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3) Sur l’inerrance biblique – 1re Déclaration de Chicago, 28 octobre 1978

Sur l’inerrance biblique
1re Déclaration de Chicago, 28 octobre 1978

I. Un résumé

1. Dieu, qui est lui-même la Vérité et ne dit que le vrai, a inspiré l’Ecriture sainte pour se révéler lui-même par elle aux hommes perdus, pour se révéler en Jésus-Christ comme le Créateur et le Seigneur, le Rédempteur et le Juge. L’Ecriture sainte est le témoignage que Dieu se rend à lui-même.

2. L’Ecriture sainte, puisqu’elle est la Parole même de Dieu, écrite par des hommes préparés et gouvernés par son Esprit, a une autorité divine infaillible sur tous les sujets qu’elle touche: nous devons la croire, comme instruction de Dieu, en tout ce qu’elle affirme; nous devons lui obéir, comme commandement de Dieu, en tout ce qu’elle prescrit; nous devons nous attacher à elle, comme engagement de Dieu, en tout ce qu’elle promet.

3. Le Saint-Esprit, son divin Auteur, nous assure de la vérité de l’Ecriture par son témoignage intérieur et nous ouvre, en même temps, l’intelligence pour que nous percevions le sens des Paroles.

4. Inspirée par Dieu totalement et verbalement, l’Ecriture est exempte d’erreurs ou de fautes dans tout son enseignement, non moins dans ce qu’elle déclare des actes créateurs de Dieu et des événements de l’histoire du monde, et au sujet de sa production littéraire (telle que Dieu l’a conduite), que dans son témoignage à l’oeuvre de la grâce divine pour le salut personnel.

5. On lèse inéluctablement l’autorité de l’Ecriture si on limite ou néglige d’aucune manière cette totale inerrance divine, ou si on l’asservit à une conception de la vérité contraire à la conception biblique: la vie de l’individu et celle de l’Eglise souffrent gravement de telles défaillances.

II. XIX articles

Art. I – Nous affirmons qu’il faut recevoir les saintes Ecriturescomme la Parole de Dieu, revêtue de son autorité.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle les Ecritures recevraient leur autorité de l’Eglise, de la tradition, ou de toute autre source humaine.

Art. II Nous affirmons que les Ecritures sont la norme écrite suprême par laquelle toute conscience est liée par Dieu, et que l’autorité de l’Eglise est subordonnée à celle de l’Ecriture.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle les symboles confessionnels de l’Eglise, ses conciles ou ses déclarations auraient une autorité supérieure ou égale à l’autorité de la Bible.

Art. III Nous affirmons que la Parole écrite dans son intégralité est révélation venant de Dieu.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle la Bible ne serait qu’un témoignage à la révélation, ou qu’elle deviendrait seulement révélation dans l’événement de la rencontre, ou qu’elle dépendrait, pour être validement révélation, de la réponse des hommes.

Art. IV Nous affirmons que Dieu, qui a fait l’humanité à son image, a employé le langage comme un mode de révélation.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle le langage humain serait tellement affecté par notre finitude de créatures qu’il en deviendrait inadéquat pour véhiculer la révélation divine. Nous rejetons aussi l’opinion selon laquelle la corruption du langage et de la culture par le péché aurait empêché l’oeuvre divine de l’inspiration.

Art. V – Nous affirmons que la révélation de Dieu dans les Saintes Ecritures a été progressive.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle une révélation ultérieure (qui peut accomplir une révélation antérieure) pourrait jamais la corriger ou la contredire. Nous excluons aussi qu’une révélation normative ait été donnée depuis l’achèvement des écrits du Nouveau Testament.

Art. VI Nous affirmons que l’Ecriture entière et toutes ses parties, jusqu’aux mots mêmes de l’original, ont été données par inspiration divine.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle l’Ecriture serait inspirée comme un tout mais non pas en chaque partie, ou, au contraire, en certaines de ses parties mais non pas en son tout.

Art. VII Nous affirmons que l’inspiration a été l’oeuvre de Dieu: Dieu nous a communiqué sa Parole par son Esprit, au moyen des hommes qui l’ont écrite. L’Ecriture a une origine divine. Le mode de l’inspiration divine reste en grande partie pour nous un mystère.

Nous rejetons l’opinion qui réduit l’inspiration à quelque forme de perspicacité humaine ou d’état de conscience exalté.

Art. VIII Nous affirmons que Dieu, dans l’oeuvre de l’inspiration, a employé les traits propres de la personnalité des auteurs qu’il avait choisis et préparés, comme leur style personnel.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle Dieu, puisqu’il leur a fait écrire les mots mêmes qu’il avait choisis, aurait étouffé leur personnalité.

Art. IX – Nous affirmons que l’inspiration, sans conférer d’omniscience, a garanti que les énoncés des auteurs bibliques sont vrais et dignes de foi sur tous les sujets dont ils ont été conduits à parler ou écrire.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle la finitude ou la nature pécheresse de ces auteurs aurait, de manière nécessaire ou non, introduit quelque fausseté, quelque distorsion, dans la Parole de Dieu.

Art. X Nous affirmons que l’inspiration, au sens strict, ne vaut que du texte des autographes bibliques, texte que les manuscrits parvenus jusqu’à nous (Dieu y a veillé dans sa providence) permettent d’établir avec une grande exactitude. Nous affirmons encore que les copies et les traductions des Ecritures sont la Parole de Dieu dans la mesure où elles se conforment fidèlement à l’original.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle l’absence des autographes rendrait problématique l’un ou l’autre des éléments essentiels de la foi chrétienne. Nous nions, en outre, que cette absence invalide l’affirmation de l’inerrance biblique ou lui enlève sa portée.

Art. XI Nous affirmons que l’Ecriture, divinement inspirée, est infaillible, de telle sorte que, loin de nous égarer, elle est vraie et sûre sur tous les points qu’elle traite.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle la Bible pourrait à la fois être infaillible et errer dans ce qu’elle énonce. On peut distinguer infaillibilité et inerrance, mais non les séparer.

Art. XII Nous affirmons que l’Ecriture dans son intégralité est inerrante, exempte de toute fausseté, fraude ou tromperie.

Nous rejetons l’opinion qui limite l’infaillibilité et l’inerrance de la Bible aux thèmes spirituels, religieux, ou concernant la rédemption, et qui exclut les énoncés relevant de l’histoire et des sciences. Nous déclarons, en outre, illégitime l’emploi d’hypothèses scientifiques sur l’histoire de la terre pour renverser l’enseignement de l’Ecriture sur la création et le déluge.

Art. XIII Nous affirmons que le mot d’inerrance convient, comme terme théologique, pour caractériser l’entière vérité de l’Ecriture.

Nous rejetons la démarche qui impose à l’Ecriture des canons d’exactitude et de véracité étrangers à sa manière et à son but. Nous rejetons l’opinion selon laquelle il y aurait démenti de l’inerrance quand se rencontrent des traits comme ceux-ci: absence de précision technique à la façon moderne, irrégularités de grammaire ou d’orthographe, référence aux phénomènes de la nature tels qu’ils s’offrent au regard, mention de paroles fausses mais qui sont seulement rapportées, usage de l’hyperbole et de nombres ronds, arrangement thématique des choses racontées, diversité dans leur sélection lorsque deux ou plusieurs récits sont parallèles, usage de citations libres.

Art. XIV Nous affirmons l’unité et l’harmonie interne de l’Ecriture.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle les prétendues erreurs et contradictions que l’on n’a pas encore résolues infirmeraient ce que la Bible dit de sa vérité.

Art. XV – Nous affirmons que la doctrine de l’inerrance se fonde sur l’enseignement de la Bible au sujet de son inspiration.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle on pourrait négliger l’enseignement de Jésus sur l’Ecriture en invoquant une accommodation de sa part aux idées de son temps, ou toute limitation naturelle de son humanité.

Art. XVI Nous affirmons que la doctrine de l’inerrance a fait partie intégrante de la foi tout au long de son histoire.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle l’inerrance est une doctrine inventée par le protestantisme scolastique, ou est une thèse de pure réaction née de l’opposition à la haute critique négative.

Art. XVII Nous affirmons que le Saint-Esprit rend témoignage aux Ecritures, assurant les croyants de la vérité de la Parole écrite de Dieu.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle ce témoignage du Saint-Esprit pourrait s’isoler de l’Ecriture ou la contredire.

Art. XVIII Nous affirmons qu’il faut interpréter l’Ecriture par une exégèse grammaticale et historique en tenant compte des formes et procédés littéraires, et qu’il faut interpréter l’Ecriture par l’Ecriture.

Nous rejetons comme illégitime tout traitement du texte, ou toute recherche de ses sources, qui conduirait à relativiser, « dé-historiciser », ou annuler son enseignement, ou qui ferait refuser ses indications quant aux auteurs humains.

Art. XIX Nous affirmons vitale pour la saine compréhension de la foi chrétienne dans son entier la confession de la pleine autorité, infaillibilité et inerrance de l’Ecriture. Nous affirmons, en outre, qu’une telle confession devrait nous conduire à nous conformer toujours plus à l’image du Christ.

Nous rejetons l’opinion selon laquelle pareille confession serait nécessaire au salut. Cependant, nous rejetons aussi l’opinion selon laquelle on pourrait nier l’inerrance sans que de graves conséquences s’ensuivent, pour le croyant individuellement et pour l’Eglise.

III. Exposé

Notre compréhension de la doctrine de l’inerrance doit se loger dans le plus vaste contexte de l’enseignement de l’Ecriture sur elle-même. L’exposé ci-dessous esquisse le schéma doctrinal duquel notre résumé et les articles procèdent.

A) Création, révélation, inspiration

Le Dieu trinitaire, qui a tout formé par ses commandements créateurs et qui gouverne tout par sa parole, son décret, a fait l’homme à son image pour que l’homme vive en communion avec lui, d’après le modèle de l’éternelle communion d’amour au sein de la divinité. Créé à l’image de Dieu, l’homme devait entendre la Parole que Dieu adressait et répondre dans l’obéissance joyeuse de l’adoration. Outre la manifestation de Dieu dans l’ordonnance de la Création et dans les événements successifs dont l’univers créé a été le théâtre, les êtres humains, depuis Adam, ont reçu du Créateur des messages de nature verbale: soit directement, comme l’Ecriture le rapporte, soit indirectement, sous la forme du texte scripturaire ou d’une partie de ce texte.

Quand Adam est tombé, le Créateur n’a pas abandonné l’humanité à une condamnation définitive, mais il a promis le salut et a commencé à se révéler lui-même comme Rédempteur dans une série d’événements historiques intéressant surtout la famille d’Abraham et culminant dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ, son ministère céleste actuel et son retour, objet de la promesse.

Dans ce cadre, à divers moments, Dieu a prononcé des paroles précises de jugement et de miséricorde, de promesse et de commandement, adressées à des pécheurs pour les faire entrer dans une alliance avec lui: l’alliance est engagement mutuel, il les bénit en répandant sur eux ses bienfaits, ils le bénissent comme ils l’adorent en retour. Moïse, médiateur établi par Dieu pour porter ses paroles à son peuple lors de l’Exode, vient en tête d’un long cortège de prophètes dans la bouche et les écrits desquels Dieu a mis ses paroles pour Israël.

Dieu voulait, par ces messages successifs, maintenir son alliance en faisant connaître à son peuple son Nom (c’est-à-dire sa nature) et sa volonté: ses préceptes et ses desseins, dans le présent et pour l’avenir. La lignée des porte-parole prophétiques de Dieu aboutit à Jésus-Christ, la Parole de Dieu incarnée, lui-même prophète – plus que prophète mais non pas moins – et aux apôtres et prophètes de la première génération chrétienne.

L’ultime et suprême message de Dieu, sa parole au monde concernant Jésus-Christ, une fois prononcé, puis expliqué par les membres du cercle apostolique, la série des messages révélationnels est venue à son terme. Il fallait désormais à l’Eglise vivre et connaître Dieu par ce qu’il avait déjà dit, et dit pour tous les temps.

Au Sinaï, Dieu a inscrit les clauses de son alliance sur des tables de pierre, témoignage durable et toujours accessible. Au cours de la période de révélation prophétique et apostolique, il a poussé des hommes à écrire les messages qu’ils avaient reçus de lui, à les accompagner du récit de ses interventions dans l’histoire de son peuple, de réflexions morales sur la vie dans l’alliance et de toutes sortes de louanges et de prières relatives à la grâce de Dieu dans son alliance.

Du point de vue théologique, l’inspiration qui a produit les écrits bibliques correspond à celle des prophéties orales: bien que la personnalité des auteurs humains se soit exprimée dans leurs écrits, Dieu en a constitué les termes. Ainsi, ce que l’Ecriture dit, Dieu le dit; l’autorité de l’Ecriture est son autorité, car il en est ultimement l’Auteur; il nous l’a donnée par le moyen des pensées et de l’expression de ces hommes choisis et préparés qui « ont parlé de la part de Dieu », librement et fidèlement, selon qu’ils étaient portés par l’Esprit saint (2 Pierre 1:21). C’est en vertu de sa divine origine que l’Ecriture mérite d’être reconnue comme la Parole de Dieu.

B) Autorité: le Christ et la Bible

Jésus-Christ, le Fils de Dieu, la Parole faite chair, notre Prophète, Sacrificateur et Roi, est l’ultime Médiateur de la communication de Dieu avec l’homme comme il l’est de tous les dons de la grâce. La révélation qu’il apportait était plus que verbale; il révélait le Père par sa présence aussi et ses actes. Néanmoins, ses paroles ont une importance cruciale; car il était Dieu, il parlait comme tenant tout du Père, et ses paroles jugeront les hommes au dernier jour.

Messie annoncé par les prophètes, Jésus-Christ est le centre de l’Ecriture. L’Ancien Testament l’espère; le Nouveau Testament proclame sa première venue et relance l’espérance dans l’attente de son retour. L’Ecriture canonique est le témoignage divinement inspiré, et partant normatif, au Christ. Toute herméneutique, par conséquent, qui ne « focalise » pas sur le Christ historique est inacceptable. Il faut traiter l’Ecriture sainte comme ce qu’elle est essentiellement – le témoignage du Père au Fils incarné.

Au temps de Jésus, il semble bien que le canon de l’Ancien Testament avait été défini. Le canon du Nouveau Testament est aujourd’hui semblablement clos, puisque aucun témoignage apostolique nouveau au Christ historique ne peut plus être rendu. Aucune révélation nouvelle (à distinguer de l’intelligence accordée par l’Esprit de la révélation transmise) ne s’ajoutera jusqu’au retour du Christ. Dans son principe, c’est l’inspiration divine qui a fait le canon. La part de l’Eglise a été de discerner le canon que Dieu avait produit, et non pas d’en inventer un à elle.

Le mot canon, qui signifie « règle », évoque l’autorité, c’est-à-dire le droit de régir et de gouverner. L’autorité dans le christianisme appartient à Dieu dans sa révélation, ce qui signifie à Jésus-Christ, d’une part, la Parole vivante, et à l’Ecriture sainte, d’autre part, la Parole écrite. Mais l’autorité du Christ et celle de l’Ecriture n’en font qu’une. Le Christ, notre Prophète, atteste que l’Ecriture ne peut pas être abolie. Sacrificateur et Roi, il a consacré sa vie à l’accomplissement de la Loi et des prophètes, jusqu’à mourir dans l’obéissance aux prophéties messianiques. Ainsi de même qu’il a vu dans l’Ecriture le témoignage à son autorité personnelle, il a rendu témoignage à l’autorité de l’Ecriture en s’y soumettant lui-même. Comme il s’est incliné devant l’instruction de son Père, dans sa Bible (notre Ancien Testament), ainsi il demande à ses disciples de le faire – non pas, cependant, à l’égard de l’Ancien Testament, isolément, mais en y conjoignant le témoignage que les apôtres lui ont rendu, et qu’il a lui-même inspiré en leur donnant son Saint-Esprit.

Les chrétiens se montrent de fidèles serviteurs de leur Seigneur en s’inclinant devant l’instructon divine dispensée dans les écrits prophétiques et apostoliques – leur ensemble constitue notre Bible.

En s’authentifiant mutuellement, le Christ et l’Ecriture deviennent de façon solidaire une unique source d’autorité. Le Christ interprété par la Bible et la Bible qui proclame le Christ en son centre sont, de ce point de vue, un. Du fait de l’inspiration, nous concluons: ce que l’Ecriture dit, Dieu le dit. De la relation entre Jésus-Christ et l’Ecriture, telle qu’elle nous est révélée, nous pouvons pareillement tirer cette proposition: ce que l’Ecriture dit, le Christ le dit.

C) Infaillibilité, inerrance, interprétation

L’Ecriture sainte, Parole inspirée de Dieu, témoignage autorisé rendu à Jésus-Christ, sera justement dite infaillible et inerrante. Ces mots négatifs sont particulièrement précieux, car ils sauvegardent explicitement des vérités positives d’importance cruciale.

Infaillible signifie: qui ne trompe ni ne se trompe; l’adjectif sauvegarde catégoriquement cette vérité: l’Ecriture sainte est, sur tout sujet, une règle et un guide sûrs et certains.

Inerrante, de même, signifie: exempte de toute fausseté ou de toute faute; l’adjectif sauvegarde cette vérité: l’Ecriture est entièrement vraie et digne de foi dans tous ses énoncés.

Nous affirmons que l’Ecriture canonique devrait toujours être interprétée sur la base de son infaillibilité et de son inerrance. Cependant, quand nous déterminons ce que l’auteur (enseigné de Dieu) énonce dans un passage donné, nous devons prêter la plus grande attention, soigneusement, à la présentation et au caractère du texte comme production humaine. En inspirant les rédacteurs de son message, Dieu a utilisé la culture et les conventions de l’environnement de ces hommes, environnement régi par la souveraine providence divine; imaginer qu’il en a été autrement, c’est interpréter de travers.

Ainsi il faut traiter l’histoire comme de l’histoire, la poésie comme de la poésie, les hyperboles et les métaphores comme des hyperboles et des métaphores, les généralisations et approximations comme telles, et ainsi de suite. Il faut respecter les différences qui existent entre les conventions littéraires des temps bibliques et les nôtres: puisque, par exemple, on acceptait alors comme chose habituelle, qui ne décevait aucune attente, des récits dans un ordre non chronologique et des citations imprécises, nous ne devons pas considérer ces choses comme des fautes quand nous les trouvons chez les écrivains bibliques. Puisqu’on n’attendait pas et qu’on ne cherchait pas une précision totale (dans tel ou tel ordre), ce n’est pas une erreur si elle n’est pas atteinte.

L’Ecriture est inerrante non pas au sens qu’elle se conformerait parfaitement aux canons modernes de précision, mais au sens qu’elle tient ses promesses de véracité et réalise cette expression de la vérité que les auteurs visaient, sous l’angle qu’ils avaient choisi.

La présence dans la Bible d’irrégularités grammaticales ou orthographiques, de descriptions de faits naturels selon les apparences, de mentions de propositions fausses (par exemple, les mensonges de Satan), ou d’apparentes divergences entre passages différents, ne dément pas l’entière véracité de l’Ecriture. On n’a pas le droit d’opposer ces prétendus « phénomènes » de l’Ecriture à l’enseignement de l’Ecriture sur elle-même. Il ne s’agit pas d’ignorer les difficultés. Leur solution, quand on trouve une solution convaincante, encourage notre foi; quand, pour le moment, nous n’en trouvons pas, nous rendons gloire à Dieu en croyant sa Parole vraie, comme il nous l’assure, malgré les apparences et en continuant d’attendre avec confiance le jour qui dissipera ces difficultés comme autant d’illusions.

Etant donné que l’Ecriture est le produit de l’unique intelligence divine, l’interprétation doit respecter les lignes que trace l’analogie des Ecritures, elle doit repousser les corrections hypothétiques d’un passage biblique par un autre, soit qu’on les propose au nom de la révélation progressive, soit qu’on plaide l’insuffisance des lumières imparfaites de l’auteur inspiré.

Bien que l’Ecriture sainte ne soit nulle part liée à la culture de son temps dans le sens que son enseignement ne serait pas universellement valide, elle est parfois conditionnée culturellement par les coutumes et les conventions d’une période particulière, de telle sorte que l’application de ses principes aujourd’hui prend une forme modifiée.

D) Scepticisme et critique

Depuis la Renaissance, et plus spécialement depuis le Siècle des Lumières, on voit s’édifier des conceptions du monde sceptiques à l’égard de convictions chrétiennes fondamentales. Ainsi l’agnosticisme qui nie que Dieu soit connaissable, le rationalisme qui nie son incompréhensibilité, l’idéalisme qui nie sa transcendance, et l’existentialisme qui nie la rationalité de ses relations avec nous. Quand ces principes non bibliques s’insinuent dans la théologie, au niveau des présupposés – c’est chose fréquente aujourd’hui – il devient impossible d’interpréter fidèlement l’Ecriture sainte.

E) Transmission et traduction

Puisque Dieu n’a promis nulle part que l’Ecriture serait transmise sans erreur, il faut bien affirmer que seul le texte des autographes, des documents originaux a été inspiré, et il faut bien maintenir que la critique textuelle est nécessaire pour détecter toute altération introduite dans le texte au cours de sa transmission. La conclusion de ce travail scientifique, cependant, c’est que le texte hébreu et grec se révèle étonnamment bien conservé, si bien que nous avons tout à fait le droit d’affirmer, avec la Confession de Westminster, que Dieu y a veillé spécialement dans sa providence, et que l’autorité de l’Ecriture n’est en rien menacée si les manuscrits que nous détenons ne sont pas totalement sans erreur.

De même, aucune traduction n’est parfaite, ni ne peut l’être, et toute traduction nous éloigne d’un pas supplémentaire des autographes. Mais les sciences du langage permettent de déclarer que les chrétiens de langue anglaise au moins sont en notre temps magnifiquement servis par de nombreuses traductions excellentes[1] [1]; sans hésiter, nous pouvons conclure que la Parole de Dieu est à leur portée. A coup sûr, l’Ecriture répète si souvent ses affirmations principales, et le Saint-Esprit rend si bien témoignage dans et par la Parole qu’aucune traduction sérieuse de l’Ecriture sainte ne détruira son sens au point qu’elle ne puisse plus rendre son lecteur « sage à salut par la foi dans le Christ Jésus » (2 Timothée 3:15).

F) Inerrance et autorité

Lorsque nous affirmons l’autorité de l’Ecriture, et qu’elle implique sa totale vérité, nous avons conscience de nous ranger derrière le Christ et ses apôtres, derrière toute la Bible en fait, et la majeure partie de l’Eglise depuis les premiers jours jusqu’à tout récemment. Ce qui cause notre souci, c’est la manière négligente, insouciante, apparemment irréfléchie, dont plusieurs à notre époque abandonnent un article de foi d’une si grande portée.

Nous avons conscience aussi du résultat qu’entraîne l’abandon de la croyance en la totale vérité de la Bible par qui professe reconnaître toujours son autorité: la plus grave confusion. La Bible que Dieu a donnée perd en fait son autorité; ce qui possède l’autorité, c’est une Bible diminuée dans son contenu selon les exigences des raisonnements critiques et que rien, en principe, n’empêchera de diminuer encore, une fois qu’on a commencé. Au fond, c’est une raison indépendante qui détient maintenant l’autorité, et non pas l’enseignement scripturaire.

Si la lucidité manque sur ce point, et si, pour un temps, il y a maintien des doctrines évangéliques principales, des personnes qui nient l’entière vérité de l’Ecriture pourront revendiquer le titre d’évangéliques. En réalité, méthodologiquement, elles se sont détachées du principe évangélique de la connaissance, elles ont commencé à verser dans un subjectivisme instable, elles auront du mal à ne pas glisser plus loin[2] [2].

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Notre affirmation: ce que l’Ecriture dit, Dieu le dit.

A lui soit la gloire! Amen! Amen!


1 [3] On peut en dire tout autant pour la langue française.

2 [4] Ce que l’on observe, à l’heure actuelle, dans bien des milieux « évangéliques », valide cette affirmation. Voir aussi « La Déclaration de Cambridge » dans La Revue réformée (1997:2), 61-68 (n.d.l.r.).