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Sermons sur la prophétie d’Esaïe LIII touchant la mort et la passion du Christ

SERMONS
SUR LA PROPHÉTIE
D’ESAÏE LIII
TOUCHANT LA MORT
ET LA PASSION DU CHRIST

Sermons : 1 [1] | 2 [2] | 3 [3] | 4 [4] | 5 [5] | 6 [6] | 7 [7]

Premier sermon

ESAÏE 52.13 à 53.1

Introduction historique

Le Prophète, ayant parlé, en général, de tout le peuple des Juifs, en vient maintenant au principe dont dépendait tout ce qu’il a dit avant. Car leur rédemption n’était fondée sinon en notre Seigneur Jésus-Christ, comme aussi c’est en lui que toutes les promesses de Dieu sont accomplies. Or déjà, de longtemps, le Rédempteur avait été promis; mais quand il semble que la lignée de David est totalement éteinte, l’espérance des fidèles pouvait aussi être abolie. Il était dit que Dieu établirait toujours un Roi, et l’assiérait sur le siège de David et que, tant qu’il y aurait soleil et lune au ciel, ce Royaume-là serait maintenu et conservé, et quand le monde entier devrait périr, il y aurait là une fermeté si grande qu’on verrait bien que c’était un Royaume pleinement dédié à Dieu. Là-dessus, néanmoins, il s’affaiblit, voire tantôt après et petit à petit, il s’en va en décadence, au point que l’avant-dernier Roi est emmené captif, toute la lignée royale est transportée et quasi retranchée5 [8]. Le dernier (roi) qui est créé à la fantaisie d’un homme incrédule et ennemi de toute religion, encore finalement s’étant rebellé contre lui, est pris: on lui crève les yeux, on lui fait son procès, on meurtrit ses enfants et il est condamné avec un mépris souverain6 [9]. Le Temple et toutes les maisons sont brûlées. Que pouvait- on estimer là-dessus? Il fallait bien que les Juifs fussent assurés par le Prophète que Dieu aurait finalement pitié d’eux et qu’il les ramènerait de leur captivité; il fallait bien qu’il leur montrât que ce qui avait été dit anciennement à Abraham n’était pas vain: qu’en sa semence, toutes les nations de la terre seraient bénies, mais qu’il y aurait un Roi issu de la lignée de David, dont l’empire n’aurait nulle fin, mais serait éternel.

Voilà donc pourquoi Esaïe, maintenant, restreint son propos à la personne de notre Seigneur Jésus-Christ afin, dis-je, que ce qu’il a déclaré ci-dessus de la rédemption et du retour du peuple soit tenu pour certain et infaillible.

Voici mon serviteur,

Il prospèrera;

Il montera, il s’élèvera,

Il sera très haut placé.

De même que tu as été pour beaucoup un sujet d’effroi,

De même son aspect n’était plus celui d’un homme,

Son apparence n’était plus celle des fils d’Adam. (52.13-14)

Pourquoi le Christ est-il appelé Serviteur de Dieu?

Nous avons vu ci-dessus que notre Seigneur était appelé Serviteur de Dieu, en tant qu’il s’est soumis en toute obéissance à cause de notre salut, lui qui était le Seigneur de gloire, le chef des anges, devant lequel tout genou se devait ployer7 [10]. Quand donc ce nom de Serviteur lui est attribué, connaissons que c’est parce qu’il a vêtu notre nature, et qu’en celle-là il s’est voulu non, seulement humilier, mais anéantir totalement, car il fallait bien que nos transgressions et iniquités fussent réparées par son obéissance et, comme il dit aussi à Jean-Baptiste, il fallait qu’il accomplît toute justice8 [11]. Ainsi voilà comme notre Seigneur Jésus- Christ, quoique toute majesté lui appartienne et qu’il soit Dieu éternel, ne laisse pas, en tant qu’il a vêtu notre, chair et qu’il s’est conformé à nous, d’être en degré inférieur. Et en cela il n’y a nulle contradiction. Car bien qu’en sa nature divine rien ne soit changé, cependant si nous le considérons comme médiateur entre Dieu et nous, il faut qu’il s’abaisse, comme il est dit aussi qu’il a été fait sous la Loi9 [12] bien, qu’il n’en fût point débiteur et qu’il fût lui-même celui qui doit gouverner et auquel toute sujétion doit être rendue; mais il s’est mis en ce rang-là pour nous affranchir du joug qui nous était insupportable. Car la Loi nous était un fardeau pour nous abîmer, sinon d’autant que notre Seigneur Jésus l’a porté et nous en a affranchis par ce moyen.

Christ est aussi notre serviteur

Et nous ne devons point trouver étrange qu’il soit appelé Serviteur de Dieu, vu qu’il n’a point refusé d’être également le nôtre, ce qui est bien plus! Car si nous regardons notre condition, il n’y a que vanité; nous sommes de pauvres vers de terre; même le diable et le péché dominent sur nous! Et néanmoins, voilà le Fils unique de Dieu qui s’abaisse jusqu’à s’employer à notre service, comme saint Paul en parle: «Il est serviteur, dit-il, de la circoncision.»10 [13] Au reste, notamment le Prophète a usé de ce mot afin que nous sachions que tout ce qui est ici raconté de lui est pour le bien et pour le salut commun de toute l’Eglise. Or il faut regarder à quoi Jésus-Christ a été appelé: c’est pour être le Rédempteur de tous fidèles et de tous élus de Dieu. Puisqu’ainsi est donc la charge qui lui a été commise et que sa vocation est telle, ne doutons pas que tout ce qui est déclaré de sa personne ne nous soit commun et que le profit ne nous en revienne de ce que nous verrons ci-après. Voilà donc quant à l’intention du Prophète.

Malgré son abaissement, Christ sera exalté

Or il dit que Jésus-Christ, étant appelé à cet office de sauver tous les siens, prospérera, qu’il sera exalté et magnifié à merveilles. Ceci est pour armer les fidèles contre la tentation qu’ils pouvaient avoir avant que Jésus-Christ apparût en sa gloire et en sa majesté, c’est-à-dire avant que lui, qui est le Dieu éternel, plein de gloire, fût manifesté en chair. Car, quand les Juifs sont transportés en Babylone (comme déjà nous avons dit), il n’y a plus de dignité en la lignée de David: tout cela est raclé. Il est vrai que quand quelque portion retourne11 [14], il y a Zorobabel qui est tenu pour capitaine et chef12 [15]; mais, il n’y a nul diadème royal: il n’y a sinon quelque réputation d’honneur, d’autant que le peuple retient toujours quelque révérence envers cette maison de David. Voilà, dis-je, Zorobabel qui est obéi: et pourtant ce n’est pas qu’il y ait nulle apparence d’Empire. Il fallait donc que les fidèles fussent munis contre une telle tentation, et que Dieu les assurât que le Rédempteur sortirait, et que quand la terre se devrait ouvrir, et tous les abîmes, pour lui donner issue et pour s’élever en haut, néanmoins il fallait bien que la chose advînt.

Ainsi il n’y a doute que le Prophète ne fasse ici comparaison entre deux choses opposées: c’est que Jésus-Christ devait être longtemps comme caché, voire comme plongé au profond des abîmes, et même, quand il viendrait, qu’il n’aurait pas grande pompe pour être prisé des hommes; mais, tout au rebours, qu’il serait rejeté ou qu’il serait si méprisable qu’on penserait que jamais le salut du peuple ne dût être accompli par son moyen. Mais il n’en sera pas moins exalté.

Et cela est encore mieux exprimé quand le Prophète dit qu’il a été défiguré par-dessus tous les hommes et qu’on n’y a connu nulle forme, comme s’il n’était pas digne d’être mis au rang des créatures, mais qu’on le dût tenir pour détestable et avoir horreur de son seul aspect. Voilà donc à quoi le Prophète prétend quand il dit que Jésus-Christ est élevé. Ce sont deux choses qui sembleraient, de prime abord, être contraires et qu’on tiendrai pour incompatibles: à savoir que Jésus-Christ ne soit point connu, qu’on le cherche et qu’on ne le trouve point; et que, quand on le verra, qu’il soit rejeté, qu’on ne trouve rien en lui digne de quelque réputation; et qu’en même temps, Dieu l’élève, le magnifie et l’exalte au point qu’il dépasse tout ce que nous pouvons concevoir de sa majesté en ce monde. On ne dira pas que ces deux choses-là se pussent accorder, non plus que le feu et l’eau! Néanmoins, le Prophète dit qu’il faut espérer que Dieu y besognera en sorte que les petits commencements n’empêcheront pas que la perfection ne vienne à son but. Et voilà pourquoi aussi il dit qu’il sera élevé, qu’il sera exalté et avancé en haut à merveilles; car, cette tentation était difficile à vaincre. Et ce n’est pas assez que Dieu nous déclare aussi, en un mot, ce qu’il, veut faire mais, quand nous apercevons des résistances et qu’il semble que ce que Dieu a prononcé soit impossible, il faut que nous soyons confirmés, que nous ayons de quoi pour surmonter tout ce qu’on peut objecter à l’encontre et tout ce qui nous pourrait empêcher d’ajouter foi à la promesse de Dieu. Ainsi donc, c’est autant comme si le Prophète disait: «Mes amis, attendez que Dieu élève le Rédempteur, car il le fera.» Et si nous répliquons: «Voire, mais comment? Car les moyens sont trop étranges!» – «N’en doutez point! Car il y a une puissance en Dieu qui nous est cachée. Mais, quoi qu’il en soit, si vous en doutez, si vous êtes dans l’hésitation, si vous entrez en contestation avec vous-même, quand ce seul mot ne vous suffira, résistez à toutes ces imaginations, restez fermes, méprisez toute votre incrédulité et prenez cette résolution que, quoi qu’il en soit, Dieu besognera au-delà de votre attente, au-delà de votre opinion et vos sens!»

Voilà donc ce que le Prophète a prétendu, usant de ces, trois mots, voire quatre, qui signifient une même chose. Et il le montre bien en disant qu’il a été défiguré et qu’on n’a pas daigné le regarder parce qu’il n’y avait ni beauté, ni forme en lui, mais qu’il était comme retranché de la compagnie des hommes, et qu’il n’était pas digne d’être mis parmi les créatures mortelles. Or ceci sera encore plus complètement expliqué avec le temps, car cette même sentence sera réitérée pour déclaration plus ample. Mais quoi qu’il en soit, déjà le Prophète montre que les Juifs, en attendant leur Rédempteur, devaient fermer les yeux à tout ce qu’on a accoutumé de chercher, et donner lieu à la foi pour se tenir certains de la bonté de Dieu, bien que tout répugnât à leur opinion. Et ceci n’est pas seulement dit de la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, mais de tout le cours de son Evangile et de tout l’ordre qu’il tient à maintenir et gouverner ses fidèles. Si donc nous voulons être assurés de notre salut en Jésus- Christ, il faut en premier lieu que nous n’ayons point honte de ce qu’il a été ainsi défiguré selon les hommes, et qu’étant envoyé dans le monde, il a été considéré comme exécrable et maudit; et ensuite que son Evangile a été aussi exposé à tout opprobre, comme encore aujourd’hui nous le voyons. Car, si nous avons honte de recevoir notre Seigneur Jésus-Christ crucifié, il est certain que nous sommes exclus de toute espérance de salut. Car, comment est- ce que nous sommes sauvés par lui? Comment est-ce que l’héritage des cieux nous appartient, si ce n’est qu’il a été fait malédiction pour nous, et qu’il n’a pas été seulement maudit devant les hommes, mais par la bouche de Dieu son Père? Voilà comment Jésus-Christ, qui est la fontaine de toute bénédiction, a néanmoins porté nos péchés et a été semblable aux sacrifices anciens, qui étaient appelés péchés, parce qu’il fallait que la colère de Dieu fût là déclarée, et que les hommes en fussent affranchis et absous. Et comment est-ce que Jésus-Christ est notre vie, si ce n’est qu’il a englouti la mort en mourant? Et comment est-ce que nous sommes élevés par lui, si ce n’est qu’il est entré jusqu’aux abîmes de l’enfer, c’est-à-dire qu’il a supporté les horreurs qui étaient sur nous à cause de nos péchés, desquelles nous eussions été accablés? Car il fallait que nous eussions toujours Dieu pour notre juge, et c’est une chose si épouvantable que rien ne saurait en surpasser l’horreur! Il a fallu que Jésus-Christ soit entré là comme notre caution et celui qui devait payer pour nous et supporter notre condamnation pour nous en absoudre. Ainsi donc, ne trouvons point étrange, quand nous voyons qu’il a été ainsi défiguré!

Fions-nous à la sagesse de Dieu

Et si cela était folie à notre sens que nous connaissions, comme dit saint Paul13 [16], que la folie de Dieu surmonte toute la sagesse du monde. Il appelle folie de Dieu ce que notre Seigneur Jésus a été ainsi abattu, car si les hommes veulent ici tirer une conclusion conforme à leur opinion, il est certain qu’ils diront que c’est une chose absurde. Et comment? Que celui qui doit être adoré au ciel et sur la terre soit exposé à un tel opprobre? Et à quel propos? Voilà donc comment les hommes, selon leur arrogance et leur présomption, condamneront toujours avec une témérité et audace, si grandes que rien plus, tout ce que Dieu fait pour leur rédemption! Mais cependant Dieu, en son conseil, montrera qu’il a plus de sagesse que tous les hommes ne pourraient concevoir. Il s’ensuit qu’en premier lieu nous tenions cela tout résolu: que si notre Seigneur Jésus a été méprisable, et que non seulement il se soit abaissé pour nous, mais qu’il se soit anéanti totalement – comme saint Paul en parle14 [17] – que nous ne laissions pas de lui attribuer l’honneur qui lui appartient; car sa gloire n’a pas été amoindrie pour cela, bien qu’elle n’ait pas été connue de tous mais sa bonté a eu tant plus grand lustre. Et aussi nous devons être ravis d’étonnement en voyant que le Fils de Dieu n’a pas refusé d’être comme défiguré, lui qui est comme l’image de Dieu son Père, et le tout afin que cette image fût réparée en nous. Car il est certain que nous sommes si remplis de souillures qu’en comparaissant devant Dieu, il faut que nous soyons rejetés jusqu’à ce que notre Seigneur Jésus nous imprime sa marque en laquelle nous puissions venir pour être

agréables à Dieu et pour trouver faveur devant lui. Ainsi, quand il nous est dit qu’il a été défiguré, regardons à nous et connaissons qu’il fallait bien qu’il reçût toutes nos taches et souillures, afin que nous en fussions purgés et nettoyés, et que, maintenant, nous n’apportions au jugement de Dieu sinon justice et sainteté, que nous n’aurions point si Dieu ne nous les communiquait en Jésus-Christ.

Considérons attentivement le but

De même il purifiera par l’aspersion beaucoup de nations,

Devant lui des rois fermeront la bouche;

Car ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté,

Ils comprendront ce qu’ils n’avaient pas entendu. (52.15)

Or là-dessus il ajoute que les rois même fermeront leur bouche quand il aura été ainsi exalté, et quand ils verront un tel changement, lequel jamais les hommes n’eussent pensé. Il montre donc ici qu’il ne faut pas juger superficiellement quand nous voyons que notre Seigneur Jésus s’est ainsi humilié et même anéanti, mais qu’il faut regarder la fin et à quoi Dieu le Père l’a amené: c’est qu’un Nom lui a été donné, souverain par-dessus tout, si bien, qu’il faut que tout genou soit ployé devant lui, comme saint Paul le dit au chapitre 2 des Philippiens15 [18]. Car, quand il nous a exhortés à la modestie et montré que nous ne devons pas nous priser, il nous propose le miroir et modèle de notre Seigneur Jésus-Christ. «Celui, dit-il, qui est le vrai Dieu, et auquel ce n’eût pas été rapine s’il était apparu en sa gloire céleste, s’est anéanti et a pris l’état et la condition d’un serviteur; et même il a voulu être crucifié et n’a point refusé cette mort si ignominieuse et maudite, voire devant Dieu et devant les hommes; et le tout afin de porter sur soi tout ce qui nous était dû. Or maintenant pour cette cause, dit-il, le Père l’a exalté et lui a donné un Nom tel qu’il faut que toutes créatures lui fassent hommage et en haut et en bas, et que tous confessent que vraiment il est en la gloire de Dieu son Père; et que si nous voulons contempler quelle est la majesté de Dieu pour le glorifier selon qu’il en est digne, il nous faut venir à notre Seigneur Jésus-Christ.»

Voilà, en somme, ce que le Prophète a voulu dire: le fait qu’il a été abaissé ne doit pas nous empêcher de croire en Jésus-Christ, et de mettre tout notre cœur en lui; mais, il faut que nous regardions quelle en a été la fin, et, quand nous parlons de sa mort, que nous venions immédiatement à sa résurrection, et conjoignions le tout; car ce sont deux choses inséparables, que Jésus-Christ a voulu souffrir en l’infirmité qu’il avait prise de nous, et qu’il est ressuscité par la puissance de son Saint-Esprit, et qu’en cela il s’est déclaré le vrai Fils de Dieu, comme saint Paul le dit tant en la Première à Timothée qu’en la Seconde aux Corinthiens, et puis au premier chapitre des Romains16 [19]. Et voilà à quoi aussi le Prophète a prétendu en ce passage. Or, nous avons dit qu’on ne voit point seulement cela en la personne de notre Seigneur Jésus- Christ, mais aussi en son Evangile. Car comment est-ce que Jésus-Christ a été connu, et quelle obéissance le monde lui a-t-il rendue quand l’Evangile s’est prêché? Nous voyons que ceux auxquels il avait donné toute autorité, non seulement ont été moqués et condamnés par les hommes, mais qu’on les a battus et fouettés, et finalement fait mourir ignominieusement.

Devant Dieu, taisons-nous!

Puisqu’il en est ainsi, que nous surmontions tels scandales, et qu’étant armés de ce qui est ici dit par le Prophète, nous regardions la fin à laquelle notre Seigneur Jésus est parvenu, pour clore nos bouches, c’est-à-dire pour être étonnés et n’avoir aucune réplique, comme nous voyons que les incrédules jargonnent. Or, c’est bien cela que nous voyons, et jamais ne peuvent venir à notre Seigneur Jésus-Christ pour lui faire hommage, d’autant qu’ils ont quelque raison, leur semble-t-il, pour disputer à l’encontre! Mais, il nous est ici dit que quand nous regardons bien à quoi notre Seigneur Jésus est parvenu, et quels ont été la fin et le fruit de sa mort et de sa passion, lesquelles il a endurées pour notre salut, qu’alors notre bouche soit close. Car, quand l’Ecriture parle ainsi, elle signifie une considération des œuvres de Dieu toute rassise et posée; cependant que les hommes ont la bouche ouverte – comme j’ai déjà touché – ils veulent entrer en contestation, alléguer leurs raisons, au point que Dieu soit là laissé, et que tout ce qu’il a fait soit comme rejeté. Mais quand il est dit que toute bouche se taise pour faire silence devant Dieu17 [20], c’est pour montrer que nous devons avoir tous nos sens domptés et captifs, voire même tenir nos langues bridées pour confesser paisiblement que Dieu mérite d’être glorifié en la personne de son Fils unique. Et si cela est dit des Rois, que sera-ce du commun populaire?

La croix est notre gloire

Il nous faut donc bien retenir l’ordre que met ici le Prophète, car il avertit qu’il fallait que notre Seigneur Jésus fût comme défiguré et que le monde le rejetât. Puisque nous sommes avisés de cela par le Saint-Esprit, que nous ne le trou vions point étrange, et que nous ne laissions pas de l’embrasser avec une vraie foi! Et bien que, de prime abord, sa croix (qui est un gibet détestable, selon les hommes) nous pût détourner, et que ce fût pour nous aliéner totalement de lui, néanmoins que nous ne laissions pas de chercher là toute notre gloire, à savoir en Jésus-Christ crucifié. Et que nous ne soyons point arrêtés à ce qu’il a souffert, pour concevoir seulement en lui cette ignominie à laquelle il s’est volontairement assujetti pour nous; mais, que nous conjoignions la résurrection avec la mort et connaissions qu’étant crucifié, il est néanmoins assis comme Lieutenant de Dieu son Père, pour exercer l’Empire souverain et pour avoir toute puissance tant au ciel que sur la terre. Et voilà pourquoi il est dit qu’il sera exalté.

Le péché et le diable sont vaincus

Il est vrai que le fait qu’il a été élevé au gibet, c’était un opprobre selon les hommes! Mais pourtant le Prophète se moque bien du diable et méprise le monde entier en disant qu’il sera exalté vraiment, et que quand il aura été exposé à telle ignominie, que chacun lui aura tiré la langue et dégorgé contre lui ses blasphèmes et ses vilenies, toutefois il est assis en son siège, comme nous avons déjà allégué du passage de saint Paul18 [21]. Et, en un autre lieu, notamment19 [22], il dit que la croix, bien qu’auparavant ce fût un gibet plein d’infamie, a été comme un chariot triomphant, et que Jésus-Christ, non seulement a vaincu là le diable, mais qu’il a montré que nous pouvons maintenant nous glorifier, en tant que nous sommes absous de toute condamnation, que le péché n’a plus nulle puissance sur nous, et que tous les diables de l’enfer sont déboutés de tout ce qu’ils pourraient prétendre à notre encontre.

Résumé

Voilà donc, en somme, comment nous devons monter, par la foi, à la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, afin que nous n’ ayons point honte de chercher notre salut en sa croix, notre bénédiction en sa malédiction, notre vie en sa mort, et puis notre gloire en ce qu’il a été exposé à une telle ignominie, et notre joie en ce qu’il a eu tant d’angoisse qu’il en a sué du sang et de l’eau. Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage.

Christ arrosera toutes les nations

Or notamment le Prophète dit qu’il arrosera (plusieurs peuples). Il est vrai que, par similitude, ce mot ici signifie aussi bien : faire parler. Mais quand tout sera bien regardé, on trouvera que le sens naturel du Prophète est que Jésus-Christ arrosera toutes nations, c’est-à-dire : bien qu’il soit un tronc de bois sec et stérile, tout le monde n’en sera pas moins arrosé de sa puissance. Bref, il montre que Dieu besognera d’une façon incompréhensible, et qu’il ne fallait pas que les Juifs s’attendent à quelques moyens humains, mais espèrent que Dieu surmonterait tout ce que les hommes peuvent penser. Car, quand on nous parle de miracles, il faut que nos sens défaillent; et quand on nous parle de mystères, c’est-à-dire de secrets, il faut que nous connaissions que nous ne sommes pas des juges compétents, ni des arbitres pour dire: «Il faut qu’il en soit ainsi!», mais que nous avons à adorer ce qui ne peut entrer en notre tête, dont la raison nous est inconnue. Voilà donc, en somme, ce que nous avons encore à retenir.

Laissons-nous arroser

Or maintenant cette admonition nous concerne: comme je l’ai déjà dit, souffrons d’être arrosés de notre Seigneur Jésus-Christ; et bien qu’il soit apparu comme stérile et qu’on ne trouvât en lui rien qui soit digne de réputation, toutefois quand il se présentera à nous et qu’il en voudra approcher, que nous ne le repoussions point par notre incrédulité, mais que nous lui donnions plutôt accès par la foi. Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de cette doctrine du Prophète.

Par l’Evangile,Christ est le Sauveur du monde

Au reste, il ajoute comment le monde entier sera arrosé de notre Seigneur Jésus-Christ: c’est par la prédication de l’Evangile. Car ceux, dit-il, auxquels il n’avait point été raconté, l’entendront, et ceux qui n’avaient entendu, entendront. Ici, le Prophète amplifie son propos, montrant que notre Seigneur Jésus serait envoyé de Dieu son Père, non pas seulement pour les Juifs – quoiqu’il leur ait été expressément promis – mais qu’il sera Sauveur du monde entier. Or que le sens du Prophète soit tel, saint Paul le déclare au chapitre 15 des Romains20 [23], appliquant ces mots à ce qu’il était envoyé par les pays étrangers, et qu’il avait couru çà et là, remplissant toutes les régions de l’Evangile, là où jamais on n’avait parlé de Dieu; et non seulement il prêchait parmi les Juifs, mais aussi parmi les païens. Nous voyons donc à quoi le Prophète a tendu, et ce passage doit être pour nous comme une clef pour nous donner accès au Royaume de Dieu. Car si Jésus-Christ n’avait été promis qu’à la lignée d’Abraham, de quoi nous profiterait-il? Bien qu’il fût Sauveur et Rédempteur, cela nous serait inutile; nous n’y aurions ni part ni portion! Mais d’autant qu’il a été prédit, si longtemps avant qu’il ait été envoyé, qu’il arroserait tous les peuples; voire, parce que ceux qui auparavant n’avaient point entendu, entendront, et ceux auxquels il n’avait point été raconté, l’orront, connaissons que notre Seigneur nous a adoptés, quand Jésus-Christ est venu au monde, et qu’il a accompli ce qui était requis et nécessaire à notre salut, de sorte que la doctrine de l’ Evangile est maintenant comme une pluie pour nous,donner vigueur céleste, au lieu que nous sommes totalement stériles; et parce que nous sommes affamés et vides de la grâce de Dieu, il faut que nous recevions de quoi être nourris et rendus vivants par la doctrine de l’Evangile, et que nous sentions ce que vaut et en quoi nous profite la mort qu’a souffert notre Rédempteur et que sa vie est la perfection de notre joie.

Or il est certain que le Prophète n’a point voulu ici parler des Juifs qui, dès leur enfance, étaient nourris et accoutumés en la Loi, mais, a compris les nation étrangères qui auparavant n’avaient sinon toutes superstitions et idolâtries. Car le Dieu d’Israël était débouté de tout le monde, on le méprisait; et les païens avaient la vraie religion en moquerie. Or il est dit que ceux-là orront, et ayant ouï, qu’ils entendront. Par ces mots, le Prophète montre d’où vient la foi, à savoir de l’ouïe de la parole de Dieu; mais cependant il signifie aussi que ce n’est pas le tout que nous ayons les oreilles battues de la prédication de l’Evangile, si l’intelligence n’y est pas conjointe.

Qui a cru à ce qui nous était annoncé?

A qui le bras de l’Eternel s’est-il révélé? (53.1)

Dieu ne sera pas écouté de tous. Beaucoup ne croiront pas!

Or cela n’est pas donné à tous! Il faut donc restreindre cette sentence aux élus de Dieu et à ceux qui sont renouvelés par le Saint-Esprit, comme aussi il le déclare plus expressément en ce qu’il ajoute: Qui croira à notre doctrine? Et sur qui le bras du Seigneur sera-t-il révélé ou déployé? Ici, le Prophète s’arrête au milieu de son propos et, comme en s’étonnant et étant émerveillé, il s’exclame! Et c’est un passage qui est bien digne d’être noté. Nous avons vu qu’il exhortait les fidèles à la magnanimité et la constance, disant en quelque sorte: «Mes amis, ne soyez ébahis si, en votre Rédempteur, il n’y a nulle dignité et qu’il ne soit point prisé du monde, mais plutôt que chacun lui crache au visage, et qu’on le méprise, et qu’on l’ait même en exécration! Que pour tout cela, vous ne soyez point dégoûtés de lui! Car Dieu l’a ainsi ordonné. Et, cependant, vous voyez la fin: c’est qu’étant retiré des abîmes de mort, il a été exalté en haut, pour avoir autorité sur toute créatures. Ainsi donc ne vous lassez pas d’adorer ce Rédempteur qui s’est ainsi humilié pour votre bien.» Et, de fait, il le compare à la pluie, et dit que Dieu arrosera ceux qui jamais n’avaient rien entendu de vérité, qui avaient été comme pauvres bêtes brutes. Ceux-là, dit il, seront enseignés et seront faits participants du salut qui a été acquis, et l’Eglise de Dieu sera répandue par tout le monde, de sorte que ceux qui auront blasphémé contre la pure doctrine, auront la bouche fermée, sinon pour confesser avec toute révérence et sobriété qu’il n’y a que le Dieu d’Israël qui doive être honoré, et que son Fils unique, qui est l’image expresse de sa gloire et de sa, majesté, doit être reçu pour lui faire hommage. Les rois mêmes, bien qu’ils soient aveuglés en leur orgueil, seront contraints, de s’humilier, et il faudra qu’ils se rangent en toute obéissance. Voilà les propos bien magnifiques que le Prophète a tenus.

Et, maintenant, il prévoit que quand l’Evangile sera prêché par tout le monde, les uns s’en moqueront, les autres s’y opposeront, les autres n’y prendront nul goût, les autres demeureront stupides, les autres, par hypocrisie, mentiront à Dieu et auront quelque apparence d’obéissance à la doctrine, mais ce ne sera que faux semblant. Le Prophète donc, voyant le monde ainsi adonné au mal et prévoyant que Dieu ne sera point écouté, que sa Parole ne sera point reçue avec la révérence qu’elle mérite, se trouve émerveillé et s’écrie: Qui croira à notre doctrine? Comme s’il disait: « Hélas, je prêche ici le salut du monde, et tout est désespéré et perdu à moins que ce remède-ci soit donné; c’est à savoir que Dieu envoie son Fils unique, lequel bataillant contre le diable et la mort, nous acquiert, par ce moyen, justice et vie, car cette doctrine doit arroser le monde entier; autrement nous, sommes stériles; il n’y a que sécheresse et pauvreté en nous! Cependant Dieu, n’attend pas que nous demandions qu’il nous arrose, mais il vient au devant de nous, et s’offre libéralement et nous présente là son Fils unique avec sa doctrine. Et, en cela, il se montre digne d’amour qu’il doit bien être reçu sans aucun contredit. Même chacun ne devrait-il pas être enflammé d’un tel zèle, qu’il méprise tout le reste pour embrasser ce Rédempteur qui est apparu? Or, tant s’en faut que cela se fasse, qu’à grand peine y en a-t-il la dixième partie de ceux qui entendent qui soient touchés à bon escient!»

Le témoignage de l’expérience

Et de fait, l’expérience montre que les uns se moquent, car ce sont des dénigreurs de Dieu, qui n’ont ni foi ni religion pas plus que des chiens, et tiennent pour une fable tout ce qui leur est prêché sur la vie éternelle. Les autres ne se contentent pas d’avoir la Parole de Dieu en tel mépris, s’ils ne vont encore plus loin, car ils sont enflammés d’une rage et d’une furie contre la parole de Dieu. D’autre part, il y a les uns qui blasphèment à pleine gorge, les autres ne demandent qu’à s’en tenir à ce qu’ils ont conçu en leur cerveau. Après, on en verra beaucoup de stupides qui ne sont émus nullement et ne peuvent être touchés non plus que des pierres; les autres, encore qu’ils aient quelque belle apparence de piété, sont menteurs et parjures; il n’y a que perfidie en eux et hypocrisie. Nous voyons cela! Et quand le Prophète ne l’aurait pas dit, ouvrons les yeux et nous le trouverons être accompli. Et n’est-ce pas une chose épouvantable et monstrueuse? Cela est bien certain!

Gardons nous d’être incrédules!

Or, ici, nous pourrions être fort scandalisés, et même ce nous serait comme une barrière pour nous empêcher de venir à l’Evangile, quand nous regardons ce que fait le monde, et nous dirions: «Et comment? La parole de Dieu doit être le souverain bien et la félicité des hommes, comment est-ce qu’elle est ainsi rejetée? Et puis, comment Dieu souffre-t-il qu’on se moque ainsi de lui et qu on lui résiste, et qu’il ne se fasse point ouïr, qu’il ne se fasse point donner le crédit qui lui appartient?» Voilà comme nous sommes tentés de ne point croire à l’Evangile. Voire! Comme si l’infidélité des hommes dérogeait à la vérité de Dieu et amoindrisse l’honneur qui lui appartient! Ainsi, non sans cause, le Prophète Esaïe a entrelacé cette sentence. Car s’il eût simplement dit ce que nous avons vu plus haut, c’est que le monde entier devait être arrosé de notre Seigneur Jésus-Christ, et que la doctrine de l’Evangile devait avoir son étendue partout, et que les rois devaient lui être assujetti, maintenant nous dirions: «Ho, ce n’est pas pour notre temps que le Prophète Esaïe a parlé, car nous voyons tout le contraire! Au lieu que la terre soit arrosée pour obtenir le salut, nous voyons qu’il y a un déluge de toute iniquité; nous voyons que les hommes sont comme abrutis avec une rébellion infernale pour rejeter tout ce qui est de Dieu. On voit, bref, que l’Evangile est si mal reçu que c’est une horreur! Puisqu’il en est ainsi, ce que le Prophète a dit ne doit pas être encore vérifié.» Or cela, comme j’ai dit, serait pour renverser notre foi. Mais quand il conjoint cette sentence avec ce que nous avons vu ci-dessus: c’est que cependant que Dieu envoie la pluie pour vivifier les hommes, il ne fait pas cette grâce spéciale de son Saint-Esprit à tous de recevoir ce qu’il dit, mais qu’il y en aura la plupart d’incrédules qui auront les oreilles bouchées, ou bien s’endurciront et seront tant plus envenimés à mal que les autres ne tiendront pas compte du bien inestimable qui leur est communiqué. Quand donc le Prophète a déclaré toutes ces choses, et que nous le voyons, il ne faut plus que nous en soyons, étonnés: mais que plutôt notre foi en soit confirmée. Voilà donc, en somme, ce que nous avons à retenir.

Travaillons à notre salut

Et ainsi, faisons notre compte que jamais le monde ne sera si bien converti à Dieu, qu’il n’y ait la plupart qui seront possédés de Satan et qui demeureront là stupides, et qui aimeront mieux périr que de recevoir le bien qui nous est présenté. Et il y en a diverses espèces, comme nous avons dit: les uns seront stupides, les autres auront une fierté pour se moquer de Dieu, et une folle outrecuidance pour condamner tout ce qui est contenu en l’Evangile; les autres seront enveloppés dans les sollicitudes de ce monde, ils seront préoccupés de leurs finesses et tromperies au point qu’ils ne goûteront rien de ce qui est du ciel; les autres seront abrutis au point qu’on ne peut pas entrer jusqu’en leur esprit, pour leur montrer une doctrine. Quand donc nous voyons tout cela, faisons notre compte, bien que l’Evangile se prêche et que la voix de Dieu résonne et retentisse partout, néanmoins que beaucoup de gens demeureront tels, qu’ils étaient et ne changeront point, et toute doctrine leur sera comme morte. Voilà pour ce point. Et ainsi nous voyons le nombre des croyants être petit, il reste que pour cela nous ne soyons point débauchés, mais plutôt nous connaissions que Dieu accomplit ce qu’il a prononcé de sa bouche, et cependant nous devons être tant plus sollicités à nous recueillir comme sous les ailes de Dieu. Quand, aujourd’hui, le monde est plein de malice et de rébellion, il est vrai que nous devons craindre, et il nous faut cheminer en plus grande sollicitude. Car si tous étaient bien disposés à servir Dieu, nous aurions, de tous les côtés, des exemples qui seraient assez nombreux pour nous inciter à, vaillamment, nous y employer de notre côté. Mais quand il est dit que la plupart de ceux auxquels l’Evangile sera prêché seront comme des diables et qu’on ne trouvera partout que débauchements, au point qu’il semblera que le monde ait conspiré de nous aliéner pleinement de Dieu, alors nous avons bien occasion de cheminer en crainte. Car si nous n’étions miraculeusement préservés de Dieu, que serait-ce? Ainsi donc, quiconque voudra adhérer à l’Evangile, qu’il s’apprête à résister à tous les scandales et que, quand il ne verra pas que les autres fassent leur devoir, que pour cela il ne soit détourné, mais quand nous verrons tout le monde fouler aux pieds la Parole de Dieu, que nous y soyons adonnés ; et non seulement cela, mais que d’autant plus nous mettions peine de nous ranger à notre Dieu, quand nous verrons que les scandales et les mauvais exemples nous pourraient détourner de lui, que nous demeurions en l’intégrité où Dieu nous appelle.

Voilà donc ce que nous avons à retenir sur ce que le Prophète s’écrie ici en disant: «Qui est-ce qui croira à notre ouïe?» Car il présuppose que le nombre en sera clairsemé, et que quand l’Evangile sera publié partout, si on regarde combien en ont profité, on en trouvera bien peu qui aient une racine vive et qui se soient réduits et réformés, qui changent de vie, qui renoncent à eux-mêmes pour se dédier pleinement à Dieu; on verra, dis-je, que le nombre de ceux-là sera petit. Mais cependant il ajoute la cause que nous ne pouvons pas maintenant exposer, à savoir qu’en cela, il nous faut aussi noter que la foi est un don spécial de Dieu, et que ce n’est pas le tout d’avoir la doctrine et que nous en ayons les oreilles rebattues: mais qu’il faut que Dieu nous touche, et qu’il besogne en nous d’une puissance secrète, de sorte que nous soyons attirés à lui, et que nous soyons édifiés par la prédication que nous avons ouïe.

Comme il ne nous est pas possible d’en achever à présent l’exposition, aussi nous le réserverons pour un autre jour.

Deuxième sermon

ÉSAÏE 53. 1-4

Qui a cru à ce qui nous était annoncé?

A qui le bras de l’Eternel s’est-il révélé? (53.1)

Avec l’Evangile, il est nécessaire que Dieu nous révèle sa puissance

Nous avons commencé à traiter le point suivant: quoique l’Evangile doive être publié par tout le monde, toutefois il sera très mal reçu de la plupart: et le Prophète l’a ainsi déclaré, afin que les enfants de Dieu ne s’étonnent point, voyant l’incrédulité de ceux qui avaient les oreilles rebattues de la doctrine du salut, et néanmoins ne la voulaient nullement accepter. Car c’est une chose étrange que Dieu appelle à lui les hommes et tâche de les gagner de la façon la plus humaine et la plus gracieuse du monde, et que, néanmoins, les hommes se détournent de lui, et qu’à leur escient, ils refusent de venir au salut qui leur est ainsi présenté. Il semble que cela soit impossible! Or, nous le voyons toutefois par expérience. Voilà pourquoi le Prophète s’écrie, quand Dieu, comme à son de trompe, voudra publier son Evangile, que néanmoins il n’y aura qu’un petit nombre de croyants. Il en ajoute la raison: il faut bien que Dieu révèle sa puissance pour donner la foi à ceux qui, de leur sens naturel, seraient toujours incrédules. Qui est cause que nous voyons beaucoup de gens rejeter l’Evangile, qu’il y en a tant qui sont dégoûtés et qui conçoivent un tel scandale, qu’ils aiment mieux ressembler à ceux qui méprisent Dieu que d’approcher paisiblement de lui? Qui est cause, dis-je, de cela, sinon que nous imaginons que la foi est en la puissance d’un chacun? Mais le Prophète nous montre que, quoique Dieu commande que sa Parole soit publiquement annoncée, c’est-à-dire aux bons et aux mauvais, néanmoins, il besogne d’une façon secrète en ses élus, comme s’il leur faisait sentir son bras et sa puissance. Notons bien donc, quand l’Evangile se prêche, que ce sera comme un son inutile jusqu’à ce que notre Seigneur montre que c’est lui qui parle, car il ne fait pas ce bien-là à tous. Voilà donc la puissance de Dieu qui est cachée aux réprouvés! Et ainsi, c’est un privilège que Dieu fait à peu de gens (à ceux qu’il a élus et adoptés pour

parvenir à la vie éternelle), quand il leur déclare que l’Evangile est la doctrine de salut, que c’est une vérité certaine à laquelle il se faut tenir. Voilà, en somme, ce que le Prophète Esaïe a voulu déclarer en ce passage.

Pour croire, dépendons de Dieu et non des hommes

Or, là-dessus, nous avons à être munis et armés contre cet objet que le diable nous met devant les yeux, quand nous voyons tant de gens résister à l’Evangile, voire les plus grands et ceux qui ont quelque réputation dans le monde. Car lors, il nous semble quasi que ce n’est point la Parole de Dieu. Et pourquoi? Nous dépendons par trop des hommes: voilà comment notre foi est ébranlée. Ainsi, surmontons tout ce qui est du monde, et connaissons que quand Dieu parle, nous devons nous assujettir à lui; et même si nul ne nous y tienne compagnie, mais que tous nous fussent ennemis, que nous ne laissions pas pourtant d’accepter en pureté de foi ce que Dieu prononce. Et, au reste – afin de n’être point frappés de stupeur que les hommes soient si pervers de batailler contre leur Dieu, contre celui qui les a créés, celui-là même qui s’est déclaré leur Rédempteur –, que nous sachions qu’il n’est pas donné à tous et que la foi est un don, singulier que Dieu réserve, comme un trésor, à ceux qu’il a élus; et connaissons que notre devoir est d’adhérer à lui, tout en sachant néanmoins que chacun de nous ne s’est point donné la foi de son propre mouvement, mais que Dieu nous a illuminés et nous a donné les yeux par son Saint-Esprit et, ce faisant, nous a déclaré sa puissance, c’est-à- dire nous a donné un sentiment vif en nos cœurs, si bien que nous savons que ce n’est point des hommes que l’Evangile procède, mais de lui. Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage. Bref, méprisons hardiment l’incrédulité et l’obstination de tous ceux qui sont rebelles à Dieu, et allons là où il nous appelle, et acceptons le bien qu’il nous offre, afin que nous ne soyons point coupables de cette ingratitude que le Prophète dénonce et condamne, ici, en tous ceux qui n’obéiront point à la doctrine de l’Evangile. Or, là-dessus, il montre que les hommes ne daignent pas croire à Jésus-Christ parce qu’ils le voient comme défiguré. Nous savons que notre Seigneur Jésus est appelé pierre de scandale et d’achoppement21 [24], du fait que les hommes viennent se heurter contre lui. Cependant, il nous a été donné par Dieu, son Père, pour un autre usage : c’est que nous soyons fondés sur sa grâce et qu’il soit comme une pierre pour nous soutenir tous22 [25], car il n’y a autre appui et fermeté que lui. Nous sommes donc tous en équilibre instable, et même l’enfer est ouvert pour nous engloutir. Ainsi, voilà notre salut qui n’a nul fondement en ce monde, mais il faut que nous soyons appuyés sur notre Seigneur Jésus-Christ. Et voilà pourquoi au chapitre 8 d’Esaïe, quand il est dit qu’il serait mis comme une pierre précieuse et que le Temple de Dieu y serait édifié, une pierre ferme qui serait pour soutenir tout l’édifice, le Prophète ajoute aussi que pour le royaume de Juda et la maison d’Israël, il serait une pierre de scandale.

Il s’est élevé devant lui comme un rejeton

Comme une racine qui sort d’une terre assoiffée;

Il n’avait ni apparence, ni éclat

Pour que nous le regardions,

Et son aspect n’avait rien pour nous attirer.

Méprisé et abandonné des hommes,

Homme de douleur

Et habitué à la souffrance

Semblable à celui devant qui l’on se voile la face,

Il était méprisé,

Nous ne l’avons pas considéré. (53.2-3)

Le dessein de Dieu

Suivant cela, maintenant, il est dit que notre Seigneur Jésus sera comme un petit surgeon, comme une racine venant en terre déserte et stérile, qu’il sera méprisé: on le voit, on ne daignera pas le regarder; que chacun détournera son visage et qu’on l’aura en détestation. Voilà donc pourquoi peu de gens croiront à l’Evangile, car nous cherchons toujours à avoir quelque belle apparence devant nos yeux; nous voudrions que tout reluise. Or, Dieu a procédé d’une autre façon, quand il a voulu nous racheter car – comme dit saint Paul – , d’autant que le monde n’a pu faire son profit de la sagesse de Dieu quand il s’est déclaré Créateur (si bien qu’en regardant le ciel et la terre, on pouvait venir à lui23 [26]), il a changé de méthode et a usé comme d’une espèce de folie pour nous enseigner24 [27]. Car – comme j’ai dit – nous aurions bien dû être enseignés par cette sagesse admirable de Dieu, qui apparaît, haut et bas, à tout le monde; mais nous y avons été étourdis. Dieu a donc usé comme d’une folie, quand il a envoyé son Fils unique, qu’il a assujetti à toutes nos infirmités, qu’il a été rejeté du monde, étant né en une étable; quand toute sa vie, il a été comme un pauvre artisan. Et, à la fin, nous voyons que tous se dressent contre lui; et il y a eu une rage telle qu’il a été en détestation et il a été considéré comme l’ennemi de chacun; et, à la fin, on l’a crucifié. Or, cette mort-là était maudite de Dieu! Et il n’était pas seulement défiguré par les soufflets, les crachats et la couronne d’épines, mais, il a été malédiction quand il, a été pendu, entre deux brigands, comme s’il était le plus détestable qui jamais, eût été et fût connu. Or cette espèce de mort là était effrayante, parce qu’elle était maudite en la Loi. Voilà comme il, a été défi défiguré, car ce moyen ci a tourne en scandale aux hommes. C est pourquoi le Prophète notamment dit qu’on ne. croira point à l’Evangile, parce que les, hommes. ne peuvent concevoir que, cela soit raisonnable, et ne peuvent approuver nullement que le Fils. unique de Dieu, qui est le Seigneur de gloire, soit exposé à tel opprobre et ignominie; ils ne se peuvent accorder à ce conseil éternel de, Dieu, et qui a été de toute éternité. Nous voyons maintenant l’intention du Prophète.

Là-dessus, il dit que, néanmoins, il s’élèvera25 [28]. Si, au commencement, il n’a nulle apparence, Dieu le fera croître, et on le verra à l’œil, dit-il, qu’étant en terre déserte, étant un petit surgeon, il ne laissera pas néanmoins d’être augmenté et de fleurir en toute gloire, car Dieu y mettra la main.

La connaissance de notre péché doit nous faire désirer Christ

Et puis, il nous ramène à nos, pêchés, pour ôter le scandale que nous concevons par la perversité de notre esprit. Afin donc que nous ne refusions pas de venir à notre Seigneur Jésus-Christ, le voyant ainsi défiguré, le Prophète en montre la cause. Car, à la vérité, si nous avons une fois connu nos péchés et que nous ayons appréhendé, en même temps, la colère de Dieu, alors nous viendrons à notre Seigneur Jésus-Christ, et le désir que nous aurons d’être secourus de lui fera que nous serons tant plus enflammés à recevoir sa mort et sa passion, car nous connaîtrons que c’est un remède nécessaire pour le mal qui est en nous. Voilà donc, en somme, l’ordre de pensée que tient ici le Prophète.

Les petits commencements de notre Seigneur

Quand il compare notre Seigneur Jésus-Christ à un surgeon et à une racine qui est en terre déserte et stérile, c’est pour montrer que les commencements seront petits et qu’on n’en tiendra compte; même si tout le monde a cela en moquerie et en risée. Déjà, au chapitre 1126 [29],

il avait comparé notre Seigneur Jésus-Christ à un surgeon, disant qu’il sortirait du tronc d’Israël, qui est le père de David. Comme la maison royale était alors abattue et qu’elle n’avait plus aucune dignité, il disait donc que ce serait comme au temps jadis, où Isaï était un homme champêtre: il avait ses enfants bouviers et pasteurs des champs. Cette maison-là était donc obscure, sans aucune réputation; et puis, elle était comme un tronc d’arbre qui aura été coupé: on marchera dessus et rien en lui ne retiendra la vue. Jésus-Christ donc a été comme un petit surgeon. Mais il est dit ensuite qu’il croîtra de telle sorte qu’il donnera de l’ombre au monde entier. Ici aussi le Prophète montre qu’il fallait que notre Seigneur Jésus fût ainsi méprisé au commencement. Car si cela n’eût été notamment déclaré, on pouvait être scandalisé à bon droit, en voyant la venue de notre Seigneur Jésus-Christ être ainsi méprisable selon le monde. Car il était dit qu’il y en aurait toujours quelques-uns assis sur le siège de David et que cet empire-là resterait florissant tant qu’il y aurait soleil et lune. Or voilà cette maison royale qui est comme rasée et anéantie. Et qui estimera que la promesse s’accomplisse en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ? Car il n’y avait plus apparence qu’elle dût être remise en état. Mais quand il est dit que cette maison-là sera presque réduite à néant et qu’il n’y aura plus aucune prééminence, ni sceptre ni couronne, et même qu’on aura quasi honte de voir une telle ruine et confusion; quand donc tout cela est déclaré par les Prophètes, alors nous sommes bien préparés à contempler le Christ dans son abaissement. Et il ne faut pas que nous soyons étonnés comme d’une chose nouvelle et inconnue, si Jésus-Christ apparaît d’une façon si petite. Et, de fait, ce n’est point seulement en ce lieu que le Saint-Esprit a ainsi parlé. Nous voyons ce qui est dit par Amos27 [30]: Dieu redressera ce siège qui avait été ruiné auparavant; ce passage est aussi allégué en Actes 1528 [31], pour montrer que notre Seigneur Jésus commencera à régner quand il plaira à Dieu de réparer les choses qui étaient confuses. Et, notamment, il avait été dit que ce Royaume-là serait comme foulé aux pieds avec la couronne royale, et qu’il n’y aurait point de chef pour la porter jusqu’à ce que le Rédempteur vienne au monde. Toutes ces choses-là, donc, doivent affermir notre conviction, afin que nous ne trouvions point étrange que les commencements de notre Seigneur Jésus-Christ aient été si petits.

Sur cette terre desséchée, la gloire du Christ et de l’Evangile ne vient que de Dieu

Au reste, par ce mot de terre déserte, le Prophète entend qu’il ne semblera pas que notre Seigneur Jésus doive croître, non plus qu’un arbre en un désert où il n’y a ni humidité, ni rien qui soit. Le voilà donc comme un arbre défiguré, par faute d’être nourri et de tirer substance et sucs nourrissiers de la terre. Or il est dit que Jésus-Christ sera ainsi au commencement, pour exprimer qu’aucun moyen terrestre ne contribuera à assurer sa croissance, mais qu’il prendra son accroissement d’en haut et de la puissance secrète de Dieu, son Père; qu’il ne sera point aidé du côté du monde, car il n’y a là que stérilité. Et cela n’a pas seulement trait à sa naissance, mais se doit rapporter à tout le cours de l’Evangile. Il est vrai que déjà cela a été un signe que Jésus-Christ était un petit surgeon, quand il ne trouve point de lieu pour se loger parmi les hommes, mais qu’il est là comme reclus et banni de toute compagnie, et s’est nourri en telle pauvreté qu’on ne sait pas s’il est l’homme. Cela a bien été déjà pour préparer les fidèles à ce qu’ils sachent que Jésus-Christ serait rejeté et méprisable selon le monde; mais le principal a été quand il est apparu pour prêcher l’Evangile et pour exécuter la charge qui lui était commise de Dieu, son Père. Alors, ils ont commencé à dire29 [32]: « N’est-ce pas le fils du charpentier ? Et ne connaît-on pas comment il a été élevé? Et en quelle école a-t-il appris à être un si grand docteur?» Et ses parents eux-mêmes, voyant qu’il est ainsi haï, veulent lui faire accroire qu’il est hors, de sens30 [33], qu’il faut qu’on le lie et qu’on l’empêche, afin qu’on ne les lapide pas tous; car ils voient bien que cette haine-là serait contre toute la maison. Finalement, voilà Jésus-Christ qui est crucifié. Il semble que l’Evangile soit enseveli avec lui et que la mémoire en doive être totalement éteinte. Qui eût dit que les Apôtres pourraient ainsi avancer la doctrine de salut? Voilà des gens du commun peuple qui n’ont jamais connu ce que c’était que d’avoir des lettres; ils n’ont pas été exercés en l’Ecriture sainte; ils n’ont ni faconde ni dextérité ; et puis ce sont des gens de basse classe et on ne daignera pas leur prêter l’oreille quand bien même ils parleraient comme les anges! En cela, que voit-on, sinon une terre déserte? Où sont les grandes pompes et les préparatifs pour faire que les rois et les princes se soumettent à 1’Evangile? Au contraire, voilà des glaives dégainés, des feux allumés pour empêcher que cette doctrine n’ait son cours. Ainsi donc, on voit bien que c’est comme si, en une terre déserte , il y avait un petit bâton planté! Et qui dira qu’il doive y avoir un arbre, qui couvre le monde entier et que chacun ait là son refuge? Qui pourrait imaginer cela, voyant de tels commencements? Ainsi, non sans cause, le Prophète Esaïe déclare que le monde, qui est adonné par trop aux pompes et à hautesse, ne daignera pas prendre égard à Jésus-Christ, mais qu’on le tiendra pour méprisé, puisque c’est un surgeon, une petite pousse sortie d’une terre stérile, là où il n’y a ni eau, ni humidité, ni aucune substance revigorante.

Application pratique

Or ceci, notamment, nous est montré afin que nous ne soyons point détournés ni débauchés par un tel scandale, de venir promptement à notre Seigneur Jésus-Christ. Quand donc il nous a été déclaré comment l’Evangile devait être prêché au monde, et que nous voyons encore aujourd’hui le semblable, à savoir que l’Eglise sera seulement comme une petite poignée de gens qu’on estimera racaille, et que même nous serons en abomination à ceux qui aujourd’hui ont toute la vogue du monde, que pour cela nous ne perdions point courage. Car nous voyons comment notre Seigneur Jésus-Christ est apparu au commencement; et si encore il veut que son Royaume soit aujourd’hui conservé en telle façon, que cela n’empêche pas que nous ne venions nous ranger à lui; et connaissant que la folie de Dieu – comme saint Paul en parle31 [34] – a surmonté toute la sagesse des hommes, n’ayons point l’outrecuidance de nous opposer à cela! Mais, connaissons que, de même que Dieu a voulu anéantir son Fils, de même il a voulu l’exalter par-dessus les cieux; trouvons bon ce qu’il en a ordonné en son conseil et acquiesçons-y.

En dépit de toute incrédulité, Christ croîtra devant Dieu

Au reste, notons bien ce mot: il montera devant lui, quoi qu’il en soit. Si par notre orgueil et nos mépris, nous nous imaginons fouler Jésus-Christ aux pieds et le tenir sous terre, c’est un abus: il croîtra en dépit de toute l’incrédulité, la malice, l’ingratitude et la rébellion des hommes; mais ce sera devant Dieu. Or, il est vrai qu’il croît aussi bien devant les fidèles, car ils l’adorent en toute obéissance et connaissent que le nom souverain que Dieu lui a donné mérite bien que tous plient le genou devant lui. Mais, notamment, le Prophète a dit qu’il croîtra devant Dieu, faisant ici comme une balance entre les hommes qui tâchent de renverser la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, et de la tenir comme supprimée, et Dieu, son Père, qui lui prêtera la main et fera que rien ne puisse empêcher qu’il ne parvienne au fruit de sa gloire et de sa majesté auxquels il a été appelé. Voici donc le sens naturel de ces mots: notre Seigneur Jésus est comme un surgeon, si on regarde à l’apparence extérieure; il est un désert, parce qu’il n’y a nul moyen en ce monde pour le faire croître; mais quoi qu’il en soit, il croîtra! Comment? Devant Dieu!

Détournons-nous des incrédules et regardons à Dieu

Ainsi, ne soyons pas surpris quand les hommes se moquent de la doctrine de l’Evangile, et qu’elle est comme en opprobre à cause de l’orgueil qui est en tous les incrédules. Mais quand, nous verrons les ennemis de la vérité être si arrogants et lever les cornes contre notre Seigneur Jésus-Christ, et même batailler contre lui avec toute furie, détournons notre vue de là; que nous ne soyons pas si fous de mépriser le Fils de Dieu, sous prétexte que la louange qu’il mérite ne lui est point rendue par les aveugles, par ceux qui sont possédés de Satan, et qui sont ensorcelés totalement! Regardons plutôt à Dieu et, alors, nous serons bien édifiés en notre foi. Car puisque Jésus-Christ grandit ainsi en la présence de Dieu son Père, c’est bien raison que, de notre côté, nous le magnifiions et lui rendions ce qui lui appartient; bref, que nous apprenions à nous arrêter pleinement à Dieu ; et alors, nous pourrons mépriser franchement le monde, et bien qu’il ne tienne compte de la Parole de Dieu, nous ne nous lasserons pas de lui rendre une pleine obéissance, comme nous la lui devons. Et pourquoi? Parce que Dieu acquerra à nos yeux plus d’importance qu’une multitude infinie de contredisants qui pourraient nous décourager de venir à notre Seigneur Jésus-Christ! Et cela nous est bien nécessaire aujourd’hui, car – comme nous en avons parlé –, nous voyons les plus grands de ce monde et ceux qui sont réputés des plus sages batailler contre l’Evangile; et ceux qui se vantent d’être les plus grands suppôts de l’Evangile, ceux qui ne se contentent même pas de s’appeler chrétiens, mais qui veulent dépasser, comme en degré superlatif, tous les autres; que ceux-là, dis-je, sont néanmoins comme des suppôts de Satan pour abolir la vérité de Dieu et se dresser contre notre Seigneur Jésus-Christ et sa Parole. Si cela, dis-je, nous frappe de stupeur, notons bien ce qui est dit ici: si nous voyons les hommes être si obstinés et endurcis pour ne point recevoir le Fils de Dieu, quand il se présente à eux, il nous faut les mépriser, même les plus grands de ce monde, car ce n’est qu’ordure s’ils sont comparés à Dieu. Il est vrai que, selon l’état présent, ils auront une telle majesté qu’il semblera que tout doive trembler sous eux! Mais, si nous pouvons élever nos sens à Dieu et jeter là notre vue, il est certain que toutes ces fanfares du monde ne nous seront rien, pas plus qu’un fétu de paille. Voilà donc comment notre foi doit s’élever, afin que rien de ce nous verrons ici-bas n’empêche que Jésus-Christ n’ait son autorité envers nous. Voilà donc ce que nous avons à retenir de ce passage.

L’opposition des incrédules révèle la puissance de Dieu et de l’Evangile

Et même, étant donné que Dieu besogne de façon étrange et incompréhensible, cela nous doit d’autant plus affermir. Si l’Evangile était prêché par gens de haute situation sociale, que les rois et les princes s’y assujettissent, qu’on tînt les états partout et qu’il fût conclu: «Voilà où il nous faut tenir! Voici une vérité céleste et il s’y faut accorder!» et que chacun de son côté y favorisât et y appliquât toutes ses forces et ses facultés, ce serait comme si une terre grasse était bien cultivée, et que là on plantât des arbres et des vignes, qu’on y semât du blé, que tout le monde y aidât, qu’on n’y épargnât rien. Quand donc une terre serait ainsi cultivée, qu’elle aurait la pluie en saison, et qu’on serait toujours après; bref, que nulle peine ne serait épargnée: Hé bien! cela serait naturel; on n’apercevrait point que Dieu y eût mis la main! Mais quand, aujourd’hui, nous voyons les contradictions et les répugnances qui sont pour opprimer l’Evangile; quand nous voyons qu’il y a tant de langues à louange – car aujourd’hui non seulement ces cafards, qui sont en toute la Papauté, se louent comme des prostituées pour blasphémer contre Dieu et contre sa Parole (mais nous en verrons même au milieu de nous, de telles canailles! …), après nous verrons aussi comment la cruauté s’exerce contre les pauvres enfants de Dieu, et qu’on tient, tous les jours, des complots nouveaux pour forger des édits les uns après les autres, afin d’anéantir totalement cette doctrine; nous verrons les moqueries qui sont en toutes gens profanes, qui tirent aujourd’hui la langue, et qui voudraient abolir toute religion – quand donc nous voyons toutes ces choses, il faut bien conclure que Dieu l’emporte, et que la doctrine est victorieuse et qu’elle procède de lui. Ainsi donc, cela, nous doit servir de confirmation, quand nous voyons qu’il n’y a rien, en ce monde, qui soit pour avancer le règne de notre Seigneur Jésus-Christ et la doctrine de son Evangile; mais plutôt que tous la retardent et que, néanmoins, elle ne laisse pas de trouver entrée et avoir son cours. Cependant nous sommes convaincus d’ingratitude, si nous tournons cela en scandale, vu que Dieu nous appelle à soi et nous montre que c’est lui qui besogne. D’où nous devons conclure que c’est un miracle quand l’Evangile prospère ainsi! Voilà, en somme, comment nous devons aujourd’hui pratiquer cette doctrine.

Jésus-Christ est apparu sans beauté humaine

Il y a encore plus: c’est que Jésus-Christ devait être défiguré. Le Prophète a déjà dit qu’il serait comme un petit surgeon. Mais, ceci est plus, qu’il sera méprisé, rejeté, qu’on ne daignera pas le regarder, qu’il n’y aura rien en lui qui soit désirable. Ceci est pour montrer que notre Seigneur Jésus en sa personne, comme déjà nous l’avons montré, devait être vilipendé du monde et souffrir toute ignominie, comme s’il eût été rejeté, non seulement des hommes, mais aussi de Dieu. Or, de chercher notre salut – une chose si désirable ! – en celui qui n’a rien pour plaire en soi, il semble que ce soit un abus. Il faut néanmoins que nous surmontions cette tentation pour venir à Jésus-Christ. Et ceci était bien nécessaire, premièrement à cause des Juifs qui toujours ont attendu un Royaume terrestre. Car cela a été une nation pleine d’avarice et d’orgueil, au point qu’ils ont pensé que Dieu ne se pouvait montrer pitoyable envers eux, sinon en leur amassant toutes les richesses du monde, et en faisant qu’ils vivent en délices et en pompes. Voilà quel rédempteur ils ont espéré. Pourtant Dieu les avait bien avertis que le Rédempteur serait comme un petit surgeon, qu’il serait rejeté du monde. Et cette admonition ne leur a pas été nécessaire à eux seuls, mais aujourd’hui aussi bien à nous, car ce scandale est demeuré après la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, comme saint Luc en parle32 [35]: que les païens ont eu Jésus-Christ comme en moquerie et les Juifs se sont armés en venin et en malice contre lui et se sont heurtés comme en la pierre de scandale. Et aujourd’hui encore, nous voyons de tels exemples en notre temps. il nous faut d’autant plus retenir cette doctrine; c’est qu’il a fallu que le Fils de Dieu ait été ainsi sans forme et sans beauté, qu’il n’ait rien eu en lui pour quoi on dût le priser (je dis selon l’opinion des hommes); car il nous faut toujours noter ce qui est dit au premier chapitre de l’évangile de saint Jean33 [36]: que la gloire du Fils unique de Dieu est apparue en lui, mais il y a eu beaucoup d’aveugles qui n’ont point connu cela. Ainsi quand le Prophète Esaïe déclare que Jésus-Christ sera comme tout défiguré, qu’il n’y aura que difformité en lui, il signifie par cela que les hommes ne pourront pas, en leur sens naturel, connaître qu’il a été envoyé pour leur salut, et qu’il a toute puissance et de vie et de mort, et que toute plénitude de Justice, de sagesse et de sainteté sont en lui. Les hommes, dis-je, ne pourront concevoir cela en leur cerveau! Voilà comment il nous faut prendre ce passage, car quoique notre Seigneur Jésus ait fait des miracles, qui ont attesté sa divine puissance, il n’en a pas moins laissé d’être toujours défiguré, et les incrédules n’y ont vu goutte. Toujours, donc, ce passage du Prophète a été accompli: que Jésus-Christ n’a point eu de beauté qui attirât les hommes, car il n’est point ici parlé seulement du visage, mais le Prophète, en son nom, parle de toute la condition de notre Seigneur Jésus-Christ.

Toute la beauté du Christ est spirituelle

Il est bien dit au Psaume 4534 [37] qu’il devait être élevé en beauté, voire par-dessus tout le genre humain: mais cette beauté-là est spirituelle, suivant ce que nous avons déjà dit, que la gloire du Fils de Dieu est apparue en lui, du moins pour ceux qui ont eu des yeux et qui ont pu le contempler. Voilà donc notre Seigneur Jésus-Christ qui a dépassé en beauté tous les hommes, car Dieu lui a donné des marques infaillibles, par lesquelles on a connu que vraiment il était l’image vive de Dieu, son Père. Il y a donc assez de raison pour magnifier notre Seigneur Jésus-Christ, mais cela a été caché au monde. Ainsi, il nous faut toujours revenir à ce que dit le Prophète: que chacun lui a tourné le dos, que chacun a fermé les

yeux comme devant une chose détestable! Comment? D’aller chercher ma vie en la mort? D’aller chercher mon espérance en celui qui n’a pas pu se secourir? De chercher ma force en celui qui a été si débile? Et qui serait-ce? Bref, nous savons – et chacun l’expérimente en soi par trop – que, selon que notre Seigneur Jésus-Christ a été abaissé en sa mort, notre foi trébuchera aussi, à moins quelle soit soutenue d’ailleurs. Quand donc il est question de nous arrêter à notre Seigneur Jésus-Christ, d’y avoir pleinement notre refuge et d’avoir là notre confiance comme attachée, nous regardons: Et comment? Le voilà tellement anéanti en sa mort, qu’il nous, semble que c’en est fait!

Sachant pourquoi Christ est mort, demeurons fermes en la foi

Or il nous faut venir à ce que le Prophète nous propose ici: c’est qu’ayant été abattu en la mort, Dieu l’a exalté, par-dessus toutes créatures. Et voilà aussi qui doit élever notre foi jusqu’au ciel. Quoi qu’il en soit, apprenons à n’être point scandalisés, voyant que le Fils de Dieu a été crucifié, et qu’en sa personne il a souffert tout opprobre, et qu’encore aujourd’hui, on le dédaigne en ses membres, on lui fait tous les outrages du monde; que cela, dis-je, ne nous débauche point, que toujours nous demeurions fermes en la foi de son Evangile. Or, étant donné que ce combat est difficile, voilà pourquoi le Prophète nous ramène à la cause pour laquelle notre Seigneur Jésus a souffert; car, à la vérité, jamais nous ne pourrions nous arrêter au Fils de Dieu, jusqu’à ce que nous ayons connu le fruit qui nous revient de sa mort et passion. Pourquoi? De prime abord – comme je l’ai dit – cela sera condamné comme une folie que celui qui est l’auteur de vie soit un homme mortel, qu’il meure, voire et non pas d’une simple mort, mais d’une mort ignominieuse et maudite de Dieu; qu’il soit là pendu au gibet comme un brigand! Quand nous verrons tout cela, il est certain que nous serons envahis par le dédain et que jamais nous ne pourrons venir à Jésus-Christ. Mais voici le vrai remède: que nous connaissions pourquoi il est mort, comment sa mort a fructifié en nous et le bien que nous en recevons; alors tous les scandales seront abolis.

La connaissance de notre misère nous révèle la richesse de Christ

Exemple: Si je suis là, troublé de fâchemisère, quand je regarde que le Fils unique de Dieu a été comme foulé aux pieds et détestable devant les hommes, il faut que j’entre en moi. Car si je ne regarde qu’à Jésus-Christ, je m’en détournerai et n’en tiendrai pas compte; mais si je regarde en moi, en premier lieu, et que je vienne ensuite à lui, voilà comment ce qu’il a souffert me sera de bonne saveur. Comment? Si je regarde que je suis un pauvre pécheur, et que j’ai provoqué la colère de Dieu contre moi, en sorte qu’il faut qu’il soit ma partie adverse, et mon juge; si donc je pense à mes péchés et que là-dessus, je vienne à concevoir combien c’est une chose horrible et épouvantable que la colère de Dieu, et qu’il soit mon juge pour me précipiter aux abîmes, alors je viendrai à dire: «Or ça, quel moyen as-tu pour t’arranger avec Dieu? Pourrais-tu lui tu apporter quelque chose qui puisse satisfaire, même seulement pour la

moindre offense que tu as commise? Hélas non! Quand j’aurais parcouru terre et mer, trouverai-je quelque récompense? Les anges du paradis pourront-ils m’aider? Il faut donc que Jésus-Christ comparaisse en mon nom et qu’il se constitue ma caution et mon garant.»

Voilà comment la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ ne nous seront plus tournées en folie. Mais nous concevrons que, puisque nous l’avions ainsi provoqué et qu’il nous était contraire et ennemi, il a fallu que nous fussions encore sujets à Satan et à sa tyrannie jusqu’à ce que Jésus-Christ nous en ait délivré. Voilà, dis-je, comment nous commencerons à célébrer la bonté infinie de notre Dieu, et à avoir nos péchés en détestation, et à être aussi confus que possible! Voilà aussi comment le scandale que nous imaginons et que chacun se forge en la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ sera bientôt effacé, à savoir quand nous rentrerons en nous-mêmes et que nous ferons un bon examen de nos péchés et que connaîtrons que nous sommes si détestables à Dieu qu’il faut que lui-même vienne en la personne de son Fils pour en faire satisfaction, et pour réparer nos iniquités, afin que, par ce moyen, nous soyons réconciliés avec lui.

Certes, ce sont nos souffrances qu’il a portées,

C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé;

Et nous, nous l’avons considéré comme atteint d’une plaie ; Comme frappé par Dieu et humilié. (53.4)

Christ a souffert pour nos péchés

Voilà donc l’ordre que le Prophète tient ici. Il dit d’un côté que Jésus-Christ n’aura ni forme ni figure, et qu’on ne pourra rien trouver en lui qui soit désirable; qui plus est, qu’en le regardant de loin, on en sera étonné. Mais ayant dit toutes ces choses, il ajoute: C’est pour nos péchés qu’il a été affligé. Comme s’il disait: «Pauvres aveugles! Vous ne tenez pas compte du Fils de Dieu, et même chacun par son ingratitude se ferme la porte, de telle sorte que vous ne pouvez approcher de lui pour obtenir le salut qu’il vous apporte. Qui est cause de cela? C’est que vous n’avez point connu vos péchés pour vous humilier; que chacun est endormi, voire stupide, et se nourrit de ses vaines chimères! Mais mirez-vous en vos pauvretés et ordures, et alors vous aurez honte de votre condition et vous connaîtrez qu’il n’y a pas d’autre moyen sinon que Jésus-Christ vienne là servir de médiateur et d’intermédiaire, et qu’il prenne sur sa personne ce qui était pour vous rendre ennemis de Dieu, qu’il soit votre caution, qu’il se constitue comme un pauvre pécheur, qu’il prenne tous vos fardeaux et les, porte sur lui! Quand donc vous penserez à toutes ces choses, alors vous prendrez bon goût pour vous ranger au Fils de Dieu et ne vous arrêterez plus à vos vaines imaginations; vous ne serez plus scandalisés de ce que Jésus-Christ s’est ainsi anéanti, quand vous connaîtrez quelle condamnation vous aviez méritée et quels payement et satisfaction étaient requis.»

Dans leur masse, les hommes dédaigneront le Christ

Au reste, le Prophète notamment dit: Nous l’avons vu et l’avons dédaigné, pour montrer que notre Seigneur Jésus sera méprisé et rejeté non seulement d’un petit nombre de gens, mais de la plus grande multitude, voire de ce peuple qui lui était particulièrement réservé. Car le Prophète, en se mettant au rang de ceux qui ont rejeté notre Seigneur Jésus- Christ, regarde à son Peuple, c’est-à-dire aux Juifs, desquels il est né; et outre cela, il veut aussi montrer que cela a été l’opinion commune, et que quasi partout Jésus-Christ a été rejeté. Ainsi nous sommes encore plus armés pour ne nous point attacher à la fantaisie des hommes, quand non seulement nous en verrons une centaine d’infidèles, mais qu’ils viendront en grosses foules et avec de grosses armes, qu’ils viendront par millions, et, qu’entre cent à grand’peine en trouvera-t-on trois ou quatre qui se soumettent paisiblement à notre Seigneur Jésus-Christ. Quand nous verrons cela, que nous ne laissions pas, toutefois, d’adhérer à lui! Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage. Car, aujourd’hui, nous voudrions compter les voix; et beaucoup de gens infirmes regardent: «Eh quoi? Il n’y a qu’une petite poignée de gens qui croient à l’Evangile? S’ils étaient la majorité, je me joindrais à eux volontiers! Mais que je m’aille mettre avec une si petite portion et que je laisse la plus grande multitude, que serait-ce?» Or, afin de couper court à de telles objections, le Prophète dit qu’il n’y en aura pas seulement quatre ou dix, mais que quasi tous, en général, refuseront d’obéir à notre Seigneur Jésus-Christ. Et même, il n’y a aucun doute qu’il ne veuille accuser les Juifs en particulier: car déjà nous avons allégué chapitre 835 [38] qu’il devait être en scandale à ces deux maisons-là, à savoir à la lignée d’Abraham. Voilà donc le peuple qui était de Dieu par-dessus tous les autres et semble bien qu’il aurait dû connaître son Rédempteur. Car à qui Jésus-Christ a-t-il été promis? Aux Juifs, puisqu’il est dit qu’il est ministre de la circoncision36 [39], afin d’accomplir les promesses que les Pères avaient reçues. Les Juifs,donc, devaient être tout accoutumés à Jésus-Christ avant qu’il apparût au monde et le recevoir sans difficulté aucune. Or, il est dit qu’ils l’ont rejeté, même les édifiants, c’est-à-dire les principaux qui avaient la charge du peuple. Et ceci se trouvera encore aujourd’hui: car, ce ne sont pas seulement les Turcs et les païens qui rejettent Jésus-Christ, mais ceux qui usurpent le nom de chrétien et le falsifient; et même ceux qui font profession de l’Evangile seront souvent des gens profanes, des moqueurs de Dieu et des vilains qui voudraient que toute doctrine de salut fût abolie et s’ils la retiennent encore, c’est seulement par honte des hommes. Quoi qu’il en soit, Jésus- Christ n’en sera pas moins méprisé et rejeté! Si cela n’avait été prédit, nous pourrions être ébranlés en notre foi. Mais cette sentence d’Esaïe nous doit être comme un bâton pour nous soutenir, voire comme un rocher ferme, quand nous voyons que tout le monde vient se heurter contre notre Seigneur Jésus-Christ; que les uns le méprisent et se viennent dresser en toute furie contre lui et sa doctrine; les autres sont moqueurs et tirent la langue, parce qu’ils ont en mépris toute religion. Que donc, alors, nous persistions néanmoins avec constance en notre foi.

Attachons nous, par une foi victorieuse aux vrais témoins du Christ

Il est vrai qu’il serait bien à désirer que Jésus-Christ fût contemplé de loin et que chacun s’assujettît à lui, car c’est le vrai miroir et modèle de toute sainteté. Mais d’autant plus nous voyons que le monde le rejette, il faut que notre foi soit tant mieux affermie. Car comment pourrons-nous discerner que Jésus-Christ est le Rédempteur du mondé? Regardons ce qui est dit de lui par tous les Prophètes. Et, de fait, voilà le vrai miroir où il nous faut contempler la gloire du Fils unique de Dieu; voilà les vrais témoins que Dieu a envoyés du ciel pour nous marquer quel devait être notre Rédempteur, à savoir qu’il serait rejeté de tout le monde et que chacun s’élèverait contre lui. Puisqu’il en est ainsi, acceptons-le avec cette condition, et ne doutons pas que quand il semblera que nous devions être accablés totalement et foulés aux pieds par l’audace et l’orgueil des méchants, néanmoins Dieu magnifiera notre Seigneur Jésus-Christ et fortifiera notre foi par son Saint-Esprit, tellement qu’elle sera victorieuse jusqu’à la fin, et que de même que notre Seigneur Jésus a vaineu le diable, et qu’il faudra à la fin que lui et tous ses suppôts lui servent de marchepied37 [40], il nous fera aussi triompher avec lui pour marcher sur tous ceux qui nous persécutent et qui, aujourd’hui, s’élèvent en telle furie contre nous et qui, même, le méprisent et le détractent.

Troisième sermon

ÉSAÏE 53. 4-6

Certes, ce sont nos souffrances qu’il a portées,

C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé;

Et nous, nous l’avons considéré comme atteint d’une plaie ; Comme frappé par Dieu et humilié. (53.4)

Deux raisons de louer Dieu: sa grandeur et son abaissement

Quand nous contemplons les œuvres de Dieu par tout le monde, il nous est dit qu’il doit être loué selon, sa majesté et grandeur; mais quand nous venons à la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, il faut que nous apprenions à glorifier Dieu selon qu’il s’est abaissé. Voici donc une double façon de louer Dieu: l’une, c’est que – puisqu’il nous montre sa bonté, justice et puissance infinie en tout ce qu’il a créé et fait, et en ce qu’il ordonne et dispose tout –, il faut aussi qu’il soit exalté par nous; non pas que nous puissions lui donner quelque grandeur, mais l’Ecriture parle ainsi, afin que les hommes apprennent à lever leurs esprits en haut et par-dessus le monde entier, quand ils veulent glorifier Dieu selon qu’il le mérite. La seconde façon est que, d’autant que notre Seigneur Jésus-Christ, en qui habite toute plénitude de la Divinité, non seulement s’est fait petit pour notre salut, mais a voulu totalement être anéanti, bien plus il n’a pas refusé de souffrir les angoisses de la mort, comme s’il entrait aux enfers: en cela, Dieu mérite d’être glorifié plus qu’en cette grandeur qui apparaît par le monde entier. Et de cela il en a été, hier, déjà touché38 [41]. Mais, comme le Prophète continue son propos, il nous faut toujours avoir ce but, qu’au lieu que les incrédules sont étonnés, voyant que Jésus Christ a été ainsi affligé de la main de Dieu, son Père, et prennent occasion de scandale pour s’éloigner de lui, nous devons d’autant plus être incités à le chercher; et cela doit nous ravir totalement en son, amour, puisqu’il ne s’est point épargné, mais a voulu supporter toutes nos charges, afin que nous en fussions soulagés. Quand donc nous voyons que notre Seigneur Jésus-Christ a fait un tel échange pour nous et a voulu faire un payement entier de toutes nos dettes, afin que nous en fussions acquittés; qu’il a voulu être condamné en notre nom et comme en notre personne, afin que nous en fussions absous; voilà qui doit nous attirer à lui, voire nous enflammer totalement, afin que nous y ayons notre repos.

Christ a été navré et affligé pour nous réconcilier avec Dieu

Or, notamment, il est dit qu’il a été affligé de la main de Dieu, mais cela a été pour nos iniquités. Car si nous n’avons égard qu’au jugement de Dieu, la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ seront comme inutiles et nous n’en pourrons recevoir aucun fruit. Car le principal est que nous soyons réconciliés avec notre Dieu, lequel est notre ennemi jusqu’à ce que nos fautes soient ensevelies, puisqu’il, ne peut aimer l’iniquité, lui qui est la fontaine de justice. Ainsi, il faut qu’il soit notre juge lorsqu’il nous impute nos péchés et regarde quels nous sommes. Mais quand Jésus-Christ sert d’intermédiaire et se propose là en notre nom, voilà comment nous sommes agréables à Dieu, puisque la satisfaction de toutes nos iniquités est accomplie. Il ne faut point que la condamnation que notre Seigneur Jésus-Christ a soufferte soit vaine! Or, il n’a commis nulle faute et il n’était coupable en rien. Ainsi, il a été condamné pour notre absolution! Et voilà pourquoi il est appelé l’agneau sans tache39 [42]. I1 est appelé Agneau, parce qu’il a été offert en sacrifice; il a été sans tache pour montrer qu’il a porté toutes nos charges. Et c’est aussi pourquoi il est dit40 [43] que son sang est notre purification, car nous sommes souillés et pleins d’abomination, jusqu’à ce que le sang de notre Seigneur Jésus-Christ nous nettoie.

Il a porté notre condamnation

Ce n’est donc point sans cause que le Prophète nous ramène au jugement de Dieu, disant que Jésus-Christ a été affligé parce qu’il fallait qu’il porte notre condamnation. Bref, toutes les fois que nous pensons en quoi la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ nous a profité, que chacun de nous s’assigne devant le tribunal de Dieu. Là, nous trouverons, que nous sommes tous criminels. Or, quelle est la rigueur du jugement de Dieu! Combien sa vengeance est horrible! C’est pour nous engloutir et précipiter tout entiers dans l’abîme! Mais comme notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas été épargné et que Dieu a exercé la rigueur de son

jugement sur lui, qu’il a été là en notre nom comme caution pour nous, nous pouvons être assurés que, maintenant, Dieu ne nous poursuivra plus et n’entrera point en compte avec nous; qu’il ne nous punira point selon nos démérites et nos offenses. Et pourquoi? Parce que notre Seigneur Jésus nous en a acquittés. Or, il est vrai que jamais Dieu n’a eu une autre affection, envers son Fils unique que celle qu’il avait prononcée41 [44]: «Voici mon Fils bien aimé en qui je me repose, qu’on l’écoute!» Dieu avait donc affirmé auparavant que Jésus-Christ le contentait totalement, et qu’il y prenait son bon plaisir. Et, de fait comme saint Paul le montre au premier chapitre des Ephésiens42 [45], nous ne pourrions pas être agréables à Dieu au nom de son Fils unique si, en premier lieu et en degré souverain, il n’était pas le bien-aimé. Toutefois, cela n’a pas empêché que nous n’ayons été acquittés, puisque Dieu a déployé sa rigueur sur notre Seigneur Jésus-Christ; car il l’a aimé et, cependant, il a voulu l’affliger pour nos fautes. Car il n’a pas regardé sa justice, son intégrité et la perfection qui étaient en lui; mais plutôt Jésus-Christ a été pris comme étant là pour représenter tous les pécheurs. Voilà donc Jésus-Christ qui était chargé de toutes nos fautes et iniquités. Non pas qu’il en fût coupable! Mais il a voulu que le tout lui fût imputé, qu’il en rendît compte et en fasse le payement. Voilà donc comment il nous faut prendre les mots du Prophète, quand il dit que Jésus-Christ n’a pas été crucifié seulement par la main des hommes, mais qu’il a comparu alors devant le Tribunal de Dieu; que là, il a répondu en notre nom; que là, il s’est soumis et a porté la charge que nous avions méritée.

Mais il était transpercé à cause de nos crimes,

Ecrasé à cause de nos fautes;

Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui,

Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.

Il a porté nos fautes et nos transgressions

Et voilà aussi pourquoi, notamment, il ajoute qu’il a porté nos fautes et nos transgressions, comme aussi saint Pierre en parle et exprime ce mot de croix, ou de bois43 [46], pour montrer que cette espèce de mort que le Fils de Dieu a soufferte, a été un témoignage visible et patent que nos iniquités étaient mises sur lui; car il était dit en la Loi44 [47]: « Maudit sera celui qui pendra au bois!» Jésus-Christ a été pendu, afin que nous connaissions qu’il a été comme maudit en notre personne, ainsi que saint Paul en parle aux Galates45 [48]. Car il nous propose qu’il faut bien qu’en cela nous considérions une bonté admirable de Dieu et un amour infini de la part de notre Seigneur Jésus-Christ, quand non seulement il a voulu mourir pour nous, mais a souffert aussi une mort maudite, afin que nous puissions être bénis de Dieu. Et bien que nos iniquités nous épouvantent – bien qu’il ne se peut faire que nous ne soyons épouvantés du jugement de Dieu (entendons les choses qui sont contenues, ici, à savoir que nous sommes abominables quand nous offensons ainsi notre Dieu) et quand nous éprouvons dans notre conscience la morsure du regret de nos offenses – , que toutefois nous ne laissions pas d’être assurés qu’il nous pardonnera nos péchés et nous acceptera pour ses enfants bien- aimés, voire comme justes et irrépréhensibles, puisque notre malédiction a été abolie sur ce bois auquel notre Seigneur Jésus-Christ a été pendu. Voilà donc ce que le Prophète a voulu encore ajouter pour mieux exprimer ce qu’il voulait dire.

La justice de Dieu exige la réparation de la faute

Or, il dit également qu’il a été affligé puisque la correction, ou le châtiment, de notre paix a été sur lui. Il n’ajoute rien de nouveau, mais il se déclare, plus familièrement, pour montrer comment cela doit être compris: c’est que notre Seigneur Jésus a été battu et frappé de la main de Dieu, afin que nous fussions déchargés. Il a donc porté la correction qui nous était due, voire une correction de paix. Il est vrai que certains comprennent qu’il a fallu que notre Seigneur Jésus-Christ fût ainsi puni en notre nom, parce que nous étions étourdis, et que nul ne pensait à s’humilier devant Dieu, et que nous étions aveuglés par nos fautes. Mais nous voyons le sens naturel du Prophète être tel que, pour avoir paix avec Dieu, il fallait que nous fussions réconciliés par un autre moyen. J’ai déjà déclaré que Dieu étant le juge du monde, à bon droit nous hait et nous tient tous pour détestables. Car, comme il sera encore déclaré tantôt, qu’apportons-nous du ventre de notre mère, et quel trésor amassons-nous tout le temps de notre vie? Nous ne cessons de provoquer la colère de Dieu, comme si nous avions comploté avec Satan de toujours allumer le feu de plus en plus! Voilà donc comment nous méritons d’être haïs et rejetés par Dieu; voilà pourquoi il est armé en sa colère contre nous! Car il est impossible qu’il ne nous soit pas contraire, puisque nous bataillons à l’encontre de lui, que nous faisons ainsi la guerre à tout bien et violons toute justice. Il faut, dis je, que Dieu, pour cette raison, se lève contre nous en jugement, car nous savons que c’est son office propre de maintenir l’équité et la droiture. Et puisqu’il nous voit ainsi pleins d’iniquité et de corruption, et totalement rebelles, il faut bien qu’il déploie son bras et montre que, puisque nous lui sommes ennemis, qu’il nous rendra la pareille. Il n’y a donc point de paix, et nos consciences nous tourmenteront toujours! Et bien que nous tâchions de nous endormir dans des pensées que nous voudrions flatteuses envers nous-mêmes, Dieu ne laissera point de nous donner des pointes et des aiguillons, en sorte que nous sentirons, en dépit de nos dents, qu’il n’y a que malice et ingratitude en nous.

Ainsi donc, il est impossible que Dieu ait pitié de nous et que nous soyons assurés de trouver grâce devant lui jusqu’à ce que la correction soit faite. Non pas que Dieu réclame vengeance à la manière et à la façon des hommes! Celui qui éprouvera de la colère voudra qu’on répare la faute et qu’il y ait quelque amende et quelque punition, de telle sorte qu’il en

soit vengé. Dieu n’a point de passions semblables! Mais quoi qu’il en soit, afin que nous ayons tant plus horreur de nos péchés, et que nous apprenions à les détester, il veut que sa justice nous soit connue ainsi que la rigueur de son jugement. Si Dieu nous pardonnait sans que Jésus-Christ eût intercédé pour nous et se fût constitué caution en notre nom, nous n’en tiendrions pas compte! Chacun torcherait sa bouche, et aussi nous prendrions de là occasion de nous donner une licence d’autant plus grande. Mais quand nous voyons que Dieu n’a point épargné son Fils unique, et qu’il l’a traité en telle rigueur, et si extrême qu’il a souffert en son corps tout ce qu’il était possible de souffrir de douleurs, et qu’en son âme même il a été affligé jusqu’au au bout, jusqu’à s’écrier46 [49]: «Mon Dieu pourquoi m’as tu laissé?»; quand nous entendons toutes ces choses, il est impossible – ou nous sommes plus endurcis que des pierres – que nous ne frémissions et ne concevions une telle crainte et étonnement en nous que ce soit pour nous rendre totalement confus, et que nos offenses et nos iniquités ne nous soient détestables, vu qu’elles provoquent ainsi la colère de Dieu contre nous. Voilà donc pourquoi il a été requis que toute la réparation exigée pour que nous ayons la paix avec Dieu fût sur Jésus-Christ, laquelle nous a fait trouver grâce devant Dieu, son Père; c’est-à-dire pour nous sert d’appoint devant lui, en sorte qu’aujourd’hui nous avons la hardiesse et la liberté d’invoquer Dieu comme notre Père, bien qu’à bon droit il nous soit ennemi et nous ait en détestation selon notre nature.

En Christ, nous sommes délivrés et absous

Nous voyons donc maintenant quelle est l’intention du Prophète, quand il dit que notre Seigneur Jésus-Christ a été affligé par la main de Dieu, qu’il a été défiguré, que chacun s’est détourné de lui, qu’on n’a point daigné le regarder, parce qu’il était ainsi déformé. Il ajoute: Mais c’est parce que Dieu est enflammé en sa colère contre nous, et qu’il est armé pour nous confondre et abîmer jusqu’à ce que notre dette soit payée. Et quel en est le moyen? Dieu veut bien nous remettre nos fautes par sa bonté gratuite, mais n’oublions pas que le prix de notre rédemption a été en la personne de son Fils unique. Or, ici, nous avons à noter que c’est parce que notre Seigneur Jésus a souffert la condamnation que nous sommes délivrés et absous, et que nos fautes sont ensevelies pour ne point venir en compte devant Dieu. Quand nous parlons de la rémission des péchés, ce n’est pas que Dieu nous acquitte, comme s’il était payé et content de nous! Mais il use de sa pure libéralité. Et bien que nous soyons coupables devant lui, il oublie tout cela et nous reçoit à merci, parce qu’il jette nos péchés comme au fond de la mer, ainsi que le dit le Prophète.

Or, cependant, nous avons aussi à noter que cette rémission n’a pas été gratuite quant à la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, car elle lui a coûté bien cher! Si nous nous représentons ce que fut cette mort si dure, si cruelle et ignominieuse qu’il a soufferte, et puis toutes les angoisses qu’il a endurées en son âme, quand il a été appelé devant le tribunal de Dieu, son Père, pour soutenir notre condamnation; si nous pensons bien à tout cela, nous trouverons que notre Seigneur Jésus-Christ a fait un payement admirable pour nous acquitter de nos fautes. Et voilà comment aujourd’hui nous en sommes délivrés!

Nul ne peut obscurcir cette doctrine!

C’est une chose que nous devons bien noter, car le diable a toujours tâché d’obscurcir

cette doctrine, parce, que c’est le principal article de notre salut. Dieu, dès le commencement du monde, a voulu qu’on lui offrît des sacrifices en demandant le pardon des péchés. Pourquoi cela? C’est pour déclarer que les hommes ne pouvaient pas l’espérer de lui, sinon par le moyen du sacrifice et l’effusion de sang. Tous donc ont déclaré, par leurs sacrifices, qu’ils ne pouvaient pas approcher de Dieu, sauf s’ils étaient rachetés, et que la purification de leurs fautes et de leurs iniquités était faite, ou devait l’être, par notre Seigneur Jésus-Christ. Or, cependant, et les Juifs et les païens n’ont pas laissé de toujours se fier à leurs mérites et d’imaginer qu’ils pouvaient satisfaire par eux-mêmes les exigences de Dieu47 [50]. Voilà comment le diable, dès lors, a détourné les pauvres pécheurs de notre Seigneur Jésus-Christ et du paiement qu’il a fait en sa mort et sa passion.

Et maintenant encore, voilà où en sont les Papistes. Car ils confesseront que nous avons pleine rémission de nos péchés, par la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ; mais c’est jusqu’au baptême seulement, selon leur opinion. Les petits enfants, disent-ils, ont reçu cette grâce de Dieu, qu’il leur pardonne le péché originel au baptême, en vertu de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Mais après que nous ayons reçu le baptême, ils disent que si nous péchons, alors Jésus-Christ seul n’est pas suffisant pour faire que nous soyons agréables à Dieu, et que la mémoire de nos péchés soit effacée, mais qu’il nous faut aussi apporter nos récompenses. Et voilà pourquoi ils ont imaginé leurs œuvres de surérogation: comme de trotter en pèlerinage, faire chanter force messes et autres diableries. Et si on demande aux Papistes pourquoi ils trottent ainsi pour aller voir la moue de quelque marmouset, pourquoi ils jeûnent tel jour, pourquoi ils font bâtir un temple, pourquoi ils font chanter une messe? «C’est pour nous racheter devant Dieu, diront-ils. Et il faut bien qu’ayant connu nos, péchés, nous tâchions d’en faire satisfaction, afin d’être quittes et absous devant Dieu.» Or, voilà comment la puissance de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ est abolie! Et ainsi les Papistes ne sauraient marcher un pas pour faire leurs dévotions, sans blasphémer contre Dieu, sans renoncer ouvertement à la mort et à la passion de notre Seigneur Jésus-Christ et se précipitent dans le gouffre de l’enfer. Voilà où leurs dévotions diaboliques – qu’ils appellent bonnes! – les mènent.

Résumé: Tête levée devant Dieu!

Ainsi donc, il nous faut bien noter ces mots du Prophète, quand il dit que la correction de notre paix a été sur notre Seigneur Jésus-Christ, parce que, par son moyen, Dieu est satisfait et apaisé; car il a porté sur lui tous les vices et toutes les iniquités du monde. Et ainsi, notons que quand nous regardons quels nous sommes, il nous faudra toujours être en effroi, puisque Dieu est notre partie adverse et notre Juge. Et puis, en second lieu, il nous faut conclure qu’il n’y a moyen ni au ciel, ni sur la terre de nous réconcilier avec Dieu, sinon par ce prix que notre Seigneur Jésus a payé et auquel il a satisfait: à savoir par sa mort et sa passion. Avons-nous cela? Que hardiment nous venions, la tête levée devant Dieu; non pas qu’il ne nous faille toujours humilier et avoir honte de nos pauvretés! Mais cela n’empêchera pas que franchement nous n’invoquions Dieu pour notre Père, et que nous ne puissions nous glorifier, que nous serons considérés par lui comme justes, et que le payement a été fait de toutes nos dettes, étant donné que nous sommes absous par la vertu de la condamnation que Jésus-Christ a soufferte. Voilà donc comment nous devons pratiquer ce passage.

En ses plaies, nous avons guérison

Et voilà aussi pourquoi il ajoute: qu’en ses plaies, nous avons guérison. Il est vrai que nous n’apercevons pas nos vices à l’œil, parce que l’hypocrisie nous bande les yeux et qu’il y a aussi toujours de l’orgueil qui domine. Les hommes donc se déçoivent eux-mêmes et se font accroire que Dieu leur est encore redevable; ou bien ils sont étourdis, de telle sorte qu’ils pensent ne jamais devoir rendre des comptes. Or, le Prophète montre que, sans les plaies de notre Seigneur Jésus-Christ, il n’y a, en nous, que mort et qu’il faut bien que nous cherchions en lui notre guérison. Quand donc nous voudrons bien sentir le fruit que nous apporte la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, notons qu’autant il y a de vices enracinés en notre nature, ce sont autant de plaies et de maladies mortelles, même si elles n’apparaissent point au dehors. Je vous prie: quand un abcès est dans le corps d’un homme, près de l’estomac, ou dans les entrailles, n’est-ce pas beaucoup pire que si on le voyait et qu’on pût utiliser la lancette? Si un homme s’imagine être sain parce qu’il ne voit pas son mal, il est hors de sens et de raison; nos maladies soient d’autant plus mortelles qu’elles sont secrètes! Et outre les vices que nous portons – dont les racines sont cachées en nous –, il y a les fautes que nous commettons chaque jour, qui montrent assez que notre nature est perverse et maudite, et que nous sommes, tous, pervertis. Puisqu’il en est ainsi, qu’il n’y a en nous qu’infection et lèpre spirituelle, et que nous sommes pourris en nos iniquités, que ferons-nous? Quel est le remède? Irons-nous chercher les anges du Paradis? Hélas, ils n’y peuvent rien! Il nous faut venir à notre Seigneur Jésus-Christ, puisqu’il a voulu être défiguré depuis le sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, qu’il a été tout en plaies, qu’il a été fouetté coup après coup, qu’il a eu la couronne d’épines, qu’il a été cloué et attaché à la croix, qu’il a eu le côté percé! Voilà de quelle manière nous avons un garant! Voilà quelle est notre vraie médecine, dont il faut nous contenter et à laquelle nous devons accorder toute notre affection, sachant que jamais autrement nous ne pourrons avoir le repos en nous, mais qu’il faudra que nous éprouvions les douleurs de la géhenne jusqu’au bout, à moins que Jésus-Christ nous console et apaise la colère de Dieu envers nous. Quand nous sommes certains de cela, alors il nous donne occasion de chanter sa louange, au lieu qu’auparavant nous ne pouvions que gémir et être totalement confus. Voilà, en somme, ce que nous avons, à retenir des mots du Prophète.

Christ est notre médecin spirituel

Or, saint Matthieu, au chapitre 848 [51], allègue ce passage, quand il raconte que notre Seigneur Jésus a guéri toutes les maladies, qu’il a illuminé les aveugles, fait cheminer les boiteux, rendu l’ouïe aux sourds, redressé ceux qui étaient à demi-morts et paralytiques, chassé les diables des corps. Cela, dit il, montre que le Prophète Esaïe, non sans cause, dit qu’il a porté nos infirmités et a soutenu nos langueurs. Il est certain que le Prophète ne parle point ici des maladies du corps. Il semble donc que l’évangéliste ait mal appliqué ce témoignage. Mais il déclare que notre Seigneur Jésus, en guérissant les maladies apparentes, a voulu nous mener plus haut, parce qu’il a voulu nous faire contempler là, comme en figure, pourquoi il était venu dans le monde. Quand donc nous entendons que notre Seigneur Jésus- Christ a donné la force aux paralytiques, qu’il a, de même, ressuscité les morts, qu’il a aussi guéri toutes les maladies, sachons qu’à vue d’œil, selon notre ignorance et notre infirmité, il nous a déclaré qu’il est notre médecin spirituel, et apprenons, comme j’ai déjà dit, que tous les vices auxquels nous sommes enclins sont autant de corruptions de nos âmes. Et de même que dans nos corps, il y a de mauvaises humeurs et autres choses semblables, bref il y a des maladies secrètes, il en est de même en nos âmes; et puisqu’elles sont pleines de vices devant Dieu, elles ont aussi besoin du médecin. Et qui sera-t-il ? Nous ne trouverons soit au ciel soit sur la. terre, sinon celui qui nous a été donné par le Père céleste: à savoir notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi donc, si nous ne connaissons pas comment notre Seigneur Jésus nous a apporté la guérison de nos, âmes, venons-en à cette image qui nous est montrée quand il a illuminé les aveugles: car il est certain qu’en nos âmes, il n’y a qu’aveuglement et bêtise. Après, Jésus-Christ a fait parler les muets. Or, à quoi appliquons-nous notre langue, sinon à mal, jusqu’à ce que Jésus-Christ lui ait rendu son vrai usage? Nous sommes plus que sourds, du fait que la parole de Dieu n’a nulle entrée en nous! Il faut donc que l’ouïe nous soit rendue aussi par notre Seigneur Jésus-Christ. Bref, quand nous conjoindrons ce qui est proposé en saint Matthieu avec ce que le Prophète Esaïe a voulu affirmer: à savoir que de notre côté nous sommes pleins de corruption, de vilenie, et qu’il n’y a rien en nous qui soit sain, que nos âmes sont pleines totalement de vices mortels, mais que notre Seigneur Jésus nous en a délivrés complètement, et que si nous venons à lui, nous trouverons guérison ; quand, dis-je, nous conjoindrons ainsi l’un avec l’autre, alors nous connaîtrons que, si nous n’avons pas notre refuge en ce Rédempteur, il faudra que nous croupissions toujours en nos vices et nos misères, et que nous pourrissions pleinement.

Nous étions tous errants comme des brebis,

Chacun suivait sa propre voie ;

Et l’Eternel a fait retomber sur lui la faute de nous tous (53.6)

Nous sommes tous des brebis errantes et perdues

Là-dessus, il ajoute aussi que nous avons tous décliné et que chacun s’est égaré en sa voie. Ici, le Prophète nous a voulu mieux peindre et plus au vif (comme nous l’avons déjà vu), que nous ne pouvons pas sentir à bon escient la nécessité que nous avons d’être guéris par notre Seigneur Jésus-Christ, jusqu’à ce que chacun ait bien, examiné son état et connu ce qu’il est en lui-même. Pourquoi donc sommes-nous si froids et si lâches quand on nous parle de venir à notre Seigneur Jésus-Christ? Parce que nous n’arrivons pas à appréhender les choses telles qu’elles sont et que sommes comme stupides! Nous ressemblons à ces ivrognes qui sont tout confits en leur intempérance, et qui y persévèrent jusqu’à ce qu’ils grincent des dents et qu’ils n’en puissent plus. Si on leur parle de médecins, il n’y aura que railleries! Ils hocheront la tête; ils mépriseront tous les remèdes. Or, il n’y a point pire ivrognerie que cette stupidité en laquelle sont tous les pauvres pécheurs jusqu’à ce qu’ils aient senti ce que c’est que d’avoir Dieu contraire. Ainsi, chacun se donnera toute licence à mal faire, et la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ seront alors en mépris et on n’en tiendra pas compte. Ainsi, non sans cause, le Prophète, pour nous réveiller et pour nous rendre le bien qui nous est apporté par Jésus-Christ, plus désirable, montre que nous avons tous erré. Or, en plus de ce que j’ai dit: que les hommes étant profanes méprisent le jugement de Dieu, il y a aussi qu’ils sont enflés d’une folle présomption. Il y a donc deux espèces de gens, qui ne peuvent faire leur profit de cette grâce infinie qui nous a été acquise par le Fils de Dieu. Car les uns prétendent être justes et avoir des œuvres et des mérites pour répondre devant Dieu. Comme nous voyons même qu’en la Papauté, ces cafards, non seulement pensent bien s’acquitter devant Dieu, mais ils vendent aussi bien une portion de leurs mérites, comme s’ils en avaient de surabondants. Et on est bien aise quand on peut participer à leur perfection et sainteté, parce qu’ils sont en état angélique! Or, ceux-là, ne pensent point avoir besoin de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Ils confesseront bien, du bout des lèvres, qu’ils en ont besoin: mais on voit tout le contraire, car ils tiennent foire et marché de leurs mérites et en ont à revendre, afin que les autres se fondent et mettent leur confiance en une telle profanation. Après, autant qu’il y a de bigots et de bigotes en la Papauté, ce sont autant de cornes dressées contre Dieu, car ils sont toujours enflés de cet orgueil, pour dire: «Et comment? Et si je ne méritais pas, à quoi me servirait-il d’avoir eu tant de bonnes dévotions? D’avoir fait chanter tant de messes? D’avoir tant marmonné49 [52], d’avoir couru d’autel en autel, d’avoir eu ma dévotion à un tel saint, d’avoir fait une, telle fête?» Bref, ils ont toujours cette maudite et infernale opinion, de vouloir obliger Dieu envers eux! Voilà comment Satan les trompe par de telles illusions, en sorte qu’ils ne peuvent goûter à quoi leur sert la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Les autres ne se confient pas en leurs mérites. En effet, des ivrognes, des paillards et des gens dissolus ne diront pas: «Nous sommes comme de petits anges; nous avons bien vécu; nous avons été fervents en nos dévotions!» Mais ils se raillent (comme j’ai déjà dit) et pensent qu’ils pourront échapper de la main de Dieu par leurs mépris et leurs moqueries.

C’est pourquoi le Prophète nous appelle tous et di : «Regardez, pauvres gens, ce que vous êtes jusqu’à ce que Dieu vous ait déclaré sa pitié en notre Seigneur Jésus-Christ, son Fils, car nous avons tous erré, vous êtes tous des bêtes perdues!»; voilà son intention. Et il dit : Nous tous, parce qu’il se met du nombre. Voire, car déjà nous avons vu qu’il fallait que les Juifs fussent compris sous cette condamnation générale des hommes, parce qu’il leur semblait qu’ils en devaient être exemptés. Car ils avaient toujours cette folle outrecuidance que, puisque Dieu les avait adoptés et choisis, ils valaient bien plus que le reste. Or, le Prophète les enveloppe ici dans la mort éternelle, jusqu’à ce qu’ils aient cherché le remède de leur délivrance en Jésus-Christ. Nous sommes donc tous visés par cette condamnation! Et il met aussi ce mot de tous, afin d’exclure toute exception, comme s’il disait: «Il ne faut point que nul se vante, non pas jusqu’à la queue d’un, d’être juste devant Dieu, pour se pouvoir passer du remède que maintenant j’ai déclaré; car le plus parfait et celui qui aura le plus de sainteté, selon l’avis des hommes, se trouveront coupables devant Dieu.»

Chacun est une brebis errante et perdue

Nous voyons donc maintenant l’intention du Prophète; mais encore il ne se contente pas de cela. Il dit: Chacun suivait sa propre voie. Et pourquoi réitère-t-il le propos, passant de tous à chacun? C’est que, quand on nous condamne en général, nous ne sommes point aussi émus, et avec vivacité, comme il serait requis. Il est vrai qu’il faudra passer condamnation, quand on dit que parmi les hommes, il n’y a pas un seul juste. C’est comme dans le passage du Psaume50 [53], où il est dit que Dieu a regardé et qu’il n’a point trouvé un seul homme qui ne fût pourri en ses vices. Il est parlé aussi bien des vertueux et de ceux qui ont été en grande et singulière réputation, que des plus débauchés. Il est dit qu’ils ont tous décliné et qu’il ne s’en est point trouvé même un seul qui ne fût totalement corrompu devant Dieu. Et l’Ecriture sainte est pleine de cette doctrine; saint Paul le montre bien au chapitre 3 des Romains51 [54], quand il produit tous les passages et des Psaumes et des Prophètes, où il est dit que les hommes sont dépravés et qu’il n’y a en eux que malice et trahison, qu’ils sont pleins de cruauté, qu’il n’y a que venin et toute violence, que fraudes et rapines, et que leur gosier est un sépulcre. Quand donc toutes ces choses-là sont dites, saint Paul ajoute que tous hommes sont compris sans exception aucune jusqu’à ce que Dieu les ait changés et renouvelés par son Saint-Esprit.

Or, maintenant que cette doctrine se prêche, il faut bien que nous baissions tous la tête, car nous aurons honte et horreur de contredire ouvertement l’affirmation de Dieu. Et, de fait, que gagnerons-nous en toutes nos disputes? Car il faudra, en dépit de nous, que nous sentions que ce n’est point en vain que nous sommes condamnés, puisque Dieu est notre juge. Mais chacun s’en retournera en sa maison sans en être ému, et ce qui a été dit ne nous touchera guère! Nous dirons bien que nous sommes tous pécheurs et qu’il n’y a personne qui ne soit coupable devant Dieu! Mais, ce faisant, sentons-nous nos vices, afin de nous déplaire, et puis afin d’être incités à chercher la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, renonçant à nous-mêmes? Nenni! Ce nous est assez d’avoir dit, par acquis, que nous sommes tous pécheurs. Bien pire, nous verrons, bien souvent, que les hommes prendront couverture et hardiesse, quand on les accuse de leurs fautes, et qu’ils se verront convaincus: «Oh, il est vrai, diront-ils, tous sont pécheurs!» Un méchant qui aura blasphémé le nom de Dieu ou qui aura fait quelque acte exécrable hors de toute norme, si on le lui reproche, niera au premier coup; jamais, il ne voudra entrer en confession sauf par contrainte. Eh bien, se voit-il être convaincu? «Il est vrai, dira-t-il, que nous sommes tous pécheurs!» Et c’est dire que tu es un méchant hypocrite qui te moques de Dieu!

Ainsi, nous voyons que sous cette affirmation générale (que tous sont pécheurs), il y en a beaucoup qui chercheront quelque excuse, afin que leur turpitude ne soit point connue comme elle le doit. Pour cette raison, le Prophète, après avoir dit: Tous ont erré, ajoute: chacun. Comme s’il disait: «Ne regardez point en général quel est le genre humain, mais que chacun se retire à part soi et que là vous pensiez et sondiez bien quels vous êtes. Car c’est alors que nous sommes touchés du jugement de Dieu et que nous sommes induits à une vraie humilité, quand nous sentons notre mal pour être amenés à repentance, et quand chacun se sera ainsi parlé à lui-même comme en secret.» Nous voyons donc maintenant quelle est l’intention du Prophète.

Au reste, en disant que chacun a a suivi sa propre voie, il montre, en premier lieu, ce qu’il advient des hommes quand ils se gouvernent à leur appétit et selon leur raison et leur prudence. C’est encore un article que nous devons bien noter, puisque nous verrons les uns être si fous que jamais on ne les persuadera qu’ils courent à leur perdition, quand ils font ce que bon leur semble. Les autres sont tellement abrutis, en leurs cupidités, qu’ils ne perçoivent point qu’à leur escient ils se plongent au profond de l’enfer, à moins que Dieu ne les en retire.

Nous voyons aujourd’hui les Papistes: quand on les réduit au silence par la Parole de Dieu et qu’ils se voient convaincus: «Eh bien, diront-ils, laissez-moi faire; j’irai toujours mon train, quoi qu’il en soit.» ­– «Et tu t’en vas donc au diable! Car voilà où tu iras en suivant ton train.» – « Oh, ma dévotion est telle. Et puisqu’elle est bonne, est-il possible que Dieu la rejette?» – «Le Prophète Esaïe parle ici aussi bien de la dévotion que chacun pratique; et le Saint-Esprit, qui a parlé par sa bouche en ce temps-là, ne savait-il pas bien que tu serais un bigot ou une bigote, plein d’orgueil et de venin; que tu te voudrais gouverner à ta fantaisie, que tu voudrais te forger un service de Dieu à ta guise; que tu adorerais les idoles et penserais bien faire; que tu aurais là ta dévotion? Le Saint-Esprit n’a-t-il pas bien connu toutes les vilenies? Regarde ce qu’il en dit: Chacun a suivi sa propre voie! C’est-à-dire chacun s’en est allé en enfer, chacun s’est jeté en perdition, quand il a suivi sa propre voie.» Voilà donc quelles sont les voies des hommes!

Et ainsi, nous sommes enseignés par ce passage à nous dépouiller de toute folle arrogance et à connaître qu’en faisant tout ce que bon nous semble, et ce que nous jugeons être bien raisonnable, c’est comme si nous avions comploté avec Satan pour nous jeter en ses filets. Cette doctrine donc doit nous faire corriger toute présomption, afin que nous souffrions d’être gouvernés seulement par l’Esprit de Dieu et par sa Parole. Et pareillement, aussi, notons que, par ces mots, le Prophète Esaïe a déclaré qu’encore que nous connaissions le bien, nous ne laisserons pas d’être adonnés au mal. Et pourquoi? Parce que toutes nos inclinations naturelles sont rebelles à Dieu. Bien que nous voyons qu’il faut que le mal soit ôté, nous ne laisserons point de nous y livrer, non point par force, mais par malice volontaire, qui est tellement cachée en nous qu’il faut que les fruits montrent quelle en est la racine.

Une seule voie conduit au salut

Donc, connaissons en premier lieu qu’il n’y a nulle intelligence en nous pour cheminer droit, mais qu’il y a une seule voie que Dieu approuve, laquelle nous amènera au salut: à savoir quand notre Seigneur Jésus-Christ nous prendra à sa charge, que nous serons les brebis de son troupeau, et que nous le suivrons comme notre pasteur. Connaissons aussi, davantage, que tout ce à quoi nous nous attachons d’un mouvement spontané est corrompu, et que nous cherchons le mal au lieu du bien jusqu’à ce que notre Seigneur Jésus-Christ nous ait corrigés et réformés, et qu’il ait mis en nous une affection droite de lui obéir. Voilà donc ce que le Prophète a voulu déclarer.

Or, maintenant, nous avons à conclure que tous ceux qui suivent leur propre voie se détournent de notre Seigneur Jésus-Christ. Car le Prophète déclare qu’il n’y a ni Patriarches, ni Prophètes, ni même un de tous les saints Pères et Martyrs, que tous n’aient eu besoin d’être réconciliés avec Dieu par la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Si Abraham, le père des fidèles; si David, le miroir de toute justice, et tous autres semblables, comme job et Daniel, qui sont nommés comme miroir de toute sainteté et perfection; si ceux là, dis-je, étaient de pauvres brebis égarées et perdues jusqu’à ce qu’ils aient été recueillis par notre Seigneur Jésus-Christ, hélas! que sera-ce de nous? Ainsi donc, si nous allons les chercher pour nos médiateurs, et que nous prétendions par leur moyen échapper à la perdition en laquelle nous sommes, ne montrons-nous pas que nous sommes par trop ingrats envers notre Seigneur Jésus-Christ? Et que, ce faisant, nous sommes par trop dépourvus de sens quand nous allons, mendier envers ceux qui ont aussi besoin de recourir à la mort et à la passion de notre Seigneur Jésus-Christ? Car si la nécessité nous contraint de chercher remède, il faut que nous allions à celui auquel les fidèles de tout temps ont eu leur refuge; car il n’y a ni saint Pierre, ni saint Paul, ni la Vierge Marie, ni rien qui soit, qui en soient exemptés. Ainsi donc, que nous apprenions à venir à la source et à la fontaine, et à y puiser ce qui nous manque. Car notre Seigneur Jésus a de quoi nous rassasier tous, et il ne faut pas craindre jamais que la plénitude de grâce qu’il a en lui tarisse. Il en donnera à chacun sa part et portion, quand on l’y viendra chercher.

Venons donc hardiment à notre Seigneur

Que donc nous venions hardiment à notre Seigneur Jésus-Christ qui suffira bien pour tous. Mais quiconque va çà et là, un tel homme ne peut pas s’aider du remède que Dieu lui présente, mais il le rejette autant qu’il le peut. Son ingratitude l’empêche de jouir de la grâce qui lui est, offerte. Et nous serons d’autant plus inexcusables, puisque ceci nous est journellement prêché. Car Dieu ne s’est point seulement contenté d’avoir envoyé son Fils et de l’avoir exposé à la mort; de l’avoir frappé en sa colère, bien qu’il l’aimât comme son Fils, unique ­– car bien qu’il ait voulu l’abîmer en apparence et qu’il ait usé de toute sa rigueur contre lui, cependant il a toujours été le Fils bien-aimé comme nous avons dit; mais le tout a été afin que nous fussions absous – ; il ne s’est point, dis-je, contenté de cela: mais, journellement, il nous propose ce trésor, afin que nous en jouissions; il nous déclare que Jésus-Christ, qui a eu son côté percé, a aujourd’hui son cœur comme ouvert, afin que nous ayons la certitude de l’amour qu’il nous porte; et que, comme il a eu les bras attachés à la croix, maintenant, il les a étendus pour nous attirer à lui; et qu’il veut que toutes ces choses-là nous profitent; que, comme il a répandu son sang, il veut qu’aujourd’hui, nous soyons plongés là-dedans. Quand donc Dieu nous convie si doucement et que Jésus-Christ nous propose aussi le fruit de sa mort et de sa passion, qu’il nous montre que son sang est toujours frais, comme l’Apôtre en parle en l’épître aux Hébreux52 [55], – que ce n’est point un sang qui dessèche, ni qui défaille; mais puisqu’il s’est sanctifié par sa puissance céleste, qu’il a toujours ce sang frais – puisqu’aussi bien l’Apôtre a usé de ce mot-là –, que nous sachions que sa puissance n’est pas amoindrie et qu’elle a toujours son efficace pleine et entière, et telle qu’elle était au commencement, afin que nous venions tous nous ranger à notre Seigneur Jésus-Christ.

Et après avoir confessé nos pauvretés et en être confus, que nous ne doutions pas toutefois qu’il ne soit suffisant pour y donner un remède tel que nous pourrons conclure que nous sommes reçus et reconnus par Dieu comme ses propres enfants, et qu’il nous tient pour justes et parfaits, alors que nous étions abominables devant lui. Voilà ce que nous avons à retenir de cette doctrine.

Aujourd’hui, voyant que les uns se raillent et se moquent, les autres s’élèvent en orgueil et présomption, et espèrent en vain par leur justice satisfaire Dieu: que nous renoncions à de tels blasphèmes et qu’avec une vraie foi et repentance, nous cherchions notre Seigneur Jésus-Christ, et que tout notre désir soit de nous approcher de lui, quand nous sentirons que nous sommes ainsi chargés de ce fardeau insupportable.

Quatrième sermon

ÉSAÏE 53.7-8

Il a été maltraité, il s’est humilié

Et n’a pas ouvert la bouche,

Semblable à l’agneau qu’on mène à la boucherie,

A une brebis muette devant ceux qui la tondent ;

Il n’a pas ouvert la bouche. (53.8)

L’obéissance du Christ a été volontaire

Le Prophète nous ayant déclaré que nous devons regarder chacun à soi et à ses fautes pour prendre goût à la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, ajoute maintenant que ce qu’il a souffert, ce n’est point par force, mais de son bon gré. Sans cela, nous ne serions pas justifiés et la réconciliation ne serait point faite entre Dieu et nous, si Jésus-Christ n’eût réparé nos transgressions par son obéissance. Si donc la mort du Fils de Dieu eût été forcée et qu’il ne s’y fût point assujetti volontairement, ce n’eût pas été un sacrifice pour effacer nos fautes; comme saint Paul aussi nous ramène là53 [56] en disant que nos rébellions ont été abolies par l’obéissance d’un homme. Qui a été cause de nous rendre Dieu ennemi – et l’est encore maintenant –, sinon le fait que nous ne cessons de l’offenser? Il nous a créés pour jouir paisiblement de nous; mais quand nous refusons de porter son joug, il faut qu’il nous déteste et désavoue pour ses créatures; et à bon droit!

Or donc, voilà pourquoi il est dit que non seulement notre Seigneur Jésus a été châtié pour nos fautes et nos iniquités, mais qu’il n’a point ouvert sa bouche, et il ne s’est pas dérobé à ses souffrances; mais, connaissant qu’il était ordonné à cela, et que tel était le conseil éternel de Dieu, son Père, il s’est montré obéissant jusqu’à la mort. Ainsi, quand nous voudrons encore mieux sentir la puissance de la mort et de la passion du Fils de Dieu, que chacun pense en combien de sortes il a contrevenu à la volonté de Dieu et à sa justice. Or, nous trouverons que nous ne cessons de lui faire la guerre, comme si nous voulions le mépriser à notre escient. Il ne faut donc point s’ébahir si nous avions besoin d’un tel remède, à savoir que le Fils de Dieu, pour ensevelir la mémoire de toutes nos rébellions, se rendit obéissant à notre place. Il est vrai que notre Seigneur Jésus a parlé, devant Pilate, son juge; mais ce n’a pas été pour échapper à la mort: il s’y est offert bien plutôt. Et même il n’a voulu accepter nulle occasion d’être absous, parce qu’il fallait bien qu’il fut condamné en notre nom.

Le sacrifice de l’Agneau. Ce n’est point donc sans cause que le Prophète dit: Qu’il a été comme un muet et il le compare à un mouton ou à un agneau, regardant à l’image des sacrifices anciens; car, quand on nous parle de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, il nous la faut prendre comme un sacrifice par lequel Dieu a été apaisé, puisque les péchés – comme nous l’avons déjà montré – ne peuvent être aboli devant Dieu que par tel moyen. Et, de fait, quand sous la Loi les hommes ont voulu demander pardon de leurs fautes, il a toujours fallu que le sacrifice fût ajouté. Ils ne pouvaient apporter aucune récompense; mais Dieu leur a déclaré que c’était assez qu’ils se fondent sur la promesse, qui leur était donnée, du Rédempteur. Ainsi donc, afin que les Juifs connaissent que Jésus-Christ devait accomplir tout ce qui était pour lors figuré en la Loi, ce nom d’Agneau lui est notamment attribué, et sous une espèce, le Prophète a compris le tout, comme s’il disait que Jésus-Christ, en sa mort et sa passion, premièrement abolirait toutes nos iniquités, puisqu’il s’assujettirait à la volonté de Dieu son Père; et puis, en second lieu, qu’il serait sacrifié comme un agneau, afin que, par l’effusion de son sang, toutes nos souillures fussent lavées et nettoyées. Or, maintenant – quand nous serons repris en nos consciences de tant de fautes que nous commettons et qu’il nous faudra sentir la colère de Dieu –, que nous ayons notre recours à ce qui nous est proposé ici: à savoir que notre Seigneur Jésus-Christ, non sans cause, n’a point voulu répliquer, bien que les afflictions qu’il endurait fussent extrêmes et bien que Dieu déployât sur lui toute rigueur, néanmoins, paisiblement, il a souffert le tout, afin qu’en cette obéissance-là nous fussions réconciliés.

Dans nos souffrances, glorifions Dieu en nous taisant

Cependant, nous sommes aussi exhortés à nous conformer à son exemple; non pas que nous puissions en toute perfection nous humilier devant Dieu, mais il faut nous y efforcer cependant. Quand il plaira à Dieu de nous châtier, et que nous sentirons une grande rudesse en sa main, qu’il nous semblera que nous serons par trop pressés, je dis qu’il faut néanmoins que nous fassions silence et que nous confessions que Dieu est juste et équitable, et qu’on n’entende nul murmure en notre bouche; mais plutôt que nous glorifions Dieu en nous taisant, voire comme de pauvres pécheurs qui sont convaincus de leurs forfaits et qui n’ont nulle réplique. Voilà donc comment saint Pierre applique ce passage: quand nous serons affligés par la main de Dieu, voire même persécutés par la main des hommes, nous ne laissons pas de supporter patiemment les injures qu’on nous fait, connaissant que Dieu nous veut éprouver, ou bien qu’il veut nous punir de nos fautes. Et prenons garde de ne point alléguer des excuses frivoles, comme le font beaucoup, qui mettent en avant leur infirmité et qui sont par trop débiles ne pouvant tenir cois, pendant que Dieu les presse de grandes angoisses. Il faut que nous soyons rendus conformes au Fils de Dieu, car c’est notre miroir et modèle, non pas, comme j’ai dit, qu’il puisse y avoir en nous une vertu égale à la sienne, mais encore que nous n’approchions point de lui, il faut que nous y tendions. Et davantage, nous voyons que David, étant un homme fragile comme nous-mêmes, n’a pas laissé pourtant de pratiquer cette doctrine, comme il dit d’un côté54 [57]: « Seigneur, sachant que c’est ta main qui est ainsi appesantie sur moi, je me suis tu!» et en l’autre passage: «Eh bien, puisque la bride était lâchée à mes ennemis, j’ai souffert paisiblement les injures et les outrages qu’ils m’ont faits.»

Voilà donc ce que nous avons à retenir de ce passage: C’est que comme le Fils de Dieu a été muet pour donner gloire à Dieu, et n’a contredit ni répliqué en toutes ses afflictions, aussi nous souffrirons que Dieu nous châtie quand bon lui semblera, ou bien qu’il éprouve notre obéissance, lâchant la bride aux méchants, afin qu’ils nous persécutent.

Le silence de Christ assure notre rédemption

Or, il est impossible de tendre là jusqu’à ce que nous ayons cette doctrine bien résolue: quand notre Seigneur Jésus s’est tu devant Dieu son Père et devant les hommes, il a par ce moyen réparé toutes nos fautes et nos rébellions. Au reste, quand il nous est dit qu’en se taisant il nous a acquis justice, nous voyons qu’un tel silence apporte cependant ce bien que cela a été pour maintenir notre cause, et qu’il est maintenant notre avocat devant Dieu, ayant toujours la bouche ouverte, c’est-à-dire ayant son intercession prête pour remédier à toutes, les offenses que nous avons commises. Car en endurant qu’on le persécute jusqu’au bout sans rien répondre, il s’est acquis cet office là que si nous sommes convaincus en nos consciences devant Dieu, et qu’il nous faille passer condamnation, et que nous n’ayons nulle réplique pour nous excuser, néanmoins nous serons défendus par lui, et Dieu nous jugera comme innocents puisque nos fautes ont été ainsi réparées. Voilà donc par quel bout, il nous faut commencer, et alors nous aurons meilleur courage et serons beaucoup mieux disposés pour nous taire lorsque nous serons ainsi affligés par la main de Dieu.

Il a été emporté par la violence et le jugement;

Dans sa génération qui s’est soucié

De ce qu’il était retranché

De la terre des vivants,

A cause des crimes de mon peuple,

De la plaie qui les avait atteints?

La mort du Christ tire sa valeur de sa résurrection

Or là-dessus, le Prophète ajoute encore: Il a été emporté par la violence et de jugement. Certains exposent ceci, comme si Jésus-Christ eût été ravi à la mort par une violence soudaine; mais il nous est plutôt dit qu’il n’a pas été vaincu en la mort, mais que par la puissance de Dieu, son Père, il a été ressuscité. C’est déjà beaucoup que nous connaissions que notre Seigneur Jésus a souffert pour notre salut et qu’ayant examiné notre vie, nous sentions que, sans un tel remède, nous étions damnés et perdus. Mais encore, s’il n’était parlé que de la mort et de la passion du Fils de Dieu, nous serions toujours en doute et en scrupule, car comment pourrions-nous espérer qu’il nous donne la vie, puisqu’il serait abîmé en la mort? Nous n’apercevrions point une puissance divine ni céleste, sans laquelle nous ne pouvons concevoir une ferme confiance en lui; nous ne verrions là qu’infirmité qui nous étonnerait!

Tout ainsi donc que le Prophète a parlé auparavant du fruit que nous apporte la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, maintenant il ajoute que c’est d’autant qu’il sera élevé en la puissance de Dieu, son Père: Il a donc été élevé, dit-il, d’angoisse et de jugement. Et bien qu’il ait été condamné, ce n’a pas été que Dieu l’ait délaissé dans le besoin, mais il a été exalté pour avoir empire souverain et pour dominer sur toutes créatures. Et c’est ce que saint Paul aussi nous démontre au chapitre 1er des Romains55 [58], en disant qu’il a été déclaré Fils, de Dieu en sa résurrection. Car si nous ne regardons Jésus-Christ qu’en sa vie, selon qu’il a séjourné ici-bas au milieu des hommes, et puis en sa mort, nous ne trouverons pas en lui ce qui est requis à notre salut. Il est vrai que les miracles qu’il a faits, la doctrine qu’il a prêchée, les autres signes qu’il a montrés, étaient bien pour le déclarer Fils de Dieu: du moins si nous n’étions pas trop débiles de foi. Mais encore nous demeurerions toujours confus, en perplexité, quand Jésus-Christ se présentait comme un homme commun et même méprisé; et puis, que nous le verrions à la fin être assujetti à cette mort maudite et si ignominieuse!

Mais quand de la mort, nous passons à la résurrection, voilà comment nous savons que notre Seigneur Jésus nous a acquis la victoire. C’est ce que dit saint Paul en l’autre passage de la seconde aux Corinthiens56 [59]: que s’il est mort en l’infirmité de sa chair, en la puissance de Dieu, son Père, il est ressuscité. Ainsi, l’ordre que tient ici le Prophète tend à ce but, que nous ne doutions point que notre Seigneur Jésus n’ait la vie en sa main, et qu’il n’en soit Seigneur et Maître, étant donné que cela a été déclaré en sa personne. Connaissons, donc, que le Fils de Dieu a été anéanti pour nous, sachant en même temps qu’il n’a point été dénué de sa puissance, et que s’il l’a tenue cachée pour un peu de temps, nous en aurons eu témoignage certain en sa résurrection, en sorte qu’il n’y a nulle excuse que nous n’arrêtions pleinement notre confiance en lui, et que nous ne méprisions hardiment le diable et le péché, vu que Jésus-Christ a triomphé par-dessus, et que la main de Dieu l’a soutenu pour l’exempter des angoisses; et que, de là même, il a été exalté pour être Lieutenant de Dieu, son Père, et – comme j’ai déjà dit – pour avoir empire souverain au monde. C’est donc, en somme, ce que nous avons à retenir, quand il est dit qu’il a été emporté par la violence et le jugement.

Abaissement et glorification du Christ vont de pair

Or, il a bien fallu que notre Seigneur Jésus descendît jusqu’aux abîmes avant d’être exalté en la gloire des cieux. Car s’il fût seulement apparu en sa majesté, comment aujourd’hui pourrions-nous être assurés que nos péchés nous sont remis? Nous verrions le Fils de Dieu, qui est la fontaine de vie, mais il serait séparé de nous, et nous n’aurions rien de commun avec lui; nous n’en pourrions approcher!

Davantage, nous aurions toujours matière de nous désespérer, puisque nous sommes coupables de fautes infinies. Si donc notre Seigneur Jésus fût descendu aux abîmes sans être élevé aux cieux, que serait ce? Nous demeurerions toujours tels pauvres gens transis et serions en inquiétude sans fin et sans cesse; nous serions en un tourment horrible, voyant que la colère de Dieu, serait toujours sur nous! Mais quand il est dit, en premier lieu, qu’il a été condamné et qu’il a souffert de terribles angoisses, afin que nous en fussions affranchis, et qu’ayant paix envers Dieu – comme il en fut déjà traité –, nous sachions maintenant qu’il nous aime, nous est favorable et nous reçoit à merci; quand donc nous savons que Jésus-Christ a été élevé de là, nous pouvons aussi bien conclure que cela a été pour nous tirer à lui, afin que nous soyons participants de la gloire qui lui a été donnée par Dieu, son Père.

Ayant acquis une vie permanente, Christ la transmet à 1’Eglise

Au reste, il nous faut aussi noter ce que le Prophète ajoute: Dans sa génération qui s’est soucié? Car par ceci, il veut montrer que la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ a son effet et sa puissance à perpétuité, et que ce n’est pas une chose temporelle qui s’écoule et qui s’évanouisse tantôt. Et ceci est encore bien nécessaire, car certains ont pris cet génération pour la génération éternelle de notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu’il a été engendré de Dieu, son Père, de toute éternité; les autres ont tiré et çà et là ces mots du Prophète. Mais quand tout sera regardé de près, il n’y a nul doute qu’il n’ait voulu montrer que la majesté qui a été donnée à Jésus-Christ n’a pas été pour lui et pour sa personne; d’autre part, que ce n’a pas été pour un jour seulement, mais qu’il nous a acquis vie permanente, comme saint Paul dit57 [60] qu’il est mort une fois pour le péché mais que, maintenant, il vit pour Dieu et ne mourra jamais. Par cela, il nous déclare que le sacrifice que notre Seigneur Jésus a offert nous doit bien contenter, puisqu’il nous a sanctifiés par ce moyen-là en toute perfection. Il n’était donc pas besoin que le Fils de Dieu souffrît plusieurs fois, mais puisqu’il a eu cette puissance en lui d’effacer en une fois toutes nos iniquités, ayons hardiment notre refuge en sa mort et sa passion, et ne doutons pas que, toujours, elle n’ait cette vigueur pour nous réconcilier avec Dieu.

Maintenant, la vie en laquelle notre Seigneur Jésus est entré est vraiment céleste, car il a une condition parfaite à laquelle il n’y a que redire. Et quand saint Paul dit58 [61] qu’il vit pour Dieu, c’est parce qu’il est maintenant exempté de toutes nos misères et de la condition qu’il avait prise avant d’être un homme mortel. Jésus-Christ donc a dépouillé tout cela et, maintenant, il est séparé de toutes les fragilités humaines, afin que nous espérions le semblable en nous, qui sommes ses membres. Ainsi, notons, en premier lieu, que le Prophète a déclaré ici que notre Seigneur Jésus n’est pas, ressuscité pour être jamais sujet à mourir, mais qu’il a acquis une vie permanente; et, en second lieu, que cela n’a pas été seulement pour sa personne, mais pour toute son Eglise; de même quand il est dit au Psaume59 [62]: que Dieu est monté en haut et a pris les dépouilles de ses ennemis, c’est pour montrer que quand notre Seigneur Jésus a été exalté après sa mort, le tout est revenu au profit et au salut commun de l’Eglise, S’il a donc vaincu Satan et le péché, c’est afin que nous en soyons délivrés et que nous jouissions du fruit d’une telle victoire, et en fassions nos triomphes. Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage.

Conséquences pratiques pour l’Eglise et le fidèle

Or, le tout est que nous sachions bien l’appliquer à notre usage. Quand, donc, il est dit que le Fils de Dieu a été élevé d’angoisse et de condamnation, apprenons, quand nous serons sollicités par quelque désespoir, à mettre Jésus-Christ devant nos yeux, sachant qu’il a passé par là, et que Dieu, son Père, lui a tendu la main afin qu’il ne soit point opprimé, et que cela été en notre nom. Ainsi donc, nous avons le moyen de sortir de nos angoisses, ayant Jésus-Christ pour Capitaine et en suivant ses pas, puisque tout ce qui a été accompli en lui, comme en notre Chef, nous appartient et que l’effet s’en montrera en chaque fidèle.

Et quand il est parlé de sa génération, c’est afin que nous connaissions qu’il aura la puissance de maintenir son Eglise jusqu’à la fin, car il ne veut point être séparé de son corps. Il est vrai que sa condition est bien différente de la nôtre jusqu’à ce que nous soyons retirés de ce monde. Mais cependant il est toujours le premier-né des morts60 [63], il est les prémices de ceux qui doivent ressusciter61 [64]. Connaissons donc – puisque le Fils de Dieu, non seulement en son essence et en sa Majesté divine est immortel, mais aussi en sa chair et en sa nature humaine – que c’est afin que l’Eglise soit toujours gardée en ce monde et qu’elle ne périsse jamais. Il nous faut donc être assurés de l’état permanent de l’Eglise, quand nous serons fondés sur ce passage. Il est vrai que nous verrons de grands troubles; il semblera souvent que l’Eglise de Dieu doive périr, car il suffit qu’un orage se lève et les vagues seront si grandes et si horribles qu’on dira: « C’en ait fait! Tout est perdu!» – et nous le voyons par expérience. Quelle apparence y a-t-il que l’Eglise de Dieu soit maintenue quand elle est ainsi assaillie de tous côtés? Quand il y a tant d’assauts, ne semble-t-il pas quelle doive être abîmée tout entière? Mais, toutefois, il nous faut en venir au chef62 [65]. Et puisque la génération de notre Seigneur Jésus-Christ ne finit point, et qu’il n’y a nul changement qui empêche qu’il n’ait toujours, égard à bien garder son Eglise, encore qu’il y eût des tentations beaucoup plus grandes et plus violentes qu’elles ne sont aujourd’hui, demeurons fermes toutefois!

Et il ne faut pas appliquer cela seulement à toute la communauté des fidèles, mais aussi à chacun de nous. Que donc nous sachions et soyons bien persuadés, encore que notre vie ne soit qu’un souffle et que nous soyons prêts à chaque minute d’être anéantis, que toutefois nous avons une vie permanente, étant donné que nous sommes membres de notre Seigneur Jésus-Christ. Et, au reste, apprenons en même temps de passer par ce monde, puisque ce n’est pas notre vie que celle dont nous jouissons à présent, mais un passage par lequel il nous faut courir vite jusqu’à ce que nous soyons parvenus au repos de notre héritage. Voilà donc comment, en espérant la vie éternelle, il nous faut quitter tout ceci, qui n’est rien qu’une ombre, et il faut que nos sens ne soient point enveloppés en tout ce qui nous est apparent et qui pourrait nous faire demeurer en ce monde; car tous ceux qui s’y arrêtent, il est certain qu’ils se séparent, par ce moyen, du Fils de Dieu, et se rendent indignes d’avoir aucune part ni portion en son éternité. Ainsi donc, retirons-nous de ce monde, si nous voulons être conjoints au Fils de Dieu.

Au reste, afin que cette doctrine eût plus de vigueur et de véhémence envers nous, le Prophète s’émerveille! Il ne déclare pas seulement que la génération de notre Seigneur Jésus-Christ sera éternelle, mais il se jette là comme un homme tout ébahi: Qui racontera son âge ? Ainsi donc, nous sommes admonestés à batailler contre toutes les tentations, et si nous sommes quelquefois empêchés, çà et là, si nous sommes outre l’agitation quasi-abattus, que toutefois nous résistions et travaillions à nous y efforcer, jusqu’à ce que nous soyons parvenus à ce qui nous est ici montré, c’est à savoir que la génération de notre Seigneur Jésus-Christ ne se peut connaître par les sens humains et ne se peut aussi exprimer par la bouche. Et pour ce faire, nous devons être aussi bien avertis de passer par-dessus toutes nos pensées quand il est question de nous fier à notre Seigneur Jésus-Christ et de le suivre pour être participants de l’héritage céleste qu’il nous a acquis. Il n’est pas question de nous arrêter à notre opinion et fantaisie pour bien traiter cette doctrine, comme si elle pouvait être débattue par le langage. Connaissons que notre foi, bien qu’elle dépende de l’ouïe, ne sera jamais assurée, à moins quelle reçoive témoignage de Dieu et de son Saint-Esprit; voire, un témoignage qui surpasse tout ce qui se pourra exprimer par une langue d’homme. Pour cette cause, il ne faut point que nous soyons retenus en nos appréhensions pour juger comme bon nous semblera; mais, sachons, que c’est un secret admirable et incompréhensible que le Fils unique de Dieu se soit fait homme mortel, et qu’il se soit assujetti à la mort, afin que nous en soyons exemptés; et que maintenant, au milieu de nos fragilités, nous ne laissions pas, toutefois d’avoir une vie permanente, laquelle nous possédons par la foi jusqu’à ce qu’elle nous soit manifestée au dernier jour et à sa venue63 [66], Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage.

Christ a souffert les plaies qui nous étaient dues

Or, derechef, le Prophète ajoute: Qu’il a été retranché de la terre des vivants et a soutenu les plaies qui étaient dues à son peuple. C’est une confirmation de ce que nous avons dit naguère, à savoir que la génération de notre Seigneur Jésus-Christ ne serait pas seulement pour sa personne, mais pour tout le corps de l’Eglise, auquel il s’est uni et avec lequel il a comme un lien inséparable. Car le Prophète nous montre que, sans cela, il faudrait dire que la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ serait inutile. Or, c’est un blasphème insupportable de penser que le Fils de Dieu soit descendu dans le monde et qu’il ait enduré une mort si cruelle, et que le jugement de Dieu soit ainsi tombé sur sa tête, qu’il ait porté la punition de nos péchés, qu’il ait été estimé comme le plus grand malfaiteur du monde, et que cependant cela n’apporte nul profit à ses fidèles! On dirait que ç’aurait été comme un jeu! Or, donc, le Prophète nous ramène là, que nous considérions bien à quelle fin et intention notre Seigneur Jésus a été ainsi battu et frappé. Cela n’est point advenu par hasard, comme il a été déclaré ci-dessus; il ne faut pas aussi seulement regarder la main des hommes et de ceux qui l’ont injustement occis, mais il nous faut élever les yeux de notre foi à ce conseil de Dieu, par lequel il avait ordonné que Jésus-Christ fût sacrifié, afin de nous acquérir la rémission de nos péchés. Puisqu’il en est ainsi, nous avons toujours à conclure que Jésus-Christ n’a point souffert pour lui, mais qu’il a enduré et souffert les plaies qui nous étaient dues.

Nous sommes donc justifiés par la seule bonté de Dieu

Or, ici, en premier lieu, nous sommes exhortés à entrer en connaissance et examen de nos péchés, quand la mort et la passion de notre Seigneur Jésus nous est mise sous les yeux. Il est vrai que là Dieu déploie les trésors infinis de sa bonté, comme de fait quand saint Paul a traité64 [67] que nous avons été justifiés par notre Seigneur Jésus-Christ, et qu’étant appuyés sur sa mort et sa passion, maintenant, nous pouvons hardiment nous présenter devant Dieu, et nous glorifier qu’il nous tiendra toujours pour agréables. Saint Paul, dis-je, après avoir traité cette doctrine, qu’étant pauvres pécheurs, nous ne serons pourtant jamais rejetés par Dieu, mais qu’il nous supportera parce qu’il nous reçoit au nom de son Fils unique, il ajoute: «Je vous, prie, mes frères, par les entrailles de la bonté et de la miséricorde de Dieu…» En quoi, il montre qu’en ce que Jésus-Christ a souffert, nous avons un témoignage de l’amour infini de Dieu, comme s’il nous découvrait son cœur et qu’il nous mit en avant ses entrailles pour nous attester combien nous lui sommes chers et combien nos âmes lui sont précieuses. Mais cela, pourtant, ne doit pas nous endormir, en sorte que chacun se plaise dans ses péchés; car d’autant plus que Dieu s’est montré libéral en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, nous devons sentir, par ailleurs, quelle énormité il y a en ce que nous lui sommes ennemis et que nous bataillons contre sa justice, que nous l’irritons à l’encontre de nous! Car la grâce que Dieu nous montre en notre Seigneur Jésus-Christ nous doit toujours attirer à repentance.

Aujourd’hui, les Papistes tâchent de calomnier faussement la doctrine que nous prêchons: qu’il nous faut être sauvés par la bonté gratuite de Dieu et qu’il nous faut avoir notre refuge en Jésus-Christ, sachant que c’est là que nous avons toute perfection de justice. – «Voire, disent-ils, et il faudra donc que chacun vive à son appétit et qu’on ne fasse plus nul scrupule d’offenser Dieu?» – Or, il est vrai que ces chiens-là peuvent aboyer en telle sorte, puisque jamais ils n’ont goûté ce qu’est la rémission des péchés. Car ces cafards se moquent pleinement de Dieu et de toute religion, et jamais n’ont compris ce que c’est d’avoir transgressé la Loi de Dieu. Et nous voyons aussi comment ils pensent s’acquitter. S’ils ont chanté la messe, s’ils ont marmonné65 [68], s’ils ont fait des petits badinages et menus fatras, voilà Dieu qui doit bien être apaisé, comme un enfant avec un petit hochet! Voilà donc comment ces moqueurs de Dieu pourront bien blasphémer contre la doctrine de l’Evangile!

Mais quand nous aurons connu nos péchés, et à quelle fin la grâce inestimable de Dieu nous est prêchée, il est certain que nous serons mortellement navrés d’horreur et d’angoisse, voyant que Dieu nous est contraire, puisque nous avons provoqué sa colère. Et c’est ce que le Prophète a voulu dire ici: que Jésus-Christ a soutenu66 [69] les plaies qui nous étaient dues. En quoi il montre que jamais nous ne pourrons bien sentir au vif en quoi a profité la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, ou que nous ne soyons bien touchés là-dedans67 [70] d’avoir offensé notre Dieu et de l’avoir établi (nous-mêmes) comme notre juge et ennemi jusqu’à ce que nous soyons réconciliés avec lui par sa pure bonté. Or, ceci nous est assez souvent montré en l’Ecriture sainte; mais le tout est que nous y appliquions notre esprit68 [71] et notre étude.

Christ convie les travaillés et chargés

Quoi qu’il en soit, nous voyons que notre Seigneur Jésus-Christ n’appelle rien que ceux qui sont chargés et travaillés69 [72]. Par cela, il exclut tous ceux qui sont endormis en leurs iniquités, qui s’y flattent ou bien se jettent à l’abandon sans aucune crainte de Dieu. Ceux donc qui s’adonnent sans frein au mal ne peuvent approcher de notre Seigneur Jésus-Christ: c’est une chose certaine. Car qui nous donnera accès, à lui, sinon la voix par laquelle il nous convie? Autant en est-il de ceux qui s’aveuglent en leur orgueil et présomption, qui se font accroire qu’ils sont justes en eux-mêmes. Il est certain qu’à ceux-là aussi la porte est close et qu’ils ne peuvent pas espérer que notre Seigneur Jésus-Christ leur apporte aucun soulagement. Et pourquoi? «Venez à moi!», dit-il. Et comment? Tout le monde! Il est vrai qu’il appelle bien tout le monde, mais il distingue: «Vous qui êtes chargés et travaillés». Après avoir appelé tous ceux qui ont besoin de son secours, il montre que nul n’en peut être participant à moins qu’il soit chargé et travaillé. Quand donc nous sentirons notre fardeau et gémirons dessous, connaissant que nous n’en pouvons plus, voilà comment le chemin nous sera fait et ouvert pour venir à notre Seigneur Jésus-Christ, car il a les bras étendus pour nous recevoir comme aussi nous verrons, ci-après qu’il a été envoyé pour prêcher à ceux qui sont abattus en leur cœur. Il faut donc que nous soyons sacrifiés en cette manière pour être rendus conformes à notre Seigneur Jésus-Christ. Il est vrai que le sacrifice qu’il a offert est notre pleine espérance, c’est-à-dire qu’il ne faut point que nous présumions de rien ajouter du nôtre70 [73], Jésus-Christ nous a acquis pleinement le salut, en ce qu’il a été sacrifié à Dieu, son Père. Mais cependant, il faut que nous soyons menacés du jugement de Dieu, que nous connaissions combien c’est une chose énorme que nous, pauvres vers de terre, venions à nous élever contre la majesté de celui qui nous a créés, que nous violions sa justice, attendu même que nous sommes en ce monde pour le servir et l’honorer. Que, donc, nous sentions vivement cela en nous, afin de venir à notre Seigneur Jésus-Christ.

Christ a été retranché de la terre des vivants

Or, il semblerait bien, de prime abord, que le Prophète eût ajouté ici une raison étrange, en disant: parce qu’il a été retranché de la terre des vivants. Car, dans le but que Jésus-Christ fut exalté, et que maintenant il domine au ciel et sur la terre, il ne semble pas que le moyen fût propre que premièrement il n’eût à être comme retranché; car il a eu avant la création du monde toujours cette gloire en laquelle il est maintenant, selon qu’il l’a affirmé au chapitre 17 de saint Jean71 [74], Jésus-Christ, donc, ne s’est rien acquis de nouveau quant à son essence divine. Or, d’être comme abîmé en la mort, ce n’est pas le passage pour parvenir à la gloire céleste; d’être condamné par un homme mortel, ce n’est pas pour être établi juge du monde! Mais tant y a que Dieu a ainsi voulu besogner outre le sens humain72 [75]. Et il ne faut pas que nous apportions ici notre avis, comme si nous pouvions trouver à redire, en ce conseil, que nous savons être la cause et la source de notre salut, mais en toute humilité glorifier Dieu de ce qu’il a voulu que son Fils fût ainsi retranché de la terre des vivants. Or, notamment, le Prophète parle ainsi comme si Jésus-Christ eût été totalement anéanti; il n’a pas voulu exprimer seulement une mort commune, mais qui était pour l’exterminer, en sorte que c’était comme si sa mémoire eût été pleinement abolie et effacée. Car bien qu’il faille que tous les hommes meurent et que, par ce moyen, ils soient retranchés de la terre des vivants, on a toutefois vu ceci de spécial, en notre Seigneur Jésus-Christ, que sa mort a été pour l’aliéner du rang des hommes. Car il y a eu de l’ignominie, comme nous avons dit; il y a eu la malédiction de Dieu; et puis, il y a aussi les gouffres de l’enfer; non pas que Jésus-Christ y ait été englouti, mais il y a combattu contre les angoisses de la mort.

Ce faisant, il a acquis une majesté souveraine en sa nature humaine

Ainsi, donc, ce n’est point sans cause que le Prophète le propose ici comme ayant été retranché de parmi les hommes. Mais, quoi qu’il en soit, par ce moyen, il a acquis une majesté en cette nature qu’il avait prise de nous, tellement qu’aujourd’hui, étant notre frère, il ne laisse pas aussi d’être notre Juge. Et voilà comme saint Paul en parle73 [76], «qu’il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, voire jusqu’à la mort qui était maudite». Disant qu’il s’est rendu obéissant, il note ce que nous avons déjà déclaré du Prophète: à savoir que ce que notre Seigneur Jésus-Christ a enduré était volontaire. Et parce que nous sommes coupables devant Dieu et lui sommes ennemis, il est dit74 [77] que Jésus-Christ s’est assujetti; lui qui avait toute maîtrise et autorité, il a pris la forme d’un esclave, il a pris la condition de ceux qui étaient sous le joug, comme dit saint Paul. Voilà donc comment, en toute sa vie, il s’est rendu obéissant et a voulu être sous la Loi. Et non seulement cela! Mais bien qu’il eût d’horribles appréhensions de la mort, jusqu’à suer du sang et de l’eau, jusqu’à dire75 [78]: «Mon Père, s’il est possible, que ce breuvage tant amer soit éloigné de moi!», néanmoins, il met des limites à sa propre volonté: «Ta volonté soit faite, dit il, et non pas la mienne.» Or, là-dessus, saint Paul ajoute76 [79] que, pour cette cause, Dieu, son Père, l’a élevé et lui a donné un nom qui est par-dessus tous, de sorte que tout genou se ploie aujourd’hui devant lui! Ainsi donc, connaissons que Jésus-Christ, même en notre nature, a une majesté souveraine, afin que nous venions en pleine confiance à lui. Car, à quelle condition est-il juge du monde entier? C’est parce que non seulement il s’est fait notre frère, mais aussi s’est offert pour être notre caution, et a soutenu toutes nos iniquités. Il a été battu et frappé de la main de Dieu, afin, que nous fussions garantis des plaies que nous avions méritées. Pour cette cause, il est maintenant exalté, afin que nous en approchions hardiment. Or, il est vrai qu’il faudra que les méchants et les diables, bien malgré qu’ils en aient, sentent comme le Fils de Dieu est par-dessus eux, car il faut que tous ses ennemis soient foulés sous ses pieds. Mais, de notre côté, nous avons à lui rendre un hommage volontaire, à nous ranger paisiblement à lui, et à connaître la majesté qui lui a été donnée en sa nature humaine, afin que nous ayons de quoi nous glorifier contre le péché.

Acceptons cette doctrine savoureuse

Or, que ceci soit entendu de la personne de Jésus-Christ ressort clairement de ce que saint Luc raconte77 [80]: que l’eunuque, étant venu adorer au Temple de Jérusalem, lisait ce passage et qu’il lui a été exposé, par Philippe, qui a été envoyé de Dieu et ravi par l’ange tout exprès, afin de venir à cet homme qui cherchait Dieu, mais comme un pauvre aveugle qui

n’avait point encore de connaissance. Mais ce passage lui a été exposé en sorte qu’en une seule prédication, il a été converti à notre Seigneur Jésus-Christ, et a demandé et requis d’être baptisé en son nom. Cela nous doit bien toucher, car, en premier lieu, nous sommes admonestés qu’encore que du premier coup nous ne puissions pas avoir l’intelligence pure de la doctrine de notre Seigneur Jésus-Christ, et quel est le fruit que nous devons recueillir de ce qui nous est prêché journellement, qu’il ne nous faut point désespérer pourtant, mais chercher en l’Ecriture ce qui nous est inconnu. Et Dieu nous tendra la main, et ayant pitié de nous, il nous adressera au vrai but! Et ainsi, ce pauvre homme-là qui s’exerçait à la lecture de la Bible et ne savait pas ce qu’elle voulait dire, a été converti à notre Seigneur Jésus-Christ, prenons bien garde de nous endormir, mais plutôt suivons ce qui est dit au Psaume78 [81] : «Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez point vos cœurs!» Ainsi, donc, que nous goûtions tellement la doctrine qui nous est ici prêchée, que nous soyons amenés à notre Seigneur Jésus-Christ, et que nous l’acceptions au point que nous y adhérions en vraie constance de foi, que nous y profitions et soyons confirmés jusqu’au bout; et qu’après nous être vraiment humiliés, nous venions nous présenter à notre Dieu pour lui demander pardon, et nonobstant notre indignité, que nous ne laissions pas de lever la tête en haut et de concevoir une vraie certitude qu’au nom de ce grand Rédempteur, nous serons acceptés par Dieu. Et bien qu’il ait été abîmé pour un peu de temps, revenons à ce point que, néanmoins, il a été élevé par-dessus les cieux pour nous attirer à lui, comme lui-même dit en saint jean, au chapitre 1279 [82]: «Quand je serai exalté de ce monde, je tirerai toutes choses à moi.»

Cinquième sermon

ÉSAÏE 53.9-10

On a mis sa tombe parmi les méchants,

Son sépulcre avec le riche.

Quoiqu’il n’ait pas commis de violence

Et qu’il n’y ait pas eu de fraude dans sa bouche. (53.9)

Le mépris des impies

Le Prophète continue ici la doctrine que nous avons déjà vue: à savoir qu’il y avait une telle inimitié entre Dieu et nous, qu’il n’y a eu moyen d’apaiser sa colère, si non que Jésus-Christ eût répondu (pour nous) jusqu’au bout. Car, d’autant plus que le Fils de Dieu a souffert, de là nous pouvons recueillir combien nos fautes sont énormes, et en quelle détestation Dieu les a, puisque (comme nous avons dit et sera encore tantôt récité) il n’y a rien de superflu ou inutile en la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Et ainsi, étant donné qu’il a été affligé gravement, il nous a attesté d’un côté sa bonté infinie et l’amour qu’il nous portait, mais aussi il nous faut contempler ce que méritaient nos iniquités devant Dieu. Or, il est ici dit qu’en plus de ce qui a déjà été raconté, notre Seigneur Jésus-Christ a été exposé à toutes les

moqueries et opprobres des méchants, et qu’ils en ont fait leur triomphe; car, par ce mot de sépulcre, il n’y a nul doute que le Prophète n’ait voulu exprimer que Jésus-Christ a été assujetti à toutes sortes d’outrages et que Dieu l’a voulu comme abandonné pour un temps, afin que les hommes eussent toute licence de le vilipender, ainsi qu’il nous est montré en l’histoire de l’Evangile. Car non seulement Jésus-Christ a été crucifié, mais tous ont tiré la langue contre lui et ont jeté leurs brocards, et même l’ont sollicité à désespoir autant qu’il était possible. Et cela déjà avait été bien dit au Psaume 2280 [83] que les plus vilains et les plus marauds devaient tirer la langue contre lui. Et nous entendons aussi leurs propos: «Il a sauvé les autres! Qu’il se sauve soi même, s’il peut! Et que n’invoque-t-il son Dieu? On verra s’il l’aime tant!» Voilà donc comment notre Seigneur Jésus a été meurtri par les méchants, et les hommes se sont débordés contre lui en toute furie. Et c’est afin que devant Dieu nous puissions obtenir telle grâce que tous nos opprobres soient cachés, et bien que Satan nous accuse et ait de quoi, néanmoins, tout ce qui pourrait nous faire honte soit enseveli. Si notre Seigneur Jésus a voulu endurer tous blâmes et opprobres des hommes, c’est afin que, devant Dieu, toutes nos turpitudes soient cachées et qu’elles ne soient point en mémoire.

Quand le Prophète parle ici des riches, c’est comme s’il nommait les plus violents et ceux qui sont absolument sans aucun frein. Car nous savons que, quand les hommes ont du crédit et qu’ils ont beaucoup de quoi, ils se font craindre et redouter, et abusent toujours de leur puissance. On en trouvera bien peu qui se tiennent en sobriété et en mesure, et qui soient humains quand ils ont le moyen de mal faire. Quant aux pauvres, bien qu’ils aient beaucoup de fierté en eux, ils sont comme retenus par force, et ainsi on n’apercevra pas le mal qui est caché. Mais les riches et ceux qui ont de quoi se jettent hors des gonds et il leur semble que tout leur sera licite. Bref, le Prophète a voulu dire que notre Seigneur Jésus-Christ a été comme mis dans la main des hommes, afin qu’il fût traité si vilainement qu’on ne daignât pas le tenir du rang des plus méprisables, mais qu’il fût comme un ver de terre et que toutes moqueries s’adressent à lui. Voilà, en bref, ce qui est traité en ce premier membre de phrase.

Christ est innocent: il souffre à notre place

Or, il ajoute également: que néanmoins il n’avait commis nul forfait, pour montrer que le Fils de Dieu, étant innocent en sa personne, a voulu recevoir toutes nos charges, desquelles nous eussions été accablés, car il ne se trouvera créature mortelle qui puisse soutenir ce qui a été porté et souffert par notre Seigneur Jésus-Christ. Et ainsi, derechef, le Prophète nous déclare que ce n’a point été pour ses démérites, ni qu’il fût coupable en rien, quand les hommes lui ont été ainsi ennemis et cruels, et ont exercé toute tyrannie sur lui: mais cela a été à cause de nous Et, de fait, si contemplons la vie de notre Seigneur Jésus, on ne trouvera pas que nul ait occasion de rien attenter contre lui. Il est vrai que les sacrificateurs disent à Pilate81 [84] que, s’il n’eût été malfaiteur, ils ne l’eussent pas amené devant lui. Tant y a que si on s’enquiert des méfaits de Jésus-Christ, c’est qu’il a bien fait à tout le monde, car il a illuminé les aveugles, il a fait cheminer les boiteux, il a guéri les malades, il a ressuscité les morts, il a repu le peuple affamé: bref, on ne voit rien sinon que toutes les richesses de la bonté et de la miséricorde de Dieu sont déployées en lui. Et comment donc a-t-il été aussi cruellement persécuté des hommes? Il faut bien que cela provienne d’ailleurs! Voilà donc pourquoi le Prophète nous ramène à nos fautes et offenses, quand il parle de l’intégrité de notre Seigneur Jésus-Christ. Car il ne nous faut pas estimer qu’ici le Prophète ait voulu simplement justifier le Fils de Dieu. Ce serait une chose trop maigre de dire: «Voilà, il n’a point été coupable de rien, mais il s’est porté en telle sorte qu’il doit être aimé et honoré de tout le monde!» – Cela est bien vrai, mais cette doctrine serait par trop froide que notre Seigneur Jésus eût besoin d’être excusé et être exempté de tout blâme.

La mort de Christ relève du décret de la providence de Dieu

Or, le Prophète a bien regardé plus haut: c’est de conjoindre ces deux articles qu’il met ici: à savoir que Dieu a ainsi exposé son Fils unique à tous sévices et opprobre, et néanmoins qu’il a été innocent. Si les hommes se fussent élevés contre lui et que cela ne fût point advenu par la providence de Dieu et de son conseil, on dirait qu’ils ont été poussés d’une rage, et cependant nous ne trouverions point la cause. Mais il est dit: «C’est la main de Dieu!» Car bien que les sacrificateurs, et tous les Juifs en général, et les gendarmes aient été incités par le diable à dégorger tels blasphèmes que nous lisons en l’Evangile contre notre Seigneur Jésus, toutefois, ils n’ont point fait cela sans que Dieu ne l’ait ordonné, dit Esaïe. Il ne faut pas que nous ayons notre vue seulement attachée aux hommes, pour dire: «Ils ont fait ceci ou cela!» – mais c’est un jugement de Dieu, comme s’il était là assis en son Tribunal, qu’il remît son Fils unique entre les mains des tyrans et des méchants, et qu’il voulût qu’il fût là abattu par tout opprobre, et qu’il n’y eût nul blâme qui ne tombât sur lui.

Cette mort révèle l’énormité de nos péchés

Quand donc, non seulement il est dit que les hommes n’ont point épargné notre Seigneur Jésus-Christ, mais que c’est Dieu son Père – comme aussi il en est parlé en saint Jean82 [85]: Dieu a tant aimé le monde qu’il a voulu déclarer cela en la personne de son Fils, d’autant qu’il l’a exposé à une mort tant amère pour nous – si nous élevons ainsi nos yeux à connaître que rien ne s’est fait en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, qui ne fût déterminé par Dieu, il faut conclure que si Jésus-Christ était innocent – comme c’est la vérité – là, nos péchés ont été montrés à vue d’œil et tous les blâmes et opprobres qui lui ont été faits devaient tomber sur nous. Connaissons donc que nous sommes dignes que toutes créatures s’arment pour demander vengeance contre nous; et même, bien qu’elles n’aient ni bouche, ni langue que, néanmoins, elles ne soient là comme pour découvrir toutes nos hontes et tous nos vices, de sorte que nous soyons confus et devant le ciel et devant la terre.

Connaissons-nous donc tels que nous sommes

Voilà ce que nous avons à observer en premier lieu: car, ou Dieu aurait ainsi tourmenté son Fils unique à la légère, ou bien il faut qu’il nous montre quelle est l’énormité de nos péchés, et ce que nous avons mérité: à savoir que nous soyons blâmés de toutes parts. Il est vrai que nous ne pouvons souffrir quoi que ce soit; et nous sommes tant délicats que si on touche notre honneur, nous voudrions incontinent foudroyer! Mais cela est parce que nous ne regardons point quels nous sommes et ne jugeons point si c’est à tort ou à bon droit qu’on nous blâme. Or, notons que bien que les opprobres que nous avions mérités aient été abolis en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, toutefois, nous avons besoin que Dieu nous sollicite à repentance et que, quand nous ne voudrons point, de notre bon gré, entrer en examen pour avoir honte de nous, il a suscité des hommes qui viennent nous réveiller; et d’autant plus que nous tâcherons de nous couvrir de vaines excuses, qu’il mette en avant nos opprobres, afin qu’ils soient connus. Saint Paul83 [86], parmi les fruits de la repentance, met celui-ci: que pensant à notre vie passée, nous baissions les yeux, gémissions devant Dieu et ayons honte de nous-mêmes. Et qui est-ce qui le fait, voire en telle perfection qu’on doit? Plutôt, nous cherchons par hypocrisie à oublier nos fautes, et Dieu nous les veut ramener en mémoire et en compte, voyant que nous les voulons ainsi cacher par subterfuges.

Et croyons que nos fautes sont effacées

Mais, cependant, notons que nous pouvons, maintenant, venir nous présenter devant Dieu et ses anges, étant assurés que nos fautes ne seront point manifestées et que nos turpitudes ne seront point découvertes, étant donné que notre Seigneur Jésus a été ainsi blâmé. Et ce n’est point par aventure, ni que les hommes aient rien usurpé sur lui sans la volonté de Dieu: mais, c’est parce que Dieu l’avait ainsi établi, et cela été un jugement céleste. Or, puisque notre Seigneur Jésus est juste, il faut bien qu’il porte nos charges sur lui, quand il est ainsi affligé. Et ainsi connaissons, en premier lieu, que nous sommes dignes de tout opprobre; et puis, néanmoins, que nous en sommes absous, puisqu’il nous en a acquittés et que la satisfaction en a été faite en sa personne. Voilà donc pourquoi et à quel propos, il est ici parlé de l’innocence et de l’intégrité du Fils de Dieu. Ce n’est point pour amener quelque excuse quant à lui, mais c’est afin de nous faire sentir quels nous sommes, et là où il fallait que nous venions, si nous n’en avions été retirés et rachetés.

Miroir de sainteté, Christ a porté notre punition

Au reste, le Prophète, voulant exprimer une perfection pleine et à laquelle il n’y a rien à redire, dit qu’il ne s’est point trouvé de fraude en sa bouche. Or, comme dit saint Jacques84 [87], il faut bien qu’un homme soit parfait, quand il ne lui échappera point même une parole vicieuse, parce que la langue est si fragile que rien plus. Et bien que nous soyons par trop enclins à tout mal, celui qui pourra retenir ses mains et ses pieds, et qui pourra se régler en toute sa vie, au point qu’on ne voit que crainte de Dieu et toute vertu, encore ne pourra-t-il pas cependant tenir si bien sa langue qu’on y aperçoive quelque légèreté et quelque inconsidération, mensonge ou dissimulation. Bref, il est dit qu’en notre Seigneur Jésus-Christ il ne s’est trouvé aucune fraude, pour montrer qu’en tous ses faits et en tous ses dits, il a été un miroir de sainteté. Or, il est certain que toutes les misères que nous endurons sont les fruits de nos péchés; car si nous fussions demeurés en l’intégrité en laquelle Dieu avait mis notre père Adam, tous blâmes cesseraient au monde et seraient abolis: c’est donc le fruit de nos péchés, quand nous sommes blâmés. Ainsi, il faut conclure, puisqu’il ne s’est trouvé aucune tache, pas la moindre du monde, en notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il a porté la punition que nous avions méritée et provoquée.

Il a plu à l’Eternel de le briser par la souffrance;

Après s’être livré en sacrifice de culpabilité,

Il verra une descendance

Et prolongera ses jours,

Et la volonté de l’Eternel s’effectuera par lui. (53.10)

Christ, brisé par la souffrance

Et voilà aussi pourquoi le Prophète ajoute que Dieu a voulu l’affliger d’infirmités. Ce mot infirmité a un sens très large en l’Ecriture: car, il comporte toutes les choses qui rendent les hommes méprisables, comme nous le voyons dans plusieurs passages. S’il y a pauvreté, maladie, langueur ou mépris; s’il y a qu’un homme n’ait nulle grâce ou à bien parler ou à bien faire, qu’il n’ait point de maintien, qu’il n’ait nulle dextérité, cela se nomme infirmité en l’Ecriture. Bref, c’est pour revenir à ce que le Prophète avait touché, à savoir que notre Seigneur Jésus a été comme défiguré, et qu’on n’a trouvé nulle apparence en lui par quoi il pût être sans réputation aucune parmi les hommes. Non pas que toujours il n’ait eu certaines marques pour être honoré comme le Fils unique de Dieu, mais cela a été obscurci de telle sorte que ce qu’il a enduré, qu’on l’a vu infirme au point qu’il n’avait nulle puissance et ne semblait pas qu’il fût doué d’aucune grâce pour quoi on devait l’estimer. Et même il nous faut recueillir ce qui a été raconté: à savoir qu’il a été frappé et battu de la main de Dieu, qu’il a souffert les horribles angoisses de son jugement, il a en son corps porté les tourments les plus épouvantables; et, outre cela, il a été vilipendé des hommes comme s’il n’eût pas été digne d’être au rang des plus marauds! Voilà donc comment le Fils de Dieu a été affligé.

N’ayant pas épargné son Fils, Dieu nous épargne

Puisqu’il en est ainsi, connaissons, puisque Dieu ne l’a point épargné, qu’il nous a épargnés de notre côté; et ce faisant, toutefois, il nous a donné l’occasion de nous humilier, afin que nous n’ayons plus la tête levée, et que nous ne prétendions pas nous justifier, ou bien que nous ne jetions point nos péchés derrière le dos, mais que, journellement, nous y pensions, et que nous soyons confus, voyant l’expiation qui en a été faite. Est-ce peu de chose? S’il y avait un pauvre malfaiteur qui eût commis tous larcins et brigandages, et qu’après qu’il aurait reconnu ses méfaits, il y eût le fils d’un Roi qui fût amené en jugement pour supporter la punition, et que le malfaiteur fût absous et totalement acquitté, faudrait il qu’il se raillât et qu’il se moquât, voyant que le fils du Roi devait mourir et supporter la peine à sa place?

Or, maintenant, nous sommes épargnés! Voilà Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, qui est emprisonné, et nous sommes délivrés! Il est condamné, et nous sommes absous! Il est exposé à tous les outrages, et nous sommes établis en honneur! Il est descendu aux abîmes d’enfer, et le Royaume des cieux nous est ouvert! Quand donc nous entendons toutes ces choses, est-il question de nous tenir endormis, de nous plaire et de nous flatter en nos vices? Ainsi donc, notons bien l’intention du Saint-Esprit, et toujours, pesons ce mot, que c’est Dieu qui l’a voulu affliger; comme s’il disait que nous ne devons pas estimer que notre Seigneur Jésus se soit mis là comme à l’abandon, au point que les méchants le pussent ainsi tourmenter à leur appétit, car ils ne pouvaient rien sans le conseil de Dieu! Comme aussi les Apôtres en traitent dans les Actes85 [88]: «Dieu, disent-ils, a exécuté ce que sa main et son conseil avaient déterminé.» Ainsi donc, non sans cause, le Prophète nous ramène toujours là, qu’il nous faut élever nos sens à Dieu et connaître qu’étant juge du monde, il a voulu prendre satisfaction de nos péchés et offenses en la personne de son Fils unique, afin que nous en fussions acquittés, et que, non sans cause, Jésus-Christ a été ainsi battu rudement, afin que nous puissions cheminer la tête levée, et que nous sachions que Dieu ne veut point avoir souvenance de toutes nos turpitudes, qui nous rendaient détestables devant lui. Et quand nous saurons cela, nous aurons beaucoup profité, non seulement pour un jour, mais pour tout le temps de notre vie. Car, à la vérité, c’est une doctrine à laquelle il nous faut tellement appliquer que, même s’il nous semble que nous l’ayons bien connue, nous ne laissions pas de mettre peine de nous y conformer de plus en plus.

Christ acquiesce de tout cœur à son sacrifice

Et voilà aussi pourquoi le Prophète ajoute pour plus grande expression: Qu’il mettra son âme pour satisfaction du péché, c’est-à-dire que Jésus-Christ oubliera sa vie pour la rédemption des hommes et pour prix de leurs fautes et iniquités. Or ici, derechef, le Prophète nous propose l’obéissance volontaire du Fils de Dieu: car comme il a dit que le Père l’a voulu affliger, aussi maintenant il dit que de son côté il s’est rendu volontaire à cela, et qu’il n’y a pas été forcé, mais qu’il est venu au devant pour être un vrai sacrifice. Car cela a été toujours la coutume que les sacrifices fussent présentés à Dieu par les hommes, voire d’une franche volonté et dévotion, comme on dit. Il a donc fallu, de même, que notre Seigneur Jésus se soit offert et s’abandonne à la mort qu’il a endurée. Et, comme cela a été déjà déclaré, sans cela nos rébellions ne seraient pas réparées devant Dieu ; mais, quand il a mis son âme, c’est-à-dire qu’il s’est rendu prêt et appareillé à souffrir la condamnation qui nous était due, voilà comment en sa mort nous pouvons avoir pleine confiance de salut! Et lui-même l’a ainsi prononcé en saint Jean86 [89]: «Nul ne m’ôtera ma vie, dit-il, mais je la quitterai de mon gré.» Il est vrai que sa vie lui a été ôtée quand il a été crucifié, et nous voyons de quelle inhumanité et rage ont été poussés ceux qui le crucifiaient; mais comme ils ne pouvaient rien attenter contre lui, encore qu’ils l’eussent voulu et qu’ils s’y fussent efforcés, puisque tout cela a été fait selon l’ordonnance et le décret de Dieu le Père, comme déjà nous l’avons déclaré, alléguant ce passage des Actes87 [90]: «Ils n’ont fait sinon, ce que ta main et ton conseil avaient établi.» Mais, outre cela, notre Seigneur Jésus a, en même temps, consenti et acquiescé à la sentence qui était donnée de lui en notre nom. Et voilà comment il a exposé son âme.

Christ a été fait «péché» et malédiction

Or, le Prophète ajoute notamment: pour le péché. Ce mot est attribué à tous sacrifices, parce que celui qui avait commis quelque offense, en venant demander pardon, apportait son sacrifice, et se déchargeait là-dessus, comme s’il eût déclaré: «Hélas! mon Dieu, me voici coupable de mort devant toi; je suis criminel! De porter la punition qui m’est due, il me serait impossible; ce serait plutôt un fardeau pour m’abîmer totalement! Mais voici le remède, c’est que je te demande pardon par le moyen du sacrifice qui t’est ici offert.» Voilà pourquoi on les appelait péchés, parce que la malédiction que les hommes avaient méritée, et sous laquelle ils eussent été abîmés totalement, était comme déchargée et remise sur un veau ou sur un mouton, ou sur ce qui était offert. Or, tout cela a été fait en image sous la Loi. Ainsi donc, notre Seigneur Jésus-Christ est appelé péché, du fait qu’il a souffert notre malédiction, afin que nous fussions bénis, de Dieu, son Père. Et ne pensons pas que ceci déroge à sa majesté, mais plutôt il mérite d’être d’autant plus magnifié par nous, comme saint Paul en parle en sa seconde épître aux Corinthiens88 [91], disant «que celui qui ne savait que c’était le péché a été

fait péché pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu en lui.» Il n’y a nul doute que saint Paul n’ait voulu déclarer là le fruit de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, comme il nous est ici montré par le Prophète. Voilà donc Jésus-Christ qui est innocent, sans tache ni souillure. Puisqu’il en est ainsi, il faut bien qu’il ait porté la charge d’autrui! Or, il l’a portée en telle sorte qu’il a été fait péché: c’est-à-dire qu’il a soutenu notre malédiction. Et comment? Afin que, maintenant, nous ayons une justice qui nous permette de répondre aux exigences et au jugement de Dieu. Car l’obéissance de notre Seigneur Jésus-Christ est comme un manteau qui couvre toutes nos iniquités; et puis son sang est notre purification, quand nous sommes plongés dedans et que nous en sommes arrosés par le Saint-Esprit comme saint Pierre en parle89 [92]. Nous voyons, donc, maintenant ce qui est contenu ici.

Détestons nos vices; magnifions Dieu

Et voilà encore derechef de quoi détester nos vices et avoir horreur de nous-même; il faut que nous pensions à ce que le Fils de Dieu a enduré, car c’est une chose si étrange que nous devons en être ravis d’étonnement et de joie! Que celui qui est la fontaine de toute justice ait été fait péché; celui qui est béni et qui sanctifie toutes choses, voire jusqu’aux anges du Paradis, a été fait malédiction! Quand on parle ainsi, nous trouvons que cette chose est dure et étrange, et cependant nous n’avons pas l’idée et la prudence d’appliquer cela à notre instruction. Car puisque le Fils de Dieu est venu jusque-là, pouvions-nous ailleurs trouver quelque remède? Il est certain que non! Et nous pouvons facilement juger qu’il n’y avait nul homme, ni anges, ni rien qui soit, qui nous puisse secourir, mais qu’il nous fallait avoir notre refuge au Fils de Dieu90 [93].

… Ainsi donc, d’autant plus nous faut-il bien noter, quand le Prophète nous ramène à notre Seigneur Jésus-Christ, que c’est afin, en premier lieu, que nous soyons confus en nous- mêmes et, ensuite, que nous magnifions la bonté inestimable de notre Dieu, puisqu’il a voulu que son Fils unique fût ordonné comme péché pour nous; et que notre Seigneur Jésus-Christ n’a point refusé cela, mais comme s’étant oublié, il a eu un tel soin de notre salut qu’il a voulu descendre jusqu’aux abîmes d’horreur pour soutenir toute notre malédiction.

Cette mort est notre seul moyen de pardon et d’adoption

Or, de cela nous avons aussi à retenir qu’il n’y a point d’autre moyen de nous acquitter devant Dieu, sinon que la satisfaction du sacrifice, lequel a été offert une fois pour nous, vienne en avant. Il est vrai que le monde veut toujours inventer je ne sais quoi pour payer Dieu – comme nous l’avons déjà dit – et nous le voyons assez chez les Papistes, qui ont beaucoup de menus fatras pour apaiser la colère de Dieu. Et, de fait, ils disent que nous ne pouvons pas être absous sans satisfaction, car encore que Dieu, par sa bonté gratuite, nous remette la coulpe, cependant la punition est toujours retenue et réservée, jusqu’à ce qu’un chacun se soit acquitté. Et voilà sur quoi est fondé le purgatoire, car du fait que nous ne pouvons pas satisfaire en notre vie et qu’il y demeure toujours quelque reliquat ou arrérage, il faut, disent ils, que nous portions la peine hors de ce monde et qu’elle serve à payer Dieu. Voilà des mensonges et rêveries de Satan, dont le pauvre monde a été séduit. Or, d’autant plus nous faut-il bien observer cette doctrine: à savoir que de même qu’en la Loi, Dieu n’avait point dit: «Vous me servirez en telle sorte et comme bon vous semblera!», mais avait mis les sacrifices et ordonné les cérémonies contenues en la Loi, et là il se fallait arrêter sans inventer quelque service nouveau et quelque moyen pour acquérir grâce; de même, aujourd’hui, il faut nous contenter de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, sachant que c’est le moyen unique par lequel Dieu nous sera propice et favorable, et par lequel aussi, nous serons reçus et adoptés par lui. Voilà notamment ce que le Prophète a voulu exprimer.

Or, il dit qu’il prolongera ses jours, et qu’il verra un âge permanent; et que la volonté (ou le plaisir) de Dieu prospérera en sa main.

Christ, victorieux de la mort, nous communique la vie

Il nous ramène encore à la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ, afin, que nous soyons d’autant plus assurés que nous pouvons venir à lui, car s’il fût demeuré en la mort comme vaincu, nous ne pourrions pas être justifiés et vivifiés par sa grâce. Comment la mort, en soi, apporterait-elle justice, si elle était seule? Et comment aussi apporterait-elle vie? Mais puisqu’avec le sacrifice de sa mort, il y a la résurrection, alors nous avons pleine confiance. Nous voyons comment la victoire nous est acquise sur le péché, afin que nous soyons, déclarés justes; et la mort est comme abolie en nous, afin que la vie y domine. Il est vrai que ceci se rapporte, en premier lieu, à la personne du Fils de Dieu, comme déjà nous avons déclaré qu’il est mort selon l’infirmité de sa chair; mais la puissance céleste de son Saint-Esprit s’est montrée en sa résurrection, comme aussi il donne ce témoignage-là91 [94]: «Détruisez ce temple, et je le réédifierai au troisième jour.» Ainsi, voilà comment le Fils de Dieu, quant à sa personne, a vu grand âge, car il ne s’est pas ressuscité pour se montrer au monde quelque peu de temps et mourir derechef. Mais, après s’être manifesté à ses disciples, après les avoir ordonnés témoins de sa résurrection, il est monté au ciel et s’est exempté de la fragilité de la condition humaine. C’est donc ainsi que nous pouvons fonder notre foi en lui, voyant qu’il a toute seigneurie par-dessus la mort, et que même il a vaincu le diable et a triomphé de lui, au point qu’après s’être offert en sacrifice, il a été reçu et exalté en cette puissance et empire dont nous avons fait mention ci-dessus.

L’Eglise est la vivante postérité de Christ

Or, cependant, il nous faut aussi noter que tout ceci appartient à tout le corps de l’Eglise, car Jésus-Christ n’en veut point être séparé. Et, de fait, il est dit qu’il aura semence. Il est vrai que nous sommes appelés frères de Jésus-Christ, car aussi nous ne pouvons être enfants de Dieu à autre titre. Il faut que celui qui est aimé et unique nous reçoive et qu’il nous conjoigne tellement à lui que, par adoption, nous ayons ce qu’il a seul de nature. Mais cela n’empêche pas que, cependant, nous ne lui soyons comme des enfants, engendrés, de sa semence. Car quelle est la vraie semence de l’Eglise? Il est vrai que c’est la Parole de l’Evangile, comme saint Pierre le montre92 [95]. Et, de fait, c’est là où est vérifié, ce que nous avons déjà vu au chapitre 40 d’Esaïe, que la Parole de Dieu demeure éternellement, parce que, par elle, nous sommes faits incorruptibles lorsque la Parole de Dieu profite en nous, selon que cela nous est donné par le Saint-Esprit. Voilà donc la semence par laquelle nous sommes régénérés pour la vie céleste. Mais il nous faut venir à notre Seigneur Jésus-Christ, car comment l’Evangile a-t-il cet office et propriété de nous engendrer pour être enfants de Dieu? C’est parce que le sang de notre Seigneur Jésus-Christ a été une vraie semence pour nous vivifier.

Ainsi, non sans cause, il est dit ici qu’il verra une semence de longue durée. Et ainsi, nous avons, derechef, à conclure que le bien que notre Seigneur a obtenu en sa résurrection n’a pas été pour lui en privé, mais que cela a été pour nous en faire part93 [96] et pour nous appeler en sa compagnie, puisque nous sommes aussi membres de son corps. Or, cependant, nous sommes admonestés de ne point chercher une seule goutte de vie en nous, mais de prendre toute notre vie en notre Seigneur Jésus-Christ. Comment donc Dieu nous reconnaîtra-t-il pour ses enfants? Comment serons-nous membres de l’Eglise? Comment serons-nous réputés de son troupeau? Il faut revenir là, en tant que nous communiquons94 [97] à notre Seigneur Jésus, voilà comme Dieu nous accepte à lui; voilà notre naissance; voilà notre première origine. Que les hommes s’aillent maintenant vanter de leur libre arbitre, par lequel ils s’imaginent être préparés, à recevoir la grâce de Dieu! Car celui qui n’est pas encore engendré au ventre de sa mère, que peut-il donc imaginer pour se faire valoir? Ainsi donc, connaissons, puisque notre principe et notre première création est que nous soyons engendrés en Jésus-Christ95 [98], que nous ne pouvons rien, et que rien ne procède de notre vertu, mais que nous avons tout de la bonté gratuite qui nous est communiquée en lui. Voilà en bref ce que nous avons à retenir.

Et cependant, aussi, afin que nous prenions tant meilleur goût en sa mort et sa passion, il est dit pour ce qu’il a mis son âme pour péché (c’est-à-dire pour satisfaction ou pour sacrifice) qu’il verra sa semence. Car nous montrons bien que nous voulons effacer toute espérance de salut, si nous ne magnifions la bonté de Dieu en la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Et, de fait, ceux qui, par orgueil, dédaignent de s’arrêter à Jésus-Christ, sous prétexte qu’il a été crucifié, montrent bien qu’ils n’en connaissent point le but. Car sans cela, que serions nous? Il n’y aurait point d’Eglise au monde; il n’y aurait point de salut; bref, il n’y aurait nulle espérance de bien. Nous serions tous frappés de confusion, nous serions tous perdus et damnés sans aucun remède, si ce n’était que Jésus-Christ a livré son âme et nous a acquis par ce moyen-là. Et c’est aussi pourquoi si souvent l’Ecriture nous montre que nous avons été acquis à un prix bien cher. Voilà donc ce que nous avons à retenir.

C’est le plaisir de Dieu de faire valoir et profiter l’œuvre du Christ

Or il dit (pour la fin) que le plaisir de Dieu prospérera en sa main. Le mot plaisir dont use le Prophète signifie une volonté humaine et une faveur gratuite. Car ce ne serait point assez que notre Seigneur Jésus exécutât la volonté de Dieu, mais il faut que ce soit une volonté d’amour en témoignage de son affection paternelle. Moïse a bien exécuté la volonté de Dieu en publiant la Loi, et cependant voilà les tonnerres et les éclairs qui inquiètent chacun: il n’y a que menaces de mort! Et pourquoi? Car la Loi ne pouvait apporter que la colère. Il fallait que les hommes sentissent là une condamnation horrible et qu’ils fussent épouvantés. Mais il y a une autre volonté de Dieu, qui s’est déclarée en Jésus-Christ; c’est qu’il a voulu nous recevoir à lui par sa pitié et il a voulu abolir nos péchés et nous acquitter de la damnation en laquelle nous étions. Voilà donc quant à la propriété de ce mot, dont use ici le Prophète, quand il dit que le plaisir de Dieu prospérera.

Or, il y a ensuite la main, qui signifie que Jésus-Christ doit être ministre et dispensateur de la grâce de Dieu pour notre salut. Il est vrai que Dieu, par un autre moyen, pouvait bien nous retirer de la mort; mais il ne l’a pas voulu et cela n’était pas bon aussi. C’est pourquoi il a établi notre Seigneur Jésus-Christ, afin que, par lui, nous fussions rachetés et réconciliés; bref, que, par lui, nous obtenions ce qui est requis pour notre salut.

Venons maintenant à recueillir la somme de cette sentence. Il est dit que le bon plaisir et la faveur gratuite de Dieu prospéreront en la main de Jésus-Christ. Et pourquoi est-ce que le Prophète parle ainsi? Parce que nous sommes enclins à la défiance et, aussi, parce que nous avons beaucoup d’objets pour nous faire perdre courage, le Saint-Esprit vient au-devant et nous déclare, quoi qu’il en soit, que la grâce de Dieu viendra à son effet et sera accomplie. Bien, donc, que le diable machine d’empêcher que la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ ne nous profite et qu’elle ne produise son fruit en nous ; bien que, de notre côté, nous soyons si mauvais et pervers que de nous en détourner, au point qu’il semble que nous voulions la faire inutile: tant y a que Dieu triomphera par sa bonté infinie. En somme, le Prophète a voulu dire, en ce passage, que non seulement la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ a été suffisante pour le salut du monde, mais que Dieu la fera valoir et que nous en verrons le fruit et le sentirons même, et expérimenterons. De là, nous avons à recueillir qu’il y a toujours Eglise au monde et que le diable pourra bien brasser et faire tous ses efforts pour renverser l’édifice de Dieu, mais quoi qu’il en soit, il faut que Jésus-Christ emporte la victoire, et que la grâce, dont il a été ministre et dispensateur, profite et soit accomplie parmi les hommes. Et c’est ce qui est dit au Psaume 296 [99] «Pourquoi les Rois de la terre se sont-ils élevés? Et pourquoi ont-ils fait complots avec les peuples? Il faut que Dieu, à la fin, exécute son conseil. Il est vrai qu’ils machineront beaucoup, mais celui qui habite au ciel se moquera d’eux jusqu’à ce qu’il déploie son bras en sa colère.» Ainsi donc, notons bien qu’ici le Saint-Esprit a voulu certifier que la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ auront toujours leur efficacité, afin que l’Eglise de Dieu demeure, qu’elle ne soit jamais ruinée par les assauts, orages et tourbillons que les ennemis lui pourront susciter avec leur chef Satan. Et même ce mot de prospérité est mis pour montrer que Dieu fera fleurir la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, afin qu’elles fructifient de plus en plus. Et quand il semblera qu’elles soient anéanties totalement que Dieu les relèvera et triomphera de tout ce qui les pourrait empêcher de parvenir à leur but.

Ministre de notre salut, Christ parfera notre rédemption

Et, au reste, nous devons aussi bien appliquer ceci à chacun de nous et ne point douter que, bien que nous traînions les ailes et soyons encore tenus captifs sous le péché, Dieu toutefois nous délivrera de la captivité en laquelle nous sommes, parfera ce qu’il a commencé en nous, et corrigera ce qui y manque encore. Et comment? Il nous faut venir à notre Seigneur Jésus-Christ! Car c’est lui qui y met la main, car la charge lui en est commise et il a reçu cet office-là de Dieu, son Père. Contentons-nous donc que, puisqu’il est ordonné ministre de notre salut, il n’y aura nulle faute qu’il ne soit accompli par son moyen, puisqu’il en est ainsi déterminé. Or, cependant, appliquons à ce que saint Paul ajoute au passage que nous avons allégué ce qui est montré, afin que nous soyons participants du fruit de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ: c’est d’écouter le message qui nous est journellement apporté. Car il ne suffirait pas que Jésus-Christ eût enduré en sa personne et qu’il nous fût constitué sacrifice; mais il faut que nous en soyons convaincus par l’Evangile, que nous recevions ce témoignage-là et que nous ne doutions point d’avoir justice en lui, sachant qu’il a accompli toute satisfaction pour nos offenses. Et que, là-dessus, nous attendions que Dieu continue son œuvre par ce Rédempteur, et la continue si bien que ce soit pour l’augmenter de plus en plus, jusqu’à ce qu’il l’ait amenée à son terme et à son issue.

Sixième sermon

ÉSAÏE 53.11

Après les tourments de son âme,

Il rassasiera ses regards ;

Par la connaissance qu’ils auront de lui,

Mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes

Et se chargera de leurs fautes. (53.11)

La mort du Christ portera des fruits abondants

Bien que le Prophète ait ajouté cette sentence pour confirmer ce que déjà il avait dit, à savoir que la mort du Fils de Dieu ne serait pas inutile, mais qu’elle produirait un fruit excellent pour le salut du monde; toutefois il exprime plus (de choses) qu’il n’avait fait auparavant. Car, en premier lieu, il nous montre l’amour que Jésus-Christ nous a porté, disant qu’il sera rassasié parce qu’il nous aura acquis la vie éternelle par sa mort; et puis, en second lieu, il montre que, non seulement, il souffrira en son corps, mais aussi en son âme. Nous savons que ce mot de rassasier ou contenter comporte (l’idée d’un) grand désir. Car plusieurs choses adviendront qui ne nous toucheront point, et cela se passe ; encore qu’elles soient à notre profit, ce n’est pas à dire que nous nous y reposions totalement. Un homme pourra avoir beaucoup de choses, et néanmoins il ne se considérera pas comme content, car il n’a pas, peut-être, le principal, ou bien il n’aura pas le tout. Mais le Prophète montre que le Fils de Dieu sera totalement content, n’ayant point égard à lui, quand il verra que son Eglise lui sera acquise et que les pauvres pécheurs seront retirés de la malédiction en laquelle ils étaient, pour être réconciliés avec Dieu et pour obtenir l’héritage des cieux. Bref, nous voyons, ici, comment notre Seigneur Jésus n’a point eu égard à sa personne, mais a été ravi de l’amour qu’il nous portait, pour chercher là tout son contentement, comme s’il n’avait d’autre désir, affection ou sollicitude.

Or ici, derechef, nous avons à noter que, moyennant que par la foi nous cherchions le bien qui nous a été acquis en notre Seigneur Jésus-Christ et qui, journellement, nous est offert par l’Evangile, nous ne serons point frustrés de notre espérance. Car le Prophète dit qu’il verra, pour exprimer que non seulement Dieu nous a voulu déclarer sa miséricorde en la personne de son Fils, quand il l’a exposé à la mort pour nous, mais qu’il fera par son Saint-Esprit que cette mort-là ne sera point sans fruit, et que plusieurs verront que ce n’a point été sans cause ni en vain qu’il a tant enduré, et le connaîtront par expérience. C’est pourquoi donnons entrée à notre Seigneur Jésus-Christ, afin qu’il nous fasse participants du fruit de sa mort et de sa passion, approchant de lui par la foi; et ne doutons pas que quand nous élargirons ainsi nos cœurs, Dieu n’ajoute encore ce bien avec le reste: que comme il a voulu que son Fils fût notre Rédempteur, aussi vraiment nous jouirons du bien qu’il nous a apporté, et connaîtrons que ce n’est pas une chose vaine qu’il ait tant enduré pour nous. Voilà donc ce que nous avons à retenir de ce passage.

Les souffrances spirituelles du Christ, corps et âme

Quant au second point que nous avons proposé, il est ici montré que, non seulement, Jésus-Christ devait être battu, frappé et affligé de la main de son Père, pour soutenir le châtiment que nous avions mérité, mais aussi qu’il devait être angoissé en son âme. Il n’est pas ici dit seulement qu’il verra le fruit de ses batures97 [100], de son affliction et de sa mort, comme auparavant le Prophète avait parlé mais du travail et de la fâcherie de son âme, car le mot dont il use veut dire cela. Il veut donc exprimer que Jésus-Christ, non seulement a été crucifié, après avoir enduré de grands tourments en son corps, mais qu’il devait passer plus outre: à savoir qu’il serait en tristesse pour nous, qu’il soutiendrait les douleurs de la mort et serait accablé à ce point pour nous justifier. Et, de fait, que serait-ce si notre Seigneur Jésus n’avait souffert qu’en apparence et que devant les hommes? Car, s’il n’avait souffert qu’en son corps, il serait Rédempteur des corps seulement. Mais étant donné que le principal que nous devons espérer de lui est que nous sentions et soyons persuadés que la mort ne nous est plus mortelle, et que nous sommes affranchis de la malédiction de Dieu, il a fallu que notre Seigneur Jésus sentît ces pointes-là en lui et que, venant devant Dieu, il fût là comme un pauvre malfaiteur devant son juge.

Nous savons que le péché de l’homme ne comporte pas seulement une mort temporelle qui est séparation du corps d’avec l’âme, mais aussi de sentir que Dieu nous est contraire, d’avoir horreur de son jugement. Et qu’est ce que cela? Une chose si insupportable et horrible que rien plus! Il a donc fallu que notre Seigneur Jésus vînt jusque-là pour nous, délivrer: et c’est ce que, maintenant, le Prophète déclare. Et ici nous voyons bien mieux encore combien Dieu nous a aimés et quels sont les trésors de sa grâce et la bonté infinie qu’il a déployés envers nous! Et nous pourrons bien aussi connaître quelle sollicitude et quel zèle a eu notre Seigneur Jésus-Christ pour notre salut, quand il ne s’est point épargné et que, non seulement, il a voulu que son corps répondît pour faire satisfaction de nos péchés, mais être même effrayé, comme celui qui devait sentir le jugement de Dieu et qui appréhendait tout ce que comporte cette malédiction que Dieu prononce de sa bouche: à savoir que c’est pour nous engloutir en enfer, que c’est un gouffre pour nous abîmer totalement! Il fallait donc que Jésus-Christ sentît cela! Et, de fait, quand nous voyons qu’il en a sué du sang et de l’eau, qu’il a fallu que les anges soient descendus pour le consoler, il fallait bien dire que cette tristesse fût extrême, vu que jamais il n’y a eu un exemple pareil au monde! Voilà donc ce qui est signifié par ce mot de travail ou fâcherie de l’âme de notre Seigneur Jésus-Christ. Or, il est vrai, comme dit saint Pierre, qu’il n’a pu être détenu par les douleurs de l’enfer, mais il a pourtant bien fallu qu’il bataillât à l’encontre. Il en a eu la victoire, mais ce n’a pas été sans grand combat, et bien difficile.

Notre mort, désormais, n’est plus mortelle

Au reste, maintenant, nous avons à recueillir de ce passage que, bien qu’il nous faille mourir, ce n’est pas à dire pour autant que la mort de notre Seigneur Jésus-Christ n’ait son effet et qu’elle ne nous profite pas autant qu’il nous est nécessaire. Car la mort à laquelle nous sommes maintenant sujets n’est qu’un avertissement de la malédiction de Dieu. Si nous étions totalement exemptés de mourir, nous ne connaîtrions pas la grâce qui nous a été acquise par notre Seigneur Jésus-Christ; et nous savons quel besoin nous avons d’être humiliés et que Dieu nous fasse toujours sentir sa colère: car encore qu’il nous en veuille exempter, il faut que nous y pensions, afin de gémir à cause de nos péchés et pour en magnifier d’autant plus sa miséricorde. Ainsi donc, la mort qui est maintenant commune à tous hommes n’est pas mortelle à parler proprement, quant à ceux qui ont foi en Jésus-Christ, car ils passent seulement de ce monde pour vivre à Dieu. Connaissons donc qu’en mourant, nous avons de quoi nous consoler, sachant que Dieu nous sera propice, convertira ce mal en bien et fera servir la mort, qui comportait auparavant une plaie mortelle, comme médecine. Et comment? Du fait que nous n’appréhendons pas que Dieu veuille être notre juge en toute rigueur, et qu’il veuille déployer sa vengeance contre nous, quand nous avons Jésus-Christ entre Dieu et nous, qui montre qu’il a satisfait pour nous. Il n’y a point donc cette appréhension horrible en la mort, qui était pour nous rendre confus, même pour nous mettre en désespoir: mais nous venons franchement nous remettre entre les mains de Dieu. Car, comme il est dit que Jésus-Christ recommandait son Esprit à Dieu son Père, sachons que cela a été pour se constituer gardien de nos âmes. C’est pourquoi nous pouvons les remettre sûrement en sa main, car il a affirmé que rien ne périrait de tout ce qui lui a été donné98 [101]. Voilà donc à quoi nous sert que notre Seigneur Jésus ait été ainsi angoissé, et qu’en plus de ce qu’il a enduré, la mort et les autres tourments, il a eu aussi cet effroi de sentir Dieu son juge, comme s’il devait endurer les douleurs de l’enfer.

Nos âmes ont été chères et précieuses à Christ

Or, tant s’en faut que cela déroge à la majesté du Fils de Dieu! C’est pour nous faire d’autant mieux connaître combien il a prisé notre salut, combien nous lui avons été chers et nos âmes lui ont été précieuses! Bien qu’il ait été anéanti, comme nous l’avons vu ci-dessus, qu’il n’ait eu ni forme ni figure pour être désiré parmi les hommes, cet anéantissement-là a été pour l’exalter tant plus. Et, de fait, bien que Dieu ait montré sa grandeur et sa majesté infinie en la création du monde, cependant, en la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, nous avons un plus ample argument de glorifier Dieu, puisque, pour nous et notre salut, Jésus-Christ s’est abaissé et démis de toute prérogative et de toute gloire; et bien qu’il ne soit point dépouillé de sa majesté divine, elle a pourtant été cachée pour un temps et on ne l’a point aperçue parmi les hommes. C’est, en somme, ce que le Prophète traite ici, disant que notre Seigneur Jésus a été angoissé. Or, en cela, nous voyons qu’il s’est comme oublié et n’a eu nul égard à lui. Et la raison, c’est qu’il était totalement adonné à notre salut, et ainsi il a répondu pour nous, et en corps, et en âme, et a été entièrement notre caution.

Cette doctrine doit être maintenue dans toute sa pureté

Et en cela, nous voyons que les canailles qui, aujourd’hui, voudraient abolir cette doctrine, sont sans religion et sans foi, comme des chiens mâtins qui aboient et ne savent pourquoi. Les cafards de la Papauté, bien qu’ils n’entendent pas ceci, sinon en partie, sont contraints de confesser, quoi qu’il en soit, que Jésus-Christ a senti de terribles horreurs. Il est vrai qu’ils ne peuvent pas définir tout ce qui en est; mais, quoi qu’il en soit, ils en jargonnent pourtant. Mais il y a ici des vilains, qui sont plus moines que ceux qui sont au fond de ces cavernes et de ces maisons mal famées dont ils sont sortis, lesquels ont apporté leur puanteur et leur infection en l’Eglise de Dieu. Il est donc certain que ces canailles-là, qui aujourd’hui portent le nom de ministres et en occupent aussi la place, et cependant font de l’Eglise de Dieu une étable à pourceaux, sont des chiens qui n’ont nulle religion et qui ne s’efforcent qu’à éteindre et à effacer de la mémoire des hommes toute la grâce de Dieu et ce que notre Seigneur Jésus a fait pour nous.

Or, quand nous voyons que Satan les pousse ainsi et qu’ils sont effrontés comme des prostituées, il nous faut d’autant plus bien retenir cet article de foi: c’est que non seulement Jésus-Christ a été condamné par Pilate, un juge terrestre, afin que nous fussions absous devant Dieu son Père; que non seulement il a été crucifié afin que nous fussions délivrés de la malédiction; que non seulement il a enduré la mort, afin que nous en fussions affranchis, mais aussi afin qu’aujourd’hui nous ayons la paix en nos consciences et puissions nous réjouir, sentant l’amour paternel de notre Dieu et l’invoquer à pleine bouche, étant assurés qu’il nous recevra et que nous lui serons agréables. Il a fallu que Jésus-Christ ait été plongé en ces horreurs qu’il a senties, qu’il ait été comme un pauvre malfaiteur, lui qui était l’Agneau de Dieu sans péché, qui était le miroir et modèle de toute sainteté et perfection, qu’il ait répondu et ait été notre caution jusque-là, comme s’il devait être condamné aux abîmes de l’enfer. Au reste, comme nous l’avons déjà dit, il a vaincu et surmonté ces douleurs-là, mais il a combattu auparavant. Voilà donc ce qu’Esaïe a exprimé, disant qu’il faudra que Jésus-Christ ait des fâcheries en son âme; mais nous voyons que Jésus-Christ s’est contenté néanmoins et a été rassasié, pourvu que nous fussions rachetés par ce moyen.

Jouissons de ce bien inestimable

Et aujourd’hui, d’autant plus devons-nous prendre courage, sachant que si nous avons une vraie obéissance de foi pour recevoir le bien inestimable qui nous a été acquis par notre Seigneur Jésus-Christ, nous sentirons que ce n’est point en vain qu’il a tant souffert pour nous. Et d’autant moins excusable sera notre ingratitude, quand nous ne viendrons point à lui avec un zèle ardent, pour jouir de ce bien inestimable où il est entré et duquel il a pris possession en notre nom, quand il nous déclare qu’il nous a réconciliés avec Dieu son Père, et qu’il est prêt à nous recevoir comme ses enfants. Voilà, en somme, ce que nous avons à retenir de ce passage.

Le Serviteur de Dieu et des hommes

Or, le Prophète ajoute qu’il en justifiera plusieurs par sa connaissance: mon Serviteur juste, dit il. Quant au mot de Serviteur, nous avons vu ci-dessus que cela n’attente point à la majesté de notre Seigneur Jésus-Christ. Car bien qu’il fût maître de toutes créatures, il a acquis encore un empire nouveau en la personne du Médiateur, et en notre nature. Selon ce que saint Paul en traite au chapitre 2 des Philippiens99 [102] – et nous l’avons déjà vu en partie: il s’est voulu faire serviteur et s’humilier sous cette condition-là. Ainsi, ce n’est pas en vain qu’il est appelé serviteur de Dieu, et nous ne devons pas trouver cela étrange, car il est bien plus étrange que Jésus-Christ soit serviteur des hommes, le Fils de Dieu, celui qui a eu une gloire pareille avec son Père (comme il en est parlé au chapitre 17 de saint Jean100 [103]), que celui-là s’abaisse jusqu’à cette condition de vouloir nous servir!101 [104] Néanmoins, il en est ainsi. Et voilà aussi pourquoi il dit102 [105]: «Je suis et converse parmi vous comme celui qui sert, et non pas qui a maîtrise.» Or, puisque Jésus est ainsi descendu jusque-là pour se, faire serviteur des hommes, ce n’est point sans cause qu’il est ici appelé serviteur de Dieu. Et, de fait, il ne pouvait autrement nous racheter, je dis selon le décret de Dieu, son Père, comme nous l’avons déjà déclaré ci-dessus; car, sans nul moyen, Dieu nous pouvait bien sauver, mais nous avons toujours à présupposer qu’il fallait que la vie nous fût acquise par Jésus-Christ. Or, pour ce faire, il fallait également qu’il fût serviteur, car il ne pouvait pas autrement rendre obéissance à Dieu, son Père; et sans cette obéissance-là, il ne pouvait réparer nos transgressions et nos iniquités. Voilà donc pourquoi, notamment, il est appelé serviteur, voire, et juste. Bref, le Prophète déclare que – puisque nous avons été rebelles à Dieu et le sommes encore jusqu’à ce qu’il nous ait réformés par son Saint-Esprit; et encore, qu’après qu’il nous a touchés d’une bonne affection, nous sommes serviteurs inutiles103 [106] et bronchons à chaque pas; et quand il aura semblé que le service que ‘no us, lui rendons devra bien être accepté de lui, il y aura toujours à redire, même il mérite d’être rejeté – il a fallu pour effacer nos défauts que le service et l’obéissance de notre Seigneur Jésus-Christ fussent plaisants à Dieu, comme aussi ils comportent droite satisfaction. Voilà, en somme, ce qu’il a voulu dire.

Et, de là, nous avons à recueillir que Jésus-Christ nous a justifiés, non pas seulement en tant qu’il était Dieu, mais en la vertu, de son obéissance, en ce qu’il a pris notre nature et, en elle, a voulu accomplir la Loi, ce qui nous était impossible et était un fardeau pour nous accabler tous et nous rompre le cou. Puisque, donc, notre Seigneur Jésus-Christ s’est démis pour notre salut et a été obéissant à Dieu, son Père, voilà comment nous sommes justifiés par lui.

Nous sommes justifiés par la connaissance de Christ

Or, notamment, il parle aussi de la connaissance, pour exprimer que ce n’est point assez que notre Seigneur Jésus ait accompli en sa personne tout ce qui était nécessaire à notre salut, mais qu’il faut que nous appréhendions cela par la foi. Il a donc la connaissance requise. Car combien voyons-nous d’incrédules périr, auxquels la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ ne sert sinon de plus grave condamnation, parce qu’ils foulent aux pieds son sang sacré et rejettent sa grâce qui leur était offerte? Ainsi, bien que notre Seigneur Jésus-Christ soit comme le serpent qui fut élevé en haut au désert104 [107], afin de donner guérison à tous les malades, de notre côté, nous ne pouvons toutefois avoir aucun profit de lui, sinon par sa connaissance. Car comme il fallait aussi que le serpent d’airain fût regardé dans le désert, et sans ce regard la morsure des serpents était toujours mortelle, ainsi, aujourd’hui, l’Evangile nous est comme une estrade pour élever notre Seigneur Jésus-Christ; ou bien c’est comme une bannière pour nous le représenter à l’œil et nous le faire regarder de loin. Bref, il n’y a point d’obscurité, comme dit saint Paul105 [108], quand l’Evangile se prêche: là, on contemple la grâce de Dieu qui apparaît en notre Seigneur Jésus-Christ, ou autrement il faut qu’on ait les yeux bandés par Satan. Quoi qu’il en soit, il nous faut bien noter ce qui est ici dit: que Jésus-Christ ne justifie que par la connaissance qu’on a de lui. Il est bien vrai qu’il faut que la substance de notre salut la précède, car quand il est dit que nous sommes justes par la foi, ce n’est pas pour exclure Jésus-Christ, ce n’est pas pour exclure la miséricorde de Dieu, mais plutôt c’est pour nous y amener et nous y conduire.

Mais encore, pour avoir plus facile intelligence de tout ceci, il nous faut noter, en premier lieu, que nous ne sommes point justes en nous-mêmes, puisqu’il nous faut emprunter notre justice d’ailleurs car si nous pouvions régler notre vie de telle sorte qu’en tout et partout elle fut correspondante à la Loi et à la volonté de Dieu, alors nous mériterions d’être acceptés de lui. Et pourquoi? Il faut bien qu’il avoue le bien, puisqu’il en est la fontaine: autrement, il se renoncerait lui-même. Si donc nous pouvions conformer notre vie à la Loi de Dieu, et avoir une perfection telle qu’il demande, il est certain que nous serions justes, par nos œuvres, et alors Jésus-Christ nous serait inutile, comme saint Paul aussi en discute106 [109]. Ainsi, au contraire, quand nous sommes contraints d’emprunter notre justice à notre Seigneur Jésus-Christ et de la chercher là, c’est dire que nous en sommes dénués. Ainsi, concluons que le monde entier est condamné à cause du péché, et que Dieu nous montre qu’il n’y a en nous que malédiction, quand il est dit qu’il nous faut venir à Jésus-Christ. Voilà quant à ce point.

Nous sommes justifiés non par la loi, mais par la foi

Or, maintenant, il est vrai que les Philosophes anciens ont assez parlé de vertu! C’était aussi une opinion commune qu’il fallait être agréable à Dieu en vivant bien. Mais de quoi a profité tout cela? Car les meilleurs d’entre les hommes et ceux qu’on a imaginé être irrépréhensibles totalement n’ ont eu qu’hypocrisie; et les autres ont été adonnés à tout mal; et ceux qu’on a pensé être les plus habiles gens, et qui étaient renommés par dessus les autres, ont eu néanmoins des vices énormes. Ainsi, que les hommes présument tant qu’ils voudront et qu’ils pensent comment il faut vivre vertueusement: quand ils auront fait tout ce qu’ils auront pu, et quand on aura mis beaucoup de lois et de règles pour les conduire, jamais par ce moyen ils ne seront pourtant justes devant Dieu. Et pourquoi? Parce que le péché est enraciné en nous et ne se peut pas purger par des remèdes humains. Bref, nous ne serons point justifiés en allant à l’école des hommes, bien qu’ils enseignent ce qu’est la vertu.

Qui plus est, voilà Dieu qui publie sa Loi, en laquelle la vraie et parfaite justice est contenue, comme Moïse l’affirme107 [110]: «Voici, je t’annonce aujourd’hui le bien et le mal, je te montre le chemin et de vie et de mort.» Mais, cependant, nous peut elle justifier? Nous peut- elle si bien régler, que Dieu accepte notre vie comme bonne et sainte? C’est au rebours, car la Loi n’engendre que mort, elle redouble notre condamnation, elle enflamme la colère de Dieu. Voilà les titres qui lui sont attribués en l’Ecriture Sainte108 [111].

Puisqu’il en est ainsi que la Loi, en elle-même, ne nous peut justifier, comment les hommes pourront-ils par leur doctrine et par leurs statuts et règles nous amener à une vraie justice? Or, si on demande comment la Loi de Dieu ne peut justifier et pourquoi, la raison est celle que j’ai déjà touchée. Il est vrai que Dieu nous montre bien en sa Loi comment nous devons et pouvons parvenir à la vie, si nous étions tels que nous n’eussions nul empêchement de notre côté. La Loi de Dieu donc parle, mais elle ne réforme point nos cœurs. Quand Dieu nous montre: «Voila ce que je demande de vous!», cependant, si tous nos appétits, nos affections et nos pensées sont contraires à ce qu’il commande, non seulement nous sommes condamnés, mais la Loi, comme j’ai dit, nous rend tant plus coupables devant Dieu. Car auparavant nous eussions péché par ignorance; mais, maintenant, à notre escient, nous résistons à Dieu, au point qu’il semble que nous le voulions le mépriser! Car nous savons109 [112] que le serviteur qui connaît la volonté de son maître et ne la fait point sera châtié au double. Voilà pourquoi à est dit110 [113] que la Loi n’engendre que colère, c’est-à-dire qu’elle enflamme la colère de Dieu tant plus à l’encontre de nous, quand nous avons été enseignés par elle; elle nous apporte la mort!111 [114] Et comment? Parce que là nous contemplons que nous sommes totalement damnés et perdus! Et est-ce qu’elle n’annonce point la vie? Certes, mais nous n’y pouvons parvenir cependant.

Il faut donc avoir une autre façon d’être justifiés, et c’est en l’Evangile. Car en l’Evangile, Dieu ne dit pas: «Voici, vous ferez ceci et cela!», mais: «Croyez que mon Fils unique est votre Rédempteur! Embrassez sa mort et sa passion pour remède de toutes vos maladies. Plongez-vous en son sang, et il sera votre purification, vous en serez nettoyés! Appuyez-vous sur le sacrifice qu’il m’a offert, et voilà comment vous serez justes!» Puisque, donc, l’Evangile nous ramène à notre Seigneur Jésus-Christ et nous commande de chercher en lui toute justice, parce que, par la miséricorde gratuite de Dieu, il a satisfait pour nous: voilà comment nous serons justifiés par sa connaissance. Et c’est ce que saint Paul traite au chapitre 10 des Romains112 [115], car il fait la comparaison des deux justices, l’une de la Loi, l’autre de la foi. Il dit que la Loi a bien justice, voire quand elle dit: «Qui fera ces choses, il vivra en elles.» Car il est vrai que si nous pouvions accomplir tous les commandements de Dieu et que notre vie fût si bien réglée qu’il n’y eût ni vice, ni tache, Dieu nous a promis qu’il nous accepterait pour justes, que le loyer serait tout assuré et que nous ne serions point frustrés. Voilà donc une chose certaine quant à la Loi. Mais cependant qui fait ce que la Loi commande? Nous allons tout au rebours; il semble, comme j’ai déjà dit, que nous voulions mépriser Dieu. Voilà donc la porte qui nous est fermée quant à la justice de la Loi; il ne nous reste que la malédiction de Dieu! Mais en 1’Evangile, il est dit113 [116]: «Voici, la Parole est en ton cœur et en ta bouche!» — Et comment? Saint Paul, en parlant ainsi, nous montre que pour avoir la Parole en notre cœur et en notre bouche, il nous faut venir à Jésus-Christ, car c’est celui qui écrit par son Saint-Esprit et grave en nous la doctrine du salut, de laquelle nous eussions eu seulement les oreilles battues en vain et sans aucun profit.

Tout ce qui manque à notre justice est en Christ

Puisqu’il en est ainsi que notre Seigneur Jésus-Christ met sa Parole au cœur, prions le qu’il nous fasse la grâce que nous ayons une affection pure et franche, afin de chercher en lui tout ce dont nous manquons. Voilà comme nous serons justifiés par sa connaissance, car il n’est point question d’apporter quelque satisfaction qui contente Dieu; il n’est pas question de venir en compte, pour dire: «Seigneur, nous avons mérité que tu nous reçoives!», mais: «Nous confessons que nous sommes de pauvres pécheurs, que nous sommes soumis à ton jugement, qu’il est impossible d’y satisfaire de notre côté et qu’il n’y a que Jésus-Christ qui doive être reconnu suffisant pour y satisfaire. » Nous confesserons donc cela avec toute humilité; nous affirmerons que nous sommes créatures perdues et damnées jusqu’à ce que notre Seigneur Jésus nous tende la main pour nous retirer des abîmes et les gouffres de l’enfer. Or, avons- nous confessé cela? Nous connaissons aussi que notre Seigneur Jésus supplée à tous nos défauts. Si nous sommes souillés et pleins de souillures, son sang est l’ablution dont nous serons nettoyés; si nous sommes grevés de dettes, non seulement envers Dieu, mais envers Satan comme à notre adversaire, le payement a été fait en la mort et la passion du Fils de Dieu; si nous sommes souillés et détestables, le sacrifice que notre Seigneur Jésus a offert est de bonne odeur, si bien que tout le mal qui est en nous est effacé. Voilà donc comment nous sommes justifiés par la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.

Notre justice est accomplie dans la nature humaine du Christ

Or, suivant cette doctrine, en premier lieu, nous voyons qu’il ne nous faut point chercher loin notre justice, puisque nous la trouverons en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, selon qu’il a vêtu notre nature et s’est fait notre frère. Et ceci est de grande importance, parce que si nous étions justifiés par l’essence divine de notre Seigneur Jésus-Christ, il faudrait que nous fussions éloignés de sa justice; nous n’y pourrions jamais parvenir! Mais quand il est dit que la justice qu’il nous donne a été accomplie en sa nature humaine, voilà comment nous pouvons plus privément venir à lui. Et voilà aussi pourquoi Satan a voulu brouiller cette doctrine; il y a eu des fantastiques qui ont rêvé que notre Seigneur Jésus justifie ses fidèles en tant qu’il est Dieu. Mais il faudrait, comme je 1’ai déjà dit, chercher notre justice bien loin, et ce serait pour nous faire perdre courage et pour nous faire évanouir avant que nous fussions parvenus à lui. Mais, au contraire, il nous appelle à lui, en tant qu’il s’est fait homme mortel et s’est constitué Médiateur, afin que nous cherchions là notre justice.

Soyons donc réconciliés avec Dieu

Ainsi, voilà un point que nous avons à observer; et, au reste, venons toujours à cette connaissance. Et parce que les incrédules se ferment la porte et se privent du bien qu’ils doivent recevoir de notre Seigneur Jésus-Christ, ayons les oreilles attentives pour recevoir le témoignage qui nous est donné en l’Evangile. Et c’est ce que dit saint Paul au passage que nous avons évoqué hier114 [117]: «Que Jésus-Christ qui ne savait ce qu’était le péché a été fait péché pour nous», et aujourd’hui, cela s’accomplit en l’Evangile. «Nous portons l’ambassade au nom de Jésus-Christ, dit saint Paul, vous priant que vous soyez réconciliés à Dieu.» Saint Paul met (en relief une) double réconciliation. L’une est celle qui a été faite en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, quand il a été sacrifié pour nous; l’autre est celle que nous obtenons chaque jour par la foi, quand Dieu nous déclare que si nous l’avons irrité, il est toujours prêt à oublier toutes nos fautes, et à les mettre sous le pied, moyennant que nous acceptions le bien qu’il nous offre.

Ainsi donc, apprenons à priser la connaissance de l’Evangile mieux que nous ne le faisons, et connaissons qu’elle a pour but de nous faire participants de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Car nous sommes greffés en son corps115 [118], nous sommes faits ses membres116 [119], et tout ce qu’il a nous est fait commun et nous est approprié par l’Evangile. Et voilà aussi pourquoi saint Paul dit117 [120]: «Que l’Evangile est la puissance de Dieu en salut à tous croyants», montrant par cela qui si nous refusons d’être sauvés par l’Evangile, c’est tout comme si nous rejetions le salut que Dieu nous a voulu acquérir en la personne de son Fils, et auquel journellement il nous convie et nous exhorte. Voilà, en somme, ce que nous avons à observer.

Or, d’autant plus devons-nous priser l’Evangile, quand nous voyons qu’en la Papauté ceci a été obscurci, voire totalement effacé, au point que les pauvres âmes demeurent toujours affamées. Car, bien qu’on y prêche en quelque sorte, toutefois on laisse toujours les pauvres gens en doute et en scrupule: jamais on n’est assuré que Dieu soit propice. Et même

les Papistes disent que ce serait présomption, si nous étions assurés de l’amour de Dieu et qu’il nous faut seulement en avoir quelque conjecture. Mais c’est anéantir le fruit de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ! Apprenons donc à profiter en l’Evangile, de telle sorte que nous soyons certains que Dieu nous aime et qu’il nous accepte pour ses propres enfants. C’est pourquoi, comme j’ai déjà dit, prisons et magnifions tant plus cette grâce-là, quand nous voyons que la plupart du monde en est ainsi éloignée.

La foi nous rend participants du sacrifice de Christ

Or, il reste aussi ce que le Prophète ajoute: Qu’il a mis son âme pour plusieurs. En quoi il signifie que nous ne sommes pas justifiés par la foi en ayant quelque imagination vaine, pour croire seulement qu’il y a un Dieu et savoir, confusément et d’une appréhension générale, que Jésus-Christ a souffert mort et passion; mais que c’est pour autant que, par foi, nous sommes faits participants du sacrifice qui a été offert afin, que Dieu nous fût favorable, et ne nous imputât plus nos fautes et iniquités.

Les Papistes sont si lourds et abrutis que, quand ils veulent montrer que nous ne sommes pas justifiés par la seule foi, ils argumentent ainsi: «Nous sommes justifiés par la miséricorde de Dieu: ce n’est donc pas la seule foi!» Après: «Nous sommes justifiés par la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, ce n’est donc plus par la seule foi.» Comme qui dirait: «Nous sommes échauffés par la chaleur, ce n’est point donc par le soleil! Nous sommes éclairés par la clarté, ce n’est point donc par le soleil!» Or, notons que quand il est parlé de la foi, c’est pour nous ramener à l’Evangile, car, comme j’ai dit, il y a ici deux espèces de justice. Par la loi, il est dit que nous serons justes, quand nous aurons accompli tout ce que Dieu nous y commande. Or il est impossible d’en venir à bout! Nous voilà donc dénués de cette justice, nous en sommes retranchés totalement! Il y a l’autre justice, c’est à savoir celle que nous trouvons en Jésus-Christ quand, après nous être bien examinés, nous sommes convaincus de notre malignité et n’avons qu’effroi, parce que nous sentons que Dieu est armé en vengeance contre nous, au point qu’il ne reste sinon qu’il foudroie pour nous abîmer! Quand donc nous sommes venus jusque-là et en cette extrémité si grande, voilà Jésus-Christ qui nous donne le remède pour adoucir toutes nos tristesses: c’est qu’il nous certifie qu’il suffira, lui seul, pour faire que nous parvenions au salut qu’il nous a acquis. Voilà comment nous sommes justifiés par la foi.

Nous voyons donc que le Prophète parle de la même manière que saint Paul a parlé depuis lui. C’est qu’en premier lieu, il nous faut venir à la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ et le contempler étant crucifié là pour nous. Et puis, que par l’Evangile, nous soyons assurés que ce que Jésus-Christ a fait et souffert nous appartient aujourd’hui et nous est appliqué, puisque le Père ne veut point que cette mort là ait été inutile, mais que ce soit un sacrifice de pleine puissance et effet, qui fructifie journellement en nous. Voilà en somme ce que nous avons à retenir de ce passage.

Christ est la seule cause de notre salut

Cependant, notons que cette connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas une chose vaine, comme plusieurs, quand on leur parle de la connaissance de l’Evangile, entendent que c’est assez qu’on conçoive de quelque pensée superficielle ce qui est enseigné; mais c’est que nous tenions notre Seigneur Jésus pour la seule cause de notre salut, ce qui ne se peut faire que nous ne sentions au vif que nous sommes perdus en nous-mêmes, et puis que Dieu, selon qu’il nous a voulu recevoir une fois à merci, aujourd’hui fait valoir cela en nous. Et de fait, il est impossible que nous parvenions à cette connaissance, que nous ne soyons illuminés par le Saint-Esprit ce que118 [121], quand nous avons, c’est déjà un signe infaillible que Dieu veut besogner en nous, afin de nous mettre en possession de sa justice, de laquelle auparavant nous étions bien loin. Voilà donc Dieu qui fera bien qu’on prêche l’Evangile. Mais ce n est point assez! Nous n’y connaîtrons que du charabia, comme on dit, jusqu’à ce que nous soyons touchés au dedans par son Saint-Esprit (voilà d’où procède la foi!), et alors nous sommes bons et vrais disciples de Jésus-Christ, pour sentir le fruit de cette doctrine. C’est ce qui nous est ici montré par le Prophète.

Or, il parle encore derechef de ce que Jésus-Christ a porté les péchés, pour montrer que la satisfaction est en lui et que nos péchés seraient une charge pour nous abîmer jusqu’au profond, de l’enfer, n’était que nous en fussions soulagés par notre Seigneur Jésus-Christ. Car qu’entraîne le péché, sinon la colère de Dieu? Si seulement Dieu lève le doigt, c’est pour détruire et ruiner le monde entier, comme il est dit119 [122] qu’à son seul souffle, les rochers dévalent, les montagnes sont fondues et elles s’écoulent comme cire! Si donc Dieu donne le moindre signe de sa fureur et de sa colère, il n’y a rien si ferme au monde qui ne s’écroule! Et que sera-ce de nous, qui sommes créatures tant fragiles, quand Dieu nous montrera une face rigoureuse de Juge et qu’il nous appellera en compte? Il ne faudra point que nous entendions la voix de sa bouche, mais seulement le signe qu’il donnera pour nous ajourner sera un abîme pour nous engloutir! Ainsi donc, il faut bien que nos péchés nous soient un fardeau insupportable. Or ,il y en a une infinité en nous, et nous n’avons pas les épaules (assez solides) pour les soutenir et pour subsister au-dessous. Mais quant à Jésus-Christ, bien qu’il ait souffert en l’infirmité de sa chair, il a toujours été soutenu de la puissance de l’Esprit qui lui a été donné. Et voilà comment il a fait ses triomphes même sur la croix, comme saint Paul en parle aux Colossiens120 [123]. Ainsi donc, il nous faut toujours revenir à ce que dit le Prophète; et saint Pierre aussi en est bon expositeur en sa première épître121 [124], disant que «sur le bois, il a porté nos péchés». Il est vrai que ce n’a pas été la vertu du bois qui a aidé notre Seigneur Jésus-Christ à porter nos péchés, mais il dit qu’il les a portés au bois, parce qu’étant crucifié, il a été comme maudit de Dieu et a reçu toute la malédiction en laquelle nous eussions été plongés. Il a donc reçu tout cela afin de nous en faire sentir le fruit et de nous faire jouir de la victoire, de laquelle, aujourd’hui, il nous a fait participants.

Déchargeons nos péchés sur Christ et venons à lui

Ainsi donc, si nous sommes chargés en nous, venons à Jésus-Christ, afin d’être allégés, et reconnaissons le moyen, à savoir que c’est parce que nous sommes acquittés par lui de toutes nos dettes, si bien qu’il ne faut plus imaginer que nous puissions apporter aucune satisfaction ou payement, venant en compte devant Dieu122 [125]. Il nous faut donc toujours commencer par ce bout, d’être totalement confus; et au reste, que nous ne doutions point que nous ne soyons maintenant déchargés, puisque notre Seigneur Jésus a porté notre fardeau et que nous pouvons lever la tête, connaissant que nous sommes affranchis du jugement de Dieu. C’est donc en somme ce que nous avons à retenir ici: Que parce qu’une fois, nous avons été sanctifiés par le sacrifice que Jésus-Christ a offert, quand il s’est dédié au service de Dieu, comme alors il l’a affirmé aujourd’hui, il faut que nous déchargions nos péchés sur lui, cherchant en lui pleine justice; et pour ce faire, que nous prêtions l’oreille à l’Evangile, connaissant que là Dieu nous convie à lui d’une voix aimable et ne requiert pas de nous ce qui nous serait impossible et qui ne pourrait que nous mettre en désespoir, comme il était dit par la Loi123 [126]: « Maudit sera celui qui n’accomplira toutes ces choses!» (ce qui était pour nous exclure totalement du salut), mais qu’ici il nous est déclaré que, si nous sommes pauvres pécheurs, Dieu nous applique le remède convenable: c’est que nous soyons justifiés en notre Seigneur Jésus-Christ, venant là comme de pauvres mendiants, afin d’être secourus dans cette disette où nous sommes.

Et au reste, que nous sachions, quand notre Seigneur est nommé Juste, que c’est pour montrer qu’il nous justifie, en tant qu’il a pris notre nature, afin que nous ayons accès privé à Dieu pour jouir d’un tel bien; et que nous ne disions pas: «Qui montera par-dessus les nues?» Comme saint Paul, alléguant ce passage de Moïse124 [127], montre que, quand l’Evangile nous est prêché, il ne faut plus faire de longs discours pour savoir si Dieu nous est prochain, car cela serait arracher Jésus-Christ de son siège céleste! Semblablement, que nous l’alléguions plus: «Qui descendra aux abîmes?», car Jésus-Christ y est descendu, afin que nous soyons assurés qu’il nous en a retirés et que, maintenant, il fait encore office de Médiateur, et qu’il nous veut faire si bien participants de sa justice, qu’il veut que nous en soyons revêtus, que nous la possédions, qu’elle habite en nous et que, par elle, nous soyons élevés en pleine confiance de foi jusqu’à Dieu, son Père, en sorte que nous le puissions invoquer sans aucun doute.

Septième sermon

ÉSAÏE 53.12

C’est pourquoi je lui donnerai beaucoup d’hommes en partage;

Il partagera le butin avec les puissants,

Parce qu’il s’est livré lui-même à la mort,

Et qu’il a été compté parmi les coupables,

Parce qu’il a porté le péché de beaucoup

Et qu’il a intercédé pour les coupables.

Christ nous a affranchis de Satan et du péché

Le Prophète déclare ici, en somme, que notre Seigneur Jésus, non seulement a vaincu la mort en mourant, mais aussi a eu le droit de ravir la substance à ses ennemis et d’avoir leur dépouille: comme quand on a acquis une victoire, cela aussi s’ensuit. Il est vrai que notre Seigneur Jésus ne s’est point enrichi des biens de ce monde: mais tant y a que c’était à cette fin, que nous avons dite, qu’il a combattu la mort. Nous savons qu’il fallait que Satan, qui est le prince du monde, fût débouté de son empire, car sans cela notre condition était plus que misérable. Il fallait aussi que le péché n’eût plus la vogue. Voilà comment notre Seigneur Jésus a dépouillé ses ennemis, à savoir parce que nous ne sommes plus sous la tyrannie de Satan, ni sous la servitude de péché, mais sommes mis en liberté. Et de fait, saint Paul, alléguant ce qui est dit au Psaume125 [128] montre comment ce passage a été accompli, quand il dit que Dieu est monté en haut et a mené captive la captivité, qu’il a tenu ses ennemis liés et garrottés sans qu’ils eussent aucune puissance de lui résister, et qu’il a reçu hommage parmi les hommes avec tributs. Il est vrai que David parle là par image car, quand il dit que Dieu est monté en haut, semblait qu’il fût c’est parce qu’il avait dissimulé quelque temps, et semblait comme endormi, quand les choses étaient si confuses que les fidèles gémissaient sans aucun secours, les méchants s’égayaient en toute licence. Quand donc il y a de tels troubles en ce monde, et qu’en invoquant Dieu, il ne semble pas que nous profitons en rien, il est comme abattu et caché.

Pour cette raison, au contraire, quand Dieu a maintenu la cause de son Eglise en en détruisant les ennemis, David dit qu’il s’est élevé. Mais saint Paul montre que cela a été accompli en la personne de notre Seigneur Jésus-Christ, du fait que pour un temps sa majesté avait été obscurcie et sans aucune réputation parmi les hommes. Il a donc fallu, dit-il126 [129], qu’il descendît jusqu’au profond de la terre et qu’il fût méprisé de hommes, pour à la fin être exalté au point que non seulement il eût des hommes un simple hommage, mais aussi qu’il distribuât les dépouilles et tributs. Car au lieu qu’il est dit au Psaume127 [130] qu’il a pris les tributs qui lui appartenaient comme à celui qui s’était assujetti ses adversaires, saint Paul dit qu’il a élargi ses dons parmi les hommes. Il semble bien, de prime abord, que ce soient choses contraires, mais elles s’accordent très bien, puisque notre Seigneur Jésus n’a point été enrichi en particulier pour lui, car il n’a besoin de rien, mais cela a été afin de nous distribuer les dépouilles; comme aussi il est dit au Psaume128 [131] que non seulement ceux qui auront combattu auront leur portion au butin, mais aussi les femmes qui n’auront pas bougé de la maison.

Car de fait, nous sentons comment Dieu, par la mort et la passion de son Fils unique, nous a remplis de ses biens; non pas qu’il y ait eu nulle vertu ni habileté en nous, car nous sommes moins que des femmes, qui fileront leurs quenouilles cependant qu’on sera au combat! Quand donc il est dit, en ce passage, que Dieu donnera à Jésus-Christ les butins

de ses ennemis qu’il aura vaincus, voire quelque robustes et puissants qu’ils soient, cela n’est point seulement pour sa personne, mais c’est afin que nous sachions que le diable maintenant n’a nul droit ni propriété sur nous, quand nous sommes faits participants de la mort et de la passion du Fils de Dieu, ce que nous obtenons par le moyen de l’Evangile.

Soyons les sujets de notre Seigneur, notre Roi

Ainsi donc, que nous soyons assujettis à notre Seigneur Jésus-Christ, que nous l’avouions pour notre Roi et que cela se fasse sans feintise: il n’y a nul doute que nous n’obtiendrons de lui la liberté en premier lieu, et puis les biens qui nous sont nécessaires et dont nous sommes indigents à moins que nous les recevions de sa main. Or, regardons maintenant si Satan n’était dépouillé, combien nous serions misérables; car il nous possède, il jouit paisiblement de nous, comme aussi notre Seigneur Jésus le prononce; bref, nous sommes comme sa propre possession et son propre domaine! Ainsi, nous avons besoin que la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ produise son fruit en nous, et que nos ennemis étant vaincus soient également réduits à l’impuissance; que Jésus-Christ leur tienne comme le pied sur la gorge, et qu’ils ne puissent rien quoiqu’ils machinent de nous faire toute nuisance.

Notamment, il est ici parlé des robustes et excellents, afin que nous ne soyons point étonnés de la force, des munitions et de tout l’équipage de nos ennemis; car c’est bien pour nous, effrayer, quand nous regardons à notre débilité d’une part, et connaissons que le diable est comme un lion rugissant129 [132], que le péché a toute domination sur nous; cela, dis-je, serait bien pour nous étonner, sinon que nous eussions ce témoignage qu’ il n’’y a puissance, ni forteresse, ni rien, qui soit qui empêche que notre Seigneur Jésus n’ait la dépouille de tous ses ennemis, qu’il ne les assujettisse et les prive si bien de ce qu’ils avaient que même ce qui était à notre dommage sera converti à notre profit. Et cela est entendu non seulement de Satan, le chef des méchants, mais aussi bien de tous nos adversaires, comme nous voyons qu’autant qu’il y a d’incrédules, ce nous sont autant d’ennemis qui sont comme enragés contre nous: bref, nous voyons le monde entier qui nous est contraire! Que serait-ce si Jésus-Christ ne pouvait l’emporter par-dessus tous les puissants et robustes?

Ainsi donc, en premier lieu, voilà ce que nous avons à retenir de ce passage: que Jésus-Christ étant monté, non seulement a tenu nos ennemis liés comme captifs, mais aussi a eu toute leur dépouille, et que nous avons reçu les dons qui lui ont été faits en hommage, voire afin que nous soyons enrichis de sa libéralité, puisqu’il n’y a en nous que pauvreté et indigence.

A cause de l’amour du Christ, nous sommes enrichis des dons du Saint Esprit

Or, notamment, il est dit: Pour ce qu’il a épandu son âme à la mort. En quoi, derechef, Esaïe exprime que notre Seigneur Jésus, de sa franche volonté, s’est offert, car ce mot d’épandre signifie qu’il ne s’est point épargné, qu’il n’y a point été à regret. Car celui qui donne sa force, encore qu’en la fin il lâche la main, ce n’est pas qu’il montre toujours quelque chicheté; mais celui qui épand montre qu’il y va d’un franc courage. Ainsi donc, il nous est montré que notre Seigneur Jésus a été enflammé d’une telle affection de l’amour qu’il nous portait que sa vie s’est écoulée comme de l’eau; qu’il a fait un sacrifice volontaire pour montrer qu’il ne demandait rien que de nous réconcilier avec Dieu, son Père. Et c’est toujours pour nous confirmer tant mieux, afin que venant à lui, nous ne doutions point d’être reçus avec toute humanité. Car comment serait-il possible qu’il nous rejetât, au point que nous fussions comme retranchés de lui, vu qu’il s’est ainsi jeté comme à l’abandon pour nous et qu’il a épandu sa vie? Ecoutant donc cela, nous avons occasion de venir plus franchement à lui et d’être assurés qu’aujourd’hui il fera valoir ce sacrifice qu’il, a offert si franchement à Dieu, son Père, à cause de l’amour infini qu’il nous portait.

Au, reste, le fruit de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus étant perpétuel, connaissons qu’aujourd’hui nous sommes enrichis autant que besoin est, comme aussi nous l’expérimentons. Car il faut bien que Jésus-Christ nous secoure en tant de nécessités qui nous environnent! Car que ferions-nous autrement, s’il n’avait toujours la main pour nous

soutenir? Il serait certes impossible de subsister! Mais il nous donne de quoi pour remédier à toutes nos indigences. Et de fait, toutes les grâces du Saint-Esprit sont une partie de la dépouille de notre Seigneur Jésus-Christ, car Dieu, son Père, l’en a enrichi, parce que nous en étions comme privés, et le diable empêchait que la puissance du Saint-Esprit n’eût son

cours parmi les hommes. Maintenant, nous en sommes enrichis, parce que tous empêchements sont ôtés, et même (comme j’ai déjà dit) ce qui est contraire en ce monde nous est transformé à profit et à salut, puisque notre Seigneur Jésus a dépouillé tous nos ennemis.

Christ a porté nos transgressions

Or, il est dit notamment: Parce qu’il a été réputé parmi les pécheurs, et qu’il a porté l’iniquité de plusieurs, et a prié pour les iniques. Nous avons déjà vu comment notre Seigneur Jésus a porté les transgressions de plusieurs: c’est parce qu’il a soutenu la peine qui nous était totalement insupportable. Et aussi nous étions par trop fragiles pour subsister devant Dieu, si nous eussions été chargés de nos péchés, car le moyen de nous en acquitter ne se pouvait trouver nulle part au monde. Il a donc fallu que notre Seigneur Jésus, pour nous donner allègement, se présentât en notre lieu, et qu’il fût chargé de toutes nos offenses, voire pour qu’elles lui fussent imputées devant Dieu son Père, et qu’il fût tenu et obligé d’en faire le payement. Quand un homme seulement devra ce qu’il ne peut payer, il est comme courbé, il ne sait que faire, il a comme un fardeau qui le rompt et le casse et lui fait plier les épaules; et que, sera-ce quand nous serons débiteurs, non point d’une créature mortelle, mais du Dieu

vivant, et que ce ne sera pas ni d’or, ni d’argent, mais de nos offenses qui méritent son épouvantable colère, comme l’Ecriture le montre? Voilà donc le jugement de mort éternelle qui nous est apprêté à tous, jusqu’à ce que notre Seigneur Jésus nous en ait déchargés! Et de fait, comment suffirons-nous à cela, sinon que celui qui a une puissance victorieuse par-dessus toutes choses se vienne mettre en notre lieu et supplée à nos défauts?

Voilà donc comment notre Seigneur Jésus a porté les péchés et les iniquités de plusieurs. Il est vrai que ce mot de plusieurs vaut souvent autant que tous. Et de fait, notre Seigneur Jésus a été présenté au monde entier, car il n’est point parlé de trois ou quatre, quand il est dit130 [133]: «Dieu a tant aimé le monde qu’il n’a point épargné son Fils unique.» Mais, cependant, il nous faut noter ce que l’Evangile ajoute en ce passage-là: «Afin que quiconque croira en lui ne périsse point, mais obtienne la vie éternelle.» Voilà donc comment notre Seigneur Jésus a souffert pour nous tous, et qu’il n’y a ni grand ni petit qui ne soit aujourd’hui inexcusable, puisque nous pouvons obtenir salut en lui. Les incrédules, qui s’en détournent et qui s’en privent par leur malice, sont coupables aujourd’hui au double. Car quelle fausse raison allègueront-ils pour excuser leur ingratitude, de ce qu’ils ne reçoivent pas le bien duquel ils pouvaient être participants par la foi? Ainsi donc, apprenons que si nous venons en grande troupe à notre Seigneur Jésus-Christ, l’un n’empêchera point l’autre que Christ ne suffise à chacun de nous.

S’il était question de trouver allègement en un homme mortel, quand l’un aura dit: «je vous prie de porter un tel fardeau», si le second vient, ou si cent se trouvent ensemble, encore qu’il ait grand désir de soulager l’un et l’autre, il faudra pourtant qu’il plie les épaules, car il n’a pas la force de porter tout ce qu’on pourrait lui mettre sur (le dos). Même s’il est question aussi d’emprunter quand nous aurons faim et soif, si nous venons demander à quelqu’un qu’il. nous donne à boire et à manger, peut-être qu’il le pourra bien faire à une douzaine; mais s’il en vient une si grosse bande que toutes les victuailles viennent à manquer, voilà comme il se trouvera court. Ainsi donc, parmi les hommes, nous avons besoin de recevoir de plusieurs aide et soulagement, quand nous viendrons ainsi en grande multitude. Mais quand, nous venons à Jésus-Christ, il ne faut point craindre que sa puissance soit insuffisante et que

lorsque chacun en aura sa portion, il soit en rien appauvri, de sorte que toujours d’autres n’y trouvent assez. Car tant plus serons-nous de gens qui y viendrons, tant plus le trouverons-nous riche pour secourir notre indigence! Ainsi, nous avons à noter que, non sans cause, le Prophète dit qu’il a porté le péché de plusieurs, à savoir que nous ne portions point d’envie à nos prochains, comme si nous étions frustrés pour n’être point secourus, parce qu’il y en a trop d’autres. Voilà en somme ce que nous avons à retenir de ce passage.

Pour nous, Christ a été compté au nombre des malfaiteurs

Au reste, il est dit que c’est d’autant que Jésus-Christ a été réputé parmi les iniques. Ici, nous avons à noter en premier lieu qu’il a fallu qu’il fût pendu entre deux brigands, pour souffrir toute la condamnation que nous avions méritée, et afin que nous eussions un gage, d’autant plus certain et infaillible qu’aujourd’hui nous sommes absous devant Dieu le Père de tous nos péchés et offenses. Et voilà pourquoi saint Marc allègue ce témoignage du Prophète, quand il dit131 [134] que deux brigands ont été pendus avec notre Seigneur Jésus-Christ, pour montrer qu’il fallait qu’il fût tenu comme détestable, et afin qu’on vît comme à l’œil qu’il a été mis, à ce rang-là avec toute ignominie, afin qu’aujourd’hui nous soyons exemptés de la colère de Dieu et de la punition, que nous méritions à cause de nos méfaits; et qu’au lieu que

nous étions plongés jusqu’aux enfers, maintenant, nous soyons accouplés avec les anges du paradis, qui sont totalement adonnés au service de Dieu, et qui accomplissent toute justice. Nous avons donc tout ce bien-là, parce que notre Seigneur Jésus-Christ a bien voulu prendre notre place, et s’est venu rendre parmi les malfaiteurs, afin d’avoir toute réputation d’ignominie parmi les hommes.

Rédemption et justice sont en lui

Voilà donc comment l’opprobre de notre Seigneur Jésus-Christ nous élève en haut,

afin que nous soyons exemptés de toute condamnation et que le péché ne nous soit plus imputé. En quoi gît notre salut, sinon que nos péchés soient couverts et abolis? Or, nous ne pouvons pas obtenir cela par un autre moyen, si ce n’est que le Fils de Dieu est notre rédemption, comme saint Paul en parle, c’est-à-dire qu’il a été le prix et le payement de ce que nous devions, afin que maintenant nous soyons quittes et absous. Ainsi donc, ce n’est point sans cause que le Prophète conjoint ces deux choses, et toujours nous montre, comme par ci-devant, que nous avons de quoi glorifier notre Seigneur Jésus-Christ, en ce qu’il s’est exposé à tout opprobre, voyant le fruit que nous en recevons. Car si notre Seigneur Jésus-Christ eût fait cela pour montrer seulement un signe d’humilité, ce serait une chose trop maigre, mais c’est afin que nous trouvions en lui ce qui nous manque, et que ce soit le remède

de ce qui nous pourrait accabler. Quand donc nous sommes ainsi réconciliés avec Dieu, et que nous obtenons justice, et que la rémission des péchés nous est toute certaine, voilà comment nous n’avons plus d’horreur de venir à notre Seigneur Jésus-Christ, bien que le fait qu’il a été

crucifié comporte, de prime abord, quelque honte selon le monde. Mais nous voyons qu’il n’a pas laissé de faire ses triomphes de Satan et du péché, voire au point qu’il nous a acquis justice et a effacé l’obligation qui était contre nous, en sorte que maintenant nous pouvons venir à Dieu avec témoignage certain que nous sommes justes; nous pouvons à pleine bouche nous glorifier de cela, au lieu qu’auparavant il nous fallait passer condamnation avec toute horreur. Voilà, en somme, ce que le Prophète nous a voulu dire derechef.

Notre Prière est fondée sur l’intercession du Christ

Après toutes ces choses, il ajoute qu’il a prié pour les iniques. Notamment ceci est ajouté, pour montrer que Jésus-Christ, en sa mort et sa passion, a eu l’office de Sacrificateur: et sans cela aussi, nous n’aurions pas tout ce qui est requis pour l’assurance de notre salut. Il est vrai que, du fait que la mort et la passion de notre Seigneur Jésus-Christ est le sacrifice par lequel, nos péchés sont effacés, que son sang est notre purification, que son obéissance est pour abolir toutes nos rebellions, et nous acquérir justice: en cela, nous avons de quoi nous réjouir! Mais ce n’est pas le tout, car il est dit132 [135] qu’en invoquant le nom, de Dieu, nous serons sauvés. Mais comment pourrions-nous avoir accès à Dieu? Quelle hardiesse sera-ce que nous le venions prier, voire que nous l’appelions à pleine bouche: «Notre Père»? Ne serait-ce pas trop grande présomption à nous de venir ainsi privément à Dieu, et de nous vanter d’être ses enfants, sinon que nous eussions (quelqu’un) qui portât la parole? Et où est ce que nous trouverons avocat ou procureur qui puisse tant faire pour nous, jusqu’à ce que nous venions à Jésus-Christ? Voilà donc ce que le Prophète a voulu ajouter en conclusion de ce qu’il traite, à savoir que Jésus-Christ a prié pour les iniques.

Christ a prié pour les pécheurs

Or il est vrai que sur la croix il a bien demandé pardon et grâce à Dieu, son Père, pour ceux mêmes qui l’avaient persécuté. «Père, pardonne-leur, dit-il133 [136], car ils ne savent ce qu’ils font!» Voilà une prière que notre Seigneur Jésus a faite pour les iniques et pour ceux qui étaient ses ennemis, qui l’avaient traité si cruellement et par la main desquels, il était crucifié! Mais le Prophète n’a point seulement parlé de cette prière spéciale; plutôt, il a voulu déclarer la sacrificature de notre Seigneur Jésus-Christ. Cependant, notons bien que ce n’est point sans

cause qu’il parle ici des iniques. Ci-dessus, il a été dit qu’il avait porté le péché du peuple de Dieu, et souffert pour les iniquités de plusieurs; mais maintenant le Prophète attribue un autre titre à ceux pour lesquels Jésus-Christ a prié, et les nomme transgresseurs. Quand il a parlé du

peuple de Dieu, c’était pour montrer que ceux qu’on estimera les plus justes et les plus excellents ont besoin de la rémission de leurs péchés, et qu’ils ne la peuvent trouver sinon d’autant que Jésus-Christ a répandu son sang pour les nettoyer et laver. Voilà donc pour ce point: que si nous voulons être de l’Eglise et être reconnus membres du troupeau de Dieu, il faut que nous sachions que c’est parce que Jésus-Christ est notre Rédempteur. Et ne craignons pas d’y venir en grand nombre, mais plutôt que chacun y attire ses prochains, puisqu’il est suffisant pour nous sauver tous!

Au reste, il est dit ici que nous sommes transgresseurs, afin que nous pensions bien à nos péchés, car nous savons l’audace et la témérité qui se trouvent dans les hommes, au point que, bien souvent, nous aurons plus de honte et de modestie quand nous présenterons nos requêtes à quelque homme mortel, que nous n’en montrerons devant Dieu. Or, le Prophète rabat ici tout cet orgueil et cet esprit de grandeur, quand il nous nomme iniques, comme s’il disait: « Malheureux! Qui êtes-vous, qui présumez d’invoquer Dieu et de l’appeler votre Père? D’où vous vient cette dignité-là? Qui osera entreprendre de venir en la présence de la majesté de Dieu pour dire: «je suis de tes enfants»? Allez, dit-il, cachez-vous, car vous êtes tous malfaiteurs et, venant devant Dieu, vous venez comme devant votre juge; il faut que vous

trembliez et soyez totalement confus! Mais il y a un seul remède qui vous peut mettre en sûreté, c’est qu’en invoquant le nom de Dieu, vous ayez une forteresse invincible en la puissance et intercession du Médiateur. Et sans cela, il n’y a nulle espérance de salut, vous êtes tous perdus en vos péchés! Reconnaissez donc la nécessité où vous êtes que le Fils de

Dieu serve d’intermédiaire et qu’il intercède pour vous, et fasse office de Sacrificateur. Voilà pourquoi notamment le Prophète nous a appelés, ici, tous iniques et transgresseurs, à savoir afin que nous connaissions que la porte nous est fermée et que nous ne sommes pas dignes d’approcher de Dieu, mais que nous sommes tous accablés et confus, sinon que nous ayons là totalement notre refuge; car sans ce remède, il faut que nous périssions et pourrissions en nos pauvretés et misères.

Par Christ, nous sommes enfants de Dieu

Or, quand nous sommes ainsi humiliés, alors nous pouvons venir à notre Seigneur Jésus-Christ, connaissant que c’est lui qui porte la parole en notre nom, et que c’est par lui aussi que nous pouvons franchement nous appeler enfants de Dieu. Quand donc nous venons prier et dire: «Notre Père qui es aux cieux…»134 [137], il faut que nous reconnaissions que nous avons les bouches souillées quant à nous, et que nous ne sommes pas dignes d’appeler seulement Dieu «notre Créateur», tant s’en faut que nous devions avoir cette présomption de nous tenir pour ses enfants. Mais il n’en reste pas moins que notre Seigneur Jésus-Christ porte la parole pour nous, et que nos prières et oraisons sont sanctifiées par lui, et comme il est dit en l’Epître aux Hébreux, dernier chapitre135 [138], que c’est par lui que nous rendons à Dieu les sacrifices de louange et toutes oraisons, et qu’il est notre Médiateur, et qu’aujourd’hui, en son nom, nous invoquons Dieu, notre Père. C’est pourquoi nous pouvons, franchement nous glorifier qu’il nous tiendra pour ses enfants. Voilà comment nous avons à pratiquer ce passage.

Nous sommes au bénéfice des prières du Christ. Prions Dieu en son nom

Or, nous voyons comment notre Seigneur Jésus a confirmé cela, priant pour les siens, comme il est récité au chapitre 17 de saint Jean136 [139]: «Père saint, voici ceux que tu m’as donnés. Main tenant, je pars du monde. Je les ai gardés, et nul n’est péri d’entre eux, sinon le fils de perdition; mais ceux que tu m’as commis en charge, je les ai préservés. Maintenant, je prie pour eux, et non seulement pour eux, mais pour tous ceux qui croiront en moi par leur parole.

Je ne prie point pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, que tu les bénisses et les sanctifies, afin qu’ils soient un avec nous.» Quand nous voyons que le Fils de Dieu prie, voire que lui, qui est Dieu éternel, s’abaisse jusque-là d’être comme suppliant et de présenter requête devant Dieu, son Père, en notre nom, ne devons-nous pas ici reconnaître une bonté infinie? Et, en premier lieu, toujours il nous faut retenir ce qui a été dit: à savoir que nous ne ferions que profaner le nom de Dieu en l’invoquant, sinon que ce soit au nom de Jésus-Christ (que nous le prions). Et pourquoi? Nous avons les bouches souillées et infectes; voire, nous sommes pleins de corruption, il n’y a que vermine en nous. Mais parce que notre Seigneur Jésus s’est abaissé jusqu’à cette condition de supplier et d’être là, en notre personne, requérant Dieu, son Père, nous devons être fondés et appuyés quand il est question de fonder nos

prières aujourd’hui. Il est vrai que tout ainsi qu’Esaïe dit que Jésus-Christ a prié pour les iniques, aussi lui-même déclare qu’il ne prie point pour tout le monde, pour ceux qui se plaisent en leurs iniquités et qui y demeurent avec obstination; car ceux-là sont retranchés de ce bien et privilège qui est réservé seulement pour les enfants, de Dieu. Si donc nous

demeurons au monde, et que nous soyons séparés de notre Seigneur Jésus-Christ, il est certain que le fait qu’il a prié Dieu son Père ne nous appartient pas, et ne nous peut en rien profiter. Mais écoutons ce qu’il dit137 [140]: «Voici, je leur ai annoncé ta Parole et ils ont cru. Je prie pour

eux, et non seulement pour eux (c’est à dire pour les disciples), mais pour ceux qui croiront en leur doctrine.»

Ainsi donc, aujourd’hui, connaissons que nous sommes associés aux disciples et aux Apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ, et que cette prière qu’il a faite, une fois pour toutes, aujourd’hui nous servira, et qu’elle nous donnera ouverture à toutes nos oraisons, moyennant que nous recevions la doctrine de l’Evangile en obéissance de foi. Ainsi il ne faut point que maintenant nous soyons en doute sur la façon dont nous devrons formuler nos requêtes, car puisque nous savons que Jésus-Christ a prié, il ne faut plus que nous disions: «Et comment serons-nous assurés que la puissance de cette oraison-là parvienne jusqu’à nous?» Croyons à

l’Evangile et nous suivrons les Apôtres et disciples, et serons conjoints avec eux. Voulons- nous démentir le Fils de Dieu qui est la vérité éternelle et immuable? Or, il a prononcé de sa bouche que tous ceux qui recevront la doctrine de l’Evangile sont conjoints, à cette prière et qu’il les y a compris. Puisqu’il en est ainsi, bien que d’un côté nous soyons pauvres malfaiteurs et, par conséquent, indignes d’approcher de Dieu, toutefois, par le moyen de l’Evangile, quand nous embrasserons avec foi les promesses qui y sont contenues, alors nous serons présentés à Dieu, afin que non seulement nous lui soyons agréables puisque son Fils

unique a intercédé pour nous, mais aussi qu’aujourd’hui nous le puissions aussi bien invoquer, et qu’en cela nous soyons compagnons de Jésus-Christ: comme il dit138 [141]: « Me voici, moi et les Serviteurs que tu m’as donnés.» Il se présente là, en premier lieu (comme il a été déclaré au

chapitre 8 d’Esaïe), et puis il amène toute sa troupe: «Et ceux que tu m’as donnés», dit-il. Or il dit qu’il est là appareillé au service de Dieu son Père, avec tous ceux qui lui ont été donnés. Ainsi, il n’y a point de doute que nous ne soyons conjoints en cette prière et en toutes

les louanges de Dieu, et que Jésus n’entonne par manière de dire et soit comme le premier chantre qui nous conduise quand nous prions, et que par son moyen, il n’y ait une voix tellement conjointe que la mélodie soit bien accordante. Quand nous nous accorderions avec les anges du paradis en priant Dieu, ce serait déjà un privilège trop excellent; mais quand le Fils de Dieu daigne bien avoir une telle privauté avec nous que de dire: «Venez, je vous conduirai; je porterai la parole pour vous!», ne devons-nous pas être totalement ravis en cela?

Christ est pleinement Sacrificateur et Médiateur

Au reste, ceci a été figuré en la Loi, quand le grand Sacrificateur non seulement a offert à Dieu les sacrifices, mais a conjoint aussi les prières. Sous les ombres donc anciennes, il y avait le Sacrificateur qui ne pouvait pas intercéder devant Dieu et être reçu pour agréable sans effusion de sang; mais, avec le sang, il conjoignait aussi les prières pour que les péchés fussent pardonnés au peuple, et que Dieu reçût à merci ceux qui étaient dignes d’être rejetés. Voici Jésus-Christ qui a mis fin à toutes les figures de la Loi, et qui a voulu accomplir ceci en sa personne. C’est qu’il a présenté le sang pour la purification de nos péchés; non point du sang de veaux ni d’agneaux comme en la Loi, mais son sang sacré, voire qui a été dédié par le Saint-Esprit, afin que nous ayons pleine sainteté en lui. Mais avec l’effusion de sang, il a conjoint aussi les prières. Et voilà pourquoi aujourd’hui il est appelé notre Médiateur, et

est dit qu’il intercède pour nous. Et quand saint Paul parle des prières, il ajoute139 [142] qu’il y a un Dieu et un Médiateur, qui est homme, à savoir le Seigneur Jésus. Il pouvait bien dire: «Il y a un Dieu, il y a Jésus-Christ qui est la Parole éternelle de Dieu, qui est d’une même essence,

d’une même gloire et majesté.» Or, il ne parle point ce langage, mais il dit: «Il y a un Dieu»; et puis: «Il y a un Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme». Comme s’il disait: ­­­­«Voilà le Fils de Dieu, qui après avoir revêtu notre nature, après s’être fait homme semblable à nous, excepté le péché, maintenant intercède pour nous.»

Or, les Sacrificateurs anciens avaient besoin de prier pour eux (et ils l’ont fait aussi) et puis pour les péchés de tout le peuple, au nombre duquel ils étaient compris. Mais notre Seigneur Jésus est exempt de cette nécessité-là quant à lui; il ne faut point qu’il demande pardon de son côté des offenses qu’il a commises, mais il intercède pour nous. C’est pourquoi au chapitre 8 des Romains140 [143] quand saint Paul nous veut donner hardiesse de venir à Dieu, il dit notamment: «Et qui sera contre nous? Bien que nous ayons beaucoup d’ennemis, nous ne devons point toutefois nous étonner; car à qui est ce que nous avons à rendre compte de notre vie? Qui est notre juge? Jésus-Christ, et celui-là même est notre avocat qui intercède pour nous et qui est là pour faire l’appoint entre Dieu et nous. C’est lui qui nous fera trouver

grâce.» Ainsi, nous pouvons lever la tête hardiment, et nous trouver devant Dieu, voire en toute hardiesse devant son, Tribunal, puisque nous avons Jésus-Christ qui est là entre Dieu et nous.

Mort et intercession de Christ sont inséparables

Voilà donc ce que nous avons, à retenir, en somme, quand il est ici parlé de l’intercession. Bref, toutes les fois qu’on nous prêche la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, conjoignons en même temps la prière qu’il a faite, et qu’il a faite une fois pour toutes, afin qu’elle demeurât à jamais et produisît sa puissance. Car il ne faut point qu’aujourd’hui notre Seigneur Jésus se mette à genoux devant Dieu son Père pour supplier. Il est dit qu’il sera toujours notre intercesseur: mais comment? En vertu de sa mort et de sa passion, en vertu de la prière qu’il a faite en ce jour. Ainsi, en vertu de cela, nous sommes exaucés comme s’il

parlait encore aujourd’hui pour nous; aussi comme j’ai dit, toutes nos oraisons sont dédiées à lui, car sans cela, elles seraient profanes.

Nos prières sont arrosées du sang de Jésus-Christ

Et de fait, aussi, toutes les fois que les fidèles se préparent pour prier Dieu, ils doivent (au lieu que les Papistes prendront un goupillon d’eau bénite et feront aussi leurs charmes et sorcelleries, ou bien leurs badinages) sentir que leurs prières sont arrosées du sang de notre Seigneur Jésus-Christ, afin d’être pures et nettes, et d’être reçues par Dieu comme un

sacrifice de bonne odeur. Et, sur cela, que nous connaissions que notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas seulement été Sacrificateur pour un jour, mais qu’il retient encore aujourd’hui cet office, et l’aura à jamais, et que nous en sentirons toujours le fruit. Or, si ceci eût été bien connu, on ne se fût pas débordé (comme il en est advenu) en tant de superstitions et de vilenies. Car nous voyons que les Papistes sont aujourd’hui comme pauvres bêtes errantes, qu’ils ne savent quel chemin ou sentier ils doivent tenir en priant Dieu. Ils ont un nombre infini de patrons et avocats et chacun se bâtit le sien. Il est vrai qu’ils en auront beaucoup de communs, mais encore, après toutes leurs kyrielles comme ils disent, chacun aura sa dévotion à quelque saint qu’il aura forgé. Voilà comment Jésus-Christ est dépouillé de son honneur. Et il n’y a point de doute que quand il ne se sont pas contentés de Jésus-Christ, c’est le diable qui les a possédés et les a mis en telle rage comme par mépris de Dieu et de ce que Dieu avait déclaré de Jésus-Christ lui en donnant l’office, ils ont donné à celui ci et à celui-là le droit. Car aujourd’hui, la vierge Marie sera nommée avocate des Papistes! Au. Diable soient toutes leurs prières, car c’est autant comme s’ils renonçaient à Dieu et à notre Seigneur Jésus-Christ! Et aussi, il faudra même que la Vierge Marie crie vengeance à l’encontre d’eux, parce qu’ils ont fait (d’elle) une idole détestable et ont ravi à Jésus-Christ la dignité de cette sacrificature, voire laquelle a été ratifiée par serment solennel de Dieu, et ont voulu falsifier toute l’Ecriture Sainte. Les Papistes espèrent bien que la Vierge Marie les aidera, mais il faudra qu’elle demande comme j’ai dit vengeance à l’encontre d’eux, de l’injure qu’ils lui ont faite, car s’ils lui crachaient au visage et qu’ils disent tous blâmes contre elle, il est certain qu’ils ne lui sauraient faire un plus grand opprobre que quand ils l’appellent «avocate». Et pourquoi? Car il est dit que Jésus-Christ est établi Sacrificateur par Dieu son Père. Et comment? Avec serment solennel. «J’ai juré, dit-il141 [144], et ne m’en repentirai point.»

Toute notre dignité est en l’intercession de Jésus-Christ

Voilà donc sur quoi nous devons être fondés, à savoir sur l’intercession de notre Seigneur Jésus-Christ, parce que (comme dit saint Paul au chapitre 3 des Ephésiens142 [145]) nous ne pouvons approcher de Dieu et nous présenter à lui que quand nous y sommes conduits par

notre Seigneur Jésus-Christ, qui est, comme nous avons dit, pour nous y faire trouver grâce. Or que veulent faire les Papistes? Ils veulent anéantir la sacrificature de notre Seigneur Jésus- Christ, ils veulent qu’elle soit nulle. Et quand ils viennent avec une telle audace diabolique pour renverser le décret immuable de Dieu, comment peuvent-ils espérer être exaucés? Ainsi donc, concluons qu’en la Papauté toute cette doctrine a été ensevelie. Et pourquoi? Je sais bien qu’ils allégueront que nous ne sommes pas dignes de venir devant Dieu. Il est vrai. Et qui en doute? Mais cependant, regardons où il nous faut chercher notre dignité. N’est-ce pas en Jésus-Christ seul? Et ils auront leur recours à la Vierge Marie et à saint Michel, aux Apôtres; et puis ils auront leurs saints qu’ils ont forgés, qui ne furent jamais au mon de, où qui ont été canonisés à l’appétit du Pape, voire pour être au profond de l’enfer: voilà leurs patrons et avocats! Mais encore, quand nous accorderons cela aux Papistes, que leurs saints qui jamais ne furent ou qui ont été des demi-diables et des fantômes aient été Apôtres et Martyrs, et aient vécu aussi saintement qu’il est possible, n’ont-ils pas eu, toutefois, aussi bien besoin d’avocat que les autres? Il est certain que la Vierge Marie ne pouvait pas trouver grâce devant Dieu sans le Chef: elle a eu besoin que Jésus-Christ fût son Rédempteur, aussi bien qu’il a été le nôtre. Les Apôtres et Martyrs, les Patriarches et Prophètes ont eu aussi la même nécessité de recourir à ce Rédempteur qui est commun à tous. Et que sera-ce quand nous les viendrons chercher?

Approchons donc franchement de Christ

Ainsi, parce que les Apôtres nous ont renvoyés à Jésus-Christ et nous ont déclaré que c’était à lui qu’il nous fallait nous adresser; parce que lui aussi nous convie tant doucement, disant: «Venez à moi!», ne reculons point et n’allons point extravaguer, mais approchons franchement. Car ce n’est point seulement pour les Prophètes qu’il parle ainsi, ou pour les Apôtres et Martyrs, ou pour la Vierge Marie; mais il nous veut retenir tous à lui, comme aussi à nous est très nécessaire. Apprenons, dis-je, de ne point vaguer çà et là quand nous prions Dieu, et connaissons le bien qu’il nous a fait quand il lui a plu de nous retirer de cet abîme et confusion de la Papauté, et de nous montrer comment nous aurons la porte ouverte pour venir à lui, à savoir parce que Jésus-Christ est notre Intercesseur. Demeurons là, sans vaguer ni d’un côté ni d’autre, car il est certain que si nos prières ne sont pas réglées selon la parole de Dieu, elles sont frivoles, et Dieu les rejette! Et aussi elles ne peuvent être faites avec foi sinon que la certitude procède de là: à savoir de la vérité de Dieu. Or, maintenant, si nous voulons que nos oraisons soient fondées avec foi, il faut qu’elles soient conformés à la volonté de Dieu et que nous suivions ce qu’il nous commande: à savoir que nous tenions Jésus-Christ pour notre Intercesseur, Avocat et Médiateur.

L’exaucement de nos prières dépend de notre fidélité et de notre obéissance

Voilà donc l’adresse qu’il nous donne et le fondement sur lequel nous devons être appuyés, afin que nous ne flottions point comme roseaux à tous vents. Et voilà pourquoi il dit tant souvent143 [146]: «Ce que vous demanderez à mon Père en mon nom vous sera donné.» Et nous voyons même comment les fidèles, sous la Loi, bien qu’ils n’eussent pas telle clarté comme celle que nous avons aujourd’hui en l’Evangile n’ont pas laissé toutefois de mettre Jésus- Christ en avant, voire sous la figure qui leur était donnée. «Seigneur, disaient-ils, regarde en la face de ton Christ et, pour l’amour de ton Oint, que tu nous exauces! O notre Dieu, Eternel, exauce-nous à cause du Seigneur!», dit Daniel144 [147], et tant souvent aux Psaumes, cela est réitéré. Il est vrai qu’il est parlé de David, mais c’est parce qu’il était figure de notre Seigneur Jésus- Christ. Et puis quand Daniel parle ainsi145 [148]: «A cause du Seigneur…», il montre bien que c’est le Rédempteur qui avait été promis et dont la venue était alors prochaine. Mais Jésus-Christ parle plus clairement encore et dit146 [149]: «Jusqu’ici vous n’avez rien demandé à mon Père en mon nom. Demandez maintenant et il vous sera octroyé.» Comme s’il disait: «Jusqu’ici vous n’avez point connu que mon office est d’être Médiateur envers Dieu mon Père, pour vous.» Et de fait, il n’était point encore monté au ciel, il n’avait point même rompu le voile du Temple pour nous y donner accès. Mais, maintenant, nous y avons accès privé, parce que le voile du Temple est rompu et que Jésus-Christ est entré, non point en un sanctuaire matériel (comme les sacrificateurs du temps de la Loi), mais jusqu’au ciel, en la majesté de Dieu, de son Père, pour nous y faire trouver grâce; en sorte que le trône de Dieu n’est plus un trône de majesté pour nous épouvanter, mais il nous convie doucement et d’une bonté paternelle, puisque nous, y venons au nom et par le moyen de ce Sacrificateur qu’il nous a ordonné.

Le témoignage de l’expérience

Voilà donc comment l’intercession de notre Seigneur Jésus-Christ nous est toujours profitable et nous est une forteresse invincible, si bien que, quand nous viendrons à lui, nous serons tellement exaucés que nous sentirons par expérience que «quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé»147 [150]. Et bien que cette sentence du Prophète Joël ait été dite avant que Jésus-Christ fût apparu, les fidèles du temps de la Loi l’ont pourtant tellement pratiquée que nous devons bien même, par leur exemple, être certains et assurés maintenant (nous, dis-je, qui avons la perfection et l’accomplissement de tout ce qui a été figuré sous la Loi), que quand nous viendrons prier et invoquer notre Dieu au nom de celui qu’il nous a établi pour Avocat, nous sentirons, en vérité, qu’il intercède toujours pour nous, afin que nous soyons exaucés en toutes nos requêtes.

Annexe

TRADUCTION LITTÉRALE DE CALVIN

ESAIE, Ch. LII

13. Voyci, mon serviteur prosperera, il sera exalté, il s’eslevera. vera, il sera haussé grandement.

14. Car plusieurs ont esté estonnez de toy, pource que ton visage estait desfiguré plus que nul homme, et deformé plus que nul des mortels.

15. Aussi il arrousera plusieurs, peuples: les Rois fermeront leur bouche sur luy; car ceux ausquels il n’a point este conté, l’orront, et ceux qui ne l’avoyent point ouy, entendront.

ESAIE, Ch. LIII

1. Qui croira a nostre predication et, a qui sera revelé le bras du Seigneur?

2. Si montera il comme un surgeon; devant luy, et comme une racine de terre deserte. Il nha ne forme ne beaute, et’ avons, veu qu’il n’y avoit nulle excellence pour estre desiré.

3. Il a, este mesprisé et reietté’ entre les hommes, homme de douleur, scachant que c’est d’infirmîté, tellement qu’on cachera sa face de luy avec mespris, et ne l’estimera on rien.

4. Pour vray, il a porté nos langueurs, et a chargé nos douleurs: toutes fois nous lavons estimé estre navré de Dieu, et affligé.

5. Or il a este navré pour nos iniquitez, affligé pour nos péchez: la correction de nostre paix a este sur luy, et en ses playes nous avons guarison.

6. Nous avons tous erré comme brebis, chacun a suivi sa voye: et le Seigneur a fait venir sur luy toutes nos iniquitez.

7. Il a este chastié et affligé, et n’a point ouvert sa bouche: il a este mené a la mort comme un mouton: et comme un agneau devant celuy qui le tond: il a este muet, et n’a point ouvert sa bouche.

8. Il a este eslevé d’angoisse et de jugement: et qui racontera son aage? Il a este retranché de la terre des vivans et a souffert les playes qui estoyent deuës a mon peuple.

9. Il a exposé son sepulchre aux meschans, et sa mort aux fiches: combien qu’il n’eust commis. nul forfait, et qu’il ne se fust point trouvé de fraude en sa bouche.

10. Le Seigneur toutes fois l’a voulu affliger d’infirmite: et quand il aura mis son ame pour satisfaction du péché il verra semence de long aage, et le plaisir de Dieu prosperer en sa main.

11. Il verra le travail de son ame, et en sera rassasié, et mon Serviteur iuste en iustifiera plusieurs par sa cognoissance, desquels il portera l’iniquite.

12. Pourtant ie lui donneray despouille entre les, grans: il partira le butin avec les robustes, d’autant qu’il a espandu son ame a la mort, et qu’il a este mis au rang des malfaiteur: et a porté le peché de plusieurs, et a prié pour les iniques


 

1 [151] Déjà publiés dans La Revue réformée 2 (1951: 5-6).

2 [152] Institution Chrétienne, II, xv, 5-6.

3 [153] Cf. P. Berthoud, P. Wells, dir., Sacrifice et expiation (Excelsis/Kerygma: Cléon d’Andran/Aix-en-Provence 2008).

4 [154] Une soixantaine de verbes et leurs dérivés ont été transposés, non pas mécaniquement, mais selon la nécessité. Ce sont: abîmer, accomparer, accuser, ajourner, amener, il appert, appéter, appointer, arguer, arraisonner, avoir lieu, avouer, barbotter, certifier, circuire, confirmer, constituer, converser, convertir, couper broche, cuider, déclarer, déchasser, défaillir, dépiter, desservir, diminuer, donner entrée, s’écrier, emporter, endurer, estimer, être à l’encontre de, être conformé, être débouté de, évanouir, falloir, forclore, se gaudir, magnifier, mériter, mettre, moyenner, munir, obliger, polluer, procéder, prononcer, protester, redarguer, ranger, regarder, remontrer, réputer, soutenir, surmonter, taxer, se tenir, testifier, vaquer.

Une quarantaine de substantifs: affection, bourdeau, chef, contempteurs, contumélies, converture, detteur, échaffaud, fallace, feintise, fiance, figure, fin, généralité, guise, hautesse, idiot, industrie, ire, item, lavement, macule, maléfice, malice, méchanique, mode, monstre, ombrage, patron, pleige, poste, purgation, putains, récompense, sens, serf, siège judicial, similitude, vergogne, vertu (rarement), vitupère.

Une douzaine d’adjectifs: aboli, contemptible, diverse, enclos, expédient, franc, malin, opposite, outrecuidé, péculier, pitoyable, reçulé, terrien.

Enfin une quarantaine de pronoms, prépositions, adverbes, locutions et expressions diverses auxquels le lecteur moderne s’achoppe, trop souvent. Ce sont: à ce que, apertement, au-devant, cependant (que), combien que, comme (dans certains sens), comme quand, d’autre côté, de prime face, devant, dont, en notre lieu, en tant qu’en lui (eux) est, entre, iceluy, icelle (s), iceux, malgré nos dents, même, mêmement, nulle, à l’opinion de, à l’opposite, par ci-devant, par exprès, pource que, pour cette cause, (et) pourtant, puis après, quant et quant, que c’est de, quelque, qui est cause que, si est-ce que, sinon de, souventes fois, tant y a que, tellement, tellement quellement, toutes fois et quantes, toutefois que, un chacun, une chacune, voiremais.

5 [155] Il s’agit de Jéhojakin, ou Jojakin; cf. 2 Rois 24.8-17.

6 [156] Il s agit de Sédécias. Cf. 2Rois 25; Jérémie 39 et 52.10.

7 [157] Ph 2.10-11.

8 [158] Mt 3.15.

9 [159] Ga 4.4.

10 [160] Rm 15.8.

11 [161] …au pays natal.

12 [162] Se reporter au livre d’Esdras et de Néhémie.

13 [163] 1Co 1.25.

14 [164] Ph 2.5-11.

15 [165] Ph 2.9-11.

16 [166] 1Tm 3.16, 6.15-16; 2Co 4.14, 8.9; Rm 1.3-4.

17 [167] Ha 2.20; Za2.13.

18 [168] Rm 8.34; Ep 1.20.

19 [169] Col 2.14-15; Rm 8.

20 [170] Rm 15.8-12, 17-21, 25-29. La citation d’Esaïe 52.15 se trouve au verset 21.

21 [171] Es 8.14; Rm 9.32; 1P 2.7.

22 [172] Ep 2.20.

23 [173] Rm 1.18-23.

24 [174] 1Co 1.17-25.

25 [175] Es 52.13.

26 [176] Es 11.1.

27 [177] Am 9.11-15.

28 [178] Ac 15.15-17.

29 [179] Lc 4.22; Mt 13.53-58.

30 [180] Mc 3.21.

31 [181] 1Co 1.17-31.

32 [182] Lc 2.33-34.

33 [183] Jn 1.14.

34 [184] Ps 45.3.

35 [185] Es 8

36 [186] Rm 15.8.

37 [187] Ps 110.1; Mt 22.44; Mc 12.36; Lc 20.43; Ac 2.35; Hé 1.13, 10.13.

38 [188] Nous avons déjà, en partie, traité cette question.

39 [189] 1 P 1.19

40 [190] Hé 9.14; 1J 1.7; etc.

41 [191] Mt 3.17, 17.6 et parallèles.

42 [192] Ep 1.3-6.

43 [193] 1P 2.21-25.

44 [194] Dt 21.23.

45 [195] Ga 3.13.

46 [196] Mt 27.46.

47 [197] En langage théologique, l’œuvre expiatoire du Christ porte le nom de «satisfaction vicaire».

48 [198] Mt 8.17.

49 [199] Calvin fait sans doute allusion aux prières récitées avec une simple attention verbale.

50 [200] Ps 14.1-3.

51 [201] Romains 3.9-18.

52 [202] Hé 9.14, 10.19, 12.24, 13.12.

53 [203] Rm 5.18-19; 1Tm 2.5.

54 [204] Ps 39.3-4, 10.

55 [205] Rm 1.4.

56 [206] 2Co 13.4.

57 [207] Rm 6.8-10.

58 [208] Rm 6.10.

59 [209] Ps 68.19; Ep 4.8-10.

60 [210] Col 1.18.

61 [211] 1Co 15.23.

62 [212] C’est-à-dire: venir à Christ en fixant sur lui notre attention.

63 [213] Il s’agit de la seconde venue du Christ, de son retour.

64 [214] Rm 8.

65 [215] Récité les prières avec l’attention verbale seulement.

66 [216] Enduré.

67 [217] D’un geste précis, Calvin devait désigner son cœur, en se frappant la poitrine.

68 [218] Sens; ici, les facultés de l’esprit qui mettent en jeu l’intuition et la sensibilité.

69 [219] Mt 11.28.

70 [220] C’est-à-dire, quoi que ce soit qui vienne de nous.

71 [221] Jn 17.5.

72 [222] Sans tenir compte de nos critères et de normes humaines.

73 [223] Ph 2.8.

74 [224] Ph 2.7.

75 [225] Mt 26.42; Lc 22.42.

76 [226] Ph 2.9-11.

77 [227] Ac 8.32-34.

78 [228] Ps 95.7; Hé 3.7, 4.7.

79 [229] Jn 12.32.

80 [230] Ps 22.8-9; Mt 27.42.

81 [231] Jn 18.30.

82 [232] Jn 3.16; 1J 4.10.

83 [233] 2Co 7.8-11.

84 [234] Jc 3.2.

85 [235] Ac 4.28.

86 [236] Jn 10.18.

87 [237] Ac 4.28.

88 [238] 2Co 5.21.

89 [239] 1P 1.2.

90 [240] ici, Calvin critique l’interprétation que Michel Servet a donnée de ce passage.

91 [241] Jn 2.19-21.

92 [242] 1P 1.23-25.

93 [243] C’est-à-dire, pour nous en rendre participants, en sorte que nous l’ayons en partage.

94 [244] Nous sommes en communion avec notre Seigneur. L’expression ancienne «communiquer» est pleine de force et recèle un sens positif très important que nous ne devons pas perdre de vue dans l’expression habituelle moderne «être en communion avec»

95 [245] Calvin parle ici de la naissance spirituelle, de la naissance d’en haut, de la régénération, qui est le principe, c’est-à-dire la cause, de toute vie chrétienne, même en ses débuts.

96 [246] Ps 2.1-4.

97 [247] Il s’agit de toutes les épreuves physiques endurées par le Christ.

98 [248] Jn 3.16, 10.28.

99 [249] Ph.2.5-11.

100 [250] Jn17.5.

101 [251] Lc 22.27.

102 [252] Mt 20.28.

103 [253] Lc 17.10.

104 [254] Nombres 21.1-9; Jn 3.14-16.

105 [255] 2Co 4.1-4.

106 [256] Cf. Rm 2 à 8; Ga 3 et 4.

107 [257] Deutéronome 30.15, 19.

108 [258] Romains 7.7-25, 4.15, 5.9; Ep 2.3.

109 [259] Lc 12.47.

110 [260] Rm 4.15; Ep 2.3.

111 [261] Rm 5.12, 6.16, 7.5,10,13, 8.2, etc.

112 [262] Rm 10.1-13.

113 [263] Rm 10.8.

114 [264] 2Co 5.21.

115 [265] Rm 6.5, 11.17.

116 [266] 1Co 6.15, 12.27; Ep 5.30.

117 [267] Rm 1.16.

118 [268] Le pronom peut grammaticalement se rapporter à «connaissance» ou à «Saint-Esprit». Nous pensons qu’il s’agit ici du saint-Esprit.

119 [269] Ps 97.5.

120 [270] Col 2.14-15.

121 [271] 1P 2.24.

122 [272] Lorsque nous sommes appelés à rendre compte devant Dieu.

123 [273] Dt 27.26; Ga 3.10.

124 [274] Rm 10.6-8; Dt 30.11-14.

125 [275] Ep 4.8-10; Ps 68.19.

126 [276] Ph 2.5-11; Ep 4.8-10.

127 [277] Ps 68.19.

128 [278] Ps 68.13.

129 [279] 1P 5.8.

130 [280] Jn 3.16.

131 [281] Mc 15.27-28.

132 [282] Jl 2.32; Ac 2.21; Rm 10.13.

133 [283] Lc 23.34.

134 [284] Mt 6.9-13.

135 [285] Hé 13.6, 15.

136 [286] Jn 17.12-20, 9.

137 [287] Jn 17.12, 20, 9.

138 [288] Es 8.18.

139 [289] 1Tm 2.1-5.

140 [290] Rm 8.31-34.

141 [291] Hé 7.21.

142 [292] Ep 3.11.

143 [293] Mt 7.7, 18.19, 21.22; Jn 11.22, 14.13-14, 15.10, 16.23.

144 [294] Dn 9.17-19.

145 [295] Dn 9.17.

146 [296] Jn 16.24.

147 [297] Jn 16.24.