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LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE, LA RÉFORME ET L’AVÈNEMENT DU SÉCULARISME

LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE,
LA RÉFORME ET L’AVÈNEMENT DU SÉCULARISME

Paul WELLS1 [1]

Une liberté de conscience sans entrave semble être notre plus haute aspiration pour l’humanité civilisée. Mais la réalité nous donne-t-elle raison ? C.S. Lewis, dans L’Odyssée du passeur d’aurore, parle de l’île Obscure, une île où les rêves deviennent réalité, une destination fabuleuse, mais le revers de la médaille, c’est que les cauchemars aussi deviennent réalité. Un des infortunés visiteurs de l’île, lord Rhoop, supplie les voyageurs de ne pas l’abandonner sur cette horrible terre2 [2].

L’allégorie de Lewis ressemble au monde que nous habitons. Après avoir quitté la liberté chrétienne du Nouveau Testament et l’idéal des réformateurs, nous sommes parvenus à l’utopie tant espérée du xxie siècle et avons débarqué sur une île déserte de prétendues libertés, dont certaines ressemblent aux pires formes d’oppression ou de turpitude morale. Nos cauchemars deviennent réalité. S’échapper de cette prison semble impossible.

La liberté de conscience, un rêve fabuleux, est devenue un assujettissement à l’égocentrisme. Elle s’est lentement transformée pendant les cinq derniers siècles en quelque chose que nos ancêtres auraient eu du mal à imaginer. La conscience chrétienne a été remplacée par la libre pensée et la conscience historique, puis par l’individualisme expressif que j’appelle autoconscience, la conscience dominée par les exigences de l’individu, la satisfaction des désirs du moi. Ce dernier état mène à la désintégration et à l’aveuglement moraux qui mettent à mal les valeurs des Lumières.

Ces interprétations de la liberté de conscience ne se succèdent pas dans le temps, mais se côtoient de nos jours. La compétition qui les oppose mène à des « guerres culturelles » et à des adaptations complexes, alors qu’elles se disputent la prédominance légale.

C’est l’histoire que nous nous proposons de raconter. Nous commencerons par la célèbre réponse de Luther devant l’empereur Charles Quint à la Diète de Worms, en avril 1521. Interrogé par Eck et sommé de désavouer ses livres, Luther répliqua :

Puisque Votre Sainte Majesté et Vos Seigneuries me demandent une réponse simple, je vous la donnerai sans cornes ni dents. Voici, à moins qu’on me convainque autrement par des attestations de l’Écriture ou par d’évidentes raisons – car je n’ajoute foi ni au pape ni aux conciles seuls, puisqu’ils se sont souvent trompés et qu’ils se sont contredits eux-mêmes, car je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu – je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sage ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Je ne puis autrement. Me voici. Que Dieu me soit en aide. Amen.

Que faut-il entendre par une conscience captive de la Parole de Dieu ? Malgré la nature énigmatique de l’expression, il ne fait aucun doute que, pour Luther, une conscience captive de la Parole de Dieu est une conscience réellement libre, et libre de toutes les autorités humaines.

1. Quelques questions de définition

La liberté de conscience, comme un papillon insaisissable aux couleurs magnifiques, est difficile à attraper. Elle fait partie de la mentalité démocratique et a une place d’honneur parmi les valeurs des militants des droits de l’homme, suivie de près par ses sœurs, la liberté d’expression et la liberté d’action. Toutefois, malgré la réaction intuitive que provoque cette expression, si vous demandez à quelqu’un ce qu’elle signifie, le plus souvent la réponse sera très hésitante. Si vous examinez l’histoire culturelle officielle sur le sujet, vous serez surpris, comme je l’ai été moi-même, qu’elle reste à écrire. Même l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ne la définit pas.

Pour compliquer les choses, les sœurs siamoises, la liberté de conscience et la tolérance, sont souvent confondues, étant donné qu’il est difficile de parler de l’une sans parler de l’autre. Alors que signifie la liberté de conscience ?

Chacune des questions sur la relation entre la liberté de conscience, la Réforme et le sécularisme est complexe et invite à la définition.

1.  Premièrement, la liberté de conscience, comme la liberté elle-même, n’est pas une notion univoque ; elle signifie différentes choses dans différents contextes. Elle est souvent considérée comme une caractéristique de la culture occidentale, en rapport avec trois valeurs clés qui sont venues au premier plan depuis la Réforme, à savoir la liberté et la responsabilité individuelles, l’objectivité ou la raison, et le sens de l’histoire et du progrès. La conscience en tant que telle fonctionne comme une partie d’une vision du monde dans le contexte d’une compréhension de Dieu, de la création et de notre condition de créature. La liberté de conscience n’est pas sémantiquement neutre, sa signification et sa fonction changent lorsque la vision religieuse du monde change. Aujourd’hui, elle semble être devenue une fonction de la liberté individualiste en général, et lorsque le motif de la conscience disparaît, il en résulte l’autoconscience.

2.  Deuxièmement, la Réforme est un terme très large, et la façon dont elle a influencé la culture occidentale est débattue. Il y a au moins trois interprétations du mouvement initié par la Réforme, avec ses conséquences pour les libertés humaines.

Charles Taylor, dans son œuvre monumentale A Secular Age, tout en reconnaissant la centralité de la Réforme, l’englobe dans le réformisme large comme « un moteur de désenchantement » qui « tente de réordonner des sociétés entières ». Cette idée est développée par Brad Gregory dans The Unintended Reformation. Il est devenu à la mode d’attacher l’adjectif unintended (involontaires) aux conséquences de la Réforme. Cela est, sans aucun doute, justifié en ce qui concerne la liberté de conscience et les droits humains. Le concept moderne de liberté de pensée n’est pas vraiment biblique, et il n’apparaissait pas non plus sur les radars des réformateurs du xvie siècle. L’idée était présente seulement en germe dans les premières manifestations de la sécularisation à l’époque des Lumières, avant de devenir un lieu commun du modernisme occidental.

Une autre interprétation du mouvement commencé par Luther considère celui-ci comme étant inévitablement lié à l’essor du sécularisme et des libertés modernes, de manière positive ou non. Une relation positive est établie entre la pensée des réformateurs et l’avènement de l’humanisme des Lumières, considérant les forces d’opposition, comme les contributions de Castellion et de la réforme radicale, dans le cadre des mouvements réformateurs. Hugh Trevor-Roper, par exemple, a construit un pont entre la Réforme et les Lumières : sans Calvin il n’y aurait pas eu Voltaire.

Le catholicisme romain classique, d’autre part, en particulier dans les premières générations, a tenu la Réforme pour responsable des maladies du modernisme, et a tracé une ligne reliant la Réforme aux Lumières, à la Révolution française et au sécularisme moderne.

Enfin, un certain agnosticisme est légitime concernant l’engendrement de la modernité par la Réforme. Les liens directs, positifs ou négatifs, sont au mieux fragiles. Les « conséquences involontaires » sont des constructions spéculatives discutables.

3.  Troisièmement, la question du sécularisme. Il n’est pas nécessaire de se préoccuper ici de la théorie de la sécularisation à la Steve Bruce, qu’elle soit vraie ou fausse. Comme le dit Bryan Wilson, la sécularisation représente « le déclin de l’importance sociale de la religion »3 [3], et a de nombreuses facettes différentes. Le sécularisme n’est pas une théorie, mais une réalité en Occident aujourd’hui, qui n’est pas mondiale, même en faisant un gros effort d’imagination. Il est bien défini par Taylor comme l’attitude « où la disparition de tous les buts ne se rapportant pas à l’épanouissement humain devient concevable pour la plupart des gens. C’est le lien crucial entre la sécularité et l’humanisme autosuffisant. »4 [4]

Si l’aboiement du sécularisme se fait entendre dans le domaine des idées, sa morsure est juridique. Cela est souvent négligé. Les progrès de la sécularisation ont différentes vitesses à différents niveaux. L’ordre est d’abord philosophique, puis sociologique et, enfin, juridique. La sécularisation est initialement un désenchantement limité à une élite libre penseuse, bien avant d’atteindre les masses. Les idées ne transforment que petit à petit la vision du monde de la majorité. À la fin, le nouvel éthos touche la sphère légale, et les lois sont changées, parce que la vision de la majorité a changé. Puis le boomerang revient, et ce qui est légal est généralement accepté comme juste et bénéfique. Les lois sur l’avortement en sont un bon exemple.

Les valeurs du christianisme qui étaient largement acceptées, quoique implicitement, jusqu’à la seconde moitié du xxe siècle deviennent une position minoritaire en butte aux attaques. Cela se produit très rapidement une fois que la phase légale est passée, et c’est l’expérience actuelle des chrétiens, en Occident, dans le domaine de l’éthique et du style de vie personnels. Les changements philosophiques conduisent à des changements juridiques et politiques.

2. La liberté de conscience

La conscience a été intensément cultivée dans la théologie du Moyen Âge en rapport avec la lumière naturelle détournant l’homme du mal. Les théories distinguaient la conscience comme source de la connaissance morale (synderesis, Jérôme), comme réponse volontaire à la connaissance morale (Bonaventure) ou l’application de la connaissance morale à l’action (Thomas d’Aquin). À la suite d’Abélard, Thomas d’Aquin discuta des droits d’une conscience erronée, mais n’appliqua pas, à ma connaissance, ce droit à l’hérésie5 [5].

Ces discussions préparèrent la voie à la mise au premier plan de la conscience en tant que question pratique dans la théologie des réformateurs et des puritains. Ils ne s’intéressèrent pas d’abord à la conscience en tant que faculté naturelle, « l’esprit de l’homme prononçant des jugements moraux », mais à la restriction de la liberté de conscience et de ses droits. Comme G.C. Berkouwer commente : « La conscience n’est pas un organe séparé du cœur avec lequel les hommes croient. La conscience exprime la richesse d’une vie en communion avec Dieu et la possibilité du salut, qui résonne dans les régions les plus profondes du cœur et de la vie de l’homme, et conduit ainsi à une sainte audace. »6 [6]

La question la plus importante concernant la liberté de conscience est de savoir si la conscience est autonome ou théonome.

En tant que Créateur de l’esprit humain, Dieu est le point de référence ultime pour son fonctionnement. Cela détermine la nature de la relation de l’homme avec Dieu et la liberté de conscience devant lui. Puisque l’esprit est créé, ses capacités, dont la liberté de conscience, sont liées à la seigneurie de Dieu, de trois façons complémentaires :

La liberté de conscience est donc l’épanouissement de l’esprit coram Deo, se soumettant à la révélation normative de Dieu, agissant sur des faits objectifs et dans le cadre de l’expérience humaine. Le passage important de Romains 2.12-16 va dans ce sens.

Abraham Kuyper a émis l’idée selon laquelle la vraie liberté repose sur l’obéissance à Dieu. Les droits et les responsabilités en découlent et expriment la liberté de conscience souveraine qui définit l’individu : « La souveraineté de la conscience est la garantie de toute liberté personnelle, et dans ce sens la conscience n’est jamais soumise à l’homme mais toujours au Dieu tout-puissant. »8 [8]

La liberté de conscience n’est pas sémantiquement neutre, parce qu’elle n’est pas culturellement neutre. Elle fonctionne dans le cadre d’une vision du monde résultant des engagements profonds du cœur, qu’il s’agisse de la foi en Dieu ou d’autre chose9 [9]. Les croyances, les idées, les valeurs et la culture que produisent ces engagements, dont sa moralité et ses lois, ne sont pas neutres, mais expriment ensemble une vision du monde. La liberté de conscience, comme la liberté elle-même, fonctionne à partir d’une vision du monde précise, contre d’autres options. C’est ce qui fait la différence entre la liberté de conscience dans la vision du monde des réformateurs et dans l’humanisme, où elle devient libre pensée ou conscience historique, ou dans la modernité tardive, où elle se transforme encore en individualisme hédoniste. Nous doutons toutefois que ces dernières interprétations expriment une liberté de conscience authentique.

Enfin, on ne peut éviter une autre question légitime au sujet de la liberté de conscience. Celle-ci n’est-elle pas simplement un pléonasme, la combinaison de deux termes ayant le même sens ? Ou est-elle plutôt comme la liberté de la volonté chez Luther, quelque chose de séduisant, mais qui n’est jamais détaché des facteurs qui la conditionnent. La liberté de conscience n’est jamais réellement libre.

3. La Réforme

La réponse de Théodore de Bèze à un certain André Dudith, en 1570, nous surprend : « Dirons-nous qu’il faut permettre la liberté de conscience ? Pas le moins du monde, s’il s’agit de la liberté d’adorer Dieu chacun à sa guise : c’est là un dogme diabolique. »10 [10] De tels propos auraient fait sursauter Rabelais et Montaigne !

Cette attitude négative est très choquante pour nous. Elle est incompréhensible. Olivier Millet dit de Calvin lui-même : « La liberté de conscience au sens moderne du terme est ainsi rejetée, ou évitée, au moment même où Calvin semble fonder, par sa doctrine de la conscience comme témoin de la loi naturelle, le droit de la conscience individuelle à juger de la validité de toute loi. »11 [11] Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que la liberté de conscience n’est pas la même chose que la libre pensée et la tolérance. Pour les réformateurs, la conscience d’une personne est soit réceptive à l’Évangile, soit endormie ou, pire encore, morte.

Les réformateurs s’intéressent à la conscience du croyant et à sa position devant Dieu. La conscience est souveraine, mais elle existe dans un contexte plus large de révélation, de loi naturelle et d’ordre public. Les difficultés apparaissent lorsque le croyant fidèle est en désaccord avec les autorités. Que doit-il faire alors ? Quand la conformité publique à la vérité biblique est absente, il faut suivre sa conscience contre l’autorité de l’Église ou de l’État. L’idéal des réformateurs était que l’ordre public reconnaisse la vérité de Dieu et la soutienne ou, du moins, recherche la concorde dans la société. Si tel n’est pas le cas, la conscience doit être fidèle à Dieu. Elle doit résister aux instances supérieures. Les réformateurs ne défendaient donc pas la liberté de conscience telle qu’on la comprendra plus tard, mais la liberté de la conscience croyante ou biblique. Lorsque le point de vue majoritaire de la société est étranger à la vérité divine, le mieux qu’on puisse espérer est le respect de la liberté de culte.

Luther différait de ses prédécesseurs lorsqu’il enseignait que la conscience n’était pas l’aptitude à appliquer les principes rationnels de la loi et de la connaissance naturelles. C’est la racine religieuse de l’homme, qui porte sa relation avec Dieu et influence toute la vie, y compris les facultés naturelles. Pour Luther, la raison est subordonnée à la conscience et la conscience à la foi. Comme le dit Harold Berman : « La conscience, en théologie luthérienne, provient directement de la foi ; elle n’applique pas seulement les principes de la loi divine et naturelle aux situations concrètes, mais est aussi la source et l’incarnation de notre compréhension de ces principes. »12 [12] Luther croyait que les Dix Commandements étaient un résumé de la loi naturelle, accessible aux païens comme aux chrétiens, et qu’ils s’appliquaient aux citoyens personnellement, ainsi que par le moyen de l’autorité civile et de la loi positive. Ces lois ne sont pas établies par Dieu pour la sphère spirituelle, mais pour la seule sphère terrestre, et l’obéissance à celles-ci ne peut pas conduire à Dieu. La connaissance de Dieu dépend de la foi seule comme principe normatif et de l’Écriture comme principe formel.

Il y a donc plusieurs sortes de conscience, liées à la loi et à l’Évangile. Luther décrivait la conscience comme une capacité à juger le bien et le mal, non pas tant un pouvoir autolégislatif qu’une aptitude à recevoir instruction13 [13]. Parce qu’elle fait partie de la condition humaine déchue, elle ne peut pas conduire à Dieu par une obéissance naturelle. Elle ne peut qu’être légitimement liée par la Parole de Dieu. La loi divine et naturelle ainsi que les lois positives en découlent, servent à rendre les gens conscients de leur devoir extérieur au sens civil, mais aussi de leur incapacité intérieure devant Dieu en tant que pécheurs. La conscience erronée et la confiance dans les œuvres de la loi conduisent à des conceptions triomphalistes de Dieu et de sa justice. La théologie de la croix, en revanche, conduit à Dieu par un chemin contraire au discernement naturel. L’Évangile de la croix apporte « le grand feu de l’amour de Dieu pour nous, par lequel le cœur et la conscience deviennent heureux, sereins et satisfaits »14 [14]. Cela met la « voix solitaire » de la conscience au-dessus des pouvoirs terrestres, et l’Évangile contre la loi.

Mélanchthon a repris les idées de Luther sur la corruption de la nature humaine, les limites de la raison et les déformations de la loi naturelle. Les Dix Commandements sont un résumé de la loi naturelle et un modèle pour les lois positives promulguées par les autorités. La raison humaine ne peut discerner la loi divine et naturelle que lorsqu’elle est guidée par la foi15 [15]. Dieu est le législateur suprême et, en dernière analyse, nous ne sommes pas liés par les traditions, les lois et l’enseignement humains :

Ils peuvent être tolérés seulement dans la mesure où ils ne troublent pas la conscience : « Nous devrions obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Actes 5.29) Par conséquent, lorsque les traditions obscurcissent la foi et sont une occasion de chute, elles devraient être transgressées […] Mais ceux qui ont été privés de leur liberté de conscience par les traditions deviennent esclaves des hommes16 [16].

La vraie liberté de conscience « n’est liée par rien en dehors de la loi de Dieu (ius divinul) »17 [17].

Calvin traite de la liberté chrétienne au chapitre 14 de l’Institution de la religion chrétienne de 1541 et de manière encore plus approfondie dans la version de 1559. Dans les deux versions, il présente trois aspects de la liberté chrétienne :

Dans l’édition de 1559, Calvin élargit sa conclusion sur la conscience pour embrasser les deux royaumes : « Il y a, dans l’être humain, comme deux mondes qui peuvent être gouvernés par des rois différents et par des lois différentes. » Les chrétiens ont la conscience libérée par Dieu bien qu’ils demeurent soumis aux lois humaines par motif de conscience. La conscience est « comme un intermédiaire entre Dieu et les hommes » ; si les œuvres concernent les hommes dans la sphère civile, la conscience est tournée vers Dieu19 [19]. La liberté de conscience est d’abord spirituelle, pour obéir à la Parole de Dieu dans tous les domaines de la vie. La conscience est le témoin solitaire de la loi de Dieu : « Même s’il n’y avait plus âme qui vive sur la terre, je suis tenu, en ma conscience, de garder cette loi. »20 [20] C’est un juge de validité et d’équité dans le domaine de la loi positive, religieuse, morale et politique. Elle ne doit jamais être invoquée contre la loi de Dieu dans la révélation naturelle et biblique. Comme Olivier Millet conclut, Calvin a donné aux gens la maîtrise de leur vie et préparé involontairement la résistance future21 [21].

Pourquoi y a-t-il si peu de place pour la tolérance dans l’enseignement des réformateurs ? Parce que, semble-t-il, la liberté de conscience consistait, d’abord, pour eux, en un appel à vivre devant Dieu à la lumière de la vérité révélée. La conscience n’a aucun droit légitime en dehors de ce périmètre. Elle n’est pas libre de ne pas croire. Ainsi Luther s’inquiétait d’un usage hypocrite de la loi ; Calvin d’un décalage entre la foi et la pratique.

Leur arrière-plan, l’enseignement de leurs prédécesseurs et la mentalité de leur temps ont entraîné une atrophie inexcusable pour nous aujourd’hui. Joseph Lecler indique que Luther a suivi Chrysostome et Jérôme dans ses premières œuvres, et était hostile à l’emploi de la force ou de l’inquisition contre l’incroyance22 [22]. Mais cela a rapidement changé. Leur problème était le césaro-papisme, l’incapacité à accepter une autre forme de croyance à côté de celle autorisée par l’État. Kuyper affirme que Calvin et ceux qui l’ont suivi étaient incohérents, car « en louant tout haut la liberté de conscience, le calvinisme a en principe abandonné toute caractéristique absolutiste de l’Église visible… seul le système d’une Église libre dans un État libre peut être honoré d’un point de vue calviniste. » Il ajoute que « Rome a senti que la liberté de conscience allait affaiblir les fondations de l’unité de l’Église visible, et s’y est donc opposée »23 [23]. La Réforme a défendu le principe de la liberté de conscience, mais il lui manquait la maturité et le contexte pour la mettre en pratique.

4. L’avènement du sécularisme

Dans The Open Society and Its Enemies, Karl Popper affirme la nature fondatrice de la liberté de conscience séculariste :

Si vous acceptez l’éthique chrétienne d’égalité, de tolérance et de liberté de conscience uniquement parce qu’elle déclare reposer sur l’autorité divine, alors vous construisez sur une base fragile ; car il n’a été que trop souvent affirmé que l’inégalité est voulue de Dieu, et que nous ne devons pas être tolérants envers les non-croyants […] La doctrine de l’autonomie de l’éthique est indépendante du problème de la religion, mais compatible avec, et peut-être même nécessaire à toute religion qui respecte la conscience individuelle24 [24].

Popper formule clairement dans cette courte citation les trois constantes du sécularisme dans la modernité : autonomie, neutralité et bonté innée de l’homme. Ces conceptions ont caractérisé l’humanisme centré sur l’homme de différentes façons depuis les Lumières. Le relativisme et le naturalisme suivent dans leur sillage. Nous nous permettons trois remarques :

Le sécularisme est né indirectement de l’échec des réformateurs à traiter fermement et bibliquement de la liberté de conscience et de la tolérance. Leurs détracteurs, en particulier Castellion et Coornheert, ont souligné leur zèle inconsidéré dans la poursuite des hérétiques, leur impatience eschatologique, leur mauvais usage des pouvoirs terrestres en cas de désaccord spirituel et une exégèse douteuse de l’Ancien Testament. Ils ont également estimé que ce n’était pas raisonnable.

Dans le siècle qui a suivi la Réforme, les minorités religieuses ont refusé d’être réduites au silence ou écrasées, suivant l’exemple des huguenots. Des libertés ont été acquises, non en faisant des concessions au scepticisme, mais par conviction et résistance religieuses.

Pierre Bayle marque un grand tournant dans les discussions sur la conscience et la tolérance précédant le siècle des Lumières. Contrairement à John Locke, qui fondait la liberté de conscience sur la tolérance civile, Bayle s’est opposé à Calvin et Bèze et a critiqué l’interprétation augustinienne de Luc 14.23 dans son Commentaire philosophique sur « Contrains-les d’entrer » de 1686. Il s’est appuyé sur l’argument de Thomas d’Aquin sur les droits de la conscience erronée : même si la conscience erre dans son jugement, sa conviction (dictamen) doit être respectée, parce que la conscience qui erre acquiert le même droit formel dans son erreur que la conscience juste dans sa véracité25 [25]. En mettant les deux formes de conscience au même niveau, Bayle établit théoriquement le droit à l’erreur, ce qui implique une parité entre l’orthodoxie et l’hérésie, la légitimité sociale des papistes comme des athées.

Par la suite, l’accent sera déplacé de la liberté de conscience, une question morale, vers la liberté de pensée épistémologique. L’avènement du sécularisme a été marqué par un changement progressif dans la compréhension de ce qu’est une vie bonne. Cela marque un changement de direction à 180 degrés par rapport à l’« enchantement » dans lequel Dieu était considéré comme directement présent dans le monde, impliqué dans la société, une force active. Un nouveau sens de la place de l’homme dans le cosmos, qui n’est plus « poreux » mais protégé contre les intrusions, fait lentement son apparition. L’individu est libéré de la tutelle divine et l’incrédulité devient la position collective de base. Toutefois, « il fallait plus que le désenchantement pour produire un homme protégé contre les intrusions ; il était également nécessaire qu’il eût confiance dans ses propres capacités à mettre en place un ordre moral »26 [26]. C’est à cela que se résume le sécularisme : le pouvoir de l’homme et la confiance qu’il peut s’en sortir par lui-même.

La liberté de conscience s’éloigne de la con-scientia, connaître avec le témoignage de Dieu devant Dieu, qui définit la plénitude en rapport avec le vrai et le faux, le bien et le mal, et une foi sociale partagée. L’attention se tourne vers une référence intérieure, liberté de pensée, faire l’expérience du bien, sentir que c’est vrai, une référence « au-dedans » qui est individuelle et privée. La conscience est devenue autonome et « l’autosuffisance de l’individu l’emportant sur les responsabilités sociales a été élevée en credo sacré »27 [27].

Le mouvement vers l’autonomie a progressivement remplacé la foi en Dieu par la foi en la personnalité humaine : les aptitudes rationnelles de l’homme ou ses sentiments et ses expériences. Le déisme, la religion des Lumières, a substitué la foi en la raison et la suprématie de l’ordre public à la Bible et à la loi divine. L’idée d’un Dieu personnel est déplaisante.

Dans ce contexte, que Taylor appelle l’ordre moral moderne, l’homme devient un nouveau dieu personnel pour lui-même, dans un ordre impersonnel28 [28]. Le déisme est à mi-chemin entre la foi et l’incroyance, parce que c’est un athéisme pratique. Gilbert Ryle dit avec humour que la conscience devient la raison enseignant en mode sabbatique29 [29]. Commentant l’ouvrage de Kant, Les fondements de la métaphysique des mœurs (1785), la romancière Iris Murdoch a atteint des sommets lyriques en décrivant l’homme des Lumières :

Combien reconnaissable, combien nous est familier l’homme si admirablement décrit dans les Grundlegung (Fondements), qui confronté même avec le Christ se détourne pour considérer le jugement de sa propre conscience et écouter la voix de sa propre raison […] cet homme est toujours avec nous, libre, indépendant, solitaire, puissant, rationnel, responsable, courageux, le héros de si nombreux romans et livres de philosophie morale30 [30].

N’est-il pas révélateur que Murdoch assimile la conscience à la « voix de sa propre raison » ? Bien que son domaine d’expertise soit plus la littérature que la philosophie, elle met le doigt sur le problème en présentant la conscience comme un devoir envers soi-même, un processus d’autoévaluation distinct du jugement moral.

La raison autonome conduit à une réduction de la conscience à la conscience du sujet concernant le subjectif ou l’objectif, le personnel ou le scientifique, l’individuel ou le collectif. D’une part, elle encourage le principe utilitariste « du plus grand bonheur » du libéralisme individualiste. La liberté de conscience est le premier article du credo libéral d’un John Stuart Mill, pour le bien-être de l’humanité : « La liberté de pensée et de sentiment, l’absolue liberté d’opinion et de sentiment sur tous les sujets, pratiques ou spéculatifs, scientifiques, moraux ou théologiques. »31 [31] Les limites sont fixées par « les règles morales qui interdisent aux hommes de se nuire les uns les autres »32 [32]. La sanction suprême de la moralité utilitariste est le bien-être social.

D’autre part, on trouve les affirmations scientifiques collectivistes d’inspiration hégélienne. Le bien est une vertu sociale fondée sur la théorie historiciste : « Les vrais principes de moralité, ou plutôt de vertu sociale, (sont) opposés à la fausse moralité ; car l’Histoire du Monde est plus haut placée que cette moralité qui a un caractère personnel – la conscience des individus… »33 [33] Pour le marxisme, la conscience est une conscience historique et scientifique déterminée par la condition sociale. Pour citer la célèbre formule de Marx : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. »34 [34] Freud a par la suite appliqué la causalité rationnelle au développement psychologique individuel, transformant la conscience en un super-ego socialement intériorisé.

Les réductions du rationalisme sont juxtaposées, sans renoncer à l’autonomie, avec diverses formes d’irrationalisme. Le romantisme libère la conscience dans le mystère et libère l’imagination des contraintes extérieures, qu’elles soient sociales ou autres. « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme » est la phrase introductive du traité de Jean-Jacques Rousseau sur l’éducation, Émile (1762). La conscience nous parle avec le langage non corrompu de la nature, mais elle est étouffée par le conditionnement social. Dans La profession de foi du vicaire savoyard, voici ce que dit Rousseau de la conscience :

Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions…35 [35]

Rousseau n’était pas un primitiviste – il croyait dans les lois sacrées de la nature faisant écho aux profondeurs.

Il y a, pourtant, un autre ingrédient à ajouter à l’optimisme presque sans limites de la voix intérieure guidant l’homme vers une nouvelle authenticité. Le mouvement romantique a remplacé la conception classique défendue par Galilée et Newton d’un cosmos statique, ordonné, fixe et limité par celle d’un univers en évolution, illimité dans le temps et l’espace. La conscience est enveloppée de mystère, l’imagination est libre et sans limites. Voici ce que dit Taylor à propos de l’intériorité de l’imagination : « La redécouverte de ce que je suis vraiment à l’intérieur est rendue possible par la résonance que je ressens avec la nature autour de moi. Cette idée de résonance reçoit également son sens de la genèse obscure » dans l’abîme de l’espace et du temps36 [36].

La croissance a peut-être été tortueuse, mais de ces semences viennent les fruits du sécularisme occidental. L’autonomie centrée sur l’homme, manifestée à la fois dans la conscience rationnelle et l’imagination du mystère, a encouragé des formes plus profondes de matérialisme et d’incroyance et offert de nouvelles possibilités pour imaginer un monde détaché d’un Dieu agissant. La liberté de conscience a été redéfinie comme la conscience d’un processus historico-social continu, individuellement et collectivement, ou comme la conscience d’une exploration intérieure créative et une nouvelle connaissance de soi. Les deux perspectives laissent derrière elles le monde de la révélation chrétienne jugé primitif pour se hisser à de plus hauts niveaux d’accomplissement humain. Ensemble, ces attitudes plantent le décor de l’incroyance moderne.

Beaucoup plus tard, lorsque le fondationnalisme rationnel de la conscience moderniste a vacillé, l’individualisme radical du subjectivisme hypermoderne est entré en action avec les droits de la conscience de soi. L’abîme s’est transformé en volcan lorsque l’esprit romantique l’a emporté dans l’humanisme individualiste exclusif des cinquante dernières années. Dans cette situation liquide de fragmentation morale, trois cauchemars ont hanté la liberté de conscience chrétienne, du moins ce qu’il en reste37 [37].

En premier lieu, l’État souverain, séculier et neutre, accueillant de nombreuses visions du monde et le multiculturalisme, est lui-même dans une impasse critique. Dans le domaine économique, il est impuissant contre les crises mondiales ; il est incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens contre le terrorisme, ses frontières devenant des passoires ; les réseaux sociaux sapent ce qui reste de respect pour le processus politique. La politique s’est changée en gouvernance et manœuvres sociales, et la liberté de conscience des individus est bafouée, parfois de manière indigne, par les intérêts des lobbies. Les valeurs républicaines ou nationales sont souvent invoquées, mais le consensus, la raison et les convictions de base sont absents38 [38]. Le discours est là mais la réalité s’est fragmentée. Le « bien public » écrase tout avis contraire. Un déluge de lobbying manipulateur menace d’engloutir la liberté de conscience.

En deuxième lieu, ayant été changée en libre pensée et conscience de soi, la liberté de conscience a été réduite dans la compréhension populaire en une obligation de tout accepter, même les choses qui étaient considérées encore récemment comme intolérables. Toutes sortes de conduite exigent d’être acceptées au nom de la liberté et de l’égalité, mais ceux qui exigent la tolérance n’autorisent aucune objection religieuse à leur notion d’égalité. Donald Carson établit une distinction entre l’ancienne et la nouvelle tolérances39 [39]. Le pluralisme est la liberté pour tout dans la mesure où aucune affirmation exclusive n’est faite. Comme rien n’est vrai dans un contexte de relativisme moral, la tolérance ne fonctionne plus à partir de considérations éthiques, mais toutes choses sont considérées égales et donc acceptables. Ceux qui sont en désaccord avec les préférences des autres sont jugés racistes ou bigots, et sont soumis à une intolérance inquisitoriale de la part de ceux qui se prétendent victimes. La christianophobie est en augmentation40 [40]. La liberté religieuse et de conscience, les libertés ecclésiales et familiales sont de plus en plus bafouées par les lois relatives au renseignement, les lobbies du politiquement correct et le trolling sur l’internet41 [41]. La liberté de conscience et d’expression est menacée lorsque le totalitarisme PC (politiquement correct) règne.

Enfin, l’hyperindividualisme est suffocant. Quand le bien-être individuel définit l’épanouissement humain, « quel effet ça fait » est tout ce qui compte. Les faits sont superflus dans cette situation de postvérité. Ce qui compte, c’est de se sentir bien et d’être stimulé émotionnellement. Les nouveaux mots à la mode sont des « stoppeurs de discussion » qui cachent les vrais dilemmes moraux42 [42]. Dans cette « culture de l’authenticité », l’individu a le droit de faire ce qu’il veut de lui-même, et la superficialité est la norme. Le statut est déterminé par les choses, les choses que l’on consomme, les choses que l’on fait avec son corps, les expériences que l’on fait. Mon statut social dépend du regard que les autres portent sur mes possessions, mes vêtements de marque. Celui qui attire les regards a l’impression d’avoir ce qu’il faut, mais un regard honnête dans le miroir révèle au contraire une banale conformité aux attentes des autres. La conscience s’est détériorée en conscience de soi dans le royaume des possessions matérielles43 [43]. Les questions légitimes de conscience ont disparu dans l’océan de la trivialité.

L’hypermodernisme produit la fin de la raison et de la conscience historique, ainsi que le sentiment d’être sans racines et sans but. Un aveuglement moral généralisé a pour corollaire l’absence de compassion dans les sociétés libérales progressistes44 [44]. Le passé, et Dieu en tant que chose du passé, est devenu non pertinent, et on réécrit l’histoire de l’Occident en gommant les détails qui dérangent. Ainsi, l’auteur de la série télévisée Downton Abbey a reçu pour consigne de supprimer toute référence au christianisme dans son script.

Conclusion

Le volcan émet de nombreuses cendres, mais combien de temps encore avant qu’il ne s’éteigne ? Tout aussi menaçant est un autre fait relevé par Marcello Pero : « L’apostasie du christianisme expose tout l’Occident au risque d’une grave crise culturelle et politique, et peut-être même à un effondrement de civilisation. »45 [45]

La vision chrétienne du monde considère que les meilleures époques dans l’histoire de l’humanité sont celles qui se rapprochent le plus des bénédictions spirituelles de Pentecôte, où Dieu a répandu la grâce de son alliance nouvelle et finale sur son peuple, avec ces bénédictions, vie, liberté et espérance pour les nations. Mais le royaume du Christ n’est pas de ce monde (Jean 18.36). Le règne spirituel du Christ sera établi à la parousie, le point téléologique vers lequel toute l’histoire se dirige. L’aventure humaine est un kaléidoscope de luttes entre des notions opposées de la liberté de conscience. Parfois, nous sommes chronologiquement plus proches de la parousie, mais spirituellement plus éloignés, parce que éloignés de l’Esprit de Pentecôte et du message apostolique. Le réveil de la Réforme était à la fois plus proche et plus éloigné de la parousie que nous ne le sommes aujourd’hui. La semence semée par les Pères réformateurs contribue toutefois à la liberté de conscience dans l’espérance du royaume à venir.

Notre assurance concernant la finalité téléologique de l’histoire conditionnera notre évaluation des progrès à la fois de la liberté de conscience et du sécularisme. Ce que l’esprit du temps voit comme un progrès, nous le considérerons parfois comme une régression. Le peuple de Dieu ne cautionne aucun compromis de conscience lorsque l’esprit de l’âge est un esprit de rébellion contre la loi de Dieu, car il n’y a aucune vérité plus grande que celle du Christ : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jean 8.32)


  1.  Paul Wells est professeur émérite à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Texte présenté lors de la Conférence 2016 de la FEET (Fellowship of European Evangelical Theologians) à Wittenberg, du 26 au 30 août. Traduction Jean-Philippe Bru. Une version plus longue et plus documentée de ce texte sera publiée en anglais sous le titre « Freedom of Conscience, Reformation, and the Advent of Secularism », par Wipf & Stock.↩︎ [46]

  2.  C.S. Lewis, The Voyage of the Dawn Treader, London, Grafton, 2002, p. 139.↩︎ [47]

  3.  Bryan R. Wilson, Religion in Sociological Perspective, Oxford, Oxford University Press, 1982, p. 149.↩︎ [48]

  4.  Taylor, A Secular Age, p. 19-20. Sur la théorie de la sécularisation, voir p. 427-436.↩︎ [49]

  5.  Les théories philosophiques de la conscience sont souvent catégorisées comme suit : théories de la connaissance morale, de la motivation et de la réflexion, qui ne sont pas mutuellement exclusives. Nous n’abordons pas les discussions scolastiques sur la synderesis, la nature de l’inclination au bien chez l’homme. Voir à ce sujet Stuart P. Chalmers, Conscience in Context. Historical and Existential Perspectives, Bern, Peter Lang, 2014, p. 78-151, et Kenneth E. Kirk, Conscience and Its Problems, London, Longmans, Green, 1936, p. 179-181.↩︎ [50]

  6.  G.C. Berkouwer, Man : The Image of God, Grand Rapids, Eerdmans, 1962, p. 173.↩︎ [51]

  7.  Je reprends les catégories développées par John Frame, Systematic Theology, Phillipsburg, P&R, 2013, p. 32-33.↩︎ [52]

  8.  A. Kuyper, Lectures on Calvinism, Grand Rapids, Eerdmans, 1931/1961, p. 107.↩︎ [53]

  9.  La vision du monde est définie ici comme « l’ensemble des présuppositions auxquelles nous adhérons au sujet de la constitution fondamentale de notre monde ». James W. Sire, The Universe Next Door. A Basic World-View Catalog, Downers Grove, InterVarsity Press, 1977, p. 18.↩︎ [54]

  10.  Théodore de Bèze, Correspondance de Théodore de Bèze, t. XI, p. 179, cité dans Hans R. Guggisberg et al., La liberté de conscience (xviexviie siècles), Genève, Droz, 1991, p. 15.↩︎ [55]

  11.  Olivier Millet, « Le thème de la conscience libre chez Calvin », in ibid., p. 32.↩︎ [56]

  12.  Berman, Law and Revolution, II, p. 75. Je suis ici la présentation de Berman, p. 73-77. Cf. Lecler, Histoire de la tolérance, p. 161-167.↩︎ [57]

  13.  Ibid., p. 28.↩︎ [58]

  14.  Martin Luther, « A Brief Instruction on What to Look for and Expect in the Gospels » (1521), in Martin Luther’s Basic Theological Writings, ed. Timothy F. Lull, Minneapolis, Fortress Press, 1989, p. 106.↩︎ [59]

  15.  Berman, Law and Revolution, II, p. 78-80.↩︎ [60]

  16.  Philipe Mélanchthon, Commonplaces. Loci Communes, 1521, St Louis, Concordia Publishing House, 2014, p. 178.↩︎ [61]

  17.  Ibid., p. 327, 388.↩︎ [62]

  18.  Mélanchthon aborde cette question dans une section sur les scandales de Commonplaces, p. 392-395.↩︎ [63]

  19.  Institution de la religion chrétienne, Kerygma-Excelsis, Aix-en-Provence-Charols, 2009, III, xix, 15-16, p. 780-783.↩︎ [64]

  20.  Ibid., p. 782.↩︎ [65]

  21.  Olivier Millet, « Le thème de la conscience libre chez Calvin », La liberté de conscience au xvie siècle, Colloque de Mulhouse-Bâle, 1989, Genève, Droz, 1991, p. 36-37.↩︎ [66]

  22.  Lecler, Histoire de la tolérance, p. 164-167.↩︎ [67]

  23.  Kuyper, Lectures, p. 102, 106.↩︎ [68]

  24.  Popper, The Open Society, I, p. 55.↩︎ [69]

  25.  St Thomas Aquinas, Summa Theologiae, A Concise Translation, Timothy McDermott, London, Methuen, 1989, II.19.1-6, p. 196-197. Lecler, Histoire de la tolérance, p. 117-124.↩︎ [70]

  26.  Ibid., p. 27. Taylor est contre les théories de la sécularisation qui voient celle-ci comme la perte de quelque chose et ne disent que la moitié de la vérité. Le sécularisme n’est pas la perte de quelque chose, mais le gain d’un nouveau sens de l’« épanouissement » humain, un processus long, complexe et multiple.↩︎ [71]

  27.  Ibid., p. 267.↩︎ [72]

  28.  Ibid., p. 293.↩︎ [73]

  29.  Gilbert Ryle, The Concept of Mind, London, Routledge, 2009/1949, p. 141, 288 (trad. fr. S. Stern-Gillet, La notion d’esprit, Payot et Rivages, 1978/2005). Sceptique quant au « fantôme dans la machine », Ryle déclare de façon critique : « L’esprit peut ‹voir› ou ‹regarder› ses propres opérations dans la ‹lumière› donnée par elles-mêmes. » Et il conclut : « Le mythe de la conscience est un fragment de para-optique. »↩︎ [74]

  30.  Iris Murdoch, The Sovereignty of the Good, London, Routledge, 1970, p. 80, citée par Charles Taylor, Sources of the Self. The Making of Modern Identity, Cambridge, Harvard University Press, 1989, p. 84.↩︎ [75]

  31.  Mill, On Liberty, cité par K.C. O’Rourke, John Stuart Mill and Freedom of Expression, London, Routledge, 2001, p. 77, 162.↩︎ [76]

  32.  Ibid., p. 111, 118.↩︎ [77]

  33.  Hegel, The Philosophy of Law, § 345, cité par Popper, The Open Society, II, p. 64.↩︎ [78]

  34.  Marx, préface à A Contribution to the Critique of Political Economy (1859). Cf. Erich Fromm, Marx’s Concept of Man, New York, Frederick Ungar Publishing, 1961, chap. 3.↩︎ [79]

  35.  Jean-Jacques Rousseau, La profession de foi du vicaire savoyard, in Émile, IV (1762), cité par Taylor, Sources of the Self, p. 358.↩︎ [80]

  36.  Taylor, A Secular Age, p. 344.↩︎ [81]

  37.  Zygmunt Bauman, Carlo Bordini, State of Crisis, Cambridge, Polity Press, 2014, 76ss, affirment que la période postmoderne s’étend de 1970 à environ 2000, mais n’existe plus. Cf. Carson, The Intolerance of Tolerance, p. 129-132.↩︎ [82]

  38.  Maclure, Taylor, Secularism and Freedom of Conscience, p. 11-12.↩︎ [83]

  39.  Carson, The Intolerance of Tolerance, p. 28-29, 133, 167-168.↩︎ [84]

  40.  George Yancey, Hostile Environment. Understanding and Responding to Anti-Christian Bias, Downers Grove, IVP Books, 2015, fournit une ample documentation.↩︎ [85]

  41.  Il s’agit de créer artificiellement des controverses sur les réseaux sociaux pour perturber l’équilibre des échanges.↩︎ [86]

  42.  Taylor, A Secular Age, p. 473-504.↩︎ [87]

  43.  Gregory, The Unintended Reformation, p. 377.↩︎ [88]

  44.  Zygmunt Bauman, Leonidas Donskis, Moral Evil. The Loss of Sensitivity in Liquid Modernity, Cambridge, Polity Press, 2013.↩︎ [89]

  45.  Marcello Pera, Why We Should Call Ourselves Christians : The Religious Roots of Free Societies, New York, Encounter Books, 2008, p. 62.↩︎ [90]