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Préface

PRÉFACE

Ces prédications de CALVIN, que nous avons l’immense plaisir de rééditer aujourd’hui, ont été prononcées, au début de l’année 1558, à la cadence de une par jour, sténographiées alors même qu’il prêchait, éditées avec d’autres, et achevées d’imprimer par les soins de Conrad Badius, le 13 juillet de la même année.

Dans sa préface, Conrad Badius écrit notamment:

«Quand Dieu nous envoie quelque bon et fidèle docteur, qui expose purement à ses, auditeurs la parole de Dieu, nous en devons tenir un merveilleux compte: car il s’en trouve bien peu qui s’acquittent fidèlement de leur charge: et entre autres, nous devons avoir en singulière recommandation ceux que Dieu a doués de grâces spéciales et don d’interprétation, comme aujourd’hui notre fidèle pasteur et bon serviteur de Dieu, Jean Calvin, fait grandement profiter le talent précieux qu’il a reçu du Seigneur, selon que ses prédications, en rendent bon témoignage, lesquelles (ainsi que toutes personnes équitables en peuvent juger) ne sont point faites par acquit, ni à la douzaine, mais sont dûment préméditées et bien rapportées à la capacité de ses brebis, ayant toujours devant les yeux le bénéfice du Seigneur Jésus pour le graver vivement en leurs cœurs. Ce ne sont point lieux communs tout mâchés, ni sermons qu’il ait en sa manche pour les faire servir à tous passages de l’Ecriture, comme une forme à tous pieds, mais expositions vraies, pures, nues, et propres pour le texte qu’il a à déduire; il ne les farcit point d’exhortations hors propos; il ne les remplit point d’invectives procédances d’ambition… Mais sa coutume est de suivre un fil et une teneur qui tend à édification, n’omettant rien de tout ce qui fait à l’honneur de Dieu et instruction de ses auditeurs.

«… Il a plu à Dieu nous faire ouïr les plus excellentes prédications qu’il est possible d’ouïr ou réciter, sur la fin du 52e chapitre du Prophète Esaïe, et sur tout le 53e, où le mystère de la mort et passion de notre Seigneur Jésus-Christ, et les causes d’icelle, sont tellement décrites et dépeintes au vif, qu’il semble que, le Saint-Esprit nous ait voulu présenter devant les yeux Jésus-Christ condamné en notre nom et attaché à la croix pour nos péchés, afin qu’en souffrant la punition qui nous était due, et soutenant pour nous l’ire et le jugement de Dieu, il nous délivrât de la mort éternelle.»

Faisant état des conditions dans lesquelles cette publication a été rendue possible, Conrad Badius ajoute:

«Vrai est que ce n’est ni du gré, ni du consentement de l’auteur; non qu’il veuille empêcher le bien et 1e fruit qu’en peut recevoir l’Eglise, mais il désirerait que ses prédications ne s’étendissent pas plus loin que sa, bergerie; tant parce qu’elles sont faites spécialement pour ses brebis, à la capacité desquelles il s’accommode le plus qu’il peut; parce qu’il lui semble qu’un autre ordre et disposition y serait bien requis pour être ainsi mises à la vue de tout le monde; mais de les revoir pour les polir, outre ce qu’il n’a pas le loisir, il ne s’y voudrait jamais occuper. Car quand il voudrait en mettre en avant, il saurait bien faire des homélies toutes nouvelles et mieux labourées, sans remanier une chose par lui jà prononcée sur-le-champ. Néanmoins, voyant le grand fruit qui peut revenir de telles prédications ainsi publiées, nous n’avons pas craint de lui déplaire et désobéir aucunement en cet endroit, afin de vous faire participants des excellentes richesses desquelles nous jouissons en ce petit anglet haï et détesté du monde comme pernicieux et maudit, mais cependant précieux devant Dieu.»

Il n’entre pas dans notre propos de souligner les mérites de ces sermons, la richesse, la fermeté et l’originalité de la doctrine qu’ils présentent sur le sujet le plus important de la foi chrétienne: ces lignes de Conrad Badius nous serviront d’introduction.

Cependant, en publiant ces Sermons, nous n’avons pas seulement fait œuvre de copistes. Une enquête consciencieuse nous a prouvé que le vocabulaire de Calvin n’est aujourd’hui accessible qu’à ceux qui veulent bien prendre la peine de l’étudier. Or, à part quelques opiniâtres, qui savent pourquoi ils tiennent à remonter à la source et qui consentent à en payer le prix, les protestants même les plus cultivés renoncent, faute de temps, à lire Calvin dans le texte ou, quand ils s’y risquent, déclarent ne pas le bien comprendre et perdent promptement patience. Consentirons-nous à ce que les plus purs, joyaux de la littérature réformée sombrent dans l’oubli, cessent de nourrir les âmes de notre génération et d’édifier l’Eglise? Non, car nous sommes obsédés par la nécessité de faire œuvre d’évangélistes et de mettre à la portée de tous la sève spirituelle qui vivifia de nombreuses générations et que nos Eglises, réclament.

C’est pourquoi nous avons adapté la langue et le vocabulaire de Calvin, aux exigences du temps présent, conscients de l’extrême difficulté de la tâche et assumant d’avance les critiques les plus légitimes ou les réserves que certains idolâtres de la lettre penseront pouvoir exprimer. En souhaitant de rendre ces sermons de Calvin accessibles au plus grand nombre, même à ceux qui ne peuvent se réclamer d’une culture secondaire ou supérieure, en voulant faire œuvre d’évangéliste, et, par conséquent, en sacrifiant l’orthographe, la ponctuation, voire l’intégrité de sa langue, nous sommes convaincus que Calvin nous approuverait et reconnaîtrait en nous de véritables fils de la Réforme.

Notre ambition est que quiconque puisse lire Calvin avec la seule aide du Petit Larousse Illustré, sans que disparaissent pour autant la fraîcheur et la cadence de son style. Toutes les fois qu’il n’y a pas danger de réel contresens, nous avons laissé subsister de nombreux archaïsmes. Ailleurs, nous sommes intervenus, généralement sans modifier le rythme de la phrase, et avons transposé en français moderne un certain nombre de verbes, de substantifs, d’adjectifs, et surtout de locutions et d’expressions qui déroutent le lecteur d’aujourd’hui. Nous avons parfois ajouté une note explicative4 [1].

La ponctuation a été corrigée en mettant en relief les divers éléments du discours. Pour qu’il soit plus aisé de suivre la marche de la pensée et ses diverses étapes, le texte a été découpé en paragraphes précédés de brefs sous-titres. Les divers passages bibliques auxquels Calvin se réfère, et dont les cotes exactes ne figurent pas dans l’édition originale, sont signalés en notes : il sera utile de s’y reporter pour une étude plus approfondie de la pensée du prédicateur

Tel fut notre travail, accompli dans le seul espoir que de nombreux lecteurs soient enrichis et fortifiés dans la grâce inestimable qui nous a été acquise et dispensée en Jésus-Christ, qu’ils soient confirmés dans la paix de leur cœur devant Dieu, en sorte qu’avec nous ils puissent rendre gloire au Père, avec actions de grâces, de son incommensurable amour.

Pierre MARCEL,

1er septembre 1951