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Jésus-Christ et l’eschatologie

JÉSUS-CHRIST ET L’ESCHATOLOGIE

Paul WELLS*

Le problème fondamental, dans les discussions sur l’eschatologie depuis plus d’un siècle, est celui du report dans le temps de la parousie1 [1]. C’est un lieu commun d’affirmer que Jésus et les premiers chrétiens pensaient à un retour presque immédiat du ressuscité. De R. Bultmann, à la gauche de l’éventail théologique, à O. Cullmann, à sa droite, de nombreux interprètes donnent l’impression qu’il y avait, dans le christianisme primitif, une erreur au sujet de l’attente de l’accomplissement final2 [2]. Ce n’est qu’avec le temps et la frustration éprouvée que la doctrine chrétienne s’est installée dans la durée. L’attente d’une parousie proche a été remplacée par une eschatologie de la durée, le royaume de Dieu par l’Eglise et l’événement fondateur par une institution.

Ces interprétations reposent sur un malentendu non seulement de nature exégétique, mais aussi sur la notion biblique d‘eschatologie en tant que telle. En effet, la théologie contemporaine a mésestimé le caractère fondamental et radical de la venue de Jésus et l’espérance qui s’y rapporte3 [3]. L’incarnation de Jésus est l’événement eschatologique par excellence. A la lumière de ce changement radical dans le déroulement de l’histoire, suscité par la venue de Dieu lui-même, les autres moments eschatologiques – la résurrection, l’envoi de l’Esprit et la parousie – prennent toute leur importance.

Dans les milieux évangéliques, une notion courante relative à l’eschatologie, est celle qui se concentre sur les événements à venir ou qui sont en train de se passer. Personne ne doute de la signification eschatologique du présent et de l’histoire jusque-là, mais est-ce là l’axe central du caractère eschatologique de la foi chrétienne? Pour certains, le sujet se limite presque exclusivement à l’interprétation des signes présents. Ce souci d’actualité est compréhensible, mais il traduit une déconcentration par rapport à la personne de Christ et à son incarnation, ce qui est regrettable. La prophétie devient alors une sorte d’histoire écrite à l’avance et ouvre la porte à des spéculations infinies4 [4]. Les prophéties et leur accomplissement se limitent aux événements eschatologiques qui auront lieu dans le temps qui précède immédiatement le retour de Christ. Les événements et leur déchiffrement deviennent axiomatiques dans cette perspective. Mais s’agit-il là de la perspective du Nouveau Testament? L’eschatologie n’est-elle pas défigurée par une telle approche?

Les présentations précédentes déconcertent, car elles confèrent à l’événement majeur de l’histoire – la présence de Dieu en la personne de Jésus et à son incarnation comme matrice d’interprétation de l’eschatologie – le statut de parenthèse. Or, l’incarnation est la venue de Dieu dans le monde, le jour de Jahvé tellement attendu! Le monde et son histoire ne peuvent plus être les mêmes après un tel événement. Existe-t-il une autre façon d’aborder ce problème?

I. Le rapport entre la personne de Jésus et l’eschatologie

Depuis le début de la théologie chrétienne, certains des Pères, dont Irénée et Origène, se sont référés à la personne de Christ comme ho eschatos, le dernier. La personne de Jésus lui-même est le but vers lequel toute la création et l’alliance progressent pour trouver en lui leur accomplissement5 [5]. En effet, l’incarnation fait entrer la fin de l’histoire dans le temps, car en elle se manifeste l’intention divine du salut et du jugement, lesquels se trouvent, tous les deux, cristallisés à la croix. Quelles sont les implications théologiques de ce titre étonnant: « Jésus-Christ, le dernier »? Sans étudier maintenant la question de la structure eschatologique du Nouveau Testament, il est utile de considérer quatre illustrations destinées à éclairer le sens de ce titre.

1. Jésus-Christ est la fin en personne, car il exprime historiquement l’objectif eschatologique de Dieu

Dans le Nouveau Testament, on trouve soit « les derniers jours », soit « le dernier jour ». La première expression concerne la période présente, alors que la seconde ne se réfère jamais au présent, mais au jour de jugement qui est encore futur6 [6]. Selon Hébreux 1.2, Dieu a parlé « à la fin de ces jours qui sont les derniers (ep’ eschatou ton hemeron touton) » par son Fils7 [7]. Hébreux 9.26 indique également le caractère absolu et radical de l’incarnation de Christ: « une seule fois, à la fin des siècles (epi synteileia ton aionion), il a paru pour abolir les péchés ». L’incarnation de Christ est un événement qui marque l’arrivée du jour eschatologique par l’apparition de Jésus-Emmanuel et qui inaugure un temps différent. Le sens de ces passages n’est pas que la venue de Christ ouvre la dernière période du temps, mais qu’elle constitue le temps de la fin. En 1Pierre 1.20, on lit que Christ « a été désigné d’avance, avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps (ep’ eschatou ton chronon) à cause de vous ». Ce texte offre un contraste entre deux événements opposés mais complémentaires: la fondation du monde et la fin des temps. Le lien entre les deux est constitué par la présence de Christ. Autrement dit, dans la personne de Jésus et, à cause de sa venue, la fin des temps est déjà apparue.

2. Le ministère de Jésus est un acte qui exprime la venue de la fin. Le royaume de Dieu est réalisé dans sa présence

En lui (Lc 4.18-21), « l’année de grâce » de Dieu est annoncée et accomplie. La libération des captifs se réalise par le fait que Satan est lié et détrôné (Mt 12.28 et Lc 11.20). Satan tombe du ciel, ce qui ne veut pas dire qu’il est tombé sur la terre pour s’y installer, mais le contraire. Il n’a plus sa puissance précédente sur la terre, car le royaume est venu (Lc 10.11)8 [8]. A noter la façon dont les démons réagissent vis-à-vis de Jésus: celle de la terreur9 [9]. Il ne convient pas de parler d’exorcisme dans ce cas. Lorsque quelqu’un exorcise, son acte n’est pas de même nature que l’action de Jésus qui manifeste la présence du royaume. « Si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse des démons, le royaume de Dieu est déjà parvenue à vous »: c’est en la personne de Jésus que le royaume vient et sa puissance sur les démons ne fait que le rendre manifeste.

3. La crucifixion de Jésus constitue également un événement eschatologique

Les évangélistes ont enregistré le discours eschatologique de Jésus avant sa passion, et présentent, par la suite, les événements autour de la crucifixion comme son accomplissement. Leur ensemble sont des indices qui caractérisent la fin. La perte de l’amour de beaucoup, l’anomie et l’injustice10 [10], aussi bien que les phénomènes surnaturels, qui marquent le jour du Seigneur dans l’Ancien Testament, existent au moment de la mort de Christ11 [11]. Le « tout est accompli » de Jean 19.33 (tetelestai), peut être traduit par tout est terminé et signale qu’au Calvaire, la fin est venue12 [12]. La crucifixion est le jugement du monde (Jn 12.31).

4. Jésus et le jugement eschatologique

« Puisque Jésus dans sa vie incarnée est la vérité de Dieu manifestée dans l’histoire humaine, le jugement dernier se passe déjà, en un sens, dans la réponse à sa personne. »13 [13] Dans la présentation johannique, si Jésus lui-même ne condamne personne, son message, dont le but est le salut, est un témoignage contre ceux qui le rejettent et, ainsi, un jugement (Jn 3.17-21, 12. 46-48). « Les dernières choses », qui débordent le développement et la compréhension historiques14 [14], sont déjà présentes, dans l’histoire, par le salut et le jugement. Entre l’incarnation et le retour de Jésus en gloire, la politique de Dieu ne change pas. Les conditions du salut et de la perdition au dernier jour sont déjà présentes au sein de l’histoire et, en ce sens, la fin est déjà venue en Christ: « la coïncidence étonnante de la condamnation des pécheurs et de la grâce radicale de Dieu a lieu définitivement à la croix et disparaît dans le jugement dernier. »15 [15]

Ces illustrations suffisent pour montrer que l’incarnation de Jésus est le point culminant des magnalia Dei. Tout ce qui se passera à la fin s’est déjà passé en Jésus et se passe en lui. Pour résumer:

– L’apparition du Messie, « le dernier », constitue la réalité des « derniers jours » lorsque le royaume de Dieu est initié par sa présence. La venue de Dieu en Christ est le point culminant de l’histoire d’une longue attente.

– Toute l’histoire concernant Jésus, passé et présent, aussi bien que son retour en gloire, est eschatologique. Sa cohérence réside dans sa personne.

– Jésus lui-même marque la fin. En un sens, la fin est plus proche avec sa venue mais, dans un autre, la fin est déjà venue. Toute personne unie au Christ est aussi concernée par les deux

II. La notion des « dernières choses » et des « derniers jours »

Comment cette perspective peut-elle réorienter notre conception de l’eschatologie chrétienne?

Considérer l’essence de l’eschatologie avec l’apparition de Christ en personne permet de mieux situer certains des problèmes épineux de l’eschatologie.

Il est possible de concilier, en Christ, la fin de l’histoire déjà arrivée et sa continuation, la venue du royaume dans la génération de Jésus et l’attente de la parousie, les signes eschatologiques déjà accomplis et leur signification renouvelée, la question de l’alliance avec Israël et le salut de tout le peuple de Dieu.

L’eschatologie exprime le fait sans précédent de la venue de Dieu dans le monde en Christ. Chacune des trois étapes du ministère de Jésus – l’incarnation et la crucifixion, la résurrection, l’ascension et l’envoi de l’Esprit, son retour et l’état final – est caractérisée par la présence du Seigneur et donc par celle de son royaume. La raison théologique en est qu’à chaque manifestation de la présence de Christ, la création trouve son accomplissement en lui et l’alliance atteint son but. Il est possible de dire qu’il existe un triptyque eschatologique dont chacun des trois volets a un caractère particulier.

Le jour du Seigneur est présent à chaque étape, la fin est présente en principe, même si c’est sous des modes différents. L’eschatologie n’est pas, d’abord et surtout, une catégorie temporelle, présente ou future, mais personnelle. Ce n’est pas non plus la qualité d’un événement, exprimée de façon narrative, prophétique, apocalyptique ou cataclysmique qui constitue l’eschatologie. Les événements en soi sont ou ne sont pas extraordinaires: l’incarnation de Jésus pour extraordinaire qu’elle ait été, est en apparence tout à fait ordinaire, la résurrection est à la fois naturelle et surnaturelle. C’est uniquement la présence de Christ qui confère à l’événement sa qualité eschatologique.

Le vieux libéralisme avait donc raison de ne pas limiter l’eschatologie aux « dernières choses » qui constituent le chapitre final de la dogmatique traditionnelle. En effet, la Bible elle-même n’utilise pas cette expression, et les Confessions de foi se limitent très souvent, à ce sujet, aux réalités de la mort, la résurrection et la vie éternelle. Redéfinir l’eschatologie comme « christologie téléologique », indique qu’il n’y a pas de raison de limiter l’eschatologie à la décision personnelle selon Bultmann, à une période entre la résurrection et le retour de Christ selon Barth, au « déjà et pas encore » de Cullmann, à l’histoire future selon Moltmann ou à la révélation finale selon Pannenberg. La christologie téléologique proposée comprend toutes ces réalités. L’illustration en est donnée lorsqu’on examine comment le Nouveau Testament parle des « derniers jours ».

1. Le Nouveau Testament présente l’histoire de Jésus comme une unité

Il y a complémentarité entre la personne et l’événement quand Christ est présent de façon eschatologique comme « le dernier ». Impossible de faire l’économie des « choses » qui marquent l’événement de la présence du Seigneur, comme le fait P. Althaus, dans son livre Die letzten Dinge, en proposant une eschatologie existentialiste, unilatéralement personnaliste. Impossible, aussi, avec E. Thurneysen, de s’intéresser trop aux choses qui marquent la nouveauté de l’apparition de Christ16 [16] ou être comme certains évangéliques, fascinés par les signes et l’actualité de « ce qui va se passer ». L’équilibre que recherchait Barth à ce sujet entre la seigneurie de la personne de Christ et la nouveauté des événements est souhaitable17 [17].

2. Le Nouveau Testament ne fait aucune différence de principe entre les trois venues de Jésus

L’expression « retour de Christ » n’est pas biblique. « Bien que le terme ‘parousie’ signifie la ‘venue’, Luther l’a traduit, de façon juste, par l’expression ‘avenir de Christ’ et a introduit dans le mot la tonalité messianique de l’espérance. Traduire par ‘retour’ est faux, parce que cela implique une absence temporaire. »18 [18] Avec ‘avenir de Christ’, Moltmann fait pencher la balance en sa faveur! Les textes parlent simplement de sa venue en utilisant le mot erchomai pour l’incarnation, pour la résurrection et pour la parousie. Il est remarquable d’observer que Jésus lui-même utilise ce mot de sa présence future, sans qu’il soit toujours possible de savoir exactement de quel événement il parle (Jn 14.16-18, 26-28, 16.16)19 [19]. De même, 1 Pierre 1:20 parle « des derniers temps » pour indiquer l’avènement de Christ et « la fin des temps » pour son incarnation. Les verbes « révéler et apparaître » ainsi que leurs substantifs, les mots « le temps, l’heure, le jour, la plénitude des temps » s’appliquent aux trois interventions majeures de Jésus. Cela donne l’impression d’une certaine fluidité à l’eschatologie chrétienne primitive, selon le mot de Kittel20 [20], alors que la mentalité moderne recherche des catégories strictes. Luther avait raison de dire, dans ce contexte, que nous devrions penser à notre résurrection comme si elle avait déjà eu lieu.

3. L’Ancien Testament se focalise sur une attente unifiée

La perspective de l’Ancien Testament, qui se focalise sur une attente unifiée de l’avenir, même si cet événement a des expressions diverses, est une confirmation. La seule et unique attente du jour de Yahvé avec ses bénédictions et ses jugements, sa notion de la présence de l’éternité dans le temps et la nouvelle création se réalisent dans le Nouveau Testament par une série de pas, qui ont tous un caractère eschatologique.

Résumé: dans la perspective biblique, « les derniers jours » ne décrivent pas une période encore à venir. Le temps eschatologique commence avec la venue de Christ. Le présent se situe dans les derniers temps et les signes de ceux-ci sont constants tout au long de leur durée. La structure de l’Apocalypse illustre ce fait.

III. La venue de Jésus réalise l’attente de l’Ancien Testament

W.G. Kümmel, dans son livre Promesse et accomplissement, montre qu’en Matthieu 11:26, Jésus brosse, pour répondre à la question de Jean-Baptiste, un tableau des temps eschatologiques bénis21 [21]. De même Kümmel voit dans l’entrée à Jérusalem, la purification du temple et le repas eucharistique, des actes eschatologiques. Ces actes font basculer l’histoire de l’attente à l’accomplissement. C’est la présence de Jésus qui accomplit la promesse et marque le changement de situation. Jésus affirme lui-même que l’Ancien Testament est accompli dans sa mort et sa résurrection. Il explique « dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Lc 24.27, 32).

1. La promesse accomplie

La promesse prophétique n’est pas simplement accomplie dans un événement et rendue stérile. Elle s’accomplit en Christ et continue à s’accomplir par le développement de l’histoire qu’il assume en sa personne. Son caractère de promesse persiste et se personnalise en lui. Ainsi une promesse peut avoir plusieurs accomplissements avant de revêtir sa forme définitive et finale22 [22].

2. Le sens de l’accomplissement

Pourquoi en est-il ainsi? Aucun événement historique ne peut épuiser la profondeur d’une promesse d’origine divine. Jésus accomplit la promesse dans sa venue, mais il reste un surplus de sens non encore accompli près du terme du moment historique. Ce « surplus » renvoie à la consommation finale et transcendante où Christ récapitulera tous ces éléments historiques en une situation définitive. Il est donc impossible à partir de l’Ancien Testament de dessiner un portrait robot de la réalité personnelle de Christ. La venue de Christ, Dieu en personne, dans l’histoire dépasse de très loin ce que l’on peut en conclure à partir de la prophétie. La démarche inverse est préférable comme approche des textes. En commençant avec Christ et l’accomplissement de la nouvelle alliance en lui, on découvre l’unité dans la diversité des promesses de l’ancienne alliance. Par exemple, il n’est pas possible de conclure de l’Ancien Testament que Jésus viendra trois fois. On le voit uniquement dans le Nouveau Testament étant donné la nature de la réalisation qui a eu lieu23 [23].

3. Une histoire avant le temps?

Les prophéties de l’Ancien Testament n’ont pas à être considérées comme une histoire écrite à l’avance, comme si on pouvait passer d’un texte de l’Ancien Testament à un événement encore à venir. L’attente dont il rend compte est orientée vers Christ, prend corps en lui et arrive à son terme par son œuvre. La présence de Christ à la fin du temps sera, pour nous, tout aussi étonnante que l’incarnation l’a été pour les Juifs.

Conclusion

Comme omega, le dernier qui doit paraître, Jésus-Christ a accompli, dans son incarnation, son œuvre d’alpha, de premier de la création. Le caractère de sa présence est unique24 [24]. Nous pensons humainement en termes de présent –> avenir, car notre vie est ainsi orientée. Mais les premiers chrétiens pensaient qu’avec Christ ce qui est ultime était entré dans l’histoire; la lumière de l’éternité irradiait rétrospectivement l’histoire25 [25]. Comme le dit G. Vos dans une formule saisissante: « La croix… a coupé le lien qui a lié Christ au kosmos et l’a expulsé hors de ce monde, qu’il a quitté, pour entrer dans un monde nouveau qui était sa vraie demeure… ce qui fait de Christ non une nouvelle créature, mais celui qui commence une nouvelle création (palingenesia). »26 [26] L’eschaton est donc ce qui s’est déjà passé en Christ, ce qui indique le chemin d’un monde nouveau27 [27]. « L’heure vient – et c’est maintenant – dit Jésus en réponse aux Juifs, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui l’auront entendue vivront… et tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. » (Jn 5.25-29, cf., 4. 23-25). Autrement dit, l’apparition du Messie marque la fin d’une histoire et le début d’une autre. Par sa résurrection, Christ crée un environnement nouveau ou une création totalement nouvelle, où habitent déjà ceux qui en font partie par la foi. Pour cette raison, « les derniers jours » dans le Nouveau Testament ne sont pas futurs mais déjà présents. La fin de l’ancien monde est dans le changement opéré, dans le temps, par l’intervention de la nouvelle création en Christ, cachée certes, mais déjà une réalité. Jésus lui-même est le fait central de ce nouvel ordre. Par sa venue, les temps sont accomplis, le royaume est présent, et le nouvel ordre prend corps avec sa résurrection. Ainsi toute la réalité est réinterprétée à la lumière de celle-ci28 [28]. G.E. Ladd résume ainsi:

« Le royaume de Dieu est le règne rédemptif de Dieu, actif de façon dynamique pour établir sa royauté parmi les hommes; son royaume, qui apparaîtra comme un acte apocalyptique à la fin de cet âge, est déjà venu dans l’histoire humaine en la personne et la mission de Jésus qui vainc le mal, délivre les hommes de sa puissance et les introduit aux bénédictions du règne de Dieu. Le royaume de Dieu incorpore deux grands moments: son accomplissement dans l’histoire et sa consommation à la fin de l’histoire. »29 [29]

Autrement dit, tout ce qui se passera à la fin de l’histoire s’est déjà passé avec Jésus et se passe en lui. Ce qui est déjà révélé et connu en la personne de Jésus est déterminant pour tout discours eschatologique.

Le schéma suivant peut représenter cette présence du futur:

tableau 'fin de l'histoire en Jésus-Christ'

1 [30]* Paul Wells est professeur de théologie systématique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence et éditeur de la revue. Voir, au sujet de l’eschatologie, un article précédent: « La chaîne d’or de l’eschatologie biblique », La Revue réformée 53 (2003:4), 25-42.

S.H. Travis, Christian Hope and the Future (Downers Grove: IVP, 1980), 19ss; Cf. A.A. Hoekema, The Bible and the Future (Exeter: Paternoster, 1979), ch.10 et G.C. Berkouwer, The Return of Christ (Grand Rapids: 1972), 65-95.

2 [31] B. Witherington, Jesus, Paul and the End of the World (Exeter: Paternoster, 1992), 44ss. Comme Hoekema, Witherington affirme l’immanence possible mais non nécessaire de la parousie, citant R.P. Caroll: « pour parler d’un délai il faut qu’il existe un temps spécifique ou un horaire qui permette de connaître le retard d’un événement ou d’une attente », 48.

3 [32] C’est le thème central du livre d’A König, The Eclipse of Christ in Eschatology (London: Marshall, Morgan & Scott, 1989), qui affirme que la création est complète en Christ et que son but est atteint dans sa personne. Christ accomplit l’alliance et toute l’histoire eschatologique concerne sa personne et ses œuvres.

4 [33] Cf. « Hal Lindsay et le « troisième temple », Tim La Haye et la série de livres populaires « Left Behind », par exemple.

5 [34] « Tout a été créé par lui et pour lui. » Col 1.15ss.

6 [35] Hoekema, 18-20.

7 [36] Cf., Esaie 2.2, parlant des temps messianiques. Je suis ici la discussion de König sur ces textes, 6ss.

8 [37] Cf., H. Ridderbos, The Coming of the Kingdom (Philadelphia: P & R, 1969), 63-64.

9 [38] F. Leahy, Satan vaincu et chassé (Chalon: Europresse 1991), ch. 7.

10 [39] Matthieu 24.10, 12, cf., 26.14-16, 56, 69ss.

11 [40] König, 75ss., qui cite, à ce sujet, Esaïe 13.10ss, Joël 2.10, 31, 3.15-16 réalisés dans la crucifixion, Matthieu 27.45, 51.

12 [41] P. Wells, Entre ciel et terre. Les sept dernières paroles du Christ (St-Légier: Contrastes, 1990), 109ss.

13 [42] R. Bauckham & T. Hart, Hope against Hope (Londres: Darton, Logman & Todd, 1999), 141.

14 [43] Ibid., 174.

15 [44] Ibid., 143-144.

16 [45] Voir la description de G.C. Berkouwer, The Return of Christ, 230ss.

17 [46] Cf., K. Barth, Dogmatique, III/2, 486-7; König, 42; Berkouwer, ibid, 13-14.

18 [47] J. Moltmann, La venue de Dieu (Paris: Cerf, 2000), 46.

19 [48] Barth, 497, König, 16, Travis, ch. 5, Berkouwer, ch. 5. Cf. A.L. Moore, The Parousia in the New Testament, (Leiden: Brill, 1966).

20 [49] Kittel, ed., TDNT, II, 697.

21 [50] W.G. Kümmel, Promise and Fulfilment (Londres: SCM., 1957).

22 [51] C.P. Venema, The Promise of the Future (Edimbourg: Banner of Truth, 2002), 27ss.

23 [52] Hoekema, 11-12. Par exemple, Joël 2.10, 3.1-4 est cité en Actes 2.17-21 pour la Pentecôte et, en Apocalypse 9, pour le jugement dernier; Zacharie 12:10 en Jean 19:37 pour la crucifixion, en Matthieu 24:30 pour le jugement de Jérusalem et en Apocalypse 1:7 pour la parousie. Cf., König, 17-23 et C.C. Hill, In God’s Time (Grand Rapids: Eerdmans, 2002), ch. 4.

24 [53] König, 24, 50.

25 [54] G. Vos, The Pauline Eschatology (Grand Rapids: Eerdmans, 1961), 42.

26 [55] Ibid, 48-49.

27 [56] Berkouwer, 217.

28 [57] Ridderbos, 36-56.

29 [58] G.E. Ladd, The Presence of the Future (Grand Rapids, Eerdmans, 1974). Ridderbos ajoute que, dans le ministère de Jésus, le présent et l’avenir sont connectés de façon indissoluble, ibid, 520-521.