réalité aboutissait à des résultats inverses de ceux que j’attendais… En fait, lorsqu’on est atteint au plan de l’émotion, des sentiments, c’est une réaction saine de se mettre en colère, de même qu’au plan physique il est naturel de souffrir lorsqu’on est blessé[26].

La colère est mauvaise conseillère, car elle obscurcit le jugement.

Aussi la Bible met-elle en garde contre la vengeance et l’envie de se faire justice à notre façon et demande-t-elle de remettre notre cas à Dieu. « A moi la vengeance, à moi la rétribution », dit le Seigneur (Dt 32:35 et Rm 12:19). La société humaine fait de même en refusant la justice personnelle, car elle se rend compte du manque d’objectivité de l’offensé.

La colère peut détruire l’offensé lui-même. Celui-ci rumine alors que l’offenseur est tranquille dans son coin. La colère peut conduire au masochisme, l’esprit de vengeance faisant corps avec la personne, lui donnant sa raison de vivre[27].

De toute manière, la colère, l’amertume rendent malades:

Des médecins ont remarqué, lors d’autopsies, que certaines personnes qui venaient de mourir avaient des glandes thyroïdes et corticosurrénales particulièrement développées. Et leurs enquêtes leur ont révélé qu’en général c’était des personnes qui avaient mené une vie chargée de querelles, d’amertumes, de non-pardons. Cela s’explique bien sur le plan médical: ces glandes produisent des hormones dans le but de nous donner l’énergie que notre corps réclame. Et celui qui a de l’amertume a plus souvent que la normale son esprit en éveil, en colère. Son corps produit donc beaucoup de ces hormones. Or, sécrétées en quantité trop importante, ces hormones ont un rôle dévastateur: elles diminuent l’efficacité de notre système immunitaire. Et nous tombons donc plus facilement malades[28].

D. et M. Linn citent le cas de cardiaques et de cancéreux; ils écrivent:

On ne peut prendre en considération la colère qui ronge un cancéreux et ne rien faire pour combattre la pollution atmosphérique qui est une des causes de cancers. On ne peut pas non plus se contenter d’envoyer des malades atteints d’arthrite vers des pays plus chauds sans tenir compte de leurs sentiments de colère ou de culpabilité. Si l’on ne traite pas cette colère et cette culpabilité, le médecin pourra bien enlever à un malade un ulcère au cours d’une opération parfaitement réussie, il est fort probable qu’un an plus tard, lorsqu’il examinera à nouveau le même patient, il découvrira une nouvelle maladie. Des recherches ont montré que les personnes qui se trouvent dans des structures de tension sont plus souvent malades que les autres[29].

En dernier lieu, colère, haine, amertume, etc. sont des péchés contre Dieu; aussi la Bible recommande-t-elle avec insistance de les faire disparaître du milieu chrétien (Ep 4:31 et Col 3:8).

C) Le pardon humain

Le pardon n’est pas naturel. De plus, face à un acte injuste, l’homme est très sensible à la notion de justice. Toute la littérature morale fait punir le méchant et sauver le bon. Les films westerns (et ceux qui mettent en scène Zorro) sont typiques à cet égard. Nous sommes mal à l’aise si le méchant échappe. En revanche, l’excuse entre dans les raisonnements humains. Le pardon est l’indulgence pour le coupable, l’oubli de la faute qui reste intrinsèquement entière. L’excuse, elle, atténue la faute et peut aller jusqu’à l’écarter. Tuer est un crime, sauf si c’est en cas de légitime défense. Tuer un voleur qui, entré par effraction, vous menace, n’est pas répréhensible; tuer un voleur qui s’enfuit est un assassinat car l’excuse du danger ne peut plus être invoquée[30]. L’excuse relève de la compréhension. Un adage populaire dit que tout comprendre, c’est tout excuser.

Mais c’est mélanger fantasme et réalité, car cette compréhension est subjective, la personne

admettant l’action comme inévitable parce qu’elle retrouve en autrui ses propres faiblesses, réelles ou possibles, au lieu de chercher l’objectivité du jugement[31].

Pourtant, même si je peux comprendre celui qui va m’assassiner eu égard à son enfance, à sa vie et à ce que je représente pour lui, je ne le laisserai pas faire si j’ai la possibilité de me défendre! Aussi comprendre se limite-t-il à déterminer le degré d’excuses et à distinguer l’individu dangereux de celui où tout reste dans le cerveau. D’autre part, rien n’est vraiment pur dans les relations humaines et l’esprit de justice va souvent avec l’esprit de lucre: se défendre en justice peut rapporter. L’orgueil est souvent présent.

« La plupart des gens s’estiment lésés parce qu’il s’estiment tout court. »[32]

Il n’en reste pas moins que le pardon a un aspect ambigu car il peut être, d’une part, une bonne thérapie évitant notamment les conséquences maladives, et, d’autre part, un renoncement avilissant.

Pardonner, c’est renoncer librement à ce qui vous paraît juste, indispensable. Il faut le dire clairement: le vrai pardon est une forme d’automutilation et d’autocrucifixion. Le pardon, c’est presque une forme de suicide en faveur de l’autre. C’est pourquoi le pardon est vraiment un acte injuste. Pardonner, c’est être injuste vis-à-vis de soi-même[33].

Le philosophe Gouhier parle de l’irrationalité et de l’immoralité du pardon. La vengeance exercée directement ou par une procédure publique efface l’offense et réaffirme la valeur de la victime. Enfin, J. Buchhold note que le pardon a une fonction utile en mettant de l’huile dans les engrenages:

On étouffe les tensions au sein du couple pour le bien des enfants ou pour des raisons d’ordre matériel. On fait taire les animosités au nom d’un intérêt supérieur: réputation morale, nécessité de travailler ensemble, désir de conserver son emploi[34].

Mais s’agit-il là véritablement de pardon? Le pardon n’est pas, en effet, à confondre avec l’acceptation de l’offense, la résignation, qui n’excluent en rien la colère, l’amertume, le refoulement, même si le temps peut être un facteur important dans le pardon. Dans le pardon, ce qui est difficile, c’est qu’on n’obtiendra jamais justice. Or la notion de justice, de vengeance est ancrée dans la nature humaine, car celle-ci n’ayant pas bon fonds doit avoir des réflexes de survie. Le refus de l’offense, de l’injustice est un droit légitime et même, le cas échéant, un devoir, ce refus pouvant être concrétisé dans la vengeance mais aussi sublimé par le pardon. Celui-ci repose sur un présupposé religieux. La plupart des religions demandent effectivement de pardonner[35].

D) Le pardon humain chrétien

i) Son fondement et ses motifs

Le fondement du pardon chrétien est d’ordre non pas naturel mais spirituel; le vrai pardon est un acte de foi en Dieu:

A proprement parler, Jésus ne pardonne pas à ses bourreaux, c’est à Dieu qu’il demande le pardon pour ses bourreaux… Demander à Dieu de pardonner un ennemi, c’est reconnaître que celui à qui j’en veux pour le mal qu’il m’a fait n’est devant Dieu ni plus ni moins pécheur que moi-même. Si je demande le pardon de mon ennemi, c’est parce que je me mets dans le même sac que lui… C’est une manière de reconnaître que lui et moi nous sommes tous les deux, de la même manière, des pécheurs et des pécheurs pardonnés[36].

Pardonner est un commandement de Dieu. Dans la parabole du serviteur impitoyable, le roi reproche à celui-ci de n’avoir pas eu pitié, alors que, lui, le roi, a eu compassion, avec une disproportion fantastique. De même que Dieu nous a pardonné, pardonnez-vous réciproquement disent les Ecritures.

La gratitude envers Dieu nous permet de mieux discerner en notre débiteur un homme aux mêmes besoins que nous, une victime, comme nous, du péché… Elle nous conduit à réfléchir à notre attitude vis-à-vis de l’offenseur, alors que le ressentiment s’arrête à sa conduite à notre égard[37].

Des chrétiens emprisonnés, torturés ont pu, effectivement, pardonner à leurs bourreaux qui, parfois, sont devenus leurs frères dans la foi. Au cours des toutes dernières décennies, des témoignages très édifiants nous sont rapportés par divers auteurs ayant souffert sous des régimes totalitaires. Cela paraît d’un autre monde, mais nous voyons là la puissance du Saint-Esprit qui transforme les coeurs.

* Pardonner, c’est aimer et aimer est le commandement de Dieu. Jésus a donné sa vie et, si Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi aimer le prochain, même si c’est un ennemi, un persécuteur (Mt 5:44).

* Pardonner est une nécessité si nous voulons que Dieu continue à nous pardonner. Le Notre Père, prière enseignée par Jésus, donc fondamentale, nous fait mettre comme condition du pardon divin le pardon aux autres et ce, de tout notre coeur (Mt 6:12)[38].

* Pardonner, c’est ressembler à Dieu et accomplir le « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5:48); refuser de pardonner, c’est voir d’un mauvais oeil que Dieu soit bon (Mt 20:15).

* Mais pardonner n’est pas naturel, il faut l’aide de Dieu qui donne ce qu’il ordonne (Ph 2:13 et 1 Th 5:24).

ii) Ses conditions

Devons-nous pardonner sans conditions? Il faut d’abord remarquer que l’acte de pardonner ne peut provenir que de la victime. Nous ne pouvons pardonner à la place de la victime, en son nom. Lors d’une émission de télévision La marche du siècle, fin 1996, des personnes ont dit avoir pardonné aux assassins de leurs enfants. En fait, elles n’ont pardonné que le mal qui leur avait été fait, à elles, mais pas celui qui avait été fait à leurs enfants (qui, dans le cas précis, ne sont plus en état de pardonner ou non, étant décédés). En revanche, la dame qui a pardonné au médecin nazi qui l’a rendue invalide et qui est venu la voir quarante ans après est caractéristique du pardon d’une victime chrétienne. D’autres cas sont aussi exemplaires.

Pour le chrétien, une question vient à l’esprit: à qui devons-nous pardonner? Aux frères dans la foi ou à tout le monde? Certains textes bibliques ne parlent, en effet, que du pardon aux frères. Pierre demande combien de fois il faut pardonner à son frère. Jésus dit à ses disciples: si ton frère a péché, reprends-le et s’il se repent, pardonne-lui. De même Paul demande aux chrétiens d’Ephèse et de Colosses de pardonner aux autres chrétiens.

Mais que l’offenseur soit un chrétien n’est qu’un cas particulier et non une condition du pardon chrétien. Jésus sur la croix pardonne à ses bourreaux. Il demande à ses disciples de pardonner s’ils ont quelque chose contre quelqu’un (et non pas: contre un frère). Quand Jacques recommande d’aimer le prochain, il ne fait pas allusion à une catégorie particulière. Les ennemis dont parle Jésus ne sont pas, en général, des frères.

Il semble même que le pardon doive être donné plus normalement aux non-chrétiens qu’aux frères dans la foi, car il n’y a pas de conditions spirituelles en ce qui concerne ceux-là, alors que pour ceux-ci nous avons des indices dans la Bible, tels que le repentir de l’offenseur. Reprendre un chrétien en faute est conseillé et ce, en plusieurs étapes: entre lui et nous, lui et l’Eglise, jusqu’à la séparation, s’il le faut (Mt 18:15-17).

Les moralistes chrétiens sont partagés. Certains pensent qu’il faut pardonner sans contrepartie, sans attendre regret ou repentir de l’offenseur; d’autres distinguent la disposition à pardonner, indépendante de l’agresseur, et le pardon proprement dit, conditionné par l’attitude de l’offenseur.

En pratique, il y a une chronologie, qui ne peut pas toujours se dérouler jusqu’au bout. Nous pouvons pardonner à quelqu’un qu’il ne nous est plus possible de contacter; le pardon sera au moins bénéfique pour nous. Mais si la rencontre est possible, elle devra effectivement avoir lieu. Car s’il ne semble pas qu’il y ait des raisons spirituelles proprement dites pour conditionner le pardon, il existe des raisons de morale humaine et de vie pratique. Pardonner sans contrepartie risque d’être perçu comme l’amorce d’une tendance à cautionner le mal. L’offenseur peut penser que son acte n’est pas grave. L’objectivité de la faute est alors atténuée ou éliminée, et le pardon devient synonyme de faiblesse.

Si pardonner signifie admettre une situation d’iniquité, d’inégalité et de tolérance laxiste, alors bien sûr il n’y a respect ni de l’autre ni de soi[39].

Jésus demande pourquoi on veut le lapider, pourquoi on le frappe, et Paul, quand il est battu par les soldats, réclame des comptes. Le pardon accordé par l’offensé lorsqu’il est lié à la repentance de l’offenseur délivre à la fois l’un et l’autre, et une relation nouvelle peut alors s’établir. Cela suppose que l’offensé motive sainement sa démarche, c’est-à-dire sans en profiter pour accabler l’autre, pour abuser de son droit, mais au contraire en cherchant à gagner l’autre. Le dialogue peut permettre d’ailleurs une clarification, car les torts ne sont peut-être pas tous du même côté. Quand la Bible parle de reprendre l’autre, elle utilise des mots (elenko et epitimao) qui signifient respectivement « montrer à quelqu’un son péché, l’appeler à se repentir » et « bl,mer, réprimander, réprouver ». Il y a donc, à la fois, l’idée de convaincre et de menacer.

Tout notre effort devrait tendre à produire une prise de conscience de la part de notre offenseur, à le convaincre que son attitude était fautive et qu’il se perd en refusant de reconnaître son offense. En Luc 17:3, le but de l’appel à la repentance est de produire un sursaut du sens moral: tu as péché en me blessant. Tu n’as pas le droit de minimiser ton acte. Ce que tu as fait est mal et grave. Ton attitude n’a pas été juste mais je suis prêt à te pardonner si tu acceptes sincèrement d’avoir besoin de pardon[40].

Est-ce que l’inverse est juste? L’offenseur peut-il prétendre au pardon à cause de son repentir et de l’exigence divine envers l’offensé? Nous ne le pensons pas et il y a d’ailleurs des cas concrets où l’offensé ne voudra pas pardonner. Toutefois, le pardon de la part de Dieu peut toujours être demandé, ce qui redonnera la paix à l’offenseur.

iii) Ses conséquences

Le pardon nous reconcilie, nous redonne la paix avec Dieu et avec l’offenseur dans la mesure où celui-ci « joue » le même « jeu ». Si nous ne pardonnons pas, notre relation avec Dieu est entachée et nous sommes obligés de dire le Notre Père à l’envers: Père, ne nous pardonne pas, car nous ne pardonnons pas. La Bible prévient que Dieu nous traitera comme nous traitons les autres.

S’il est vrai que le pardon de Dieu envers moi ne dépend pas de mon aptitude à pardonner, cette aptitude prouve cependant la réalité de ma foi[41].

Le pardon nous rend reconnaissants envers Dieu en nous faisant expérimenter concrètement le prix à payer pour pardonner. Nous avons alors une petite idée du sacrifice sur la croix. Le pardon nous rend libres vis-à-vis d’autrui:

Le pardon transforme notre foi. Jésus a dit: « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir. Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses. (Mc 11:24-25) Nous nous demandons souvent si notre foi est assez grande pour que Dieu agisse et nous prions pour que Dieu l’augmente. Le problème est plutôt une question d’obstacles qui empêchent notre foi d’agir. Jésus dit (Mt 17:20) que si nous avions de la foi comme un grain de sénevé, semence infiniment petite, nous dirions à une montagne de se transporter d’ici à là et elle se transporterait; rien ne nous serait impossible. Il insiste sur la qualité de notre foi. Quel est donc l’obstacle qui empêche cette foi d’agir ? Si vous avez quelque chose contre quelqu’un, il s’agit du non-pardon. Le ressentiment paralysera notre foi tandis que le pardon la libérera[42].

Le pardon nous libère d’un fardeau, car nous le remettons à Dieu qui juge et rétribue justement: la faute exige une sentence, mais ce sera l’affaire de Dieu. « A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur » (Dt 32:35; Rm 12:19). En pardonnant, nous libérons l’action du Saint-Esprit, car celui-ci est un esprit de pardon. Plus nous pardonnons, plus le Saint-Esprit agit non seulement en nous, mais autour de nous. Les témoignages sont nombreux. Enfin, de même que la colère, l’amertume, le ressentiment rendent malades, le pardon, lui, est source de guérison physique. Là aussi, les cas concrets abondent.

Nous pourrions conclure avec L. Basset que « pardonner, c’est accepter ce qui est arrivé comme du passé et non comme le dernier mot sur autrui ou sur soi », tout en se rendant compte que ce n’est pas une démarche toujours facile[43].


* R. Vercellino-Aris est diplïmé de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications et de la Faculté de théologie protestante de Paris; il est membre de l’Eglise évangélique libre d’Orthez.

[1] Cf. La Revue réformée 48 (1997:1) et Hokhma (1997: 65, 66).

[2] Cf. Sertillanges, Le problème du mal (chap. « La pensée chrétienne ») (Paris: Aubier-Montaigne, 1951).

[3] Dictionnaire de théologie catholique (Paris: Letouzey et Ané, 1933), art. « Péché originel ».

[4] Rm 8:20. Nous traduisons ici d’après Moulton et Milligan, The Vocabulary of the Greek Testament (1930).

[5] Ps 14:3 et Rm 3:10-12 et 23: Cf. aussi 1 R 8:46.

[6] Cf. Ps 51:6; Gn 39:9; Am 2:6-7; Jc 5:4 et Ac 5.

[7] Cf. Friès, Encyclopédie de la foi, art. « Péché » (Paris: Cerf, 1966).

[8] Voir H. Blocher, « La maladie selon la Bible », revue Ichthus, n8 81.

[9] Voire pathologique (due à l’idéal de soi, de l’idée d’autrui sur soi, de la culture, etc.).

[10] L. Basset, Le pardon originel (Genève: Labor & Fides, 1995) fait remarquer (p. 424) que le revenu annuel d’Hérode le Grand ne dépassait pas 900 talents. Pour prendre une autre comparaison, c’est comme si on demandait à un Français de niveau social moyen de rembourser l’équivalent d’un budget annuel de l’Etat français…

[11] Voir A. Westphal, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, art. « Pardon » (Valence: Je sers, 1932). Dans l’Eglise catholique, la distinction entre péchés pardonnables et impardonnables a commencé à apparaître à partir de Tertullien (fin du IIe siècle). Cf. Dictionnaire de théologie catholique, art. « Péché mortel », « Péché véniel ». Les protestants refusent cette distinction.

[12] Ez 33:11 et 1 Tm 2:4. Ce dernier verset montre que le désir de Dieu est de sauver tous les hommes. Or tous ne seront pas sauvés (l’apocatastase est considérée comme non biblique). Sur ce point, cf. J. Buchhold, Le pardon et l’oubli (Mery-sur-Oise: Sator, 1989): la préférence de Dieu va au pardon et ce n’est pas volontiers qu’il afflige les hommes. La condamnation est toujours son oeuvre étrange (Es 28:21). Buchold cite aussi J. Murray sur l’offre gratuite de l’Evangile: comment expliquer que, selon la volonté décrétive de Dieu, seuls certains seront sauvés (Rm 9:14-23, Ep 1:4-5, Rm 8:29, etc.) alors que le Seigneur désire les sauver tous? La raison en est que le désir de Dieu que tous les hommes soient sauvés n’exprime pas sa volonté décrétive, mais sa préférence pour le salut des hommes qu’il révèle par divers témoignages de sa bonté à leur égard et surtout par l’annonce de l’Evangile.

[13] Cf. Ex 34:6, Ps 145:9, Jl 2:13, Jon 4:2, Dt 33:3 et Jn 3:16. Voir l’article de P. Wells « Qui est sauvé? », La Revue réformée 48 (1997:3), 63ss.

[14] K. Romaniak, L’amour du Père et du Fils dans la sotériologie de saint Paul (Rome: Ed. Pontificales, 1961), chap. « Amour de Dieu en Jésus-Christ ».

[15] Bernard Rordaf, « Comment parler du jugement dernier », Etudes théologiques et religieuses (1995:3).

[16] H. Vorgrimler in Eicher, Dictionnaire de théologie, art. « Pénitence/pardon » (Paris:Cerf, 1988).

[17] N. Andrieu, Réalités de la foi-Digest, num 4 (1995).

[18] Ibid.

[19] Westphal, op. cit., art. « Rédemption ».

[20] In « La religion, les maux et les vices », n8 spécial du Christianisme au XXe siècle (octobre 1996), 18.

[21] F. Keller, « Pardon et culpabilité » in La Gazette des GBU (octobre-novembre 1992).

[22] Cf. Dorolle et Dreyfus, Traité de dissertation philosophique (Paris: Delagrave, 1950), 220ss.

[23] M. de Hadjetlaché, « Le pardon entre les hommes », revue Ichthus, num 118, 3.

[24] J. Buchhold, La pardon et l’oubli, 29.

[25] L. Basset, Le pardon originel (Genève: Labor & Fides, 1995), 448.

[26] Les citations sont du livre de D. et M. Linn, La guérison des souvenirs (Paris: Desclée de Brouwer, 1990), 128ss.

[27] Un cas typique est celui évoqué dans le roman Le Comte de Monte-Cristo d’A. Dumas. Le prêtre qui indique à Dantès (le futur comte) le lieu d’un immense trésor lui demande d’utiliser cet argent à des oeuvres caritatives. Dantès a tellement souffert de l’injustice qu’il ne peut pas ne pas prendre une partie de cet argent pour sa vengeance. Toute sa vie n’avait plus de raison d’être que la vengeance.

[28] Cf. Dr J.-L. Bertrand, « Vengeance et maladie ou pardon et guérison, à vous de choisir » (IDEA, nov. 1996), qui rajoute cette réflexion de Benjamin Franklin: pardonner, c’est de l’égoïsme éclairé. Il fait aussi remarquer que si, jusqu’à une certaine époque, vengeance était synonyme de défense de son honneur et cette défense une preuve de force morale, aujourd’hui, médecins et psychologues se rendent compte que vouloir défendre son honneur à tout prix plutôt que de veiller à garder de bonnes relations avec ceux qui nous entourent g,che la vie et la santé. Cf. aussi la littérature, par exemple Le Cid de Corneille.

[29] D. et M. Linn, La guérison des souvenirs, 49s.

[30] La nouvelle législation française (1994) a supprimé la notion de circonstances atténuantes estimant le système hypocrite parce que le juge n’a jamais à motiver ces circonstances atténuantes ni à s’expliquer sur leur contenu. Pour le juge, il suffit maintenant qu’il aille où il veut dans l’échelle des peines et il n’a pas besoin de s’en expliquer. Le nouveau code a, en revanche, maintenu des errements anciens comme l’irresponsabilité du dément ou l’erreur de droit non en mesure d’être évitée (Cf. J.D. Bredin et G. Gilbert : « Y-a-t-il des coupables inexcusables? » in La religion, les maux et les vices, n8 spécial du Christianisme au XXe siècle (octobre 1996), 10.

[31] Cf. Dorolle et Dreyfus, Traité de dissertation philosophique (Paris: Delagrave, 1950), 220ss.

[32] Op. cit.

[33] A. Houziaux, « Le pardon et la justice », in La religion, les maux et les vices, num spécial du Christianisme au XXe siècle (octobre 1996), 70.

[34] J. Buchhold, Le pardon et l’oubli, 98.

[35] Cf. A. Houziaux, art. cit., 17; L. Basset, Le pardon originel, 445, et J. Buchhold, Le pardon et l’oubli, 70.

[36] A. Houziaux, art. cit., 17.

[37] J. Buchhold, Le pardon et l’oubli, 98.

[38] Voir P. Wells, Du Notre Père à nos prières (Bâle: EBV, 1997), 104ss.

[39] Cf. J. Duquesne, « Le pardon et la justice », in La religion, les maux et les vices, n8 spécial du Christianisme au XXe siècle (octobre 1996), 19.

[40] J. Buchhold, Le pardon et l’oubli, 136.

[41] Cf. J.-P. Dunand, « Imiter Dieu qui pardonne », in revue Ichthus, n8 118, 23.

[42] Hatzakortzian, Le pardon une puissance qui libère, 36.

[43] L. Basset, Le pardon originel, 448.

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Quel est ce Dieu tout-puissant qui est impuissant ?

Roger VERCELLINO-ARIS*

«Ou DIEU veut supprimer les maux et ne le peut; ou il le peut et ne le veut; ou il le veut et le peut. S’il le veut et ne le peut, il est impuissant. S’il le peut et ne le veut, il est méchant. S’il le veut et le peut, d’où viennent donc les maux et pourquoi ne les supprime-t-il pas?»

Epicure, d’après Lactance (De Ira Dei, chap. 13)

1. Le problème

Pour l’esprit humain, l’existence d’un Dieu qui se dit bon et qui déclare que la création est bonne (c’est, en tout cas, ce qui ressort de la Bible, cf. par exemple 2Ch 5.13, Ps 145.9, Mc 10.18, Gn 1.31) et celle de la souffrance et du mal posent, le moins qu’on puisse dire, problème.

Certains expliquent que la liberté humaine est en cause. L’homme utilise mal sa liberté, là est la source des maux sur terre. Certes, cela est vrai dans bien des cas; car certains maux et maladies sont dus aux abus humains (alcool, drogues, envies…). Mais Dieu n’aurait-il pas pu ou dû créer l’homme un peu moins libre et un peu plus enclin au bien? Et s’il ne laisse pas la terre abandonnée à elle-même, pourquoi les enfants subissent-ils souvent les conséquences du comportement de leurs aînés? N’est-il pas scandaleux que des innocents, par millions, soient malades, violés, torturés, en prison? Les guerres et génocides sont œuvres humaines, mais cela paraît laisser Dieu insensible.

D’autre part, si l’homme est à l’origine de certains maux, le mal existait avant sa création (Gn 2.9 et 3.5). L’homme n’est pas responsable des tremblements de terre, des tsunamis et d’autres catastrophes naturelles qui font pourtant, chaque fois, des milliers de victimes1.

Certains s’insurgent, comme Eric Emmanuel Schmitt, par le biais d’un personnage de sa pièce Le visiteur: «Si Dieu était content de ce qu’il a fait, de ce monde-ci, ce serait un drôle de Dieu, un Dieu cruel, un Dieu sournois, un criminel, l’auteur du mal des hommes!»2Et le chrétien Philip Yancey de s’écrier: «Dieu où es-tu quand l’épreuve est là?»3

2. Un Dieu tout-puissant

Il n’y a pas de dualisme dans la Bible. Dieu est tout-puissant et il est le seul à l’être. Certes, il y a le diable, mais c’est un subalterne, même s’il a accès à la sphère divine (Jb 1 et 2). Dieu est le créateur de l’univers (Gn 1.1). Les formules «Je suis le Dieu tout-puissant», «Je suis le tout-puissant», «Dieu règne» sont martelées dans l’Ancien Testament4et le Nouveau Testament5.

L’Ancien Testament est l’histoire de ses actions. Il intervient massivement, selon l’expression du pasteur Olivier Pigeaud6. Dieu est au ciel et il fait ce qu’il veut dans les cieux et sur la terre (Ps 115.3 et 135.6). Dieu agit comme il lui plaît avec les «armées des cieux» et avec les habitants de la terre, et il n’y a personne pour lui résister (Dn 4.35). C’est lui qui donne la victoire au peuple juif ou le destine à la défaite, qui fait et défait les nations et les potentats (Jr 27.5, Jn 19.11). Il domine sur tout (1Ch 29.12, Ps 103.19, Jb 12.13-25), est maître du moindre événement (cf. toute une liste en Jb 39, cas du petit oiseau en Mt 10.297). C’est lui qui pousse David à faire un recensement du peuple (2S 24.1), même si c’est par l’intermédiaire du diable (1Ch 21.1), recensement qui déplaisait pourtant à Dieu (1Ch 21.7). La punition fut d’ailleurs très dure et pas uniquement contre David (1Ch 21.14). Dieu est le séducteur des faux prophètes (Ez 14.9), c’est lui qui envoie un mauvais esprit sur Saül (1S 16.14). Si Absalom viole les femmes de David, c’est parce que Dieu voulait punir David (2S 16.21). Les fils du prophète Eli refusent l’objurgation, car Dieu voulait les faire mourir (1S 2.25). Et n’est-il pas impliqué dans la coutume de l’immolation des premiers-nés (Ez 20.25)? Certes, comme le remarque Calvin: «Quand Dieu accomplit par les méchants ce qu’il a décrété en son conseil secret, ils ne sont pas pour autant excusables, comme s’ils avaient obéi à son commandement, lequel ils violent et renversent tant qu’il est en leur pouvoir.»8Il n’en reste pas moins que, d’une manière générale, Dieu a autorité même sur les fléaux (Am 3.6, Lm 3.38, Es 45.79, Ap 15 et 16: quels fléaux!). Si certains maux sont des punitions justifiées, d’autres paraissent quasiment arbitraires10. Dieu voit les actions secrètes des hommes (Mt 6.6, Rm 2.16) et connaît leurs pensées intimes (Rm 2.16, Hé 4.12-13). Si le diable est le prince de ce monde et le dieu de ce siècle (cf. infra), il ne fait que rester, selon l’expression de Luther, «diable de Dieu»11.

Le Dieu de la Bible est un Dieu tout-puissant.

3. Un Dieu silencieux, impuissant

De par sa nature, Dieu ne peut faire des choses contradictoires, comme un cercle carré, deux et deux égale cinq, que je ne sois pas né alors que c’est déjà le cas. La réflexion essuyée par le pasteur Wurmbrand alors adolescent: «Si Dieu est tout-puissant, peut-il faire un poids si lourd qu’il ne peut le soulever? Si oui, il n’est pas tout-puissant, sinon, il ne l’est pas davantage»12, relève du sophisme.

Par ailleurs, Dieu ne peut mentir (Nb 23.19, Es 15.29, Hé 6.8) ou pécher (Jc 1.13). Il ne peut se renier (2Tm 2.13).

Cela posé, nous voyons que si Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1Tm 2.4), ceux-ci ne le seront pas tous (Mt 22.4, 25.41). Il y aura même peu d’élus (Mt 22.14). L’apocatastase ne tient pas au point de vue scripturaire13. Pour lever la contradiction les théologiens

«distinguent entre la volonté divine de décret et la volonté préceptive… Les fils d’Eli ne se sont pas repentis parce que le Seigneur voulait les faire mourir (1S 2.25) et pourtant, il ne veut pas la mort du pécheur (Ez 18.32). Dans le premier cas, Dieu a voulu dans ce sens qu’il l’a inclus dans le programme de tout ce qui arrive, dans le plan universel ou Décret. Dans le second, il s’agit de son désir, de son appel, commandement ou précepte, qu’ils se convertissent… Le mal, s’il est voulu [de Dieu], d’une certaine façon, n’est pas voulu comme le bien. Dieu veut le bien directement, simplement, pour lui-même; il ne veut le mal que d’une autre façon, en le haïssant simultanément. C’est un vouloir souverain, certes, mais permissif, qui s’y rapporte. La causalité divine à l’égard du bien est efficiente (Dieu agit effectivement…). Elle est déficience à l’égard du mal (Dieu se contente de ne pas agir, comme s’il faisait défaut). Alors que Dieu opère lui-même le bien en le faisant opérer, le mal est toujours le fait d’une ou plusieurs créatures exclusivement.»14

Thomas d’Aquin prend l’exemple suivant: «[Prenons un] juge épris de justice. De volonté antécédente, il veut que tout homme vive, mais de volonté conséquente, il veut que l’assassin soit pendu. Semblablement, Dieu veut de volonté antécédente que tous les hommes soient sauvés, mais de volonté conséquente, il veut que quelques-uns soient damnés comme sa justice l’exige15

Pour le commentateur John MacArthur: «Si le dessein rédempteur de Dieu se limite aux élus, son désir de salut s’étend à la race humaine entière.»16L’œuvre de salut par Jésus-Christ est valable pour tous les hommes, mais tous n’en profitent pas17. Jésus parle, par exemple, du bon dessein de Dieu envers les pharisiens, rendu nul par ceux-ci (Lc 7.30). Dieu est le Sauveur de tous les hommes, mais… principalement18des croyants. Il s’ensuit qu’il y a là un mystère que reconnaît La Bible annotée dans son commentaire de 1 Timothée 2.419.

Cela dit, «Dieu, être omnipotent agissant depuis l’éternité, aurait pu produire quelque chose de mieux», écrit Bertrand Russel20. Pour Hans Jonas, il s’agit «d’un Dieu complètement inintelligible, qu’on peut dire qu’il est à la fois absolument bon et absolument tout-puissant et que néanmoins il tolère le monde tel qu’il est»21.

Toutefois, certains, comme Bertrand Vergeley22, estiment que faire un procès à Dieu à ce sujet est malvenu de la part de l’homme qui, lui non plus, ne fait rien. Il importe de se regarder soi-même quand on entend critiquer Dieu. Mais on peut rétorquer que l’homme tolère car il est quelque peu impuissant, alors que Dieu…

Dans le même ouvrage, Vergely cite23le cas d’une femme pasteur qui, devant la souffrance puis la mort d’une fillette de trois ans, s’écrie: «Je suis devenue pasteur parce que j’aime Dieu, parce que je crois en lui; tout cela ne correspond pas à ce que je croyais. C’est dur de voir que le Dieu que j’aime peut laisser souffrir un enfant comme cela.» L’évangéliste Charles Templeton, en face d’un malade atteint de la maladie d’Alzheimer, puis à la vue d’une photo d’une femme, en Afrique du Nord, qui lève les yeux au ciel, tenant dans ses bras son bébé, assoiffés tous les deux car il y avait une sécheresse épouvantable, se dit: «Est-il vraiment possible de croire qu’il existe un créateur plein d’amour et de compassion quand tout ce doit avoir besoin cette femme, c’est la pluie?»24Et André Comte Sponville d’enfoncer le clou: «Passer plusieurs heures dans un service de pédiatrie d’un grand hôpital donne une assez basse idée de Dieu s’il existait.»25Certes, il y a la solidarité humaine qui fait que les actes, les imprudences, les vices des uns ont des répercussions sur les autres, sur les descendants en particulier. Dieu lui-même qui déclarait que l’iniquité des pères serait punie jusqu’à la troisième ou quatrième génération (Ex 20.15) est revenu pourtant, plus tard, sur cette décision, annonçant que chacun assumera sa propre faute (Jr 31.30, Ez 18.4). Alors pourquoi la souffrance injuste?

Philip Yancey cite26le livre du professeur John Hick Philosophie de la religion où celui-ci écrit qu’un monde sans souffrance serait le pire des mondes possibles [sic], car cela supposerait que la nature fonctionnerait par de continuelles providences particulières et non pas par des lois universelles à respecter… Les concepts éthiques n’auraient pas de sens… dans ce monde, il ne pourrait y avoir de mauvaise action ni d’ailleurs de bonne… Yancey cite aussi26 la réflexion du Dr Paul Brandi: «Remercions Dieu d’avoir inventé la douleur. Il n’aurait pu faire mieux [sic].» Il estime lui aussi que la douleur a son utilité, car elle joue un rôle protecteur vis-à-vis de notre corps, et que la souffrance possède même une certaine valeur morale car elle attire notre attention sur le caractère éphémère et précaire de notre vie sur cette planète. Mais il remarque aussitôt que le problème de la douleur et de la souffrance provient de la troublante question de la cause27.

Jules-Marcel Nicole, de son côté, estime que la souffrance est parfois nécessaire en vue d’un témoignage face aux hommes et aux anges (cf. cas de Job28). La Bible en parle parfois, aussi, dans cette optique (Jn 9.1-3, Rm 5.3, Jc 1.2). Pourtant il existe des cas d’actes de torture, de barbarie, totalement inhumains.

Aussi Hans Jonas de conclure: «Il faut que la bonté [de Dieu] soit compatible avec l’existence du mal et il n’en va de la sorte que s’il n’est pas tout-puissant. S’il n’est pas intervenu [à Auschwitz], ce n’est pas qu’il ne le voulait pas, c’est qu’il ne le pouvait pas.»29Il est, en effet, difficile d’affirmer «que Dieu était présent à Auschwitz; comme la croix du Christ, Auschwitz est aussi assumé en Dieu lui-même, pris dans la douleur du Père, dans le sacrifice du Fils et dans la force de l’Esprit»30. Il n’y a pas qu’à Auschwitz où Dieu parut absent, impuissant. Combien d’individus ont crié à Dieu lors de guerres (de religion… chrétienne parfois), mais sans obtenir de réponse! On peut citer, pour l’époque contemporaine, les génocides en Afrique, au Liban lors de la guerre civile: «Dieu en a assez de nous, il n’est plus ici. Il est parti. Il nous a abandonnés.»31Dramatique aussi cette lettre en provenance de Stalingrad, en 1942, d’un soldat jadis très croyant: «A Stalingrad, le choix de s’en remettre à Dieu signifie nier son existence. J’ai cherché Dieu dans chaque trou d’obus… auprès de chaque camarade… Je l’ai cherché même dans le ciel et Dieu ne s’est jamais montré. Dieu n’existe pas à Stalingrad.»32Et François Deverny de s’écrier: «Si on ne veut pas Dieu complice du mal, il faut qu’il ne l’ait ni ordonné, ni permis. Je ne sais plus prier ce Dieu impotent.»33Avec une ironie acide, Bertrand Russell écrit: «A croire que le monde que nous connaissions fut créé par le démon à un moment où Dieu regardait ailleurs.»34Certains, comme Eric Emmanuel Schmitt, vont plus loin encore: «[Dieu] tu n’existes pas! si tu es tout-puissant alors tu es mauvais; mais si tu n’es pas mauvais, tu n’es pas bien puissant, scélérat ou limité, tu n’es pas un Dieu à la hauteur de Dieu. Il n’est pas nécessaire que tu sois.»35Rude aussi cette interrogation triviale de Philip Yancey: «Si tu es vraiment le patron sur cette terre, si d’une manière ou d’une autre il n’est pas étranger à toute la souffrance des hommes, pourquoi est-il si imprévisible, si injuste? Est-il le grand Sadique de l’univers que se complaît à nous voir au supplice?»36Il cite le cas d’une famille d’immigrés exploitée par des fermiers, qui, lors d’un culte, hurle sa rage devant Dieu «qui ferait mieux de faire taire le prêcheur et de voir par lui-même leur situation»37. Même Jésus s’est vu abandonné par Dieu (Mt 27.46).

4. Essais de solutions

L’existence de la souffrance, souvent injuste, du mal a toujours exercé la sagacité des penseurs dans toutes les philosophies et religions, et différentes idées ont été émises38. Si le ciel «est un toit vide au-dessus de la souffrance des hommes»39, le problème paraît résolu par l’athéisme. Ceci peut être contesté: «La négation de l’existence de Dieu, loin de résoudre le problème du mal, ne ferait que le rendre complètement insoluble… [car], dans ce cas, comment comprendre l’ordre physique qui y règne? S’il y a un ordre cosmique, comment n’y aurait-il pas, à plus forte raison, un ordre moral, c’est-à-dire comment le mal n’aurait-il aucun sens et aucune explication?» C’est l’appréciation de Régis Jolivet qui, dans cette optique, rajoute: «La sagesse de Dieu fait d’ailleurs que le mal rentre dans l’ordre, non pas essentiellement puisqu’il n’a pas été voulu par Dieu mais accidentellement… Cela revient à dire que Dieu fait que la souffrance serve.»40

De même dans l’article «Mal» du Dictionnaire critique de théologie, on peut lire: «Un monde d’où le mal serait absent serait nécessairement un monde d’où notre créature libre serait absente. Un tel monde serait moins parfait que le nôtre.»41Et, dans celui de L’Encyclopédie philosophique universelle: «Dieu ne pouvant moralement qu’avoir choisi le meilleur des mondes possibles, le mal et les imperfections locales trouvent leur explication dans la plus grande perfection de l’ensemble des compossibles portés à l’existence. Ce qui est perçu comme un mal par un individu peut être un bien à l’échelle de l’univers.»42 Mais cette idée tirée de Leibniz est réfutable, car la notion de «monde meilleur» comporte en soi une contradiction, car pour un monde existant donné, on pourra toujours concevoir un monde meilleur. De toute façon, si cela est vrai dans certains cas, cela n’explique pas les fléaux naturels et les actes de barbarie.

Le dualisme résout la question par l’existence de deux forces antagonistes, le Bien et le Mal, qui se combattent éternellement. Apparu au VIIe siècle av. J.-C. avec le mazdéisme, il est repris, avec des nuances, par un fils d’évêque de Sinope, Marcion, au IIesiècle apr. J.-C. Excommunié en 144, il opposait le Dieu de l’Ancien Testament, Dieu d’une justice qui allait jusqu’à la méchanceté, au Dieu du Nouveau Testament, bon et père. Au IIIe siècle, pour le Perse Mani, il y a deux principes incréés, le Bien qui est lumière et le Mal qui est ténèbres et matière.

Mais, comme nous l’avons vu (cf. point 2), la Bible est totalement opposée au dualisme.

Les auteurs chrétiens ont, tour à tour, pensé le mal comme une privation, un non-être, le véritable support du mal étant le bien, comme permettant d’en tirer du bien. C’est comme l’ombre qui ne peut exister qu’en fonction de la lumière.

Dans la théologie catholique, «le mal n’est pas de l’être, ce qui n’est pas positif, mais la privation d’un bien. Le mal est l’absence de quelque qualité qui était due à la nature et qui fait défaut. Cette privation est un désordre… Il faut se garder d’attribuer au mal rien de positif. Se déplacer est un bien. Se déplacer en boitant est un mal, mais c’est un mal moindre que de ne pas se déplacer du tout. Ainsi, le mal est toujours inhérent à un sujet bon en soi, mais qui n’a pas toute la perfection voulue… [Dieu] cet être parfait ne pouvait créer qu’un monde égal en perfection à lui-même. Ce monde ne se fût pas distingué de lui. Il ne pouvait créer qu’un monde fini et, si beau fût-il, il y avait place dans ce monde pour le mal.»43

Pour le dominicain Yves Congar: «Si le monde sans péché était digne de la sagesse [de Dieu], un monde-du-péché-et-de-l’incar (tout accroché) nation-rédemptrice réalisait davantage encore sa bonté et satisfaisait pleinement sa sagesse en tant qu’elle est au service de sa bonté… sa sagesse, même sa sagesse de Créateur, était une sagesse de la croix.»44

Et la liturgie romaine de proclamer Felix culpa, bienheureuse faute, qui nous a valu un tel Rédempteur45. Dans l’article «Mal» du Dictionnaire de la Biblede Vigouroux, on peut lire: «C’est dans une autre vie qu’il faut attendre la compensation des maux qui frappent les justes en celle-ci… c’est un moyen que Dieu ménage au juste pour lui faire gagner le bonheur de l’autre vie.»46 

Il y a toujours eu, dans le christianisme, cette idée que les maux sont soit des punitions de Dieu, soit des épreuves en vue de mérites célestes. Si cela est vrai dans certains cas pour les punitions (cf. note 10) et qu’on peut avancer le cas du pauvre Lazare (Lc 16.25), il est impossible de généraliser, compte tenu de tout ce qui est dit au sujet de la grâce de Dieu47.

Du côté protestant, Calvin se demande ce que serait devenue notre rédemption si Jésus n’avait pas été crucifié par la volonté de Dieu48. Auguste Lecerf écrit de son côté: «Si Dieu a fait entrer l’avènement de l’abus de la liberté dans la trame de ses décrets, c’est sans doute qu’il a jugé qu’un monde où le péché donnerait leur nom au repentir, au pardon, à l’héroïsme, au sacrifice, aurait plus de valeur et mettrait mieux en lumière, au regard des anges et des hommes, sa miséricorde et sa justice; qu’il serait moralement supérieur à un monde d’innocents amoraux ou de justes figés dans leur impeccabilité.»49

Il nous semble plus réaliste d’accepter le mystère, en accord avec le dominicain Sertillanges: «La difficulté ne vient pas uniquement de ce qu’il nous manque de lumière, mais principalement des lumières que nous avons et que nous ne pouvons accorder avec les mystères.»50Et avec Henri Blocher: «L’énigme du mal est le seul mystère opaque de l’Ecriture.»51Comme l’écrit J.P. Bernhart, citant Augustin: «Chercher la raison du mal, c’est regarder les ténèbres.»52

5. L’attitude et l’enseignement de Jésus

Jésus qui se savait envoyé, issu de Dieu, un avec Lui (Jn 10.30) accepte tout simplement le monde tel qu’il est. Il ne se révolte pas contre le fait que le pays soit sous occupation étrangère. Il fait même du bien à un officier romain (Mt 8.5-13). Il ne dit rien de l’injustice au sujet des veuves juives non secourues ou des lépreux juifs non guéris, alors qu’un païen l’est (Lc 4.25 et 27). Lui-même n’a guéri qu’un seul des malades présents à la piscine Béthesda (Jn 5.1-9)53.

Si son message d’amour met implicitement en cause l’esclavage, il n’en dit rien explicitement. Il se sert plutôt de l’état d’esclave pour illustrer son enseignement (Mt 10.24, Lc 17.10, Jn 8.34, etc.)54. Que le malheur tombe au hasard sur des gens qui n’ont rien de particulier justifiant de subir un tel sort (par exemple des personnes écrasées par la chute de la tour de Siloé et de celles massacrées par Pilate) ne l’émeut pas spécialement; il se sert simplement de ces faits divers pour appeler à considérer d’autres valeurs dans la vie (Lc 13.1-5). Lorsque Jean-Baptiste est décapité, il ne paraît pas avoir fait de commentaires (Mt 14.13).

Jésus ne s’offusque pas qu’il y ait des riches et des pauvres et il prédit même qu’il en sera toujours ainsi (Mc 14.7). Qu’il y ait des guerres, des famines, il en prend son parti et il invite ses disciples à faire de même (Mt 24.6-7). Il va jusqu’à dire que malheurs et scandales arrivent et arriveront nécessairement (Mt 18.7, 24.6 et les parallèles). Il y aura toujours des bons et des méchants sur terre (cf. la parabole de l’ivraie, où Jésus indique que le tri ne se fera qu’à la fin du monde, Mt 13.24-42).

Alors qu’il a guéri des malades, chassé des démons, fait des miracles, Jésus est impuissant devant l’attitude des Jérusalemites et il pleure (Lc 19.41). Ses disciples auraient bien envoyé le feu du ciel contre les méchants, mais il préfère la faiblesse, l’acceptation du mal (Lc 9.54).

Jésus, d’une certaine manière, est passif, voire fataliste devant l’état du monde.

6. Un Dieu limité

Lors de la tentation dans le désert, quand le diable déclare que la terre lui a été donnée, Jésus ne conteste pas ce fait (Lc 4.1-8). Ailleurs, il déclare le diable «prince» de ce monde (Jn 12.31, Jn 14.30). Quand on récite le Notre Père (version longue, Mt 6.7-13), prière enseignée par Jésus lui-même, on ne fait peut-être pas assez attention à la portée de ce qui est dit: «Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.» On peut comprendre que le règne est celui qui est souhaité dans le cœur des hommes: «Que par ma vie, le nom de Dieu soit glorifié», aspire Grégoire de Nysse55, qui donne le même sens à la suite de la prière, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel: que soit faite en moi ta volonté!56De même, Calvin écrit: «Dieu sera Roi du monde quand tous seront rangés sous sa volonté… Il nous appelle à une obéissance volontaire. C’est pour quoi le ciel est nommément comparé à la terre, parce que les anges servent Dieu de leur bon gré et sont attentifs à exécuter ses commandements.»57Luther commente ainsi: «Que ta volonté soit faite, ce n’est autre chose qu’observer ses commandements, car c’est par ceux-ci qu’il nous fait connaître sa volonté.»58Maillot tient un langage plus nuancé: «Si le Christ exhorte à demander que ta volonté se fasse, il croit que cette volonté de Dieu rencontre des obstacles et que ces obstacles peuvent être aussi bien de notre propre volonté que de la volonté des autres hommes, ou les fatalités, ou les lois qui semblent conduire le monde.»59

En effet, limiter la signification de cette demande à ce qui concerne l’homme paraît restrictif et, par ailleurs, redondant avec la première demande. Certes, la volonté de Dieu est le salut des hommes, mais le mal qui est dans le monde englobe aussi les calamités indépendantes des hommes, l’action du diable (Mt 13.39, Jn 8.44; l’ivraie parmi le blé, Mt 13.24-28).

Dieu règne dans le ciel mais pas sur la terre. Sa volonté n’est pas faite ici-bas. C’est plutôt celle du diable (dieu de ce siècle; cf. 2Co 4.4) qui prédomine. C’est ici le royaume des ténèbres (Jn 12.46, Ep 6.12). Ainsi, le monde va mal, mais c’est «normal», si l’on peut dire, car c’est inéluctable. Jésus lui-même déclare que son propre royaume n’est pas de ce monde (Jn 18.36). Ce royaume, sphère où Dieu règne, où sa volonté est faite est ailleurs, mais il vient ici-bas par incursion, lors de l’histoire d’Israël et par la venue de Jésus. Celui-ci a guéri des malades, chassé des démons, signes que le royaume de Dieu est venu vers les hommes (Mt 12.28) même si, parfois, c’est sans frapper les regards (Lc 17.21)60. Il est à noter que les démons reprochent à Jésus de faire opérer le royaume de Dieu ici-bas prématurément, d’être venu «avant le temps» (Mt 8.29). Cette contestation montre que c’est à bon droit, si on peut dire, que le diable met en avant ses prérogatives. On peut comprendre alors son empressement à vouloir perdre l’homme installé par Dieu dans son propre domaine.

Bien que Jésus ait affirmé avoir vaincu le monde (c’est-à-dire le diable, Jn 16.33), Matthieu, à la vue des guérisons de Jésus, cite Esaïe, où il est dit «il fera triompher la justice» (Mt 12.20, Es 11.5), et pourtant l’injustice est toujours là. Bien que Jésus ait dépouillé les dominations, les autorités en triomphant d’elles à la croix, dit Paul (Col 2.15); bien qu’en ressuscitant Jésus, Dieu ait tout mis sous ses pieds (Ep 1.22); bien qu’avant de quitter cette terre, Jésus ait déclaré que tout pouvoir lui avait été donné dans le ciel et sur terre (Mt 28.18); bien que Dieu l’ait souverainement élevé en lui donnant le nom qui est au-dessus de tout nom afin que tout genou fléchisse dans les cieux et sur terre (Ph 2.9 et 10); bien que… le mal est toujours là et ne diminue même pas en intensité!61

Si le diable est réellement et irrémédiablement vaincu, cela est en potentiel; en attente, virtuel tant que le temps existe. Le monde nouveau est pour plus tard, au retour du Christ (2P 3.12-13). L’épître aux Hébreux indique que Jésus «attend» que ses ennemis soient devenus son marchepied (Hé 10.13). Paul dit que le royaume sera effectif quand le Christ aura détruit les dominations, les autorités et les puissances [mauvaises] et ce, seulement à la fin du monde (1Co 15.24-25). Les disciples pensaient que le royaume de Dieu était imminent, Jésus les détrompe (Lc 19.11-27, Mt 25.1-13). Ce n’est qu’à la fin du monde que les ennemis de Dieu seront définitivement mis hors d’état de nuire (Lc 19.27, Ap 17.14).

En attendant, le diable, même s’il se sait vaincu à terme, ne peut que continuer à faire du mal, car c’est son fond. Il accentuera même sa pression dans la mesure où il lui reste peu de temps (Ap 12.12). Heureusement pour nous, si le diable peut nous harceler (Lc 22.31), il ne peut nous nuire fondamentalement (Lc 10.19, Rm 8.39).

Tout cela montre que le ciel n’est pas statique, un lieu figé où les élus psalmodieraient éternellement, mais un endroit où il y a du mouvement. La parabole des mines (Lc 19.12-26), même métaphorique, parle de gouvernement. Ailleurs, Jésus parle de places dans le ciel, pas toutes les mêmes (Jn 14.2 et Mt 11.11). Non seulement le ciel déborde d’activités, mais il y a une véritable guerre dont la terre subit des conséquences. Daniel prie Dieu, mais la réponse n’arrive que vingt et un jours après, car il y a eu une embuscade et l’ange de Dieu a été retardé et a dû même demander du renfort pour joindre Daniel (Dn 10.13). Les anges exercent un ministère en faveur des humains (Hé 1.14). Jésus utilise un langage militaire: le diable est un ennemi (Mt 13.39). Il eût pu recevoir le secours de six mille combattants (Mt 26.53-54). L’Apocalypse est une histoire de lutte sur terre et dans le ciel62.

En fait, il faut raisonner «cosmique». «Nous sommes engagés dans une lutte gigantesque dont l’humanité est le champ de bataille et l’enjeu, où les anges restés fidèles luttent au côté du Christ contre le démon et ses anges. Que la bataille soit gagnée ne fait aucun doute, mais personne n’a le droit de se dégager de la lutte.»63

7. Conclusion

Il semble que pour des raisons qui nous sont mystérieuses, étranges, Dieu, pourtant tout-puissant, se soit volontairement dépouillé, ait accepté une non-puissance. «La non-puissance n’est pas l’impuissance, mais une décision, de la part de celui qui a, qui détient une puissance, de ne pas s’en servir, de ne pas user de la puissance.»64Dieu aurait passé un contrat avec les forces du mal (cf. le cas de Job) dont l’origine n’est pas claire65, contrat qui le lie à ses propres décisions. Et donc, quoi qu’il arrive, il ne peut, dans certains cas, intervenir dans l’histoire des hommes. Tel serait le drame de la Shoah66. Dans d’autres circonstances, il agit (on a parlé de son action dans l’Ancien Testament, des incursions du royaume de Dieu dans le Nouveau Testament). De plus, Dieu se sert du mal pour le détourner en bien. Un exemple frappant est donné en Genèse 45, où le mal infligé à Joseph par ses frères a permis de sauver la famille de la famine. L’Ecriture dit que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8.28).

Arthur Katz pense qu’un aspect positif de la Shoah a été la création de l’Etat d’Israël: «L’Holocauste a débouché sur la création de l’Etat d’Israël. Nous avons un Etat Nation, un lieu où nous espérons bien trouver la sécurité en tout temps. Rien ne nous contraint plus à être des victimes sans défense disséminées parmi les nations.»67

Parfois, Dieu agit mais après un silence qui… peut paraître long! Les Juifs ont attendu quatre cents ans, esclaves en Egypte, avant d’être délivrés!

Etant hors du temps, Dieu peut annoncer sa victoire finale, se prévaloir de sa toute-puissance, mais en attendant la fin des temps, Dieu laisse le diable régner sur terre, n’impose pas sa toute-puissance.

Cette non-puissance peut s’illustrer par cet épisode du livre d’Esther, où le potentat Assuérus édicte un décret d’extermination des Juifs, décret irrévocable par définition. Assuérus, quand il veut finalement sauver les Juifs, ne peut annuler sa propre décision. Tout potentat de «droit divin» qu’il était, il ne pouvait revenir en arrière. Sa toute-puissance était limitée.

Les humains sont un peu comme ce fantassin dans sa tranchée pendant la Grande Guerre, dépassé par les événements, tributaire de ce qui se passait très loin à Paris et Berlin, dans les ambassades, mais qui avait là où il était des ordres précis à exécuter.

C’est aussi, dans ce contexte, que s’éclairent certains passages bibliques sur la prière; celle-ci devient nécessaire pour que Dieu agisse, car il en a décidé ainsi. L’action de Dieu reste dépendante de celle des hommes, en tout cas dans certains domaines. Le nombre des «moissonneurs» (Mt 9.38), des dirigeants dignes de ce nom (1Tm 2.1-2), des guérisons (Jc 5.16), des victoires sur la tentation (Lc 22.40) dépend des prières des hommes. Il faut parfois prier avec persévérance (Lc 11.5-10, Lc 18.1-8). Dieu seul connaît la date de la fin du monde et, pourtant, on peut la faire avancer par la prière! (Mt 24.36 et 2Pi 3.12) Même Jésus a prié et prie encore en faveur des hommes (Lc 22.31, Rm 8,31, Hé 7.25).

Tout cela est bien étrange mais c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. La religion chrétienne est complexe. Dieu a un Fils. Il y a l’Esprit Saint. L’effusion de sang est nécessaire (Hé 9.22). Dieu s’incarne en Jésus, qui meurt sur une croix, ressuscite.

Tout cela n’est pas bien rationnel, mais c’est ainsi. C’est folie pour l’esprit humain, mais puissance de Dieu pour celui qui croit (1Co 1.18).

Une religion «inventée» par l’homme serait plus simple. La complexité du christianisme est paradoxalement un gage de véracité.

On comprend pourquoi le monde va mal, malgré la venue du Christ, mais le pourquoi du pourquoi dépasse l’entendement humain. Comment comprendrez-vous les choses célestes? a demandé Jésus (Jn 3.12). Les voies de Dieu sont insondables et incompréhensibles (Rm 11.33); notre connaissance de Dieu est celle qu’il a bien voulu nous révéler, mais nous ne connaissons rien de Dieu en lui-même.

Bibliographie

Outre les ouvrages déjà cités, on consultera avec profit:

J.L. Blaquart, Le mal injuste (Paris: Cerf, 2002).

J.D. Bredin, Lettre à Dieu le Fils (Paris: Grasset, 2001).

M. Gourgues, Le Pater (Bruxelles: Ed. Lumen vitae, 2002).

A. Jacquard, Dieu? (Paris: Stock/Bayard, 2003).

E. Le Roy, Le problème de Dieu (Paris: Ed. L’Artisan du livre, 1930).

J. Packer, L’évangélisation et la souveraineté de Dieu (Jebsheim: Ed. Bannière de la vérité, 1968).

M.F. Pellegrin, Dieu (Paris: Flammarion, 2003).

P. Ricœur, Philosophie de la volonté (Aubier, 1988).

L. Schweitzer, Si Dieu existe, pourquoi le mal? (Marne-la-Vallée: Ed. Farel, 2005).

* R. Vercellino-Aris, membre de l’Eglise réformée de Bordeaux, est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications et de la Faculté de théologie protestante de Paris.

1 Certes, l’homme est en train de bouleverser les phénomènes climatiques de la planète (couche d’ozone…), mais cela est très récent.

2 E.E. Schmitt, Le visiteur (Paris: Ed. Albin Michel, 2003), 187.

3 P. Yancey, Dieu où es-tu quand l’épreuve est là? (Guebwiller: Ligue pour la Lecture de la Bible, 1986).

4 La traduction El-Shadaï par Tout-Puissant a parfois été critiquée (cf. p. ex. le dictionnaire encyclopédique de la Bible de Westphal. Ed. Je sers, 1932, article «Dieu (noms de)» 2 – El. 294), mais, comme le fait remarquer Henri Blocher, ce n’est pas de ce mot seulement que découle la notion de Dieu Tout-Puissant: cf. Le mal et la croix(Méry-sur-Oise: Ed. Sator, 1990), 128. En outre, la LXX a bien traduit pantokrator par Tout-Puissant.

5 Cf. Nouveau dictionnaire biblique Emmaüs, article «Tout-Puissant», Eicher, Dictionnaire de théologie (Paris: Cerf, 1988), 101, une concordance au mot «Tout-Puissant».

6 «Deux christianismes?», in Evangile et liberté(mai 2004), 3.

7 Litt. «pas un ne tombera sans votre Père». Segond traduit par «sans la volonté de votre Père» et la TOB «indépendamment de votre Père». Une glose ancienne précise: «sans une décision de votre Père», ce qui est bien le sens de la phrase de Matthieu.

8 Institution chrétienne, I,XVIII,4.

9 Litt. «faiseur de paix et créateur de mal, moi Yahvé l’auteur de tout cela», comme le traduit fort bien Chouraqui. La TOB a «je fais le bonheur, je crée le malheur, c’est moi le Seigneur qui fais cela».

10 Dans la Bible, certains maux sont présentés comme des punitions de Dieu. Ainsi, par exemple, le roi Manassé a été déporté, car il était idolâtre (2Ch 33). Ananias et Saphira sont foudroyés, car ils étaient des fraudeurs (Ac 5). Mais il faut être circonspect quand le cas n’est pas tiré explicitement de l’Ecriture, car on peut se tromper lourdement. On peut être très dubitatif sur le jugement de certains chrétiens lors du tsunami en 2005 (punition de peuples «non» chrétiens) et sur celui de la fille de Billy Graham relatif au 11 septembre 2001 (attentat sur les tours de New York), qui pense que les Etats-Unis étaient punis à cause de leur peuple paganisant (cf. «Où était Dieu?», in revue Voix, n° 2 (Belleherbe, 2005, FGBMFI). Se souvenir que Jésus a eu une tout autre attitude quand la tour de Siloé a écrasé 18 personnes (Lc 13.4). Néanmoins, A. Katz reste persuadé que la Shoah est un jugement sur les Juifs: Holocauste, où était Dieu?(Chailly, Suisse: Ed. RDF, 1999), 57 à 59.

11 Cité par H. Blocher: Le mal et la croix, op. cit., 137.

12 R. Wurmbrand, Si j’avais trois minutes (Ed. Mediaspul, 1988), 199.

13 Pour l’apocatastase, voir l’article de Theo(Paris: Ed. Droguet-Ardant/Fayard, 1992), 895; l’article «Apocatastase» du Dictionnaire critique de théologie(J.Y. Lacoste) (Paris: Ed. Quadrige/PUF, 1998) et l’article Origène, col. 1548ss du Dictionnaire de théologie catholique (Paris: Ed. Letousey et Ané, 1932). A noter que l’enfer n’était prévu initialement que pour le diable et ses acolytes (Mt 25.41).

14 H. Blocher, Le mal et la croix, op. cit., 143 et 144.

15 Thomas d’Aquin, Somme théologique, tome I (question 19: la volonté de Dieu) (Paris: Cerf, 1990), 301. Cf. aussi Spicq, Commentaire de 1 Timothée 2.4 (Paris: Ed. Gabalda, 1969; Collection études bibliques), 365.

16 J. MacArthur, Commentaire de la 1re épître à Timothée (Cap de la Madeleine, Canada: Ed. Impact, 2001), 106.

17 Une comparaison triviale mais illustrative: en France, tous les anciens combattants ont droit à une retraite spécifique à 65 ans. Mais seuls l’obtiennent ceux qui en font la demande.

18 1 Timothée 4.10. Le mot grec est malista = surtout, avant tout, particulièrement, principalement. La TOB traduit par «surtout», Segond par «principalement», Chouraqui par «spécialement».

19 La Bible annotée (Saint-Légier, Suisse: réédition Emmaüs (Collection PERLE, 1983), 528, note 2; elle récuse en particulier la théorie de Calvin, qui applique le possibilité de salut aux peuples, Etats, monde, mais qui estime qu’il en est autrement pour chaque homme en particulier (cf. Calvin, Commentaire de 1 Timothée, Aix-en-Provence: Ed. Kerygma, 1991), 118.

20 B. Russel, Pourquoi je ne suis pas chrétien (Genève: Ed. J.J. Pauvert, 1960), 58.

21 H. Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz (Paris: Ed. Rivages/Payot, 1984), 31.

22 B. Vergeley, Le silence de Dieu face aux malheurs du monde(Paris: Ed. Presse de la Renaissance, 2006), 211.

23 Ibid., 211.

24 Lee Strobel: Plaidoyer pour la foi (Nîmes: Ed. Vida, 2002), 11-12.

25 A. Comte Sponville, Présentation de la philosophie (Paris: Ed. Albin Michel, 2000), 101.

26 P. Yancey, Dieu où es-tu quand l’épreuve est là?, op. cit., 80-81, pour la citation de John Hick, 77-78, pour l’interview du Dr Brand (celui-ci a reçu le prix Lasker, distinction médicale et sa biographie fait l’objet du livre de Dorothy Clarke Ces doigts qui guérissent (Genève: Ed. Labor et Fides). On trouve la même idée chez l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan – Origines (Paris: Gallimard/Folio, 2006), 490 – et chez le professeur d’immunologie moléculaire Denis Alexander, Science et foi (Paris: Ed. Frison Roche, 2004), 271.

27 Ibid., 65-66.

28 «Pourquoi Dieu permet-il la souffrance?», Ichthus,n° 10 (1971), 12.

29 Le concept de Dieu après Auschwitz (Paris: Ed. Rivages/Payot, 1984), 34 et 35.

30 H. Goudineau, «Penser Dieu après Auschwitz», revue Hokhma, n° 81 (2002), 70.

31 Frère André, Et Dieu changea ses plans (Strasbourg: Ed. Portes Ouvertes, 1992), 71.

32 Collectif, Dossier Dieu (Lausanne: Ed. de l’Ale, 1962), 145.

33 F. Deverny, Pourquoi m’as-tu abandonnée? (Paris: Grasset, 1998), 62.

34 B. Russell, Pourquoi je ne suis pas chrétien (Genève: Ed. J.J. Pauvert), 33.

35 E.E. Schmitt , Le visiteur (Paris: Albin Michel, 1999), 187.

36 P. Yancey, Dieu où es-tu quand l’épreuve est là?, op. cit., 66.

37 Ibid., 182-183.

38 Pour une étude détaillée des thèses, au cours de l’histoire, sur le problème de l’existence du mal, lire notamment: A.D. Sertillanges, Le problème du mal, 2 vol. (Paris: Ed. Aubier Montaigne, 1951), R. Jolivet, Traité de philosophie, tome III, métaphysique (Lyon: Ed. Vitte, 1950), 475ss ; Dictionnaire de théologie catholique, article «Mal» (Paris: Ed. Letouzey et Ané, 1927); collectif: Les grandes questions de la philosophie (Paris: Ed. Maisonneuve et Larose, 1998), article «Mal».

39 E.E. Schmitt, Le visiteur, op. cit., 179.

40 R. Jolivet, Traité de philosophie, tome III, Métaphysique, op. cit., 475 et 481.

41 Dictionnaire critique de philosophie (Paris: PUF, coll. Quadrige, 1998).

42 Encyclopédie philosophie universelle, «Les notions», tome II (Paris: PUF, 1990), article «Mal».

43 F. Petit, Le problème du mal (Paris: Ed. Arthène/Fayard, coll. Je sais, Je crois, 1958), 71 et 73.

44 Y. Congar, «Le problème du mal», in J. Bivort de la Saudée, Dieu, l’homme et l’univers(Paris: Ed. La Colombe, 1957), 575.

45 Cf. H. Blocher, «Le problème du mal », in Ichthus et revue Hokhma, art. cit.(dans cet article, H. Blocher donne un intéressant résumé de la position de P. Teilhard de Chardin sur le problème du mal; pour Teilhard, Dieu «se rattrape et se venge en faisant servir à un bien supérieur de ses fidèles le mal même»).

46 Dictionnaire de la Bible (Paris: Ed. Letouzey et Ané, 1952).

47 Article «Grâce» dans le Nouveau dictionnaire biblique (Saint-Légier, Suisse: Ed. Emmaüs, 1992), dans le Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Westphal (Paris: Ed. Je sers, 1932), dans l’Encyclopédie de la foi (Paris: Cerf, 1965), et ainsi de suite.

48 Cf. Institution chrétienne, I,XVIII,3.

49 A. Lecerf, Introduction à la dogmatique réformée, II, (Aix-en-Provence: Ed. Kerygma, 1999), 125.

50 A.D. Sertillanges, Le problème du mal, op. cit., 55. Sertillanges cite ici une phrase de Pierre Bayle (Réponse aux questions d’un provincial, chap. 14).

51 H. Blocher, «Le problème du mal», inIchthus n° 106 (1982), 10, et son livre Le mal et la croix, op. cit., 148.

52 Encyclopédie de la foi, article le «Mal».

53 Sur le fait que, dans la Bible et au cours de l’histoire du christianisme, il y ait eu des guérisons extraordinaires et des attentes déçues dans ce domaine, cf.l’analyse pertinente de Kathryn Kuhlman dans «Ceux qui ne sont pas guéris», Dieu agit encore (Prilly, Suisse: Ed. Cerber Carrington, 1962), 161ss; voir aussi J. Wimber, Allez… guérissez (Rouen: Ed. Menor, 1988), 159ss; J. Dubois, «L’échec», in Souffrir peut être… mais guérir (Paris: Presses Bibliques Universitaires, s.d.), 91ss.

54 Les Bibles françaises traduisent souvent doulos par «serviteur» au lieu d’«esclave»; d’autres mots existent pour serviteur proprement dit: païdos, diakonos (cf. une concordance grecque et un dictionnaire grec/français).

55 G. de Nysse, La prière du Seigneur (Paris: Desclée de Brouwer, 1982), 61.

56 Ibid., 73.

57 Institution chrétienne, III,XX,43.

58 M. Luther, «Explication du Notre Père», in Œuvres, tome I (Genève: Labor & Fides, 1957), 168.

59 A. Maillot, Notre Père, la requête des enfants de Dieu (Paris: Les Bergers et les Mages, 1991), 71.

60 Le grec permet les traductions «le royaume de Dieu est parmi (au milieu de) vous» ou «le royaume de Dieu est en (au-dedans de) vous», mais cette dernière traduction ne paraît pas adéquate, car il est difficile d’imaginer que Jésus ait considéré que son royaume était dans le cœur des pharisiens (cf. La Bible annotée, op. cit., commentaire de Mt 17.21, note 3).

61 Voir, au sujet de cette persistance du mal, l’étude de Henri Blocher: «Le mal qui dure et qui s’aggrave», in Le mal et la croix, op. cit., 160 à 191.

62 Une concordance montre que les mots «guerre», «combat», «combattre» reviennent de très nombreuses fois.

63 F. Petit, Le problème du mal, op. cit., 10. Cf.aussi Ep 1.10, Col 1.20 et Rm 8.38.

64 J. Ellul, Si tu es le Fils de Dieu (Paris: Ed. EBV/Centurion, 1991), 99.

65 Ez 28 et Es 14 sont des indices de l’origine du diable et par là du mal (cf. Dictionnaire biblique, op. cit., article «Diable», et Dictionnaire de théologie catholique, op. cit., article «Démon», spécialement colonne 401).

66 Cf. H. Jonas, Le concept de Dieu après Auschwitz (Paris: Ed. Rivages/Payot, 1984), 34.

67 A. Katz, Holocauste. Où était Dieu? (Chailly, Suisse: Ed. RDF, 1999), 59.

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