Florent VARAK – La Revue réformée http://larevuereformee.net Sat, 19 May 2012 18:41:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 L’Esprit dans la vie chrétienne http://larevuereformee.net/articlerr/n260/lesprit-dans-la-vie-chretienne Sat, 19 May 2012 20:41:04 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=799 Continuer la lecture ]]> L’Esprit dans la vie chrétienne

Florent VARAK*

Le thème proposé est immense. L’œuvre de l’Esprit est transverse à de nombreux pans de la théologie et de l’expérience chrétienne. De quel domaine l’Esprit Saint pourrait-il être absent ? W. Grudem, théologien charismatique, observe à juste titre :

« Il est surprenant de constater le nombre d’activités particulières qui peuvent être faites ‘dans’ le Saint-Esprit, selon le Nouveau Testament : il est possible d’être transporté de joie dans le Saint-Esprit (Lc 10.21), de former un projet ou de prendre une décision dans le Saint-Esprit (Ep 2.18), de prier dans le Saint-Esprit (Ep 6.18 ; Jude 20) et d’aimer dans le Saint-Esprit (Col 1.8). A la lumière de ces textes, nous pourrions nous demander quand nous exerçons ces activités si nous sommes conscients de la présence et de la bénédiction du Saint-Esprit[1]. »

Nous nous appuierons sur Jean 16.7-15 pour développer nos remarques sur l’œuvre de l’Esprit, notamment en ce qu’il est l’Esprit-créateur de l’Eglise[2]. Nous conclurons en analysant de plus près ce dont nous sommes spécifiquement tenus pour responsables dans notre interaction à l’Esprit.

I. Le Saint-Esprit avantage l’Eglise (Jean 16.7)

« Cependant, je vous dis la vérité : il est avantageux pour vous que je parte, car si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. » 

Jésus vient d’annoncer aux disciples les terribles persécutions qui les attendent (16.1-6) : ils seront exclus des synagogues et seront même mis à mort par des gens qui se réclameront de Dieu ! Jusqu’ici, Jésus était leur bouclier. Quand la foule n’appréciait pas les disciples, c’est à Jésus qu’elle demandait des comptes (cf. Mt 9.14, 12.2, 15.2 ; Lc 19.32, etc.). Mais Jésus s’en va. Les disciples seront dans un face-à-face direct avec la violence des hommes et des démons. Leur cœur est envahi de tristesse et on peut les imaginer souhaiter de tout cœur que Jésus reste auprès d’eux. Comment la venue de l’Esprit pourrait-elle être préférable à la présence du Seigneur ?

Par le conseil juridique

C’est avantageux par la nature même de l’œuvre de l’Esprit qui porte le nom de Paraclet, composé de la préposition para (aux côtés de) et du verbe kaleo (appeler). Un terme qui évoque plusieurs images.

La première – centrale – est d’ordre juridique. L’Esprit est un assistant légal, un témoin, un conseiller juridique, une sorte d’avocat. Lorsque Jésus introduit la venue de l’Esprit en Jean 14, il annonce un « autre » (allos, même qualité) Paraclet (14.6), montrant que Jésus et l’Esprit agissent dans la même direction. Or Jésus est notre premier défenseur devant la colère de Dieu : il s’est substitué à nous. A la croix, il devient péché pour nous (2 Co 5.21) et reçoit de plein fouet la juste colère que le Père destine aux hommes pécheurs (Col 3.6). Ceux qui se réfugient avec confiance en sa grâce sont sauvés (Rm 3.25 ; Jn 3.36). Jésus peut légitimement défendre ses disciples. Il justifie, il pardonne, il intercède. Dans ce sens-là, le Saint-Esprit, s’appuyant sur l’œuvre réalisée du Fils, est un défenseur similaire au Fils. L’Esprit nous défend devant l’accusation de notre conscience et du diable. Et surtout, il dit à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, que nous sommes dans sa main (Rm 8.16). L’Esprit est avocat de ceux que Christ a sauvés et procureur de ceux qui rejettent son œuvre, comme nous le verrons avec les versets 8 à 11.

La seconde ajoute l’idée d’un accompagnement. Une personne au chevet de quelqu’un qui souffre ou un conseiller redressant les voies d’un chrétien qui erre.

Ce langage de la défense ou de l’accompagnement, dans le contexte de la persécution annoncée, se trouve admirablement illustré dans la force de caractère qu’exprime Etienne, rempli d’Esprit Saint, au moment de son martyre :

« En entendant cela, ils furent exaspérés dans leurs cœurs, et ils grinçaient des dents contre lui. Mais Etienne, rempli d’Esprit Saint, fixa les regards vers le ciel et vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Il dit : Voici : je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. Ils crièrent alors d’une voix forte, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le chassèrent hors de la ville et le lapidèrent. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul » (Ac 7:54-58).

L’Esprit soutient avec puissance ceux qui sont attaqués pour leur foi en Jésus.

Par la nouvelle alliance

Le départ du Seigneur/la venue de l’Esprit est un avantage aussi parce que cette étape inaugure une ère anticipée par l’Ancien Testament. Le prophète Esaïe annonce une effusion de l’Esprit sur le serviteur de l’Eternel (Es 11.1-3, 42.11s). Une fois dépassés les jugements des Assyriens et des Babyloniens, un temps marqué par l’Esprit toucherait le peuple (32.14-15, 44.1-5). L’un des passages les plus emblématiques[3] de cette espérance se trouve en Ezéchiel 36 :

« Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre territoire. Je ferai sur vous l’aspersion d’une eau pure, et vous serez purifiés ; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous suiviez mes prescriptions, et que vous observiez et pratiquiez mes ordonnances. » (Ez 36.24-27, cf. 11.17-20, 37.1-14)

Le temps de l’accomplissement – ou au moins de l’inauguration – approche. Qu’est-ce qui change quant au ministère du Saint-Esprit avec la nouvelle alliance ? Le spectre des perspectives est assez large. R. Pache ne conçoit pas qu’il y ait régénération ni onction stable avant la Pentecôte[4]. S. Romerowski soutient l’inverse :

« La seule manière de rendre pleinement justice au texte nous paraît être d’affirmer à la fois que le don de l’Esprit ne pouvait être accordé aux croyants de l’ancienne alliance et aux disciples de Jésus qu’en vertu de la mort de Jésus, de sa résurrection, de son ascension et la Pentecôte, que ce don est rendu possible par ces événements et en découle, et que les croyants de l’Ancien Testament et les disciples de Jésus en ont bénéficié avant que ces événements se produisent, par anticipation sur ces événements[5]. »

Carson, qui se montre un peu critique de cette simplification[6], s’insère quelque part entre les deux, tout comme Cole qui note que les expressions de la circoncision du cœur, le remplacement du cœur de pierre par un cœur de chair est un concept similaire à la régénération, vocable qui pourtant est étranger à l’Ancien Testament, LXX comprise[7]. Je garde en canevas cette opinion que la régénération est commune aux deux Testaments, mais que la présence interne pérenne de l’Esprit, vecteur de l’incorporation au corps du Christ, est une nouveauté néotestamentaire.

Il me semble que l’anticipation de l’Ancien Testament attend avec enthousiasme cette pentecôte rendue possible par la mort, la résurrection et l’ascension du Christ. Quelque chose est nouveau dans l’Eglise : un seul corps formé de rachetés issus de toutes les nations. Et même cela n’est qu’un accomplissement partiel. Nous n’avons reçu « que » les arrhes de l’Esprit (2 Co 1.22), ce qui anticipe une gloire encore supérieure…

Par le rapport au croyant

Le départ du Seigneur/la venue de l’Esprit est un avantage, enfin, parce qu’en comparant avec la promesse de Jean 14.16s, on réalise que la présence de l’Esprit sera éternelle et interne. Si la communion actuelle de l’Esprit peut être merveilleuse, elle reste inférieure à ce que nous connaîtrons dans l’éternité. Nul doute qu’avec le passage à la nouvelle terre, nous apprécierons d’autant plus la relation qui nous unit à lui, source intarissable de satisfaction. Dans le sauvetage qu’est l’Evangile, Dieu intervient par un acte décisif et définitif. Il vient « dans » les sauvés. Il fait d’eux son temple.

Voilà tout l’avantage du départ de Jésus. « Car si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. » Son départ est une condition à la venue de l’Esprit. Non qu’il y ait obstacle de la présence et du ministère des deux, bien entendu ! S’il part, c’est qu’il a achevé son œuvre expiatoire. S’il l’a achevée, alors la Nouvelle alliance est inaugurée – le Saint-Esprit peut donc rassembler en un seul corps, l’Eglise, dont Christ est la tête, tous ceux et toutes celles que le Père a élus de toute éternité. Nous comprenons donc que toutes les paroles sur l’Esprit des évangiles et des Actes avant la Pentecôte, ne peuvent être que des promesses (Lc 3.16-17, 11.13 ; Jn 20.22 ; Ac 1.8). Elles ne peuvent s’accomplir qu’avec l’achèvement de l’expiation.

II. Le Saint-Esprit réalise l’Eglise (Jean 16.8-11)

« Et quand il sera venu, il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement : de péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice, parce que je vais vers le Père, et que vous ne me verrez plus ; de jugement, parce que le prince de ce monde est jugé. »

L’Esprit Saint est l’artisan de l’Eglise. C’est lui qui la réalise dans le sens où il est la source des éléments de conviction qui conduiront un homme ou une femme à croire en Jésus et à se confier à lui. C’est l’Esprit qui fera passer l’individu de l’état d’incroyant à celui de confiant en l’œuvre du Christ.

Ces versets semblent raisonnablement simples. Ils sont, en fait, redoutables. Brown écrit : « Les commentateurs n’ont pas trouvé facile la compréhension des versets 8 à 11. Augustin a évité ce passage en le considérant très difficile ; Thomas d’Aquin a cité diverses opinions sans donner la sienne ; Maldonatus le considère comme le plus obscur de l’Evangile[8]. »

Convaincre – quoi ?

Le verbe « convaincre » a toujours, dans le Nouveau Testament, la connotation de présenter un reproche (cf. Mt 18.15 ; Jn 8.46 ; Lc 3.19, etc.) Si l’Esprit est le Défenseur de l’Eglise, il est en quelque sorte l’accusateur du monde, compris ici comme l’ensemble de l’humanité non-régénérée. Il en est le procureur.

Convaincre – de quoi ?

Jésus identifie trois axes au ministère accusateur, correctif ou exhortatif de l’Esprit.

Le Saint Esprit convaincra de péché. Selon Jean 3.19-20, les hommes ne veulent pas du Christ parce qu’ils ne veulent pas admettre qu’ils sont pécheurs ! L’œuvre de l’Esprit est précisément de les convaincre de cette grande faute. Rejeter Christ, refuser de croire et d’être sauvé, c’est le péché qui montre qu’on n’a rien compris au péché, ni au besoin d’un Sauveur.

Le Saint Esprit convaincra de justice. La construction parallèle permet de comprendre que Jean utilise ici le terme « justice » de façon négative. L’Esprit convaincra le monde des défaillances de sa propre justice. Pourquoi ? Précisément parce que le Père approuve l’œuvre du Fils. Il le ramène à lui parce que l’œuvre de justification accomplie est suffisante. En sorte que toute prétention de justice personnelle est une arrogance. Dans son premier sermon public, Jésus lance avec sévérité : « Si votre justice n’est pas supérieure à celles des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu » (Mt 5.20). Il oppose ensuite les faibles attentes des gens à l’exigence de Dieu – ce n’est pas suffisant de ne pas commettre de meurtre : Dieu considère que la colère en est déjà l’expression. La barre n’est pas placée à rien de moins que la conclusion de Matthieu 5.48 : « soyez donc parfait comme votre Père céleste est parfait ». Qui peut impressionner Dieu par sa propre justice ? Carson écrit :

« Jean aime citer ou faire allusion au livre d’Esaïe, et Esaïe 64.5 (LXX) établit que toute dikaiosunē, (« justice ») des gens du temps d’Esaïe ressemblait au vêtement souillé des pertes menstruelles. Dans le quatrième évangile, cette lecture de ‘ justice ‘ est éminemment appropriée […] assurément il y a d’autres endroits du NT où la dikoisun du monde se révèle entièrement inadéquate (par ex. Mt 5.20 ; Rm 10.3 ; Ph 3.6-9 ; Tt 3.5)[9]. » 

Jésus vient dans le monde, révèle son péché et son arrogance, accomplit toute justice, repart vers le Père. Sa mission est accomplie. Le rôle de l’Esprit est de contrer l’arrogance de croire qu’on va bien. Si le monde allait bien, Jésus ne serait pas descendu ! Il ne serait pas mort pour des gens qui n’ont pas besoin de sacrifice !

Le Saint Esprit convaincra de jugement. Le jugement du monde est erroné, rempli de suffisance et d’aménagement. Cette arrogance sera balayée par l’œuvre de l’Esprit qui en révélera la superficialité. L’Esprit convaincra le monde de son jugement erroné, justement parce que son leader, le diable, a été vaincu. Celui qui aveugle les nations, le dieu de ce siècle, celui qui ôte la semence de la Parole et qui continue de donner des repères mensongers, a été condamné. Il n’y a donc aucune place pour le jugement relatif et accommodant des hommes.

Convaincre – comment ?

Je repère deux « outils » de l’Esprit pour accomplir cette œuvre de conviction.

La Parole prêchée. La péricope précédente liait déjà l’œuvre de l’Esprit au témoignage des apôtres (Jn 15.26-27). C’est eux qui avaient la tâche de poser le fondement de l’Eglise universelle (Ep 2.20, 3.5), à savoir Jésus-Christ (cf. 1 Co 3). Par eux, nombreux seraient ceux qui croiront en Jésus (Jn 17.20). Dès que l’Evangile est pleinement annoncé (dans le sens de 1 Co 15.1-5, sans mélange de fausses promesses ou exigences, cf. Ga 1.6-9), ce sont les paroles des apôtres qui sont mises en avant « par le Saint-Esprit » (1 P 1.12). Un Evangile si puissant qu’il engendre la vie – fait naître de nouveau (1 P 1.23) – faisant descendre l’Esprit sur celui qui croit (Ga 3.2).

Le ministère prophétique de l’Eglise. L’Esprit utilisera la prédication de la Parole de Dieu, le ministère prophétique de l’Eglise pour convaincre et mener au salut. En 1 Corinthiens 14.24, le même verbe est utilisé pour évoquer le simple auditeur qui est « convaincu » par tous.

Les paraboles du Royaume identifient deux semences : la parole de Dieu et les fils du Royaume. Toutes deux sont implantées dans le monde pour donner naissance à la vie spirituelle que l’Esprit conférera à ceux que le Père veut sauver. L’Esprit utilisera donc la vie des disciples et leur prédication de la Parole pour toucher les cœurs.

Cette promesse de Jésus a dû être un baume bienfaisant. Dieu les équiperait pour faire face aux difficultés. Mieux, il accomplirait lui-même le travail ! L’Esprit se saisit de la Parole de Dieu et de la vie de l’Eglise pour défaire les prétentions des non-croyants. L’évangélisation et la démarche apologétique en sont grandement simplifiées – il ‘suffira’ de déjouer les questions en ramenant la discussion au problème du cœur humain[10], et en présentant avec douceur, saveur et sensibilité le message de l’Evangile (Col 4.6 ; 1 P 3.15-16). L’Esprit agira !

Convaincre – et puis ?

Quelle est la nature de cette conviction de l’Esprit ? Faut-il la classer comme une œuvre de la grâce commune ? Tout autour de moi, les gens de ma famille, mes voisins ou amis extérieurs à l’Eglise ont une grande assurance dans la qualité de leur impiété ! Ils se sentent en bons termes avec Dieu et se réjouissent de n’être ni bourreau ni voleur.

Non, cette conviction est celle des élus. C’est celle qui mènera la proclamation de la croix au plus profond du cœur des auditeurs. Cette conviction précède la repentance, et elle se fait insistante au point de rendre la vie impossible jusqu’à ce qu’ils plient le genou, confessent leurs fautes et placent leur confiance en Jésus-Christ. C’est la conviction de la conversion ! La folie de la croix devient bonheur du salut (1 Co 2.14). Le plus bel exemple de cette conviction se trouve en Actes 2.37-39 :

« Après avoir entendu cela, ils eurent le cœur vivement touché, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : Frères, que ferons-nous ? Pierre leur dit : Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. »

Pierre prêche et l’Esprit interpelle. Des milliers répondent avec foi, comptant sur cette promesse : « vous recevrez le don du Saint-Esprit ». Ce don de l’Esprit est largement explicité dans les épîtres, qui usent d’expressions ou de métaphores différentes pour évoquer l’arrivée de l’Esprit au sein de la personne qui croit :

  1. Elle naît d’en haut ou de nouveau par l’Esprit (Jn 3.5-8 ; 1 Jn 5.1)
  2. Elle est régénérée par l’Esprit (Tt 3.5)
  3. Elle est lavée, sanctifiée, justifiée par l’Esprit (1 Co 6.11)
  4. Elle est scellée de l’Esprit (Ep 1.14)
  5. Elle « a » le Saint Esprit qui « habite » en elle (selon la terminologie de Rm 8.9)
  6. Elle est marquée de son sceau et reçoit les arrhes de l’Esprit (2 Co 1.22)
  7. Elle est baptisée d’Esprit Saint (1 Co 12.13) [11].

Je soutiens que toutes ces expressions relèvent de la conversion et ont lieu simultanément à elle. Nous retrouvons ici un débat fameux avec la tradition charismatique. Il y aurait une double bénédiction à rechercher : la conversion qui sauve et confère une mesure de l’Esprit, justifiant l’individu ; le baptême qui revêt l’individu de puissance ou d’autorité. Selon les Eglises, cette seconde bénédiction se mesurerait soit à une sanctification particulière, soit à la présence du parler en langues, soit à une onction pour le service[12].

Le débat se résout en partie si l’on est moins rigide sur le vocabulaire et sur la nature de cette suite avec l’Esprit. Evoquer le « baptême de l’Esprit » comme expérience externe à la conversion est troublant parce que Paul dit que c’est par lui que nous intégrons le corps de Christ (1 Co 12.13)[13]. Comment un chrétien authentique pourrait-il être en dehors du corps de Christ ? Par contre, il semble satisfaisant d’envisager une multitude d’expériences avec le Saint-Esprit (les apôtres ont, par exemple, connu après la Pentecôte, une effusion supplémentaire en Ac 4.31). Peut-on les qualifier d’intensification de la présence de l’Esprit qui distribue ou concentre ses dons et ses appels selon le bon vouloir de sa volonté (cf. 1 Co 12.7) ? Je note que le discours charismatique est plus précis. Les théologiens pentecôtistes G.D. Fee[14] et I. Satyavrata[15] ne font pas du baptême de l’Esprit une expérience différente de la conversion, mais soulignent l’action postérieure, vive et reconnaissable de l’Esprit, après la conversion[16]. Tant que ce discours ne répartit pas les chrétiens en deux catégories « étanches » de chrétiens, cela convient[17]. Il n’existe qu’une seule filiation à Dieu par le Christ – et non des classes distinctes de disciples.

Avec cet ajustement, nous pouvons alors tous reconnaître que la vie chrétienne comprend une dimension de vie à l’Esprit bien réelle, et qui ne se réduit pas à l’acte fondateur de la venue de l’Esprit à la conversion. Nous tenterons de définir plus précisément les responsabilités des chrétiens à cet égard dans la conclusion.

Chaque fois qu’une personne se tourne vers Christ, l’Esprit lui est donné. Dieu fait d’elle son temple, le lieu de résidence de l’Esprit Saint (1 Co 6.19). Quel redoutable privilège !

III. Le Saint-Esprit illumine l’Eglise (Jean 16.12-13)

« J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les comprendre maintenant. Quand il sera venu, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car ses paroles ne viendront pas de lui-même, mais il parlera de tout ce qu’il aura entendu et vous annoncera les choses à venir. Lui me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a, est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. »

Jésus avait rassuré les apôtres : l’Esprit leur rappellerait ce qu’il avait enseigné (Jean 14) – une garantie pour la rédaction du Nouveau Testament. Ici, la promesse est similaire : ils pourront formuler la doctrine qui émane du Fils. Ils seront bientôt « poussés par le Saint-Esprit [à] parler de la part de Dieu » (2 P 1.21), enseignant ce qu’ils ont connu par l’Esprit de Dieu (1 Co 2.12-13).

Ce ministère de l’Esprit se prolonge différemment pour nous. Celui qui a inspiré l’Ecriture l’illumine afin que ses enfants la comprennent, progressivement, de mieux en mieux. L’auteur de l’évangile rassure ses lecteurs qu’ils ont une « onction » qui leur apporte la connaissance (1 Jn 2.20, 27). C’est pour cela que l’apôtre Paul formule cette prière magistrale que tout pasteur devrait formuler pour son assemblée : « que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître ; qu’il illumine les yeux de votre cœur, afin que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la glorieuse richesse de son héritage au milieu des saints, et quelle est la grandeur surabondante de sa puissance envers nous qui croyons selon l’action souveraine de sa force » (Ep 1.17-19).

Cette illumination de l’Esprit n’est pas indépendante. Elle a pour appui la Parole écrite et oriente l’Eglise vers la Parole vivante, Jésus. Il y a là un parallèle remarquable : comme le Fils a cherché l’obéissance au Père, ne faisant que les œuvres du Père (Jn 5.19-20), ainsi en sera-t-il de l’Esprit. Il honorera le Fils, cherchant sa gloire, comme le Fils l’a fait pour le Père. En sorte que l’Esprit révèlera ainsi le Père puisque c’est là le privilège de ceux qui ont vu Christ – ils ont vu le Père (Jn 14.9) !

Ce sera évidemment une des clés de reconnaissance d’un ministère authentique de l’Esprit : il pointe du doigt la personne de Christ, ses valeurs, son œuvre expiatoire, sa grandeur, sa Parole[18]. C’est ainsi qu’on peut légitiment écarter les livres douteux aux longs « dialogues » avec l’Esprit, qui éloignent de la centralité de Christ en soulignant une indépendance marquée de l’Esprit[19]. L’orthodoxie de Christ est le test johannique d’un serviteur de Dieu animé par l’Esprit Saint :

« Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit ; mais éprouvez les esprits, (pour savoir) s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus, n’est pas de Dieu, c’est celui de l’antichrist, dont vous avez appris qu’il vient, et qui maintenant est déjà dans le monde. » (1 Jn 4.1-3)

IV. Notre participation à l’œuvre de l’Esprit

Jusqu’ici nous avons été confrontés à ce que l’Esprit accomplit de sa propre initiative, selon la volonté du Père et du Fils, dans la réalisation du salut d’un individu. Son action touchera tous les aspects de la vie chrétienne, comme nous l’avons signalé au début de cet article. Il se manifestera dans différents domaines et directions. Sa présence se fera sentir par la présence de dons spirituels (1 Co 12 à 14 ; Rm 12.1-7 ; Ep 4.11-16 ; 1 P 4.7-10), ou la manifestation du fruit de l’Esprit, c’est-à-dire une série d’attitudes, de réactions et de comportements unifiés par l’amour et bénéfiques à ceux qui entourent le chrétien (Ga 5.22s), ou l’intercession qu’il nous faut mener « par l’Esprit » (Jude 1.20) et qui s’accompagne de son secours (Rm 8.26), etc.

Notre participation à la vie de l’Esprit touchera donc tous les domaines de la vie chrétienne sans exception – peut-être devrions-nous formuler en sens inverse : l’Esprit participera à tous les domaines de notre vie chrétienne sans exception ! L’Esprit divin a toute latitude pour confier les dons qu’il souhaite confier (1 Co 12.7), intervenir à sa guise (cf. Ac 8.39). Mais d’une manière spécifique, il n’y a que quatre impératifs, dans les épîtres, qui nous lient directement au Saint-Esprit[20] et engagent notre participation attentive.

N’éteignez pas l’Esprit (1 Th 5.19)

C’est au milieu d’une série d’exhortations que ce commandement semble tomber « comme un cheveu sur la soupe » ! Les commentaires sont hésitants. Certaines explications sont trop amples. Calvin comprend par exemple que c’est lorsque « nous anéantissons sa grâce[21]. » D’autres considèrent qu’il s’agit du refus d’utiliser les dons spirituels que Dieu donne à l’Eglise[22].

Il est plus vraisemblable qu’il faille lier ce verset au moins au suivant (« ne méprisez pas les prophéties »). Deux impératifs négatifs, suivi d’un appel au discernement, et qui place ce commandement au cœur même de l’activité prophétique de l’Eglise. En cela, je ne parle pas d’une parole « directe », supplémentaire à l’Ecriture, et qui commencerait par un « ainsi parle l’Eternel ». La prophétie dévoile les cœurs et conduit à un engagement envers Christ (1 Co 14.25-26). La prophétie est là lors de l’exhortation réciproque ou de la prédication de la prophétie qu’est l’Ecriture.

C’est ainsi que nous éteignons l’Esprit lorsque nous nous détachons de l’influence que Dieu veut avoir en nous lors des rassemblements chrétiens. J’apprécie la perspective de Cole :

« En tant que croyants en Christ, nous devons être ouverts à l’Esprit. Christ ne nous a pas abandonnés. Nous vivons du côté réalisé de la Pentecôte. L’Esprit est vraiment venu. Nous ne devons pas éteindre l’Esprit aujourd’hui dans la vie de l’assemblée. Nous devrions être ouverts à ce que Dieu utilise un orateur chrétien pour dévoiler nos cœurs. Eteindre l’Esprit aujourd’hui, c’est ignorer la Parole de Dieu prêchée ou lue qui devrait vivifier notre conscience, ou nous opposer à des ministères qui révèlent nos dérapages moraux à la lumière de la volonté révélée de Dieu[23]. »

J’ai été touché par le témoignage d’un homme d’affaires aujourd’hui directeur mondial de l’Association pour l’Evangélisation des Enfants. Chaque dimanche, il arrêtait sa voiture à mi-chemin entre son domicile et l’Eglise pour prier que Dieu ouvre son cœur et celui de sa famille, afin qu’ils reçoivent une pleine mesure de sa Parole lors du culte. Quelle puissance de l’Esprit se déverserait sur nos communautés si nous nous ouvrions plus humblement à l’exhortation, la correction, l’encouragement de l’Esprit le dimanche !

Marchez par l’Esprit (Ga 5.16)

« Je dis donc : Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair. » Ce commandement s’accompagne d’une belle promesse. Le « donc » nous renvoie à ce qui précède : une longue série d’impératifs qui centrent l’éthique chrétienne sur l’amour du prochain. Le verbe « marchez » a une connotation très vétérotestamentaire (cf. Ps 1.1), voire rabbinique (cf. halakhah qui dérive du verbe marcher, et qui indique « la voie que doit suivre le peuple juif »[24]). Gordon Fee nous livre une excellente interprétation de ce verset :

« Comme il a été noté en 3.3, vivre « selon la chair », c’est vivre en gardant les valeurs et les désirs de la vie du présent âge qui est pourtant en pleine opposition à Dieu et à ses voies. Ainsi, les contrastes ultimes chez Paul sont eschatologiques : la vie ‘selon la chair’, vécue selon le siècle présent qui a été condamné par la croix et qui ne demeurera pas, ou la vie ‘selon l’Esprit’, vécue en gardant les valeurs et les normes de l’âge à venir, âge inauguré par Christ par sa mort et sa résurrection, et rendue puissante par l’Esprit eschatologique. […]

Et cela se présente sous forme d’un impératif, non comme un indicatif passif. La vie par l’Esprit n’est pas une soumission passive à l’Esprit pour qu’il fasse une œuvre surnaturelle dans la vie de quelqu’un. Plutôt, elle requiert un effort conscient, afin que l’Esprit accomplisse son œuvre en lui. […] Les gens de l’Esprit marchent selon un rythme différent, et l’Esprit les rend capables de vivre d’une telle manière que leur vie démontre ce fait : leur comportement est d’un ordre moral manifestement différent de leur ancienne manière de vivre[25]. » 

N’attristez pas l’Esprit (Ep 4.30)

Le contexte ici est dédié aux relations humaines dans l’Eglise : pas de parole malsaine, mais des paroles édifiantes, qui communiquent une grâce… pas d’amertume, de colère, de clameur… Et au milieu se trouve notre impératif : « n’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu ». Comment Dieu pourrait-il réellement s’attrister a troublé plus d’un[26]. Mais nous avons là une réalité finalement assez proche de la conviction de péché pour le monde que nous avons vue avec Jean 17. J’ai parfois vécu ce poids de la tristesse de l’Esprit. Cette conviction lancinante d’avoir offensé Dieu. C’est probablement cela, la correction du Père dont parle Hébreux 12.7s. Graham Cole conclut son analyse ainsi :

« Attrister l’Esprit peut être une triste réalité, à la fois de la congrégation et de la vie individuelle. Cette idée paulinienne ne doit pas être évincée comme une simple anthropopathie. […] Nous attristons l’Esprit lorsqu’il existe une disparité morale entre ce que nous disons en tant que peuple de Dieu et ce que nous faisons. Je dis ‘nous’ parce que le commandement est au pluriel et vise une assemblée, et non un individu. Comment nous nous comportons les uns les autres dans le corps du Christ et dans le temple de l’Esprit est vraiment important pour Dieu[27]. »

Soyez remplis de l’Esprit (Ep 5.18)

C’est le plus connu des commandements liés au Saint-Esprit. « Ne vous enivrez pas de vin : c’est de la débauche. Mais soyez remplis de l’Esprit. » Le contraste révèle qu’il ne s’agit pas de « remplissage » mais de contrôle. L’homme ivre ne sait plus ce qu’il fait, or rien ne doit faire perdre le contrôle de l’individu – seul l’Esprit doit diriger.

Le verbe « remplir » est un impératif présent passif, 2e personne du pluriel. Il pourrait légitiment être traduit par « laissez-vous continuellement remplir/contrôler par l’Esprit ». Comme si l’accent était placé sur la volonté de Dieu de remplir/contrôler, mais que nous pouvions empêcher son intention. Comment ? Le contexte explicite du culte public des versets suivants (« entretenez-vous par des psaumes… »), associé au pluriel de l’impératif nous impose un cadre ecclésial plus qu’individuel. Cole résume correctement la portée de cet impératif :

« Le commandement d’être rempli par l’Esprit s’adresse à l’assemblée, non à des individus. C’est une erreur de prendre ce commandement et de lire le livre des Actes à sa lumière pour maintenir que si nous obéissons aux commandements, nous aurons alors le type d’expériences qui caractérise le livre des Actes : puissance, joie etc. A cela s’ajoute l’erreur de spécifier des conditions nécessaires pour être rempli par l’Esprit selon Ephésiens 5.18. Dieu n’offre aucun programme en 12 étapes pour l’individu. Ephésiens 5.17-21 met plutôt devant nous le défi de repenser à la qualité de notre vie d’Eglise. La vie de l’assemblée est centrée sur Dieu et sur les uns et les autres. Pour qu’une assemblée soit remplie de l’Esprit, cela exige à la fois des attitudes (gratitude, révérence) et des activités (discours, chants, soumission). Le rassemblement chrétien n’est ni un concert d’amusement chrétien, ni une version contemporaine de l’école de Tyrannus où nous nous rassemblons pour entendre une leçon biblique […]. Plutôt, c’est le temple du Dieu vivant. Christ est mort pour rien de moins[28]. » 

Conclusion

Ainsi,

  1. Le Saint-Esprit est donné pour accompagner le chrétien, le défendre et lui apporter son secours devant les diverses adversités inhérentes à la vie d’un disciple engagé. En particulier, il l’équipera pour le service.
  2. Le Saint-Esprit va utiliser sa Parole et ses enfants pour engendrer dans le cœur du non-croyant les convictions qui le conduiront à la repentance.
  3. Le Saint-Esprit appliquera tout le bénéfice de la rédemption acquise par le Christ à la croix : sceau, régénération, baptême, etc.
  4. Le disciple commence une vie en Christ par l’Esprit et pour la gloire du Père, avec ses frères et sœurs, membres du Corps du Christ. Il devra croître en Christ, en communion avec l’Esprit, développer des fruits et des ministères. L’influence de l’Esprit pourra être plus ou moins vive dans la vie du disciple…

Dans sa souveraineté, l’Esprit agira comme il lui plaît pour accorder de l’assurance dans la proclamation de l’Evangile (Ac 4.31) ; de la force au milieu de la persécution (Ac 7.55) ; le fruit de l’Esprit pour régaler ceux qui entourent ses enfants (Ga 5.22) ; les dons de l’Esprit qui édifient ceux qui l’entourent (1 Co 12.7s) – et bien d’autres choses encore.


* F. Varak est pasteur de l’Eglise Protestante Evangélique de Villeurbanne-Cusset (UEEF) et enseigne à l’Institut Biblique de Genève. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages.

[1] W. Grudem, Théologie Systématique, Excelsis, 715-716.

[2] Si nous partageons le point de vue de Romerowski selon lequel ces chapitres s’adressent essentiellement aux apôtres [S. Romerowski, L’œuvre du Saint-Esprit dans l’histoire du salut, Excelsis, 212], l’Eglise en prolonge l’action en observant et s’appropriant ce que l’Esprit annonce réaliser durablement.

[3] L’autre passage se trouve en Joël, bien connu pour être cité en Actes 2.

[4] La personne et l’œuvre de l’Esprit, Emmaüs, 30-31

[5] S. Romerowski, op. cit., 207

[6] Recension de D.A. Carson, Théologie Evangélique, Vol 5. N° 3, 2006, 308.

[7] G.A. Cole, He Who Gives Life, John Feinberg s. dir., Fondations of Evangelical Theology, Crossway, 2007, 144-145.

[8] R.E. Brown, The Gospel According to John [2 vols. ; AB; Garden City, NY : Doubleday, 1966] 2.711) in J. Aloisi, « the paraclete’s ministry of conviction: another look at John 16:8-11 » JETS 47/1 (Mars 2004) 55. D.A. Carson reprend les 6 interprétations principales dans son commentaire, The Gospel According to Jesus, The Pillar NT Commentary, Eerdmans, 1991.

[9] Carson, John, 537-538.

[10] Jésus est maître pour éclairer le nœud du problème – péché/justice/jugement incompris – chez ceux qui lui posaient des questions orientées Lc 18.18-19, 20-23 ; Mt 22.6-22 ; Jn 4.7-26.

[11] H. Blocher relève que la métaphore du baptême de l’Esprit souligne l’abondance, l’étendue de son œuvre dans le cœur de celui qui se convertit, et l’union des rachetés en en seul corps. La doctrine du péché et de la rédemption, Edifac, 243.

[12] L’Article 6 de la Confession de foi des Assemblées de Dieu : « Nous croyons que le baptême dans l’Esprit Saint est une promesse pour les chrétiens de tous les siècles ; il est donné par le Père et le Fils, et il est manifesté par le parler en langues comme au jour de la Pentecôte, selon le récit du Nouveau Testament. Nous croyons que le baptême dans le Saint-Esprit est une grâce qui édifie l’Eglise dans sa piété, et lui donne une force pour sa mission : annoncer l’Evangile à toutes les nations. »

[13] Les arguments principaux favorables à cette thèse proviennent essentiellement de la conversion/pentecôte des apôtres et la conversion des Samaritains en Actes 8. Cf. F. Varak, La foi charismatique, Editions Clé, 52-53.

[14] G.D. Fee, God’s Empowering Presence, Hendriksen, 1994 (réédité en 2009 chez Bake), 181.

[15] I. Satyavrata, Le Saint-Esprit, Farel, 2009, 133-141.

[16] Dont les contours peuvent varier encore !

[17] J’ai le souvenir désagréable de jeunes de notre Eglise partis en mission avec des personnes charismatiques mal (r)enseignées qui n’ont cessé de souligner ce que nous « n’avions pas ». La conversation avait eu une conclusion du plus mauvais genre : « Certes, nous irons tous au ciel, mais nous prenons l’ascenseur, vous l’escalier. » Une profonde atteinte à la suffisance du Christ en qui nous avons tout pleinement (Col 2.10), sans qu’il ne manque d’expérience mystique, extatique, ascétique – ou d’un quelque -tique supplémentaire…

[18] C’est tout le sujet du livre de ce pasteur du XVIIe siècle, Flavel, Il parlera de Christ, Europresse.

[19] Je pense aux ouvrages de Benny Hinn par exemple.

[20] Il n’en existe qu’un seul autre dans le NT, en Jean 20.22. Par un souffle symbolique précédé de l’impératif « recevez l’Esprit », Jésus mandate les apôtres à le représenter dorénavant, notamment dans la proclamation du pardon des péchés. Comme le souligne S. Ferguson : « A l’intérieur du cadre johannique, la venue de l’Esprit dépend de l’ascension du Christ et de son exaltation (Jn 14.16-17, 16.7). Un peu plus tôt, ce même jour de la résurrection, Jésus avait indiqué à Marie que l’ascension n’avait pas encore eu lieu (Jn 20.17). Ce serait une incohérence étonnante de la pensée de Jean si, dans le même chapitre, il décrivait, au travers des événements de la soirée, l’envoi de l’Esprit promis » S. Ferguson, L’Esprit saint, Excelsis, 70.

[21] Son commentaire sur 1 Thessaloniciens, 5.19, 51.

[22] R.L . Thomas, « 1 Thessalonicians » Expositor’s Bible Commentary, Vol 11, Grand Rapids, Zondervan, 1974, 292. Egalement F. Bassin, Les épîtres de Paul aux Thessaloniciens, Edifac, 172.

[23] G.A. Cole, Engaging with the Holy Spirit, IVP, 2007, 107.

[24] Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, Cerf/Robert Laffont, 412.

[25] G.D. Fee, God’s Empowering Presence, Hendrickson, 1994. 431, 433, 434.

[26] Comment un Dieu immuable et omniscient peut-il réellement expérimenter des variations dans ses émotions ? Il existe des réponses hérétiques (la théologie du process, et sa version évangélique le théisme ouvert, critiqué par P. Enns, Introduction à la Théologie, Editions Clé, 212-219, ou par un traitement plus docte de W. Grudem, Théologie Systématique, 161-165). Certains répondent en évoquant une anthropopathie : pour se faire comprendre, Dieu emprunterait notre expérience sans que cela soit une réalité. Piste dangereuse toutefois, car nous pourrions alors réduire d’autres réactions / expressions de Dieu, tel que son amour, à une non-réalité. D’autres répondent en distinguant le choix éthique et libre de Dieu de manifester une certaine réalité émotionnelle. Dieu choisit d’être en colère, d’être attristé – il ne l’expérimente pas. Peut-être que la bonne piste est de voir un Dieu ‘passionnément impassible’ ! Pour imager, nous pourrions considérer que Dieu émet toujours et en toute direction des rayons différents : il est toujours en colère contre le péché, il est toujours plein d’amour, il est toujours attristé par le péché de ses enfants. Et chaque fois qu’un individu change, il se place dans l’axe d’une des émotions du Créateur. Ce n’est pas Dieu qui change, mais c’est nous qui passons du rayon lumineux de son approbation à celui de sa tristesse. Toute image a ses limites, bien entendu !

[27] Cole, Engaging, 107.

[28] Cole, ibid., 124.

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Florent VARAK*

Un ami m’a demandé, un jour, ce que je pensais de la franc-maçonnerie, et si elle était compatible avec la foi chrétienne. J’étais incapable de répondre de façon intelligente. Ce que je connaissais de ce système reflétait surtout l’opinion (méfiante) des médias. Et la question m’intéressait peu, car la Bible m’avait offert une spiritualité puissante largement suffisante pour répondre aux attentes de la vie. La découverte d’autres horizons semblait futile.

La question m’a pourtant interpellé. Je me suis documenté, tentant de repérer les ouvrages indispensables parmi les 40 000 qui traitent de la question. J’ai voulu succinctement comparer les notions essentielles des spiritualités chrétienne et franc-maçonne. Cet article ne conviendra nullement aux « profiteurs » ayant rejoint la franc-maçonnerie avec la volonté d’intégrer des couches socioprofessionnelles élevées. Mais il servira peut-être à ceux qui cherchent à percer les ténèbres humaines et à parvenir à la lumière du Créateur.

I. La franc-maçonnerie, une religion?

Ce mouvement se présente comme un rassemblement d’« hommes de bonne volonté », prêchant un humanisme dévoyé de toute volonté religieuse. La franc-maçonnerie se veut neutre et tolérante de toute religion. La Grande Loge unie d’Angleterre écrivit le 12 septembre 1962:

« Il ne saurait… être assez fortement exprimé que la maçonnerie n’est ni une religion, ni un remplacement pour la religion. La maçonnerie cherche à inculquer à ses membres un modèle de conduite et de comportement, qu’elle croit acceptable pour toutes les croyances, mais s’interdit soigneusement d’intervenir dans le domaine des dogmes et de la théologie. La maçonnerie n’est donc point en compétition avec la religion, encore que dans l’ordre de la conduite humaine, il peut être espéré que son enseignement soit complémentaire de celui de la religion. »1

Plusieurs années plus tard, et pour tenter de dissiper tout malentendu sur le théisme, cette même obédience publia, le 12 juin 1985, la déclaration suivante:

« La franc-maçonnerie n’est pas une religion ni le remplacement d’une religion. Elle exige de ses membres la croyance en l’Etre suprême, mais ne fournit aucune méthode de foi par elle-même (…) Il n’y a pas de Dieu maçonnique. Un franc-maçon reste voué au Dieu de la religion qu’il professe (…) »2

Est-ce le cas? Macked, le « plus grand maçon américain »3, écrit pourtant:

« Au contraire, je soutiens sans la moindre hésitation que la maçonnerie est, dans toutes les acceptions du mot, une institution éminemment religieuse (…), qu’elle doit uniquement à l’élément religieux qu’elle contient son origine et la perpétuité de son existence et que, sans cet élément religieux, elle ne mériterait guère la peine d’être cultivée par un homme sage et bon. Mais, afin qu’on me comprenne bien, il faut tout d’abord se mettre d’accord sur la véritable définition de la religion. Rien n’est plus illogique que de raisonner en des termes vagues. »4

Après avoir analysé la définition de la « religion » dans le dictionnaire, il conclut de la maçonnerie:

« Considérez ses jalons anciens, ses cérémonies sublimes, ses profonds symboles et allégories, le tout inculquant une doctrine religieuse ordonnant une pratique religieuse et enseignant une vérité religieuse. Qui peut nier qu’il s’agit éminemment d’une institution religieuse? La franc-maçonnerie est donc bel et bien une institution religieuse et c’est principalement, sinon uniquement, sur cette base que le franc-maçon religieux devrait la défendre. »5

Religion ou non? La question n’est pas si innocente qu’elle paraît au premier abord. Il existe une multitude de religions et de philosophies religieuses dont le ministère est de rapprocher les hommes et de les conduire à Dieu. Il devient crucial de savoir si toutes font partie d’un ensemble globalement vrai, ou si certaines sont vraies et d’autres fausses, ou si aucune n’a de sens! La franc-maçonnerie ne saurait se soustraire à cette analyse, s’il était démontré qu’elle est une institution religieuse.

Le Petit Robert définit une religion de la manière suivante: « Ensemble d’actes rituels liés à la conception d’un domaine sacré distinct du profane, et destinés à mettre l’âme humaine en rapport avec Dieu; attitude particulière dans les relations avec Dieu; système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur, et propre à un groupe social. »

Les actes rituels sont plus présents que dans bon nombre de religions! La sacralisation des lieux de rencontre, même temporelle, témoigne d’une spiritualité religieuse. La notion du Grand Architecte de l’Univers reflète une approche du divin. Les enseignements ésotériques veillent à conduire le participant vers cet Etre supérieur. On ne peut échapper au caractère religieux de la franc-maçonnerie! Le symbolisme de l’échelle évoque la « marche ascendante vers le ciel »6. N’est-ce pas là une des marques de la religion?

La question posée s’en trouve légèrement transformée. Au-delà de ma préférence, il s’agissait de savoir si la religion chrétienne était opposée à la foi des francs-maçons. Voici quelques axes de réflexion. Nous allons contraster à grands traits les principes bibliques avec ceux de la maçonnerie.

II. Franc-maçonnerie et christianisme

A) Le problème du secret

Tout le monde convoite la connaissance des rites secrets de la franc-maçonnerie7. Il est vrai que la plupart des mystères ont été dévoilés. Mais les explications sur la validité du maintien du secret ne sont pas convaincantes8. Le principe même du secret est totalement étranger au christianisme:

« Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits. » (Mt 10.27)

« Sur ces entrefaites, les gens s’étant rassemblés par milliers, au point de se fouler les uns les autres, Jésus se mit à dire à ses disciples: Avant tout, gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie. Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. C’est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière, et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les chambres sera prêché sur les toits. » (Lc 12.3)

« Jésus lui répondit: j’ai parlé ouvertement au monde; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. » (Jn 18.20)

Plusieurs raisons expliquent cette absence de tout ésotérisme dans la Bible9. La principale est la nécessité d’une source d’information objective, d’un étalon. Si Dieu ne s’est pas révélé complètement et définitivement, la porte est ouverte à des « bricolages » dangereux. Et si quelqu’un évoque une tradition orale pour justifier une connaissance occulte, sur quelles bases accepter ou condamner ce qu’il dit? Enfin, il serait risqué de s’engager dans une Eglise dont on couvrirait l’enseignement réel pour ne le révéler qu’aux classes initiées. Christ a pleinement révélé l’appel qu’il lance aux hommes. Il y a à le vivre, à l’approfondir. Mais sans nouvelles révélations.

Car, en fait, que savons-nous de ce qui est enseigné dans les grades supérieurs? Peut-on accepter d’être initié par des rites dont on ne connaît pas l’aboutissement, découverts au pied du mur? Je suis (pour une fois!) d’accord avec l’Eglise catholique romaine, qui écrit: « Le climat de secret, qui règne dans les loges, comporte en outre le risque pour les inscrits de devenir les instruments d’une stratégie qu’ils ignorent. »10 En effet, voici une déclaration inquiétante qui provient d’un grand homme de la franc-maçonnerie américaine, Albert Pike:

« C’est à vous, Grands Inspecteurs Généraux, que nous disons ce qui suit, afin que vous puissiez le répéter aux Frères des 32e, 31e et 30e degrés: la religion maçonnique devrait être maintenue dans la pureté de la doctrine luciférienne par nous qui sommes tous initiés aux plus hauts degrés.

Oui, Lucifer est Dieu, et malheureusement, Adonaï est aussi Dieu. (…) Lucifer, le Dieu de Lumière et le Dieu de Bonté, est pour l’humanité contre Adonaï, le Dieu des Ténèbres et du Mal. »11

Dans le cas où cette citation décrit vraiment l’initiation des trois derniers rangs (ce qui serait compatible avec bon nombre de mouvements ésotériques), alors le choix de l’entrée en franc-maçonnerie doit être mûrement réfléchi en termes de rejet global du Dieu de la Bible…

B) Le problème de l’autorité

De nombreux symboles francs-maçons évoquent la droiture, la mesure, l’exactitude. Toute pensée, toute société a besoin de repères, de références. Quelles sont les bornes franc-maçonnes? Quel étalon est utilisé pour évaluer le vrai du faux, le sacré du profane, le noble de l’impropre? Est-ce le vénérable? Une démocratie où chacun peut suggérer à l’Assemblée un changement de tel ou tel rituel? Par quelle autorité doit-on distinguer le vrai du faux?

La Bible se présente non comme « parole de Dieu » (tout comme le seraient les Védas, le Coran, etc.) mais comme « la Parole de Dieu ». Au travers de la Bible, nous trouvons la prétention que Dieu a parlé, une fois pour toutes, et qu’il s’attend à ce que l’homme s’applique à l’écouter:

« Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre. » (2Tm 3.16-17)

« C’est pourquoi nous rendons continuellement grâces à Dieu de ce qu’en recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l’avez reçue, non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez. » (1Th 2.13)

« Et nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs; sachant tout d’abord vous-mêmes qu’aucune prophétie de l’Ecriture ne peut être un objet d’interprétation particulière, car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu. » (2P 1.19-21)

Quelle autorité permet de trancher? Certainement pas la Bible dans le cas des francs-maçons:

« Les Rituels ont généralement été plus ou moins remaniés. Toutes les affirmations explicitement chrétiennes y ont été supprimées. Celles ouvertement antichrétiennes, qui les ont parfois remplacées, ne constituent que des cas circonstanciels et ne se relèvent que dans les Rituels dénaturés. En revanche, les Rituels dont l’usage s’est maintenu leur ont souvent substitué, par une transposition philosophique, des commentaires d’inspiration hermétique, alchimique ou kabbaliste [sic]. »12

La Bible ne conviendrait-elle pas? Serait-elle trop exigeante, trop intolérante à l’esprit universaliste? Comme on en reconnaît les vertus morales, on garde ce qui convient à « tout homme de bonne volonté », et on gomme ou transforme le reste. Jésus-Christ a mis en garde contre toute tentative de transformation des Ecritures:

« Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre; et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. » (Ap 22.18-19)13

Je pense à l’apôtre Paul, qui craignait pour les chrétiens de Colosses. L’influence des religions à mystères (dont Paul Naudon affirme qu’elles sont directement en amont de la franc-maçonnerie) constituait un risque de changement, de transformation du message divin. Il écrivit: « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ. Car en lui [Jésus] habite corporellement toute la plénitude de la divinité. » (Col 2.8-9) Paul serait inquiet d’entendre ce qui suit de la bouche d’un homme prétendant être chrétien:

« Il existe une indéniable parenté, qu’il y ait eu ou non filiation directe, entre les rites symboliques de la maçonnerie et ceux des sociétés secrètes initiatiques du passé: les auteurs maçonniques n’ont pas manqué de faire des parallèles entre leur voie et les mystères antiques, ceux de la Grèce et de l’Empire romain tout spécialement. »14

L’Eglise doit-elle compenser les prétendues lacunes de la Bible en puisant dans un héritage occulte? Le croyant peut-il tant diluer son vin?

Lorsque les hommes réfléchissent sur le divin, il me semble qu’ils ne peuvent aboutir qu‘à une réflexion humaine, une philosophie… C’est le cas de la franc-maçonnerie, puisqu’il y a transformation du message biblique et importation de données occultes, c’est un refus clair de la révélation chrétienne.

C) Le problème de la divinité

L’appréhension du divin me trouble. De quel Dieu (dieu?) parle-t-on en se référant au Grand Architecte de l’Univers? Qu’on l’appelle Etre Divin, Elohim, Adonaï, Eternel, Seigneur, Créateur ou Architecte n’est pas gênant. C’est la définition que l’on attache au nom qui révèle la nature de notre croyance. Est-ce une énergie? Est-ce une personne? Est-ce Jésus-Christ? Est-il trinitaire? A la lumière de ce qui est dit de cet architecte, nous pourrons comprendre s’il est le Dieu de la Bible ou non.

Là encore, il ne s’agit pas d’un petit exercice intellectuel. La Bible met beaucoup l’accent sur l’existence d’un seul Dieu, et exige que l’on comprenne bien que toute autre « représentation » est une création, qui détourne l’homme du salut et de l’amour de Dieu. Jésus dira même: « (…) car si vous ne croyez pas que moi je suis, vous mourrez dans vos péchés. » (Jn 8.24) C’est-à-dire que celui qui n’a pas une compréhension exacte de l’identité de Jésus-Christ ne peut pas non plus comprendre la nature du salut qu’il vient offrir; et, ainsi, il n’est pas « racheté » et il meurt sous la condamnation. C’est ce qui explique les passages suivants:

« Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face.

 »Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point; car moi, l’Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements.

 »Tu ne prendras point le nom de l’Eternel, ton Dieu, en vain; car l’Eternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain. » (Ex 20.3-7)

« Car ainsi parle l’Eternel qui a créé les cieux, lui le seul Dieu, qui a façonné la terre et l’a formée, lui qui l’affermit. Il ne l’a pas créée vide, il l’a façonnée pour qu’elle soit habitée. Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre. Ce n’est pas en cachette que j’ai parlé, dans un lieu ténébreux de la terre. Je n’ai pas dit à la descendance de Jacob: Cherchez-moi vainement! Moi, l’Eternel, je dis ce qui est juste, je proclame ce qui est droit. Assemblez-vous et venez, approchez ensemble, rescapés des nations! Ils n’ont pas de connaissance, ceux qui portent le bois de leur statue et qui intercèdent auprès d’un dieu qui ne peut les sauver. Annoncez-le et présentez vos arguments! Qu’ils prennent conseil les uns des autres! Qui a fait entendre cela depuis les origines et depuis lors les a annoncées? N’est-ce pas moi, l’Eternel? En dehors de moi, il n’y a point de Dieu, un Dieu juste et qui sauve, à part moi, il n’y en a aucun. » (Es 45.18-21)

Or, lorsque les francs-maçons présentent leur concept du Grand Architecte de l’Univers, on constate rapidement qu’il ne s’agit que d’une boîte « fourre-tout ». L’athée, le théiste ou l’animiste peuvent signer leur adhésion à une telle croyance:

« Ainsi donc, le symbole du Grand Architecte possède pleinement la qualité de tout symbole, de pouvoir être interprété logiquement par toutes les familles d’esprit pour leur donner l’image cohérente du même objet, ce qui fait ainsi converger les pensées: à ce titre, ce n’est pas un facteur de division mais de rapprochement.

 »Conséquemment s’il est évoqué en Loge, il ne peut choquer ni même gêner personne. Il fera un faisceau d’opinions sans les confondre ni les opposer. Il sera l’agent efficace du rapprochement d’hommes qui, sans lui, auraient risqué de se trouver toujours séparés. C’est ainsi que la Maçonnerie pourra réellement devenir le Centre de l’Union. »15

Un autre écrit:

« On peut remarquer que l’adhésion au symbole du Grand Architecte de l’Univers n’implique pas forcément la reconnaissance du Dieu personnel et créateur du judéo-christianisme; il suffit, pour être admis au travail maçonnique, d’admettre l’existence d’un principe « organisateur du chaos », d’une Loi universelle, d’un idéal de perfection vers lequel tend l’Univers. »16

Or, qu’est-ce que ce dieu « caméléon »? Si Dieu est Dieu, s’il s’est révélé, il est comme il est et n’est pas ce qu’il n’est pas! Il existe ainsi des évocations et des croyances exactes, et d’autres erronées. Voici quelques raisons qui me font croire que cet Architecte n’est pas le Dieu des chrétiens.

Tout d’abord, la notion d’un Dieu caméléon, d’un « Centre de l’Union », est incompatible avec les évangiles. Jésus a même averti que son message serait cause de division, parfois même au sein d’une famille:

« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi; et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi; celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » (Mt 10.34-39)

Les chrétiens morts martyrs au cours des siècles d’histoire témoignent encore que la révélation chrétienne ne s’accommode pas de compromis spirituels. L’intransigeance de son message d’amour en Jésus-Christ ne plaît pas à tous au point qu’un grand nombre sont morts au bûcher pour l’avoir cru.

Deuxièmement, le Créateur, dans la Bible, n’est autre que Jésus-Christ:

« Car en lui [Jésus-Christ selon le contexte] ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. » (Col 1.16)

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle… Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père. » (Jn 1.1-3, 14)

Constatant que le Grand Architecte de l’Univers n’est pas Jésus-Christ, la franc-maçonnerie rejette la divinité du Christ. Qu’il ne soit pas Jésus-Christ est d’ailleurs logique puisqu’il n’est pas « le Dieu personnel et créateur du judéo-christianisme », pour reprendre les termes de Hutin…

C’est là mon troisième argument. Jésus-Christ est acclamé partout comme le plus grand des prophètes. Leader politique, religieux, social, illuminé de génie, les qualificatifs positifs abondent. Il est souvent le meilleur des hommes, mais exceptionnellement le trouve-t-on présenté comme Dieu-devenu-homme. Or, la pensée populaire a du mal à comprendre combien dire du bien de sa sagesse sans reconnaître sa divinité, c’est faire de lui le plus grand des idiots ou un menteur démoniaque. Car celui qui a prononcé le Sermon sur la montagne s’est aussi présenté comme l’égal de Dieu.

Il a affirmé son identité de nature avec le Père (Jn 10.30), il s’est présenté comme la personnalisation du Père (Mt 11.27), il a affirmé être le Fils de Dieu, ce qui, en milieu juif, signifie être l’égal de Dieu (Jn 5.17-18). A bien des reprises, des leaders religieux ont cherché à le lapider pour blasphème, car il se faisait l’« égal de Dieu ». Des hommes et des femmes se sont prosternés pour l’adorer, sans qu’il ne les corrige (Mt 14.33, 28.9, Jn 9.38, etc.), et Thomas, après avoir douté, s’écria: « Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jn 20.28, cf. Ps 5.3)

On ne saurait dire que Jésus est un homme sage s’il a prétendu être Dieu! Ou il l’est vraiment – et que tout genou fléchisse! – ou il ne l’est pas, et il est à ranger dans l’armoire des créateurs illusionnés de sectes…

Hormis le fait qu’il se présente lui-même comme Dieu, le témoignage de sa divinité est autant rapporté dans l’Ancien Testament (sous forme prophétique) que dans le Nouveau Testament. Parmi les quelque 300 allusions prophétiques de la Bible juive à la venue du Messie, nous trouvons qu’on l’appellera « Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix » (Es 9.6.). Plus d’une douzaine d’autres évoquent sa divinité17.

Le Nouveau Testament est également riche, et particulièrement clair: Jésus est la Parole, Dieu incarné (Jn 1.1 et 14), Dieu béni éternellement (Rm 9.6), l’image même de Dieu et le créateur de toutes choses (Col 1.15-16), le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga (cp. Ap. 22.13 et 1.8 avec Es 44.6 et 48.12). Je pourrais multiplier les descriptions de son identité et citer plusieurs dizaines de références démontrant sa divinité.

Selon l’apôtre Jean, l’un des tests les plus simples pour vérifier l’orthodoxie d’un enseignant consiste à évaluer sa doctrine du Christ:

« Bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu: tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà dans le monde. » (1Jn 4.1-3)

Ainsi, les propos des francs-maçons sur l’Etre divin les révèlent comme de faux prophètes. Comment ne pas s’étonner que les encyclopédies franc-maçonnes contiennent des explications sur presque toutes les divinités du monde, mais que l’on ne trouve aucun article sur le Jésus-Christ de l’histoire?18 Si le Grand Architecte de l’Univers était le Dieu des Ecritures, il serait identifié à Jésus-Christ ou au Dieu trinitaire. Or, nous avons trouvé le contraire…

Le chrétien authentique ne saurait révérer qui que ce soit d’autre que Dieu, tel qu’il se présente. Il ne saurait même être question de s’agenouiller ou de se courber devant un quelconque objet, fût-il un triangle, une copie de l’évangile ou une quelconque représentation matérielle ou symbolique de Dieu.

D) Le problème de la médiation

J’en viens à la raison principale de mon souci: le salut de l’âme. Il y a dans le cœur de l’homme une aspiration spirituelle indéniable. Celle-ci le pousse à chercher Dieu, en tâtonnant (voir le discours de l’apôtre Paul à l’Aréopage en Actes 17.16-34). Si Dieu ne s’était pas révélé, toutes les constructions humaines seraient plus ou moins équivalentes, et personne ne serait assuré quant à sa destinée éternelle après la mort.

Si néanmoins, comme la Bible le dit, il existe un jugement éternel, un enfer et un paradis, il convient de s’intéresser le plus tôt possible aux modalités d’entrée!19 Or, la franc-maçonnerie présente un mimétisme choquant des concepts bibliques (nouvelle naissance, mort à soi-même et vie nouvelle, etc.). J’ai le sentiment douloureux d’être en présence d’un mouvement voulant se substituer au christianisme. Il suffit de comparer les affirmations suivantes avec les textes bibliques…

III. Quelques comparaisons entre la signification des rites et l’enseignement biblique

Propos de la maçonnerie

Propos de la Bible

Sur l’idée d’une renaissance

Initiation. Une nouvelle naissance – c’est donc comme si le candidat, lors de son initiation, vivait une nouvelle naissance dans l’univers, ou qu’une porte s’était ouverte pour l’admettre dans un autre monde parallèle. Véritablement, dans ce moment de renaissance, il est rétabli dans la lumière, il se découvre dans la représentation symbolique d’un nouveau monde […] Le mot « initié » décrit une personne qui a expérimenté un nouveau début, qui est entré par un chemin d’expérience qu’il n’avait jamais emprunté auparavant20.

Il est des ignorants qui s’imaginent qu’on s’initie soi-même, ce qui est en quelque sorte une contradiction dans les termes, oubliant, s’ils l’ont jamais su, que le mot initiu signifie « entrée ou commencement », ils confondent le fait même de l’initiation (virtuelle) avec le travail à accomplir ultérieurement pour qu’elle devienne plus ou moins effective. L’initiation est semblable à une seconde naissance, comment un être pourrait-il bien agir par lui-même avant d’être né? » nous dit René Guénon, qui ajoute: « Il est bien évident que l’individu ne saurait se dépasser lui-même par ses propres moyens.21

Sur l’idée d’une renaissance

Mais il y eut un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs, qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit: Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui. Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit: Comment un homme peut-il naître quand il vieux? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître? Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau. (Jn 3.3-7)

Sur le concept vieil homme/nouvel homme

Le candidat ainsi isolé au milieu des objets qui lui rappellent la mort, et qui a sous les yeux des maximes de fermeté et d’espoir, meurt en quelque sorte à l’ancienne vie, se prépare à une vie nouvelle…22

[A propos des initiations] Il s’agit de transformer le « vieil homme » en « l’homme nouveau », libéré des inhibitions et conditionnements de l’état profane23.

La forme initiatique en était les mystères d’Eleusis et les mystères orphico-pythagoriciens, nés des mystères égyptiens. Le but de leur enseignement spirituel était de préparer l’avènement de la Perfection. Se faire initier, c’était apprendre à mourir symboliquement; à monter vers l’état de pureté, de connaissance, de plénitude absolue24.

La lumière matérielle qui jaillit au fiat du Grand Architecte quand disparurent l’obscurité et le chaos a toujours été, en maçonnerie, un symbole favori de l’Illumination intellectuelle que l’Ordre a pour objet de créer dans les intelligences de ses disciples, d’où nous avons à juste titre pris le nom de « Fils de Lumière ». Cette lumière spirituelle, qui est la première demande du candidat après sa nouvelle naissance, n’est qu’un autre nom pour la Vérité divine, la Vérité de Dieu et de l’Ame, la Nature et l’Essence de l’un et de l’autre – ce qui constitue le but principal de l’enseignement maçonnique25.

Sur le concept vieil homme/nouvel homme

Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection. (Rm 6.3-5)

Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. (2Co 5.17)

Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront point le royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les insulteurs, ni les accapareurs, n’hériteront le royaume de Dieu. Et c’est là ce que vous étiez, quelques-uns de vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu. (1Co 6.9-11)

En observant ces parallèles, je pense à l’apôtre Paul, qui parle contre des personnes « ayant l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force » (2Tm 3.5). Car la franc-maçonnerie a soustrait le moyen de la transformation dont il est question. Ce qui fait qu’une personne peut (enfin) sortir d’elle-même et connaître Dieu, c’est l’Evangile! Une réelle infusion divine qui modifie le tout de l’existence. Or, ce message est puissant en lui-même pour sauver un individu (voir Rm 1.16). Il ne faudrait pas le frelater par une philosophie humaine (voir 1Co 1-2). Aux croyants de Galates, qui avaient la fâcheuse tendance à adapter l’Evangile à leur guise, Paul écrit:

« Je m’étonne que vous vous détourniez si vite de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile. Non pas qu’il y en ait un autre, mais il y a des gens qui vous troublent et veulent pervertir l’Evangile du Christ. Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! Nous l’avons dit précédemment, et je le répète maintenant: si quelqu’un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème! » (Ga 1.6-9)

Or, la tolérance franc-maçonne refuse l’exclusivisme chrétien mais accepte l’apport de religions et de philosophies carrément païennes:

« Symbole de la ‹marche ascendante vers le ciel›, l’échelle de Jacob a servi à de multiples méditations ésotériques et astrologiques. Et ceci nous amène à l’autre forme d’échelle, beaucoup plus courante en franc-maçonnerie: l’échelle à sept degrés, connue également dans le bouddhisme et les mystères de Mithra. »

La Bible évoque un chemin très simple pour « mourir à soi-même », pour « monter vers le ciel », pour « naître à nouveau »: la repentance (métanoia, c’est-à-dire changement d’avis ­- sur la gravité de ses fautes et sur le pardon de Dieu en Christ – associé à un changement de vie), avec la foi que le Dieu d’amour lui-même, dans sa grâce, a payé de sa vie le rachat de notre âme. S’étant sacrifié pour que le péché de l’homme soit jugé, il offre la justification de ceux qui viendraient humblement lui demander ce « transfert » de culpabilité. Le salut est chaleureusement offert:

« Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, en n’imputant point aux hommes leurs offenses, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. » (2Co 5.19)

Pour être au bénéfice de ce salut, point n’est besoin d’initiations, ni d’ailleurs d’initiateurs:

« Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme. » (1Tm 2.5)

Jésus avertit ceux qui s’érigent en connaisseurs de Dieu et du chemin de la vérité:

« Malheur à vous, docteurs de la loi! parce que vous avez enlevé la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient. » (Lc 11.52)

Le moyen de la réconciliation entre Dieu et les hommes est en Jésus-Christ. Ce salut éternel est gratuit, et il ne peut être accepté qu’avec humilité et foi. Et lorsque Dieu entre dans une vie, il fait le ménage que des années d’initiations et d’effort intellectuel ne pourront jamais offrir… Jugez-en!

« Dieu a voulu par lui réconcilier tout avec lui-même, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos mauvaises œuvres, il vous a maintenant réconciliés. » (Col 1.20-21)

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Ep 2.8-9)

« C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes… Car, par une seule offrande, il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés. » (Hé 10.10, 14)

IV. La plante et ses racines?

A ceux qui s’offusquaient des paroles de Jésus sur les traditions humaines, il répondit: « Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » (Mt 15.13) Après examen et réflexion, il me semble que la franc-maçonnerie est une religion opposée à la foi chrétienne en ce qu’elle est une contrefaçon de l’Evangile. Si elle propose une règle de conduite civile et sociale probablement exemplaire, elle est incapable de conduire les âmes à Dieu, de donner le salut et un sens à la vie.

Ce jugement apparaîtra sans doute trop catégorique. Cependant, puisqu’il s’agit de lier les hommes à Dieu, de la réponse à notre question de départ dépend le salut éternel de l’âme. Si le Dieu franc-maçon ne confesse pas le salut en Christ, il ne confesse aucun salut du tout. Ne serait-ce pas tragique de se confier dans un système artificiel pour réaliser à sa mort que la vie spirituelle et le salut étaient à cueillir gratuitement auprès de la croix?

Bibliographie complémentaire

Ranc, Paul, La franc-maçonnerie sous l’éclairage biblique (Saint-Légier: Editions Contrastes, 1989).

Arnold, Paul, Histoire des Rose-Croix et les origines de la franc-maçonnerie (Paris: Mercure de France, 1990).

* F. Varak est pasteur et auteur.

1 D. Ligou, « Religion », Dictionnaire de la franc-maçonnerie (Paris: PUF, 1987), 996.

2 P. Naudon, La franc-maçonnerie (collection Que sais-je?, Paris: PUF, 1990), 95.

3 Ce sont les mots d’A. Pike, souverain grand commandeur du rite écossais, prononcés lors de l’éloge funèbre de Macked [Haywood, Famous Masons, 203, in D. Ligou, ‹Macked› & ‹Pike›, op. cit., 732 et 929].

4Albert G. Macked, Encyclopedia of Freemasonry, 618-619.

5 Ibid., citant le dictionnaire Webster.

6 D. Ligou, Echelle, op. cit., 388.

7 J’espère que les menaces et malédictions prononcées à l’encontre de celui qui ne respecte pas la « loi du silence » (D. Ligou, Initiation) n’ont qu’une portée symbolique: « Au cas où je transgresserais dans la plus petite mesure mon serment, que mon cou soit coupé, que mon cœur, mes dents et mes entrailles soient arrachés et jetés au fond de la mer, que mon corps soit brûlé et mes cendres dispersées dans les airs pour qu’il ne reste rien de moi et de ma pensée parmi les frères maçons! » In L. de Poncins, La franc-maçonnerie d’après ses documents secrets (Chiré-en-Montreuil: Diffusion de la Pensée Française, 1972), in P. Ranc, La franc-maçonnerie sous l’éclairage biblique (Lausanne: Editions Contrastes, 1989), 66. Voir également D. Ligou, Obligation, op. cit.

8 J. Mitterrand, grand maître du Grand Orient de France, écrit: « Le secret maçonnique, si souvent invoqué comme la volonté de cacher des actions malfaisantes, s’explique d’abord par la nécessité de conserver aux travaux la discrétion indispensable à leur poursuite sereine à l’abri de l’agitation du monde; surtout, il ne fait que traduire l’impossibilité de traduire et d’expliquer à l’extérieur une réalité incompréhensible au profane. » J. Mitterrand, « Franc-maçonnerie », Encyclopaedia Universalis, vol. IX, 936 [b].

9 Malgré les affirmations de Naudon, qui cite des exemples contestables dans les écrits de Jean (Naudon, op. cit., 71). Sur la réfutation d’une tradition orale ésotérique opposée à la tradition écrite exotérique, voir F. Varak, La réincarnation (Lyon: Editions CLE, 1990), 120-124.

10 L’Osservatore Romano, le 23 février 1985, in Naudon, op. cit., 66.

11 Albert Pike, souverain pontife de la franc-maçonnerie universelle, Instructions du 23e Conseil suprême mondial, 14 juillet 1889, in P. Roberson, The New World Order (Dallas: Word), 184. (Cet ouvrage cherche à démontrer l’existence d’une stratégie géopolitique dont l’objectif serait de rassembler tout Etat sous l’égide d’une organisation internationale; l’auteur montre que cette idée est fortement soutenue par nombre d’organisations spirituelles ou financières dont la philosophie pourrait être dangereuse à la liberté des Etats…)

12 D. Ligou, Christ, caractère chrétien ou « christique » de la franc-maçonnerie, op. cit., 256-258.

13 Certes, ce passage s’applique principalement au livre de l’Apocalypse (révélation ou dévoilement en grec). Mais ce principe s’étend à l’ensemble des textes sacrés, comme le montrent d’autres passages (Dt 12.32; Pr 30.6).

14 S. Hutin, « Franc-maçonnerie », Encyclopaedia Universalis, vol. IX, 937 [b].

15 D. Ligou, Architecte de l’Univers (Grand), op. cit., 70.

16 S. Hutin, « Franc-maçonnerie », Encyclopaedia Universalis, vol. IX, 937 [c].

17 Voir R. Schroeder, Le Messie de la Bible (Braine-l’Alleud, Belgique: Editeurs de Littérature Biblique, 1974).

18 La seule référence à Jésus-Christ est liée à un « état christique », mais la personne du Christ n’est pas évoquée.

19 Je n’ai trouvé nulle part dans les écrits francs-maçons de trace d’articles sur l’enfer, la perdition, le paradis. Les versets de la Bible qui en parlent font-ils partie des passages indésirables? (Voir notamment Dn 12.2, Mt 25.46, 2Th 1.8-9, Ap 20.11-15.)

20A.E. Waite, « Initiation », A New Encyclopedia of Freemasonry (New York: Wings Books, 1970), 395.

21 R. Guénon,Aperçu sur l’initiation, 31.

22 D. Ligou, « Initiation », op. cit., 611.

23 S. Hutin, « Franc-maçonnerie », Encyclopaedia Universalis, vol. IX, 937 [b].

24 P. Naudon, « La franc-maçonnerie », op. cit., 74.

25A. Mackey, Masonic Ritualism (New York, 1867).

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