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Travaux préparatoires à la révision de la loi de bioéthique — Synthèse et réflexions éthiques et pastorales

Travaux préparatoires à la révision
de la loi de bioéthique
Synthèse et réflexions éthiques et pastorales


Marjorie Legendre
Pasteur de l’Eglise évangélique libre de Paris
et étudiante en master de recherche à la Faculté libre
de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine


A l’été 2019 aura lieu la révision de la loi de bioéthique de 20111 [1]. Dans le cadre de cette révision, un ensemble de consultations et travaux préparatoires ont été menés, parmi eux les Etats généraux de la bioéthique, un avis du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) et une mission d’information parlementaire.

Ces travaux préparatoires se sont penchés sur l’ensemble des sujets bioéthiques couverts par la loi, mais les deux questions qui nous intéressent ici sont celle de l’extension du recours à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, et celle de la gestation pour autrui (GPA).

Il faut savoir que, jusqu’à présent, le droit français réserve l’accès aux techniques de PMA aux couples hétérosexuels pour remédier à une situation avérée d’infertilité ou pour éviter la transmission à l’enfant d’une maladie grave. Elle est prise en charge par la sécurité sociale. La GPA, quant à elle, est strictement prohibée en France depuis les premières lois de bioéthique de 1994. A cet égard, il faut remarquer qu’en comparaison de la législation existante dans d’autres pays européens le législateur français se démarque, pour l’heure, par le choix d’un cadre restrictif, limitant l’application des possibilités techniques à une visée thérapeutique de la médecine, dans un schéma familial traditionnel.

Dans cet exposé, nous voudrions proposer une synthèse des Etats généraux de la bioéthique, du dernier avis du CCNE et du rapport de la mission parlementaire d’information. Puis nous soulèverons un certain nombre de réflexions d’ordre éthique, avant de conclure sur quelques considérations pastorales.

Les Etats généraux de la bioéthique

Les Etats généraux de la bioéthique sont en fait une large consultation publique qui s’est déroulée du 18 janvier au 24 mai 2018. C’est le CCNE qui a piloté ce débat en s’appuyant sur quatre ressources : la mobilisation d’espaces de réflexion éthique régionaux avec 71 rencontres en région ; un site web dédié qui a mobilisé près de 18 000 participants, 29 106 contributions et 317 416 votes ; 76 auditions d’associations, d’institutions et de représentants de courants de pensée ; 15 auditions de sociétés savantes et de comités d’éthique nationaux.

Fort de toutes ces consultations, le CCNE a publié en juin 2018 un rapport de synthèse, dont voici les éléments s’agissant de la PMA et de la GPA. Concernant la PMA, force est de constater que les avis sont très partagés, certains s’exprimant pour l’extension de la PMA, d’autres s’y opposant. Je voudrais donc vous présenter les principaux arguments mobilisés par chaque « camp ».

Parmi les arguments développés par les personnes favorables à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, on remarque que la demande d’égalité est prépondérante. En effet pour celles-ci l’interdiction actuelle témoigne d’une inégalité entre les femmes en raison de leur orientation sexuelle pour les couples de femmes et de leur statut matrimonial pour les femmes célibataires, et donc d’une discrimination. Pour les couples de femmes cette inégalité dans la possibilité de fonder une famille est mise en opposition avec les droits issus du mariage reconnus depuis 2013.

Une autre forme d’inégalité est soulignée : à savoir qu’une femme seule ou un couple de femmes peut adopter un enfant, mais ne peut pas accéder à une PMA.

L’inégalité financière est également mise en avant : seules les femmes ayant des revenus suffisants peuvent bénéficier d’une procédure de PMA à l’étranger, pénalisant les plus fragiles économiquement. L’ouverture de la PMA constituerait aussi une mesure de santé publique dans la mesure où le contournement de l’interdiction actuelle sur le sol français induit un risque sanitaire lors de la réalisation de PMA artisanales.

Une inégalité supplémentaire est pointée du doigt : celle que constitue l’absence de cause identifiée pour beaucoup d’infertilités dans des couples hétérosexuels, mais qui malgré l’absence du critère pathologique bénéficient d’une procédure de PMA.

Au-delà de cette revendication d’égalité, il s’agit aussi, pour les défenseurs de l’ouverture de la PMA, de défendre la liberté des femmes à disposer de leur corps pour concevoir un enfant.

Enfin, il est soutenu qu’un couple homoparental peut assumer pleinement une part éducative et ce d’autant que les couples homosexuels demandant une PMA ont mûrement réfléchi leur choix ; il est défendu que les enfants élevés par des couples de même sexe auront un développement comparable aux autres enfants, le plus important pour l’enfant étant de recevoir l’amour de ses parents et que la situation familiale soit stable.

Du côté de ceux qui expriment un avis défavorable à l’extension de la PMA à toutes les femmes, l’argument principal concerne le fait de priver les enfants de leur besoin et de leur droit à avoir un père. Puisque, en effet, dans les nouvelles structures familiales que permettrait l’extension de la PMA, l’enfant sera conçu « hors généalogie » et ne partagera pas la double histoire – maternelle ET paternelle – de ses aïeux. La PMA privera l’enfant du fondement de sa filiation biologique, en effaçant sa lignée paternelle, avec des conséquences psychologiques mais aussi en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU, qui reconnaît à l’enfant le droit « de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». Il y aurait ainsi une inégalité entre les enfants selon qu’ils ont ou non une filiation paternelle. Il est par ailleurs souligné l’importance d’une double différence sexuelle homme-femme comme socle d’une construction psychique équilibrée et harmonieuse. A cet égard, les opposants à l’extension de la PMA contestent le fait que les études scientifiques sur le devenir des enfants issus de PMA réalisées pour l’heure soient suffisantes et rassurantes, et demandent donc l’application du principe de précaution. En somme, les « droits de l’enfant » sont jugés supérieurs au « droit à l’enfant », et il est estimé qu’un désir d’enfant, même compréhensible, ne peut pas être satisfait dans la mesure où il revient à fabriquer un enfant.

On voit ici la crainte que la logique technique n’altère les « lois naturelles » qui veulent que la procréation soit indissociable de la sexualité et qu’une femme ne peut naturellement et biologiquement pas faire un enfant seule. En ce sens l’argument de l’inégalité de traitement des couples est jugé non recevable, car au regard de la procréation un couple homme-femme n’est pas dans une situation équivalente à celle d’une femme seule ou d’un couple de femmes.

Des craintes s’expriment aussi quant à deux évolutions que les défenseurs du statu quo estiment inéluctables en cas d’ouverture de la PMA : (1) la pénurie de gamètes mâles qui entraînerait l’abandon du principe de gratuité du don qui est un des principes clés dans le droit français, et l’évolution vers une marchandisation des gamètes ; (2) le glissement vers l’autorisation de la GPA.

Enfin, ils estiment que la médecine a pour rôle de soigner et que la procédure de PMA doit rester une réponse médicale à une infertilité pathologique.

Voici donc pour la PMA.

Concernant la GPA maintenant, on observe que la majorité exprime une opposition, même si un certain nombre estiment qu’il peut y avoir une GPA éthique et qu’il faudrait à tout le moins ouvrir un débat serein à ce sujet, plutôt que de s’en tenir à une prohibition totale sans exceptions.

Il est en effet défendu que des mères porteuses peuvent s’inscrire dans une démarche véritablement altruiste, et qu’une femme doit pouvoir être libre de faire un don de gestation altruiste, par exemple des femmes dans l’entourage des proches du couple concerné. Selon cette position, il peut exister une GPA « éthique », si elle est réalisée dans un pays où elle est encadrée, si elle ne donne pas lieu à une rétribution, et si elle implique des relations entre les parents d’intention et la gestatrice.

Enfin, quand une GPA a été réalisée à l’étranger et que les parents reviennent en France, les partisans de la GPA demandent la reconnaissance automatique de la filiation du parent intentionnel, alors qu’il doit aujourd’hui faire une démarche d’adoption.

Ceux qui sont opposés à la GPA soulignent, quant à eux, qu’elle est toujours une marchandisation du corps de la femme et une marchandisation de l’enfant. S’expriment en effet des doutes concernant l’absence d’une dérive marchande avec dans ce cas un risque fort d’inégalités, les personnes les plus défavorisées étant les plus susceptibles de louer leur corps.

Les risques pour la santé de la mère porteuse sont également mis en avant, la grossesse et l’accouchement n’étant jamais sans risques. Ainsi, si sauver une vie grâce à un don d’organe justifie de prendre un risque médical, prendre un risque médical pour satisfaire un désir d’enfant n’est pas justifié.

Il est par ailleurs souligné que la GPA induit un risque d’effets psychiques délétères sur celle qui porte l’enfant et sur l’enfant lui-même ; puisque toute GPA implique la violence d’une rupture des liens qui se créent entre le fœtus et la mère pendant la grossesse, et un abandon de l’enfant à la naissance.

Est enfin pointé du doigt le risque d’eugénisme ou d’avoir « un enfant sur catalogue ».

L’adoption est présentée comme une alternative à considérer.

En conclusion, ressortent de ces Etats généraux des différences profondes, les opinions allant dans un sens comme dans un autre, ce qui nous fait souligner qu’on ne peut pas avancer comme argument pour l’extension de la PMA un prétendu consensus social.

Synthèse de l’avis no 129 du CCNE

Passons maintenant à l’avis rendu par le CCNE. Pour rappel, le Comité consultatif national d’éthique est un organe à caractère consultatif créé en 1983, qui est sollicité pour soulever les enjeux des avancées de la connaissance scientifique dans le domaine du vivant et susciter une réflexion de la société. Le CCNE se veut pluridisciplinaire et représentatif, composé de cinq personnalités des principales familles philosophiques et spirituelles, de dix-neuf personnalités choisies pour leur compétence et leur intérêt pour les problèmes éthiques, et de quinze personnalités scientifiques. Il est actuellement présidé par le professeur Jean-François Defraissy.

Il faut savoir que, en juin 2017, le CCNE avait déjà émis un avis, l’avis no 126, sur les sujets qui nous intéressent, avis dans lequel il se montrait favorable à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, mais vigoureusement opposé à la GPA. Suite aux Etats généraux, le CCNE a rendu un nouvel avis paru en septembre 2018, l’avis no 129, un avis dans lequel il confirme les positions prises dans l’avis de 2017.

En effet, comme en 2017, la majorité des membres du CCNE se déclare favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, en suggérant que soient définies les conditions d’accès en matière de prise en charge financière de la PMA et que soit étudiée la possibilité d’accompagnements différenciés notamment avec une attention pour les femmes seules.

Les arguments qui amènent le CCNE à autoriser l’extension de la PMA sont au nombre de quatre.

Tout d’abord la prise en compte de la forte demande des femmes et la reconnaissance de leur autonomie dans l’accès à la parentalité. Le CCNE constate en effet que « l’autonomie des femmes s’exerce déjà dans leur accès à la parentalité par d’autres moyens : l’adoption par les couples de femmes ou par des femme seules, ou des démarches de procréation dans le cadre de la vie privée » et il considère donc que l’extension de la PMA ne ferait qu’entériner une situation déjà existante. Il considère même la possibilité pour toutes les femmes d’accéder à la PMA comme une marque bienvenue de confiance en leur responsabilité. Il écrit : « Même si tout désir n’a pas vocation à être satisfait, on peut faire confiance au projet des femmes qui souhaitent accéder à la maternité en bénéficiant de procédures auxquelles, auparavant, elles n’avaient pas accès. »

Deuxièmement, le CCNE met en avant la reconnaissance de la souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles. Troisièmement, le CCNE souligne l’absence de violence (et de risque important) lié à la technique elle-même : puisque, en effet, « la technique de la PMA, contrairement à la GPA, ne comporte pas en tant que telle de violence à l’égard d’un tiers extérieur ».

Enfin, il est soutenu que la place et les droits de l’enfant ne seraient pas en danger dans ces nouvelles formes familiales qui partagent les mêmes préoccupations que toute famille. Le CCNE fait remarquer que des enfants issus de la PMA sont déjà élevés par des couples de femmes non seulement de fait mais aussi de droit, puisque la PMA pour les couples de femmes existe de façon légale dans nombre de pays limitrophes à la France et que le juge français depuis un arrêt de la Cour d’appel de Versailles en avril 2015, validé par la Cour de cassation, accepte l’adoption au retour en France ; ce serait donc le maintien du statu quo juridique qui poserait problème.

Enfin, selon l’avis majoritaire du CCNE, la relation de l’enfant à ses origines et à sa filiation peut se construire comme dans toute situation familiale dans la mesure où, d’une part, la vérité sur son origine n’est pas cachée à l’enfant, y compris celle de l’intervention d’un donneur inconnu dans sa conception, et où, d’autre part, des repères sexués, symboliques et sociaux, au-delà du couple de femmes ou de la femme seule, sont posés.

Le CCNE assume donc que sa position consiste à reconnaître comme légitime, en l’institutionnalisant, une forme familiale dans laquelle un père est officiellement absent. Sensible à cet argument de l’institutionnalisation de l’absence de père, une partie minoritaire de membres du CCNE se prononce pour le maintien du statu quo. Cette position minoritaire souligne aussi que l’extension de la PMA risque de conduire à une marchandisation du corps humain à cause de la rareté des gamètes mâles disponibles par rapport à la demande. En effet, certains pays qui ont ouvert la PMA, comme le Danemark, ont dû abandonner le principe de la gratuité du don de gamètes. Et les pays comme la Belgique qui l’ont maintenu achètent les gamètes manquants à l’étranger à hauteur de 90 %.

En ce qui concerne maintenant la GPA, le CCNE y a toujours été opposé. Ce fut même un de ses tout premiers avis rendus, en 1984. En 2010, il est à nouveau interrogé (pour examiner la demande de GPA de couples hétérosexuels avec impossibilité médicale pour la femme de porter une grossesse), et il réitère son opposition à cette pratique. Puis, en 2017, il est à nouveau sollicité, mais cette fois pour examiner la demande sociétale de GPA, entendez par là la demande de GPA par des couples d’hommes. Il s’y oppose encore, appelant même à une abolition universelle de la GPA et recommandant l’engagement de négociations internationales multilatérales à cette fin. Le dernier avis rendu en septembre dernier confirme ses positions précédentes. En effet, pour le CCNE, « il ne peut y avoir de GPA éthique », et ce pour les quatre raisons suivantes :

  1. Le respect de la personne humaine. Pour le CCNE, la GPA ne peut être une démarche éthique tant la technique en elle-même et les relations qu’elle implique comportent un nombre élevé de risques et de violences de tous ordres pour la mère porteuse. Il y a un risque médical inévitable lié à la grossesse et à l’accouchement. Autrement dit, les parents d’intention, au nom d’un désir d’enfant, acceptent le risque faible mais non nul de mort ou d’atteinte grave à la santé de la gestatrice. Il y a la violence psychique de la séparation d’avec l’enfant à la naissance. Il y a enfin la violence économique liée à l’inégalité entre partenaires, quel que soit le « modèle » de GPA en place, le CCNE analysant les modèles indien et américain.
  2. Le refus de l’exploitation de la femme. Le CCNE constate que même dans les modèles les plus stricts où l’intention du législateur est de contrer ce risque, la GPA conduit de fait à une marchandisation du corps de la femme. Il observe qu’il y a un véritable marché international des GPA qui fait la prospérité de nombreuses agences, qui s’enrichissent sur la santé des plus pauvres. Par exemple, en Inde, le marché de la GPA représente 400 millions de dollars par an.
  3. Le refus de la réification de l’enfant. Selon le CCNE, la GPA revient à ériger le désir d’enfant en droit à l’enfant, l’enfant devenant un objet que l’on veut acquérir, quitte à négliger ses besoins en tant que personne humaine. La GPA pose en effet question quant à la construction de l’unité de l’identité de l’enfant en raison de la multiplication des disjonctions entre réalités biologique, gestatrice, éducatrice, jusqu’à cinq personnes pouvant intervenir entre sa conception, sa gestation et son éducation. Cela pose d’autant plus problème que les recherches scientifiques actuelles établissent l’importance des liens psychiques et biologiques entre la mère et l’enfant pendant la grossesse.
  4. L’indisponibilité du corps humain et de la personne humaine. Pour le CCNE, il s’agit de réaffirmer certaines limites fondamentales à la liberté de contracter, à savoir d’une part que « n’est pas une liberté celle qui permet à la gestatrice de renoncer par contrat à certaines de ses libertés (liberté de mouvement par exemple) », et d’autre part que « n’est pas une liberté celle qui conduit à un contrat dont l’objet même est d’organiser juridiquement le transfert du corps et de la personne d’un enfant de la gestatrice en faveur des parents d’intention ».

Le rapport de la mission d’information parlementaire

Voyons en dernier lieu de cette synthèse des travaux préparatoires à la révision de la loi de bioéthique le rapport de la mission d’information parlementaire publié en janvier dernier.

En ce qui concerne l’extension de la PMA, ce rapport adopte la même position que le CCNE, une position donc favorable à son extension. Et à cet égard on retombe sur les mêmes arguments que le CCNE ou encore que les pro-PMA des Etats généraux, à savoir :

  1. L’intérêt de l’enfant n’est pas menacé, car le facteur prioritaire au bon développement de l’enfant est l’attention et l’amour qui lui sont prodigués par un ou des parent(s) l’ayant fortement désiré. Et que l’accès aux origines personnelles et la présence de référents masculins dans le proche entourage suffisent à l’enfant pour se construire de manière équilibrée.
  2. La discrimination d’une partie de la population, qui se voit refuser l’accès à la PMA comme conséquence de son orientation sexuelle.
  3. La cohérence avec la loi sur le mariage pour tous ; en effet, par la loi Taubira de 2013, le législateur s’est déjà engagé dans une voie tendant à traiter de façon égale les couples homosexuels et hétérosexuels « en admettant qu’un couple d’homosexuels mariés peut adopter » et que donc ces couples « ne sont pas dans une situation différente de celle de couples hétérosexuels par rapport à la parentalité ». De même, dans la mesure où le législateur reconnaît aux femmes célibataires la possibilité d’adopter, il leur garantit déjà un accès à la parentalité. Ainsi, écrit le rapporteur de la mission parlementaire, l’ouverture de l’accès à la PMA apparaît comme une nouvelle étape sur le long chemin de l’émancipation des femmes par le renforcement de « l’autonomie des choix reproductifs » et par la reconnaissance de toutes les familles.
  4. Le rapport souhaite le maintien de la gratuité du don et donc, pour la maintenir, mener des campagnes de sensibilisation au don de gamètes.

En ce qui concerne la GPA, en revanche, le rapport propose de prolonger son interdiction. Là aussi on retrouve les mêmes arguments que ceux déjà avancés par le CCNE, avec un accent en particulier sur l’indisponibilité du corps humain consacré par le Code civil et par la jurisprudence et sur l’indisponibilité de l’état des personnes. En revanche, le rapport estime indispensable d’adapter le droit français pour pouvoir, au nom de l’intérêt de l’enfant, mieux accueillir l’enfant né d’une GPA réalisée à l’étranger.

Voici donc pour la synthèse des différents travaux préparatoires à la révision de la loi de bioéthique prévue à l’été 2019. Fort de l’avis du CCNE, du rapport de la mission d’information parlementaire et des promesses du président de la République lors de la campagne présidentielle, la loi devrait contenir l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Sur la GPA, nous ne savons pas ce qui sera proposé, mais l’opposition du CCNE et de la mission parlementaire nous laisse présager que le législateur ne s’aventurera pas à ce sujet.

Autant dire que la perspective de l’extension de la PMA heurte les convictions évangéliques, tant le cadre du couple et le caractère hétérosexuel de celui-ci sont pour nous des fondements créationnels à la parentalité, par définition intouchables. Aussi nous semble-t-il utile de soulever quelques réflexions éthiques.

Remarques d’ordre éthique

La première est qu’il me semble qu’il ne faut pas être naïf sur les évolutions en cours et à venir. En effet, si les Etats généraux de la bioéthique ont révélé des avis encore partagés à ces sujets, il y a néanmoins depuis la fin des années 1960 une évolution sociétale continue en faveur de la défense d’une conception de la liberté comme liberté-indépendance, liberté-droit de faire ce que « je » veux et désire, ici en matière de procréation humaine en lien avec les possibilités techniques nouvelles. Selon cette mentalité, le souhait pour un couple de « faire un enfant » quand il l’estime optimal est devenu une revendication somme toute assez commune. Et le fait que le couple soit hétérosexuel n’apparaît plus pour beaucoup comme un critère allant de soi : prime plutôt le projet parental d’adultes consentants, même d’une seule personne.

Nous voyons ainsi une conjonction entre les dérives de la volonté individuelle et l’engrenage créé par les potentialités techniques nouvelles en matière de maîtrise du vivant. Il y a un « c’est possible et je le désire, donc je ne vois pas pourquoi je n’y aurais pas droit » qui tend à opérer comme une lame de fond. Tout l’intérêt des lois bioéthiques est ainsi bien d’essayer d’encadrer les progrès techniques par une certaine exigence éthique. Et une éthique chrétienne ne peut qu’être d’accord sur le principe de lois bioéthiques, c’est-à-dire que les potentialités de la science soient éclairées par un jugement sur le bien et le mal. En effet, dans l’Ecriture, ce n’est pas la puissance en soi des magiciens ou autres faiseurs de miracles qui est remise en cause, mais la question de leur non-concordance avec la volonté de Dieu. Nous constatons cependant la difficulté pour les barrières éthiques de ne pas reculer les unes après les autres, au nom d’un désir individuel qui tend à devenir le seul impératif éthique vraiment opérant aujourd’hui, l’enfant devenant un objet de convoitise, et le désir un droit. Ce faisant, la médecine elle-même change de vocation : elle est de plus en plus appelée à répondre non à un besoin mais à combler des désirs. Or, dans l’Ecriture, la fécondité est à son origine non une question de droit, mais une question de don fait par Dieu à l’être humain afin qu’il puisse accomplir le mandat créationnel (Gn 1.28). Autrement dit, si l’enfant, comme toute bénédiction, est une grâce et non un dû, il est assez aisé de justifier, du point de vue chrétien, l’absence d’un droit à l’enfant. Mais, sans cette vision du monde, sur quel principe s’appuyer pour refuser le droit à l’enfant ? Dans une société devenue individualiste, sur quel principe l’enfant en soi pourrait-il être plus important que le désir d’être parent ?

Et cela d’autant que, comme sur bien d’autres questions bioéthiques (par exemple celle du transhumanisme), la pression du marché pousse à faire tomber les barrières législatives qui l’empêchent de porter la « bonne nouvelle » de la liberté de commercer, quelle que soit la marchandise, et quelles que soient les injustices sociales que cela implique. Le CCNE dénonce largement, et à juste titre, la marchandisation de la vie humaine et les injustices sociales qu’implique la GPA. Il ne mentionne en revanche pas, sauf pour une minorité de ses membres, les mêmes phénomènes impliqués nécessairement par l’extension de la PMA, dans la mesure où le stock de gamètes disponibles dans un système de gratuité du don est insuffisant, et où il faudra donc soit renoncer à la gratuité, soit acheter des gamètes à l’étranger. Or, ce sont et ce seront les pauvres qui donnent et donneront leurs gamètes, tout comme ce sont essentiellement les pauvres qui prêtent leur utérus dans la GPA. Certes, des cas de GPA dits « altruistes » existent, mais ils sont minoritaires, et le don de gamètes à titre gratuit reste rare : on ne donne son patrimoine génétique ni ne prête son corps si facilement, et on le comprend bien. En ce sens la PMA et la GPA vivent de la pauvreté. Et c’est un point crucial où l’éthique chrétienne ne peut selon nous pas lâcher, tant la dénonciation de l’oppression sociale est présente dans la révélation biblique. L’éthique chrétienne nous appelle à dénoncer la manipulation du concept de liberté en contexte d’inégalités économiques.

En somme, il y a selon nous légitimement crainte à voir l’avènement, et elle est déjà là, d’une société de « fabrication d’enfants », avec un « effet domino » difficile à stopper à partir du moment où certaines barrières éthiques tombent. Or, lever le critère du couple et de l’hétérosexualité du couple pour l’accès à la PMA est précisément, nous semble-t-il, faire tomber une barrière éthique importante. En effet, si un couple de femmes ou si une femme seule peut accéder à la PMA, et quand bien même le refus de la GPA est aujourd’hui affirmé avec fermeté, comment son autorisation n’interviendrait-elle pas un jour ? L’expérience des pays étrangers appuie cette thèse. A cela on peut ajouter le poids dans notre pays d’une certaine conception de l’égalité des droits pouvant se traduire ainsi : si les couples de femmes peuvent accéder à la parentalité, pourquoi les couples d’hommes ne le pourraient-ils pas non plus ? Enfin il ne faut pas sous-estimer le poids des lobbies pro-GPA.

D’aucuns estiment que tenir ce discours de « l’effet domino » est un raccourci excessif et révélateur d’un pessimisme rétrograde, d’un manque de confiance dans la capacité de l’être humain à savoir poser des limites… Ils ne voient donc pas en quoi ouvrir l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules entraînerait nécessairement l’ouverture de la GPA. Il nous apparaît pourtant que la profondeur de l’esclavage du péché et le désir de puissance de l’être humain mis en lumière dans la révélation biblique nous rend forcément assez pessimiste sur les capacités de l’homme à se garder de sa propre « folie » : certes, dans sa grâce, Dieu pose des limites au mal mais, dans son jugement, il peut aussi abandonner l’être humain à ses dérives (Rm 1.24).

Il n’est ainsi peut-être pas inutile de nous souvenir que ce même discours était tenu lors des débats sur le PACS, lorsque ceux qui essayaient de prévenir que le PACS annonçait tôt ou tard le mariage homosexuel et l’adoption homoparentale pouvaient par certains être accusés d’être « des homophobes et des fondamentalistes incapables de saisir l’esprit réformiste d’une telle avancée »2 [2]. Nous remarquons que les mêmes propos ont été tenus lors des débats sur le mariage pour tous, quand les défenseurs du maintien du cadre hétérosexuel mettaient en garde sur le fait que le mariage pour tous entraînerait nécessairement la « parentalité pour tous ». Or, c’est bien ce qui est en train de se produire avec l’extension de la PMA à toutes les femmes prévue dans le projet de loi discuté cet été. Nous avons donc, pensons-nous, de légitimes raisons de craindre un « effet domino ».

Une deuxième question qu’il nous semble intéressant de soulever, car elle survient rapidement dans toute discussion éthique où le législateur est impliqué, est celle-ci : vaut-il mieux encadrer par la loi une pratique pour mieux la contrôler, ou vaut-il mieux simplement l’interdire ? Ce débat se pose sur la question de la dépénalisation des drogues, de l’euthanasie, notamment, et, pour ce qui nous intéresse ici, sur la GPA. Ainsi certains plaident-ils pour son autorisation, en vue de pouvoir mieux l’encadrer et en limiter les dérives non désirées. Qu’en penser ?

On peut déjà dire qu’il n’est pas en soi illégitime bibliquement qu’une loi humaine autorise le mal pour « minimiser les dégâts », compte tenu du fait que la situation existante est non conforme au projet initial du Créateur. Nous pensons à l’exemple de la loi de Moïse sur la répudiation dont Jésus dit que « c’est à cause de la dureté de vos cœurs que Moïse vous a donné ce précepte » (Mc 10.6). On pourrait prendre plus généralement l’exemple du système de lois sociales données par Dieu au peuple d’Israël comme modèle-type de lois adaptées à un monde corrompu : en effet,

dans la mesure où Dieu décide un sursis pour le monde pécheur au lieu d’en accomplir immédiatement la condamnation […] alors il apparaît bibliquement que Dieu édicte une version adaptée de sa loi pour le monde pécheur tel qu’il est. Et ne pas accepter que Dieu l’ait fait serait ne pas reconnaître sa sagesse, une sagesse mise au service de sa grâce3 [3].

Cela étant dit, il nous semble tout à fait illégitime de prendre le réalisme législatif biblique lié à la prise en compte du péché comme un prétexte pour autoriser une pratique où il est question, ni plus ni moins, de faire d’un don tel que la vie et d’une structure créationnelle comme la famille des sujets d’expérimentations ! Dire « de toute manière la PMA pour toutes et la GPA existent donc autorisons-les », n’est-ce pas faire preuve d’une forme de démission éthique ? L’institutionnalisation de l’absence de père devrait au moins nous interroger. En effet, c’est une chose que des enfants se retrouvent sans père ; c’en est une autre que d’apposer le tampon institutionnel sur cette réalité. L’expérience biblique nous met en tout cas en garde contre l’alignement sans fin de la loi aux désirs humains.

Une éthique chrétienne peut également facilement affirmer l’illusion qui consiste à compter sur la loi pour dompter les sentiments humains. L’histoire de Sara et Hagar, qui serait le cas biblique se rapprochant le plus d’une situation analogue à une situation de GPA, sonne comme un avertissement, tant l’intérêt des personnes en ressort largement mis à mal : Sara souffre et se comporte de manière injuste par la suite, Abraham est accusé dans l’affaire, Hagar se comporte de manière injuste et va souffrir aussi, enfin les relations entre Ismaël et Isaac seront placées sous le signe de la concurrence. Il n’y a pas de raison majeure de penser qu’une loi contemporaine pourra mieux réussir à dompter les revirements psychologiques et les instincts maternels qu’une ancienne coutume, quand bien même existent, comme c’est le cas en Californie, des coachs pour que la mère porteuse ne s’attache pas trop à l’enfant.

La Bible nous met enfin en garde contre l’inventivité de l’homme pour contourner la loi. Ainsi, croire qu’en autorisant la GPA on parviendra à la maîtriser, à plus forte raison dans le contexte mondialisé dans lequel nous sommes, est à notre sens un peu naïf. La Grande-Bretagne est un bon exemple. La GPA y a été autorisée, mais pour parer les dérives, elle est très strictement encadrée ; mais cet encadrement est tellement restrictif que les personnes désirant recourir à la GPA vont la pratiquer à l’étranger, où les conditions sont plus souples.

Vaut-il alors la peine de se mobiliser sur ces sujets ? Si oui, comment ? Je crois que oui. En effet, la loi française n’a pas encore changé. On peut citer comme exemple l’action d’un mouvement comme La Manif pour tous et ses différentes ramifications. Certes ce mouvement emporte l’adhésion inconditionnelle de certains alors que d’autres se montrent plus sceptiques, non pas tant pour les positions éthiques défendues que pour son positionnement politique.

Un autre exemple de mobilisation peut être d’écrire à son député.

Il nous semble en tout cas questionnable de ne rien faire, dans la mesure où les « petits » et « pauvres » de la société sont mis en danger par ces évolutions (les enfants et les mères porteuses), et dans la mesure où les fondements de la société sont touchés. La voix de ceux qui sont sensibles aux raisonnements de l’éthique chrétienne mérite de se faire entendre.

En démocratie, cette voix nous semble par ailleurs importante car nous constatons dans les débats à ce sujet une sorte de confusion intellectuelle. Nous constatons en effet que le débat a tendance à faire équivaloir refus de l’extension des droits des homosexuels à la parentalité à l’homophobie. L’analyse proposée par Thibaud Collin dans son ouvrage Le mariage gay. Les enjeux d’une revendication est très marquée politiquement et peut paraître excessive. Son analyse nous semble néanmoins mettre en lumière certains enjeux qui ne sont pas impertinents. En résumé, il défend la thèse que la stratégie politique du lobby gay s’inspire de la lutte contre le racisme, dans le sens où elle s’inscrit dans une dynamique progressiste d’égalisation des droits face à une situation sociale jugée injuste. Le problème démocratique que cela pose pour Thibaud Collin est que cette « stratégie » rend impossible le débat, car elle délégitimise a priori toute autre position comme étant homophobe. De plus le lobby gay reprendrait selon lui le langage et raisonnement marxiste pour l’emmener sur le terrain de la lutte contre un ordre homophobe injuste et contre les hétérosexuels qui l’entretiennent consciemment ou inconsciemment. Enfin, pour cet auteur, le discours du lobby gay, bien que se présentant comme un discours au service de la démocratie, fragiliserait cependant à terme l’ordre politique démocratique, dans la mesure où :

L’enjeu de la revendication gay est bien de soumettre à la sphère politique (donc à la sphère du choix) ce qui auparavant semblait lui être soustrait puisque lui étant une sorte de prérequis : le mariage unit un homme et une femme, il est le cadre de la procréation et de l’éducation des enfants fruits de cette union ; une cellule familiale c’est un père et une mère. En exigeant un débat sur un thème présenté en termes démocratiques (l’égalité des droits), le lobby tente de repousser les limites du politique […] Mais si tout est politique, si tout peut être soumis à la discussion démocratique, une société peut-elle encore se déterminer en commun ? Dans ce cas en effet, le fait politique ne repose plus sur rien de pré-politique qui le rend possible et le féconde. Une continuelle discussion sur les règles du jeu empêche de jouer. S’il n’y a pas de préalable au politique, celui-ci devient la guerre de tous contre tous4 [4].

Défis pastoraux

Ces quelques remarques éthiques étant faites, nous voudrions conclure cet exposé par quelques pistes de réflexions ou remarques d’ordre pastoral.

Il y a d’abord de manière générale tout le défi que représente pour nous, Eglises évangéliques, une juste pastorale des homosexuels, à savoir une pastorale qui se veut respectueuse et empreinte d’amour envers les personnes homosexuelles, tout en étant fidèle à la vérité biblique. Nous renvoyons ici simplement au document produit par la Commission d’éthique protestante évangélique Aimer mon prochain homosexuel à ce sujet qui nous paraît une approche pertinente. Cependant, compte tenu notamment de la rhétorique des lobbies pro-gay, il nous faut avoir conscience que, si nous sommes opposés au mariage homosexuel et à la parentalité homosexuelle, nous allons de plus en plus être considérés comme homophobes. On peut entendre ici l’exhortation pastorale de Pierre (1P 2.11-12) : « Bien-aimés, ayez une belle conduite parmi les gens des nations, pour que, sur le point même où ils vous accusent de faire le mal, ils voient vos belles œuvres et glorifient Dieu au jour de son intervention. » A cet égard, il nous faut, si tel est le cas, savoir nous repentir de ce qu’il y a en nous d’homophobie.

Il y a par ailleurs nous semble-t-il une réflexion à avoir quant à l’accompagnement des couples chrétiens stériles. En effet, lié à de multiples facteurs, il est aujourd’hui plus compliqué d’avoir des enfants et il y a une banalisation du recours aux techniques de PMA (en particulier la fécondation in vitro), sans toujours, nous le craignons, l’accompagnement nécessaire en termes de discernement éthique concernant les enjeux de ces pratiques. Nous le croyons : les enfants sont une grâce de Dieu, non un droit. Mais pour l’être humain, chrétien compris, l’absence d’un enfant peut être une grande souffrance, qui peut conduire à ce que le désir d’enfant dépasse le désir de Dieu. Mais qu’en est-il de l’adoption ? Nous pouvons également peut-être nous interroger sur la manière dont l’Eglise considère les couples sans enfants. Il peut être une bonne nouvelle de nous rappeler que le mandat créationnel de fécondité biologique demeure dans la nouvelle alliance, mais que le mandat que le Christ donne à l’Eglise est celui de la fécondité spirituelle : « Faites des nations des disciples… » (Mt 28.18-20) Dans la nouvelle alliance, ne pas avoir d’enfant peut être vécu, par la plénitude qui est en Christ, comme la grâce d’une disponibilité particulière pour le service (1Co 7.32-35) : c’est une bonne nouvelle et pour les couples sans enfants, et pour les célibataires hétérosexuels et homosexuels !

Il y a enfin un enjeu décisif pédagogique au niveau de l’éducation de nos enfants et de nos jeunes aux questions de sexualité et aux problématiques éthiques mentionnées. Or il ne s’agit pas que de leur donner la « bonne morale » mais il nous faut savoir leur donner le goût de la bonté de la vision biblique à ces sujets. Un défi, pour lequel nous devons compter sur l’Esprit de Dieu.


  1. N.D.E. : Depuis la rédaction de cet article, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de bioéthique, le 15 octobre 2019, dont l’ouverture de la PMA à toutes les femmes.↩︎ [5]

  2.  Thibaud Collin, Le mariage gay. Les enjeux d’une revendication, Paris, Eyrolles, 2005, p. 22.↩︎ [6]

  3.  Henri Blocher, « La loi et la grâce. Quelle éthique pour la société civile ? », Les Cahiers de l’école pastorale 54, 2004, p. 68-85.↩︎ [7]

  4.  Thibaud Collin, Le mariage gay. Les enjeux d’une revendication, ibid., p. 19-21.↩︎ [8]