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Témoignages

Témoignages

J’ai eu le privilège de connaître Pierre Courthial depuis le début des années 1970, époque où il venait assez souvent à Lausanne pour y donner des conférences. Je fus frappé par l’autorité et l’ampleur qu’il accordait à la Parole de Dieu ainsi que par une noblesse de caractère qui le conduisait à ne pas hésiter à saluer de sa voix puissante, ceci à travers plusieurs quais de la gare de Lausanne, le porteur de valises que j’étais alors ! J’ai eu le grand privilège d’être étroitement lié à la publication de ses trois livres: Fondements pour l’avenir, Le jour des petits recommencements et De Bible en Bible. Mais c’est depuis une quinzaine d’années surtout qu’une grand amitié s’est développée entre nous, période où je lui téléphonais souvent, soumettant à son regard critique (et toujours amical) de nombreux textes et lui servant aussi, comme il le disait alors, de « fenêtre sur le monde ». Pour moi, il n’y a guère de doute, Pierre Courthial fut le meilleur théologien de la deuxième partie du XXe siècle: par l’ampleur, la sûreté, l’exactitude biblique, la pugnacité réformée et la pleine catholicité de tout ce qu’il écrivait. En plus, par son souci d’équilibre et de plénitude théologique, son écriture avait souvent un caractère liturgique, ce qui lui accordait une grande beauté. Notre gratitude est grande pour ce modèle, au cœur si modeste et si courageux, que Dieu nous a si généreusement donné ! A Dieu montent notre louange et notre adoration reconnaissante pour ce Défenseur intrépide de la Foi chrétienne, qu’Il a, pour ces temps mauvais, accordé à son Eglise.

Jean-Marc BERTHOUD
Auteur à Lausanne

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J’ai rencontré Pierre Courthial alors que nous, mon épouse et moi-même, habitions la région parisienne (1969-1971). D’abord à la Faculté évangélique de Vaux-sur-Seine où j’étais chargé de cours. Il y enseignait alors un cours d’éthique, apprécié par les étudiants. Ensuite, lors des rencontres mensuelles du Centre d’études de théologie évangélique, qu’il avait fondé avec Henri Blocher. Pasteur de la paroisse de l’Annonciation, je ne l’ai pas beaucoup fréquenté à cette époque. J’ai eu cependant l’occasion de m’entretenir avec lui lorsque nous réfléchissions à la possibilité de poursuivre notre ministère avec le professeur F. Schaeffer, à L’Abri, en Suisse. Je me souviens de son imposant bureau et de sa volonté de consacrer tous les matins à l’étude biblique et théologique. Il a manifesté une capacité d’écoute remarquable et à la fin de l’entretien, sans se prononcer sur la décision à prendre, il me conseilla d’agir en toute conscience selon la conviction que le Seigneur nous donnerait. Quelques mois plus tard, nous sommes partis pour L’Abri.

Nous nous sommes revus deux fois en Suisse au moment du redémarrage de la Faculté d’Aix-en-Provence, mais cette fois-là avec un visage résolument réformé. Il s’agissait alors de constituer une équipe professorale en vue de l’ouverture prochaine de la faculté (automne 1974). Si, dès le départ, j’étais convaincu du bien-fondé du projet, le ministère passionnant que je vivais à L’Abri m’empêcha de prendre en considération l’invitation qui m’était adressée de rejoindre l’équipe aixoise. Il a fallu attendre une rencontre en janvier 1975 dans un restaurant de Genève pour que les événements se précipitent et ce essentiellement à l’initiative de Pierre Courthial. Professeurs et étudiants étaient dans la Cité de Calvin pour visiter les sites historiques de la Réforme. Etaient présents lors de ce repas, en plus de Danièle (mon épouse) et moi-même, les Courthial, Paul Wells et Peter Jones. Nous étions à peine assis que Pierre Courthial engagea la conversation en s’adressant à moi. Lors d’un précédent entretien (1973), j’avais suggéré à mes futurs collègues de poursuivre leurs recherches afin de trouver quelqu’un d’autre pour occuper la chaire d’Ancien Testament. Ce qu’ils avaient fait. N’ayant pas trouvé, ils revenaient à la charge! Après réflexion et prière, le conseil des professeurs avait décidé de s’y prendre autrement. Au lieu de me solliciter, ce dernier avait résolu de me lancer un appel. Avec son sens de la parole, sa fougue et sa conviction d’homme de Dieu, Pierre Courthial m’adressa un appel vibrant à rejoindre l’équipe déjà à l’œuvre en Provence. A côté de lui, Hélène, son épouse, essayait en vain de tempérer les propos de son mari! Il était à la fois persuasif et convaincu, tellement qu’il s’attendait à une réponse sur-le-champ. Curieusement, je ne ressentis aucune contrainte dans ses propos, mais au contraire j’éprouvai une liberté totale de répondre à cet appel. J’aurais même pu donner tout de suite une réponse positive car, au-delà des paroles de Pierre Courthial, j’avais discerné un appel du Seigneur lui-même. Je pris par prudence un mois de réflexion, de conseils et de prières avant de donner ma réponse définitive et, huit mois plus tard, nous nous sommes installés dans cette ravissante ville d’Aix-en-Provence. Ce fut le début d’une belle aventure qui nous a permis de voir Dieu à l’œuvre au sein d’une modeste institution en vue de la reconstruction et de l’édification des communautés chrétiennes issues de la Réforme. Je retiens de cette rencontre l’audace de la démarche, la force de conviction et la fraîcheur de la foi de cet homme de Dieu, pasteur de l’Eglise de Jésus-Christ.

 

En acceptant d’être le doyen de la Faculté réformée d’Aix-en-Provence, Pierre Courthial a compris, en visionnaire qu’il était, que la pertinence du discours et du témoignage évangéliques passait pas le retour aux sources bibliques et par la réconciliation avec cet extraordinaire héritage théologique et spirituel que représente la Réformation. Ce fut un privilège enthousiasmant que de participer avec ce théologien résolument réformé au ministère de la Faculté. Sa vitalité et son humour, sa culture et la richesse de sa réflexion accessible à tous, son sens de la vérité et de la loyauté, son courage et son espérance ont été et demeurent une source d’inspiration alors que nous traversons des temps difficiles et agités. Même ses fragilités et hésitations face aux rudes défis de la vie nous rappellent que nous portons le trésor de l’Evangile dans des vaisseaux d’argile et que notre assurance et notre persévérance dans la foi dépendent entièrement de la grâce du Dieu de Jésus-Christ.

Fidélité, unité et courage sont trois caractéristiques que je voudrais souligner dans la dernière partie de ce témoignage.

– Fidélité à la parole écrite et incarnée. Remarquable prédicateur, Pierre Courthial n’a cessé d’insister sur la totalité du message biblique. La bonne nouvelle du salut suppose le motif de base « création-chute-rédemption et glorification ». La foi chrétienne offre une vision du monde, de l’homme et de l’histoire qui garde toute son actualité et sa pertinence. Elle s’adresse à tous les aspects de la pensée et de la vie humaine, individuels et collectifs, privés et publics. Dans sa pensée, intelligence et foi ont fait bon ménage.

– Un sens aigu de l’unité de l’Eglise, sans rien sacrifier de la vérité évangélique. Dès 1941, Pierre Courthial a manifesté son ouverture aussi bien dans la direction des orthodoxes (Paul Evdokimov) et des catholiques (l’abbé Couturier), que des évangéliques. La revue Ichthus a été un bel exemple de cette quête de l’unité évangélique. L’équipe de rédaction (P. Courthial, M. de Védrines et H. Blocher), face au laxisme doctrinal et au flou œcuménique du moment, ont offert une réflexion théologique, éthique et culturelle qui s’est principalement inspirée du calvinisme.

– Courage et audace de l’engagement dans la cité et l’Eglise. En 1941, Pierre Courthial a été l’un des seize signataires des Thèses de Pomeyrol. Protestation contre les récentes lois promulguées contre les Juifs, ces thèses ont eu pour but de préparer l’Eglise à une prédication fidèle et de manifester la résistance spirituelle des chrétiens. A l’âge de 60 ans, après quelques hésitations il est vrai, il s’est engagé dans le lancement de la Faculté réformée d’Aix-en-Provence. Il a choisi, avec Hélène, la voie de l’inconnu et de l’incertitude. En réalité, c’était celle de l’espérance et du temps des semences, le temps de la formation de pasteurs attachés à « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » car à l’écoute de la Parole de Dieu, afin d’être mieux à même de s’adresser aux hommes et aux femmes de notre temps.

En insistant sur la cohérence de la Sagesse divine (sans occulter sa diversité), Pierre Courthial a rompu avec la vision fragmentée et dissonante que reflète le pluralisme de nos contemporains et de bien des Eglises et mis ainsi en relief la dimension prophétique de la foi chrétienne. En conclusion, je vous invite à recevoir avec moi cette belle exhortation de l’auteur de l’épître aux Hébreux:

« Souvenez-vous de vos dirigeants qui vous ont annoncé la parole de Dieu. Considérez la façon dont ils ont vécu et sont morts, et imitez leur foi. Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et pour toujours. » (Hé 13.7, 8)

Pierre BERTHOUD
Ancien doyen de la FLTR

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Le 22 avril dernier, à Paris, le pasteur Pierre Courthial achevait sa course sur la terre: course que le Seigneur lui a donné de mener plus loin que la plupart (95 ans) et, surtout, qui laisse une trace exceptionnelle. Pierre Courthial a marqué son siècle. Le protestantisme évangélique peut et doit rendre grâce pour l’héritage qu’on attachera à son nom, et le faire fructifier.

D’une famille protestante de la région lyonnaise, fils d’officier supérieur, Pierre Courthial s’entend appeler par Dieu au ministère pastoral et fait ses études à la Faculté de théologie protestante de Paris. Dans cette faculté précédemment libérale enseigne alors (années 1930) le « restaurateur du calvinisme » dans le protestantisme français, Auguste Lecerf, et l’influence du théologien suisse Karl Barth donne l’impression d’un retour à l’Ecriture et à la Réforme. Pierre Courthial épouse résolument la cause biblique. Lecerf voit en lui, comme en Pierre Marcel, celui qui poursuivra son combat.

Pierre Courthial est d’abord pasteur en Ardèche, puis aumônier à Baden-Baden. Il se rend compte peu à peu que la théologie barthienne, qui domine alors l’Eglise réformée de France (ERF), diverge en profondeur de celle de la Réforme. Il renforce et purifie son adhésion orthodoxe. Comme sa vaste culture, sa prédication claire et nourrissante, sa distinction personnelle l’ont fait choisir par la prestigieuse paroisse de Passy-Annonciation, il devient figure de proue de l’aile orthodoxe de l’ERF. Mais ce n’est pas tout: il se rapproche des autres évangéliques (hors ERF). Il répond aux invitations des Groupes bibliques universitaires (GBU). Il entame un enseignement de l’éthique à l’Institut biblique de Nogent (où je l’ai entendu avec jubilation traiter en cours le Sermon sur la montagne).

Nous avons vraiment fait connaissance un peu plus tard. Pour une session de « recyclage » pastoral des Eglises réformées évangéliques, dans les locaux de l’ancienne Faculté de théologie protestante de ces Eglises à Aix-en-Provence, nous avions été invités l’un et l’autre, orateurs « extérieurs ». C’était au milieu des années 1960. Nous nous sommes mutuellement « découverts ». Pierre Courthial m’a associé ensuite à l’invitation fondatrice d’un Cercle d’études de théologie évangélique, réuni mensuellement dans sa maison de paroisse. L’autre événement de mai 1968 a scellé la collaboration des évangéliques ERF et non-ERF : le congrès «  Ta parole est la Vérité », rassemblé par Pierre Courthial et auquel ont contribué des conférenciers comme Jules-Marcel Nicole, Pierre Chaunu, Jacques Ellul.

Puis commence, en 1970, la grande aventure de la revue Ichthus (jusqu’à la fin de 1986)! Elle vaut riposte, suscitée par Dieu, à la dégradation morale, spirituelle et théologique de l’époque. La communion du trio rédactionnel formé de Marie de Védrines, Pierre Courthial et moi (avec, pour la plus grande part de la vie de la revue, Paul Arnéra comme secrétaire de rédaction) reste l’une des expériences les plus fortes, et formatrices, qu’il m’ait été donné de vivre.

En 1974, cependant, une nouvelle Faculté de théologie, qui prend le nom de « réformée », se fonde dans les locaux de l’ancienne, à Aix-en-Provence. Elle fait appel à Pierre Courthial. Il perçoit la vocation du Seigneur. Quittant Paris et sa paroisse (et, du même coup, l’enseignement à Nogent et celui qui s’est ajouté à la Faculté de théologie évangélique à Vaux-sur-Seine), Pierre Courthial ne lâche pas Ichthus, mais se consacre d’abord à la nouvelle institution. Il y est professeur d’éthique et de théologie pastorale, et aussi doyen. C’est lui, si l’on considère l’instrumentalité humaine, qui confère à cette école son prestige et beaucoup de son attrait: non seulement, d’ailleurs, pour des étudiants réformés mais beaucoup, aussi, qui viennent d’horizons évangéliques divers.

Retraité, Pierre Courthial n’a pas cessé de rayonner. Par l’article et le livre, il a continué de promouvoir un christianisme évangélique sobre et « musclé » : riche des trésors de la tradition chrétienne orthodoxe, mais sans raffinement « technique », toujours soucieux d’unir la Loi et l’Evangile en vue de l’application ecclésiale et personnelle. Après Ichthus, il a accentué des choix qu’on peut ne pas ratifier (sa position « théonomiste », restée modérée, et son postmillénarisme) mais il est resté le grand lutteur de Dieu, le prédicateur limpide de la Parole, le penseur simple et profond soumis à l’Ecriture, l’ami tonique et généreux, le frère aîné resplendissant de la Grâce. Pour nous avoir donné Pierre Courthial, merci, Seigneur !

Henri Blocher
Ancien doyen de la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine

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Mes premiers souvenirs de Pierre Courthial datent du début des années 1970 à l’Institut biblique de Nogent-sur-Marne. Pendant cette période « post-Mai 68 », il a créé une grande impression en arrivant de Paris habillé en élégant costume et portant des chaussures cirées à la perfection. Mais c’est surtout l’actualité de ses cours professés avec rigueur biblique, vigueur et humour qui a retenu notre attention et dont je garde un souvenir inoubliable.

Vingt ans plus tard, après avoir collaboré à la publication de plusieurs de ses livres, j’ai eu le privilège de reprendre ses cours en théologie pratique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Je me souviendrai toujours de son soutien fraternel et affectueux pendant cette période de transition… et de sa volonté insistante pour me faire reprendre le vocabulaire qu’il avait lui-même forgé autour du mot nouthésie (La Revue réformée, 1996/4).

Ah, la nouthésie ! S’il est vrai que je n’ai pas repris ce vocabulaire dans mon propre enseignement, je rends grâce à Dieu pour avoir eu le privilège immense de bénéficier, de tant de manières et pendant tant d’années, de la nouthésie, c’est-à-dire de l’encouragement et de l’exhortation vivifiants que P. Courthial m’a transmis de la part du Seigneur.

Pierre BOURRELY
Centre biblique
Aix-en-Provence

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Vers dix heures du matin, devant une foule impressionnante de plus de 400 étudiants en théologie, en plus des professeurs et membres du conseil de la Faculté de théologie Réformée à Jackson, dans l’Etat du Mississippi, aux USA, un théologien venu de France se lève pour leur adresser un appel biblique tout imprégné de la pensée de ce grand réformateur, lui aussi Français, Jean Calvin. 

A la surprise générale, quel choc de l’entendre tonner : « Messieurs, en m’adressant à vous ce matin, je suis rempli d’inquiétude. J’ai vraiment peur, car toutes les erreurs pernicieuses, toutes les hérésies qui sapent la puissance évangélique de l’Eglise de Jésus-Christ émanent de gens comme vous et moi ici ce matin ! » Debout à côté de lui, comme interprète, j’ai pu voir l’impact de cette entrée en matière peu commune. L’effet de cesparoles a été d’autant plus ressenti que le président de la faculté nous l’avait présenté non sans humour: le matin même, il nous avait amenés dans un restaurant typique du Sud des USA pour prendre le petit déjeuner. Le plat principal proposé était un grits, sorte de semoule de maïs blanc. Notre cher Pierre, Français parmi les Français, a trouvé cela si bon qu’il en a emporté plusieurs paquets. Cela a tellement plu au président (un grand juriste) quelorsqu’il a présenté cet érudit venu du pays de la gastronomie par excellence, il n’a pas pu dire autrement que « ce grand Français qui aime les grits » ! Public hilare… Cela n’est qu’une anecdote parmi tant d’autres où j’ai pu apprécier son sens de l’humour, sa joie de vivre au service du Maître, comme aussi ses inquiétudes pour l’avenir de nos vieilles Eglises issues de la Réforme. Quel compagnon de route !

Comment ne pas être touché par sa sollicitude si fraternelle et sincère comme aux premiers jours de la réorganisation de la Faculté lorsqu’il m’a adressé une lettre très importante en vue de la réussite possible de notre effort: le premier paragraphe exprimait ses soucis pour ma santé : « J’ai appris par Paul Wells les accidents de santé qui vous arriventet demande à notre Seigneur le rétablissement de votre santé en vue du service de Sa Gloire. » La fin de cette lettre si importante manifeste la même confiance en son Seigneur et sa sollicitude pour autrui. « J’ai pleine confiance que nous arriverons à l’accord profond indispensable. Excusez-moi de vous confier aussi nettement mon profond souci. Je le confie d’abord au Seigneur qui exauce la prière de ses enfants. »

 

Nous avons plus que jamais à entendre la dernière exhortation de cette lettre : « Il faut que nous tenions bon ! » Oui, ce grand frère à combattu le bon combat jusqu’à la fin, ce qui me pousse à faire mienne l’interrogation émise par Calvin au sujet de telles personnes : « Que seroit-ce si ceux-la n’estoyent à la bresche ? » (Sermon sur Dt 9.13-14) 

Eugène BOYER
Evangéliste
Un des fondateurs de la FLTR

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Pierre Courthial, en tant que professeur, pasteur, prédicateur et ami, nous a marqués profondément. Sa foi et sa soumission fidèle à la Parole de Dieu étaient indéniables. Nous le tenons en grande estime. Nous n’oublierons jamais l’encouragement qu’il nous a offert dans notre ministère de la musique doxologique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix. Sa présence distinguée et dévouée lors des tournées de la chorale a laissé des traces vivantes sur les sentiers nostalgiques de notre séjour en France. Le cœur de Pierre Courthial, rempli de louanges au Seigneur, chantait « le cantique nouveau » de sa vie, Jésus-Christ.  

Gerald et Eleanor BOYER
Responsables de la chorale de la FLTR

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Au-delà de ce qu’il m’a apporté personnellement, je garde une profonde gratitude envers Pierre Courthial d’avoir su dire « non » face à la crise théologique et spirituelle que traversait l’ERF au début des années 1970. Et contribuer à un renouveau du calvinisme qui n’y avait plus guère droit de cité (sous couvert de pluralisme !). Ce « non » qui contribua à refonder la Faculté d’Aix, fortement critiqué à l’époque, fut celui de la fidélité et du courage. On juge l’arbre à ses fruits. La situation a heureusement évolué depuis dans l’Eglise réformée qui suscite des vocations pastorales, où l’on a moins peur d’évangéliser, et même de relire Calvin… Merci, Monsieur Courthial! Et surtout, merci, Seigneur, pour tous les hommes et femmes qui, comme vous, m’avez communiqué la passion d’étudier et transmettre la Parole de Dieu.

Christophe DESPLANQUE
Pasteur de l’Eglise réformée à La Rochelle

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C’est avec une grande tristesse que nous avons appris, Barbara et moi, la nouvelle de la disparition de Pierre Courthial.   Quelle bénédiction pour moi d’avoir pu lui rendre visite à Paris et d’avoir vu Pierre un mois seulement avant son départ ! Je garderai pour toujours le souvenir de cette visite. Pierre m’avait dit, alors qu’il se sentait vieillir : « Vous voyez, Bill, j’ai encore toute ma tête ! » Et c’était bien vrai. Quelle remarquable vitalité jusqu’à la fin !   Mon premier souvenir de Pierre est une lettre qu’il m’avait adressée en 1977, je crois, avec son écriture claire et ferme, m’invitant officiellement à venir me joindre à l’équipe des professeurs fondateurs de la Faculté libre de théologie réformée. J’avais rendu visite à cette œuvre en 1974, mais les Courthial n’y étaient pas encore arrivés. Et je connaissais Pierre de réputation, puisque le professeur Clowney et Eugène Boyer m’en avaient fait l’éloge. Cette lettre de Pierre voyait dans ma collaboration un signe de la bonne providence de Dieu et les arrhes de l’exaucement de la prière.    En effet, mon amitié avec Pierre pendant presque trente ans a été pour moi un fait majeur dans ma vie. Après mes professeurs au Westminster Seminary, c’est Pierre qui m’a fait connaître les éléments d’une robuste théologie réformée fidèle à la fois aux Ecritures saintes et à la plus noble tradition chrétienne. C’est également lui, plus que quiconque, qui m’a fait découvrir la richesse de la liturgie protestante. Il disait que le XVIe siècle avait produit deux chefs-d’œuvre théologiques, l’Institution chrétienne de Calvin et le Book of Common Prayer de Cranmer. Nous avons assuré ensemble un cours, collaboration certes d’inégaux, mais dont je garde un très beau souvenir. Nous avons aussi voyagé ensemble pour représenter la Faculté à l’étranger.    Pierre avait un merveilleux sens de l’humour. Je me souviens, lors d’un voyage à Lausanne, de la pause que nous avons faite dans le parc d’Ouchy. Tout à coup, il a jeté le papier d’emballage d’un chocolat sur la pelouse. Je lui ai demandé : « Pierre, que faites-vous ? » « Je salis la Suisse, m’a-t-il répondu; car la Suisse est beaucoup trop propre ! »   Peut-être et surtout, Pierre a été un des grands prédicateurs de la Parole au XXe siècle. Tous les sermons que j’ai entendus de sa bouche m’ont édifié. Certains m’ont profondément marqué. Je pense à une prédication qu’il a faite sur Colossiens 1.15, dont le thème était la seigneurie du Christ sur tous les domaines de la vie. J’avais déjà adopté le schéma d’Abraham Kuyper sur la souveraineté des sphères, mais cette prédication m’a convaincu de sa vérité, autorisée par la Bible.   Quel honneur pour moi d’avoir pu lui dédicacer mon livre, Reasons of the Heart.   Je remercie le Seigneur des seigneurs pour la vie de Pierre Courthial, pour tout ce que j’ai appris de lui sur la vie aussi bien par son exemple que par ses paroles. Le départ de Pierre nous attriste… Seulement, nous le savons aujourd’hui avec le Seigneur dont il a si bien témoigné dans sa vie : « Afin que vous ne vous attristiez pas comme les autres qui n’ont pas d’espérance. »    Aujourd’hui, nous pensons avec affection à Hélène Courthial, sa compagne pendant la plus grande partie de sa vie. Il nous est difficile d’imaginer la profondeur de son deuil, après tant d’années de mariage. Nous voudrions lui assurer qu’elle sera accompagnée par la pensée et dans la prière.

« Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur, dès à présent ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent. »

William EDGAR
Professeur au Westminster Seminary, Philadelphie
Professeur associé à la FLTR

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J’ai vraiment connu Pierre Courthial à partir de l’été 1974 lorsqu’il est venu s’installer, avec son épouse, à la Faculté. Certes, je l’avais rencontré à Paris pour lui parler, avec deux ou trois amis, de notre projet aixois. Projet d’une nouvelle Faculté sur une base résolument réformée confessante et dans une totale autonomie par rapport aux Eglises, bien que dans un souci de réelle communion ave chacune d’entre elles. Cette ambition, car c’en était une, fut concrétisée le 14 octobre de la même année avec l’inauguration officielle de cette nouvelle faculté dans le paysage protestant français. Je reste persuadé que cette institution a pu voir le jour et devenir un solide instrument de formation au service des Eglises grâce à l’engagement sans réserve de Pierre Courthial. C’est lui qui, en rejoignant les premier artisans de cette rénovation, l’a rendue vraiment crédible. Pierre Courthial était une personnalité reconnue et estimée dans beaucoup de milieux réformés, tant en France qu’à l’étranger, et tout fut alors possible à Aix.

Je peux également témoigner que c’était un homme très attachant, chaleureux et d’une grande simplicité. Les rencontres avec lui étaient toujours agréables et détendues. Pierre Courthial aimait plaisanter et n’était pas dépourvu d’humour. Il était facile de travailler avec lui, il respectait sans difficultés les responsabilités de chacun des membres de l’équipe. Il était d’un tempérament optimiste, c’était très encourageant pour cette œuvre naissante.

Son attachement fort et sans réserves à la Parole de Dieu était très impressionnant pour tous, étudiants, professeurs et autres participants actifs de cette entreprise. C’était un orateur éloquent et sa force de conviction était grande. Je me souviens encore avec émotion de ses interventions orales tant dans ses allocutions diverses que dans ses prédications. Celles-ci étaient toujours très solidement ancrées sur la Bible, dont il disait volontiers « qu’elle seule parlais bien… de la Bible », écartant ainsi tout commentaire ou interprétation hasardeux et donc inutile.

Aussi, c’est une grande bénédiction d’avoir connu ce fidèle serviteur de Dieu et cheminé un moment avec lui. Je n’oublie pas d’y associer son épouse, discrète et cependant tellement active dans le ministère de son mari. Je suis très reconnaissant au Seigneur pour ce grand privilège qu’il m’a accordé et qui marquera toute ma vie.

Pierre FILHOL
Premier président du conseil de la FLTR

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C’est au cours de ma deuxième année de théologie que Pierre Courthial a été mon professeur. Je garde le souvenir d’un homme de Dieu, désireux d’enraciner sa vie et sa réflexion dans la Bible. Au sola scriptura, il aimait ajouter un tota scriptura pour rappeler que l’enracinement scripturaire n’est pas une question de choix personnel mais une soumission complète à toute la volonté de Dieu. Cette priorité absolue donnait à ses cours (qui provoquaient inévitablement la réflexion) des accents prophétiques qui mériteraient d’être entendus aujourd’hui encore. Je garde aussi le souvenir de cours émaillés d’humour (je garde en tête quelques blagues mémorables…), servis par une prestance inimitable (oserai-je avouer qu’il me faisait quelquefois penser à un R. Devos ?). A son écoute, l’ennui n’avait pas sa place. Point n’est besoin d’être d’accord avec tout ce que Pierre Courthial enseignait pour reconnaître en lui un grand serviteur de Dieu, conscient que la majesté de Celui qu’il servait obligeait à une consécration totale, mais n’empêchait pas de croquer la vie à pleines dents et de goûter avec bonheur tous les dons de la grâce.

Stéphane GUILLET
Pasteur de l’Eglise baptiste de Savonnières (Tours)

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Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, je te remercie pour tout ce que tu as fait dans le cœur et dans la vie du pasteur Pierre Courthial. Par ton Esprit Saint, tu as fait de lui un fidèle serviteur de ton Evangile, un témoin courageux de la Foi et du véritable Amour. Merci, Seigneur, de m’avoir donné un tel frère et un tel ami, un frère aîné dans la foi en toi, un frère réformé qui a aidé son plus jeune frère catholique à grandir dans l’Amour de ta Parole. Merci pour toutes les rencontres que tu nous as donné de vivre, car c’était toujours toi, Seigneur Jésus, qui étais au centre de nos réflexions, de nos échanges, et surtout de nos moments de prière. Merci pour les si belles journées vécues ensemble à Rome, avec son épouse, merci pour sa présence priante aux obsèques de ma mère. Merci pour toutes nos rencontres à Aix et à Venasque, pour ces moments de grâce où nous avons pu expérimenter, entre frères réformés et catholiques, la Vérité de notre commune Foi en toi, vrai Dieu et vrai Homme, notre unique Sauveur, car ce qui nous unit déjà en toi est tellement plus grand que ce qui continue encore de nous séparer ! Ayant pleine confiance que tu as accueilli ce bon et fidèle serviteur dans la joie de ton Royaume, je te demande, Seigneur, de bénir sa famille, les membres de son Eglise, et spécialement tous les professeurs et étudiants de la Faculté réformée d’Aix, dont il a été le courageux fondateur.

Frère François-Marie LETHEL, Carme
Professeur à la Faculté de théologie du Teresianum (Rome)
Secrétaire de l’Académie pontificale de théologie

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Je n’ai pas beaucoup connu Pierre Courthial et d’autres parleront de lui mieux que je ne pourrais le faire. Pourtant il a joué un rôle important dans ma vie puisqu’il a été l’initiateur de l’appel qui m’a conduit à la Faculté d’Aix. Pour moi, il faisait partie des fortes personnalités qui intimidaient le pasteur que j’étais. Dans notre Eglise, l’Eglise réformée de France, Pierre Courthial ne laissait pas indifférent: soit qu’on lui reprochât d’être un crypto-fondamentaliste protestant, ou alors d’être un crypto-catholique, preuve qu’il déroutait dans une époque où le message des Eglises partait dans tous les sens. Mais à ce reproche d’intégrisme ou de rigorisme sévère répond la confiance de ceux qui voyaient en lui un défenseur de l’authenticité réformée et qui se souvenaient de son autorité pastorale à Passy ou ailleurs.

Pourtant, derrière son austérité, on pouvait découvrir un homme qui ne dédaignait pas l’humour et qui laissait percer un grand intérêt pour son prochain.

Heureusement, Pierre Courthial nous a laissé des écrits: celui qui, à mon sens, résume le mieux sa pensée est Le jour des petits recommencements. On y trouve en même temps les affirmations de la Réforme et les bases de la foi exprimée dans les premiers conciles. C’est un livre à lire et à relire: je me propose de le faire bientôt.

Alain G. MARTIN
Pasteur de l’ERF, retraité à Poitiers

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C’est avec beaucoup d’émotion que je me souviens du professeur Pierre Courthial et de ses cours magistraux, au sens noble du terme. La passion de la foi réformée, une grande érudition, un discernement aigu des enjeux théologiques et éthiques, et une piété profonde, voilà ce qui m’a marqué. Son talent oratoire et la conviction de ses propos faisaient de ses cours un véritable événement; ils se terminaient généralement par un vibrant « Pour la seule Gloire de Dieu » !

Jean-Marc POTENTI
Pasteur des CEEF à Auch et Montauban

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Piété profonde, curiosité intellectuelle, convictions bien ancrées et souci de transmission de l’héritage réformée dans sa version confessante : l’étudiant que je fus à la FLTR d’Aix pendant les dernières années d’enseignement de M. Courthial a été marqué par ce bel alliage. Derrière le costume strict, un homme accueillant, priant et plein d’humour. Je garde un souvenir heureux et amusé du professeur plein d’allant, en particulier des échanges à bâtons rompus en cours de théologie pratique.

Jeune pasteur en Suisse, j’ai pu découvrir les talents apologétiques du doyen désormais honoraire, venu défendre son ancien étudiant pour qu’il puisse être consacré sans suppléments d’études excessifs et revenu prier pour lui lors de sa consécration pastorale.

En poste à Aix-en-Provence enfin, j’ai eu le bonheur d’être proche des Courthial, et je ne compte pas les riches moments passés dans leur salon.

Antoine SCHLUCHTER
Pasteur à Villars, en Suisse

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Depuis la fin des années 1960, le compagnonnage avec Pierre Courthial m’a permis de découvrir, derrière l’apparence solennelle, quelque peu impressionnante de cet homme « du Nord » (un Lyonnais!), du moins à mes yeux de… Méridionale, un cœur chaud et une disposition surprenante à l’humour, à l’enthousiasme et à la gaieté. L’équipe de rédaction de la revue Ichthus (1970-1986) – dans laquelle je représentais le protestant évangélique francophone moyen pour lequel le travail était fait – m’a fourni bien des occasions de le vérifier.

Pour preuve, la réalisation de la première Fête de l’Evangile dans les arènes de Nîmes les 7 et 8 juin 1980. De cet observatoire qu’était la revue Ichthus, Pierre Courthial, un beau jour, pris d’une inspiration soudaine, sans se laisser arrêter par l’énormité de la suggestion, a affirmé qu’il fallait organiser un grand rassemblement du peuple des Eglises de France, de Suisse et de Belgique. Le moment était venu, selon lui, car beaucoup, il en était sûr, attendaient cela. Mois après mois, à chaque comité de rédaction, P.C. a repris sa rengaine avec de plus en plus de pression et, si un visiteur était présent, il le convainquait d’entrer dans son projet, de faire chorus avec lui… Le lieu ? Les possibilités envisagées, d’abord modestes, n’ont cessé de s’élargir jusqu’à s’arrêter sur les arènes… de Nîmes. Ni plus, ni moins. L’enthousiasme de P.C. devant cette idée – à mes yeux délirante – a été immense ! Pour faire preuve de bonne volonté et, surtout, pour tordre une fois pour toutes le cou à cette idée folle, il a été convenu, au printemps 1979, que ce rassemblement aurait lieu dans les arènes de Nîmes si, du moins, celles-ci étaient mises gracieusement à notre disposition… On connaît la suite ! P.C. avait « senti » juste et Dieu a délivré bien des fois le petit poisson qui avait pris le risque « inspiré » de ressembler à la grenouille de la fable ! L’aide considérable de la « Communauté Ichthus » de Calvisson a été une de ces délivrances.

Cette anecdote veut seulement être une illustration… il y aurait tant à dire! Par exemple : « Les chrétiens et les Eglises n’ont pas à suivre l’actualité: ils doivent la faire », s’indignait parfois P.C. !

Je n’ai pas fini de goûter le privilège qui a été le mien de côtoyer, pendant tant d’années, un homme à la courtoisie quasi surannée, un frère aux connaissances théologiques ou autres encyclopédiques, un disciple consacré au service du « Christ des Ecritures » en fidélité à l’enseignement de « l’Ecriture du Christ » : une grâce que Dieu m’a accordée !

Marie de VEDRINES