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Prêcher avec puissance la Parole de Dieu… ? 2 Corinthiens 4: 1-6

Prêcher avec puissance la Parole de Dieu… ? [1] [1]
2 Corinthiens 4: 1-6

Douglas F. KELLY*

La seule façon pour les ministres du Christ de tenir face aux terribles pressions de la société païenne moderne est de recevoir pleinement la grâce.

Prêcher avec puissance la Parole de Dieu est un sujet essentiel parce que la prédication de la Parole est au coeur du renouveau de notre héritage réformé et qu’elle seule peut faire avancer le salut du monde. En effet, partout où Dieu fait resurgir la foi dans son Eglise – en Amérique, en Afrique, en Australie, en Angleterre ou en France – il le fait grâce, pour une large part, à la prédication fidèle et inspirée de sa Parole. Si nous voulons que la foi salvatrice de Calvin, de Bèze, Marot, d’Aubigné et d’un nombre sans fin d’autres disciples produise une nouvelle lignée de disciples en France, il faut que se produise un véritable renouveau de la prédication de la Bible.

Avant d’aborder le texte de 2 Corinthiens 4, je souhaite répondre à une objection: « Comment la prédication de la Parole serait-elle la seule manière de trouver une solution aux énormes problèmes de notre société sécularisée, à la crise de notre culture, au désintérêt de nos contemporains pour le message biblique jugé d’un autre temps? » Cette objection, soufflée par le démon, ne reflète pas la réalité. Les foules ne refusent pas d’écouter le message de la Parole, bien au contraire. En voici un exemple tiré de l’expérience que j’ai faite, il y a quelques années, à la Fondation Chalcédoine, en Californie, où j’ai travaillé comme rédacteur en chef du Journal of Christian Reconstruction (journal de la Reconstruction chrétienne).

Un jour, il a été décidé de consacrer un numéro de cette revue aux nouveaux ministères suscités par le souci de faire avancer le rétablissement, la reconstruction et la revivification du christianisme. Ces ministères sont destinés à essayer de stopper la dégénérescence de notre culture – pur produit de l’humanisme du siècle – et de l’inviter à se tourner vers la foi vivifiante en Jésus-Christ. Les enquêtes et les recherches menées à cette occasion nous ont fait découvrir des faits plus qu’encourageants. Nous avons rencontré de très nombreuses personnes de toutes les confessions et de tous les milieux: catholiques tridentins, intégristes de la mouvance conservatrice (Mgr Lefebvre, en Europe), chrétiens réformés de diverses tendances, des charismatiques, des aumôniers de prison, des enseignants dans des écoles chrétiennes noires, des personnes travaillant auprès des immigrants de langue espagnole, des représentants des mouvements du droit à la vie, etc.

Après avoir fait la synthèse de toutes les réponses, nous en sommes venus à nous poser la question: « Quel est l’élément moteur de toutes ces tentatives destinées à ramener notre culture au port d’attache de la foi chrétienne? » Et la réponse, à notre grand étonnement, a été la découverte qu’à la base de l’action de presque tous ceux qui travaillent dans des mouvements chrétiens, il y a une solide annonce de l’Evangile sous une forme ou sous une autre. C’est pourquoi il me semble possible d’affirmer, aujourd’hui, que même si l’action des Eglises ne peut pas se réduire à la seule prédication, partout où nous apportons la vie et la guérison, partout où le Royaume se construit et avance, l’Evangile est annoncé avec le soutien d’une intercession fervente. En un temps où deux courants contraires se disputent l’âme de tout homme – le sécularisme et le christianisme – rien n’apporte plus de bien, de lumière, de réconfort, de grâce à un chrétien que l’exercice d’un ministère de prédication de l’Evangile.

Que fait le sécularisme? Je vais prendre l’exemple d’un pays pourtant encore très religieux et qui m’est cher: l’Ecosse. La devise de Glasgow au temps de la Réforme était: « Que Glasgow s’épanouisse par la prédication de la Parole! » Trois siècles plus tard, vers 1900, le Conseil municipal l’a réduite à: « Que Glasgow s’épanouisse! » L’Ecosse, la France, la Suisse ont accueilli la Réforme par la prédication de la Parole en un temps où l’on était habitué à écouter prêcher. Et de nos jours, »les masses » ne veulent plus écouter une prédication, comme on le faisait autrefois. Certes, aux XVIe et XVIIe siècles, la prédication avait le grand avantage d’être la forme de communication la plus en vogue, la télévision, la radio et les journaux n’existant pas. Le professeur Christopher Hill, d’Oxford, un spécialiste de renom de l’histoire des puritains, remarque, en effet, que la ferveur qui entourait les prédicateurs puritains les plus populaires était, en tous points, comparable à l’adulation dont les vedettes du spectacle, du sport, etc., font l’objet aujourd’hui.

On comprend d’autant mieux que les prédicateurs de la Parole de Dieu n’ont plus l’audience et l’influence qu’ils avaient autrefois, si l’on ajoute que les médias donnent, en général, une image plutôt négative de l’action du ministère des chrétiens. Pourtant, ces mêmes médias reconnaissent que le pape Jean-Paul II et Billy Graham arrivent fort bien à se faire entendre des foules. Il n’est pas si sûr qu’ils soient des exceptions, comme on veut le faire croire. Des enquêtes récentes, faites aux Etats-Unis, ont montré que l’homme de la rue a généralement une vue plus positive des prédicateurs et de leur message que les médias ne le disent. C’est ainsi que les résultats d’un sondage d’opinion commandé par une compagnie d’assurances et portant sur les membres de différentes professions ont révélé un pourcentage surprenant d’appréciations positives, et donc de confiance, à propos des prêtres ou des pasteurs et de leur action; ce pourcentage est bien supérieur à ceux qui concernent les hommes d’affaires, les politiciens ou les hommes de communication.

Il est assez probable qu’il en serait de même en France. Pourtant si tel n’était pas le cas, je continuerais à maintenir que la Parole du Seigneur a autant de puissance aujourd’hui qu’hier pour retenir l’attention de ses auditeurs. Aussi est-il certain que les prédicateurs qui l’annoncent en seront heureusement surpris dès aujourd’hui et demain. Vivre à la fin du XXe siècle est un privilège même si la prédication n’est plus aussi populaire qu’au temps des Réveils. De nouvelles occasions se présentent à nous et de vastes secteurs de la culture humaniste et laïque de l’Occident commencent à se mettre à l’écoute de la Bonne Nouvelle. On ignore souvent qu’aux Etats-Unis, depuis la fin des années 70, la majorité des livres vendus ont trait à la religion, même si les grands journaux n’en font pas la recension ou ne signalent pas leur parution.

C’est pourquoi je me propose de vous donner quelques points d’ancrage qui vous permettront de renouveler votre vision de la prédication. Que l’Esprit saint aiguise nos visions en nous convainquant de l’énomre impact spirituel, personnel, social et culturel que peuvent avoir notre vie, notre prédication et notre prière pour transformer nos communautés. Oui, notre façon de vivre est importante si du moins nous nous donnons entièrement à l’effort de fidélité dans le travail et de persévérance dans l’annonce de la Parole de Dieu dans sa totalité.

L’historien Christopher Hill met en évidence, dans son livre Société et puritanisme, les effets fantastiques, mais décalés dans le temps, de la prédication des puritains au XVIIe siècle: au Parlement, dans les milieux d’affaires,… suscitant toute une série de réformes culturelles. Il en est encore ainsi aujourd’hui comme hier. Les effets de notre annonce de l’Evangile ne sont pas immédiatement visibles et c’est sans doute mieux ainsi: cela nous empêche de nous monter la tête en voyant les beaux effets de nos discours. Les prédicateurs que nous sommes sont des pécheurs comme n’importe qui d’autre!

Si notre prédication se fonde sur l’Ecriture, si elle est préparée dans la prière et si elle est prononcée par un personne soucieuse de mettre en pratique l’Evangile dans sa propre vie, elle sera toute-puissante et capable de changer un pays – la France… – , de le transformer radicalement en le conduisant vers une complète restauration spirituelle.

Le message que nous devons annoncer

C’est pourquoi, ayant ce ministère, selon la miséricorde qui nous a été faite, nous ne perdons pas courage.

Nous refusons les cachotteries honteuses; nous ne nous conduisons pas avec fourberie et nous n’altérons pas la parole de Dieu. Mais en manifestant la vérité nous nous recommandons à toute conscience humaine devant Dieu.

Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé les pensées, afin qu’ils ne voient pas resplendir le glorieux Evangile du Christ, qui est l’image de Dieu.

Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c’est le Christ-Jésus, le Seigneur, que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus.

Car Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a brillé dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. (2 Co 4:1-6)

Le contexte immédiat de ces versets est la deuxième épître aux Corinthiens, qui traite tout spécialement du ministère exercé par l’apôtre Paul. Le premier verset reprend le thème des premiers versets du chapitre précédent, dans lesquels Paul commence à défendre son action d’apôtre du Christ. On lui reprochait de ne pas être allé à Corinthe, d’avoir changé ses plans et d’être instable… Pour répondre à ces critiques il a écrit cette épître, qui est, en un sens, une défense de son ministère.

Ce faisant, Paul nous enseigne plusieurs vérités premières sur le ministère chrétien en général:

A) Paul doit surmonter beaucoup de difficultés

Paul est déterminé à rester dans son ministère quelles que soient les difficultés rencontrées. « Nous ne perdons pas courage » (v. 1). Ceux qui ont eu le privilège d’être en première ligne sur le front du ministère pastoral comprennent bien l’apôtre lorsqu’il énonce les réalités qui font souffrir: être pressés de tous côtés, désemparés, persécutés, abattus, portant dans leur corps la mort de Jésus. Il est bien vrai que des fardeaux très lourds, des renoncements coûteux lui ont été imposés à cause de sa manière d’exercer son ministère.

Les ministères bibliques impliquent toujours un sacrifice. Samuel Rutherford, un puritain d’Ecosse, disait: « C’est celui qui se tient le plus près du capitaine qui est le plus sûr d’être la cible des archers. » Les meilleurs d’entre nous se sentent parfois tout près de défaillir et incapables de résister aux pressions dont ils sont l’objet. Cela fait spirituel d’affirmer « nous portons toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus »; sans doute, mais c’est plus facile à dire qu’à vivre! En faire l’expérience est très dur et inconfortable. Pourtant, malgré la pleine conscience qu’il a des souffrances que cela implique, Paul maintient qu’il reste dans son ministère; il refuse d’y faillir.

Il explique, ensuite, pourquoi il ne veut pas abdiquer, car il a reçu « ce ministère selon la miséricorde qui nous a été faite ». Paul a rencontré Jésus-Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Il a reçu le message de la grâce pour la première fois lorsqu’il s’est converti; et puis, chaque fois qu’il est passé par les morts à soi-même qui sont nécessaires pour qu’un ministère porte ses fruits, il a rencontré le Seigneur Jésus-Christ et il a vraiment vécu au bénéfice de la grâce du pardon attesté par la résurrection de notre Sauveur, toujours vivant. Son ministère l’a souvent conduit à être battu ou jeté en prison, mais au lieu de perdre pied peu à peu, il a continuellement reçu la grâce, à savoir le pardon de Dieu, la grâce de la résurrection, cette sphère de vie à laquelle il a été élevé et qui l’a continuellement gardé du découragement, empêché de renoncer et de quitter le service du Seigneur. La seule façon pour les ministres du Christ de tenir face aux terribles pressions de la société païenne moderne est de recevoir pleinement la grâce.

C’est pourquoi si nous traversons des temps difficiles, si nous connaissons des situations difficiles à vivre – critiques, tentations, échecs, souffrances -, nous ne voulons pas et nous ne pouvons pas renoncer et quitter notre ministère, parce que nous continuons à recevoir la grâce. L’Esprit de Jésus-Christ ressuscité descend sur nous, les souffrants et les meurtris par nos échecs. Il nous remonte, il soigne nos blessures et nous console par la puissance de sa résurrection. Telle est la seule force qui puisse nous permettre de rester dans le ministère auquel Christ nous a appelés.

B) Paul s’en tient à la proclamation de l’Evangile

Quelles que soient les circonstances ou les occasions, Paul continue à exercer son ministère. Il se détourne de toutes les autres préoccupations pour se consacrer pleinement à la seule chose nécessaire:

Nous refusons les cachotteries honteuses; nous ne nous conduisons pas avec fourberie et nous n’altérons pas la parole de Dieu. Mais en manifestant la vérité nous nous recommandons à toute conscience humaine devant Dieu.

Cela veut dire que Paul s’attache à la vérité, à la Parole de Dieu. Et il ajoute:

Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c’est le Christ-Jésus, le Seigneur, que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus.

Ainsi Paul n’adhère et ne s’attache qu’à la seule somme, qu’à la seule substance de l’Evangile: le Messie, le Seigneur Jésus-Christ.

Il ne faut pas bien longtemps, étant pasteur d’une communauté, pour se persuader que pour bien faire une chose, il faut en laisser d’autres de côté. Il convient d’établir des priorités, car il est impossible d’accomplir tout ce que chaque membre de la paroisse (ou vous-même) voudrait que vous fassiez. Notons que Paul, lui aussi, a dû renoncer (v. 2) à bien des choses pour se consacrer à l’Evangile et se concentrer sur l’accomplissement d’un ministère qui lui soit fidèle.

Paul s’abstient délibérément de toute manipulation de la Parole de Dieu. Il aurait pu être tenté – qui ne le serait, parmi nous, pauvres humains? – de fausser l’interprétation de la Parole, de tordre le sens de celle-ci pour se rendre la vie plus facile, ou pour se présenter sous un meilleur jour, ou pour accroître son emprise sur ses auditeurs ou ses correspondants, ou pour leur plaire. Quel est le prédicateur qui n’a pas à résister à cette forme de tentation? Paul y résiste et se donne pour tâche de présenter la Parole de Dieu et de l’expliquer telle qu’elle a été écrite dans ce qu’elle dit, dans ce qu’elle demande et dans ce qu’elle peut nous apporter.

Cela implique, naturellement, de soumettre les aspects cachés de sa vie à la discipline de la Parole. Paul expérimente la croix du Christ; il s’applique à lui-même le tranchant de « l’épée de l’Esprit, qui est la Parole de Dieu » (Ep 6:17). Un saint ministre de l’Evangile du XIXe siècle, l’Ecossais Robert M. M’Cheyne, avait l’habitude de dire au groupe de collègues réformés avec lesquels il se réunissait chaque lundi: « Frères, nous devons prier Dieu pour qu’il fasse d’abord en nous ce que nous voudrions qu’il fasse dans nos paroissiens. » R. M. M’Cheyne, tout comme l’apôtre Paul, soumettait sa propre vie à la discipline de la croix et un grand réveil s’en est suivi dans son Eglise, en 1842. Paul s’est placé sous la discipline de cette même Parole qu’il cherchait à annoncer au monde. Plus on se laisse discipliner par la Parole, plus notre compréhension s’en trouve stimulée et plus forte est notre résolution de lui obéir fidèlement et de la répandre autour de nous.

L’apôtre Paul se lie à l’Evangile, il écarte la tentation de le diluer pour plaire aux pécheurs de son troupeau et faciliter ainsi l’exercice de son ministère. Il refuse « les cachotteries honteuses » les choses malhonnêtes, appliquant en cela ce qu’il écrit déjà dans l’épître aux Romains:

Je n’ai pas honte de l’Evangile; c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit. (1:16)

Paul place son principal sujet de fierté dans ce que la Parole accomplit et, pour cela, il accepte d’être vulnérable afin qu’elle travaille en lui et qu’ensuite il la transmette telle qu’il l’a reçue aux communautés évangéliques auxquelles il s’adresse, sans l’altérer pour leur plaire.

Paul fait plus pour la diffusion de l’Evangile: il tient ferme dans son attachement à la Parole même si on la rejette autour de lui.

Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le dieu de siècle a aveuglé les pensées, afin qu’ils ne voient pas resplendir le glorieux Evangile du Christ, qui est l’image de Dieu. (2 Co 4:3-4)

Ailleurs, Paul compare la diffusion en nous de la connaissance de Dieu à celle des senteurs douces de l’encens, comme il devait s’en répandre, dans les rues de la Rome antique, à l’occasion des parades organisées pour le triomphe d’un général vainqueur. Paul explique qu’il peut y avoir deux réactions opposées à ce parfum: pour les uns, c’est une bonne odeur, « une odeur de vie, donnant la vie », et pour les autres, « une odeur de mort, qui mène à la mort » (2 Co 2:16).

Comme il est étrange qu’une même substance, un même parfum suscite des réactions tellement opposées! Il en est ainsi pour notre prédication, comme j’en ai fait l’expérience, lors d’un culte. J’ai vu une personne passer de la mort à la vie au cours du sermon; elle était devenue tout à coup capable de sentir, de humer le parfum de la prédication du Christ et d’y trouver la douceur même de la vie. Mais, ô contraste, au même moment, une autre personne a été irritée par le même sermon et est rentrée chez elle déçue par le prédicateur.

Au chapitre 4 de la seconde épître aux Corinthiens, Paul utilise une autre image, celle de la lumière, mais l’idée reste la même qu’au chapitre 2. Certains voient la lumière, ils perçoivent le visage de Jésus, resplendissant de la beauté et de la gloire divine, et ils adhèrent profondément, en leur coeur, au plan de salut de Dieu, qui passe par la croix. Mais ce qui resplendit aux yeux des uns est totalement voilé aux autres, même s’ils sont très intelligents; ou bien, s’ils voient, ce qu’ils voient les met en colère. Frères pasteurs, ministres de l’Evangile, si votre prédication n’irrite jamais personne, il y a probablement quelque chose qui ne va pas dans votre façon de prêcher.

Que faites-vous si des membres de votre Eglise rejettent votre prédication et vous en veulent peut-être pour ce que vous avez dit? Allez-vous quitter le ministère ou bien accepterez-vous de diluer les vérités qui dérangent ou offensent vos auditeurs? Bien sûr que non! Avec l’aide de la grâce de Dieu, vous ferez exactement comme l’apôtre Paul: vous en tenir fermement à l’Evangile envers et contre tout.

Face au refus de l’Evangile – rejet de la divinité du Christ, du salut apporté par la sang de l’Agneau… – et lorsque le découragement nous guette, relisons le verset 4 qui explicite la véritable raison de ce refus. Derrière lui, il y a le dieu de ce siècle, dont l’action empêche un homme ou une femme de recevoir le Christ, car l’Evangile est plein de bon sens, il est raisonnable, logique et… merveilleux.

Etre justifié devant Dieu par le pardon qu’il nous a accordé, être en communion avec Dieu par le Saint-Esprit, savoir que nos prières ne restent pas sans réponse, voir la main de Dieu modeler notre vie et celle de tous ceux qui nous entourent, être pleinement assuré que Dieu nous aime et qu’il ne nous abandonnera jamais… tout cela est tellement beau et désirable qu’il faut vraiment tout l’arsenal de la puissance du diable pour aveugler l’entendement humain. En tant que calviniste, je sais que l’esprit de l’homme est faillible et qu’il est incapable de croire à moins que le Saint-Esprit ne l’ait régénéré… Le texte nous dit que c’est l’oeuvre du démon qui empêche les hommes de voir la lumière, de sentir la douceur du parfum de Jésus-Christ. Aussi Paul nous dit-il: « Je persiste dans ma prédication quand Satan est à l’oeuvre. »

Si nous nous exprimions sur la façon dont nous voyons Satan à l’oeuvre pour contrecarrer l’exercice de notre ministère, pour nous détourner de prêcher la Vérité, nous ne ferions pas preuve d’un complexe de persécution. Tout comme Paul, il faut continuer à annoncer la Parole de Dieu, que les attaques soient directes ou plus fréquemment indirectes (votre façon de vous habiller, votre accent, votre entourage familial…). Vous serez harcelés de bien des façons, mais vous résisterez avec l’aide du Seigneur, lui demandant de nous accorder la grâce de discerner au-delà des manifestations extérieures d’hostilité le véritable besoin spirituel qu’elles recouvrent et de nous aider à traiter les opposants en frères en qui il y a le germe de la conversion. Parmi ceux qui résistent aux débuts d’un ministère fidèle dans l’annonce de la Parole, il y en aura qui se convertiront tôt ou tard. Dieu retourne un certain nombre de ces adversaires et barre ainsi la route à Satan; « l’homme fort a été lié », le Saint-Esprit est venu agir et a tiré de leur geôle les prisonniers de Satan pour les attacher au Corps du Christ.

Face à l’activité bien réelle du Diable, il faut continuer à proclamer la vérité, se demander comment faire du bien à ses adversaires, prier sans cesse pour eux et, surtout, ne pas briser la communication avec eux. Soyez convaincus, en tenant ferme à l’Evangile, que Dieu va travailler en son temps. Cette conviction est une grande aide pour conserver un bon équilibre psychologique, garder un certain sens de l’humour et poursuivre sa mission puisque « vous avez reçu la grâce ».

C) Paul explique d’où il tient le pouvoir de s’attacher si fermement à l’Evangile

Car Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a brillé dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. (v.6)

Par la conjonction car, nous avons l’explication de l’attachement de Paul à l’Evangile et, lorsqu’il se présente lui-même, de sa constante référence à l’état de serviteur, d’esclave du Seigneur Jésus: le Seigneur Jésus a illuminé le coeur de Paul, son âme et même son visage. En Jésus-Christ ressuscité, notre Sauveur crucifié, qui règne pour notre salut, Paul a vu resplendir la gloire de Dieu. Cela est si frappant que plusieurs exégètes ont émis l’idée que la faiblesse de la vue de Paul était la conséquence de sa vison du Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Vrai ou faux, impossible à dire, mais il est certain que Paul a vu la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ; celle qui émanait de la nuée lumineuse et surnaturelle de la Shekinah, précédant le tabernacle de l’arche de l’Alliance, lors de la marche des Israélites dans le désert; celle qui resplendissait dans le saint des saints du temple de Salomon. Cette nuée prodigieuse manifestait la présence de Dieu.

Le prologue de l’évangile de Jean le dit bien: « La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous. » La Parole de Dieu, le logos, la seconde personne de la Trinité, a planté sa tente parmi nous. Dieu est devenu un homme sans cesser d’être Dieu. La plénitude de la réalité de Dieu est venue habiter, s’incarner dans le corps et la personnalité de Jésus.

Cette gloire divine a généralement été cachée pendant les jours de la vie terrestre de Jésus, de sa vie d’humiliation. Comme l’a écrit Paul dans sa lettre aux Philippiens (2:1-9): « Il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix » et Dieu l’a ensuite « souverainement élevé ». Son corps a quitté le séjour des morts pour la gloire de Dieu. Jésus est maintenant l’homme dans la gloire et il règne souverainement de son trône. C’est ce Jésus en gloire qui a fait passer Saul de Tarse « des ténèbres à son admirable lumière ». Christ aimait Paul dès avant la création du monde puis, les temps étant accomplis (Ga 4:4), il est mort sur la croix pour les péchés de l’apôtre, avant de faire luire la lumière de sa gloire et de son salut sur le visage et l’âme, enténébrés et perdus, de Paul. Le Seigneur Jésus a sauvé Paul pour l’appeler au ministère de la prédication.

C’est pourquoi, quelles que soient les circonstances, Paul tiendra toujours au ministère de la Bonne Nouvelle, parce qu’il a vu la gloire de Dieu sur le visage resplendissant de Jésus. Et cette gloire régénératrice était si belle que Paul n’a pas pu la garder pour lui seul. Il fallait qu’il la partage autour de lui dans le monde, en exerçant ce ministère de la Parole: dire au monde, dire à sa génération – en s’usant à parcourir les routes de terre et de mer, partout, dans les synagogues comme dans les prisons -, parler à tous de la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ, dire la transformation merveilleuse que cette gloire apporte à la vie et à la personne des pécheurs. Paul s’est donné tout entier à sa tâche, proclamant partout l’Evangile, cette Bonne Nouvelle qu’un pécheur peut regarder la gloire de Dieu sur le visage de son Fils et commencer une vie nouvelle. Tel est aussi le seul but du ministère chrétien.

Nous devons prêcher sans cesse et en tous lieux cette Bonne Nouvelle que contient chaque portion des Ecritures inspirées. Lorsque les vérités de l’Ecriture sont proclamées par un prédicateur fidèle et portées par les prières des saints, la gloire du Christ descend sur les communautés et illumine leurs membres.

La deuxième épître de Paul aux Corinthiens précise ce qui arrive à un homme, ou à une femme, lorsqu’il, ou elle, a vu la gloire de Dieu sur le visage de Jésus:

Nous tous, qui le visage dévoilé, reflétons comme un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit. (3:18)

Si cela est vrai et pour que cela devienne réalité, comment hésiterions-nous, nous qui avons été appelés au ministère, à payer le prix, quel qu’il soit, pour vivre et prêcher cet Evangile de grâce et de gloire?


* Le Dr Douglas F. Kelly est professeur au Reformed Theological Seminary de Jackson, Mississipi, Etats-Unis.

1 [2] Ce texte est celui d’une des trois conférences données par D. F. Kelly, lors de la Pastorale de Dijon 1987. Le texte des deux autres paraîtra dans les prochains numéros de la revue.