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L’Évangile pour l’âge du Verseau

L’Évangile pour l’âge du Verseau

Colossiens 1:15-20

Peter JONES*

Il est l’image du Dieu invisible,
le premier-né de toute la création.
Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
ce qui est visible et ce qui est invisible,
trônes, souverainetés,principautés, pouvoirs.
Tout a été créé par lui et pour lui.

Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.

Il est la tête du corps, de l’Eglise.

Il est le commencement,
le premier-né d’entre les morts,
afin d’être en tout le premier.
Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
et de tout réconcilier avec lui-même,
aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux,
en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Quelle magnifique confession de foi christologique, quelle architecture littéraire! Deux strophes, avec deux titres, plus deux phrases (vv.17 et 18): une qui résume la première et l’autre qui introduit la seconde comportant les deux grands actes créateurs de Dieu:

Strophe 1 : l’œuvre de la création de toutes choses, mise en place par le Père et le Fils.

Strophe 2 : l’œuvre de la deuxième création,

la nouvelle création = la résurrection/transformation de toutes choses également effectuée par le Père et le Fils.

Etes-vous tentés de penser que l’Evangile est en panne d’essence, une vieille histoire qui n’intéresse plus personne? Encerclés par le scepticisme moderne ou par la nouvelle spiritualité postmoderne, êtes-vous découragés dans votre tâche de prédicateur? Telle était peut-être la tentation qui guettait cette petite communauté chrétienne du Colosses païen, plongé dans un monisme religieux colossal. Or, le paganisme est bon à une chose: jeter la lumière sur la vérité. Le mensonge ne peut pas exister sans la vérité. Sa frustration constante est d’exister seulement comme une négation de ce qui est vrai. Lorsqu’il fait noir, même une toute petite bougie illumine.

Seule la vérité vaincra. Elle n’est pas l’expression fatiguée d’une civilisation aux prises avec les affres de la mort. Elle est la puissance de Dieu en vue du salut. C’est pourquoi l’Evangile ne peut pas changer, et nous ne devons pas chercher à le changer, parce qu’il concerne les deux actes de Dieu, à savoir la création et la rédemption, au centre desquelles se trouve la personnne glorieuse du Christ.

I. Christ est le Créateur (vv. 15-17)

L’hérésie gnostique ancienne et moderne oppose le Dieu de la création au Dieu de la rédemption. Pour les gnostiques, il n’y a pas de Créateur. Nous créons nous-mêmes notre propre réalité, puisque nous sommes incréés. L’idée d’un Créateur et celle de structures créationnelles doivent être bannies de notre pensée. A Colosses, une hérésie judéo-gnostique est entrée dans l’Eglise, prônant un strict ascétisme, mélange de fêtes juives (v. 16), de spéculation sur des êtres angéliques intermédiaires (v. 18) et de “philosophie” selon les éléments du monde (v. 8): assurément une forme de paganisme tout enrobé de fausse humilité révélant, en fait, un orgueil charnel inévitable.

Voir aussi Apocalypse 3:9: “Voici: je te livrerai des gens de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, car ils mentent. Voici: je les ferai venir se prosterner à tes pieds et reconnaître que je t’ai aimé.” Voici pour l’Eglise une promesse de victoire sur une forme de gnose occulte juive (thj sunagwghj tou Satana) . La suggestion derrière le texte indique que ceux qui auront vilipandé la foi orthodoxe, la traitant de stupidité, viendront un jour s’humilier et reconnaître la vérité. Ils reconnaîtront que Dieu aime les croyants qui confessent le Dieu des Ecritures saintes. Autrement dit, les monistes se prosterneront devant les théistes parce que le théisme est vrai.

Contre ce même type de paganisme pseudo-biblique ou chrétien, Paul enseigne l’antithèse radicale de la foi chrétienne, affirmant l’existence bien réelle du Créateur qui est aussi le Rédempteur. Contre les idées gnostiques selon lesquelles le vrai esprit divin est impersonnel et strictement inconnaissable et inconnu sauf, bien sûr, à l’intérieur du soi, l’Evangile déclare que ce grand Créateur, dans un acte de condescendance gracieuse, s’est fait connaître. D’abord le Créateur est personnel et son œuvre est donc pénétrée, d’un bout à l’autre, de signes de sa personnalité créatrice.

Ce qu’on peut connaître de Dieu est manifesteÖ les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde quand on les considère dans ses ouvrages. (Rm 1:19-20)

Cette personnalité s’est finalement révélée dans le Fils incarné. Mais l’incarnation ne révèle pas qu’un Rédempteur. Elle révèle le Créateur. Pas besoin d’êtres spirituels angéliques. Cet accent, spécifique du christianisme, qui joint les deux rôles de Créateur et de Rédempteur dans le même Dieu personnel, se trouve ici en Colossiens 1:15-20, mais également dans l’évangile de Jean et dans l’épître aux Hébreux. Cette doctrine est implicite dans d’autres textes néotestamentaires où la pleine divinité du Christ est affichée, mais dans ces trois textes extraordinaires, cette doctrine monte glorieusement à la surface.

Dans Jean, nous lisons que le Fils seul engendré est le Rédempteur qui donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nés de la volonté de Dieu. Cela constitue la Rédemption. Ce Fils seul engendré, la Parole divine devenue chair, a révélé le Créateur car il est aussi le Créateur (Jn 1:1 et 18). Le Verbe était Dieu et tout a été par lui (1:1-2).

Selon l’ épître aux Hébreux , le Fils n’est pas un ange (1:5ss). Il est “l’expression de son être”. Le Fils partage avec Dieu la même substance divine. Ce Fils divin est certainement le Rédempteur – “après avoir accompli la purification des péchés” (1:3) – mais il est aussi le Créateur, par qui Dieu a fait le monde. Aux anges, Dieu dit: “Il a fait de ses anges des vents et de ses serviteurs une flamme de feu” (1:7), mais Dieu dit à son Fils: “Toi, Seigneur, tu as au commencement fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains. Ils périront, mais toi tu demeures; ils vieilliront tous comme un vêtement.” (1:10)

En Apocalypse1:8, Dieu est appelé “le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga” et, en 22:13, l’Agneau qui vient est également appelé “l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin”. Le Dieu Créateur de l’Ancien Testament est celui qui annonce la fin dès l’origine (Es 46:10, cp . 48:1-11).

En Colossiens 1:15-20, Paul affirme cette même vérité à sa manière. Il déclare que le principe de plénitude et d’unité n’est pas inhérent aux choses créées, selon le mensonge païen; il est en Dieu le Fils Créateur. Il nous donne une leçon lumineuse de théologie théiste:

A)Il est l’image du Dieu invisible

Une grande déclaration théiste. Il l’est; nous ne le sommes pas. Nous sommes créés à l’image de Dieu dans notre capacité morale et dans notre être personnel. Mais nous ne sommes pas Dieu. Nous ne sommes pas “l’expression de son être” (caraktŒr t–j ‘post?sewj aétoç) . Nous ne partageons pas avec Dieu la même substance, comme disaient les gnostiques qui se croyaient et se croient toujours incréés. Nous ne sommes pas consubstantiels avec Dieu. Dieu possède des attributs non communicables, non pas parce que Dieu ne sait pas communiquer, mais parce que ces attributs de Créateur ne se partagent avec la création. Seul, le Christ est divin. Il n’est pas une simple expression de la conscience christique, une sorte de gourou ou Bouddha. Il est l’Unique.

B) Il est le premier-né de toute créature

Premier-né ne veut pas dire “le premier à être créé”. A la différence des gnostiques, il est le seul incréébegotten not made . Quel est donc le sens de premier-né (prototokj)?

Philon décrit le logos divin comme le premier-né. Au Psaume 89:28, Dieu déclare qu’il fera de David, l’oint de Dieu, son premier-né, et Exode 4:22 appelle Israël premier-né. Tout cela suggère une notion de prééminence. En tout cas, c’est le sens du terme en Hébreux 1:6. Lorsque Dieu introduit le premier-né dans le monde, il lui dit: “Ton trône, ô Dieu, est éternel.” (1:8) Le sens est celui de primauté, comme le dit Colossiens 1:18: afin d’être en tout le premier. Cp. 1:17. Et il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.

Cette primauté non créée est exprimée dans la phrase suivante:

Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
ce qui est visible et ce qui est invisible,
trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs.
Tout a été créé par lui et pour lui.

Sa primauté se mesure par le mot “tout”: toutes choses, même les invisibles, même les anges; il en est le Créateur. Paul nous renvoie à Genèse 1:1: “Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.” Tout le reste n’est que de la littérature, du commentaire. Christ appartient au début absolu, non pas à l’ordre du créé. Il est la source et le moyen de la création ex nihilo .

Toute la beauté et la complexité qu’aucun scientifique n’arrive à expliquer provient de l’intelligence et de la sagesse sans borne du Christ. Honorer et glorifier Dieu consiste en respect et soumission à l’ordre moral et physique placés dans l’univers créé, pour lequel le croyant rend grâces. Au contraire, les païens, “ayant connu Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces”(Rm 1:21). Le chrétien ne peut jamais suivre cette route. Nous avons le trésor de la Rédemption, mais nous le portons dans des vases d’argile, les corps terrestres de la première création (2 Co 4:7), et nous serons mis à découvert pour que chacun voie ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, ou ce qu’il aura fait avec son corps, (t? di? toç sÂmatoj ; 2 Co 5:10). Dans ce corps mâle ou femelle, en tant qu’enfant ou parent, esclave ou maître, juifs ou païen, nous rendons grâces et glorifions Dieu le Créateur.

Contre la notion moniste de la divinité de toutes choses, Paul oppose la doctrine théiste de la grande distinction entre le Créateur et la création.

Paul répond aussi aux deuxième et troisième points du monisme, à savoir que l’humanité est une et toutes les religions sont une.

L’unité du cosmos se trouve dans le Fils. Par le miracle de l’incarnation, de façon unique, il fait se joindre le créé et l’incréé. Il n’y a rien qui soit rédempteur, unissant les hommes les uns aux autres, une sorte d’essence divine qui limiterait le mal et qui sauverait la planète. En effet, il y a deux types d’hommes, les sauvés et les perdus. Christ n’est pas la tête de tous les hommes.

Il est la tête du corps, c’est-à-dire de l’Eglise (v. 18).

De la même manière, toutes les religions ne sont pas une. Il y a deux religions, celle des synagogues de Satan et celle de l’Eglise du Christ. Le principe d’unité ne dépend pas de l’essence divine dans chaque homme. Elle dépend de l’acte du Créateur.

Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude

et de tout réconcilier avec lui-même,

aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux ,

en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

La plénitude, la réconciliation viennent du Christ, qui fait la paix par le sang de sa croix. Nous sommes déjà à la deuxième affirmation!

II.Christ Créateur est Rédempteur ( vv. 18-20)

Seul, le Créateur a le pouvoir de racheter la création. Seul un horloger sait réparer une horloge. Voilà l’immense bonne nouvelle de l’Evangile. Pas un homme, pas un ange, mais Dieu lui-même s’est chargé du salut du monde. Il y a rédemption parce qu’il y a un problème. Le problème n’est pas l’amnésie métaphysique, l’oubli et le sommeil. Le problème, c’est la mort. Il est extrêmement intéressant que la phrase qui introduit la rédemption soit:

Le premier-né d’entre les morts,

car elle exprime trois aspects de l’acte salvateur du Christ:

– sa condescendance;

– son efficacité;

– sa radicalité.

A) Sa condescendance

Il est tout à fait étonnant que le Créateur de la vie subisse la mort. Telle est la profondeur de l’amour de Dieu, qui goûte même la mort pour nous. Notez bien que cette condescendance n’a pas de sens dans un monde moniste. Si tout est divin, si avec Luc Ferry nous devons introduire les catégories théologiques dans le système de pensée moderne – voyant l’humanisation du divin et la divinisation de l’humain –, on élimine la condescendance et l’amour dont il est l’avocat passionné. La transcendance de la vérité l’agace puisqu’elle se revêt de la notion d’autorité, qui, elle, serait strictement impensable dans notre monde moderne.

La condescendance n’a de sens que dans un univers théiste et, en particulier, réformé. La seule solution aux problèmes humains, la seule démonstration de l’amour et de la grâce ultimes ne se trouvent pas dans le voyage à l’intérieur de soi pour découvrir sa propre divinité. Elle se trouve en dehors de la réalité créée, dans le Dieu de la condescendance gracieuse. C’est la raison pour laquelle la grande quantité de pronoms personnels sont à la troisième personne, non pas à la première.

Il nous a qualifiés.

Il nous a arrachés à l’empire des ténèbres.

Il nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé.

En lui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.

Notre accès dans ce royaume éternel dépend entièrement de l’acte rédempteur du Fils. Il ne se trouve pas à l’intérieur de nous-mêmes. Cet accent théiste de l’extériorité de la vérité est partout dans Paul.

Voir son emploi des termes Chair etsang . En Galates 1:16, Paul ne “consulte ni la chair ni le sang”. Puisque l’Evangile qu’il annonce n’est pas à mesure humaine, ce n’est pas d’un homme qu’il l’a reçu ou appris, mais par une révélation de Jésus-Christ.

Cela fait penser à Matthieu 16:17, qui se situe dans le même contexte de révélation extérieure: “Tu es heureux, Simon, fils de Jonas (Petroj Iwnaj) ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux.” Ainsi la provenance n’est pas terrestre mais transcendante/céleste.

C’est la raison pour laquelle Paul décrira l’œuvre divine de la résurrection future qui inaugurera le plein accomplissement du Royaume éternel de la même façon. Contre toute notion d’utopie humaine, de royaume terrestre bâti de main d’homme, Paul déclare, et notez l’emphase: “Je l’affirme – toçto d° fhmi – la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu.”

Cette notion de l’Evangile venant directement de Dieu est exprimée en Colossiens1:5-6: “(Ö) la Parole de vérité, celle de l’Evangile, (…) est parvenu chez vous tout comme (…) dans le monde entier.” En 1:23: “L’Evangile que vous avez entendu.”

On mesure l’amour de Dieu par le fait et par la grandeur de sa condescendance. Le Créateur, celui en qui “il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude”, le premier-né d’entre les morts, a subi la mort pour nous.

B) Son efficacité

et de tout réconcilier avec lui-même,

aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux ,

en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Comme je l’ai déjà dit, seul le Créateur possède le pouvoir de racheter la création. Seul un horloger sait réparer une horloge. Ce n’est pas simplement de la condescendance.C’est là une solution efficace. En effet, l’homme, s’il entre en lui-même pour communier avec sa propre essence divine, est à la fois insensé et inefficace. Insensé, si la Bible a raison: “Le cœur de l’homme est tortueux par-dessus tout, et il est incurable: qui peut le connaître?” (Jr 17:9) S’imaginer possible de pénétrer à l’intérieur de soi-même pour se sauver est une folie aux proportions titanesques. Cela ne “marche” pas, parce que le cœur n’est pas changé.

“Moi, Jahvé, je scrute le cœur, je sonde les reins.” Seul Dieu est capable de fournir la solution efficace. “Et vous, dit Paul aux Colossiens, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et vos œuvres mauvaises…” (1:21) Si la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ils ne peuvent pas non plus se sauver dans le présent. Mais voici le plan efficace de la grâce. “Il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche.” (1:22)

C) Sa radicalité

Voyez comment Paul ne sait pas parler sans évoquer la réalité de la chair et de la mort. Dans un monde moniste, la chair est illusion/ maya et la mort est délivrance: le soma est le sema du pneuma. Quel renversement de vérité, classiquement exprimé dans les textes gnostiques: le Serpent est Christ, la mort est salut, et la chute est l’ascension vers la vraie humanité autonome. En revanche, dans le monde tel qu’il est vraiment, créé et théiste, la chair est réelle puisque créée par Dieu, et la mort est le dernier ennemi qui détruit la chair. La rédemption ne concerne que le pneuma. La création tout entière “attend avec un ardent désir (…) avec une espérance (…) sera libérée de la servitude de la corruption (mort) pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu” (Rm 8:19-21).

Puisque le Rédempteur est le Créateur, la solution savaltrice est radicale. Elle sauve le corps et l’âme. La réconciliation est cosmique. L’être corruptible revêtira l’incorruptibilité et l’être mortel revêtira l’immortalité (1 Co 15:53). Pour que ce renversement radical se fasse, le Créateur lui-même doit subir la mort, il doit devenir le premier-né d’entre les morts. En effet, en goûtant la mort et en sortant du tombeau, il obtient en tout la primauté (Col 1:18). En effectuant la réconciliation de toutes choses par le sang de sa croix, il marque l’univers tout entier de sa souveraineté. Le Créateur pénètre jusque dans les profondeurs de la création déchue pour y déraciner la puissance de la mort. Le tombeau vide et les vêtements funéraires vides sont le sceau et le signe extraordinaires de la victoire radicale de l’œuvre rédemptrice du Créateur.

Comment se l’approprier? Les monistes païens proposent une expérience mystique et irrationnelle, acquise par une discipline ésotérique, ou par des transes au-delà de la rationalité, et en dehors du corps physique; en esprit pur, on voit “la lumière”, et on obtient la gnose occulte: qui est la déception diabolique!

Devant le Créateur, selon Paul, la seule réponse est la foi: un acte de l’être entier, corps, esprit, intelligence et âme, qui se confie à la bonne et fiable Parole de Dieu. Paul évoque la foi des Colossiens, “la foi en Christ Jésus et l’amour que vous avez pour tous les saints” – la réconciliation est devenue une réalite concrète; la réconciliation est possible entre des pécheurs graciés mais impossible entre des démons divinisés, chez qui il n’y a que des accords égoïstes et instables de pouvoir – “Öet l’espérance qui vous est réservée dans les cieux, et que la parole de vérité, celle de l’Evangile, vous a précédemment fait connaître” (1:4-5).

La gnose ou la foi? “La foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut” (Rm 10:10)Ö mais comment invoquer le nom du Seigneur sans d’abord croire en lui? Et comment croire sans d’abord l’entendre? Et comment l’entendre sans prédicateur? (Rm 10:14)

L’univers théiste exige la foi et la prédication, dont Paul nous donne un exemple passionnant. Voilà, dans ce texte de Colossiens 1:15-20, une déclaration massive – au sein d’une culture massivement pagano-moniste – de la vérité théiste en ce qui concerne la nature des choses. Telle est l’approche de Paul, que les théologiens réformés ont appelée l’antithèse.


* P. Jones a été professeur de Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence, de 1974 à 1990. Il est maintenant professeur au Westminster Seminary d’Escondido (Californie).