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Critique de l’interprétation «cadre» ou «littéraire» de Genèse 1

 

 

CRITIQUE DE L’INTERPRÉTATION

«CADRE» OU «LITTÉRAIRE»

DE GENÈSE 1

 

Paulin BÉDARD*

 

 

Introduction

I. L’interprétation littérale est satisfaisante

A) Les jours

a. Jour un

b. Article défini

c. Pas de soir ni de matin au septième jour

             B) Le quatrième jour

a. Le supposé problème

b. La lumière

c. Le jour et la nuit

d. Des astres dans l’étendue céleste

e. Implications théologiques

             C) Genèse 2.5

            a. Soyons prudents face à de nouvelles théories

b. Genèse 2.5 nous dit-il que les plantes ont mis plus de 24 heures à pousser?

c. Implications théologiques

d. Le supposé principe dégagé de Genèse 2.5 poussé à l’absurde

  D) Genèse 2.19

II. L’interprétation «cadre» est problématique

A) «Littéral»

B) L’analogie de la foi

C) La structure en deux triades

          a. La structure en deux triades est problématique

          b. Pourquoi une composition littéraire raffinée devrait-elle exclure le sens littéral?

D) Un arrangement thématique

           a. Pourquoi établir une opposition entre «thématique» et «strictement chronologique»?

           b. Quel âge la terre avait-elle quand Adam a été créé?

           c. Les scientifiques connaissent-ils mieux comment toutes choses ont été créées?

E) «Arrière-plan»

III. Ce que l’interprétation «cadre» ajoute ou retranche aux Ecritures

A) Reconnaissance et inquiétude

B) Dieu a-t-il réellement dit?

C) Ces événements se sont-ils réellement produits?

D) Dieu est-il capable de communiquer avec exactitude?

E) Le temps céleste ne mène-t-il pas à un scepticisme complet?

F) Les Ecritures sont-elles encore pleines de clarté?

G) Une Eglise «à deux étages» n’est-elle pas source de division?

H) Quelle influence la science moderne exerce-t-elle?

I) D’où vient notre semaine de sept jours?

Conclusion

Bibliographie

 

 

INTRODUCTION

 

Je m’étonne de voir la popularité croissante de la théorie «cadre» dans certains milieux évangéliques et réformés, étant donné que plusieurs ont déjà critiqué en détail cette interprétation1. Pour ma part, après avoir lu et considéré plusieurs des principaux textes en faveur de la théorie «cadre»2, je demeure convaincu que cette théorie est contraire à la Parole de Dieu et qu’un grand nombre des critiques qui lui ont été adressées sont fondées. Ce qui me cause du souci, c’est qu’on ne semble pas voir les conséquences d’une telle position ni son caractère insidieux par rapport à l’autorité de la Bible, à une saine herméneutique et à la doctrine biblique de la création. Beaucoup d’Eglises ont déjà cédé à l’attrait d’établir une synthèse entre la théorie athée de l’évolution et la doctrine biblique de la création pour, ensuite, s’enfoncer rapidement dans l’incrédulité. Considérant les effets dévastateurs des attaques diaboliques contre l’historicité du récit de la création, nous devons prendre très au sérieux la façon dont nous comprenons la première page de la Bible3.

 

La théorie «cadre» ne provient toutefois pas de gens qui rejettent l’autorité de la Bible, mais de croyants désireux de demeurer fidèles aux Ecritures et qui prétendent fonder leur interprétation strictement sur des bases exégétiques. Il existe différentes versions de la théorie «cadre», mais la définition suivante qu’en donne Lee Irons avec Meredith Kline semble celle qui prévaut actuellement:

«C’est cette interprétation de Genèse 1.1-2.3 qui considère les sept jours comme un cadre figuratif. Bien que les six jours de création soient présentés comme des jours solaires normaux, d’après l’interprétation «cadre», la vue d’ensemble de l’œuvre créatrice de Dieu complétée en une semaine ne doit pas être prise littéralement. Elle joue plutôt le rôle de structure littéraire dans laquelle les œuvres créatrices de Dieu ont été racontées dans un ordre thématique. Les jours sont comme des cadres de photos. A l’intérieur de chaque jour-cadre, Moïse nous donne un instantané d’activité créatrice divine. Bien que les décrets d’accomplissements créateurs (ex.: Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.) se rapportent à des événements historiques réels qui se sont réellement produits, ils sont racontés dans un ordre non séquentiel à l’intérieur de la structure littéraire ou du cadre d’une semaine de sept jours. Il y a donc deux éléments essentiels dans l’interprétation cadre: l’élément non littéral et l’élément non séquentiel.»4

 

Il est important de remarquer, d’entrée de jeu, le caractère négatif de cette définition. Nous ne savons pas très bien quelle est la signification exacte de cette figure des jours de création, mais nous savons avec beaucoup d’assurance ce que ces jours ne sont pas: ils ne sont certainement pas des jours littéraux et l’ordre dans lequel ils apparaissent ne correspond certainement pas à la séquence réelle dans laquelle les événements créateurs se sont produits… On est alors en droit de se demander si une telle approche est vraiment constructive et si elle vise vraiment à mieux nous faire comprendre la signification de la Genèse, ou si elle ne cherche pas plutôt à se débarrasser, à tout prix, de la vieille interprétation littérale «traditionnelle», plutôt gênante devant l’establishment scientifique moderne… La théorie de la «restitution» (Gap Theory) et la théorie des longues périodes de temps (Day-Age Theory) étant en perte de vitesse depuis qu’elles ont été développées au XIXe siècle, il faut bien trouver autre chose d’original pour essayer de comprendre «autrement» le récit de la création.

 

Avant de regarder point par point les arguments en faveur de la théorie cadre, il faut donc souligner que l’interprétation «cadre», pour justifier son existence, doit souvent faire valoir que l’interprétation littérale n’est pas satisfaisante. S’il n’y avait pas de difficultés dans l’interprétation littérale, pourquoi y chercherions-nous des solutions? Il est donc important, pour les «cadristes», de trouver des problèmes à leurs solutions, si je puis dire, sinon qui voudrait bien prêter l’oreille à leurs solutions si complexes? (J’utiliserai le terme «cadriste» uniquement par souci de brièveté, au lieu de dire «les tenants de la théorie cadre».) Eh oui, elles sont complexes et ardues à expliquer, leurs «solutions», et j’ai un peu pitié de ceux qui ont la tâche de résumer ou de vulgariser cette théorie fort complexe… Mais, franchement, les prétendus problèmes de la position littérale en sont-ils vraiment? Sont-ils aussi sérieux qu’on le laisse croire? Je reprendrai ici les principaux points avancés en faveur de la théorie cadre, en montrant, d’abord, que les objections à l’interprétation littérale sont non justifiées, en indiquant, ensuite, des problèmes importants soulevés par l’interprétation cadre et en considérant, enfin, les dangers réels qui s’y rattachent.

 

I. L’interprétation littérale est satisfaisante

 

A) Les jours

 

a. Jour un

L’interprétation cadre affirme que les six jours de la création ne sont pas à prendre de façon littérale ni séquentielle, mais qu’ils devraient être compris de manière figurative. A l’appui de cette théorie, les «cadristes» discernent des finesses littéraires dans le récit de la création, qui les amènent à conclure que l’auteur inspiré n’aurait pas voulu présenter une séquence chronologique d’actes créateurs se déroulant en l’espace de six jours littéraux, mais plutôt un tableau d’actes créateurs présenté de façon thématique.

 

Apparemment, plusieurs indices littéraires susciteraient des difficultés à la lecture littérale du premier chapitre de la Genèse. Par exemple, en Genèse 1.5, le premier jour est appelé «jour un» plutôt que «le premier jour» en hébreu. On prétend que «de telles caractéristiques ne se trouvent pas dans une série de jours ordinaires.»5 Mais pourquoi la présence d’un nombre cardinal au «jour un» causerait-elle des problèmes à la compréhension chronologique séquentielle des jours de la création? L’utilisation du nombre cardinal «un» suivi du nombre ordinal «deuxième», «troisième», etc., semble assez fréquent dans les livres mosaïques. Par exemple: «le nom du fleuve …, le nom du 2e fleuve…, du 34e fleuve…» (Gn 2.11-14); les femmes de Lémek, «l’une Ada, la 2e Tsilla» (Gn 4.19); «l’an 601, le premier du mois un, les eaux avaient séché sur la terre… Le deuxième mois…, la terre était sèche» (Gn 8.13-14).  On peut trouver d’autres exemples en Exode 1.15; 25.12, 32; 26.4-5, 10.26-27; 28.10, 17; 29.15, 19, 39-41; 36.11-12, 17, 31-32; 37.3, 18; 39.10-13; etc.  Dans aucun de ces cas dans le Pentateuque, le nombre cardinal «un» suivi d’un nombre ordinal «deuxième», etc., n’indique un sens figuré. Les fleuves du jardin ne sont pas figurés, les femmes de Lémek non plus, pas plus que les deux premiers mois de l’an 601 de Noé, etc. Alors pourquoi, en Genèse 1, le nombre cardinal «un» serait-il un indice nous permettant de croire que les jours seraient à prendre au sens figuré? Quand nous lisons Genèse 1, il n’est pas difficile, même pour un enfant, de comprendre l’ordre indiqué dans un sens chronologique: «jour un, deuxième jour, troisième jour, quatrième jour, cinquième jour, le sixième jour, le septième jour», d’autant plus qu’entre chacun des jours, le rythme est donné par «un soir et un matin»6.

 

b. Article défini

Le fait que les jours deux à cinq n’ont pas d’article défini est un autre exemple d’indice littéraire favorisant apparemment la théorie cadre. Ce détail semblerait ajouter un poids à l’idée que les jours de la création devraient être pris de manière figurative7. Mais, encore une fois, on se demande où est la difficulté. Pourquoi la présence de deux articles définis aux 6e et 7 jours, et l’absence d’article défini aux cinq jours précédents remettraient-elles en cause la littéralité et l’historicité séquentielle des jours? Les «cadristes» comprennent que le texte nous parle bien de sept jours et d’une semaine complète. Ils estiment, bien sûr, que ces jours et cette semaine sont métaphoriques; il faudrait les prendre de manière figurative, et non littérale. Mais quand ils lisent Genèse 1, le nombre cardinal du jour 1 et les articles définis des 6 et 7 jours ne les empêchent pas de compter, comme tout le monde, une semaine entière, sept jours entrecoupés d’un soir et d’un matin. Si le texte nous parle effectivement d’une semaine de sept jours, où donc est le problème?

 

Après avoir soulevé la difficulté du nombre cardinal et des articles définis, la théorie «cadre» en donne-t-elle réellement une solution? En quoi la solution «cadre» ou figurative serait-elle meilleure que la solution littérale? Pour bien correspondre au parallélisme des deux triades (jours 1 à 3 supposément parallèles aux jours 4 à 6), ne faudrait-il pas que les trois premiers jours soient sans article défini et que les trois jours suivants aient un article défini? Ou bien que les trois premiers jours soient désignés par des nombres cardinaux (1, 2, 3) et les trois suivants par des nombres ordinaux (4e, 5, 6)?  Pourquoi l’auteur de la Genèse, apparemment si friand de forme littéraire, n’a-t-il pas accordé ces détails stylistiques au (prétendu) schéma d’ensemble? Le «cadre» ou l’agencement littéraire en deux triades n’est définitivement pas la solution. On répond alors que l’article défini devant les 6 et 7 jours serait là pour des raisons d’accentuation. Si l’on doit effectivement voir une accentuation à l’intérieur des jours, cette accentuation ne nous révélerait-elle pas une progression historique dans la séquence temporelle de l’œuvre créatrice? Pourquoi donc les raisons d’accentuation et la chronologie devraient-elles être opposées l’une à l’autre? Avec les 6e et 7 jours, nous arrivons au terme historique et séquentiel de la semaine de création, et il se trouve que nous arrivons, par la même occasion, au point culminant de l’œuvre créatrice de Dieu. Les «cadristes» reconnaissent d’ailleurs que l’œuvre créatrice se termine par la création de l’homme et de la femme (le 6e jour), puis culmine dans la communion avec leur Créateur dans la joie de son repos (le 7e jour). La présence d’articles définis aux 6 et 7 jours sert ce but de façon fort à propos: celui de souligner à la fois un accomplissement historique chronologique et un sommet théologique.

 

c. Pas de soir ni de matin au septième jour8

Plusieurs ont observé que le septième jour n’a pas de soir. Pourquoi en est-il ainsi? Cet indice littéraire ne nous permettrait-il pas de croire que le septième jour ne serait pas d’une durée normale? Plusieurs insistent pour dire que le septième jour est de nature perpétuelle ou éternelle9. Ne serions-nous pas alors autorisés à interpréter les autres jours autrement que de manière littérale? Observons d’abord qu’au septième jour le texte n’omet pas seulement de mentionner le soir, mais également le matin. La question à se poser est donc celle-ci: «Pourquoi est-ce qu’il n’a pas de soir et de matin?»  Le détail est important. Chacun des six premiers jours se termine par le refrain: «Il y eut un soir et il y eut un matin.» Pourquoi ce refrain n’apparaît-il pas au 7e jour? Pour la simple raison que ce refrain n’est pas là seulement pour rythmer la chronologie des jours. Il rythme aussi la progression de l’œuvre de Dieu dans le temps, dans la semaine de création. «Il y eut un soir et il y eut un matin.» Cette expression remplit la double fonction de clore le jour qui vient de s’achever et d’ouvrir la scène au jour suivant. Le nouveau matin qui débute nous place dans l’expectative d’une nouvelle Parole de Dieu. Après le jour un, que fera maintenant le Seigneur au 2e jour? Après le 2 jour, que fera-t-il au 3 jour? Etc. Et après le 6 jour, que fera-t-il maintenant au 7 jour? «Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un sixième jour.» Quelle Parole Dieu prononcera-t-il maintenant? Cette fois-ci, aucune parole créatrice n’est prononcée, mais une parole d’accomplissement! Une parole qui décrète un terme à son œuvre créatrice achevée et, en même temps, une parole qui appelle l’homme et la femme à se réjouir avec Dieu de cette œuvre accomplie. Il se reposa de son œuvre, bénit le 7e jour et le sanctifia! Il serait alors étonnant que le 7 jour se termine par: «Il y eut un soir et il y eut un matin.» Pourquoi donc? Parce qu’il n’y a plus rien à attendre au jour suivant quant à l’action créatrice de Dieu. Toute son œuvre créatrice est accomplie, le 7e jour en marque le terme définitif. L’absence de l’expression «Il y eut un soir et il y eut un matin» n’empêche pas que le 7 jour puisse effectivement s’être terminé par un soir, succédé d’un matin le jour suivant. Genèse 2.1-3 ne nous dit pas que le 7 jour n’a pas eu de soir ni qu’il n’a pas été suivi d’un matin au jour suivant… Adam et Eve ont goûté à la joie de la communion bénie avec leur Créateur pendant une journée complète d’adoration et de détente au 7 jour; ils iront dormir en paix le soir du 7 jour, avant d’entreprendre leur travail («mandat créationnel») le jour suivant, quand le soleil se lèvera sur la très bonne création du Seigneur.  Seulement, le texte inspiré prend tous les moyens pour nous faire savoir que l’œuvre créatrice de Dieu est bel et bien terminée… L’absence de la mention du soir et du matin au 7e jour s’harmonise donc tout à fait à l’interprétation littérale.

 

B) Le quatrième jour10

 

a. Le supposé problème

Les «cadristes» ont fait tout un plat du supposé «problème» de la création du soleil le 4e jour11. Ils se demandent comment les jours un à trois peuvent être des jours de 24 heures puisque les «signes pour marquer les temps, les jours et les années» n’étaient pas encore créés. Il n’est pas difficile de répondre à cette question et c’est la Genèse elle-même qui y répond: parce que Dieu, dès le premier jour, a créé la lumière, séparé la lumière d’avec les ténèbres et établi l’alternance du jour et de la nuit. Nous ne connaissons pas les détails, mais il existait de toute évidence une source de lumière «alternative» (ou, pourquoi pas, une source de lumière directe associée à une rotation de la terre?) permettant une telle alternance du jour et de la nuit pendant les trois premiers jours, avant que le soleil et la lune prennent le relais à partir du 4e jour. Désormais, à partir de ce 4e jour, ils seront des signes pour les temps, les jours et les années.

 

Mais pour les «cadristes», cette explication n’est pas satisfaisante. Ils estiment que le 4e jour est une récapitulation du 1er jour. En d’autres termes, ce serait «la description du même événement vu sous un angle différent avec des informations supplémentaires»12. Comment cela? Parce que nous y trouvons un même langage. Au 1er jour, «Dieu sépara la lumière et les ténèbres» (1.4), et au 4e jour, Dieu créa les luminaires «pour séparer la lumière d’avec les ténèbres» (1.18). Cela indiquerait, est-il supposé, que les deux jours ne décrivent pas des activités différentes, séparées dans le temps par trois jours, mais des activités contemporaines, un même événement vu selon deux perspectives différentes. De plus, comment la lumière et comment le jour et la nuit peuvent-ils exister sans le soleil, la lune et les étoiles? nous demande-t-on. Cela est contraire à notre expérience actuelle et diffère du moyen providentiel normal que Dieu a prévu pour l’alternance du jour et de la nuit, tel que nous l’observons aujourd’hui. Les trois premiers «jours», d’après les «cadristes», doivent être des jours ordinaires, gouvernés et éclairés par le soleil. Les «nuits» doivent être des nuits ordinaires, gouvernées et éclairées par la lune et les étoiles. Par conséquent, les six jours de création ne pourraient pas représenter d’ordre chronologique, mais devraient être pris de manière figurative. Mais c’est justement ce que la Genèse ne dit pas. Et c’est plutôt le contraire qu’elle dit.

 

b. La lumière

Considérons le 1er jour. La lumière du 1 jour est créée par une parole d’autorité: «Dieu dit: Que la lumière soit.» (1.3) Selon Genèse 1, la lumière est le résultat de la Parole créatrice seule. Il n’est pas dit que Dieu créa une source qui émette de la lumière ni que la lumière dépende des astres; il est dit qu’il créa la lumière elle-même. D’ailleurs, peut-on prouver que la présence de la lumière exige l’existence de luminaires? Est-il nécessaire d’avoir le soleil et la lune pour avoir de la lumière? Que penser des éclairs?13 Dieu crée d’abord le phénomène des ondes électromagnétiques pour, ensuite, créer des astres qui émettront (ou refléteront dans le cas de la lune!) de telles ondes. C’est un peu comme si l’on disait qu’il a d’abord créé le phénomène des ondes sonores pour ensuite fabriquer un instrument de musique…

 

Le texte confirme ensuite que cette lumière est établie: «Et la lumière fut.» (1.3) Voilà une indication supplémentaire que l’œuvre mentionnée est complète. Puis, le Seigneur en fait une évaluation positive: «Dieu vit que la lumière était bonne.» (1.4)  Encore une fois, le texte exprime avec force que la lumière est complète en elle-même. L’œuvre de Dieu lui plaisait. La lumière était comme il l’avait voulue pour qu’elle serve le but pour lequel il l’avait créée. Le jugement «bon» revient sept fois en Genèse 1 et représente à chaque fois une plénitude, la création de quelque chose de complet en soi (la lumière, la terre sèche et les mers, la végétation, les astres, les animaux marins et les oiseaux, l’homme et, finalement, l’ensemble de la création). Pourquoi la lumière serait-elle une exception et serait-elle la seule à ne pas être complète en elle-même? Si la lumière n’avait pas été complète sans le soleil, il aurait fallu, tout au moins, omettre cette évaluation «bonne», comme c’est le cas par exemple au 2e jour. La seule œuvre qui n’est pas évaluée «bonne» est celle créée au 2 jour, sans doute parce qu’elle n’est pas encore complète ou complétée (les eaux d’en bas ont besoin d’être regroupées en «mers» et en «terre sèche» avant de pouvoir accueillir des habitants). Un détail cependant: la lumière est la seule réalité créée dite «bonne» qui soit spécifiquement mentionnée dans la parole d’évaluation. Genèse 1.4: «Dieu vit que la lumière était bonne.» Tandis que pour les autres choses créées, il est dit de manière plus générale que «Dieu vit que cela était bon» (littéralement: «Dieu vit que bon»). C’est seulement au verset 31 où la réalité créée est à nouveau mentionnée après le verbe «vit»: «Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici: cela était très bon.»  Les versets 4 et 31 se répondent en quelque sorte l’un l’autre. La première œuvre de création est déclarée bonne; puis l’ensemble de la création, une fois complétée, est déclarée très bonne. Il est difficile de ne pas y voir le début et la fin temporels des œuvres créées. Comment ne pas voir que la lumière est séquentiellement créée au début? Tout indique qu’elle est une œuvre de Dieu complète en elle-même qui n’a pas besoin de soleil pour exister14.

 

c. Le jour et la nuit

Après avoir créé la lumière, Dieu sépara la lumière des ténèbres, puis il définit les termes qui seront employés par la suite. Il est intéressant que la Bible donne une définition du mot «jour» dès son premier emploi dans la Bible: «Dieu appela la lumière jour et il appela les ténèbres nuit.» Le jour est défini par rapport à la lumière, par opposition à la nuit qui est définie par rapport à l’obscurité. Cette définition de cette réalité créée doit absolument être prise en compte dans le reste de la narration. D’ailleurs, immédiatement après, il est dit: «Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un jour.» Le jour est tout naturellement compris d’abord comme une période de clarté par opposition à la nuit, puis il est tout naturellement compris comme l’ensemble de la journée, incluant le soir et le matin. Du 1er jour au 2e jour, nous avons le cycle complet d’une journée normale. Ce qui est remarquable toutefois, c’est que le jour et la nuit ne sont justement pas définis par rapport au soleil et à la lune, mais strictement par rapport à la lumière et à l’obscurité. La Bible ne dit pas: «Dieu appela le soleil jour et il appela la lune et les étoiles nuit.» Le soleil n’est pas nécessaire pour déterminer un jour; tout ce qui est requis, c’est la lumière en alternance avec l’obscurité, même si ce n’est pas notre expérience quotidienne d’aujourd’hui. N’oublions pas que nous savons très peu de choses sur la période de création et qu’il est très aventureux de chercher à y imposer les conditions que nous observons aujourd’hui. Il y avait effectivement alternance de noirceur et de lumière pendant les trois premiers jours, mais Genèse 1 ne dit nulle part que ces trois premiers jours et ces trois premières nuits étaient gouvernés par le soleil et la lune. D’après Genèse 1.3-5, le jour est simplement défini par l’alternance de l’obscurité du soir avec la clarté du matin, et non par la position de la terre par rapport au soleil.

 

d. Les astres dans l’étendue céleste

Il est vrai que la séparation de la lumière d’avec les ténèbres opérée le 4e jour fait penser à celle qui est opérée le 1er jour. Mais qu’est-ce que cela prouve? Simplement qu’il existe une continuité entre ce que Dieu a déjà accompli au 1er jour et ce que les astres vont désormais accomplir; une continuité historique, et non une récapitulation. Car au 1 jour, c’est Dieu lui-même qui sépara la lumière et les ténèbres, tandis qu’au 4e jour, ce sont les luminaires qui le font. N’est-ce pas là une différence notable? N’avons-nous pas là, non pas une activité, mais bien deux activités différentes? L’une accomplie directement par Dieu, l’autre accomplie indirectement au moyen des luminaires. Au 1er jour Dieu créa la lumière et il établit l’alternance du jour et de la nuit. Tandis qu’au 4e jour, la seule parole créatrice prononcée est celle se rapportant aux astres. Aucune parole créatrice n’est ici prononcée concernant le jour ou la lumière. Ces deux jours sont donc très différents, et c’est certainement significatif! Dieu crée des astres, non pour créer ou définir le jour et la nuit, mais pour les séparer seulement! Pour continuer à les séparer comme aux trois premiers jours, mais désormais par un moyen différent. Au 4e jour, la parole créatrice suppose la préexistence de la terre («Que ce soit des astres… pour éclairer la terre»). Elle suppose également la préexistence de l’étendue céleste («Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste», 1.14). Elle suppose enfin, de la même manière, la préexistence du jour et de la nuit («Qu’il y ait des astres… pour séparer le jour et la nuit», 1.14). Quand la parole créatrice est mise à exécution, il est dit, dans le même sens, que «Dieu fit les deux grands astres… pour dominer sur le jour… et sur la nuit» (1.16). Encore là, il n’est pas dit que le «dominé» a été créé ou produit par le «dominant». Le jour et la nuit sont simplement des réalités créées distinctes des astres et régies par eux. Tout cela nous montre que le cycle du jour et de la nuit existait bel et bien avant la création du soleil.

 

Il est intéressant de remarquer que la lumière qui a été créée au 1er jour a été établie («Et la lumière fut», 1.3), pour être ensuite immédiatement déclarée «bonne» («Dieu vit que la lumière était bonne», 1.4). Par contre, il est remarquable qu’au même jour, lorsque Dieu sépara ensuite la lumière d’avec les ténèbres pour former «un soir et un matin», il n’est pas dit que la situation a été «établie» ni que Dieu l’a déclarée «bonne»! Nous ne trouvons rien de tel dans les versets 4 et 5, ce qui est certainement significatif. Il est seulement dit: «Il y eut un soir et un matin: ce fut un jour.» (1.5) Pourquoi donc? Parce que, d’une part, la séparation de la lumière d’avec les ténèbres suffisait à établir l’alternance du jour et de la nuit et, d’autre part, parce que cette séparation était en quelque sorte inachevée, incomplète par rapport au plan d’ensemble de Dieu. Le mécanisme plus définitif, providentiel de séparation de la lumière d’avec les ténèbres (le soleil, la lune et les astres) n’est pas créé avant le 4e jour. Quand Dieu dit: «Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste pour séparer le jour et la nuit» (1.14), le Créateur reprend là où il avait laissé au 1er jour. Les «cadristes» demandent pourquoi Dieu aurait dû opérer un mécanisme de remplacement15. Ils ne conçoivent pas un tel changement possible, car ils s’imaginent que Dieu aurait dû abolir un ordre mis en place pour une courte période de trois jours pour établir un autre ordre dès le 4e jour. Mais justement, l’œuvre de séparation du 1er jour n’est pas encore «établie». Dieu n’abolit donc pas l’œuvre du 1 jour, il ne récapitule pas non plus, il ajoute et complète. L’œuvre progresse dans le temps et son action de «séparer» la lumière d’avec les ténèbres parvient pour la première fois au 4e jour à une étape décisive qui, cette fois-ci, est «établie»: «Il en fut ainsi.» (1.15) Dieu place les astres dans l’étendue céleste «pour dominer sur le jour et sur la nuit et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres» (1.18). Une évaluation globale de son œuvre du 4e jour suit immédiatement: «Dieu vit que cela était bon.» (1.18) Cette évaluation positive porte autant sur la création des astres que sur la séparation de la lumière d’avec les ténèbres, séparation qui est maintenant «bonne», complétée, achevée, grâce au mécanisme astronomique qui vient d’être créé et qui sera désormais le moyen «normal» établi par Dieu pour l’alternance du jour et de la nuit.

 

Les «cadristes» objectent encore qu’au premier jour Dieu a nommé la lumière jour et les ténèbres nuit et que, par conséquent, il a établi leur nature essentielle et leur signification. Si leur nature a changé, leur nom aurait dû également changer au 4e jour16. A cela je réponds qu’effectivement la nature du jour et de la nuit n’a pas changé. Le jour est encore une période de lumière et la nuit est encore une période d’obscurité! Les astres ne déterminent pas la nature du jour et de la nuit, ils dominent sur eux. Il n’est alors nullement besoin de changer leur nom. Il est seulement besoin de prendre leur nom au sérieux, littéralement, d’après la définition donnée par Dieu lui-même au 1er jour! C’est pourquoi aux 4e, 5 et 6 jour, il y a encore «un soir et un matin: ce fut un xième jour», sans la moindre trace de modification à ce rythme dans le passage du 3 au 4 jour. La fonction de la lumière est transférée aux luminaires qui prennent désormais le relais, mais l’alternance du jour et de la nuit continue exactement comme aux trois premiers jours. Le soleil et la lune sont créés pour être parfaitement adaptés au cycle déjà existant du jour et de la nuit, et non l’inverse. Les trois premiers jours et les jours suivants sont donc tous de même longueur, d’une longueur équivalente à celle des jours d’aujourd’hui… Genèse 1 est tout à fait clair et limpide!

 

Les «cadristes» aiment bien situer le parallèle entre le 1er et le 4e jour dans le contexte d’un supposé parallélisme entre deux triades. S’il y a une part de vérité dans l’idée des deux triades, nous devrions alors reconnaître que les éléments de «remplissage» dans la 2 triade (4, 5 et 6 jours) remplissent effectivement des habitats qui existent déjà et qui ont été créés dans la 1ère triade (1er, 2e et 3 jours). Par exemple, les poissons ont été créés pour remplir les mers, et les animaux terrestres et l’homme pour remplir la terre. Quand les poissons, les animaux terrestres et l’homme sont créés, il est supposé que les mers et la terre existent déjà. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi pour les 1er et 4e jours? Pourquoi le 4 jour ne viendrait-il pas ajouter quelque chose à ce qui a déjà été créé auparavant? Les 2 et 5 jours ne peuvent pas représenter deux aspects d’un même acte créateur, pas plus que les 3 et 6 jour. Pourquoi insister pour dire que, dans le présumé parallélisme des deux triades, le 4 jour, lui, serait une simple récapitulation du 1er jour? Cette approche me semble tout à fait incohérente. On pourrait même dire que le «cadre» ébranle lui-même la théorie «cadre»… Lorsque Dieu a créé l’homme pour remplir la terre et dominer sur les animaux, ces derniers existaient déjà. Ce n’est pas la création de l’homme «gérant» ou «dominateur» qui fait que les animaux se mettent à exister. De même, ce n’est pas la création du soleil et de la lune «dominateurs» qui fait que la lumière, le jour et la nuit se mettent à exister. (A noter que le verbe «dominer», utilisé en Genèse 1 pour les astres, est appliqué à l’homme au Psaume 8.7.) Cela confirme encore la préexistence de la lumière sur le soleil.

 

La théorie de la récapitulation comporte un autre problème insurmontable. Au 4e jour, Dieu dit: «Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste…» Cela suppose la préexistence de cette étendue céleste. Or, nous savons que l’étendue céleste fut créée au 2e jour (1.7). Si le 4 jour est une simple récapitulation du 1er jour, si les deux décrivent un même événement, cela signifie que la réalité créée au 2e jour (l’étendue céleste) est chronologiquement antérieure à celle créée aux 1er-4e jours. Les «cadristes» disent: «pas de problème», puisque les jours ne sont pas séquentiels. Mais cela est grammaticalement impossible. E.J. Young a bien démontré que le verset 3 est grammaticalement lié aux versets 1 et 217. Autrement dit, lorsque Dieu prononça la parole «Et Dieu dit: Que la lumière soit…», il l’a fait dans le contexte où la terre était encore informe, vide et ténébreuse (la masse d’eau créée initialement). Il n’est pas possible que l’étendue céleste (un début de formation) ait été créée avant la lumière. Sinon, la grammaire du texte ne veut plus rien dire. La lumière est donc la première des œuvres de Dieu dans le contexte de la création initiale de la terre informe, vide et ténébreuse.

 

e. Implications théologiques

Si Genèse 1.3-5 décrit bien un événement historique réel, il nous faut comprendre que l’alternance du jour et de la nuit n’est pas due aux astres, mais à l’action directe de Dieu qui a lui-même créé la lumière, puis séparé la lumière d’avec les ténèbres, puis démarré le cycle du jour et de la nuit. A l’origine, le temps et le rythme du temps n’étaient pas produits par les astres. A l’origine, ils n’ont pas été régis par les moyens providentiels normaux actuels. Et pourquoi donc? Parce que le temps et le rythme du temps, à l’origine, sont eux aussi un acte miraculeux de création! Il est significatif que l’histoire de la semaine de création commence par la création du temps et de son rythme, et finisse sur la même note, par la sanctification du temps, en particulier le 7e jour: «Dieu bénit le septième jour et le sanctifia.» Il n’est dit nulle part en Genèse 1 que la terre, les mers, les poissons, les oiseaux, etc., ont été sanctifiés. Mais il est dit que le temps, le 7 jour, a été sanctifié par Dieu! Cette sanctification du 7 jour ne vient pas rythmer cette fois-ci le cycle du jour et de la nuit (déjà établi au 1er jour), mais elle vient rythmer le cycle de la semaine établi par Dieu lui-même! Le temps créé revêt donc une grande importance aux yeux de Dieu, et cela dès le commencement! Cela devrait nous rendre très prudents et même réfractaires face à une interprétation figurative de ce temps…

 

Il est également significatif que la lumière ait été créée indépendamment du soleil, de la lune et des étoiles. Certains ont déjà cru que c’était une erreur scientifique, mais tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’ordre de la création de Dieu montre que la lumière vient de Dieu. Il l’a créée. La lumière ne vient pas en premier lieu du soleil. La lumière est un don de Dieu, non un don du soleil! C’est toute une bonne nouvelle pour notre époque naturaliste où l’on croit que c’est le soleil qui, à lui seul, a rendu la vie possible sur terre. Il y a même des gens qui s’imaginent avec horreur le jour où l’énergie solaire sera épuisée… Non, ce n’est pas le soleil qui doit être adoré, car il n’est qu’une partie de la création, mais c’est le Créateur, lui seul qui donne la lumière, qui doit être adoré.

 

E.J. Young a cette parole de sagesse:

 

«La lumière est à la base de tout ce qui suit et il est légitime d’être étonné que la lumière soit mentionnée sans référence au soleil. Il fut un temps où l’on pensait que c’était une erreur scientifique, mais ce temps est révolu. Le soleil n’est pas mentionné, de façon intentionnelle, afin de montrer aux hommes que la lumière vient de Dieu, et que Dieu seul et non le soleil doit être adoré. Le monde antique adorait le soleil: les hiéroglyphes des égyptiens évoquent le dieu Râ, le dieu-soleil. Les hommes du Moyen-Orient ancien plaçaient le soleil à la première place. Le soleil brille pendant la plus grande partie du jour; l’homme pécheur peut lever les yeux, voir le soleil dans le ciel et l’adorer comme un dieu. Or, la lumière, qui est nécessaire à toute vie, est un don de Dieu et pas un don du soleil; aussi est-elle citée avant le soleil.»18

 

Calvin a bien vu lui aussi l’importance de la lumière créée avant le soleil. Je trouve admirable son commentaire sur Genèse 1.3:

 

«Il fallait que la lumière, qui a une telle beauté et excellence, dont le monde devait être orné, fût créée la première. C’était aussi le commencement de la distinction des créatures. Or, que la lumière précède le soleil et la lune, cela n’est point advenu à la volée ni par cas fortuit. Nous n’avons pas d’inclination plus grande que d’attacher la puissance de Dieu aux instruments et aux organes dont il se sert. Le soleil et la lune nous administrent la lumière: nous enfermons tellement en eux par notre fantaisie (imagination) cette vertu (puissance), qu’il nous semble que s’ils étaient ôtés du monde il ne nous resterait point de lumière. C’est pourquoi le Seigneur témoigne par cet ordre de la création qu’il a la lumière en sa main et qu’il peut nous l’accorder sans soleil ni lune19

 

Je trouve ces paroles très belles et très encourageantes! Calvin discerne une raison théologique et pastorale à la création de la lumière avant les astres: pour que nous nous attachions au Créateur plutôt qu’à la création! Et encore ici, c’est son motif Soli Deo Gloria qui prime. A lui seul la gloire!

 

C) Genèse 2.5

 

a. Soyons prudents face à de nouvelles théories

Nous arrivons à un nouvel argument présenté en faveur de la théorie cadre. Si Dieu a créé tous les arbustes et les herbes lors du 3e jour de 24 heures, comment comprendre le sens de Genèse 2.5? N’est-il pas vrai que Genèse 2.5 présuppose que certains végétaux ont pris plus de 24 heures pour pousser? Mais pourquoi voir des problèmes là où vingt siècles de croyants n’en ont jamais vu? Il est important de savoir que cet argument tiré de Genèse 2.5 vient d’un article publié en 1958 par le théologien Meredith Kline20. Dans cet article, Kline propose une nouvelle interprétation de ce texte, à ma connaissance jamais proposée avant 1958, interprétation qui deviendra en quelque sorte le fer de lance de la popularité actuelle de l’interprétation «cadre». Henri Blocher dit de cette interprétation de Genèse 2.5 que c’est «un argument nouveau, d’une grande puissance de frappe»21. Mark Futato reprend et développe l’argumentation de Kline22. Cette interprétation nouvelle, si elle est exacte, prouverait de manière décisive que Genèse 1 ne peut pas être pris de manière littérale. Il est certes légitime de chercher à approfondir le sens de la Parole de Dieu et il est toujours possible de rectifier des interprétations passées et d’arriver à une nouvelle compréhension, plus exacte, d’un verset de la Bible. Seulement, ne devrions-nous pas être prudents devant une nouvelle interprétation d’un verset, surtout quand cette nouvelle interprétation prétend changer en profondeur la compréhension de l’ensemble du récit de la création? N’est-il pas un peu prétentieux que cette nouvelle interprétation de Genèse 2.5 (que plusieurs ont appelé «excentrique») non seulement veuille éclairer le sens d’un verset, mais en même temps conduise à renverser l’interprétation traditionnelle de la totalité du chapitre 1 de la Genèse? La sagesse réclame ici une certaine prudence.

 

b. Genèse 2.5 nous dit-il que les plantes ont mis plus de 24 heures pour pousser?23

Les «cadristes» croient que, d’après Genèse 2.5, Dieu aurait créé les plantes uniquement après que les conditions normales de vie et de croissance de ces plantes eurent été mises en place, par exemple après que le Seigneur eut commencé à faire pleuvoir. La création des plantes est miraculeuse, mais la conservation de ces plantes aurait été réalisée uniquement par des moyens providentiels «normaux», tels que nous les connaissons aujourd’hui. Cela signifie que la création des plantes n’a pu se faire que lorsque les conditions normales actuelles de survie des plantes ont été mises en place, ce qui n’est pas le cas si l’on prend Genèse 1 littéralement où, par exemple, la création des plantes a lieu en un seul jour, au 3e jour, avant la création du soleil. Plus encore, cette idée de la providence normale à l’égard des plantes est arbitrairement étendue à l’ensemble des œuvres créées qui, nous dit-on, une fois créées, devaient nécessairement subsister uniquement par des moyens providentiels «normaux»24. D’où l’idée que la lumière et l’alternance des jours et des nuits n’auraient pas pu exister sans le soleil. Il me semble que c’est faire dire beaucoup de choses et de manière catégorique à un seul verset qui, de surcroît, est difficile.

 

Curieusement, si c’est le sens ou le présupposé de Genèse 2.5, il est alors difficile de comprendre pourquoi il est mentionné, immédiatement après, que le Seigneur s’est servi, semble-t-il, d’un moyen extraordinaire pour arroser toute la surface du sol, c’est-à-dire la vapeur ou la source d’eau qui s’éleva de la terre (Gn 2.6). Nous ne voyons pas le Seigneur employer un tel moyen aujourd’hui! Je sais bien que certains «cadristes» soutiennent que le mot (rare et difficile) traduit par «vapeur» (ed) désignerait nécessairement un nuage d’eau produit par la providence ordinaire de Dieu. Pourtant, je ne vois rien dans le texte qui nous y oblige. Qu’est-ce qui empêche que cette «vapeur» puisse avoir été produite par des moyens extraordinaires? D’autant plus qu’il nous est dit que cette seule «vapeur» (singulier) arrosa toute la surface du sol. Je vois difficilement comment ce phénomène correspondrait aux conditions météorologiques normales que nous connaissons aujourd’hui, puisqu’il aurait fallu que ce nuage alimente la terre suffisamment longtemps pour laisser aux plantes le temps de pousser… Affirmer catégoriquement que cette vapeur ne pouvait être qu’un moyen providentiel ordinaire me semble aller trop loin. Nous en savons si peu de choses.

 

D’autre part, pour que cette interprétation soit cohérente, il faudrait dire que Dieu a créé les plantes seulement une fois la création de l’homme achevée. Genèse 2.5 constate deux «absences» ou deux «déficiences»: pas de pluie et pas d’homme pour cultiver le sol. Pourquoi donc? Parce que normalement certaines plantes ont besoin de pluie, et que d’autres plantes ont besoin d’être cultivées. Mais alors, comment se fait-il que les «cadristes» croient quand même que l’homme est chronologiquement la dernière œuvre créée? S’il faut absolument les conditions normales de la pluie, il faut aussi les conditions normales de culture par l’homme. A l’inverse, si des conditions particulières ou miraculeuses peuvent permettre aux plantes agricoles de se passer de la main de l’homme pendant un certain temps, pourquoi ne pourraient-elles pas également se passer de la pluie pendant un certain temps? Tout comme elles peuvent se passer du soleil pendant trois jours si Dieu leur fournit une autre source de lumière! Notons aussi que la deuxième «déficience» est «résolue», non par un moyen providentiel «normal», mais par la création de l’homme. La première «déficience» est résolue par le «mélange» de la vapeur d’eau avec le sol, tandis que la deuxième «déficience» est résolue par la «combinaison» du souffle vital du Seigneur avec la poussière du sol en vue de former l’homme. Même si la première solution ne dépendait que de la providence normale, la deuxième solution est certainement de nature différente. En vue de mettre en place une zone agricole fertile, Dieu a tout au moins créé l’agriculteur de manière surnaturelle25.

 

Regardons d’un peu plus près le texte. Le mot tèrèm, en Genèse 2.5, peut être pris comme adverbe («pas encore») ou comme conjonction («avant que»)26. Dans le cas d’une conjonction, il est possible de traduire Genèse 2.4b-7 de la façon suivante: «Lorsque l’Eternel Dieu fit la terre et le ciel, et tout arbuste de la campagne avant qu’il soit sur la terre, et toute herbe de la campagne qu’elle germe – car l’Eternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait point d’homme pour cultiver le sol, mais une vapeur s’éleva de la terre et arrosa toute la surface du sol; et l’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol, etc.» La King James a d’ailleurs rendu ces versets de cette façon, de même que Calvin dans sa traduction. Cela signifierait qu’au moment où Dieu a créé tout arbuste de la campagne et toute herbe de la campagne, les conditions normales de croissance et de culture de ces plantes, telles que nous les connaissons aujourd’hui (pluie et culture humaine) n’existaient pas encore, et pourtant, malgré ces déficiences, Dieu a bel et bien créé ces plantes. Il a créé cette végétation au troisième jour par sa Parole puissante et il l’a ensuite miraculeusement conservée, sans se servir pendant quelque temps de moyens ordinaires, tels que la pluie ou le travail de l’homme qui n’existaient pas encore. Calvin l’a compris de cette manière: 

 

«Bien qu’il ait récité que les herbes ont été créées le troisième jour, ce n’est pas toutefois sans cause qu’il en fait ici derechef mention, afin que nous sachions qu’elles ont été autrement produites, formées et multipliées que nous ne les voyons aujourd’hui. Car les herbes et les arbres viennent de semence ou de pousses qui sortent d’une autre racine et qui croissent en pullulant: là surviennent l’art et l’industrie des hommes. Mais alors il y avait une autre façon: Dieu ne vêtit point la terre à la manière qui est maintenant accoutumée, car il n’y avait nulle semence, nulle racine, nulle plante qui germât, mais elles ont incontinent apparu au seul commandement de Dieu et par la vertu de sa Parole. La vigueur y a duré pour les faire demeurer en leur nature, non pas de cette façon de renforcer et revigorer que nous voyons, ni par le moyen de la pluie, ni par autre irrigation ou labourage faits de main d’homme, mais parce que Dieu arrosait la terre d’une vapeur. Car il exclut deux choses: la pluie dont la terre tire le suc pour retenir son humeur naturelle et le labeur, qui est une aide de nature.»27 

 

Si tel est le sens de ce texte, cela ne présuppose donc aucunement que certaines plantes aient pris plus de 24 heures pour pousser, bien au contraire. Genèse 2.5 s’harmonise alors parfaitement avec l’ordre chronologique des jours de Genèse 1.

 

D’autres commentateurs ont pris le mot tèrèm dans le sens adverbial de «pas encore», sans nécessairement devoir conclure que les plantes aient pris plus de 24 heures pour pousser.  Genèse 2.5 ne nous dit pas combien de temps il a fallu pour que les plantes apparaissent. Ce texte nous présenterait une situation possiblement localisée, le projet d’une zone agricole, qui établit un contraste avec la beauté du jardin d’Eden dans lequel l’homme va goûter à la bonté toute particulière de Dieu. Ce passage se comprend alors à la lumière des versets suivants, où Dieu plante le jardin d’Eden et y place l’homme pour le cultiver (voir la suite et le contexte en Gn 2.8ss). Les «arbustes de la campagne», qui ne sont pas encore là parce qu’il n’y a pas de pluie, et «l’herbe de la campagne», qui ne germe parce qu’il n’y a pas d’homme pour cultiver le sol, ne seraient pas nécessairement les mêmes plantes que celles déjà créées au 3e jour, c’est-à-dire «la verdure», «l’herbe porteuse de semence» et «les arbres fruitiers» (1.11).  Ou ces plantes particulières de Genèse 2.5, au moins «l’herbe de la campagne», sont peut-être déjà créées, mais ne produisent pas encore de repousses (c’est le sens possible du mot «germer»). De toute manière, Genèse 2.5 ne se rapporterait pas dans ce cas-ci au 3 jour, mais au 6 jour. La «terre» (erets) désignerait une région géographique étendue, tandis que la «campagne» (sadeh) désignerait une région géographique limitée, un terrain propice à l’agriculture. Genèse 2.5 n’indiquerait pas qu’aucune plante n’avait encore été créée, mais expliquerait pourquoi l’agriculture n’est pas encore organisée: parce que les deux éléments essentiels à l’agriculture (pluie et agriculteur) sont absents. Même s’il ne pleut pas encore, les plantes déjà créées au 3e jour peuvent avoir été conservées d’une manière surnaturelle inconnue ou encore au moyen de la vapeur ou de la source d’eau qui s’élève de la terre et qui arrose toute la surface du sol (Gn 2.6). Peu importe, Genèse 2 attire notre attention sur l’homme et sur l’endroit tout à fait spécial mis à part pour l’agriculture. Le point principal de Genèse 2 ne porte pas sur les déficiences, mais sur le fait que, malgré ces déficiences (pas de pluie, pas d’homme pour cultiver), Dieu est libre de planter et de conserver miraculeusement un magnifique jardin en Eden. Ce jardin est arrosé par quatre fleuves (pas besoin d’attendre la pluie!) et Dieu lui-même fit germer du sol toutes sortes d’arbres d’aspect agréable et bons à manger (pas besoin d’attendre que l’homme cultive la terre!). On peut penser que «l’herbe de la campagne», déjà présente, a commencé par la suite à se reproduire («a germé») grâce au labeur humain, afin de servir de nourriture à l’homme après la chute (Gn 3.18b). Quant aux «arbustes de la campagne», il s’agit peut-être des «chardons» et des «broussailles» apparus sous cette forme comme conséquence de la chute (Gn 3.18). Quoi qu’il en soit, la bonté de Dieu envers l’homme est grande et ne dépend nullement des conditions naturelles (providentielles, bien sûr) de croissance des plantes, telles que nous les connaissons aujourd’hui! L’homme, la dernière des œuvres de Dieu, se voit offrir au 6e jour un magnifique habitat, qui n’est ni arrosé ou conservé par la pluie ni le fruit de son propre travail de la terre. Avant d’entreprendre leur travail, l’homme et la femme auront ainsi une raison de plus de s’émerveiller de la puissance et de la bonté de leur Créateur!

 

Il est donc pour le moins très étrange de conclure à partir de Genèse 2.5, comme le font les «cadristes», que les plantes, à l’origine, devaient nécessairement être placées dans des conditions «normales» de croissance et, par conséquent, prendre beaucoup de temps pour pousser ou encore avoir besoin du soleil et de la pluie dès le moment où elles sont créées. Il est encore plus étrange, à partir de ce seul verset, d’étendre cette idée de «providence normale exclusive» à l’ensemble de la semaine de création, incluant la lumière qui aurait dû avoir absolument besoin du soleil pour exister. Dans tous les cas, que nous prenions tèrèm dans son sens adverbial ou conjonctif, je ne vois pas pourquoi Genèse 2.5 devrait contredire la séquence chronologique des jours de Genèse 1 ou leur durée normale de 24 heures.

 

c. Implications théologiques

Je me permets d’ajouter ici la réflexion de Frank Walker, qui me semble tout à fait pertinente à ce sujet: 

 

«Nous devons mettre en question la présomption de Kline selon laquelle le modus operandi durant la semaine de création était la providence ordinaire. Il est douteux que cela puisse être établi à partir de Genèse 2.5. Genèse 2 traite particulièrement de la création de l’homme et de son environnement, en développant le bref récit donné au chapitre 1. En l’étudiant, nous devons garder à l’esprit que l’homme était unique au milieu du reste de la création. Lui seul a été formé à l’image de Dieu et capable, par conséquent, d’aimer Dieu et de marcher avec lui. Lui seul a reçu le mandat d’exercer la domination sur toutes choses. Lui seul avait la responsabilité de cultiver et de garder le jardin d’Eden. Le fait que l’homme était responsable de son environnement en tant que vice-régent de Dieu implique la providence ordinaire. Adam devait observer les lois météorologiques et apprendre à irriguer le jardin en périodes de sécheresse. Genèse 2 mentionne cela parce que la création de l’homme occasionna un changement radical dans la façon dont Dieu exerçait son gouvernement dans le monde. Pendant les cinq premiers jours, Dieu gouvernait le monde entièrement par sa providence extraordinaire. Genèse 1 ne nous donne pas d’indication d’autre chose. Mais avec la création de l’homme (à qui le Seigneur a confié beaucoup de responsabilités), la providence ordinaire fut mise en application. Genèse 2.5 doit être compris en rapport avec la place et la responsabilité tout à fait spéciale de l’homme. En fait, cela semble être la seule possibilité acceptable lorsque nous prenons en considération la récapitulation thématique de Genèse 2.4-7.8.»28

 

d. Le supposé principe dégagé de Genèse 2.5 poussé à l’absurde

A partir de sa compréhension de Genèse 2.5, Kline a formulé la thèse selon laquelle toutes les réalités créées, une fois créées, auraient dû être conservées exclusivement par des moyens providentiels ordinaires tels que nous les connaissons aujourd’hui. «Il est clair que Genèse 2.5 présuppose que la providence divine était en action durant la période de la création au moyen de processus que tout lecteur reconnaîtrait comme étant normaux dans le monde naturel de son époque.»29 «En Genèse 2.5ss se trouve enchâssé le principe selon lequel le modus operandi de la providence divine était le même durant la période de la création que celui de sa providence ordinaire à l’époque actuelle.»30 De là, il est allé jusqu’à estimer que la terre n’aurait pas pu exister seule, par elle-même, suspendue dans le vide spatial. Voici ce qu’il dit en parlant de ceux qui, contrairement à lui, comprennent les 1er et 4e jours comme séquentiels:

 

«Car d’après eux, la terre serait venue à l’existence par elle-même, comme une sphère solitaire, et non comme une partie du processus cosmologique par lequel les étoiles et leurs satellites tirent leur origine, et elle aurait continué seule, suspendue dans un vide spatial (si l’on peut dire) pendant les trois premiers jours de la création. Tout le vaste univers dont l’origine est racontée au jour quatre serait alors plus jeune (même des milliards d’années plus jeune) que le petit grain de poussière dans l’espace appelé terre. C’est ça qu’on appelle la prétendue harmonie de la séquence narrative de Genèse 1 avec la cosmologie scientifique.»31

 

Pour être cohérent avec son interprétation de Genèse 2.5, Kline estime donc que la terre n’a pas pu exister sans les processus cosmologiques normaux par lesquels les étoiles et leurs satellites tirent leur origine. Bref, la terre créée au 1er jour et formée aux 2e et 3 jour n’aurait pas pu exister et se développer sans le soleil et les étoiles créés au 4 jour. Et où cela serait-il écrit? Tout cet échafaudage serait inclus dans un supposé principe général dégagé d’un seul verset:  Genèse 2.5! Une interprétation séquentielle de Genèse 1 entrerait en contradiction à la fois avec Genèse 2.5 et avec la «cosmologie scientifique». C’est à se demander, pour les «cadristes», lequel de Genèse 2.5 ou de la «cosmologie scientifique» pèse le plus lourd dans la balance…

 

Mais une telle idée de coexistence de la terre avec les astres est contraire à la Parole de Dieu pour les raisons suivantes:

– Genèse 1.1-2 nous dit que Dieu créa le ciel et la terre, et qu’il y avait une masse d’eau au-dessus de laquelle l’Esprit planait. L’action de l’Esprit sur cette masse d’eau ne décrit pas seulement des processus de providence normale, mais une action créatrice (Kline le reconnaît) ou encore une action providentielle extraordinaire.

– Une fois que cette masse d’eau a été créée, elle aurait dû (selon la théorie «cadre») se conserver et se modifier uniquement selon les processus normaux de providence divine. Or, Genèse 1.6-8 nous dit que Dieu créa une «étendue céleste» entre les eaux pour séparer les eaux des eaux. Les eaux ici ne sont pas créées, elles sont uniquement séparées. Elles le sont par la création de cette «étendue». Les événements décrits au 2e jour, en Genèse 1.6-8, nous rapportent donc que Dieu a accompli un acte créateur («Dieu fit donc cette étendue») et que cet acte a modifié de façon surnaturelle une réalité déjà existante («pour séparer les eaux des eaux»).

– Une fois que l’étendue céleste a été créée, elle aurait dû (encore selon la théorie «cadre») se conserver et se modifier uniquement selon les processus normaux de providence divine. Or, Genèse 1.14-18 nous dit que Dieu créa les astres (soleil, lune, étoiles) «dans l’étendue céleste». Les événements décrits au 4e jour, en Genèse 1.14-18, nous rapportent donc que Dieu a accompli un acte créateur («Dieu fit les deux grands astres… et les étoiles») et que cet acte a modifié de façon surnaturelle «l’intérieur» de l’étendue céleste déjà existante.

 

Si l’on prend au sérieux les événements décrits en Genèse 1, et peu importe ce que peut vouloir dire le mot «jour», il n’est pas possible de rater l’ordre chronologique suivant: la création de l’eau, puis la création de l’étendue qui sépara ces eaux, puis la création des astres placés dans cette étendue. A moins de nier que l’étendue ait réellement séparé les eaux et que les astres aient réellement été placés dans l’étendue. C’est bien dommage pour la «cosmologie scientifique» (comme s’il n’y en avait qu’une seule!), mais il est impossible, d’après la description des événements de Genèse 1, que l’eau (qui était le début de la terre) soit apparue en même temps que l’étendue céleste et en même temps que le soleil et les étoiles. La théorie «cadre» atteint ici véritablement les limites de l’absurde! Le supposé principe des moyens providentiels normaux ne tient pas plus en Genèse 1 qu’en Genèse 2.5. En fait, toute la thèse basée sur cette étrange interprétation de Genèse 2.5 s’écroule à la lumière de Genèse 1.

 

Voulons-nous un dernier exemple de ce supposé principe poussé à l’absurde? Et ici, tout homme, marié ou célibataire, en conviendra certainement! Nous savons que l’homme a été créé avant la femme (Gn 2.18-23; 1Co 11.8-9; 1Tm 2.13). Or, comment l’homme aurait-il pu même s’imaginer survivre sans femme, uniquement par des moyens providentiels «normaux»? Dieu lui-même a bien jugé de la situation: «Il n’est pas bon que l’homme soit seul.» (2.18) Afin de remédier au problème, Dieu a opéré – c’est le cas de le dire – par un moyen, non pas providentiel, mais par un nouvel acte créateur: le sommeil d’Adam, la côte prise de son côté, la formation de la femme. Il est indéniable que Dieu ne s’est pas toujours servi uniquement de moyens providentiels «normaux» pour conserver et maintenir ses œuvres créées, dans ce cas-ci l’homme. Genèse 2 le confirme!

 

D) Genèse 2.1932

 

On a fait valoir «qu’une lecture simple de Genèse 2.19 met en conflit Genèse 2.4-25 avec une lecture chronologique de Genèse 1.1-2.3, où les animaux ont été formés avant l’homme (Gn 1.24-27).»33 Genèse 1 présenterait la création des animaux avant la création de l’homme, tandis que Genèse 2.19, compris de manière simple et directe, nous donnerait la séquence inverse. Mais pourquoi voir des problèmes là où les «cadristes» n’en voient pas eux-mêmes? Qui parmi les promoteurs de la théorie cadre croit que les animaux ont réellement été créés après l’homme? A ma connaissance, tous ceux que j’ai rencontrés dans mes lectures croient que l’homme et la femme ont été créés chronologiquement les derniers, comme couronnement de l’œuvre créatrice. Kline, par exemple, dit que «la création de l’homme a conclu les actes créateurs de Dieu aussi bien dans la séquence historique réelle que dans l’ordre de la narration»34. Cela correspond parfaitement à ce qui nous est révélé dans Genèse 1. Les «cadristes» ne voient donc pas de problème, sur ce point, dans la séquence temporelle des 5e et 6 jours de Genèse 1. Comment alors comprendre Genèse 2.19? Ce texte semble dire que Dieu créa Adam, puis qu’il créa tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, puis qu’il créa Eve. Mais, bien sûr, ce n’est pas ce que les «cadristes» comprennent, puisqu’ils croient que l’homme et la femme ont été créés les derniers. Comment donc harmonisent-ils Genèse 2.19 avec cette idée? On peut simplement comprendre ici le temps du verbe «former» comme un plus-que-parfait. «L’Eternel Dieu avait formé du sol tous les animaux…» La création des animaux est alors comprise comme étant antérieure à la création d’Adam, sans faire violence au sens grammatical du texte. (Je comprends que la règle générale de cette forme grammaticale est d’exprimer une succession temporelle, mais il existe, à l’occasion, d’autres exemples d’un «waw consécutif» suivi d’un verbe à l’imparfait avec un sens plus-que-parfait; voir par exemple Exode 11.1-3 et Nombres 1.47-49.) Mark Ross, un «cadriste», le reconnaît bien et appelle cela ici une «inclusion» qui prépare simplement le récit de la création d’Eve35. Il n’existe alors aucune contradiction entre Genèse 2.19 et l’ordre chronologique de Genèse 1. D’ailleurs, même si tout n’était pas chronologique en Genèse 2, cela n’impliquerait pas que Genèse 1 doive être non chronologique, surtout quand le Saint-Esprit nous donne des «indices temporels» aussi forts que «jour un», «soir et matin», «deuxième jour», «soir et matin», «troisième jour», etc.! Si les promoteurs de la théorie «cadre» croient, de toute manière, que l’homme a été créé après toutes les autres créatures, pourquoi donc soulever cet argument à partir de Genèse 2.19, si ce n’est que pour causer de la confusion? Si l’homme a effectivement été créé après les animaux, alors la séquence chronologique des jours 5 et 6 de Genèse 1 est correcte!

 

En conclusion de cette première partie, les objections soulevées contre l’interprétation littérale ne tiennent pas à la lumière d’une étude sérieuse du texte. Pour pouvoir soutenir l’hypothèse de l’interprétation cadre, on se met à voir des problèmes qui n’existent pas à l’intérieur de Genèse 1 ou entre Genèse 1 et Genèse 2. Ainsi donc, rien ne nous a convaincu d’abandonner la compréhension classique des jours de la  création; bien au contraire, car elle rend parfaitement compte de ce que les premiers chapitres de la Genèse nous révèlent au sujet de l’œuvre créatrice de Dieu en l’espace de six jours.

 

II. L’interprétation «cadre» est problématique

 

A) «Littéral»

 

Certains prétendent que l’interprétation cadre ne présente pas une interprétation allégorique du texte, mais son sens littéral, c’est-à-dire le sens que l’auteur a voulu donner. Je peux comprendre que chacun prétende présenter le véritable sens des Ecritures. Seulement, au moins pour éviter la confusion, ne devrait-on pas réserver le mot «littéral» à ceux qui comprennent les jours de la création dans leur sens littéral? Il est clair que, pour la théorie «cadre», les jours ou la semaine sont à prendre dans un sens figuratif ou métaphorique. Henri Blocher n’a pas hésité à qualifier l’interprétation classique de «littérale», par opposition à l’interprétation «littéraire» qu’il soutient. Je n’ai pas de problème pour le suivre, au moins sur ce point. Quant à savoir si l’interprétation «cadre» représente ou non l’interprétation correcte, c’est justement là le point débattu. Je continuerai donc d’appeler littérale l’interprétation traditionnelle, celle-là même qui a été très largement soutenue dans l’histoire de l’Eglise jusqu’à l’arrivée de Charles Lyell (géologie) et de Charles Darwin (biologie)…

 

B) L’analogie de la foi

 

a. Les «cadristes» affirment souscrire au principe herméneutique réformé selon lequel les Ecritures s’interprètent d’elles-mêmes. Ils disent appliquer ce principe, par exemple, au traitement qu’ils font de Genèse 1 et Genèse 2, comme nous l’avons vu dans la section précédente. Ce principe est excellent et nous y souscrivons de tout cœur! La question est de savoir s’il est aussi bien suivi qu’on le prétend par l’interprétation «cadre».

 

b. Je viens d’essayer de montrer qu’il n’existe pas de problème, à l’intérieur même des deux premiers chapitres de la Genèse, à considérer que les jours de Genèse 1 sont réels, consécutifs, d’une durée normale de 24 heures. N’est-il pas d’ailleurs normal et sain qu’un texte plus clair (Genèse 1) serve à interpréter un texte plus obscur (Gn 2.5)? Faire le contraire, comme dans la théorie «cadre», m’apparaît hasardeux. Plusieurs ont également déjà montré qu’il n’y a pas une seule allusion dans les débuts de la Genèse qui suggère des jours figuratifs. Il nous faudrait alors chercher des indices en dehors de Genèse 1 et 2.

 

c. Regardons, d’abord, le reste du livre de la Genèse et le Pentateuque. Les «cadristes» ne semblent pas tellement portés à faire cet exercice. Pourtant, l’unité du livre, de son contenu et de sa forme devrait nous aider à mieux comprendre les deux premiers chapitres du livre et à les situer par rapport à l’ensemble. Par exemple, quel est le genre littéraire du livre de la Genèse? Puisque ce livre est de nature historique et non poétique, semi-poétique ou figuratif, on devrait s’attendre à ce que le début du livre soit du même genre que le reste (contrairement, par exemple, au livre de l’Apocalypse qui est hautement symbolique et dont les nombres trois, quatre, sept, mille, etc., doivent être compris à la lumière du genre littéraire de ce livre)36. Autre exemple: dans quel sens le reste du livre de la Genèse emploie-t-il les mots «jour», «soir et matin», «premier, deuxième, troisième…»? Dans ses livres historiques, Moïse emploie-t-il ailleurs le mot «jour» dans un sens figuratif? Si oui, dans quel contexte et quelles indications donne-t-il pour nous le faire comprendre? Il serait utile que l’interprétation «cadre» donne des exemples. Il a été démontré, et je l’ai vérifié, que dans le Pentateuque le mot «jour» associé à des nombres ordinaux consécutifs (1er, 2e, 3, etc.) possède toujours un sens littéral séquentiel (plus de 110 fois). Pourquoi Genèse 1 serait-il la seule exception? L’expression «soir et matin», utilisée trois autres fois par Moïse, se rapporte, chaque fois, à des jours normaux (Ex 27.21; Lv 24.3; Nb 9.21). Pourquoi en Genèse 1 devrait-elle se rapporter à des jours célestes ou figurés?37 La trame du livre de la Genèse est historique et les points de repère temporels sont importants, que ce soit pour situer les étapes du déluge ou la vie des patriarches. A ma connaissance, l’ensemble du livre de la Genèse ne donne aucun appui à l’interprétation figurative des jours de la création, au contraire.

 

d. Si la Bible s’interprète d’elle-même, où ailleurs dans la Bible serait-il dit ou même suggéré que ces jours sont figuratifs? Par exemple, lisons-nous quelque part une affirmation du genre: «Tout comme Dieu a révélé son œuvre créatrice dans une figure de six jours et son repos dans la figure d’un septième jour, vous de même vous devez travailler six jours et vous reposer le septième»? Une telle déclaration ne se trouve nulle part dans la Bible. Plusieurs auteurs ont déjà fait valoir que le Nouveau Testament dans son ensemble présume la véracité historique et chronologique des événements rapportés dans les deux premiers chapitres de la Genèse38.

 

e. Par contre, les «cadristes» ont toutes les peines du monde à expliquer d’une manière accessible et intelligible, sans patinage acrobatique de haute voltige, le texte d’Exode 20.8-11, qui dit simplement: 

 

«Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Eternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage…  Car en six jours l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour:  c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.» 

 

Je n’ai pas l’intention de critiquer ici en détail les explications farfelues que certains théologiens «cadristes» donnent de ce texte. D’ailleurs, d’autres l’ont déjà fait admirablement39. Je tiens simplement à dire que, si l’on tient vraiment au principe selon lequel la Bible s’interprète d’elle-même, ce texte doit absolument être pris en considération. Je me demande bien comment les tenants de l’interprétation figurative prêcheraient sur ce texte à des croyants «ordinaires». Je ne suis pas certain que la «cosmologie à deux étages» de Meredith Kline serait très utile pour les aider à comprendre et à appliquer ce texte. Je suis peut-être naïf, mais j’ai beau lire Exode 20.8-11 sous tous les angles possibles, je n’arrive pas à y voir autre chose qu’une interprétation littérale, chronologique, séquentielle, des jours de la création. Il me faudrait un expert pour m’aider à comprendre autrement… S’il faut remplacer «jours» par «tableaux thématiques» («car en six tableaux thématiques l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer…»), ou encore par «jours célestes» («car en six jours célestes, déconnectés du temps terrestre et de la séquence temporelle, l’Eternel a fait…»), alors là, il n’y a plus rien à comprendre de la Bible. Car, c’est non seulement ajouter à la Bible ce qu’elle ne dit pas, c’est aussi nous faire désespérer qu’on puisse comprendre quelque chose de la Bible; c’est, enfin, enlever tout fondement à ce commandement, dont la raison d’être historique devient incompréhensible. Les «cadristes» s’acharnent à nous dire que Dieu, pour révéler son œuvre de création, s’est servi d’une réalité humaine, la semaine de sept jours. Dieu prendrait la semaine humaine de sept jours pour s’en servir comme modèle afin de nous faire voir l’ordre harmonieux de sa création et développer une théologie du sabbat. Et pourtant, Exode 20.8-11 dit précisément le contraire: c’est l’homme qui doit imiter Dieu et le prendre pour modèle. C’est notre Créateur qui se donne en exemple et c’est l’homme qui doit «se souvenir» du sabbat et des jours de la création afin d’imiter le Seigneur tout au long de sa semaine. Cela n’aurait pas de sens que le mot «jour» soit pris littéralement dans une partie du commandement et figurativement dans l’autre. Comment l’homme peut-il imiter l’activité de Dieu dans un cycle d’une semaine si cette activité de Dieu ne s’est pas déployée, à l’origine, dans le «temps terrestre» et dans une semaine littérale de création telle que décrite en Genèse 1?40

 

f. La Bible contient quelques textes intéressants au sujet de la lumière et permet d’éclairer, si je puis dire, le rapport entre le 1er jour et le 4e jour. Par exemple, en Job 38.19-20, la lumière et l’obscurité habitent un lieu inaccessible et mystérieux, que Job ne peut rejoindre ni comprendre. «Où est le chemin qui conduit à la demeure de la lumière? Et les ténèbres, où ont-elles leur emplacement?» La lumière est tout à fait indépendante du soleil. Ou encore Psaume 104.2: «Il (le Seigneur) s’enveloppe de lumière comme d’un manteau.» Paul dit que l’œuvre de régénération dans le cœur des pécheurs tire son origine de la Parole (re)créatrice de Dieu. «Car Dieu qui a dit: ‹La lumière brillera du sein des ténèbres!› a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ.» (2Co 4.6) Pour Paul, la phrase «la lumière brillera du sein des ténèbres» est le contenu même de la parole créatrice de Dieu. Et chose remarquable, la distinction entre la lumière et les ténèbres est faite sans aucune mention du soleil! Tout comme la première Parole de Dieu a produit la lumière de façon immédiate, de même la Parole proclamée de l’Evangile produit de façon immédiate la lumière dans le cœur des élus. Cette lumière de l’Evangile produite dans nos cœurs n’a pas besoin d’intermédiaire, de support ou de médiateur (comme par exemple les prêtres ou les sacrements), pas plus que la lumière produite par la Parole créatrice n’avait besoin du soleil pour briller dans l’obscurité. La Parole seule suffit, adjointe à l’action secrète de l’Esprit. Elle produit une lumière complète en soi! La Parole recréatrice de Dieu est puissante pour initier la régénération dans le cœur obscurci des pécheurs, tout comme sa Parole créatrice était puissante pour produire la lumière, œuvre initiale de la création. L’apôtre Paul confirme donc indirectement que la lumière originelle était indépendante du soleil. On pourrait encore citer Apocalypse 21.23 et 22.5, où il est dit que, dans le nouveau ciel et sur la nouvelle terre, il n’y aura pas besoin de soleil et de lune. Pourtant, la nouvelle création sera parfaitement bien éclairée! Le soleil et la lune n’étaient pas là au tout début et ne seront pas là à la fin. Au fond, ils sont là seulement temporairement…41

 

Selon l’analogie de la foi, le reste des Ecritures n’appuie donc aucunement la théorie «cadre». Elles appuient, au contraire, le sens littéral.

 

C) La structure en deux triades

 

Les tenants de la théorie «cadre» discernent, dans le premier chapitre de la Genèse, une structure littéraire savamment rédigées se présentant en deux triades parallèles. Les trois premiers jours nous présenteraient les «habitats» (ou encore les «royaumes»), tandis que les trois jours suivants nous présenteraient les «habitants» (ou encore les «rois»): la lumière et les luminaires (jour 1 et jour 4), le ciel et les créatures ailées, la mer et les créatures marines (jour 2 et jour 5), la terre sèche et les animaux terrestres, la végétation et l’homme (jour 3 et jour 6). Cette structure littéraire (d’où le nom d’interprétation «littéraire») nous porterait à croire que l’auteur de ce chapitre n’avait pas l’intention de nous donner un récit chronologique des actes créateurs. Il voulait plutôt nous présenter les actes créateurs sous forme thématique, un peu comme un album photos arrangé par thèmes42. Malheureusement, cet argument littéraire est souvent répété sans toujours prendre le temps d’examiner de près les détails littéraires.

 

a. La structure en deux triades est problématique43

Regardons le supposé parallèle entre le 1er jour et le 4e jour. Il est vrai que la lumière et les luminaires ont un lien évident entre eux. Mais il faut regarder d’un peu plus près. La théorie «cadre» fait valoir qu’il existe un parallélisme entre deux triades (entre les trois premiers jours et les trois suivants). Ces deux triades auraient pour thème la «formation» et le «remplissage» et correspondraient aux deux «déficiences» indiquées en Genèse 1.2: «La terre était informe et vide.» Le premier problème avec cette façon de voir tient au fait que Genèse 1.2 n’indique pas deux «déficiences», mais bien trois: la terre était informe, vide et dans les ténèbres44. On voit déjà, dès le départ, que la structure en deux «triades», basée sur Genèse 1.2, est boiteuse. Laquelle de ces trois «déficiences» le 1er jour vient-il pallier? Les «cadristes» disent: au fait que la terre était informe. Le 1 jour ferait partie de la triade «formation». Ne serait-il pas préférable de comprendre que la création de la lumière vient combler la troisième «déficience», celle des ténèbres? Pour ce qui est du 4e jour associé à la triade «remplissage», on se demande bien quelle réalité créée au 1er jour les astres viennent «remplir». Encore une fois, les astres qui ont la fonction d’éclairer la terre viennent pallier les «ténèbres» plutôt que le «vide». Si les astres jouent un rôle quelconque de «remplissage», ne serait-ce pas «dans l’étendue céleste» dans laquelle ils sont placés? Le 4e jour serait alors parallèle au 2 jour, où l’étendue céleste est créée, et non au 1er jour. Le parallèle entre le 1er jour et le 4e jour n’est donc pas exact.

 

Regardons maintenant le supposé parallèle entre le 2e jour et le 5 jour. Au 5e jour, les animaux marins sont appelés à «remplir» les eaux, mais ces eaux sont-elles réellement celles du 2 jour? D’abord, les eaux qui existent au 2 jour n’ont-elles pas déjà été créées au 1er jour? («l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux», 1.2). Un parallélisme entre le 1 et le 5e jour serait aussi valable qu’entre le 2 et le 5 jour. Ensuite, l’œuvre principale accomplie au 2 jour n’est-elle pas davantage l’étendue céleste qui sépare ces eaux en deux que les eaux elles-mêmes? («Qu’il y ait une étendue…  Dieu fit cette étendue… Dieu appela l’étendue ciel», 1.6-8.) De toute façon, ce ne sont sûrement pas les «eaux d’en haut» qui contiendront les poissons. Ces «eaux d’en haut» apparaissant au 2 jour n’ont d’ailleurs aucun «habitant» correspondant créé au 5 jour. Quant aux «eaux d’en bas» du 2 jour, elles doivent auparavant être mieux «formées» et laisser le temps à la terre sèche d’apparaître avant de pouvoir y recevoir poissons, baleines et animaux marins. Ce n’est qu’au 3 jour où Dieu rassemble les eaux et les appelle «mers» (1.10). Les poissons ne sont pas des «poissons des eaux», mais des «poissons de la mer» (1.26, 28) qui rempliront «les eaux des mers» (1.22). L’habitat des poissons a donc été créé le 3 jour et non le 2 jour. S’il faut chercher un parallèle avec les poissons du 5 jour, c’est plutôt au 3 jour qu’il se trouve. Et qu’en est-il des oiseaux (et insectes volants?) créés eux aussi au 5 jour? Que remplissent-ils? On a le réflexe de croire qu’ils remplissent le ciel. Et c’est vrai qu’ils s’appellent les «oiseaux du ciel» (1.26, 28). Mais s’agit-il de l’ensemble du ciel du 2 jour? L’étendue céleste créée au 2 jour et appelée «ciel» inclut tout l’espace interstellaire, puisqu’elle contiendra le soleil, la lune et les étoiles. «Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste.» (1.14) Ce serait beaucoup demander aux oiseaux de remplir tout ce «ciel»…  N’est-il pas dit au verset 20: «Que sur la terre des oiseaux volent sous l’étendue céleste» (littéralement: «sur la face de l’étendue céleste», donc en dessous de cette étendue par rapport à un observateur sur terre)»? Leur habitat (nidification, alimentation, etc.) est plus la terre que le ciel. Il est dit aussi: «Que les oiseaux se multiplient sur la terre.» (1.22) Le domaine qu’ils devront remplir n’est donc pas tant le «ciel» que la «terre», qui est apparue au 3e jour. Encore une fois, le parallèle entre le 2e jour et le 5 jour n’est pas exact.

 

Il reste à voir le supposé parallèle entre le 3e jour et le 6 jour. Il est vrai que les animaux terrestres vont habiter la terre et la remplir, tout comme l’homme et la femme appelés à se multiplier sur la terre. Mais on peut aussi voir une correspondance entre le 5e jour et le 6 jour, ou encore entre la première partie du 6 jour et sa deuxième partie. Car l’homme (6 jour) est appelé à dominer sur les poissons et les oiseaux (5 jour), de même que sur les animaux terrestres (début du 6 jour). De plus, il est difficile de dire que les animaux et l’homme du 6 jour vont «habiter» ou «remplir» la végétation du 3 jour. Cette dernière leur servira, par contre, de nourriture. Quant à cette végétation, comble-t-elle ce qui est informe ou ce qui est vide? «Que la terre se couvre de verdure…» Cela correspond plus au rôle de «remplissage» que de «formation». Et en dernier lieu, rien n’est créé au 6e jour pour remplir les mers rassemblées au 3 jour. Le parallèle entre le 3e jour et le 6 jour n’est donc pas précis.

 

Certains «cadristes» ont proposé d’autres catégories que «formation» et «remplissage», comme par exemple les thèmes «royaumes» et «rois». La plupart des problèmes déjà mentionnés ne sont pas résolus pour autant. Peut-être cela résout-il partiellement le problème des 1er et 4e jours, puisque les astres vont «dominer» sur le jour et la nuit. Seulement, ce jour et cette nuit n’apparaissent pas seulement au 1er jour, mais aussi à chacun des autres jours. Et la domination, comme je l’ai déjà fait valoir, ne prendra effet qu’à partir du 4e jour. Quant aux oiseaux et aux poissons du 5 jour, il n’est pas dit qu’ils règnent sur quoi que ce soit, mais qu’ils se multiplient. La distinction est importante, puisque pour l’homme Dieu prend la peine de lui confier des mandats distincts, ceux de dominer sur les animaux, de remplir la terre et de la soumettre. L’homme et les animaux sont tous appelés à remplir, mais seul l’homme a reçu le mandat de dominer. Les poissons, les oiseaux et les autres animaux ne sont les rois d’aucun royaume. Enfin, pour ce qui est de l’homme, il n’est pas dit qu’il règne sur la végétation du 3 jour, mais plutôt sur les animaux des 5 et 6 jours. Le thème des «royaumes» et des «rois» n’est pas plus exact que celui de la «formation» et du «remplissage».

 

Je ne peux pas faire autrement que d’arriver à la conclusion suivante: quand on l’examine de plus près, le cadre lui-même s’écroule sous nos yeux!  Que reste-il alors véritablement de la théorie «cadre» dépouillée de son agencement littéraire?

 

D’autres exégètes ont cru discerner en Genèse 1 d’autres formes ou structures littéraires que les deux triades. Par exemple, J.B. Jordan y voit une structure des sept jours en chiasme (le 1er répond au 7e, le 2 au 6, le 3 au 5, avec le 4 jour comme plaque tournante), ce qui renforcerait d’ailleurs l’interprétation littérale45. Je dois admettre que sa suggestion m’apparaît plus solide que celle des triades, mais elle mériterait d’être regardée de plus près et je ne suis pas sûr que «tout se tienne», étant donné surtout que Jordan semble avoir une imagination fertile. D’autres ont vu la structure suivante qui se répète d’un jour à l’autre: d’abord une annonce («Et Dieu dit»), puis un commandement («Que…»), ensuite un rapport («Et cela fut»), puis une évaluation («Et Dieu vit que cela était bon»), enfin, un point de repère temporel («Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un xième jour»). Ce modèle est intéressant et assez évident à voir, sauf qu’il n’est pas toujours suivi rigoureusement d’un jour à l’autre. E.J. Young conclut que l’intérêt premier de l’écrivain ne semble pas être de présenter un arrangement schématique, mais de nous rapporter comment Dieu a créé le ciel et la terre46. Quant à moi, il me semble que la «structure littéraire» la plus simple et la plus évidente dans ce texte est encore celle des «six plus un», six jours de création suivis d’un septième mis à part pour le repos et la bénédiction, comme le confirme le Saint-Esprit en Exode 20.8-11 et Exode 31.17.

 

b. Pourquoi une composition littéraire raffinée devrait-elle exclure le sens littéral?

Supposons que l’auteur de Genèse 1 utilise une forme littéraire hautement stylisée, savamment structurée, et admettons un instant que les deux triades soient parfaitement parallèles et symétriques, qu’est-ce que cela nous prouve? Les «cadristes» utilisent un raisonnement bien étrange. Ils supposent que plus un texte a une forme littéraire raffinée, moins il serait probable qu’il nous soit présenté dans l’ordre chronologique. Puisque Genèse 1 est écrit dans une forme littéraire savamment agencée, alors il est plus que probable que les événements relatés ne se présentent pas dans l’ordre chronologique. Comment Genèse 1 peut-il être à la fois bien écrit et chronologique? Puisque l’auteur a soigné son style, alors nous soupçonnons que le texte contient un sens caché, figuratif…  Par exemple, Henri Blocher déclare:

 

«Nous avons découvert un genre littéraire composite, savamment calculé. Nous avons admiré dans son auteur un sage suprêmement habile dans l’art des arrangements, grand amateur de jeu sur les nombres, sur le nombre sept en particulier. Venant d’un tel écrivain, c’est un sens tout simple, comme en prose plate, qui serait étonnant lorsqu’il dispose le septénaire des jours. Venant d’un tel écrivain, on attend la sorte de procédé que croit voir l’interprétation ‹artistique.»47 

 

«Plus il apparaît que l’écrivain biblique s’est servi d’un stéréotype de son milieu culturel en présentant la création sous la forme de la semaine, moins il est probable qu’il se soit borné à transcrire une succession chronologique.»48 

 

Mais d’où vient donc cette idée? Jean-Marc Berthoud a critiqué Henri Blocher sur ce point. Berthoud nous dit: «Mais qui donc est cet auteur génial? Ne s’agit-il pas de l’Auteur de l’univers lui-même? Quelle difficulté alors pour lui de faire coïncider la forme littéraire la plus complexe, la plus raffinée, avec la manière dont il aurait lui-même créé toutes choses en six jours? L’ordonnance artistique ne s’oppose donc aucunement à l’ordonnance semblable des faits, à moins, évidemment, que l’Auteur du récit ne soit pas le Créateur des faits décrits.»49 Douglas Kelly fait le même reproche et nous avertit des dangers d’une telle approche: «Ils ont introduit une dichotomie potentiellement désastreuse entre la forme littéraire et la viabilité historique, chronologique dans l’interprétation des textes bibliques. Il est naïf de supposer qu’un dualisme herméneutique d’une telle portée puisse s’arrêter à la fin du deuxième chapitre de la Genèse et qu’il ne soit pas employé pour d’autres textes qui sont contraires aux présupposés naturalistes.»50

 

Regardons d’autres exemples dans les livres mosaïques. Il a été démontré (par Kline!) que l’histoire du déluge en Genèse 8 est écrite sous une forme littéraire savamment structurée. Faut-il en conclure que les 40 jours de pluie, les 150 jours de grosses eaux, les 40 jours avant l’ouverture de la fenêtre, les deux fois 7 jours entre les envois de la colombe sont tous à prendre figurativement? Pas du tout. Nous comprenons que le style littéraire est au service de l’histoire qui nous est rapportée. Et cela dans le livre de la Genèse lui-même! Prenons un autre exemple dans l’Exode: les 10 plaies d’Egypte. On peut faire valoir que le texte d’Exode 7 à 12 est fort bien construit sur le plan littéraire. Les 10 plaies sont ordonnées selon un regroupement de 3 + 3 + 3 + 1. Cela veut-il dire que les 10 plaies ne nous sont pas présentées par Moïse dans l’ordre chronologique, ou qu’elles ont pu s’étendre sur de très longues périodes? Pas du tout. Le style littéraire et la beauté artistique de la forme sont au service de ce que Dieu nous révèle, et Dieu nous révèle des événements qui se sont déroulés dans l’espace et dans le temps. La forme littéraire ne s’oppose pas à la lecture «naïve» des événements séquentiels relatés. Elle en donne simplement plus de force.

 

D) Un arrangement thématique

 

a. Pourquoi établir une opposition entre «thématique» et «strictement chronologique»?

 

Les «cadristes» disent que «les ‹jours› de Genèse 1 devraient être lus d’une manière thématique plutôt que d’une façon strictement chronologique». Je viens de discuter de ce point que je résume ainsi: d’abord les thèmes et les triades ne sont pas si évidents à démontrer, ensuite «thématique» et «chronologique» n’ont nullement besoin d’être opposés l’un à l’autre.  J’ajouterai deux autres points. Tout d’abord, la grammaire de Genèse 1 est importante à prendre en considération. Le premier verbe est au parfait (bara, créa), suivi d’une série de «waw consécutifs» avec des verbes à l’imparfait (wayômer Elohim, «et Dieu dit», etc.). Cette façon d’écrire présente toutes les caractéristiques grammaticales hébraïques d’une narration historique. Une narration soutenue par l’annonce de l’acte créateur, le commandement, le rapport, l’évaluation, l’alternance «jour et nuit», la séquence numérique, etc.

 

Ensuite, on voit bien que la narration historique présente des actes successifs de création. Chacun des jours est construit sur ce qui a été créé durant les jours précédents. Par exemple, les eaux du début du 1er jour (1.2) sont séparées au 2e jour par la création de l’étendue céleste. Cette étendue accueillera ensuite les astres au 4 jour. Les eaux d’en bas séparées au 2 jour seront rassemblées au 3 jour pour faire apparaître la terre sèche. La végétation sera ensuite créée à la fin du 3 jour sur cette terre sèche. Les animaux marins du 5 jour seront placés dans les mers déjà existantes depuis le 3 jour. Les oiseaux du 5 jour et les animaux terrestres du 6 jour vivront et se reproduiront sur la terre apparue le 3 jour. Quant à l’homme, couronnement de la création, il sera placé sur la terre, dominera sur les différents animaux et se nourrira des produits végétaux, tout cela déjà créé durant les jours précédents. En fait, le seul argument qu’on pourrait faire valoir (et que les «cadristes» ne manquent pas de faire valoir) concerne la relation entre le 1er jour et le 4e jour, qui ne semble pas présenter une succession aussi explicite. Mais je crois déjà avoir montré assez en détail que ces deux jours ne sont pas récapitulatifs, mais révèlent une progression temporelle précise de la séparation de la lumière d’avec les ténèbres, qui est réelle au 1er jour, mais définitivement établie, bonne et complète seulement au 4e jour. Genèse 1 nous présente donc, non pas des thèmes ou des tableaux séquentiellement déconnectés, mais une progression historique magistrale. Ce n’est pas pour rien que cette progression est scandée par le refrain approbateur «Dieu vit que cela était bon». Cette progression s’achève au 6e jour par un jugement portant sur l’ensemble de la création (et non pas uniquement sur l’œuvre du 6e jour, comme si ce jour illustrait un tableau équivalent aux cinq autres tableaux): «Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici: c’était très bon.» « Etape par étape, Dieu prépare le monde, de telle façon que l’homme puisse l’habiter.»51 «Etape par étape, dans une grandeur majestueuse, Dieu œuvra pour transformer la terre uniforme en un monde dans lequel l’homme pouvait habiter et régner à la gloire de Dieu. Quel plan rempli de noblesse et de beauté, un plan qui devient obscurci et même oblitéré lorsque l’on nie que les six jours doivent être compris de façon séquentielle.»52 Nous voyons que l’œuvre progressive du Créateur est ordonnée dans le temps et met en évidence son dessein rempli de sagesse, qui trouve un accomplissement glorieux à la fin de la semaine de la création. La séquence chronologique temporelle des jours de la création est tout à sa gloire!53

 

b. Quel âge la terre avait-elle quand Adam a été créé?

 

Pour ce qui est de l’âge actuel de la terre, je sais qu’on veut nous convaincre que ce serait un sujet indépendant de la controverse création/évolution. Je suis loin d’en être convaincu. Les évolutionnistes savent très bien que si l’on pouvait confirmer que la terre est jeune, leur théorie évolutionniste s’écroulerait comme un château de cartes. N’est-ce pas pour cette raison que leurs attaques bien calculées visent précisément ce point apparemment faible de la position créationniste? D’autant plus qu’ils peuvent alors se payer le luxe de ne pas avoir à défendre leur échafaudage pour le moins chancelant. Dans le monde chrétien actuel si peu enclin à s’intéresser à la chronologie biblique, je me méfie des grandes affirmations du genre: «La Bible n’a sûrement rien à nous dire sur l’âge de la terre.» Mais ce sujet déborde de Genèse 1 et mériterait une étude séparée (les généalogies de Gn 5 et 11, le déluge, la chronologie biblique, etc.).

 

La seule question que j’évoquerai ici est la suivante: quel était l’âge de la terre lorsque Adam et Eve ont été créés? D’après le sens littéral de Genèse 1, la terre était alors vieille d’à peine six jours. Nos premiers parents ont été placés sur une terre très jeune!  D’ailleurs, quelle raison Dieu aurait-il eue d’attendre plus longtemps avant d’y placer les gérants de sa création, qui allaient gouverner en son nom et peupler la terre? On pourrait presque dire: n’est-ce pas dans le plan providentiel normal de Dieu pour la terre que l’homme créé à son image y soit placé comme vice-régent? Comment le domaine de la terre pourrait-il justifier sa raison d’être dans le plan de Dieu sans son roi? Comment comprendre que l’homme soit théologiquement le sommet de la création, mais qu’historiquement il n’apparaisse qu’à minuit moins cinq à l’horloge de l’univers? Je sais que cela paraît aberrant aux yeux des théories scientifiques modernes, et je comprends que, sous cette forte influence, certains chrétiens soient embarrassés par le sens littéral de la Genèse. La théorie de la «restitution» (Gap Theory) et celle des longues périodes (Day Age) ont essayé de répondre à cet embarras, mais elles ont été vivement contestées tant sur le plan biblique que sur celui de la «concordance» scientifique.

 

La théorie «cadre» arrive à point. Elle vient maintenant à la rescousse et elle paraît fort «utile», puisqu’elle évite tout simplement la confrontation avec les théories scientifiques sur deux points: Genèse 1 ne nous dirait rien sur la durée de l’œuvre créatrice et sur la séquence des actes créateurs. C’est là tout un «avantage» par rapport aux théories de la restitution et des longues périodes! L’âge de la terre, lors de la création d’Adam, nous serait inconnu parce que non révélé; sous-entendu, cet âge pourrait bien être considérable, comme la «science» nous le dit… Mais on semble oublier ce que Jésus lui-même a dit en parlant du divorce et du mariage: «N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit l’homme et la femme…» (Mt 19.4) Dans le même contexte, Marc 10.6 nous précise les paroles de Jésus: «Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme et la femme.» Comment pourrions-nous prétendre, sans violer le sens des Ecritures, qu’au moment où Dieu créa l’homme et la femme la terre était vieille? «Au commencement» ne se rapporte pas seulement au début de l’humanité, mais au début de la création elle-même indiqué par la reprise des deux premiers mots de la Bible en Genèse 1.1. Cela implique un lien chronologique étroit entre la création de l’univers et la création de l’homme. C’est au commencement, durant la semaine historique de création, que Dieu a créé Adam et Eve, qu’il a institué le mariage et qu’il les a placés dans son magnifique jardin. Les paroles de Jésus confirment bien la justesse de l’interprétation littérale, du moins quant à la courte durée de l’ensemble de l’œuvre créatrice.

 

c. Les scientifiques connaissent-ils mieux comment toutes choses ont été créées?

Je demeure très perplexe quand on nous dit que l’interprétation «cadre» est plus portée à laisser aux scientifiques le débat précis concernant la durée et la séquence des œuvres créatrices de Dieu. Comment donc est-il possible de connaître la manière dont toutes choses ont été créées? Par définition, la science a pour objet l’étude de phénomènes observables que nous pouvons répéter et sur lesquels nous pouvons faire des expériences afin de vérifier si nos hypothèses sont correctes. Les actes créateurs sont passés, terminés, uniques dans l’histoire, impossibles à répéter, inaccessibles à l’expérimentation scientifique. De plus, ces actes créateurs sont issus, non de phénomènes naturels visibles sur lesquels l’investigation scientifique aurait quelque emprise, mais ils sont issus de la Parole invisible de Dieu! Tout véritable homme de science, et particulièrement tout chrétien, devrait garder beaucoup d’humilité lorsqu’il essaie de contempler la création du monde, car la science ne peut rien dire de certain à propos des origines. Hébreux 11.3 nous dit que «c’est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu’on voit ne provient pas de ce qui est visible». C’est par la foi, et non par la vue! Si cela est vrai pour le fait même de la création, à plus forte raison pour les étapes et les modalités particulières des œuvres créatrices. D’ailleurs, le verbe «former» (katartizô), en Hébreux 11.3, ne nous enseigne pas seulement le fait que le monde a été créé par Dieu, mais aussi qu’il a été créé de façon ordonnée. Par la foi, nous comprenons que le monde a été mis en ordre, formé, organisé. Il ne suffit pas de croire que le monde tire son origine de Dieu. Nous devons croire la Parole qui nous révèle le génie architectural par lequel Dieu a formé le monde. Puisque l’agent créateur et le constructeur du monde est la Parole invisible de Dieu, il est impossible pour l’œil d’y jeter un regard scientifique et de procéder à des expériences scientifiques sur le déroulement des actes créateurs. Aucun homme n’en a été témoin. Le seul témoin qui était présent, c’est Dieu lui-même. Nous dépendons donc entièrement de sa Parole révélée qui est notre seule source de connaissance de ces événements uniques dans l’histoire. C’est par la foi que nous comprenons «qu’en six jours l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve» (Ex 20.11).

 

E) «Arrière-plan»

 

Certains «cadristes» ont soutenu que l’intention de l’auteur de la Genèse n’était pas de nous expliquer la chronologie des actes créateurs de Dieu, mais plutôt de préparer le peuple d’Israël à entrer en Canaan. Le livre de la Genèse ne serait qu’un préambule à l’alliance au Sinaï et à l’entrée du peuple de l’alliance en terre promise54. Dans ce contexte, Moïse ne s’intéresserait guère à l’âge de la terre ou aux détails chronologiques des actes créateurs. Son souci principal serait de préparer Israël à faire face à l’idolâtrie païenne qui régnait en Canaan.  Les premiers chapitres de la Genèse auraient alors simplement pour but de leur rappeler que Dieu est le Créateur de toutes choses et que le monde lui appartient. On peut affirmer bien des choses concernant l’intention présumée d’un auteur. C’est une autre chose de prouver ce qu’on affirme, surtout si on affirme que son intention n’a pas pu être telle ou telle. Qu’est-ce qui nous prouve que l’arrière-plan de Genèse 1 serait la préparation de l’entrée d’Israël en Canaan et le conflit avec les faux dieux païens? Qu’est-ce qui nous assure que le but de Genèse 1 est de servir de préambule à l’alliance au Sinaï? Le seul moyen de connaître l’intention de l’auteur, c’est de lire ce qu’il nous dit. Or, nous ne trouvons rien de tel en Genèse 1 et 2. Cette approche n’élève-t-elle pas l’alliance au Sinaï au-dessus des alliances avec Adam, Noé et les patriarches, qui, elles, seraient rabaissées au rang de «préliminaires»? Nous pourrions d’ailleurs tout autant faire valoir que l’arrière-plan de la Genèse était égyptien, d’où Moïse et Israël sont sortis55. Dans le contexte où le soleil et les astres étaient adorés en Egypte, Moïse aurait très bien pu estimer, par exemple, que l’ordre chronologique de la création du soleil après la lumière était important à faire valoir. En réalité, Genèse 1 est une polémique contre toute idolâtrie de toute époque, mais est-ce là son seul souci?56

 

Même si l’arrière-plan de Genèse 1 était l’entrée en Canaan, qu’est-ce qui prouve que, pour Moïse et surtout pour l’Auteur divin, l’ordre chronologique et séquentiel des jours de la création n’avait pas d’importance? Pourquoi Moïse s’est-il donné tant de peine pour écrire, dans une forme littéraire si raffinée, une vérité générale qu’il aurait pu prêcher aux Israélites en deux ou trois phrases? «Dieu est le seul vrai Dieu et les idoles doivent être rejetées. Le Seigneur est le Créateur du ciel et de la terre, et tout ce qu’il a créé est bon.»  Quelque chose de ce genre aurait été suffisant.

 

Mais Genèse 1 et 2 nous révèlent bien plus que cette vérité générale. Jésus y voit, par exemple, le fondement du mariage et la raison de rejeter le divorce (Mt 19.5-6). Paul dégage de Genèse 2 des principes pour les relations entre homme et femme.  En 1 Corinthiens 11.8 et 1 Timothée 2.13, il base son argumentation sur le détail chronologique de la création de l’homme avant la femme. Ce détail est très important pour lui et pour le Saint-Esprit, car il fonde l’ordre des relations conjugales et même des relations entre l’homme et la femme dans l’Eglise! Moïse et Israël avaient-ils besoin de connaître ce détail chronologique? Oui, tout autant que Noé, Abraham et les chrétiens du XXIe siècle, puisque toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, convaincre, redresser, éduquer… La Genèse n’a pas été écrite seulement pour ceux qui s’apprêtaient à entrer en Canaan. De plus, en Israël, il n’y avait pas seulement le combat contre les idoles qui comptait, il y avait aussi la vie en relation avec Dieu, la vie conjugale et familiale, le travail et le repos, etc. Cela est encore vrai pour l’Eglise d’aujourd’hui, qui a besoin de la lumière de toute la Parole.

 

Qu’en est-il des six jours littéraux de la création suivis du jour de repos béni et sanctifié par le Seigneur? Israël avait-il besoin de connaître ce détail chronologique pour vivre en alliance avec Dieu dans la terre promise? Exode 20.8-11 nous dit que oui! Moïse nous rapporte ici (écrit par le doigt de Dieu) de quelle manière Israël devait rythmer sa vie hebdomadaire dans sa nouvelle vie en Canaan. Le rythme hebdomadaire du travail et du repos/adoration, ce n’est pas peu de chose dans la vie du peuple de l’alliance! Le respect du sabbat est même appelé un signe de l’alliance (Ex. 31.16-17). La motivation à la base de ce commandement est précisément le modèle que Dieu leur a laissé: «Tu travailleras six jours… mais le septième jour est le sabbat de l’Eternel, ton Dieu: tu ne feras aucune ouvrage… Car en six jours l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.» Nous sommes ici, je crois, sur un terrain solide pour connaître non seulement l’intention de l’auteur, mais surtout l’intention même du Seigneur, lorsqu’il a créé le monde en six jours et s’est reposé le septième. Car Dieu aurait très bien pu tout créer instantanément. Pourquoi en six jours suivi d’un septième? Parce que c’est un cycle qui a été imposé à l’homme pour son bien et pour la gloire de Dieu. C’est un cycle que Dieu, par amour pour sa création, s’est imposé à lui-même, faisant tout son ouvrage de création en six jours pour que l’homme puisse imiter son Créateur et être béni par lui.

 

En conclusion de cette deuxième partie, l’interprétation «cadre» soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Son analyse littéraire superficielle ne réussit pas à convaincre.  Les dichotomies qu’elle établit (entre «style raffiné» et «sens littéral», entre «thématique» et «strictement chronologique», etc.), en plus d’être artificielles, ne rendent pas fidèlement compte de tout le contenu de la révélation biblique pris dans son ensemble. Non seulement l’interprétation littérale «traditionnelle» n’a nullement besoin d’être revue et corrigée, mais en plus cette nouvelle interprétation «cadre» me semble échafaudée sur des bases exégétiques et théologiques pour le moins fragiles et douteuses.

 

Nous devons toutefois faire un pas de plus dans notre analyse et tenter de discerner les dangers potentiels de l’interprétation «cadre». Ce sera l’objet de la troisième et dernière section.

 

III. Ce que l’interprétation «cadre» ajoute ou retranche aux Ecritures

 

A) Reconnaissance et inquiétude

 

Je suis très reconnaissant de ce que l’interprétation «cadre» désire et affirme se distancer de la théorie de l’évolution et je suis également reconnaissant pour tout ce que les «cadristes» disent en accord avec les Ecritures. Cela n’empêche pas que cette théorie puisse avoir des problèmes sérieux. On nous dit que ce sujet serait secondaire. Je ne crois pas. Je crois, au contraire, qu’il est important. Je crois que cette approche attaque la Parole de Dieu de manière subtile et insidieuse57, même si ceux qui tiennent à cette interprétation ne le reconnaissent pas et même s’ils désirent demeurer fidèles à la Parole de Dieu. Je crois donc que nous devrions d’autant plus nous exhorter à la vigilance!

 

B) Dieu a-t-il réellement dit?

 

La théorie «cadre» nous amène à sérieusement nous demander si Dieu a réellement dit: «Que la lumière soit» et s’il a aussi réellement dit: «Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste».  Si le 1er jour et le 4e jour sont seulement deux façons différentes de voir une même action créatrice, si le 4 jour n’est qu’une récapitulation du 1er jour, ne sommes-nous pas en droit de nous poser cette question? Dieu a-t-il réellement prononcé deux paroles créatrices distinctes? Ou bien en a-t-il prononcé une seule qui serait une sorte d’amalgame de ces deux paroles dont le véritable contenu nous serait inconnu? Ou bien n’a-t-il rien prononcé du tout, car Genèse 1 nous révélerait peut-être uniquement l’idée générale que Dieu a tout créé? A mon sens, la théorie «cadre» ne donne pas de réponses claires à ces questions.

 

C) Ces événements se sont-ils réellement produits?58

 

Les «cadristes» ont beau protester avec véhémence et dire qu’ils croient fermement que l’action créatrice de Dieu a été historiquement bien réelle, il n’en demeure pas moins que des doutes persistent quant à l’intégrité de la Parole de Dieu. Si nous avons dans les 1er et 4e jours «la description du même événement vu sous un angle différent avec des informations supplémentaires»59, nous sommes en droit de nous poser les questions suivantes: l’événement décrit en Genèse 1.3-5, au 1er jour, a-t-il réellement eu lieu en tant qu’événement? Et l’événement décrit en Genèse 1.14-19, au 4e jour, a-t-il réellement eu lieu en tant qu’événement? A moins d’avoir tout compris de travers, il me semble bien que la réponse «cadre» à ces questions soit non. Non, ces deux événements n’ont pas eu lieu en tant qu’événements. Genèse 1.3-5 et Genèse 1.14-19 ne nous feraient pas la narration historique de deux événements distincts, malgré toutes les apparences grammaticales et sémantiques du contraire. Ils nous révéleraient seulement l’idée que Dieu a créé les astres et la lumière.

 

Et puis, même si les réalités créées, une fois créées, devaient subsister uniquement par des moyens providentiels «normaux», comme les «cadristes» le soutiennent à la suite de Kline, cela soulève d’autres questions semblables. Par exemple, y a-t-il eu un événement précis où Dieu a réellement séparé les eaux d’en haut et les eaux d’en bas? Y a-t-il eu un autre événement précis où Dieu a réellement rassemblé les eaux sur la terre et où la terre sèche est apparue? Ou bien a-t-il fallu que ces eaux déjà existantes avant les 2e et 3 jours aient besoin d’une action providentielle normale pour être séparées le 2e jour, puis les eaux d’en bas rassemblées le 3e jour? Ces eaux déjà créées ont-elles eu besoin de l’action providentielle normale des processus cosmologiques observés aujourd’hui pour être séparées en deux? Ou bien ces eaux ont-elles été séparées par la seule Parole d’autorité du Seigneur? «Dieu dit: Qu’il y ait une étendue entre les eaux pour séparer les eaux des eaux. Dieu fit donc cette étendue, sépara les eaux… Il en fut ainsi.» (1:6-7) Et les eaux d’en bas, une fois créées puis séparées des eaux d’en haut, ont-elles eu besoin de l’action providentielle du soleil, telle que nous la connaissons aujourd’hui, pour s’évaporer lentement et laisser progressivement la terre apparaître? Ou bien ces eaux déjà créées ont-elles été rassemblées par la seule Parole d’autorité du Seigneur? «Dieu dit: Que les eaux… s’amassent en un seul endroit et que la partie sèche apparaisse. Il en fut ainsi.» (1.9)  Les événements décrits aux 2e et 3 jours ont-ils réellement eu lieu en tant qu’événements? Ou bien avons-nous dans ces versets uniquement la révélation de l’idée que Dieu a créé le ciel, les mers et la terre sèche? Les astres ont-ils été véritablement créés dans l’étendue céleste? L’étendue céleste a-t-elle été véritablement créée de manière à séparer la masse des eaux? Dans ce cas, il a bien fallu que la terre du v. 1 (masse des eaux) soit d’abord créée, puis l’étendue céleste, les astres; donc les astres après la terre. Ce qui est contraire à la théorie «cadre» qui dit que la terre ne peut pas ne pas avoir existé seule, par elle-même, «suspendue dans le vide spatial», mais qu’une fois créée elle aurait eu besoin des processus cosmologiques normaux de formation des astres. Les événements décrits aux 1er, 2e et 4 jours ont-ils réellement eu lieu en tant qu’événements? Ou bien avons-nous seulement ici l’idée que Dieu a créé la terre, l’étendue céleste et les étoiles?

 

J.B. Jordan affirme effectivement que la théorie «cadre» réduit les événements de Genèse 1 en «idées». Au début, je trouvais que Jordan exagérait, mais je suis forcé d’admettre qu’il a raison! Jordan y discerne même l’influence pernicieuse du gnosticisme et de sa tendance à réduire les événements historiques du christianisme à des idées60

 

Une fois que les points de repère temporels sont complètement dissous dans l’acide de l’approche figurative, il n’est pas étonnant de voir que les événements rapportés dans ces jours sont eux-mêmes effrités par ce même acide… Même si elle prétend le contraire, la théorie «cadre» ne rejette pas seulement la littéralité des jours, elle rejette aussi la littéralité de certains événements tels que décrits aux 1er, 2e, 3, 4 jours. La théorie cadre est subtile et insidieuse. Le cadre temporel est figuratif, et les événements historiques relatés dans ce cadre temporel semblent devenir de plus en plus figuratifs eux aussi, malgré les protestations véhémentes du contraire. Et on se demande: où cette action corrosive va-t-elle s’arrêter?

 

D)  Dieu est-il capable de communiquer avec exactitude?

 

Quand la Bible utilise un langage figuratif, elle le fait d’habitude dans une intention littérale, pour que nous puissions en connaître le sens. Pensons aux gestes prophétiques dans l’Ancien Testament, aux paraboles dans les évangiles, ou encore aux étoiles, aux chandeliers, aux trompettes, aux sceaux dans l’Apocalypse. Le texte lui-même nous fait clairement comprendre qu’il s’agit de figures. Ces figures ont une signification précise. Elles sont employées dans le but de nous révéler une vérité qui nous sera utile. Le joug du bœuf représente l’esclavage sous l’oppression des nations voisines et la marmite bouillonnante annonce le jugement imminent de Dieu. «Le Royaume de Dieu est semblable à un semeur», «Les sept étoiles sont les anges des sept Eglises, et les sept chandeliers les sept Eglises», etc. Il existe une correspondance entre l’image et la réalité, et notre intelligence, par la lumière du Saint-Esprit, peut connaître et saisir le sens de cette correspondance.

 

Qu’en est-il de l’interprétation «cadre» de la Genèse? A quoi les jours réfèrent-ils? Si la semaine de création est une figure, que représente-t-elle au juste? A quoi se rapporte-t-elle? La réponse que nous entendons des «cadristes» est plutôt désespérante. Au fond, nous n’en savons strictement rien. Ces jours seraient des «jours divins»61. Ils représenteraient «le temps céleste» dans lequel Dieu règne et agit, mais qui n’aurait aucun rapport séquentiel ou chronologique quelconque avec «le temps terrestre» dans lequel nous vivons62. Nous ne pouvons finalement rien en connaître. Autrement dit, les jours de la création peuvent représenter n’importe quoi sauf six jours littéraux séquentiels terrestres. Nous ne savons pas ce qu’ils représentent, mais nous savons certainement qu’ils ne représentent pas une semaine temporelle terrestre! Mais quelle est donc l’utilité pour nous que Dieu nous ait révélé son œuvre créatrice au moyen d’une figure qui ne veut finalement rien dire pour le commun des chrétiens? Aalders avait déjà constaté que cette approche vide le mot «jour» de toute signification. Il avait bien raison! Si tel est le cas, essayer d’interpréter Genèse 1 devient une entreprise désespérée. La vérité objective devient impossible; on peut toujours dire que Dieu nous communique la vérité, mais l’interprète ne peut jamais être raisonnablement sûr qu’il comprend ce que l’auteur a voulu dire. Quelqu’un d’autre dira peut-être que la résurrection physique de Jésus a eu lieu au 3e jour d’un temps céleste?…

 

E) Le temps céleste ne mène-t-il pas à un scepticisme complet?63

 

Lee Irons et M. Kline sont sensibles à cette critique et répondent que les jours se rapportent à une réalité objective. Le langage de l’étage inférieur (jours, soirs et matins…) serait employé métaphoriquement pour désigner des réalités appartenant à l’étage supérieur. Les jours seraient aussi réels que l’«étage supérieur» auquel ils appartiennent64. Mais qu’est-ce que cela résout? Où est la preuve que les jours célestes seraient rythmés à une vitesse différente des jours terrestres ou qu’ils seraient ordonnés selon une séquence différente des jours terrestres? Lorsque la nuée glorieuse du Seigneur vint remplir le tabernacle (Ex 40) et marcher avec Israël, lorsque cette gloire quitta le temple pour se rendre à Babylone avec les exilés (Ezéchiel), lorsque Dieu et Satan parlèrent de Job, lorsque les anges vinrent sur terre exécuter la volonté de Dieu et rencontrer ses serviteurs terrestres (Abraham, Daniel et ses amis, les bergers de Bethléem, les femmes au tombeau, etc.), lorsque Jésus monta au ciel et s’assit à la droite du Père, lorsqu’il reçut debout son serviteur Etienne, lorsqu’il agit du ciel en faveur de son Eglise ou qu’il envoie des jugements sur la terre (Apocalypse), lorsqu’il reviendra du ciel dans la gloire, etc., ne voyons-nous pas, chaque fois, un synchronisme temporel entre le ciel et la terre?

 

La Bible dans sa totalité ne nous présente-t-elle pas le Dieu de l’alliance? En vertu de cette alliance, Dieu ne vient-il pas, du haut du ciel, marcher dans le temps terrestre avec son peuple? Que signifierait donc cette alliance, ses promesses et ses menaces, si le temps céleste dans lequel le Seigneur règne n’avait aucune correspondance avec le temps terrestre? Quelle serait la signification réelle du départ de Jésus de la terre, de sa montée au ciel et de sa session à la droite du Père sur son trône de gloire pour notre salut et pour le destin du monde? Une telle conception d’un «temps céleste» déconnecté du temps terrestre ne peut conduire l’Eglise du Seigneur que sur la route du scepticisme. Nous ne pouvons plus savoir avec certitude si ce que Dieu fait depuis son trône céleste a quelque signification pour nous aujourd’hui. «On se demande jusqu’où Kline peut aller avec sa cosmogonie à deux étages. Ultimement, si elle est amenée à sa conclusion logique, elle conduit inévitablement au scepticisme total, car tout ce qui peut être connu au sujet de Dieu se produit à l’intérieur de l’étage supérieur.»65

 

Comment savoir quels éléments de Genèse 1 appartiennent à tel «étage»? Au commencement, Dieu créa effectivement ce qu’on peut appeler une dualité cosmologique, le ciel et la terre (1.1). Mais, par la suite, c’est précisément la terre qui est éclairée, formée et remplie.  Au 1er jour, Dieu entre dans la création terrestre et il est à l’œuvre dans la création terrestre par son Esprit qui plane au-dessus des eaux. Au 1 jour, la lumière est créée, puis séparée des ténèbres, tout comme au 2e jour les eaux sont séparées en deux, tout comme au 4e jour le jour et la nuit sont à nouveau séparés par les astres visibles. Au 1er jour, la lumière et les ténèbres reçoivent un nom (jour et nuit), tout comme au 2e jour l’étendue reçoit un nom (ciel), tout comme au 3e jour la partie sèche et la masse des eaux reçoivent chacune un nom (terre et mers). Les eaux, la terre et les mers sont des réalités terrestres et ne sont pas présentées comme des métaphores des réalités célestes, pas plus que la lumière, l’obscurité, le jour et la nuit, qui sont décrites exactement de la même manière, comme des réalités terrestres. Les soirs et les matins sont mesurés par la lumière, puis par les luminaires à l’intérieur du domaine visible terrestre.  Les soirs et les matins font autant partie du domaine terrestre que les arbres, les poissons et les êtres humains. D’ailleurs, comment le soir, la nuit, l’obscurité pourraient-ils servir de métaphore au «temps céleste»? Y a-t-il des nuits et de l’obscurité au ciel? Existerait-il une alternance de soirs et de matins au ciel? Dès le début, le ciel a été créé pleinement formé et rempli de lumière perpétuelle, tandis qu’envers la terre, Dieu agit en six jours terrestres pour l’éclairer, la former et la remplir, et pour lui donner un rythme de jours, de nuits et de semaines propre au domaine terrestre.

 

James Jordan a fait valoir que la théorie «cadre» confond les caractéristiques du temps et de l’espace. J’apprécie la justesse de son analyse:

 

«Kline présume que la bipolarité de l’espace – le ciel ‹au-dessus de› la terre ou séparé de la terre —  impliquerait une bipolarité du temps et des jours – des jours célestes et des jours terrestres. Mais c’est mal comprendre complètement la différence entre le temps et l’espace. Le ciel est le modèle spatial de la terre, il est spatialement ‹au-dessus› de la terre, séparé de la terre. La première semaine est le modèle temporel de toutes les semaines à venir, mais elle n’est pas ‹au-dessus› de ces autres semaines. Elle est avant toutes les semaines suivantes. Le contraste n’est pas entre des jours célestes et des jours terrestres, mais entre les premiers jours et les jours suivants, entre la première semaine et les semaines suivantes. Le ciel sert d’archétype à la terre; la première semaine sert de prototype aux semaines suivantes. La première semaine fut de même durée dans le domaine céleste et dans le domaine terrestre, et considérant la manière dont elle est décrite en Genèse 1 (une séquence de jours normaux avec des soirs et des matins), elle est de même durée que toutes les semaines suivantes. Le ciel est un lieu réel, tout comme la terre. La première semaine était une semaine réelle, tout comme le sont toutes les semaines suivantes.»66

 

F. Les Ecritures sont-elles encore pleines de clarté?

 

Il arrive assez souvent que les «cadristes» vont répondre à ceux qui critiquent leur position: «Vous n’avez pas bien compris», «Vous ne présentez pas bien notre position», «Votre critique ne touche pas le point que nous faisons valoir»67. C’est peut-être bien vrai dans certains cas68 (quoiqu’il me semble que de nombreuses critiques visent juste), et il faut alors humblement se corriger, mieux comprendre et essayer de critiquer de façon plus précise, s’il y a lieu. Mais n’est-ce pas là justement la faiblesse de la position «cadre»? Cette faiblesse est de réinterpréter un passage clair et simple des Ecritures d’une manière si complexe que seuls les esprits intellectuellement supérieurs peuvent réellement comprendre. Un comité ecclésiastique chargé d’étudier les différentes interprétations données aux jours de la création (et ouvert à ces différentes interprétations) a conclu ceci au sujet de l’interprétation cadre: «L’interprétation cadre est l’option la plus facilement mal comprise. Ses partisans devraient reconnaître qu’elle est complexe, qu’elle a parfois été mal exprimée et qu’elle ne répond pas à toutes les questions exégétiques.»69 La Réforme de l’Eglise a fermement cru et proclamé la clarté de la Parole de Dieu. Les croyants qui lisent la Bible ne dépendent pas des spécialistes en science ou en théologie pour comprendre le message essentiel des Ecritures. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des passages difficiles à interpréter ou que l’Eglise n’a pas besoin de l’aide de théologiens ou de spécialistes. Mais quand les croyants lisent et étudient la Bible, se soumettent humblement à la Parole et demandent la direction du Saint-Esprit, la Parole de Dieu est alors une lampe à leurs pieds, une lumière sur leur sentier (Ps 119.105). La Parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur (Dt 30.14 et Rm 10.8). Les croyants sont capables de juger et sont appelés à juger toute interprétation douteuse des Ecritures (1Co 2.15; 1Jn 2.20).

 

Il m’apparaît évident – et cela m’attriste beaucoup – que la théorie «cadre» embrouille le sens de l’Ecriture Sainte, met un voile sur sa clarté et l’éloigne de notre bouche et de notre cœur70. Il est pourtant difficile d’imaginer un langage qui nous communiquerait plus clairement qu’elle que l’univers a été fait en six jours71. «Supposons que Dieu a vraiment voulu communiquer une création en six jours ordinaires, comment aurait-il pu le faire plus clairement?»72 Si Dieu n’a pas réellement créé le monde en six jours consécutifs ne devrait-on pas accuser Dieu d’avoir trompé son peuple pendant des milliers d’années? Car c’est ainsi que l’Eglise, de façon presque universelle, a compris la Genèse jusqu’à l’apparition de tentatives pour harmoniser la Bible avec la théorie de l’évolution73. Les humbles serviteurs de Dieu et les petits dans l’Eglise peuvent-ils encore saisir par eux-mêmes le sens de la Parole de Dieu, ou bien devraient-ils définitivement fermer le Livre Saint et s’en remettre désormais aux spécialistes?74 

 

G. Une Église à «deux étages» n’est-elle pas source de division?

 

Je crois que la Bible a été écrite à la fois pour les simples dans l’Eglise et pour les savants dans l’Eglise. La Parole de Dieu est à la fois claire et profonde. Son style nous communique un message à la portée de tout croyant, mais en même temps sa finesse littéraire donnera encore aux savants l’occasion de la décortiquer pendant des centaines et des centaines d’heures, de mois et d’années, sans jamais épuiser toute sa richesse. Les petits et les érudits y trouvent tous leur compte. Mais les deux devraient normalement arriver à la même conclusion. Le texte a fondamentalement le même sens pour les simples comme pour les savants. Or, il semble bien que la théorie «cadre» soit source de division… Nous avons d’une part les simples qui n’ont pas compris le sens profond, caché de la Genèse, et nous avons les savants qui, eux, ont été éclairés, initiés… Nous aurions ici, en quelque sorte, une «Eglise à deux étages» (a two register church, pour paraphraser Meredith Kline, qui a parlé d’une «cosmologie à deux étages»). Comment se fait-il donc qu’une petite minorité de théologiens et de pasteurs aient saisi le sens plus profond de Genèse 1 que l’immense majorité des autres croyants n’ont jamais perçu en 2000 ans d’histoire de l’Eglise?

 

H) Quelle influence la science moderne exerce-t-elle?

 

Les «cadristes» ont beau nous assurer que leur interprétation est basée strictement sur des considérations exégétiques, rien n’y fait, je ne peux m’empêcher d’y voir l’influence néfaste des théories scientifiques naturalistes modernes75. Je ne juge pas ici l’intention et je suis reconnaissant d’entendre qu’on ait le désir de se baser uniquement sur les Ecritures. Mais je vois cela un peu comme une boussole qui, tout en gardant les caractéristiques d’une boussole, se dérègle à l’approche d’un champ magnétique perturbateur. Henri Blocher nous dit par exemple: 

 

«Le refus de toutes les conclusions admises par les savants ne manque pas de panache! Le travail de nombreux auteurs néo-catastrophistes (cela veut dire ceux qui croient au déluge universel, entre autres) permet de dire qu’il s’agit de courage et non pas d’inconscience.  Cependant les opinions courantes, qui se fondent sur les études de milliers de chercheurs, fort vigilants les uns à l’égard des autres, gardent le privilège de la vraisemblance. Lorsqu’on les rejette, on s’avance fort: il faut être absolument sûr de ses arrières… Il faut être sûr que le texte exige l’interprétation littérale.»76

 

Plus loin il dit: «Cette hypothèse de lecture (la théorie «cadre») supprime nombre de problèmes qui affligeaient les commentateurs», et l’un de ces «affligeants» problèmes est selon lui «la confrontation avec la vision scientifique du plus lointain passé». Et il ajoute: «L’avantage est tel (pour certains: le soulagement) qu’il pourrait devenir une tentation: nous ne devons pas épouser la théorie parce qu’elle est commode mais parce que le texte nous y invite!»77 La dernière phrase est bien vraie et je suis content de l’entendre, mais face à l’affligeant problème de «la confrontation avec la vision scientifique» et à (hypothétiquement) «toutes les conclusions admises par les savants», la «tentation» demeure grande… Quant à Meredith Kline, il est plus affirmatif:

 

«Mais si l’exégète n’avait pas la lumière de Genèse 2.5, il serait certainement justifié de se tourner vers la révélation naturelle pour y trouver une possible illumination sur la question laissée ouverte par la révélation spéciale. Et certainement, la révélation naturelle concernant la séquence des développements dans l’ensemble de l’univers et la séquence de l’apparition des différents ordres de vie sur notre planète (à moins que cette révélation ait été complètement mal interprétée) exigerait (would require) de l’exégète de pencher vers une interprétation de la semaine de la création qui ne soit pas exclusivement chronologique.»78 

 

En d’autres mots, peu importe si Kline se trompe ou non sur son énorme construction à partir de Genèse 2.5 (à quoi bon le réfuter!), de toute façon: a) la Bible ne nous dirait rien quant aux étapes de la création, et b) la «révélation naturelle» (ou plus exactement ce que les scientifiques modernes en comprennent) imposerait des exigences à l’exégète qui lit Genèse 1. En somme, la théorie «cadre» n’accorde-t-elle pas une estime indue aux théories scientifiques modernes éphémères? Kline nous dit: «En ce qui concerne le cadre temporel, tant au niveau de la durée que de la séquence des événements, le scientifique est libre de toute contrainte biblique dans la formulation de ses hypothèses sur les origines cosmiques.»79 La Bible accorderait toute liberté scientifique sur deux points: la durée et la séquence des événements créateurs. Je crois, au contraire, que nous devrions tous nous soumettre à la seigneurie de Dieu concernant ces deux points clairement révélés dans la Genèse, quoi qu’il en coûte à notre «respectabilité».

 

On s’étonnera, par ailleurs, de l’attitude belliqueuse de Kline envers ses frères qui affirment une terre jeune, alors que, du même souffle, il admet candidement que son interprétation ne contredit pas la théorie de l’évolution:

 

«Dans cet article, j’ai défendu une interprétation de la cosmogonie biblique selon laquelle l’Ecriture est ouverte à la conception scientifique courante d’un univers très vieux et, à cet égard, elle ne désapprouve pas la théorie de l’évolution concernant l’origine de l’homme. Mais bien que je considère que l’insistance très répandue à soutenir que la terre est jeune nuise de manière déplorable à la cause de la vérité biblique, en même temps je pense que la souscription à l’autorité de l’enseignement des Ecritures implique l’acceptation d’Adam en tant qu’individu historique, en tant que chef de l’alliance et en tant qu’ancêtre à l’origine du reste de l’humanité, de même que la reconnaissance que c’est par le seul et même acte divin que le premier homme a été formé, Adam le fils de Dieu (Lc 3.38), et qu’il a reçu la vie (Gn 2.7).»80 

 

Devant ces affirmations surprenantes, certains posent des questions légitimes: «De quel côté êtes-vous, Dr Kline?» «D’où est-ce qu’il sort? A-t-il vécu tout seul, par lui-même, réfugié dans sa tour d’ivoire de spéculation théologique? Ne connaît-il pas les terribles ravages causés par l’évolution et les diverses formes de compromis?»81 Malgré les protestations véhémentes de plusieurs de ceux qui soutiennent cette position, la théorie «cadre» représente aux yeux de plusieurs une dangereuse concession faite aux théories scientifiques antichrétiennes modernes.

 

I) D’où vient notre semaine de sept jours?

 

Pour finir, il me reste une question très simple, qui se pose souvent à moi depuis que je réfléchis à la théorie «cadre»: d’où vient donc notre semaine actuelle de sept jours? Quelle est son origine? Qui donc a imposé ce rythme hebdomadaire et comment? Si Dieu n’a pas réellement créé en six jours pour, ensuite, bénir et sanctifier le septième jour, comment l’homme, «seigneur» de la création et du temps créé, a-t-il pu copier son Créateur et suivre son modèle?

 

Conclusion

 

Après avoir étudié en détail ce que disent les principaux exégètes et théologiens favorables et opposés à l’interprétation «cadre», je conclus que cette interprétation n’est pas fidèle aux Ecritures Saintes. J’encourage les pasteurs, les théologiens et les Eglises confrontés à cette théorie à exercer un discernement prudent et courageux. La théorie «cadre» peut paraître séduisante à certains esprits intellectuels ou peut sembler neutre ou inoffensive à certains groupes ecclésiastiques. Je crois, au contraire, qu’en plus d’être inutile pour l’édification de l’Eglise, elle sera pernicieuse à long terme pour notre foi et pour notre témoignage chrétien dans le monde.  Que le Seigneur nous éclaire et que, par sa grâce, il nous garde fidèles à sa Parole!

 

 

 

 

 

 


BIBLIOGRAPHIE

 

 

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