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Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob

Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob

Alain-Georges MARTIN*

Quelques jours après la mort de Blaise Pascal, son valet de chambre trouva, cousues dans un de ses vêtements, deux feuilles de papier où était écrite cette phrase célèbre: « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude. Certitude. Sentiment, Joie, Paix. Dieu de Jésus-Christ. »

On cite ce Mémorial de Pascal pour réaffirmer que les chrétiens ne croient pas en un Dieu qui ne serait qu’idée ou principe, dont on pourrait disserter sans fin, mais qu’en Jésus-Christ, ils ont foi en un Dieu qui est une personne et qui ne s’appréhende que dans une relation.

Pascal n’a pas inventé cette formule. On la trouve déjà dans la Bible et dans la littérature qui en est issue. Cet article veut essayer de retracer son histoire et montrer son importance.

Mais, d’abord, pourquoi ces trois hommes, Abraham, père d’Isaac, lui-même père de Jacob?

I. Abraham, Isaac et Jacob

Abraham est le premier de cette chaîne qui unit trois générations. Mais Abraham lui-même ne vient pas de nulle part; il a un père, Térah, et des frères, Nahor, Harân; on ne connaît pas le nom de sa mère. Abraham est inséré dans une généalogie qui remonte à Adam: il fait pleinement partie de l’humanité.

Mais il lui arrive une chose bien particulière: Dieu vient à sa rencontre pour lui faire une double promesse:

– celle d’une descendance (Gn 15:5); elle se situe dans le temps;

– celle d’un pays où vivra cette descendance (Gn 15:5); elle se situe dans l’espace.

Cette double promesse est fragile. D’une part, Abraham est un étranger de passage dans le pays promis; de l’autre, le fils par qui la descendance pourra être possible ne naît que dans la vieillesse du couple formé par Abraham et Sara. Dans l’histoire de ces trois pères, la femme a un rôle aussi important que l’homme.

L’engagement de Dieu est manifesté par le rite d’une alliance (Gn 15) et de la circoncision (Gn 17). Pour que la promesse de Dieu se réalise, il faut qu’Abraham soit père. Mais ce fils qui accomplit la promesse n’est pas d’Abraham uniquement: il doit être celui du couple Abraham-Sara.

Des trois, Isaac est le père tranquille: il est le mari d’une seule femme et il ne quitte pas son pays, ce qui n’est le cas ni de son père Abraham ni de son fils Jacob.

Dieu va renouveler la promesse dans les mêmes termes qui ont été utilisés pour Abraham: Genèse 26:4 et Genèse 26:24, où il se présente comme le Dieu d’Abraham. Plus tard, Isaac dira à son fils Jacob: « Que Dieu donne à Jacob la bénédiction d’Abraham! » (Gn 28:4) Pour Isaac, Dieu est d’abord le Dieu de son père.

On va retrouver la même situation avec Jacob. Mais la manière qu’a Jacob de parler de Dieu va évoluer. Tout d’abord, Dieu est le Dieu de son père. En Genèse 27:20, en parlant à son père Isaac, Jacob dit « ton Dieu ». Dans le récit bien connu du rêve de l’échelle, Dieu se révèle comme le Dieu d’Abraham et d’Isaac (Gn 28:13). On a la même chose au moment de la séparation de Jacob d’avec Laban: en Genèse 31:42, Jacob fait allusion au Dieu d’Abraham et d’Isaac et, en Genèse 31:53, Jacob prête serment à Laban au nom du Dieu d’Isaac.

Le récit de la lutte de Jacob avec le personnage mystérieux du gué de Yabboq (Gn 32:25-33) marque un tournant dans sa spiritualité: il va parler de Dieu d’une façon plus personnelle: « Dieu m’a comblé de grâces » (Gn 33:11); « Dieu qui m’a répondu au jour de ma détresse » (Gn 35:3).

De plus, Jacob va être intégré dans la promesse faite à son grand-père, puis à son père: « Le pays que j’ai donné à Abraham et à Isaac, je te le donnerai. » (Gn 35:12) En bénissant Joseph à la fin de sa vie, Jacob rappelle le Dieu d’Abraham et d’Isaac en ajoutant que Dieu est devenu son berger (Gn 48:15).

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Dieu s’est révélé particulièrement comme un Dieu de relation à trois hommes liés entre eux par une relation père-fils.

Pour Isaac comme pour Jacob, Dieu est d’abord le Dieu du père: ce n’est pas un Dieu qu’ils ont conçu par eux-mêmes, mais ils le reçoivent par l’intermédiaire d’autrui, leur père. Certes, pour Abraham, il n’y a pas eu transmission, mais révélation directe. Dieu vient à lui en lui parlant: « L’Eternel dit à Abraham. » (Gn 12:1)

On peut certes se demander si Abraham ne connaissait pas par tradition familiale l’histoire de son ancêtre, mais le texte biblique ne nous le dit pas et Abraham va rester, pour tous les croyants qui vont suivre, le premier de toute une chaîne: il est le point de référence de toute l’histoire qui va suivre.

On peut noter que ce qui caractérise ces trois hommes par rapport à ceux qui les ont précédés et qui vont les suivre, c’est qu’à chaque génération, ils vont être l’objet d’une élection: c’est Isaac qui est choisi et non Ismaël, Jacob et non Esaü. De même Abram et non Nahor ou Harân. En revanche, ce sont les douze fils de Jacob qui formeront les douze tribus d’Israël, même si, parmi eux, Joseph jouera un rôle particulier de sauveur.

On note aussi que les femmes d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ont des rôles importants à jouer dans le dessein de Dieu, alors qu’on ne mentionne pas le nom de la mère d’Abraham et que la femme de Joseph, une étrangère, n’est citée qu’en passant. Dans une société qui ne fait pas toujours grand cas de la femme, on gardera le souvenir d’une famille idéale où la femme a toute sa place: Sara, Rebecca et Rachel donnent toute son importance à la paternité d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Il. Dans l’Ancien Testament

A la fin du livre de la Genèse (50:24), Joseph annonce, avant de mourir, que Dieu fera revenir les Hébreux dans le pays promis (mot à mot juré ) à Abraham, Isaac et Jacob. C’est l’amorce de la formule « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » que l’on va trouver tout au long de l’Ancien Testament, surtout dans le Pentateuque, particulièrement dans l’Exode et dans le Deutéronome.

Quand la situation des Hébreux en Egypte devient difficile, Dieu se souvient, enfin, de son alliance faite quatre siècles plus tôt à trois hommes (Ex 2:24). Dieu va agir au nom de cette alliance et l’histoire va en être marquée. Dans sa révélation à Moïse au buisson ardent (Ex 3), Dieu se présente à la fois comme « Je suis qui je suis » et comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Dieu n’est ni intemporel, ni abstrait: c’est parce qu’il a vécu une histoire avec ces trois hommes qu’une nouvelle histoire, celle de la libération des Hébreux, devient possible pour Moïse (Ex 3:16 et 4:5).

Cette formule est employée en relation avec différentes notions qui rappellent les termes des promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob:

– la promesse d’un pays 1 [1] ;

– la promesse d’un pays et d’une descendance 2 [2] ;

– la promesse d’une descendance 3 [3] .

Des deux promesses faites à Abraham, celle d’un pays revient le plus souvent:

– le rappel de l’alliance, Dieu est lié par sa parole 4 [4] et il se souvient de son alliance 5 [5] .

Elle est aussi invoquée dans 2 Rois 13:23 où, en son nom, on demande pitié à Dieu pour son peuple. Ce thème de l’alliance est développé dans un texte que l’on trouve à la fois au Psaume 105 (vv. 8 à 11) et en 1 Chroniques 16:16: Dieu se souvient de son alliance avec Abraham, du serment avec Isaac et de la prescription avec Jacob. L’emploi de trois mots différents souligne l’importance de l’engagement de Dieu.

En 1 Chroniques 29:18, David prie pour la fidélité de son fils Salomon. En 1 Rois 18:36, c’est le thème de la révélation qui réapparaît. Enfin, en 2 Chroniques 30:6, il y a un appel à la conversion: « Revenez à l’Eternel, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob! »

L’emploi de cette formule dans l’Ancien Testament veut montrer qu’une histoire entre Dieu et son peuple reste toujours possible au nom de l’histoire particulière vécue entre Dieu et trois hommes. Il n’y a d’avenir que parce que Dieu se souvient du passé. C’est le souvenir de Dieu qui construit l’histoire d’Israël.

III. Dans le Nouveau Testament

Abraham, Isaac et Jacob sont mentionnés ensemble dans deux passages des évangiles:

i) En Matthieu 8:11 6 [6] , où il est question du festin du Royaume à venir auquel participent Abraham, Isaac et Jacob. C’est la dimension spatiale qui est soulignée. On notera aussi que les trois hommes ne sont pas nommés en référence directe avec Dieu, mais pour eux-mêmes, en communion avec d’autres. Ce n’est plus leur élection qui est soulignée, mais leur insertion dans la communion des saints. Nous verrons qu’il s’agit d’un fait que l’on trouve dans la littérature juive de l’époque.

ii) En Matthieu 22:32 7 [7] . C’est cette fois la dimension temporelle: c’est à propos de la résurrection que les évangiles citent Exode 3:6. La résurrection n’est pas une théorie sur l’après-mort à côté d’autres ou encore une nouveauté introduite par les pharisiens; elle a son fondement dans l’alliance de Dieu faite déjà au début de l’histoire d’Israël, avec Abraham, Isaac et Jacob, et renouvelée avec Moïse au buisson ardent. Cette alliance ne peut se faire qu’avec des vivants; c’est cela qui justifie et implique la résurrection.

On trouve encore deux citations de la formule dans le livre des Actes:

– en Actes 7:32, où Étienne reprend Exode 3:6;

– en Actes 3:13, où on lit: « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob a glorifié son serviteur Jésus. » L’important, ici, est la mention de Jésus, comme pour introduire le fait que, dans la nouvelle alliance, on va parler du Dieu de Jésus à la place du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Le lieu de la révélation s’est déplacé.

IV. Dans les littératures apocryphes

Dans les siècles qui ont précédé et suivi Jésus-Christ, le judaïsme et le christianisme ont développé une abondante littérature non canonique. Il n’est pas question ici de la passer en revue. On peut, cependant, noter que l’on va trouver de moins en moins la formule « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » et que le nom de ces trois hommes va être associé avec d’autres témoins de l’ancienne alliance comme Moïse et Aaron, ou encore bien d’autres, comme Hénoch, Noé, Sem 8 [8] . On a vu que dans le récit de l’évangile de Matthieu (8:11), les trois n’étaient plus seuls mais unis à d’autres croyants. Dans l’apocryphe « Testament de Benjamin », au verset 7, on trouve une allusion à la résurrection: « Comme eux nous aussi nous ressusciterons. » De même dans le Testament de Juda 9 [9] : 1: « Après cela, Abraham, Isaac et Jacob se lèveront pour revivre. »

V. Dans le Coran

On pourra trouver, dans le Coran, la mention d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais le plus souvent, comme dans les écrits apocryphes, ils sont associés à d’autres témoins bibliques. Ce qui est particulier au Coran, et qu’on n’avait pas encore, c’est la mention fréquente d’Ismaël à côté, voire à la place d’Isaac. Ainsi dans la sourate II, verset 133, on lit: « Nous adorons ton Dieu, le Dieu de tes pères, Abraham, Ismaël et Jacob. » Plus loin dans la même sourate, au verset 136, on a :« Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus, à Moïse, à Jésus, aux prophètes. »

Ce n’est là que deux exemples, mais ils montrent bien l’évolution par rapport aux textes qui précèdent le Coran:

– les trois sont insérés dans une communion de témoins;

– la présence d’Ismaël, si importante pour l’islam, brise le lien entre les trois générations;

– Jésus est mis sur le même plan que les autres témoins.

VI. Chez les Pères de l’Eglise

L’emploi de la formule Abraham, Isaac et Jacob chez les Pères de l’Eglise et chez les théologiens pourrait faire l’objet d’une étude particulière: cet emploi recoupe d’ailleurs ce que nous avons déjà vu. C’est pourquoi je me limiterai à citer un passage de Jean Chrysostome qui souligne la relation qui s’établit entre Dieu et le croyant:

Quelle reconnaissance de la part du juste, quelle bonté de la part de Dieu! Je suis ton Dieu. C’est comme s’il disait: C’est moi qui ai veillé sur toi jusqu’à présent; c’est moi qui t’ai amené de ton pays jusqu’ici, qui t’ai soutenu dans tous les temps, et qui t’ai rendu vainqueur de tes ennemis; c’est moi qui ai fait cela! Il ne dit pas: Je suis Dieu, mais: Je suis ton Dieu. Voyez quelle immense bonté! comme par l’addition de ce mot, il exprime son amour pour le juste! C’est le Dieu de toute la terre, l’ouvrier dont la main a tout fait, le Créateur du ciel et de la terre, c’est lui-même qui dit: Je suis ton Dieu! Quel honneur pour le juste! C’est ainsi qu’il parle aux prophètes. Sans doute, alors et maintenant, il est le Seigneur de tous, et néanmoins il daigne se désigner par le nom d’un serviteur, et nous l’entendrons dire encore: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu d’Israël (Ex 3:6). Aussi les prophètes disent d’ordinaire: Dieu, mon Dieu, non pour restreindre dans les limites de leur propre personne la domination de Dieu, mais pour montrer jusqu’où allait leur amour…

…Ainsi Dieu lui-même ne se donne pas pour être leur Dieu comme celui des autres, mais il prétend être spécialement le leur. De là ces expressions: je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob. Loin de resserrer par là les bornes de son empire, il les recule plutôt; car ce n’est pas tant le nombre de ses sujets que leur vertu qui manifeste son pouvoir: il ne se plaît pas autant à s’entendre appeler Dieu du ciel, de la terre, de la mer, et de leurs habitants, qu’à s’entendre nommer Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob…

…nous désignons toujours l’inférieur par le nom du supérieur. C’est le contraire lorsqu’il est question de Dieu, le maître est désigné par le nom de son esclave10 [10] .

VII. Sens théologique de la formule

A) Je crois en Dieu qui est relation

Parler du Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, c’est croire que Dieu, après avoir été en relation avec ces trois hommes, veut l’être avec chacune de ses créatures. C’est aussi la promesse que, pour chacun d’entre nous, cette relation peut exister. Je crois en Dieu qui me parle et à qui je peux parler.

Mais ce dialogue n’est pas conditionné par l’existence des créatures que nous sommes. De toute éternité, Dieu est en lui-même dialogue, dialogue entre le Père et le Fils qui précède toute autre forme de relation: « Avant qu’Abraham fût, je suis. » (Jn 8:58) Croire au Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, c’est aussi croire au Dieu de Jésus-Christ; c’est proclamer que Dieu est Père de Dieu Fils.

B) Je crois en Dieu le Père, Créateur de l’histoire

L’histoire d’Abraham, Isaac et Jacob est l’histoire d’une paternité humaine qui nous renvoie à la paternité de Dieu. Dans la Bible, de toutes les relations humaines, c’est la paternité qui est le plus abondamment citée.

Histoire et paternité sont intimement mêlées dans le plan de Dieu. On le voit, par exemple, dans l’emploi du mot hébreu toldot , qui peut se rendre par « généalogie », « histoire », « origine », ou encore « engendrement ». Ce mot structure le livre de la Genèse. Les récits concernant Abraham, Isaac et Jacob sont introduits par l’expression « Voici les toldot », suivie non de leur nom, mais de celui de leur père, comme s’il n’y avait pour un homme une histoire possible que par celle de son fils. (Ainsi, en Genèse 11:27, les toldot de Térah introduisent l’histoire d’Abraham, ou en Genèse 37:2, celles de Jacob introduisent Joseph.)

Nous avons là une histoire qui est une succession d’engendrements. Elle a un sens parce que son origine est en Dieu qui, de toute éternité, engendre le Fils. Cet engendrement crée l’histoire, et la paternité implique qu’il y ait durée. Dieu incarne sa propre histoire éternelle de Père et de Fils dans l’histoire des hommes au travers d’une promesse faite à Abraham, renouvelée à Isaac et à Jacob, et réalisée en Jésus-Christ.

C) Je crois dans la promesse faite à Abraham, Isaac et Jacob

L’histoire humaine prend son sens de cette relation première de Dieu avec lui-même. C’est ce qui donne sens à chacune de nos histoires personnelles. Nous prenons place comme Abraham, Isaac et Jacob et avec eux dans la communion des saints. Comme eux, nous recevons une promesse que nous avons à transmettre. Elle ne nous appartient pas; pourtant, elle concerne chacun de nous. Mon histoire est de recevoir et de donner, mais ce n’est pas l’histoire d’une fuite en avant vers une promesse toujours attendue, jamais réalisée. Certes, elle ne l’est pas encore, mais elle l’est déjà en Jésus-Christ. Comme les pères de l’ancienne alliance, nous voyons les promesses de loin et pourtant nous avons tout pleinement en Christ (Hé 11:13; Col 2:10).

Si ces promesses sont pour nous, c’est qu’elles le sont d’abord pour le Christ. La promesse d’une descendance signifie qu’une chose ne vaut que parce ce qu’elle se transmet: c’est ce que l’Evangile appelle la vie. La Parole n’est pas figée dans un moment du temps ou comme un arrêt sur image; elle est transmission, traduction (accommodation dirait Calvin) tout en restant fidèle à elle-même. Elle n’est pas dans un mot mais dans la transmission de ce mot (d’un manuscrit à un autre, d’une langue à une autre, d’une prédication à une autre). Toujours vivant, toujours en résurrection (Mt 22:32), l’Evangile est aussi évangélisation, perpétuelle annonce d’une bonne nouvelle.

La promesse d’un pays signifie pour Israël le concret d’une terre, et pour le chrétien celui du Royaume. Nous avons le désir, certes justifié, d’habiter ce Royaume, mais il ne faut jamais oublier que c’est Jésus qui vient habiter son royaume. Nous sommes ce Royaume, nous sommes le pays que Dieu a promis au Fils. C’est le Christ qui vient demeurer en nous (Jn 1:14; Ep 3:17.) Cela rejoint l’autre mention dans les évangiles d’Abraham, Isaac et Jacob en communion avec les invités au festin du royaume (Mt 8:11).

K. Barth écrit quelque part dans sa volumineuse dogmatique 11 [11] :

Le Dieu de la Bible ne plane pas, immobile, au-dessus de chaque individu pris dans le mouvement incessant qui va du passé au présent vers l’avenir. Il marche avec eux: « Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu » est-il dit dans Hébreux 11:16 à propos de ceux qui, après avoir quitté leur pays, sont devenus des voyageurs à la recherche d’une nouvelle patrie. Il se nomme lui-même « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (Ex 3:6). Et le Nouveau Testament l’appelle « le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ».

Je crois au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, parce que je crois que ce qui leur a été promis l’est aussi pour moi et l’est aussi pour ceux à qui j’ai à l’annoncer. C’est la même foi que je reçois d’eux en Jésus-Christ, dans la communion des croyants passés et à venir.


* A.-G. Martin est pasteur à la retraite de l’Eglise réformée de France. Il a été professeur de Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

1 [12] Nb 32:11; Dt 6:10; 9:5: 30:20: 34:4; Lv 26:42.

2 [13] Ex 33:11; Dt 1:8; 32:13.

3 [14] Jr 33:26.

4 [15] Ex 32:13.

5 [16] Ex 2:24; Lv 26:42.

6 [17] Lc 13:28.

7 [18] Mc 12:26-27 et Lc 20:37-38.

8 [19] Testament de Benjamin X:4.

9 [20] XXV.

10 [21] J. Chrysostome, Œuvres V 512. Commentaire sur l’expression « Mon Dieu », 4e homélie, sur Anne.

11 [22] Dogmatique : fascicule 12, 215 (paragraphe 47).