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Vous avez dit : défi ?

Vous avez dit : défi?

Pierre COSTE*

Malheur à ceux qui appellent le mal bien,
Et le bien mal,
Qui changent les ténèbres en lumière,
Et la lumière en ténèbres,
Qui changent l’amertume en douceur
Et la douceur en amertume!
(Esaïe 5:20)

Vous avez dit: défi? Mais un défi, qu’est-ce au juste? Le dictionnaire Larousse parle de provocation, d’incitation à la lutte, au combat, à la comparaison avec la prétention de faire mieux que…

Les sectes, consciemment ou inconsciemment, lancent aux Églises établies et à la société en général le défi de faire mieux qu’elles. Volontairement ou involontairement, les sectes accusent les Églises et la société d’incapacité, d’échec, d’indifférence, voire de malfaisance, vis-à-vis des individus. Elles prétendent vouloir, devoir, réussir, faire mieux pour les hommes que ne l’ont réalisé jusqu’ici la société et les Églises établies.

Le défi lancé serait: « Qui pense et agit le mieux au bénéfice des hommes: les Églises établies et la société ou bien les sectes? » Une grande distinction s’impose: influencer ou manipuler.

A) Influencer

L’homme est heureusement et utilement un être à la fois « influenceur » et influençable. Toute la vie familiale, sociale, éducative, politique et religieuse se déroule dans une réalité d’influences variées, nombreuses, plus ou moins fortes, plus ou moins durables, plus ou moins élaborées, plus ou moins conscientes, plus ou moins directes, plus ou moins voulues. L’être humain, dit-on, ne peut se développer et vivre vraiment sans les autres. Ce que l’on ne dit jamais assez, c’est que les autres permettent à chacun de devenir réellement lui-même ou réellement homme; non seulement par des contenus d’information, des modèles, des idéaux, mais surtout parce que ces modèles ne façonnent structurellement et fonctionnellement l’être en développement, en formation et en évolution, en majeure partie, que par des processus d’influence.

L’homme naît, grandit et vit dans une atmosphère d’influences. Sans influence humaine, pas d’humain. L’expérience des « enfants sauvages » a montré à quel point une absence précoce de présence humaine dans les premières années de la vie, carence irrémédiablement l’acquisition et le maintien réussis de la qualité d’homme chez ces enfants, cependant hommes sur le plan physique, mais limités et incomplets sur les plans psychologique, social et moral.

La carence de présence est de fait une carence d’influence. « Tout le monde influence tout le monde »; en plaisantant, on ajoute, souvent, « et réciproquement ». Populairement, on dit aussi: « Tout le monde manipule tout le monde et réciproquement. » On confond donc influence et manipulation. Il est vrai que « être sous influence » a pris le sens « d’être manipulé ». Les deux expressions signalent une perte de contrôle de la réalité personnelle de la situation du vécu conscient individuel.

La différence est cependant très grande. L’influence ne manipule pas. La manipulation, elle, se sert de l’influence.

B) Manipuler, manipulation

La référence à la main (manus, manipulus, du latin) est évidente. Le sens propre de manipuler et de manipulation est prendre à la main, avec ses mains, bouger, déplacer, utiliser avec les mains. De toute évidence aussi, on ne peut prendre avec ses mains que des objets concrets, matériels. Manipuler au sens figuré signifie donc traiter une personne humaine comme un simple objet, c’est-à-dire oublier toute considération morale, lui enlever sa valeur d’être pensant, voire spirituel, la ravaler au rang d’objet inerte, non conscient, non capable de réflexion, de jugement, de recul psychologique, de liberté de conscience, de dignité fondamentale, d’originalité particulière.

Manipuler est une indignité. Influencer, non, heureusement! Quelle est donc la différence?

C) Influencer ou manipuler?

Il s’agit de deux processus d’action et d’interaction entre les hommes: l’un, honnête, l’influence; l’autre, malhonnête, la manipulation.

La manipulation consiste à agir sur autrui dans le seul intérêt du manipulateur. Ce dernier cherche son intérêt presque exclusivement, même s’il laisse une faible part du bénéfice du processus de la manipulation au manipulé. Cette faible part du processus de la manipulation sert, en fait, elle aussi, à mieux manipuler le manipulé, en lui faisant croire qu’il est sous une influence bénéfique pour sa vie propre. Il s’agit d’une double tromperie sur la forme et sur le fond.

L’influence, elle, ne vise que l’intérêt de la personne influencée, considérée comme partenaire reconnu dans sa dignité, sa liberté, son originalité. L’influence, consciente ou non, n’est au fond qu’une incitation, une invitation, une proposition, parfois ferme et soutenue certes, parfois nécessaire et utile, dans l’éducation des enfants par exemple; alors que la manipulation n’est au fond qu’une imposition, voire un diktat, une contrainte impérative, absolue, masquée.

Souvent la manipulation se présente sous des formes, des contours, des atours agréables, subtils et avantageux qui camouflent sa réalité manoeuvrière coercitive fondamentale, finale.

L’influence aide légitimement au développement, à la formation éducative, à l’évolution progressive, de la santé physique, mentale, spirituelle réelle de l’individu. La manipulation conduit quasi immanquablement à la stagnation, au rétrécissement, à la régression personnelle, familiale et sociale, à la dislocation de la personnalité, à l’abaissement, à la maladie mentale légère au mieux, grave au pire, au fond au malheur véritable, même et surtout si le manipulé vit dans l’illusion d’appartenir à une élite, d’être supérieur, d’être dans la vérité, d’être heureux, ne mesurant plus son état réel, sa dépendance.

L’influence normale honnête aide à entrer dans des inter relations d’amour réciproques vraies, sûres, fortes, durables. La manipulation, toujours processus anormal et malhonnête, induit et conduit dans la sphère de la séparation, du rejet, de l’exclusion et de la haine.

D) Le défi des sectes

Les sectes lancent, consciemment et/ou inconsciemment, un défi immense aux Églises établies et à la société. Ce grand défi se décompose en trois grandes catégories, en sorte que l’on peut dire qu’il se décline en de nombreux défis.

i) Défis relatifs à l’homme

Sans être exhaustif, on peut citer tous les défis concernant la nature, la connaissance, l’approche, la formation, le devenir de l’homme. Le défi de:

ii) Défis relatifs à l’avenir

En ce domaine, le défi est celui

iii) Défis relatifs au bonheur

Le défi est celui

Les autres articles de ce numéro de La Revue réformée donnent des exemples de ces défis.

Conclusion

Le contre-défi au défi des sectes ne se trouve-t-il pas dans le bon usage des Saintes Écritures? Vrai critère de la vérité, sûre promesse du bonheur présent et éternel, la Bible, Parole du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ne peut-elle pas, seule, nous permettre

Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit; mais éprouvez les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde.

(1 Jn 4:1)

* P. Coste est psychologue à Istres (Bouches-du-Rhône).