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L’influence de Calvin aux États-Unis – Des Pères pèlerins à l’affaire Lewinski

L’influence de Calvin aux États-Unis

Des Pères pèlerins à l’affaire Lewinski

Sébastien FATH*

Lorsque le réformateur français Jean Calvin, natif de Noyon (1509), est mort à Genève, le 27 mai 1564, les immenses étendues d’Amérique du Nord étaient encore parcourues par des milliers de tribus indiennes, polythéistes, depuis les désolations glacées du Grand Nord jusqu’aux déserts arides et brûlants en passant par les vastes plaines fertiles foulées par le sabot des bisons. Elles n’avaient encore connu aucun établissement permanent d’Européens sur leur sol si ce n’est, peut-être, quelques Vikings, plusieurs siècles auparavant. C’est seulement un an après la mort de Calvin, en 1565, que se dressa la première implantation européenne stable, à Saint Augustine1 [1](Floride), fondée par les Espagnols de Sa Majesté le Roi Très Catholique, l’ombrageux Philippe II (1527-1598).

Pourtant, quatre siècles plus tard, Jean Calvin est devenu une des figures majeures de l’héritage culturel et historique des Etats-Unis, au point qu’au fin fond de l’Oklahoma, on peut trouver une bourgade de 251 habitants qui porte son nom2 [2](Calvin, comté de Hughes). D’autre part, des centaines de milliers de citoyens américains ont choisi pour prénom « Calvin », presque aussi fréquent aux Etats-Unis que les prénoms « Maria » en Espagne ou en Italie. Un sprinter olympique, Calvin Smith, un président des Etats-Unis, Calvin Coolidge (1872-1933), un magnat du prêt-à-porter à la mode comme Calvin Klein, mais aussi des scientifiques renommés, comme Melvin Calvin, chercheur de Berkeley, qui a percé tous les mystères de la photosynthèse, ou des chanteurs, tels le rocker texan Calvin Russel et le saxophoniste Calvin Scott, un personnage de bande dessinée ultrapopulaire, vedette des albums Calvin and Hobbes (par Bill Watterson) partagent, avec des foules d’Américains, l’originalité de porter dans leur nom même la marque d’un héritage culturel quatre fois séculaire: celui du réformateur Jean Calvin, dont l’œuvre transforma le visage du christianisme et marqua de son empreinte toute l’histoire des Etats-Unis.

Cette influence calviniste peut être envisagée sous trois angles: elle a, tout d’abord, marqué la naissance de la nation américaine, au travers de l’expérience religieuse puritaine; elle a, ensuite, traversé son histoire, à cause d’une éthique du travail spécifique; elle a, enfin, contribué à l’affermissement d’une robuste culture démocratique, qui a résisté à tous les écueils, y compris celui de la retentissante affaire Lewinski (1997-1998). Ces trois aperçus permettent tour à tour d’aborder l’influence calviniste au travers de la religion, des réalités socio-économiques et de la politique.

I. Le calvinisme, ciment du puritanisme des fondateurs

In God we trust. La fameuse devise, qui figure sur les billets verts, renvoie à une foi générique qui n’a rien, en soi, de spécifiquement calviniste. Elle exprime cependant l’idée que la religion, aux Etats-Unis, n’apparaît pas aussi privatisée qu’en Europe. Elle n’hésite pas à s’afficher, à se dire dans l’espace public, comme le signifie aussi la cérémonie de prise de serment des présidents américains, main sur une Bible fermée. Cette empreinte religieuse particulière trouve sa source dans les origines puritaines des Etats-Unis, au XVIIe siècle. Les terres d’Amérique du Nord ont, en effet, été colonisées par des hommes et des femmes pour qui les convictions religieuses constituaient souvent une question de vie ou de mort. L’Amérique du Nord n’a pas commencé à être peuplée par des colons avides de terre, attirés par l’appât du gain, par « l’or » du Nouveau Monde (même si ces motivations ont joué leur rôle). Ce sont surtout des colons avides de Dieu, assoiffés de liberté religieuse, qui s’y sont installés, fuyant les persécutions dont ils étaient victimes sur le Vieux Continent.

Parmi eux, nombreux étaient les puritains anglais. Au côté d’une colonisation catholique, longtemps sous-estimée par l’historiographie, qui se déploie durant la même période en « Nouvelle Espagne », dans le Maryland et au Québec, des centaines, et bientôt des milliers de protestants de type puritain s’installent le long de la côte orientale du continent. Ce sont eux surtout qui fuient les répressions religieuses, eux qui désirent plus que tout rétablir et développer leur culte au grand vent de la liberté. Le terme « puritain » est devenu, à l’époque contemporaine, synonyme d’intolérance et de pruderie un peu hypocrite. Lorsque l’on utilise le mot, c’est rarement pour complimenter! Le terme n’avait pas la même signification au XVIIe siècle. Le puritanisme, tel qu’il s’est affirmé dans l’histoire religieuse de l’Angleterre, est né dans le contexte de la Réforme anglaise, au XVIe siècle. Le roi Henri VIII (1491-1547) avait initié cette réforme de l’Eglise pour des motifs largement personnels et politiques. C’est en raison du refus de l’Eglise catholique de valider son divorce d’avec Catherine d’Aragon et son remariage avec Ann Boleyn qu’il avait mis en route le processus qui allait conduire à la constitution de l’Eglise d’Angleterre, séparée de Rome, via media entre le protestantisme qui se développe alors sur le continent, et le catholicisme défendu par la papauté romaine. Cette voie religieuse anglaise, que l’on désigna bientôt par le terme d’anglicanisme, a été confirmée ensuite par Edouard VI, qui succéda à Henri VIII en 1547. Ses conseillers protestants encouragèrent le nouveau souverain à écarter les traces de catholicisme qui subsistaient dans l’Eglise d’Angleterre. C’est dans ce contexte que commença à se développer un courant protestant revendicatif, soucieux d’une réforme qui aille à son terme, au nom du « pur » Evangile restitué aux Anglais. La plupart de ces protestants prirent peu à peu, pour cette raison, le nom de « puritains »: ils entendaient purifier l’Eglise d’Angleterre de toutes les pratiques contraires à leur lecture « réformée » de l’Evangile. Où puisaient-ils leur inspiration? Les références de ces protestants dissidents sont, à l’origine, très éclectiques. Les écrits et commentaires de Jean Calvin ne constituent, à ce moment-là, qu’une source parmi beaucoup d’autres, dont ceux de Luther, Bucer, Zwingli, mais aussi de beaucoup d’auteurs anglais.

Le règne d’Edouard VI leur paraissait un contexte propice à la mise en œuvre d’une Réforme ambitieuse, mais tout changea à sa mort précoce, en 1553. L’arrivée sur le trône de sa demi-sœur, la très catholique Marie Tudor (1553-1558), marqua un tournant brutal. Sous son règne, 288 protestants, dont beaucoup de calvinistes, furent exécutés pour leur foi. « Les bûchers attirèrent l’attention sur les protestants les plus fervents, et sur les professions de foi calvinistes dont ils témoignaient. »3 [3]Bien d’autres trouvèrent le salut dans l’exil. Ce premier exil protestant se dirigea en priorité vers les terres nouvellement calvinistes du continent, qui se montrèrent particulièrement sûres et accueillantes: cités helvétiques (à commencer par Genève), sud-ouest du Saint-Empire. Les nombreux réfugiés anglais y furent sensibilisés aux spécificités du calvinisme, découvrant le projet réformé d’alors, qui visait à une reconstruction systématique de la société sur la base des enseignements bibliques tels que Jean Calvin les avait exposés dans son œuvre. Cet exil en terre calviniste eut une influence déterminante sur les réfugiés anglais. La plupart d’entre eux retournèrent ensuite en Angleterre, à la mort de Marie Tudor, avec une vision renouvelée de leur projet: c’est désormais en référence au calvinisme qu’ils envisagèrent la poursuite de la Réforme anglaise. Ils ne revinrent pas les mains vides: leur exil fut ainsi marqué par « une nouvelle édition anglaise du Nouveau Testament, à forte empreinte calviniste, qui fut à l’origine de la Bible de Genève4 [4], sans égale dans l’Angleterre d’Elisabeth »5 [5]. Sous les règnes d’Elisabeth Ire (1558-1603), qui stabilise la synthèse anglicane, et de Jacques Ier (1603-1625), les puritains essayèrent d’avancer leurs pions sur la scène politique et religieuse de l’Angleterre. Leurs convictions principales peuvent être résumées en quatre thèmes, qui vont profondément marquer la culture religieuse des colonies américaines et de ses « Pères pèlerins » (Pilgrim Fathers).

• Leur première conviction est celle de la totale dépendance des humains vis-à-vis de Dieu pour leur salut. Conformément à la tradition augustinienne et au Sola Gratia des réformateurs (« la grâce seule »), ils insistent sur la souveraineté de Dieu et plusieurs d’entre eux revendiquent, pour cette raison, la doctrine calviniste de la double prédestination. Ils se distinguent, cependant, quelque peu des autres calvinistes du continent européen par un accent net sur la transformation intérieure opérée sous l’effet de la foi (que l’on peut appeler « conversion »). Un puritain comme le révérend Thomas Shepard (1605-1649), originaire de Cambridge puis émigré en Amérique, a consacré, par exemple, de nombreuses pages à décrire les progrès de l’âme de la rébellion vers l’obéissance.

• La deuxième conviction des puritains calvinistes est l’autorité de la Bible, conformément au principe protestant du Sola Scriptura, « l’Ecriture seule ». Cette idée d’« autorité » n’est pas à comprendre seulement en terme de doctrine. La Bible, certes, doit seule fonder la doctrine, mais « l’autorité » de la Bible va plus loin: elle implique que le chrétien ne doit faire que ce que la Bible prescrit, et ne rien faire qui soit contraire à son enseignement. La Bible, que les puritains lisent dans la traduction du roi Jacques, la fameuse King James Version de 1611, est donc source d’orthodoxie, mais aussi d’orthopraxie. Au Massachusetts, sous la conduite de John Winthrop (1588-1649), les colons « vont plus loin que les puritains d’Angleterre en exigeant une profession de foi de la part de chacun des membres de leur Eglise (…) La vie civile devra être réglée selon l’interprétation puritaine des Ecritures », souligne Dominique Deslandres6 [6]. Cet accent très vif des puritains sur l’autorité des Ecritures n’est peut-être pas étranger à l’extraordinaire impact de la Bible sur la société américaine, qui constitue, au XXe siècle, le premier pays diffuseur de Bibles dans le monde. Du XVIIe siècle au XXe siècle, « le » livre de l’Amérique, « l’icône de l’Amérique », comme le rappelle l’historien Mark Noll, reste la Bible. Proposée en plus de 7000 versions différentes chez des centaines d’éditeurs à la fin du XXe siècle, la Bible est présente dans une grande majorité de chambres d’hôtels des Etats-Unis (grâce notamment à l’association des Gédéons, qui diffuse gratuitement un million de Bibles et de Nouveaux Testaments aux Etats-Unis tous les quarante-six jours). On estime que les éditeurs, depuis 1945, impriment environ deux Bibles pour chaque Américain. Le catalogue de la Bibliothèque du Congrès consacre quant à lui 63 000 entrées à la Bible telle qu’elle était présente, en 700 langues, dans les bibliothèques américaines avant 1956…

• Le troisième trait saillant des convictions puritaines est l’idée que Dieu a créé la société comme un « tout » unifié. L’Etat, l’Eglise, la sphère publique et la sphère individuelle sont liés, complémentaires, et sous la souveraineté de Dieu. La Genève de Calvin correspondait à cette exigence d’une « sphère d’union à son Dieu, de glorification de son Dieu »7 [7](Denis Crouzet) dans toutes les dimensions de la vie de la cité. Cette conviction, largement héritée de la pensée de l’Eglise médiévale, s’oppose au repli sur soi, à la fuite dans l’entre-soi communautaire, du type de l’option amish. Elle a conduit la plupart des puritains anglais à militer pour une Eglise d’Etat, ou du moins des congrégations en lien avec l’Etat, avec l’autorité politique. Un Roger Williams (1603-1684), puritain devenu baptiste, qui fonde la ville de Providence (1636) et la colonie du Rhode Island sur la base d’une stricte séparation des Eglises et de l’Etat (assortie du respect de la liberté de conscience), constitue une exception à cet égard8 [8]. La plupart des puritains américains, qui peuplent le Nouveau Monde au XVIIe siècle, entendent plutôt reconstruire la Cité de Dieu sur la base des principes protestants d’inspiration calviniste. De l’Indépendance américaine (1776) jusqu’au seuil des années 2000, force est de constater que cette conception a fortement reculé. La séparation des Eglises et de l’Etat a été, tous compte fait, bien plus rapide aux Etats-Unis que dans un pays comme la France. La diversité même du protestantisme et l’influence de courants comme le quakérisme ou le baptisme ont joué pour beaucoup dans cette dissociation. Mais si le peuple américain apparaît être demeuré, aux yeux de Sydney Mead, « une nation avec l’âme d’une Eglise »9 [9], peut-être est-ce en partie à l’héritage puritain du modèle de la Cité de Dieu qu’on le doit.

• Enfin, la quatrième composante majeure des convictions puritaines est la certitude que Dieu communique et œuvre avec les humains au travers d’une « alliance » (covenant). La Bible met en scène, à leurs yeux, une série d’alliances entre Dieu et ses créatures. D’où l’importance, dans les congrégations, dans les assemblées, d’engagements solennels, d’alliances au travers desquels les croyants manifestent leur désir de marcher selon les commandements de Dieu. A l’échelle nationale, les puritains estiment, de même, qu’il existe des « alliances » spécifiques entre telle nation et Dieu. La nation qui deviendra « américaine » éprouvera très tôt cette conviction d’une alliance particulière contractée avec Dieu. Jusqu’au XXe siècle, cette idée d’une « alliance » va infuser la culture américaine, au travers du mythe d’une « destinée manifeste » des Etats-Unis, nouvel Israël, terre élue et bénie de Dieu vouée à une mission particulière, une mission divine.

Ces conceptions puritaines se développèrent progressivement dans les colonies américaines tout au long du XVIIe siècle. Le règne de Charles Ier, qui succéda à Jacques Ier en 1625, entraîna un afflux considérable de puritains calvinistes en Angleterre. Charles Ier était, en effet, de sympathies catholiques, et il bloqua toute possibilité de réforme en muselant sévèrement le parlement. A partir de 1629, Charles Ier se passa même purement et simplement de parlement, prétendant régner de droit divin. Dans le même temps, il demanda à l’archevêque de Cantorbéry (William Laud) de réprimer tous les opposants, à commencer par les puritains. Dans les quinze ans qui suivirent, plus de 20 000 Anglais, pour la plupart puritains, quittèrent la mère patrie pour aller s’installer dans les colonies américaines, essentiellement dans le Massachusetts, transportant outre-Atlantique un calvinisme dont l’Angleterre anglicane ne voulait pas.

Le premier établissement anglais permanent fut en Virginie, dès 1607. Motivé par des raisons économiques plus que par des raisons religieuses, il fut néanmoins marqué par une certaine empreinte puritaine. En mai de cette année 1607, les colons ne manquent pas de célébrer un culte de reconnaissance avec le révérend Robert Hunt, et le tout premier code de loi de Virginie impose comme obligatoire l’assistance au culte dominical! Le second établissement permanent de colons anglais, à Plymouth, en 1620, fut bien davantage marqué par le puritanisme. Comme le rapporte le chroniqueur de cette implantation, William Bradford (1589-1657), « ils savaient qu’ils étaient des pèlerins et ne regardaient pas tant (à leurs terres) qu’aux réalités célestes vers lesquelles ils levaient les yeux, tranquillisant leur esprit en contemplant leur pays le plus cher »10 [10]. Venus par le Mayflower, ils arrivèrent au Cap Cod, début novembre 1620. Avant de quitter le bateau, les pèlerins firent cette alliance, sur la droite ligne des usages puritains: « Ayant entrepris pour la gloire de Dieu, et l’avancement de la foi chrétienne, et pour l’honneur de notre roi et de notre pays, un voyage pour planter la première colonie au nord de la Virginie, nous présents faisons solennellement et mutuellement, dans la présence de Dieu et les uns envers les autres, une alliance dans le corps politique, pour une meilleure organisation et préservation, pour atteindre les objectifs précités. »11 [11]

Le gouverneur John Winthrop (1588-1649), auteur de la fameuse formule appelant l’Amérique puritaine à être une « cité sur la colline » (a city upon a hill), le pasteur John Cotton12 [12](1584-1652), le pasteur et historien Cotton Mather (1663-1728), auteur d’une fresque historique à la gloire des premiers puritains d’Amérique, le Magnalia Christi Americana, et bien d’autres vont maintenir ensuite, dans les colonies américaines, le flambeau puritain d’une alliance particulière avec Dieu.

Les écrits de Calvin jouèrent, dans cette fermentation culturelle, un rôle majeur: Perry Miller souligne, par exemple, que le puritain John Cotton, « adoucissait sa bouche tous les soirs avec un morceau de Calvin »13 [13]. Les textes de Calvin, comparables aux douceurs d’un bonbon, il fallait y penser… Depuis la Nouvelle-Angleterre, ces principes puritains vont, ensuite, peu à peu s’étendre à la plupart des colonies, sous l’impulsion, en particulier, du « Grand Réveil » du XVIIIe siècle, où un puritain, Jonathan Edwards (1703-1758), et un méthodiste, George Whitefield (1714-1770), provoquent par leurs appels à la conversion une remobilisation sans précédent des Eglises du Nouveau Monde. Dès lors, la pensée de Jean Calvin, particulièrement à l’honneur chez la plupart des théologiens puritains, à commencer par Jonathan Edwards qui lui consacra des milliers de pages, se diffusa en profondeur dans la culture religieuse américaine, jusqu’à l’entrée du XXIe siècle. De multiples débats, bifurcations, rénovations et « retours aux sources » marquèrent cette diffusion et cette évolution, dont il ne saurait être question de rendre compte en détail dans le cadre de ce survol14 [14]. Il reste qu’à l’horizon 2001, la culture puritaine telle qu’elle s’exprimait au XVIIe siècle appartient largement au passé, mais l’Amérique de George W. Bush conserve la marque de son héritage calviniste au travers de multiples indices.

En témoigne, tout d’abord, la vitalité de la théologie calviniste. Après une phase de déclin dans la première moitié du XXe siècle, elle retrouva davantage de lustre après la Seconde Guerre mondiale, comme en témoignent les actes du colloque tenu au Calvin College, en 1956, qui tracèrent un bilan rétrospectif passionnant du calvinisme aux Etats-Unis15 [15]. Cette théologie calviniste est nourrie par le dynamisme de multiples dénominations protestantes qui se réfèrent au calvinisme: presbytériens bien sûr (qui correspondent aux réformés français), mais aussi des méthodistes, des épiscopaliens, congrégationalistes et beaucoup de baptistes: au sein de la Southern Baptist Convention, principale dénomination baptiste américaine (à laquelle ont été affiliés les présidents Carter et Clinton), on observe ainsi depuis quelques années un retour sur scène très remarqué du calvinisme16 [16].

D’autre part, tandis que le calvinisme a inspiré directement ou indirectement presque toute la production théologique américaine contemporaine, le courant théologique dit « néocalviniste » a particulièrement revendiqué, sur la scène américaine du XXe siècle, un retour scrupuleux à l’enseignement global de Calvin. Inspiré de la pensée du réformé hollandais Abraham Kuyper (1837-1920), il a trouvé en Cornelius Van Til (1895-1987), l’« apologète de Philadelphie »17 [17](où il enseigna longtemps au Westminster Theological Seminary), un porte-parole pugnace et écouté, qui plaide pour une raison « théonome »18 [18]. Ce courant a suscité (et suscite toujours) des réactions très contrastées au sein des milieux calvinistes. John H. Gerstner, éditeur de Jonathan Edwards aux Yale University Press, fut de ceux qui s’y opposèrent, déplorant dans les colonnes de Christianity Today ce qu’il considère comme des déviations « néocalvinistes » de l’enseignement originel de Calvin19 [19]. D’autres ont préféré voir dans Calvin l’homme qui sut rouvrir l’accès à l’interprétation des Ecritures, en vertu du « cri humaniste », « retour aux sources! »20 [20]. Il reste que le courant néocalviniste contribua à revitaliser une réflexion théologique nourrie, au cœur du XXe siècle, des œuvres de Jean Calvin. L’œuvre du théologien Louis Berkhof (1874-1957), professeur au Calvin Seminary durant trente-huit ans et auteur de 22 ouvrages (dont une monumentale Systematic Theology), en a été l’une des manifestations les plus marquantes.

Même s’il ne faut pas exagérer la popularité du calvinisme, qui connaît stricto sensu un succès bien moindre aujourd’hui que des théologies plus contemporaines, son empreinte demeure très nette sur la scène chrétienne. Un récent dossier de Christianity Today en constitue un des multiples indices: deux séminaristes du Princeton Theological Seminary y expliquent en détail leur « conversion » à la prédestination, « descendue sur eux comme une colombe » pour leur permettre de mieux prendre conscience de leur liberté de créature21 [21]. Leur raisonnement est le suivant: puisque Dieu est souverain, qu’il contrôle leur destinée, leur fin, les créatures n’ont plus besoin d’essayer de se mettre à la place de Dieu, et peuvent pleinement jouir de leur vraie nature de créatures. Sur un plan organisationnel, la vitalité du calvinisme aujourd’hui aux Etats-Unis se mesure aussi aux diverses institutions prestigieuses qui défendent l’actualité du calvinisme, comme l’Institut Calvin pour la louange chrétienne, la Calvin Studies Society22 [22]ou le Calvin College (localisé à Grand Rapids, Michigan), un des plus grands collèges d’Amérique du Nord, fondé en 1876, qui accueille, en l’an 2000, au-delà de 4000 étudiants et plus de 70 programmes académiques différents… Une abondante production intellectuelle, dont plusieurs biographies de Calvin, en est le fruit23 [23]. A un autre niveau, l’héritage calviniste se perçoit également dans un certain rapport au travail, à l’activité économique.

II. Le calvinisme, fondement d’une éthique du travail

Au contraire d’une image de « civilisation des loisirs », que véhiculent les multiples produits et sous-produits de l’industrie de Hollywood, les Américains sont des gens qui travaillent, et qui travaillent très dur. L’Américain moyen a trois fois moins de vacances qu’un Français, et les 35 heures de travail hebdomadaire apparaissent, outre-Atlantique, comme une plaisanterie. Cette culture de l’effort, cette habitude au travail que l’on constate toujours, aux Etats-Unis, à l’horizon des années 2000, remonte à loin. Le sociologue Max Weber en a, mieux que tout autre, isolé la racine principale, qui tient dans une certaine éthique puritaine, fortement marquée par le calvinisme. Cette éthique du travail fondée sur une lecture de Calvin constitue l’un des héritages les plus significatifs du réformateur noyonnais aux Etats-Unis.

C’est dans son célèbre texte, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, que Max Weber a défini le plus nettement l’éthique calviniste et ses effets en Amérique. Dans cet ouvrage qui a fait couler beaucoup d’encre24 [24], Weber cite un sermon étonnant de Benjamin Franklin25 [25](1736) qui fait l’apologie de l’argent – « le temps, c’est de l’argent » –, de l’économie, de l’honnêteté qui assure le crédit. Ce qui est enseigné là, souligne Weber, ce n’est pas seulement le sens des affaires, c’est aussi un ethos, c’est-à-dire la traduction sociale d’une éthique. C’est dans cet ethos que Weber voit « l’esprit du capitalisme » tel que le protestantisme, et en particulier le calvinisme, a contribué à le fonder, en opposition à l’affairisme d’un Fugger, par exemple (liberum arbitrium). La recherche du profit n’est plus assimilée à la turpitudo familière à Thomas d’Aquin, elle revêt une nouvelle dimension morale. Après avoir défini la notion de Beruf chez Luther, où il voit un lien entre travail séculier et vocation, Weber développe, dans le chapitre 2 de son ouvrage, les « fondements religieux de l’ascétisme séculier ». Pour lui, quatre sources ont alimenté cet ascétisme protestant: le piétisme, le méthodisme, le mouvement baptiste, et surtout… le calvinisme. D’après Weber, le calvinisme a porté un accent particulièrement vif sur la transcendance de Dieu, qui seul choisit les sauvés et les réprouvés en vertu de la « double prédestination »26 [26]. Celui à qui Dieu refuse la grâce ne peut rien. L’être humain est isolé devant Dieu, marqué par une solitude intérieure plus grande que dans le luthéranisme, où la dimension collective apparaît davantage. Pour Calvin lui-même, on ne peut distinguer, de l’extérieur, un sauvé d’un réprouvé. Mais il faut vivre avec l’inébranlable confiance en Christ, postuler le fait que l’on a été choisi, « élu ».

Calvin se considérait comme « un vase d’élection », « sûr de son salut ». Pour lui, comme le rappela Auguste Lecerf, si les « bonnes œuvres, la vie sainte sont un signe d’élection », elles ne sont pas « le ferme fondement de la certitude »27 [27]. Mais pour ses successeurs – déjà pour Théodore de Bèze – se posa le problème des arguments objectifs (fermes fondements) qui peuvent étayer la certitude du salut, la certitudo salutis. Comment savoir? D’un côté, se considérer comme élu va constituer un devoir. Toute espèce de doute à ce sujet devra être repoussé en tant que tentation du démon, car une insuffisante confiance en son salut, en la grâce efficace, découle d’une foi défaillante. De l’autre côté, afin de consolider cette confiance, le travail sans relâche dans un métier (ce qui constitue le thème central du Christian Directory du puritain Richard Baxter (1615-1691), que Weber cite beaucoup) est expressément recommandé comme le moyen le meilleur. C’est une besogne inlassable, rigoureuse et féconde qui, seule, dissipera le doute religieux et donnera la certitude de la grâce. La Sola Fide des réformateurs est préservée, mais il faut que la foi soit attestée par des résultats objectifs (fides efficax). Les bonnes œuvres restent nulles pour avoir le salut, mais elles sont indispensables comme signes d’élection. Le chrétien calviniste ne peut pas se décharger des imperfections de ses œuvres sur une « sainte Eglise » détentrice des secrets magiques de la rémission: le Dieu de Calvin réclame non pas des bonnes œuvres isolées, mais une vie tout entière de bonnes œuvres érigées en système, une transformation radicale de la vie, pour soustraire l’homme au status naturae et le placer dans le status gratiae, pour la plus grande gloire de Dieu. Comme le souligne Weber,

Dieu veut l’efficacité sociale du chrétien, car il entend que la vie sociale soit conforme à ses commandements et qu’elle soit organisée à cette fin. L’activité sociale du calviniste se déroule purement in majorem Dei gloriam. D’où il suit que l’activité professionnelle, laquelle est au service de la vie terrestre de la communauté, participe aussi de ce caractère.28 [28]

Le but premier du chrétien calviniste, du puritain qui peuple le Nouveau Monde, sera d’accroître sur terre la gloire de Dieu, et le travail occupe une place centrale, essentielle dans ce dispositif. L’ordre, l’efficacité, l’ascèse rationnelle seront tout entier cultivés pour que les fruits les plus grands29 [29]puissent en ressortir, manifestant l’élection du croyant. La Nouvelle-Angleterre puritaine fut le théâtre privilégié de la mise en œuvre d’une telle ascèse: « Que tout homme ait une vocation et travaille dur à l’accomplir était une prémisse essentielle du puritanisme », souligne Perry Miller, dans un ouvrage classique consacré aux débuts de la Nouvelle-Angleterre30 [30].

Cette éthique du travail, intrinsèquement liée, à la base, à la doctrine calviniste de la prédestination, a très profondément pénétré dans les mentalités américaines. Plusieurs auteurs, comme Alain Peyrefitte, y voient une cause importante du « développement fulgurant » de la société américaine en deux siècles, self-made-nation, qui partage avec la Hollande ou la Suisse une commune prospérité et une commune culture calviniste31 [31]. La plupart des puritains cités par Weber (sans parler de ce fameux sermon de Franklin) ont répandu leurs idées en Amérique, ancrant dans chaque citoyen l’idée qu’un travail acharné, rigoureux, scrupuleux et fructueux apparaît comme un signe d’élection. Cependant, depuis le XIXe siècle, cette éthique du travail s’est largement sécularisée aux Etats-Unis, perdant ses références et ses justifications religieuses explicites. Mais le « terreau » d’origine de ce rapport au travail reste le calvinisme, tel que les puritains l’ont massivement diffusé dans beaucoup d’Eglises américaines. D’où ce rapport très différent au travail et à l’argent que l’on observe entre la France et les Etats-Unis, rapport qui perdure encore aujourd’hui même s’il a tendance à s’atténuer32 [32].

Pour un Français, le travail apparaît volontiers comme un mal nécessaire. Longtemps, l’héritage culturel de l’Eglise catholique, avec la vieille théorie médiévale des trois ordres, a distingué entre les bellatores, les laboratores et les oratores (guerriers, travailleurs et clercs qui prient). Parmi ces trois classes de la société, la plus proche de Dieu était celle des clercs, « mis à part », dont l’activité principale n’est pas le travail, mal nécessaire hérité du péché originel, mais la prière. Toute l’idéologie nobiliaire de la dérogeance, qui interdisait aux nobles de nombreuses activités économiques, sous prétexte que le travail, l’argent sont corrupteurs, relève de la même tradition33 [33]. Si bien qu’en l’an 2000 encore, les Français parlent avec réticence de leur argent, du montant de leur salaire. Rien de tel aux Etats-Unis. Un Américain qui fait la connaissance d’un Français lui posera volontiers, dans les dix minutes qui suivront leur première rencontre, une question sur son salaire. L’argent, le travail n’ont pas, outre-Atlantique, la connotation ambiguë qu’ils ont en France. Le salaire, le labeur sont aux Etats-Unis la manifestation de la vocation divine à œuvrer ici-bas, ils sont signes de votre statut, mais plus encore signe de votre élection, de la bénédiction de Dieu qui repose sur vous, même si pour beaucoup d’Américains, cet arrière-plan religieux n’apparaît pas comme clairement conscient. D’où, par exemple, la réception intéressée, mais réservée que firent beaucoup de protestants américains à la traduction anglaise d’un ouvrage de Jacques Ellul, Money and Power34 [34](« L’argent et le pouvoir »), qui porte un regard très critique sur l’usage de l’argent dans les sociétés contemporaines35 [35]. L’argent n’est pas négatif dans la mesure où il est fruit de l’entreprise, d’un effort exigeant, afin d’éviter le reproche imaginaire qui conclut un article consacré, en 1964, à l’héritage de Calvin: « Finalement, Jean Calvin nous dit à tous, alors que nous nous complaisons dans la suffisance et la démotivation: « Alors, le Seigneur vous trouvera-t-il oisif (idle)? »36 [36]L’appel au travail, encore et toujours, pour la plus grande gloire de Dieu.

III. Le calvinisme, source d’inspiration de la démocratie américaine

Enfin, l’héritage du calvinisme aux Etats-Unis se retrouve aussi sur le terrain strictement politique, au travers d’une culture démocratique vieille de plus deux siècles. Dès le milieu du XIXe siècle, Alexis de Tocqueville avait observé qu’outre-Atlantique, au contraire de la France, l’esprit religieux, et plus spécifiquement chrétien, biblique, et l’esprit de liberté allaient de pair, se renforçant l’un l’autre tout en jouant sur des plans partiellement différents37 [37]. Le calvinisme n’est pas étranger à cette relation positive entre religion et démocratie en Amérique, même s’il a parfois été exagéré: il faut, en effet, prendre conscience que l’héritage calviniste, puritain a été et reste parfois instrumentalisé, exalté à l’excès par certains groupes de pression, qui entendent opposer un « âge d’or » puritain, fondement de toutes les vertus de la démocratie américaine, à la « décadence » démocratique du XXe siècle. Il existe une « mythologie » du parfait puritanisme38 [38]: il ne faut pas la confondre avec la réalité nuancée de l’héritage historique du calvinisme.

Cet apport du calvinisme à la démocratie s’est d’abord manifesté, à l’époque moderne (XVIIe et XVIIIe siècle), par un accent puritain sur le concept de liberté civile, avec des hommes comme Roger Williams, Thomas Hooker, Samuel Hopkins (1721-1803). Il faut certes se garder de l’anachronisme. Beaucoup de puritains calvinistes n’étaient pas particulièrement favorables aux libertés politiques, encore moins à la démocratie parlementaire telle qu’on l’entend à l’entrée du XXIe siècle39 [39]. Il n’en reste pas moins qu’à leurs yeux, le citoyen n’est pas la « chose » du souverain, il a d’autant plus droit à des libertés garanties que le roi n’est pas d’une nature différente de la sienne: point de monarchie de droit divin dans le calvinisme, qui participe, avec le protestantisme dans son ensemble, d’une « désacralisation de l’autorité politique », conjointe à la « désacralisation de l’autorité religieuse »40 [40]réalisée dans la contestation du catholicisme: il fait « émerger dans l’histoire du monde occidental un doute fondamental quant à l’origine divine de quelque autorité humaine que ce soi »41 [41]. Le prince, pas plus que le pape, n’est infaillible ni « sacré » en tant que tel; le chrétien calviniste doit son entière allégeance à Dieu seul. Jean Calvin n’a-t-il pas très clairement spécifié, dans ses Institutions chrétiennes, que le sujet avait le droit (et le devoir) de désobéir à son souverain si ce dernier enfreint la loi de Dieu?

Cet accent sur les libertés civiles de chacun fut doublé très tôt, également, d’un grand degré de démocratie dans les assemblées. Le calvinisme s’est, en effet, largement développé, aux Etats-Unis, sur la base d’une organisation d’Eglise que l’on appelle le congrégationalisme, qui revendique l’autonomie de décision de l’assemblée locale. Les baptistes, devenus, depuis la fin du XIXe siècle, la principale dénomination protestante des Etats-Unis, sont intégralement organisés sur ce principe, mais beaucoup d’autres dénominations protestantes, dont ceux que l’on a longtemps appelés, tout simplement, les « congrégationalistes », obéissent à ce même principe de fonctionnement. Qui dit autonomie locale dit décision locale, assumée le plus souvent collectivement, sur la base d’un débat et de décisions collégiales. Dès le XVIIe siècle, les assemblées de type congrégationaliste qui se sont développées outre-Atlantique ont préparé le terrain à la démocratie. Elles ont, en quelque sorte, servi de laboratoire local à ce qui allait bientôt s’imposer sur le plan national. D’autre part, on peut considérer que le chemin vers la démocratie doit beaucoup au Grand Réveil du XVIIIe siècle, où des prédicateurs très proches du calvinisme comme Jonathan Edwards et George Whitefield enflamment les foules de colons. Durant cette période, que certains historiens considèrent comme une quasi-répétition des événements de l’Indépendance, une véritable conscience nationale avant l’heure s’exprima, au travers des mouvements de conversions, affirmations de droit et de la volonté de chaque individu de faire les choix décisifs qui engagent sa vie devant Dieu. Les « états-majors » institutionnels des grandes Eglises (à commencer par l’anglicanisme) furent dépassés par le mouvement, tandis que l’accent du réveil porta sur les communautés locales et la libre décision de chaque croyant. Promotion de l’individu, nivellement des hiérarchies autoritaires, diffusion aussi de la lecture (nécessaire pour s’approprier la Bible), pluralité de plus en plus grande des Eglises qui se réclament du protestantisme… tous ces ingrédients propres au Grand Réveil ont contribué à l’acclimatation précoce de la démocratie aux Etats-Unis.

Sur un plan plus théorique, il faut rappeler également l’importance des idées de John Locke (1632-1704) dans la maturation de la démocratie américaine chez des hommes comme George Washington ou Thomas Jefferson. Les constitutionnalistes américains étaient fort éloignés du calvinisme traditionnel et, à bien des égards, leur inspiration doit davantage à la franc-maçonnerie qu’au puritanisme. Mais les idées ne s’arrêtent pas aux frontières des appartenances philosophiques ou spirituelles, et l’on peut discerner, chez Locke, comme l’écho étouffé d’un héritage calviniste. D’où venait l’idée de Locke selon laquelle les humains étaient naturellement égaux, idée reproduite dans la Déclaration d’Indépendance américaine? Suivant ce que Locke déclara lui-même, il la trouva dans la Bible. Locke était, certes, loin d’être calviniste. Son approche sensualiste, son souci d’un « christianisme raisonnable » où l’expérience humaine est la base de la connaissance (cf. son Essai sur l’entendement humain, 1690) sont fort éloignés des doctrines de Calvin! Cependant, John Locke avait reçu une éducation puritaine, calviniste, qui le marqua, en particulier dans ses théories politiques (cf. ses Lettres sur la tolérance, 1689). Sa lecture de la Bible, dans la version King James, s’effectua dans ce climat. Son père avait été partisan d’Oliver Cromwell, maître d’œuvre de la première (et de la seule!) république anglaise. Locke en retint, notamment, l’idée du choix individuel (« le soin du salut de chacun n’appartient qu’à lui seul », écrivait-il dans ses Lettres sur la tolérance) et d’une Eglise définie comme une société libre et volontaire. Il fut aussi particulièrement sensible aux droits des individus: comme l’a souligné Stéphane Rials, les « Déclarations américaines (…) sont nettement plus soucieuses de garanties concrètes, notamment juridictionnelles, des droits que leur cadette française »42 [42], écart attribué par l’auteur à une influence plus forte de John Locke outre-Atlantique.

Enfin, sans doute peut-on voir une dernière trace de l’héritage de Calvin, dans le modèle démocratique américain, sur le terrain de la justice. En plaçant chaque créature, chaque être humain face à ses responsabilités devant Dieu, sans le truchement d’une institution sacrée (comme dans le catholicisme), en insistant sur l’exigence d’une vie « sanctifiée », ascétique, comme signe de l’élection, le calvinisme a particulièrement favorisé le sens de la loi et l’affirmation du pouvoir judiciaire. Nul n’est au-dessus des lois, chaque sujet, chaque citoyen est tenu d’agir selon la justice, dans le respect des règles, de l’éthique, de la morale. L’être humain doit mettre en conformité ses paroles et ses actes, quel que soit son rang, quelle que soit sa richesse. Jean Calvin lui-même était juriste de formation. Peut-être en est-il resté quelque chose dans sa théologie et dans l’héritage politique qu’il a laissé derrière lui. L’idée de lois fondamentales (fundamental laws) qui sont supérieures aux lois humaines est essentielle. Le rôle d’un gouvernement est d’élaborer une législation qui soit la plus proche possible des lois morales qui viennent de Dieu. On retrouve la Cité de Dieu des puritains dans cette conception, qui apparaît dans la Déclaration d’indépendance sous la forme des « lois de la nature ». C’est au nom des lois fondamentales que le peuple américain s’est rebellé contre la couronne d’Angleterre: le peuple américain revendiquait son interprétation des lois fondamentales, divinement fondées, pour s’opposer à la loi anglaise considérée comme une loi humaine, faillible et injuste.

D’où également l’extraordinaire souci, aux Etats-Unis, des contre-pouvoirs. Pour éviter le détournement de la loi, l’abus d’autorité, de multiples instances interviennent, à tous les échelons politiques, afin de surveiller le juste fonctionnement du système. Dans ce jeu, les lobbies sont parfaitement admis, dans la mesure où leur activité multiplie justement les regards, les contrôles. Ce qui, pour un Français, constitue une infraction au jeu démocratique, prend un sens tout à fait différent en Amérique. Le lobby n’y est pas considéré comme un simple intérêt particulier, mais comme l’expression d’une facette de l’intérêt collectif, une composante qui permettra, dans le système global de pouvoirs et de contre-pouvoirs, de lobbies et de contre-lobbies, l’exercice d’un pouvoir plus juste, car contrôlé de tous côtés. On paraît s’éloigner quelque peu, ici, de l’héritage de Calvin. Et pourtant, la pensée calviniste n’est pas absente, loin de là, de cet exercice de la démocratie au travers de lobbies. Pour ne prendre qu’un exemple (le plus significatif), un lobbie ouvertement néocalviniste continue, à l’horizon des années 2000, à jouer un rôle très actif sur la scène démocratique américaine. Il est conduit par l’homme d’affaires milliardaire Howard Fieldstead Ahmanson43 [43]à la tête d’une fondation (Ahmanson Foundation) dont les comptes étaient créditeurs de 664 millions de dollars à la fin de 1996. Au nom de ses convictions, il défend toutes les causes conservatrices. « Les engagements les plus passionnés d’Ahmanson sont Dieu et la loi morale. » Ses « inspirations majeures sont les écrits de Jean Calvin, C.S. Lewis et le pasteur R.J. Rushdoony, un leader parmi les reconstructionnistes chrétiens, qui voudraient fonder la société sur les lois bibliques ». Durant la décennie 1990, Ahmanson a donné plus de 700 000 dollars à la Chalcedon Foundation, fondation californienne qui se réclame directement de la pensée néocalviniste de Rushdoony. Ce système des lobbies et des contre-pouvoirs trouve donc une de ses sources dans ce souci tout calviniste du respect des règles, de la justice placée au-dessus de tout.

Cette marque de la démocratie américaine s’est, bien sûr, vérifiée lors de la retentissante affaire Monica Lewinski (1997-1998), qui menaça Bill Clinton de destitution pure et simple. Cette affaire de mœurs, qui impliqua le président des Etats-Unis dans l’imbroglio de politique intérieure le plus étonnant de l’histoire américaine du XXe siècle, apparaît grotesque de prime abord. Comment destituer un président pour une simple incartade sexuelle, que l’on peut certes juger déplorable, mais qui n’apparaît, après tout, guère surprenante quand on connaît les mœurs de beaucoup de hauts responsables politiques? L’étonnement, la stupeur de millions d’Américains (et d’encore plus d’observateurs du reste de la planète) peuvent se comprendre. Que n’a-t-on entendu sur les errements de ces pauvres Américains! En France, on n’avait pas attendu l’affaire Lewinski, du reste, pour multiplier les commentaires narquois dénonçant le« calvinisme dévoyé » des Américains, dans ses excès de « puritanisme »44 [44]. L’éclatement de l’affaire Lewinski conduisit à une surenchère facile. Jean Calvin n’est pas toujours sorti indemne de cette histoire, la raideur de Kenneth Starr (lecteur assidu de la Bible et quelque peu versé dans la théologie calviniste) apparaissant comme un avatar peu glorieux de la sévérité de mœurs de la vertueuse, trop vertueuse (?) Genève du XVIe siècle. Aux Etats-Unis même, certaines voix se sont élevées contre un supposé dévoiement du calvinisme. Sur un site internet consacré à l’affaire (il y en eut des centaines), on peut lire, par exemple, cette observation de Sam Ginest: « Heureusement, Jean Calvin a quitté cette terre il y a longtemps, très longtemps, et si c’était possible de ressusciter ce méchant homme je mènerais moi-même l’assaut contre sa tombe. »45 [45]Allons donc! Au-delà de l’agressivité de ce citoyen bien mal informé, qui semble ignorer qu’il devrait être impossible de mener l’assaut contre la tombe de Calvin, tout simplement parce que Calvin a refusé d’être inhumé dans une tombe… il est un fait que les motivations religieuses n’ont pas été pour rien dans l’acharnement de Kenneth Starr, fils de prédicateur congrégationaliste (dans une Church of Christ texane, marquée par la tradition calviniste). Lecteur quotidien de la Bible, dont il connaît de nombreux psaumes par cœur, qu’il récite pendant son jogging, Starr est, de toute évidence, marqué par un certain héritage ascétique calviniste: dans toute son enfance, il refusa d’aller au cinéma, de danser, conformément aux enseignements reçus dans son assemblée46 [46]. Il est tout aussi exact de rappeler, par ailleurs, que dans la Genève calviniste, on ne plaisantait pas avec les incartades morales. Cette vigilance, à mettre en relation avec la « notion calviniste de scandale » (Calvin rédigea un Traité des scandales), dénonçait notamment la pratique de l’idolâtrie et la « dissimulation »47 [47], les « pollutions », « souillures » diverses, la « paillardise », la « fiente » des voluptés trompeuses, le mensonge… La Genève de Calvin, mais aussi beaucoup des établissements puritains dans le Nouveau Monde, entendait procéder à la « mise en œuvre d’une société éthique dans laquelle la chair est dominée »48 [48], par l’« instauration d’un ordre dépouillant l’homme de ses vices, le réformant ». La « discipline » pratiquée à Genève par le Consistoire sur les citoyens était stricte: entre 5 et 7% de la population genevoise était examinée chaque année par le Consistoire, « soumise au regard direct de Calvin et à ses remontrances »49 [49].

Mais en allant plus loin que les généralités et les clichés, favorisés par le penchant français pour la gaudriole… et un antiaméricanisme facile (« ils sont fous, ces Américains »), le nœud principal de l’affaire Lewinski ne réside certainement pas dans l’affaire sexuelle elle-même, quels que soient les détails scabreux qui ont pu être diffusés, y compris sur internet. Elle réside tout entière dans cette réalité simple, qui découle directement d’une certaine culture calviniste de la loi: nul n’est au-dessus des lois, même pas un président en exercice. La souveraineté de la « Justice » doit balayer toutes les prétentions humaines à l’impunité. Bill Clinton était soupçonné non seulement d’une incartade sexuelle dans le bureau ovale, dans l’exercice de ses fonctions, mais aussi d’avoir menti sous serment. Comme tout citoyen, il lui fallait en assumer les conséquences. Kenneth Starr n’était certes pas politiquement neutre dans sa démarche. Mais on ne peut réduire son acharnement à de sordides calculs politiques. Il découlait aussi d’une passion pour la justice, de cette conviction très profondément ancrée en Amérique selon laquelle nul n’est au-dessus de la loi. Plutôt qu’une défaillance de la démocratie, on peut donc être tenté de voir, dans cette affaire, une manifestation de la vitalité démocratique des Etats-Unis, où même un homme aussi puissant que le président de la République peut être conduit à rendre des comptes devant la loi.

Peut-être peut-on voir là comme un écho étouffé de la pensée de Calvin, théologien et juriste, tout comme il n’est pas interdit de le voir, dans le perfectionnisme et les scrupules extrêmes d’un Al Gore, au cours des élections présidentielles à rallonge de novembre-décembre 2000. Dans un portrait effectué par Christianity Today, on évoque ainsi ses « dispositions puritaines », citant ces réflexions de Walter Harrelson, doyen de la Divinity School de Harvard où Gore a fait ses études: « Il vient de ce type de religion marqué par Jean Calvin. Calvin a cette profonde, profonde conviction que l’on ne peut faire parfaitement confiance à aucun être humain, aucun, précisément parce que nous ne sommes pas Dieu. »50 [50]Le comptage et recomptage des voix en Floride, le doute porté sur la perfection des opérations répondrait donc, ici comme dans l’affaire Lewinski, sur la certitude de la faillibilité humaine transmise au travers de l’héritage calviniste, et sur une inaltérable soif de justice.

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On découvre ainsi qu’une prise en compte de l’apport de Calvin permet, au final, d’être moins désemparés devant l’exotisme de la civilisation américaine. L’empreinte religieuse profonde des « Pères pèlerins » puritains, l’impact social et économique d’une éthique protestante du travail fondée sur la vocation et l’ascèse, et enfin l’apport calviniste à une certaine idée de la démocratie à l’américaine ont contribué à modeler ce pays dans son identité. A l’heure du cyberespace, Jean Calvin reste toujours vivant dans la culture américaine. A défaut d’informations factuelles concernant « l’éternelle félicité »51 [51]à laquelle le réformateur s’espérait promis, comme tous les chrétiens, il connaît une postérité culturelle tangible à l’heure où les Bibles sur cédéroms concurrencent, aux Etats-Unis, les anciennes Bibles King James reliées, chères aux puritains.

S’il fallait une dernière confirmation, elle est donnée par une étude globale sur la diffusion de la culture sur internet, menée par une importante ONG (Funredes) en septembre 199852 [52]. Cette enquête, qui a pris en compte une large proportion d’internautes américains (mais pas exclusivement), a dressé une liste interminable des noms propres les plus demandés sur le net. Jean Calvin y apparaissait en 152e position, avec 10 220 demandes. C’est le premier réformateur à figurer dans la liste, Martin Luther ne franchissant pas la barre des 10 000 demandes. Si Calvin apparaît loin derrière Bill Clinton, Jésus-Christ, George Washington, Bill Gates et les Spice Girls (qui figurent aux cinq premières places du hit-parade, avec plus de 100 000 demandes pour chacun), il devance un Prix Nobel de littérature (1907), Rudyard Kipling, un brillant cinéaste, Stanley Kubrick, un acteur d’exception, Marlon Brando, un président-écrivain, Vaclav Havel (157e), un philosophe et logicien britannique, Bertrand Russell (prix Nobel en 1950), et un pape, Paul VI, qui clôtura le Concile de Vatican II en 1965. Que Jean Calvin, venu de son lointain XVIe siècle, parvienne, aux abords de l’an 2000, à devancer cinq géants du XXe siècle (littérature, cinéma, politique, philosophie et religion confondus) sur le World Wide Web permet de conclure, mieux qu’un long discours, sur la vitalité de son héritage aux Etats-Unis. L’influence de Calvin ne s’y limite pas aux musées et aux grimoires, elle regarde vers l’avenir.


* S. Fath est chercheur au GSRL (CNRS/EPHE), chargé de cours à l’EPHE. Cet article reproduit le texte de la conférence faite à l’auditorium du Châtelet, à Noyon, le 16 décembre 2000 (organisée par la Société des amis du Musée Calvin et la Société historique, archéologique et scientifique de Noyon).

1 [53] Cette implantation en Floride s’inscrivait dans une politique de contrôle systématique du Nouveau Monde de la part de la couronne espagnole, au contraire d’une politique française beaucoup plus décousue. Il y eut bien une tentative d’implantation française en Floride (animée par des huguenots!), mais elle échoua lamentablement. Voir, sur ce sujet méconnu, la thèse d’Hélène Lhoumeau, Les expéditions françaises en Floride (1562-1568) (Paris: Ecole des Chartes, 2000).

2 [54] Cette bourgade dispose d’un site internet.

3 [55]

Viviane Barrie-Currien, Histoire du christianisme, t. VIII, Le temps des confessions (1530-1620) (Paris: Desclée, 1992), 208.

4 [56]

Appuyée sur le travail de Théodore de Bèze sur le Nouveau Testament, la Bible de Genève connut 40 éditions en Angleterre avant la parution de la King James, « authorized version », en 1611.

5 [57] Viviane Barrie-Currien, Histoire du christianisme, op. cit., 209.

6 [58] Dominique Deslandres, Histoire du christianisme, tome IX, L’âge de raison (1620-1750) (Paris: Desclée, 1997), 684.

7 [59] Denis Crouzet, Jean Calvin. Vies parallèles (Paris: Fayard, 2000), 426.

8 [60]

Il est « considéré comme le phare de la liberté religieuse, prise dans son sens moderne », souligne D. Deslandres, Histoire du christianisme, op. cit., 685.

9 [61] Cf. Sidney Mead, The Nation with the Soul of a Church (New York: Harper and Row, 1975).

10 [62] Cité par Mark Noll, History of Christianity in the United States and Canada (Grand Rapids: Eerdmans, 1992), 38.

11 [63] M. Noll, op. cit., 38-39.

12 [64]

L’ouvrage de Cotton, The Way of Life (1641) est considéré par Perry Miller comme « la meilleure exposition, dans la littérature de Nouvelle-Angleterre » de ce qu’est l’éthique protestante telle que Max Weber l’a esquissée. Perry Miller, The New England Mind, From Colony to Province (Cambridge: Harvard University Press, 1981, 1re éd. 1953), 41.

13 [65] « Cotton was the pure scholar who sweetened his mouth every night with a morsel of Calvin. » P. Miller, The New England Mind, op. cit., 58.

14 [66] Pour une synthèse rapide et claire, voir l’article « Calvinism », signé « The Editors », dans Daniel G. Reid (coordinating editor), Dictionnary of Christianity in America (Downers Grove, Illinois: Intervarsity Press, 1990), 211-212.

15 [67] Jacob T. Hoogstra (ed.), American Calvinism, a Survey (Grand Rapids: Baker, 1957).

16 [68] Thomas Ascol, pasteur de la Grace Baptist Church à Cape Coral, Floride, et éditeur du Founders Journal, est de ceux qui militent le plus activement pour un retour aux « racines calvinistes », aux côtés de R. Albert Mohler Jr. (président du Southern Baptist Theological Seminary de Louisville) et Mark T. Coppenger, président du Midwestern Baptist Theological Seminary à Kansas City.

17 [69]

Henri Blocher, « Calvinisme (néo-) », Encyclopédie du protestantisme (Paris-Genève, Cerf-Labor & Fides, 1995), 174.

18 [70] Paul Wells, « Van Til, Cornelius (1895-1987) », Encyclopédie du protestantisme, op. cit., 1602-1603.

19 [71] John H. Gerstner, « Calvinism Four Centuries After », Christianity Today, 5 janvier 1959, 9 à 11.

20 [72] Cf. la conclusion de l’article de Randall C. Zachman, « Theologian in the Service of Piety: a New Portrait of Calvin », Christian Century, 23-30 avril 1997, 418.

21 [73] Jennifer L. Bayne et Sarah E. Hinlicky, « Free to Be Creatures Again… How Predestination Descended Like a Dove on Two Unsuspecting Seminarians, and Why They Are so Grateful », Christianity Today, 23 octobre 2000, 38 à 44. En outre, sur l’attrait nouveau du calvinisme sur les jeunes élites baptistes, voir aussi Keith Hinson, « Calvinism Resurging Among SBC’s Young Elites », Christianity Today, 6 octobre 1997, 86-87.

22 [74] Qui organise, du 24 au 26 mai 2001 à Grand Rapids (Michigan), un colloque portant sur le thème: « Calvin et l’Eglise ».

23 [75] L’une des plus intéressantes (et des plus originales) biographies américaines de Calvin a été écrite par William J. Bouwsma, John Calvin. A Sixteenth-Century Portrait (New York: Oxford University Press, 1988). L’auteur met en avant deux facettes de Calvin, l’une conservatrice, portée à la certitude et à l’ordre, l’autre, « humaniste », ouverte au mystère.

24 [76]

Une des dernières mises au point sur la surabondante littérature générée par l’ouvrage de Weber, voir Raymond Boudon, « Protestantisme et capitalisme. Bilan d’une controverse », Commentaire, 88, hiver 1999-2000, 807-818.

25 [77] On a reproché à Weber l’usage de cet exemple, dans la mesure où Franklin était franc-maçon et déiste… Mais Franklin n’en était pas moins influencé par la culture calviniste et puritaine.

26 [78] Pour une mise au point claire et récente sur la question, voir l’article de Donald Cobb, « Election, alliance et certitude du salut », La Revue réformée, n°193, 1997/2, mars 1997, 69-89.

27 [79] Auguste Lecerf, « Calvinisme et capitalisme », Etudes calvinistes (Aix-en-Provence: Kerygma, 1999, rééd.), 101.

28 [80]

Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (Paris: Plon/Press Pocket, 1994), 123.

29 [81] D’où la distinction révolutionnaire effectuée par Calvin entre l’usure improductive (sévèrement condamnée) et le prêt à intérêt accordé au capital productivement investi, qu’il admet sous une stricte réglementation. Pour la première fois depuis des siècles était battue en brèche la doctrine scolastique de l’improductivité de l’argent.

30 [82] P. Miller, The New England Mind, op. cit., 40.

31 [83] Alain Peyrefitte, Le mal français, tome I (Paris: Plon, Poche, 1976), 277.

32 [84] Ce décalage culturel a été très finement analysé par A. Peyrefitte dans deux grands ouvrages: Le mal français et La société de confiance (Paris: Odile Jacob, 1995).

33 [85] Voir les très fortes pages qu’A. Peyrefitte consacre à ce sujet: chapitre 24, « L’obsession de la dérogeance », La société de confiance (Paris: Odile Jacob, 1998, nouvelle édition), 293 à 306.

34 [86]

Jacques Ellul (foreward by David W. Gill), Money and Power (Intervarsity Press, 1984).

35 [87] Voir notamment le dossier de David Neff, « Money and Power, Money is a Master Calling for Complete Obedience », Christianity Today, 15 février 1985, 26 à 30.

36 [88] Editorials, « The Legacy of John Calvin », Christianity Today, 22 mai 1964, 21.

37 [89] Cf. sa formule à propos d’un « christianisme » qu’il ne saurait mieux « peindre qu’en l’appelant démocratique et républicain », in « De la religion considérée comme institution politique, comment elle sert puissamment au maintien de la république démocratique chez les Américains », A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique (texte de la 12e éd.) (Paris: Robert Laffont, 1986, coll. Bouquins), 273.

38 [90] L’article (rapide) de Sherwood Eliot Wirt, « Calvin’s Influence in America », publié dans Christianity Today, 24 octobre 1975, 4 à 6, n’est pas tout à fait exempt de ce penchant. Il souligne, en exergue: « Le type d’homme qu’il (Calvin) a produit a rendu l’expérience américaine possible » (p. 4).

39 [91] Bernard Cottret va même jusqu’à dire qu’à certains égards, « la théologie de Calvin anticipe le ralliement à la monarchie absolue » – Calvin, biographie (Paris: JC Lattès, 1995), 339 – dans la mesure même où le Dieu de Calvin est un « souverain absolu ».

40 [92] Jean-Paul Willaime, « Protestantisme et démocratie », in Les protestants face aux défis du XXIe siècle, actes du colloque du 50e anniversaire du journal Réforme (Genève: Labor & Fides, 1995), 28.

41 [93] Jean Baubérot, art. « Protestantisme », Encyclopédie du protestantisme, op. cit., 1225.

42 [94]

Stéphane Rials (présentée par), La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (Paris: Hachette-Pluriel, 1988), 360-361.

43 [95]

Cf. le site internet du Capital Research Center, http://www.capitalresearch.org/fw/fw-1098.html.

44 [96] . Dossier « Les protestants vont-ils réformer la France? », Evénement du jeudi, n° 658 du 12 au 18 juin 1997, 14. Propos émanant de la Fédération protestante de France, cités par Florence Assouline.

45 [97]

Sam Ginest, 30 août 1998, site internet www.intellectualcapitol.com.

46 [98] Il fit également du porte-à-porte, durant l’été, pour vendre des Bibles.

47 [99] Bernard Cottret, Calvin, biographie, op. cit., 292.

48 [100] Denis Crouzet, Jean Calvin. Vies parallèles, op. cit., 337

49 [101] D. Crouzet, op. cit., 325-326. Ce contrôle portait prioritairement sur la pratique religieuse et sur la doctrine.

50 [102]

Walter Harrelton, cité dans Tony Carnes, « The Transcendental Al Gore », Christianity Today, 23 octobre 2000, 99.

51 [103] Jean Calvin, « Notre éternelle félicité », L’Institution chrétienne, livre IIIe, Genève, Labor & Fides, 1957, 473.

52 [104] FunRedes, « C2, The Second Study on Cultures and the Internet », Table 8, « General Hit Parade for Two-Words Names », september 1998 (site internet http://www.funredes.org).