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PMA — De quoi parle-t-on ?

PMA
De quoi parle-t-on ?


Denis et Maïlys BLUM
Médecins généralistes à Lyon


La PMA, ou procréation médicalement assistée, désigne l’ensemble des pratiques cliniques et des techniques biologiques de préparation et de conservation des gamètes1 [1], utilisés dans le but de procréer en dehors d’un processus naturel.

A ce jour, le cadre légal français autorise la PMA pour les couples hétérosexuels en âge de procréer, mariés ou justifiant d’au moins deux ans de vie commune, dans deux cas particuliers : (1) une situation d’infertilité, c’est-à-dire d’absence de conception après au moins douze mois de rapports sexuels réguliers sans contraception ; (2) la présence pour au moins un des membres du couple d’une maladie grave transmissible au conjoint ou à l’enfant.

Considérations physiologiques

Pour bien comprendre les différentes techniques regroupées sous le terme de PMA, commençons par décrire le processus de procréation naturelle tel que Dieu l’a créé.

Côté femme

Chaque femme possède dès sa naissance un stock de gamètes, appelés ovocytes. Ce stock est défini et limité. Suite au bouleversement hormonal de la puberté, les ovocytes commencent à maturer chaque mois, pendant que l’utérus se tapisse de sang, tel un nid douillet prêt à accueillir une grossesse qui débuterait. Au milieu des cycles menstruels de vingt-huit jours, le seul ovocyte qui a fini sa maturation est libéré par les ovaires. Il a une espérance de vie de douze à vingt-quatre heures.

L’ovule2 [2] entre alors dans la trompe, une sorte de tunnel où il pourra éventuellement être fécondé par un spermatozoïde, si un rapport sexuel a lieu. Ovule et spermatozoïde fusionnent ensemble et deviennent une seule cellule, la cellule-œuf. Cette cellule va alors se diviser en deux, puis en quatre, puis en huit… et former une nouvelle entité appelée un embryon. L’embryon va pouvoir rejoindre l’utérus, s’accrocher au tapis de sang qui le recouvre et commencer sa croissance : un enfant est en train d’être tissé dans les profondeurs du ventre de sa mère.

Côté homme

Du côté masculin, c’est dans les testicules que sont formés les gamètes, appelés spermatozoïdes. L’homme commence à produire des spermatozoïdes à partir de la puberté, sous l’effet de la testostérone. Il en produit des milliards. Un spermatozoïde a une espérance de vie de trois mois. Le renouvellement du stock est donc très régulier mais les spermatozoïdes sont fragiles. Ils sont sensibles à la chaleur, aux irradiations et aux médicaments. Leur production diminue naturellement avec l’âge, mais, contrairement aux femmes, un homme peut rester fertile jusqu’à un âge très avancé.

Lors d’un rapport sexuel, les spermatozoïdes sont expulsés dans le corps de la femme au sein d’un liquide appelé sperme, qui contient les nutriments nécessaires à leur survie. Les spermatozoïdes se déplacent dans le vagin de la femme et essayent de passer à travers le col de l’utérus, avant d’atteindre l’utérus. Ils tentent alors de rejoindre les trompes où, une fois par mois seulement, les plus vaillants pourront potentiellement rencontrer un ovule, s’ils ne se perdent pas en route.

Et quand ça dysfonctionne

Ce fabuleux processus que nous venons de décrire peut ne pas fonctionner de manière optimale. A chacune des étapes qui conduit à la formation d’un embryon, un dysfonctionnement peut apparaître, et entraîner une altération de la fertilité.

Certaines infertilités sont réversibles. On peut, par exemple, stimuler une ovulation défectueuse, déboucher les trompes utérines, ou traiter des malformations testiculaires.

La PMA prend en charge les situations où aucun traitement ne permet de traiter la cause de l’infertilité, ou lorsque le traitement a échoué.

Mais la PMA est également proposée aux couples qui pourraient transmettre une maladie grave à leur enfant, qu’il s’agisse d’une maladie génétique ou d’une maladie infectieuse.

L’insémination artificielle

La technique la plus simple utilisée en PMA est appelée insémination artificielle. Elle consiste à récupérer le sperme de l’homme3 [3] et à l’injecter directement dans l’utérus de la femme, à l’aide d’un cathéter4 [4]. Pour bien coordonner les étapes, la femme reçoit un traitement de stimulation de l’ovulation afin de déclencher l’ovulation à l’heure choisie pour l’injection du sperme. Cette technique rapproche les spermatozoïdes de l’ovule et favorise ainsi les chances de fécondation.

Lorsque l’homme du couple qui désire avoir un enfant ne peut pas produire de spermatozoïdes, ou s’ils sont trop altérés, il est possible de réaliser une insémination avec le sperme d’un donneur.

En France, la Sécurité sociale rembourse jusqu’à six tentatives d’insémination artificielle. Pour chaque insémination, le taux de fécondation moyen est de 10 %5 [5].

Fécondation in vitro (FIV)

La FIV est utilisée dans le cas où l’insémination n’a pas fonctionné, ou bien d’emblée lorsque l’insémination artificielle n’est pas possible (par exemple, lorsque les trompes d’une femme seraient définitivement bouchées). Mais compte tenu de son meilleur rendement, elle est bien souvent proposée en première intention.

Cette technique consiste à récupérer des ovocytes et des spermatozoïdes, à les mettre en contact à l’extérieur du corps de la femme (in vitro), dans des boîtes de cultures, afin d’obtenir des embryons qui seront ensuite déposés dans l’utérus pour la suite de leur développement.

La FIV est plus invasive médicalement pour la femme. Elle nécessite la prise d’hormones féminines à plus forte dose, pour produire plusieurs ovocytes matures en une seule fois. Les ovocytes sont prélevés par un geste chirurgical, la ponction transvaginale6 [6], qui est réalisée sous anesthésie dans un bloc opératoire. En général, cinq à dix ovocytes sont prélevés en même temps.

Après mise en contact avec des spermatozoïdes, plusieurs embryons sont créés. Autrefois, ils étaient tous implantés en une fois dans l’utérus. De nos jours, seulement un à deux embryons sont implantés simultanément, pour éviter les grossesses multiples et le recours à la réduction embryonnaire7 [7].

Suite à un transfert d’embryon, le taux de grossesse est de 20 %8 [8].

Les embryons restants, appelés embryons surnuméraires, sont conservés, soit par congélation lente, soit par un processus de vitrification (ils sont plongés dans de l’azote liquide à –196 °C). Certains embryons meurent lors de ce processus de conservation9 [9]. La plupart sont implantés dans l’utérus de la femme lors des cycles suivants, après avoir été réchauffés. Il s’agit alors d’un transfert d’embryons congelés (TEC).

Chaque année, les couples sont sollicités pour choisir la destinée de leurs embryons surnuméraires restants :

En l’absence de réponse après cinq ans, les embryons sont systématiquement détruits10 [10].

Lorsque l’un des membres du couple ne dispose pas de gamètes fonctionnels, la FIV peut être réalisée avec le sperme d’un donneur, ou les ovules d’une donneuse. En France, le double don de gamètes (don d’un ovocyte et de sperme pour un même couple) n’est pas légal11 [11], mais il est déjà pratiqué dans de nombreux autres pays.

Fécondation in vitro avec ICSI

Lorsque les spermatozoïdes ne sont pas assez nombreux ou assez vigoureux pour pénétrer à l’intérieur de l’ovocyte, ou qu’ils sont trop malformés, il est possible de réaliser une FIV avec ICSI (IntraCytoplasmic Sperm Injection). Le technicien de laboratoire sélectionne un spermatozoïde sans anomalie qu’il injecte directement dans l’ovocyte grâce à une micropipette. A partir de ce moment-là, un embryon commence souvent à se développer.

La culture prolongée

Plusieurs techniques sont à l’essai pour tenter d’améliorer l’efficacité des FIV. La culture prolongée est l’une d’entre elles. Elle permet de sélectionner les embryons qui sont le plus à même de conduire à une grossesse évolutive. Jusqu’à récemment, les embryons étaient transférés au deuxième, voire au troisième jour de leur développement. La technique de culture prolongée consiste à laisser se développer les embryons jusqu’à leur cinquième jour de vie après fécondation. Seuls les embryons qui ont atteint ce stade avec succès seront conservés et transférés. Les autres embryons sont détruits dès ce stade car ils ne donneront a priori pas lieu à une grossesse évolutive.

Le diagnostic préimplantatoire (DPI)

Certaines personnes atteintes d’une maladie génétique grave peuvent demander à bénéficier d’un diagnostic préimplantatoire. Le couple suit un parcours de FIV classique mais chacun des embryons créés est analysé sur le plan génétique. Les embryons sont ensuite étiquetés comme porteurs ou non porteurs de l’anomalie génétique. Les embryons sains peuvent alors être transférés, tandis que les autres sont détruits12 [12].

L’autocongélation de gamète

Si une personne doit suivre un traitement médical qui pourrait détériorer la qualité de ses gamètes (comme une chimiothérapie), il est possible de pratiquer une autoconservation de gamètes par congélation. Le but de cette conservation est de pouvoir réaliser une FIV ultérieurement.

Un couple infertile peut aussi demander une conservation de ses ovocytes, au cours de sa démarche de FIV. Cette solution permet d’éviter la création d’embryons surnuméraires, en congelant non pas des embryons mais des gamètes. Dans cette situation, les ovocytes ponctionnés ne sont pas fécondés et pourront être réchauffés ultérieurement pour une fécondation. Ainsi seuls des embryons « frais » sont implantés.

La gestation pour autrui ou GPA

La gestation pour autrui, que l’on devrait plutôt appeler gestation par autrui, ne fait pas partie des techniques de PMA autorisées en France. Elle désigne l’ensemble des méthodes de PMA dans lesquelles l’embryon est implanté dans l’utérus d’une femme tierce. Après l’accouchement, l’enfant sera remis au couple de commanditaires. L’embryon peut avoir été conçu naturellement mais il est le plus souvent issu d’une FIV, laquelle est issue soit des gamètes des commanditaires, soit de la mère porteuse, soit de donneurs autres.

Et maintenant

Grâce à ce rapide survol, vous prenez conscience que le terme de PMA recouvre une importante diversité de techniques. Il est donc nécessaire d’être précis dans les termes que nous employons, afin d’éviter les généralités et les confusions. La pertinence de la réflexion éthique en dépend.


  1.  Un gamète est une cellule reproductrice. Dans l’espèce humaine, le gamète mâle est appelé spermatozoïde et le gamète femelle ovocyte.↩︎ [13]

  2.  Lorsqu’un ovocyte quitte l’ovaire après maturation, il est appelé ovule.↩︎ [14]

  3.  Le recueil se fait dans un laboratoire, par masturbation. Il est possible de s’y rendre en couple.↩︎ [15]

  4.  Le cathéter est un tube en plastique mince et flexible.↩︎ [16]

  5.  Voir le dossier de l’Inserm sur la PMA :
    https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/assistance-medicale-procreation-amp (consulté le 10/08/19).↩︎ [17]

  6.  Le prélèvement des ovocytes dans les ovaires est réalisé à travers la paroi du vagin, sous contrôle échographique.

    Voir : https://www.fiv.fr/ponction-ovocytaire-fiv/ (consulté le 10/08/19).↩︎ [18]

  7.  La réduction embryonnaire consiste à supprimer un ou plusieurs embryons en cas de grossesse multiple. Cette intervention expose à un risque de fausse couche.↩︎ [19]

  8.  Voir le dossier de l’Inserm sur la PMA :

    https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/assistance-medicale-procreation-amp (consulté le 10/08/19).↩︎ [20]

  9.  Voir l’argumentaire de la Haute Autorité de santé, Evaluation des actes de vitrification et réchauffement ovocytaire – vitrification et réchauffement embryonnaire, juillet 2017.↩︎ [21]

  10.  Voir le guide de l’Agence de la biomédecine sur la conservation des embryons :

    https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/guide_conserv_

    embryons_072018_web.pdf (consulté le 10/08/19).↩︎ [22]

  11.  Selon l’article L2141-3, loi 2011-814 du 7 juillet 2011, art. 36.↩︎ [23]

  12.  Voir la brochure de l’Agence de la biomédecine sur le diagnostic préimplantatoire :
    https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/2015_brochure_dpi_vdef.pdf (consulté le 10/08/19).↩︎ [24]