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Recensions

Recension du livre de Michael Drosnin La Bible : le code secret (Robert Laffont, 1997)

Michael Drosnin: La Bible: le code secret (Paris: Robert Laffont, 1997) 

« Mais toi, ô Daniel, tais les mots et scelle le livre jusqu’au temps de la fin. » (Dn 12:4)

« La Bible est construite comme de gigantesques mots croisés. Elle comporte, du début à la fin, des mots codés qui nous racontent une histoire cachée. » Telle est la prétention de Michael Drosnin dans son livre, traduit de l’américain. Caché dans le texte hébreu de l’AncienTestament se trouve un réseau complexe, « une nouvelle révélation ». « Il y a une Bible sous la Bible. » « Nous disposons bien de la première preuve scientifique qu’il existe une intelligence au-delà de la nôtre. » (p. 54) Attendant l’avènement de l’ordinateur, la Bible peut être lue maintenant « comme elle avait toujours été destinée à l’être » (p. 30).

Ancien reporter des prestigieux journaux Washington Post etWall Street Journal, Drosnin base ses affirmations sur les recherches mathématiques et informatiques, notamment celles du Dr Eliyahu Rips, un mathématicien israélien reconnu mondialement, ainsi que sur les confirmations d’autres chercheurs mathématiciens réputés des Universités de Harvard et de Yale et de l’Université hébraïque de Jérusalem. Les résultats ont aussi été vérifiés par un cryptologue du Département américain de la défense.

En Genèse 14, le chapitre rapportant la campagne militaire des Mésopotamiens coalisés contre les rois des villes de la vallée du Jourdain, sont codés Hussein, Scud, missile russe et la date du 18 janvier 1991. C’est bien le jour où l’Irak a lancé le premier missile Scud contre Israël.

Il y a aussi de la culture codée dans la Bible. Shakespeare, « présente sur scène » Macbeth et Hamlet. Homère est identifié comme poète grec. Beethoven, Jean-Sébastien Bach sont codés comme musiciens allemands et Rembrandt comme Hollandais et peintre.

L’illustre inventeur Edison se trouve codé avec « ampoule électrique » et les célèbres frères Wright sont codés avec « avion ».

Les événements historiques les plus marquants sont prédits, codés, bien sûr. Amérique et Révolution et la date de 1776. Napoléon apparaît avec France, Waterloo et Elba. Hitler se trouve avec d’autres mots: « homme mauvais », « nazi et ennemi » et « massacre ». Roosevelt, Churchill et Staline y figurent aussi. Yitzhak Rabin est codé avec « l’assassin assassinera » et Amir, le nom de son assassin.

Doté de centaines de découvertes codées dévoilant des événements historiques et des prédictions même de « l’holocauste atomique » à venir déterminant « la fin des jours », l’auteur pose la question: « Cela prouve-t-il qu’il existe un Dieu?…Bien d’autres diront que nous avons maintenant la première preuve séculaire de son existence. » Pourtant avoue-t-il:

J’ignore si c’est Dieu. Je sais seulement qu’aucun être humain n’aurait pu, il y a trois mille ans, coder la Bible et prévoir le futur… Le code de la Bible nous engage à accepter… que nous ne sommes pas seuls… Mais le code n’existe pas seulement pour annoncer l’existence du codeur. La Bible a été codée pour nous adresser un avertissement. (p. 54)

Telles sont les affirmations théologiques fondées sur « la Bible sous la Bible », « la nouvelle révélation » et « la Bible lue comme elle avait toujours été destinée à l’être ». Tout cela grâce aux mathématiciens et informaticiens qui ont découvert la Bible codée. Qu’en est-il pour l’exégèse, surtout l’exégèse historico-grammaticale? C’est sans doute trop démodé!

Plusieurs des plus importants tirages de la Bible codée sont reproduits dans le livre. Il y a presque une centaine d’extraits hébreux illustrant les mots codés ainsi que l’approche au texte de ce genre de recherche. On est frappé par la méthode. Voici quelques exemples:

1. Le texte consonantal de Nombres 3:24 lit ns’ byt ‘b lgrsny « le chef de la maison du père des Guershonites »; dans le texte codé, on trouve une division différente des consonnes ns’byt ‘bl grs traduite « président, mais il a été chassé ». De plus, ce message codé se trouve près du mot « Watergate » lu verticalement dans une série de six lignes de texte depuis Genèse 28:21 jusqu’à Nombres 19:18. La Bible aurait donc prédit la chute de Nixon! Tant pis pour les pauvres Guershonites et leur maisonnée!

2. « Effondrement économique » est codé verticalement dans une série de 29 lignes de texte depuis Exode 20:9 jusqu’à Deutéronome 11:6, chaque lettre intercalée par 3 lignes. L’année 1929 est codée horizontalement dans Nombres 10:8, chaque lettre représentant un chiffre hébreu est intercalée par une lettre ne figurant pas dans le code. C’est la prédiction de la grande dépression américaine. S’agit-il de l’éco-exégèse?

3. « Homme sur la lune » se trouve disposé diagonalement dans les Nombres de 19:20 à 27:1. « Vaisseau spatial » le croise codé horizontalement dans Nombres 22:25. La première expression couvre 31 lignes avec des intervalles de 4 lignes entre les lettres faisant partie du code. La deuxième expression se trouve sur une seule ligne avec des intervalles de 5 lettres qui ne figurent pas dans le message codé. La spatio-lunégèse!

Peut-être trouvera-t-on, un jour, dans la Bible les mots codés s’entrecroisant verticalement, horizontalement et diagonalement: « Drosnin », « mauvais », « calcul ». Et je ne serais pas davantage surpris d’entendre dire que des chercheurs mathématiciens, informaticiens ont trouvé codé quelque part dans la Bible, entre Genèse 1:1 et Apocalypse 22:21, les mots avec des intervalles de centaines de lignes et de milliers de lettres: « Bible codée », « poisson d’avril »!

Ronald BERGEY

professeur d’Ancien Testament

à la Faculté de théologie réformée d’Aix-en-Provence

Oscar Cullmann: La prière dans le Nouveau Testament (Paris: Cerf, 1995)

André Bardet: Le pain du ciel dans le Christ Jésus(Genève: Labor & Fides, 1995) 1°) C’est avec reconnaissance que l’on reçoit ce livre d’Oscar Cullmann (né en 1902), qu’il présente comme la conclusion de son long travail théologique. Ce livre tranche dans la morosité des publications théologiques actuelles. De plus, les ouvrages touchant à la Bible deviennent de plus en plus techniques, ce qui en soi n’est pas un mal, mais cela donne l’impression d’une distance entre la recherche et le chercheur, comme si celui-ci ne voulait surtout pas s’impliquer dans ce qu’il écrit. D’un côté, la vie spirituelle, la prière, la foi; de l’autre, la recherche scientifique, l’étude dite objective; tout cela ne devant surtout pas se mélanger.

O. Cullmann est un théologien, et tout vrai théologien sait que faire de la théologie est une forme de prière. Quand Cullmann parle de la prière, il ne fait pas de la « piété » dans le sens mauvais du terme; son livre n’est pas une simple réflexion spirituelle: c’est le livre d’un théologien qui prie. Prier pour lui n’est pas une affaire privée; elle est le moteur même de sa recherche et de son enseignement.

Dans une première partie, l’auteur pose d’emblée les difficultés de la prière aujourd’hui: désaccoutumance, doute sur son efficacité, a-t-elle une raison d’être puisque tout est décidé par Dieu? Ne serait-elle qu’une illusion? Ces objections ne sont pas le fait seulement d’incroyants; elles sont aussi souvent exprimées par des penseurs chrétiens comme, par exemple, Dorothée Sölle, que Cullmann cite souvent.

A ces questions, Cullmann veut apporter une réponse, mais il ne le fait pas sans avoir, d’abord, dans une seconde partie, étudié les affirmations du Nouveau Testament sur la prière.

Son plan est tout à fait classique. En premier lieu, les synoptiques, et plus particulièrement de nombreuses pages consacrées au Notre Père. Ce que souligne Cullmann, c’est que la prière apparaît dans les synoptiques comme des demandes qui touchent aussi le domaine matériel, comme celle bien concrète du pain. L’auteur aborde également la question très controversée de la dernière demande du Notre Père: la prière contre la tentation.

Ensuite, la prière dans les écrits pauliniens où, au contraire des synoptiques, c’est la louange qui est majoritaire.

Dans les écrits johanniques, O. Cullmann reste fidèle à ses précédentes recherches. Il s’arrête particulièrement au verset 24 du chapitre 4 de l’évangile de Jean, pour montrer que la prière est reliée intimement à la personne du Christ.

Dans la troisième et dernière partie, O. Cullmann propose des réponses aux questions qu’il posait dans la première. Voici le résumé qu’il en donne dans sa conclusion: Dieu n’a pas besoin de notre prière, mais il la veut. Nous prions celui qui est en nous et en dehors de nous. Nous avons besoin de l’aide de l’Esprit pour prier. L’exaucement de nos prières implique que nous soyons prêts à nous soumettre à la volonté de Dieu. Cette possibilité d’exaucement n’est pas en contradiction avec l’immutabilité de son plan. Il nous faut persévérer en toute occasion dans la prière. Dans la période du « déjà et pas encore » où nous sommes, notre prière nous associe au combat de Dieu contre le mal. Le Nouveau Testament comporte peu de prières adressées à Christ; en revanche, celles du Christ à son Père sont pour nous des modèles.

Il est difficile de résumer en quelques lignes ce livre et d’en montrer toute la richesse. C’est une étude solide sur un point important et trop souvent négligé du Nouveau Testament. Mais c’est en même temps un livre qui aide et guide la méditation et la prière. Il ne peut pas se lire vite; ou plutôt, on peut sans cesse relire avec profit nombre de ses pages. C’est cela, au fond, la vraie et pleine théologie.

Pour ce témoignage, merci M. Cullmann.

2°) Le petit livre d’André Bardet se situe dans la ligne des recherches liturgiques des Eglises suisses romandes. C’est un essai sur la célébration de la Cène dans les premiers siècles chrétiens.

L’auteur veut faire oeuvre de vulgarisation et il y réussit bien. Son propos est clair et il n’hésite pas à dire de qui il est redevable, nommant en particulier dom Gregory Dix.

Il commence par citer les racines juives de la Cène, en parlant souvent de la Berakah, mais sans situer celle-ci. S’agit-il de la Berakah quotidienne, ou de celle du repas de sabbat? Il est dommage, à ce sujet, que Bardet ne parle pratiquement jamais du sabbat; pourtant le rythme de la Cène dans l’Eglise primitive est bien lié à celui-ci: le jour dominical est fixé au lendemain du sabbat. De plus, la bénédiction qui précède le repas du sabbat fait penser, par le passage du pain et d’une coupe, à la Cène.

Mais il faut se garder d’aller trop loin dans cette recherche de l’arrière-fond juif des sacrements chrétiens; la plupart des textes rabbiniques que l’on invoque dans la formation du christianisme sont postérieurs à sa naissance.

Après un survol des premiers siècles, l’auteur s’arrête au quatrième, dont il a raison de souligner l’importance. Ensuite, il présente les grandes traditions orientales et occidentales. Il le fait d’une manière claire et agréable, en donnant de nombreuses citations.

L’ouvrage va jusqu’à la Réforme. On pourra regretter que la pensée de Calvin soit présentée trop brièvement; mais l’intention d’André Bardet n’est pas d’exposer la doctrine de la Cène, mais sa liturgie; c’est pourquoi il cite des textes liturgiques qui sont bien en accord avec la pensée du Réformateur: « C’est qu’en certaine Foi nous recevions son corps et son sang; voire lui tout entièrement, comme lui étant vrai Dieu et vrai homme est véritablement le saint pain céleste, pour nous vivifier. »[1] [1]

Il ne faut pas chercher dans ce livre l’exposé d’une thèse savante. En revanche, il s’agit d’un livre de bonne vulgarisation dont nous manquons trop dans notre protestantisme de langue française. Un exposé clair, trop rapide diront certains, et une palette de citations d’époques variées. De quoi se faire une idée sur la question.

Alain-Georges Martin

pasteur


[ ] [2]1 Page 117, extrait de La Forme des prières et chants ecclésiastiques.