Jean-René Moret – La Revue réformée http://larevuereformee.net Mon, 08 Mar 2021 18:18:06 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.10 Quelle appartenance à l’Eglise ? http://larevuereformee.net/articlerr/n288/quelle-appartenance-a-leglise Mon, 08 Mar 2021 20:18:06 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=1099 Continuer la lecture ]]> Quelle appartenance à l’Eglise ?

Réflexions à la lumière du mouvement
de l’Eglise émergente


Jean-René Moret
Pasteur et doctorant en études théologiques à l’Université de Fribourg


Introduction

Les dernières décennies ont vu un florilège de mouvements qui invitent à une redéfinition de l’Eglise et de sa place dans le monde. Eglises émergentes, Eglises missionnelles, de nouvelles expressions de l’Eglise fleurissent et avec elles les réflexions théologiques et pratiques sur la vie de l’Eglise. Le présent article vise à prendre en compte et à évaluer ces nouvelles propositions, en particulier dans le domaine de l’ecclésiologie et autour de la question : qui appartient à l’Eglise ?

L’Eglise émergente forme un ensemble très difficile à définir. Comme le dit DeYoung1 : « Définir l’Eglise émergente, c’est comme clouer de la gelée sur un mur. » Il s’agit d’un mouvement sans définition claire, et qui se méfie des définitions claires. L’élément le plus fondamental est une volonté d’adapter l’Eglise au monde postmoderne, que ce soit sur le mode du dialogue, de la conformité ou de la confrontation. Nous n’offrirons donc pas une caractérisation ni une évaluation globale de l’Eglise émergente, mais nous identifierons des questions pertinentes et des lignes de forces pour nourrir une réflexion2.

A côté du terme « émergent », la littérature se réfère aussi fréquemment à l’idée de « nouvelles expressions de l’Eglise ». L’expression est davantage présente dans les cercles britanniques3, mais nous n’en ferons pas une catégorie à part dans notre discussion. Notons que les « émergents » américains proviennent souvent de cercles évangéliques, conservateurs, voire fondamentalistes, tandis qu’en Grande-Bretagne les « nouvelles expressions de l’Eglise » concernent beaucoup les milieux anglicans, qui s’adaptent à la désaffection à l’égard de l’Eglise traditionnelle.

Un troisième volet des discussions contemporaines est l’idée d’Eglise « missionnelle ». L’idée vient de la pensée de L. Newbigin. Il s’agit de voir l’Eglise comme centrée davantage sur la mission d’annonce de l’Evangile que sur la maintenance de son statut social ou de son fonctionnement interne. Le terme transmet aussi l’idée d’adaptation culturelle au milieu que l’on veut atteindre et est devenu une bannière revendiquée par des mouvements extrêmement divers4. Il peut être considéré comme un équivalent d’émergent5, ou comme une caractéristique des Eglises émergentes6, ou encore comme un concept à part, selon les auteurs et les perspectives.

Il est encore à noter que la discussion autour de l’Eglise émergente a lieu essentiellement en langue anglaise. Le concept a transpiré en langue française via quelques traductions de monographies7 et des articles8. Un ouvrage majeur est paru après nos recherches : il s’agit de la thèse de G. Monet9. L’identité émergente reste peu revendiquée en francophonie10. En conséquence, ce travail utilisera abondamment des ressources du monde anglophone, qui ne visent pas toujours notre contexte.

1. Croyance et appartenance

Un premier questionnement porte sur le rapport entre la foi et l’appartenance à l’Eglise.

Selon Stuart Murray11, cette discussion sur croyance et appartenance vient d’abord d’une constatation sociologique. De nombreuses personnes participent à la vie de l’Eglise mais ne partagent pas ses croyances fondamentales, tandis qu’un nombre relativement important de personnes ont des croyances chrétiennes sans être rattachées à une communauté identifiable. Au niveau des trajectoires individuelles, cette constatation est rejointe par diverses expériences de personnes qui fréquentent longuement une Eglise ou une activité chrétienne sans se définir comme chrétiennes, avant de s’engager vis-à-vis du Christ. Chez Murray12 et d’autres, ce genre de trajectoire est rattaché à la postmodernité, méfiante à l’égard des appartenances institutionnelles et des vérités théoriques. Les gens ont besoin de voir si un ensemble de croyances fonctionne dans le concret avant de s’engager envers elles. Cela est aussi appuyé par l’idée que la vie de la communauté dans l’amour est un élément crucial du témoignage chrétien, et qu’il faut que les personnes en recherche puissent l’expérimenter avant de faire le pas de la foi. De plus, le passage à une situation de postchrétienté fait que le « public » a une connaissance de plus en plus faible du message chrétien, ce qui signifie qu’il faut du temps pour comprendre l’Evangile et y répondre. Il apparaît aussi plus prudent d’explorer ce que signifie la vie d’Eglise avant de s’y engager. Ces constatations et réflexions conduisent à défendre la possibilité d’appartenir à la communauté ecclésiale avant de se positionner quant à la foi de l’Eglise. Certains proposent donc de voir l’Eglise comme un groupe qui inclut les personnes indépendamment de leur positionnement de foi, ou en tout cas qui fait une place à ceux qui ne partagent pas (encore) la foi de l’Eglise.

S. McKnight souligne bien que la question de la délimitation de l’Eglise est sensible, tant dans le mouvement émergent qu’à l’extérieur :

Un élément du postévangélisme reconnu comme controversé est que, dans le mouvement émergent, nombreux sont les sceptiques au sujet de la mentalité « dedans contre dehors » d’une bonne partie de l’évangélisme. Même si l’on est exclusiviste (c’est-à-dire convaincu qu’il existe une nette distinction entre chrétiens et non-chrétiens), la question de savoir qui est dedans et qui est dehors est douloureuse pour la génération émergente13.

2. Quelles limites pour l’Eglise ?

Ce fait conduit à réfléchir sur la manière de délimiter l’Eglise, voire sur l’opportunité de la délimiter. L’opposition est souvent faite entre ensembles bornés (bounded set en anglais) et ensembles centrés (centered set). L’ensemble borné est défini par un certain nombre de croyances ou de comportements. Une instance quelconque détermine ceux qui sont conformes à ces critères et ceux qui ne le sont pas, et donc les reconnaît comme appartenant ou n’appartenant pas au groupe.

Le fait d’avoir des frontières est vu comme impliquant la nécessité de patrouiller sur les frontières : s’assurer que personne n’est « dedans » qui devrait être « dehors ». Un exemple typique est Tony Jones (cité par DeYoung14) :

Les confessions de foi visent à tracer des frontières, ce qui signifie que vous devez charger vos armes et placer des soldats sur ces frontières. Vous devez vérifier les passeports des gens lorsqu’ils passent ces frontières. Cela devient une obsession : garder les frontières. Ce n’est tout simplement pas le ministère de Jésus. Ce n’était pas le ministère de Paul ou Pierre. Cela a commencé à devenir le ministère de l’Eglise primitive, cela s’est calmé un peu pendant le Moyen Age et cela a repris vie dans le temps de la modernité. Pour le peu de temps que j’ai sur cette planète à faire de mon mieux pour être partenaire de Dieu et bâtir son royaume, je ne veux pas le passer à garder des frontières. J’aimerais le passer à inviter des gens dans le royaume. Les confessions de foi ne le font pas. Elles sont une entreprise moderniste qui ne m’intéresse pas le moins du monde.

De plus, l’ensemble borné est vu comme étant dur sur les bords, mais mou au centre15 : ceux qui sont « dedans » n’ont pas d’incitation à progresser davantage. On a une idée claire de ce qui délimite l’Eglise, mais pas forcément du point focal à viser.

Le danger de l’ensemble borné est vu en termes d’évangélisation : si on exclut a priori ceux qui n’adhèrent pas au message, comment pourront-ils le comprendre et le découvrir ?

Un modèle alternatif populaire dans les cercles émergents16 est l’idée d’ensemble centré. Le groupe est défini par des valeurs centrales. L’appartenance va être définie non par le fait d’avoir passé une certaine limite, mais par celui d’être en train de progresser vers le cœur. Dans cette vision, l’énergie ne doit pas être consacrée à patrouiller sur les frontières, mais à maintenir son noyau de conviction. L’idée est que les personnes intéressées puissent participer à la vie relationnelle de l’Eglise pour expérimenter la réalité de l’amour chrétien pendant qu’elles progressent vers une adhésion à la foi.

Paul Hibert17 souligne qu’un ensemble centré a bel et bien des limites et qu’il a une définition claire. Simplement, la limite découle des relations face au cœur : ceux qui s’en rapprochent y appartiennent, et ceux qui s’en éloignent n’y appartiennent pas. Mais il convient de se demander si tous les avocats des ensembles centrés sont conscients de cette limite ou si, sous couvert d’être centré, on pratique plutôt un ensemble ouvert.

Un autre modèle est celui de l’ensemble ouvert. Il s’agit de renoncer plus ou moins complètement à déterminer qui est dans ou hors de l’Eglise. Certaines propositions émergentes18 vont dans le sens de compter les personnes comme faisant partie de l’Eglise sauf si elles expriment explicitement l’inverse. D’une certaine manière, ceci était le fonctionnement des Eglises majoritaires au sein de la chrétienté : la chrétienté était simplement délimitée par ses frontières géographiques. Une lutte éliminait les hérésies ouvertes (ensemble borné), mais au niveau local, tous étaient considérés comme appartenant à l’Eglise, sauf cas très particulier19. Les Eglises de multitude ont en partie gardé ce fonctionnement, bien que le fractionnement des identités religieuses force d’une certaine manière à savoir qui s’identifie à une confession donnée.

Hors du cadre protecteur de la chrétienté, un ensemble ouvert ne peut que disparaître et perdre sa spécificité. Comme l’exprime bien Westerhoff : « Une frontière fournit une limite essentielle, car ce qui n’est pas limité – borné – se dissout dans son contexte et cesse d’exister d’une manière spécifique. »20

Un autre fonctionnement est celui de l’ensemble flou. Pour Murray, il s’agit d’une évolution du modèle borné : une Eglise a encore des éléments qui la définissent, mais accepte que des gens continuent à lui appartenir, tout en étant en désaccord avec divers éléments du message chrétien et en se comportant selon des normes plus proches de celles de la société ambiante que des valeurs et attentes de l’Eglise. Il y a des limites à ce qui est accepté dans un tel modèle, mais ces limites sont mal définies. De fait, ce modèle est instable et peut dériver soit vers un modèle borné, avec simplement de nouvelles définitions des frontières, soit vers un modèle ouvert.

Pete Ward21, pour sa part, utilise la notion de réseau. Pour lui, l’Eglise est faite de réseaux relationnels, et partout où le message de Jésus, l’amour chrétien et le soutien mutuel peuvent circuler, il y a Eglise. Cette vision en réseau implique des limites floues, et peut connecter des gens qui n’ont aucun lien avec le culte dominical.

3. Ouverture et limites

Il est temps de mener une première réflexion sur la notion de limite, notamment à la lumière de la Bible. Le principe qui consiste à voir les relations au sein de la communauté comme une partie de son témoignage est bien justifié22. L’apôtre Paul envisage en 1 Corinthiens 14.23-25 la présence dans l’assemblée de non-croyants et de personnes qui ne sont pas instruites du contenu de la foi chrétienne, et il considère cela comme normal. On ne peut donc justifier bibliquement l’idée d’une communauté dont les rencontres ne regrouperaient que des croyants. L’idée d’un souci pour la société alentour est aussi présente, notamment en 1 Thessaloniciens 5.15, et les chrétiens ont été connus pour cela dès les temps anciens, comme en témoigne la citation bien connue de Julien l’Apostat : « En effet, c’est une honte que, parmi les Juifs, personne ne mendie, et que les Galiléens impies [les chrétiens] nourrissent non seulement leurs pauvres, mais aussi les nôtres. »23

La coupure totale d’avec le monde n’est donc pas un objectif à suivre. Il faut cependant relever que, pour Paul, il existe un degré d’association avec les incroyants qui compromet la fidélité chrétienne :

Ne formez pas d’attelage disparate avec les incrédules ; quelle association peut-il y avoir entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quel accord entre Christ et Bélial ? Quelle relation entre le croyant et l’incrédule ? (2Co 6.14-15)

Plus encore, Paul considère manifestement que l’on peut distinguer entre les personnes du dedans et celles du dehors :

Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir de relations avec les débauchés. Je ne visais pas de façon générale les débauchés de ce monde, ou les rapaces et les filous ou les idolâtres, car il vous faudrait alors sortir du monde. Non, je vous ai écrit de ne pas avoir de relations avec un homme qui porte le nom de frère, s’il est débauché, ou rapace, ou idolâtre, ou calomniateur, ou ivrogne, ou filou, et même de ne pas manger avec un tel homme. Est-ce à moi, en effet, de juger ceux du dehors ? N’est-ce pas ceux du dedans que vous avez à juger ? Ceux du dehors, Dieu les jugera. Otez le méchant du milieu de vous. (1Co 5.9-13)

L’issue qui consiste à sortir du monde est refusée, mais le propos suppose que l’on sait qui est un frère et qui ne l’est pas, et qu’il est possible d’exclure un frère au comportement scandaleux. Notons que c’est ici l’exercice de la discipline qui rend cruciale la distinction énoncée.

4. Noyau défini et marges floues

Comme on l’a dit, une vision de l’Eglise comme un ensemble centré n’élimine pas entièrement la question des limites. Plus fondamentalement, cela pose la question de savoir qui sera le gardien des valeurs que l’Eglise place en son centre, comme l’exprime S. Murray :

Mais les Eglises « ensemble centré » ont besoin de gardiens de leur histoire et de leurs valeurs. Une démarche inclusive et une appartenance flottante sont dangereuses et non viables, comme certaines Eglises émergentes, méfiantes à l’égard du statut de membre, sont en train de le découvrir. D’autres Eglises émergentes tentent de s’inspirer des communautés monastiques qui établissent une communauté centrale tout en permettant différents degrés d’engagement envers leurs valeurs centrales24.

Le fait est que pour que des valeurs restent vivantes, il faut qu’elles soient portées par des personnes. On pourrait toujours tenter d’avoir des valeurs non incarnées par un groupe en rédigeant un document à un moment donné et en appelant chacun à s’y référer. Mais ce processus premièrement ne fonctionne pas (combien de documents d’Eglise restent lettre morte faute d’être lus et appliqués ?) et, deuxièmement, conduit à voir les valeurs comme une série de propositions désincarnées, ce qui est l’antithèse de toute la sensibilité relationnelle qui sous-tend l’Eglise émergente. En revanche, si on adopte une modalité d’appartenance très flexible et que tous ont le même poids pour déterminer les valeurs, le résultat est prévisible : celles-ci vont muter à mesure que le groupe s’élargit ou change et le caractère chrétien du groupe peut disparaître totalement.

En réaction à ces dangers s’est forgée l’idée d’un modèle mixte : une congrégation large constituée en cercles concentriques, avec en son cœur un groupe bien défini qui s’est engagé par rapport aux valeurs centrales. Plusieurs auteurs arrivent à la même conclusion, notamment Jim Belcher si on en croit la recension de Kevin DeYoung25 :

L’Eglise traditionnelle insiste sur le fait que la croyance doit précéder l’appartenance. Cela a pour effet de claquer la porte aux personnes en recherche spirituelle. L’Eglise émergente insiste sur l’appartenance avant la croyance. Mais chaque communauté doit avoir des points de référence et tout le monde dans l’Eglise doit être appelé à la repentance, la foi et l’obéissance à un moment donné. Alors y a-t-il une troisième voie ? Selon Belcher, la troisième voie souligne qu’il y a deux cercles autour de Jésus : un cercle extérieur de personnes en recherche et un cercle intérieur de disciples engagés. L’Eglise accueille tout le monde dans le cercle extérieur, indépendamment de leurs croyances, mais les appelle à appartenir au cercle intérieur26.

Murray défend une vision semblable, et note opportunément :

C’est là que le baptême rencontre l’ecclésiologie « ensemble centré ». Baptiser les enfants présuppose un ensemble ouvert27 et est inapproprié pour des Eglises « ensemble centré ». Baptiser ceux qui, comme Corneille, répondent à l’Evangile correspond bien mieux. Le baptême marque le moment où quelqu’un s’engage par alliance à croire en Jésus, appartenir à l’Eglise et se comporter d’une manière cohérente avec ses valeurs centrales28.

Murray représente donc le cas où le groupe central, gardien des valeurs, est le groupe de chrétiens baptisés29, ce qui ramène en fait pratiquement à une ecclésiologie confessante classique30. Nous allons néanmoins discuter ce cas pour voir comment la discussion présente permet d’affiner la vision qu’on peut en avoir31.

5. L’ecclésiologie confessante revisitée

Globalement, nous acceptons les principes de la sensibilité missionnelle. L’Eglise n’existe pas pour le confort de ses membres, mais pour faire connaître le Christ. Dieu est à l’œuvre dans ce monde pour rassembler un peuple nombreux de toutes les langues et toutes les nations. Par l’Eglise, il appelle les hommes à être réconciliés32 avec lui. L’Eglise est ambassade et anticipation du royaume que Dieu souhaite établir.

Dans cette perspective, un point crucial est celui que Leeman choisit en sous-titre de son livre33, Comment le monde sait qui représente Jésus. Dieu se crée un peuple au milieu des nations, dispersé sur toute la surface de la terre. Comment savoir qui est représentant de Jésus ? Ou, au niveau de l’Eglise locale, si l’Eglise est un tissu relationnel regroupant des gens plus ou moins proches du message de Jésus, comment le monde qui l’observe saura-t-il si ce qu’il observe vient du Christ, et s’il ne s’agit que de la société humaine telle qu’elle a toujours été ?

Une ecclésiologie évangélique confessante répond : les représentants de Jésus sont ceux qui ont cru, se sont repentis et l’ont manifesté par le baptême. Une question fréquente à ce sujet est : « cru à quoi » ? Quelle confession de foi est nécessaire pour être reconnu comme croyant ? A ce sujet, le Nouveau Testament montre des confessions de foi extrêmement sommaires. Par exemple34 :

Puis, les ayant fait sortir, il leur dit : « Messieurs, que dois-je faire pour être sauvé ? » Ils lui répondirent : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta maison. » Ils annoncèrent alors la parole du Seigneur, à lui et à tous ceux qui vivaient dans sa demeure. A l’heure même, en pleine nuit, le geôlier les emmena pour laver leurs plaies ; puis, sans plus attendre, il reçut le baptême, lui et tous les siens. (Actes 16.30-33, TOB)

Bien sûr, les récits néotestamentaires ont un caractère abrégé. Les apôtres ont sans doute expliqué plus de choses au geôlier que les simples paroles qui nous sont rapportées dans le texte. Néanmoins, ils n’ont pas craint de le baptiser sur la base de ce qu’ils avaient pu transmettre en une nuit. Cela est cohérent avec la doctrine de la grâce : nous sommes sauvés par grâce au moyen de la foi, et non par la doctrine. Reconnaître que Dieu a agi en une personne pour susciter en elle la foi et se l’attacher peut suffire au baptême35.

Mais c’est là aussi que les critiques contre la vision « ensemble borné » sont pertinentes : le baptême, l’appartenance à la communauté des croyants ne marquent pas un point d’arrivée, au-delà duquel la progression s’arrête. Le baptisé s’engage publiquement à croire en Jésus Christ, à se comporter de manière cohérente avec sa foi et à s’attacher à la communauté des croyants. A ce moment, il ne sait pas encore nécessairement tout ce que cela représente. D’une certaine manière, par le baptême, il demande l’assistance de la communauté des croyants pour se rapprocher de ce qui en constitue le cœur. Dans les termes utilisés précédemment, la communauté des croyants est bornée, mais elle doit aussi être centrée.

Nous avons mentionné plus haut que la question du dedans et du dehors était capitale pour les questions de discipline, et la discipline représente la manière dont la communauté des croyants épaule chacun de ses membres dans sa croissance. D’autre part, comme nous l’avons défendu ailleurs36, l’exclusion disciplinaire ne sanctionne pas tant un comportement particulièrement mauvais ou une erreur doctrinale grave, que le refus d’écouter l’Eglise en la matière37. Ce refus est la marque que l’on s’éloigne du centre ou que l’on refuse sciemment de progresser vers lui.

Outre cet appel à progresser continuellement, l’idée d’ensemble centré est aussi pertinente pour réfléchir à la place des personnes autour de la communauté, qui n’ont pas pris d’engagement vis-à-vis du Christ mais sont en relation avec des gens de l’Eglise38. Comme le Christ accueillait les pécheurs, péagers et prostituées, son Eglise doit accueillir tout un chacun. Autour d’un noyau de confessants baptisés gravite facilement une variété d’autres personnes39 : conjoints non croyants, enfants des croyants40, personnes en recherche ou qui se préparent au baptême, amis des membres, notamment. Il est bon que ces personnes soient accueillies et relationnellement intégrées à la congrégation41, et que, par là, elles puissent goûter à l’amour chrétien, voir la transformation dans la vie des membres et saisir le contenu de foi du message de l’Eglise. Une Eglise consciente de sa mission se gardera de faire croire que de bonnes relations est tout ce qu’elle a à apporter, mais rendra clair que ce qu’elle offre est signe de l’Evangile auquel elle appelle à croire. Pour être fidèle à son appel à faire des disciples, l’Eglise ne doit pas laisser croire aux personnes en chemin qu’elles sont déjà arrivées. C’est d’ailleurs un des problèmes que nous avons vu apparaître fréquemment dans ces discussions ecclésiologiques, à savoir fonctionner avec deux définitions différentes de ce qu’est l’Eglise :

  • l’Eglise comme ensemble des personnes croyant en Christ, unies à lui par la foi ;

  • l’Eglise comme ensemble des personnes exposées au message du Christ.

En manquant de distinguer entre ces deux définitions, on risque fort d’attribuer à l’une ce qui appartient à l’autre.

Cette perspective répond aussi à la question du « appartenir avant de croire » : on peut appartenir à la congrégation, au réseau relationnel de l’Eglise sans avoir cru au message, mais pour ce qui est du noyau confessant, la foi est toujours nécessaire.

La notion d’ensemble centré n’épuise cependant pas la réflexion sur les marges de l’Eglise. Dans un sens, il est des gens qui s’éloignent de la foi tout en étant encore liés relationnellement à la congrégation, par exemple ceux qui ont grandi dans l’Eglise mais en viendraient à rejeter la foi chrétienne. Dans une approche strictement centrée, celui qui s’éloigne du centre n’appartient plus à la congrégation, mais il semble plus responsable de reconnaître et de maintenir un lien même avec ceux qui s’éloignent42, de les considérer comme appartenant encore en un sens diffus à la congrégation, même s’ils ne font clairement pas partie du noyau confessant.

Reprenons maintenant la distinction énoncée plus haut entre le groupe des croyants unis à Christ, que nous appellerons l’Eglise, et le groupe de ceux qui sont exposés au message de l’Evangile, notamment par le biais de leur relation à l’Eglise, que nous appelons congrégation. Le premier est un groupe délimité par le baptême et la discipline ecclésiale, fonctionnant comme un groupe centré doté d’une limite claire. Le second est un groupe bien plus flou, sans borne externe définie, caractérisé à la fois par des relations avec l’Eglise et par une attitude envers celle-ci. Beaucoup de difficultés viennent du fait de ne pas penser la distinction entre les deux. Si on les identifie, on en vient soit à restreindre l’annonce de l’Evangile à ceux qui l’ont déjà accepté, claquant la porte au nez de ceux qui sont en recherche, soit à faire de l’Eglise un ensemble mal défini, obscurcissant le message qu’elle est supposée transmettre, empêchant la pratique de la discipline, et risquant de dissoudre l’Eglise dans son contexte.

Ainsi, les différentes mises en cause proposées par les mouvements émergents et missionnels nous ont conduit à ré-exprimer et à préciser une vision confessante de l’Eglise. Celle-ci nous semble être correcte en vue d’une fidélité au message et à la mission de l’Eglise. Il est néanmoins utile de la formuler dans les termes des débats présents, pour mieux la situer dans la discussion. D’autre part, les questions posées par les mouvements émergents amènent à la lumière des écueils possibles de cette vision, et aident donc à la préciser de manière utile. En particulier, la réflexion sur les marges de l’Eglise est des plus pertinentes, et l’intégrer dans une ecclésiologie confessante est nécessaire.

Conclusion

Au terme de ce parcours, les propositions émergentes ont le mérite de nous forcer à réfléchir à ce qu’est l’Eglise et à ce qui fait l’Eglise. Dans un monde en mutation, où la notion de chrétienté n’est bientôt plus qu’un souvenir, la simple répétition traditionnelle des schémas du passé ne suffit pas à maintenir vivant le témoignage de l’Eglise. Il n’est d’ailleurs probablement pas de contexte où une telle répétition soit suffisante, comme l’exprime le slogan réformé : ecclesia reformata, semper reformanda (« Eglise réformée, toujours à réformer »).

Avec raison, ces mouvements remettent en cause des visions trop simplistes de l’Eglise ou des trajets de foi. On ne fait pas le tour de la réalité par la simple division « chrétien/non-chrétien », et l’Eglise est vivante au-delà de sa réunion dominicale. D’aucuns ne verront là que des rappels, mais l’appel à tenir compte des marges de l’Eglise et des personnes en cheminement est salutaire.

Par contre, en adoptant une définition trop peu claire ou trop large de ce qu’est l’Eglise, certaines voix courent le risque que l’Eglise ne soit plus visible ni reconnaissable en aucun de ses lieux. La confusion entre le corps des croyants rassemblés et l’ensemble des personnes qui perçoivent le message peut conduire à une Eglise qui est partout et nulle part, sans pérennité de son message ni lieu de croissance pour ses adhérents.

Dans et autour de la conversation émergente, les auteurs les plus lucides voient le danger d’adopter une optique qui ne poserait aucune limite. En suivant les diverses pistes de corrections suggérées par rapport à des modèles trop simples, nous proposons un modèle confessant, défini par le baptême des croyants engagés face au Christ. Ce modèle se précise en appelant perpétuellement le groupe des baptisés à progresser dans leur vie de disciples, et tenant compte de toutes les autres catégories de personnes qui l’entourent, participant à la vie de la congrégation sans représenter la communauté chrétienne. Ce modèle répond aux besoins de la croissance chrétienne et du témoignage tout en maintenant une cohérence théologique indispensable.

Cette conclusion ne présente rien de radicalement novateur, objectera-t-on. Mais pour notre défense, nous citerons G.K. Chesterton : « Il y a deux manières d’arriver à la maison : l’une d’elles est d’y rester, l’autre est de marcher tout autour du monde jusqu’à ce qu’on revienne au même endroit. »43

Dans ce travail, nous avons suivi la seconde méthode, dans une mesure modeste : nous avons fait un bout de chemin avec d’autres idées et d’autres auteurs, puis en leur compagnie nous avons retrouvé ce qui est, il faut le dire, notre point de départ. Mais comme le signale Chesterton44, l’intérêt d’une telle démarche est de redécouvrir ce que l’on connaît avec un regard nouveau.

Puisse Dieu donner à son Eglise de continuer à témoigner fidèlement de l’Evangile dans le monde présent !


  1.  K. DeYoung et T. Kluck, Why We’re Not Emergent, Moody Publishers, Chicago, 2006, p. 16-17, notre traduction.↩

  2.  De nombreuses discussions autour de l’Eglise émergente ont porté sur sa théologie et son rapport à la vérité. Cet aspect a été bien discuté par D.A. Carson, L’Eglise émergente, Impact, Trois Rivières, 2008, et K. DeYoung, op. cit., aussi n’en ferons-nous pas le point central de notre article. Nous évaluerons les diverses propositions ecclésiologiques d’un point de vue évangélique confessant, en rendant attentif au fait que ce point de vue n’est pas nécessairement partagé par tous les auteurs émergents.↩

  3.  Typiquement chez M. Moynagh, Emergingchurch.intro, Monarch Books, Oxford, 2004. Voir aussi plus courtement S. Croft, « Nouvelles expressions d’Eglise dans le contexte britannique », Perspectives missionnaires 51 (2006:1), p. 12-19, et A. Buckler, « Mission Shaped Church », le rapport de l’Eglise d’Angleterre sur les nouvelles expressions d’Eglise », Perspectives missionnaires 51 (2006:1), p. 8-11.↩

  4.  Bien souligné par J.T. Billings, “Makes a Church Missional ?”, Christianity Today, mars 2008, consulté en ligne le 11.12.13 : http://www.christianitytoday.com/ct/2008/march/16.56.html.↩

  5.  Ainsi J. Maire, « Les Eglises émergentes ou missionnelles : un phénomène stimulant pour les chrétiens occidentaux »,

    http://www.lafree.ch/index.php/item/542-les-eglises-emergentes-ou-missionnelles-un-phenomene-stimulant-pour-les-chretiens-occidentaux-1.↩

  6.  G. Monet, « Les Eglises émergentes. Un état des lieux », Cahiers de l’école pastorale 84 (2012), p. 63-83, en l’occurrence p. 75-76.↩

  7.  A notre connaissance : B. McLaren, Réinventer l’Eglise, Ligue pour la lecture de la Bible, Valence, 2006 ; M. Moynagh, L’Eglise autrement – les voies du changement, Empreinte Temps Présent, 2004 ; D. Carson, op. cit., ce dernier étant une réaction d’un auteur qui ne se considère pas comme émergent.↩

  8.  On citera en particulier G. Monet, « Etat des lieux » (op. cit.) ; G. Monet, « L’Eglise émergente, quelle mise en œuvre », Cahiers de l’école pastorale 85 (2012), p. 63-80 ; L. Jaeger, « Entre modernité et postmodernité : faut-il réinventer l’Eglise ? », La Revue réformée 243 (2007/4), p. 33-46 ; D. Cobb, « Faut-il ‹réinventer l’Eglise› ? Réflexions autour du livre de B. McLaren », La Revue réformée 243 (2007/4), p. 13-31 ; le numéro 51 (2006) de la revue Perspectives missionnaires consacré aux nouvelles expressions de l’Eglise.↩

  9.  G. Monet, L’Eglise émergente – Etre et faire Eglise en postchrétienté, Lit Verlag, Münster, 2014.↩

  10.  Le site http://www.temoins.com est la principale exception, se revendiquant comme la voix de l’Eglise émergente en francophonie.↩

  11.  S. Murray, Church After Christendom, Paternoster Press, Milton Keynes, 2005, chap. 1.↩

  12.  Ibid., p. 12.↩

  13.  S. McKnight, “Five Streams of the Emerging Church”, Christianity Today (février 2007), http://www.christianitytoday.com/ct/2007/february/11.35.html?paging=off. Dernière consultation le 27.01.2014, notre traduction.↩

  14.  DeYoung et Kluck, op. cit., p. 117.↩

  15.  Ainsi Belonging, Believing, Behaving–a Third Way, avril 2011, http://nextreformation.com/?p=5872.↩

  16.  Murray, op. cit., p. 26.↩

  17.  Cité par Murray, p. 30.↩

  18.  En particulier Spencer Burke, cité par McKnight (art. cit.) et plus en détail par DeYoung (art. cit.), p. 119-122.↩

  19.  Murray, op. cit., p. 27-28.↩

  20.  C.A. Westerhoff, Good Fences, Morehouse Publishing, Harrisburg, 1999, p. 14, notre traduction.↩

  21.  P. Ward, Liquid Church, Wipf and Stock, Eugene, 2002, chap. 4.↩

  22.  Jean 13.34-35 ; 17.20-23.↩

  23.  Cité par J. Blocher et J. Blandenier, L’évangélisation du monde, vol. 1, Editions de l’Institut biblique de Nogent/Editions des Groupes Missionnaires/Nogent-Lavigny, 1998, p. 53.↩

  24.  Op. cit., p. 37.↩

  25.  Voir aussi Belonging, Believing, Behaving (art. cit.) et les références y citées.↩

  26.  Source : http://thegospelcoalition.org/blogs/kevindeyoung/2009/10/01/deep-church-third-way/. Recension de J. Belcher, Deep Church, IVP Books, Downers Grove, 2009.↩

  27.  Comme souvent, le baptême d’enfant est identifié avec le baptême de multitude, en ignorant la pratique pédobaptiste confessante. Par simplicité, nous n’évoquerons pas systématiquement cette dernière position, mais en première approximation la majeure partie de ce que nous dirons du baptême peut s’appliquer à la confirmation dans ce fonctionnement, en ce qui concerne les enfants des croyants, à ceci près que les enfants baptisés seront vus comme appartenant déjà à l’Eglise avant leur confession de foi. Dans le cas d’adultes non baptisés qui viennent à la foi, le rôle du baptême est le même, que l’on soit pédobaptiste ou crédobaptiste.↩

  28.  Op. cit., p. 38, notre traduction.↩

  29.  Nous n’aurons pas le temps ici de discuter de la question de la cène. Monet (Etat des lieux, art. cit., p. 79) relève pour sa part qu’il est fréquemment reproché aux mouvements émergents de peu parler du baptême, et de peu réfléchir aux conséquences ecclésiologiques du déplacement de la cène dans des rencontres informelles. De fait, les sacrements se prêtent peu à une logique floue ou graduelle : une personne peut être baptisée, ou non, prendre la cène, ou non. A moins de prôner l’ouverture à tous, les sacrements forcent à avoir des contours définis, ce à quoi de nombreux tenants de l’Eglise émergente rechignent.↩

  30.  Par là, nous voulons dire une ecclésiologie qui suppose une adhésion à une confession de foi commune et une certaine discipline d’Eglise. Nous n’entendons pas là trancher entre les visions dites confessantes ou professantes respectivement, et espérons présenter des réflexions qui pour la plupart pourront profiter directement aux Eglises crédobaptistes comme pédobaptistes.↩

  31.  Un autre modèle présent dans les réflexions autour de l’Eglise émergente est celui du néomonachisme (voir P. Tickle, Emergence Christianity : What It Is, Where It Is Going, and Why It Matters, Baker Books, Grand Rapids, 2012, chap. 7 ; Monet, Etat des lieux (art. cit.), p. 72, et Belonging, Believing, Behaving – a Third Way). Dans ce fonctionnement, la communauté centrale est un groupe lié par des engagements plus spécifiques que ceux du baptême. Autour de cette communauté centrale peuvent graviter de nombreuses personnes, croyantes ou non croyantes, et on ne se préoccupe pas de délimitations au sein de cette ou de ces couches externes. On sait qui est lié à la communauté par des vœux, et pour le reste c’est le principe d’ensemble centré qui prévaut, avec la notion de réseau relationnel.

    Le néomonachisme permet un degré d’engagement mutuel plus fort pour les membres de la communauté que ce qui est possible dans la plupart des Eglises classiques. Une communauté néomonastique peut ainsi être le lieu d’engagements plus spécifiques : communauté des biens, attachement à un lieu précis, service à une classe sociale oubliée. En cela, ce principe peut avoir un apport important pour la vie de l’Eglise. Il a par contre le même risque que le monachisme ancien, celui de créer une Eglise à deux vitesses, où le chrétien baptisé « normal » n’est pas appelé à la progression, mais se repose sur un groupe d’« élite ». Le néomonachisme peut être une chance s’il est intégré à un tissu ecclésial plus large qui permet l’implication et la croissance des fidèles. Il doit cependant prendre garde à toujours fonctionner pour épauler la communauté des croyants, et non pour s’y substituer.↩

  32.  1Co 5.18-20.↩

  33.  J. Leeman, Church Membership : How the World Knows Who Represents Jesus, (coll. 9Marks), Crossway, Wheaton, 2012. Notons que Leeman n’est pas cité ici comme lié à un des mouvements présentés. L’Eglise à laquelle il appartient est plutôt associée aux « nouveaux calvinistes ».↩

  34.  Voir aussi : Rm 10.9-10, 1Jn 4.2-3, Ac 8.36-38 (le verset 37 est très certainement un ajout de copiste étonné de ne pas voir de confession de foi ; néanmoins, le fait que l’ajout soit si court montre que pour l’Eglise primitive une confession sommaire pouvait être valide).↩

  35.  Voir dans le même sens la conversion de Corneille en Ac 10.↩

  36.  J.-R. Moret, Pour une discipline de la grâce, dissertation de master, FJC, 2012, p. 4 et p. 10. En ligne : http://www.jrmoret.ch/MORET_Dissertation_TP_MA1.pdf.↩

  37.  Voir notamment Mt 18.15-18.↩

  38.  Question rapidement discutée dans T. Huser, « Un regard sur nos Eglises », in Eglise, ouvre-toi (coll. Dossiers « Semailles et Moissons », n° 8), Editions Je Sème, Saint-Prex, 1996, p. 69-72.↩

  39.  Nb 11.4 montre que, même dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu était accompagné par d’autres personnes qui s’en distinguaient tout en faisant route avec lui.↩

  40.  Ceci dépend de la théologie baptismale de l’Eglise. Dans une vision crédobaptiste, les enfants des croyants n’appartiennent pas au noyau confessant avant d’avoir marqué leur engagement de foi par le baptême. Dans une ecclésiologie pédobaptiste confessante, les enfants baptisés des croyants appartiennent de plein droit à l’Eglise.↩

  41.  Nous utiliserons dorénavant ce terme pour désigner la communauté au sens large, au-delà du groupe des baptisés.↩

  42.  Huser (op. cit., p. 78) y invite également, dans une perspective de liberté et d’évitement des comportements sectaires : « Nous laissons à ceux qui le souhaitent la liberté de partir ; nous essayons de maintenir de bonnes relations même avec des personnes qui nous quittent pour d’autres milieux ou d’autres orientations. »↩

  43.  G.K. Chesterton, The Everlasting Man, Wilder Publications, 2008, p. 3, notre traduction.↩

  44.  G.K. Chesterton, Orthodoxie, traduction, notice et notes par Lucien d’Azay, Paris, Flammarion, 2010, chap. 1.↩

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Les réformateurs face à la confession http://larevuereformee.net/articlerr/n261/les-reformateurs-face-a-la-confession Wed, 19 Sep 2012 21:49:13 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=816 Continuer la lecture ]]> Les réformateurs face à la confession

Jean-René Moret*

La confession n’est pas un sujet très habituel à traiter dans le protestantisme. Comme le cite M. Boegner dans sa préface au livre de Thurian[1], pour beaucoup, il reste qu’« un protestant ne se confesse pas » et, de ce fait, ce sujet est perçu comme ne pouvant concerner que les catholiques ou comme étant, tout au plus, un point d’histoire bien ancien.

Deux faits m’ont poussé à remettre cela en cause. Le premier est que plusieurs passages bibliques mettent un accent certain sur une forme ou l’autre de confession ; le second est la constatation que, sans en porter le nom ni en avoir l’aspect rituel, des démarches partageant certaines caractéristiques fondamentales de la confession existent dans les milieux évangéliques. Du premier fait, il sera peu question ici, cet article considérant l’angle historique plutôt qu’exégétique[2]. Du second fait, il sera brièvement question au cinquième point. Le présent article se concentrera sur la période de la Réforme, qui constitue une charnière sur ce sujet, et s’efforcera de déterminer et d’exposer ce que les réformateurs ont rejeté concernant la confession, ce qu’ils ont gardé et ce qui peut jeter un éclairage sur l’évolution ultérieure dans le protestantisme.

Pour que l’objet de cet article soit bien défini, il faut encore établir ce que nous désignerons par confession privée, puisque, selon les théologies, la notion même peut changer. Pour nous, la confession privée a les caractéristiques suivantes : il s’agit de l’exposition en privé d’un ou plusieurs péchés commis, suivie par l’expression de la repentance et du désir de changer, le tout confié à un autre chrétien qui annoncera le pardon de Dieu (l’absolution), les faits confiés étant protégés par le secret.

A la problématique de la confession se rattache une problématique plus large : comment, dans l’Eglise comme dans la vie des chrétiens individuels, maintenir vivantes, avec une égale force, la condamnation radicale du mal et la conviction de la grâce de Dieu ? Avec sa double dimension de repentance et d’absolution, la confession participe à cela.

Il sera aussi question, incidemment, d’autres pratiques liées à cette question : pénitence, confession publique et pratique de la discipline.

Nous nous proposons de survoler, d’abord, les temps antiques et médiévaux pour bien situer cette thématique. Puis nous évoquerons les positions de Luther, Bucer (dans une moindre mesure) et Calvin face à la confession, leur attitude face à la pratique catholique et leur vision propre. Nous donnerons, ensuite, quelques indications sur l’évolution ultérieure jusqu’à notre époque, avant de conclure.

1. Eglise ancienne et Pères de l’Eglise

Voici quelques éléments concernant la confession dans l’Eglise ancienne[3].

La pénitence antique, présentée, entre autres, dans le Pasteur d’Hermas et chez Tertullien[4], consistait en une démarche ritualisée qui ne pouvait avoir lieu qu’une unique fois au cours de la vie du fidèle. Elle comportait de nombreuses exigences, des jeûnes, une mise à l’écart de la communion de l’Eglise et une privation de rapports sexuels ; elle était suivie du pardon et de la réintégration du pénitent. Selon Tertullien, par exemple, la repentance normale était celle qui précédait le baptême ; il n’aborde la démarche officielle de pénitence (qu’il appelle exomologèse, en grec dans le texte latin, un mot dont le sens est probablement bien rendu par l’idée de confession publique) qu’à regret, craignant que parler de pénitence rende l’auditeur plus prompt à pécher :

Puissent, ô Seigneur Christ, tes serviteurs n’en dire et n’en entendre sur la discipline de la pénitence que juste assez pour connaître le devoir qui incombe aux écoutants de ne point pécher : ou bien qu’ils ne sachent rien de la pénitence, qu’ils n’en attendent rien ! J’ai quelque répugnance à faire ensuite mention du second, du dernier espoir. Je crains, en traitant de la ressource qui reste encore au repentir, de sembler ouvrir une nouvelle carrière au péché.

Calvin, lui, reconnaît que l’usage de la confession est très ancien et il pense qu’il a tout d’abord été libre[5].

D’après Thurian[6], Jean Chrysostome avait, lui, une pratique qu’on pourrait qualifier de libérale (et qui lui était d’ailleurs reprochée) en appelant le pécheur à faire pénitence chaque fois qu’il péchait; il était en porte-à-faux avec la pratique de la pénitence unique.

2. Pratique catholique dans l’Eglise médiévale

Au haut Moyen Age[7], on trouve encore la pénitence antique faite publiquement une fois seulement. Cette pénitence est souvent repoussée jusqu’à la veille de la mort et, si ses exigences pratiques sont en théorie maintenues, le pénitent en est, le plus souvent, dispensé en raison de son état. Sous l’influence des moines irlandais et anglais apparaît la confession tarifée : on confesse ses fautes à un prêtre ou moine, qui donne une pénitence à exécuter, à la hauteur de la faute. La réparation est cependant encore le centre de la démarche, l’aveu n’est destiné qu’à établir la faute et l’étendue de la pénitence à appliquer.

C’est dans le siècle qui précède le Concile de Latran IV[8] (1215) que naît la forme de la confession qui prévaut dans l’Eglise catholique[9] romaine au moment de la Réforme. Le concile va prescrire, dans son 21e Canon[10], la pratique obligatoire de la confession annuelle. Nouveauté notable, la confession constitue le centre et l’obligation de la pratique, les peines pénitentielles doivent être accomplies seulement « dans la mesure des moyens » du fidèle, elles ne sont plus le centre de la démarche. Celui qui se soustrait à l’obligation de se confesser se voit menacé d’exclusion de l’Eglise et de privation de sépulture chrétienne.

Dans cette décision cohabitent souci pastoral, lutte contre l’hérésie, contrôle social et volonté de permettre au curé de connaître ses ouailles ; en effet, un contact minimal avec le prêtre est ainsi imposé.

On cherchera dès lors à faire confesser les péchés de manière exhaustive, en suivant des listes de péchés ou les Dix Commandements. La prédication exhorte fortement à la pratique de la confession, en montrant le diable joué par la confession qui le prive de son pouvoir sur les fidèles.

On met aussi un certain accent sur la contrition, attitude de regret profond vis-à-vis de son propre péché ; dans certaines doctrines de la confession, elle est même considérée comme un élément nécessaire au pardon.

 

En opposition, Duns Scott (1266-1308) et Guillaume d’Occam (1285 -1347)[11] voient dans l’absolution la seule partie nécessaire du sacrement, la confession et la pénitence n’étant qu’accessoires.

 

3. Position des réformateurs

Luther

Le sacrement de pénitence fait partie (avec la cène et le baptême) des trois sacrements que Luther reconnaît. Il se différencie de la pratique catholique dominante en voyant un sacrement non pas d’abord de confession, mais plutôt d’absolution, se rapprochant en cela de la position de Scott et Occam.

Pour Luther, le sacrement doit absolument être distingué d’un pouvoir qui serait conféré au prêtre ; il s’agit bien plutôt d’un ministère : l’élément important est la foi du croyant, foi envers les menaces de Dieu concernant le péché, foi envers ses promesses concernant le pardon. Celui qui annonce le pardon ne fait qu’énoncer ce qui résulte de la promesse de Dieu et de la foi, aucun pouvoir propre ne lui est dévolu.

Du reste, Luther considère le pardon comme accordé de plein droit à celui qui demande pardon et renonce à son mauvais comportement en présence d’un simple frère.

Il critique aussi la notion de contrition, comme si elle était la chose nécessaire à produire chez le pénitent ; pour lui, la foi est première, la contrition est son fruit naturel. Lier le pardon à la contrition conduit encore l’être humain à se confier en quelque chose qui vient de lui-même, ce à quoi Luther s’oppose radicalement.

Tout en critiquant sévèrement toutes les dérives qu’il voit dans la pratique de son époque, Luther garde une opinion haute de la confession :

Or, la confession secrète, telle qu’on la pratique aujourd’hui, même si elle ne peut pas être prouvée par l’Ecriture, n’en est pas moins digne d’approbation : elle est utile, voire nécessaire et je ne voudrais pas qu’elle ne fût pas. Plus encore, je me réjouis qu’elle existe dans l’Eglise de Christ, car elle est l’unique remède des consciences affligées. Il en est ainsi, du moins, si après que notre conscience s’est dévoilée à notre frère et que le mal auparavant caché lui a été familièrement révélé, nous recevons de sa bouche la parole de consolation qui vient de Dieu. Accueillant cette parole dans la foi, nous trouvons l’apaisement dans la miséricorde de Dieu, qui nous parle par notre frère. Il n’y a qu’une chose que je déteste : c’est que la confession ait été soumise à la tyrannie des papes et entraînée dans leurs exactions[12].

Au demeurant, Luther a réintroduit la confession à Wittenberg, après qu’elle fut supprimée par Carlstadt l’hiver 1521-1522. D’après P. Denis[13], la confession réintroduite par Luther avait moins le caractère de confession exhaustive des péchés que celle d’un examen de foi, par lequel le ministre s’assurait que le fidèle avait conservé la foi de son baptême, avant qu’il ne participe à la communion. On peut lire cet usage également dans la Confession d’Augsbourg[14] :

Pour ce qui est de la Confession, elle n’a pas été abolie par nos prédicateurs. Nous observons chez nous la coutume de ne donner le Sacrement qu’à ceux qui ont été préalablement examinés et absous. On a soin de faire observer au peuple combien les paroles de l’Absolution sont consolantes, et combien l’Absolution est une grâce inestimable et précieuse : qu’elle n’est pas la voix ou la parole du ministre officiant, mais la Parole de Dieu qui pardonne les péchés. Car l’Absolution est prononcée au nom de Dieu et par son commandement. C’est avec beaucoup de zèle que nous donnons instruction concernant ce commandement et ce Pouvoir des Clefs[15], et nous montrons combien ce pouvoir est réconfortant et nécessaire aux consciences angoissées. Nous leurs disons que Dieu nous ordonne de croire à cette Absolution, tout comme si c’était la voix de Dieu lui-même, venue du ciel ; et que nous devons nous en réjouir et consoler, en sachant que par cette foi nous obtenons la rémission des péchés. […]

Voici notre enseignement sur la Confession : on ne doit contraindre personne à énumérer ses péchés en détail, vu que cela est impossible […][16].

En outre, Luther adjoignit à la seconde édition de son Petit Catéchisme (1529) une courte exhortation à la confession, dont deux extraits donneront une idée de la teneur :

Au sujet de la confession, nous avons toujours enseigné qu’elle devait être libre…

Aujourd’hui, chacun sait cela ; malheureusement, bien des gens ne le savent que trop ; ils font ce qu’il leur plaît et usent de leur liberté pour ne plus jamais se confesser

[…]

Nous t’exhortons, par contre, à te confesser et à dévoiler ta misère, non pour faire par là une œuvre méritoire, mais pour entendre la parole que Dieu te fait adresser. Cette parole ou l’absolution, tu dois la considérer comme un grand et précieux très et la recevoir avec respect et reconnaissance[17].

On le voit, en « libéralisant » la confession, Luther n’a jamais voulu la faire disparaître.

Il n’est, en revanche, pas facile de savoir de manière entièrement claire si la confession-examen était obligatoire dans les Eglises luthériennes. La Confession d’Augsbourg (voir plus haut) la mentionne comme précédant nécessairement la communion par coutume, Denis considère qu’elle a été imposée, mais pas de manière ferme ; Funck[18] mentionne diverses disciplines luthériennes l’imposant avant la cène, mais considère que cette confession visait surtout, en fait, les membres dont on suspectait la doctrine ou les mœurs, et n’était pas, de loin, imposée à tous avant chaque communion, sauf à l’époque de la controverse avec les réformés, où elle permettait de débusquer les sympathisants du calvinisme.

Bucer

Bucer[19] considère la confession comme ne découlant pas des commandements de Jésus-Christ, mais comme une pratique apparue dans l’histoire à la suite de quelques bons exemples. De libre, la pratique est ensuite devenue obligatoire au cours du temps.

Il reconnaît la confession secrète comme étant parfois utile, dépendant de la conscience du pécheur, et dépendant aussi de la capacité du ministre : si celui-ci est capable d’enseigner aux ignorants la vraie nature du péché pour les amener à une repentance plus complète, ou s’il peut les amener à espérer en la bonté ou la miséricorde de Dieu, ou pour les aider à éviter le péché.

Mais pour lui, la doctrine biblique importante concerne surtout la repentance et la discipline publique. Il interprète le pouvoir des clés dans le sens de l’exclusion du pécheur impénitent (« lier »), en vue de l’amener à changer son comportement (« délier » consistant à admettre à nouveau dans l’Eglise). Bucer insiste sur le fait que la repentance ne doit pas se limiter à des mots, mais se manifester par un comportement changé.

Cette insistance sur la discipline publique a peut-être eu une influence sur Calvin, qui collabora avec Bucer lors de son séjour à Strasbourg ; ce n’est d’ailleurs pas le seul domaine où une influence de Bucer sur Calvin est possible.

D’après Denis[20], la confession, encore en usage à Strasbourg en 1530, est tombée en désuétude jusqu’à ce que Marbach tente de la réintroduire en 1555.

Calvin

Rejet de la position catholique

Dans l’Institution de la religion chrétienne[21], Calvin prend une position claire, opposée à la pratique et à la réglementation catholiques. Il attaque, en particulier, le caractère obligatoire de la confession, l’exigence d’une confession exhaustive, le fait que l’office de la recevoir soit confié au prêtre seul et, enfin, la prétention des prêtres à juger du pardon accordé ou non.

 

La confession exhaustive est refusée à cause de la radicalité de la dépravation humaine : il est impossible de lister en entier ses fautes ; aussi demander de le faire ne peut-il conduire le fidèle qu’au doute et à la terreur : on ne peut jamais être sûr d’avoir tout dit, ni même d’avoir fait tous les efforts demandés en vue de cela[22].

 

Calvin se base sur Jacques 5.16[23] pour refuser au prêtre le monopole de la confession : si la confession doit être mutuelle, et faite seulement à un prêtre, seuls les prêtres pourraient se confesser entre eux, et le simple fidèle se verrait empêché d’obéir au précepte de Jacques.

L’obligation de se confesser est, pour Calvin, une chose que l’on impose aux consciences sans que l’Ecriture le demande : ce qu’il juge sévèrement.

Enfin, le prêtre ne peut pas juger de la sincérité du repentir exprimé ; impossible de penser que, par lui, Dieu absolve un hypocrite, ou que le prêtre ait un discernement infaillible ; sa parole d’absolution est donc sans poids.

Calvin rejette donc fortement la pratique catholique, et il a des paroles très dures à son égard :

J’ai déjà montré ailleurs quelle torture de taille représentait le fait de devoir confesser ses péchés à l’oreille d’un prêtre. Il n’existe pas, dans leurs autres lois, une exigence aussi dure […][24]

Valeur de la confession privée

Tout en dénonçant vigoureusement la confession auriculaire telle qu’elle est imposée dans l’Eglise catholique, Calvin reconnaît la validité et l’intérêt de la confession personnelle. Celle-ci est, pour lui, le moyen de trouver l’assurance du pardon lorsque sa propre conscience peine à y parvenir :

Ainsi, lorsqu’un croyant aura le cœur angoissé par le remords de ses péchés au point de ne plus trouver le repos sans une aide extérieure, qu’il se souvienne d’utiliser ce remède que lui offre Dieu : qu’il se confie à son pasteur pour être soulagé, puisque l’office de celui-ci est de consoler le peuple de Dieu avec la vérité de l’Evangile, tant en public qu’en privé[25].

Calvin reste fidèle à son rejet de la confession au prêtre seul en admettant la confession à n’importe quel frère. Cependant, il considère que le pasteur est particulièrement qualifié et appelé pour recevoir les confessions de ceux qui le désirent.

Contrairement à Luther, Calvin ne reconnaît pas de caractère sacramentel à l’absolution[26]. Pour lui, elle n’est que l’affirmation d’une réalité déjà effective devant Dieu. Tout le pouvoir des clés et la validité de l’absolution sont, en fait, subordonnés au pouvoir de la Parole de Dieu et de sa prédication : c’est en annonçant l’Evangile que le pasteur lie l’incroyant et délie celui qui reçoit sa prédication. En donnant l’absolution, le pasteur ne fait qu’annoncer fidèlement ce que la Parole lui commande, et le fidèle reçoit la grâce de Jésus-Christ en conformité avec sa foi[27]. On peut noter cependant que cette vision n’est pas très différente des idées qu’il développe sur la cène ; Thurian[28] va jusqu’à affirmer que, tout en refusant le statut de sacrement à l’absolution, Calvin lui reconnaissait toutes les caractéristiques essentielles d’un sacrement : institution par le Christ, attestation à l’homme d’une réalité spirituelle et validité réelle dépendant de la foi ; il ne manquerait que le support matériel d’un sacrement.

Discipline ecclésiastique et confession générale

Dans sa pratique, Calvin, lors de son séjour à Strasbourg, en 1540, va introduire un entretien, préalable à la cène, pour s’informer de l’état spirituel de ceux qui veulent y participer, instruire ou consoler ceux qui en ont besoin, et en écarter les pécheurs notoires (une manière de faire qui semble assez similaire à celle de Luther). Il écrit à ce sujet :

Pour moi, il était inutile de supprimer la confession dans les Eglises, si ce n’était pour la remplacer par ce que je viens d’instituer[29].

Par la suite, cette charge d’examen sera répartie entre anciens et pasteurs, pour aboutir au consistoire, instance collégiale de discipline. Avec des différences de taille par rapport à la confession privée : les remontrances étaient le plus souvent publiques, et l’initiative ne revenait pas à la personne qui avouait ses fautes, mais au consistoire.

On trouve cependant dans la discipline des Eglises de France (chapitre V, article 25, citée par Funck[30]) la mention suivante :

Quant aux crimes qui auront été déclarés aux ministres par ceux qui demanderaient conseil et consolation, il est défendu aux ministres de les révéler au magistrat, de peur d’attirer du blâme sur le ministère, et d’empêcher les pécheurs de venir à la repentance et à une libre conception de leurs fautes. Ce qui aura lieu en tous crimes déclarés, sinon en cas de crime de lèse-majesté.

On voit ici le maintien d’une sorte de secret de la confession pour les fautes librement avouées.

La discipline telle qu’elle est mise en place remplace la confession catholique dans son rôle de contrôle social et d’amélioration de la moralité de l’Eglise.

Dans les Eglises réformées, l’absolution, donnée en particulier suite à une confession des péchés, est remplacée par une absolution collective, donnée dans le cadre du culte, suite à la confession générale des péchés. Cette pratique remplacera également la confession/examen dans les Eglises luthériennes au cours du XVIIIe siècle, d’après Funck[31]. La Confession helvétique postérieure donne une bonne idée d’une position réformée :

Il est donc nécessaire de confesser nos péchés à Dieu notre Père et de nous réconcilier avec notre prochain si nous l’avons offensé. C’est de ce genre de confession que parle Jacques, en disant : « Confessez donc vos péchés les uns aux autres. » D’autre part, si quelqu’un, étant oppressé par le poids de ses péchés ou troublé par la tentation, cherche en privé le conseil, l’instruction ou la consolation d’un pasteur ou d’un autre frère instruit dans la Loi de Dieu, nous ne saurions le désapprouver. De même, nous approuvons pleinement que la confession générale et publique des péchés (dont nous avons déjà parlé) se fasse régulièrement lors des assemblées religieuses, vu que cela est conforme à l’Ecriture[32].

La confession privée n’est pas désavouée, mais la confession générale des péchés est préférée et mise davantage en avant.

Synthèse

Les réformateurs considérés se rejoignent dans le rejet de la confession telle que l’Eglise catholique de l’époque la pratique et l’impose. La prétention de faire résider l’absolution des péchés dans les seules paroles du prêtre est vigoureusement rejetée et l’idée de confesser les péchés exhaustivement est jugée irréaliste et cruelle. Le caractère obligatoire de la confession est également critiqué comme une tyrannie ; aussi Calvin et Luther n’auront-ils pas beaucoup de scrupules à imposer leurs solutions de remplacement. On peut donc dire que l’obligation de se confesser est critiquée parce que la confession, telle qu’elle était pratiquée à l’époque, n’était pas pleinement légitime[33]. Mais le fait que la discipline de l’Eglise puisse nécessiter d’imposer certaines démarches semble admis.

L’autre point d’accord entre les réformateurs réside dans la reconnaissance d’une certaine valeur et d’une utilité à une démarche de confession individuelle et secrète, dans un cadre approprié. Pour tous, cette démarche est utile pastoralement pour l’édification de la communauté et pour rassurer les consciences inquiètes[34]. Seul, Bucer nie que le « pouvoir des clés » soit lié à l’absolution des fautes suite à leur aveu ; les autres réformateurs lient toujours ces notions. Quant à Luther et Calvin, ils redéfinissent le rôle du ministre (ou du frère) en n’en faisant qu’un médiateur ou un messager, dépourvu d’autorité en lui-même pour absoudre.

Luther et Calvin se positionnent, en revanche, différemment quant au lien entre leur pratique et celle de l’Eglise catholique : Luther apprécie la confession « telle qu’on la pratique aujourd’hui », mais il considère qu’elle été entraînée dans les excès de la papauté dont il s’agit de la délivrer. Calvin, lui, n’hésite pas à dire que les réformateurs ont aboli la confession ; aussi ce que Calvin instaure en est-il un remplacement et non une restauration.

Nos deux grands réformateurs se distinguent aussi sur la question de la sacramentalité de l’absolution, et cette différence, qui peut sembler minime au niveau de la nature de l’acte d’absolution, a une importance en ce qui concerne son statut : dans une vision réformée où l’Eglise se définit, entre autres, par la droite administration des sacrements, un sacrement reconnu peut difficilement tomber dans l’oubli sans que cela appelle à un questionnement ; alors qu’une pratique simplement optionnelle n’a pas la même protection.

Non sans lien avec cette question, Luther et Calvin différeront sur le point de savoir comment remplacer la confession auriculaire médiévale. On l’a vu, Luther la remplace par une confession d’ordre plus général, menant aussi à l’examen des dispositions de foi, avec l’absolution comme cœur de la démarche. Calvin commence par suivre une voie presque similaire sous forme d’entretien pastoral privé préalable à la cène, mais l’évolution de sa pratique mènera, ensuite, à l’établissement des consistoires, pratiquant une discipline publique, également prônée par Bucer. Ces consistoires remplacent bien la confession obligatoire dans le rôle de veiller à la moralité de l’Eglise, en réprouvant les pécheurs scandaleux. D’autre part, la pratique de la confession générale, dans le cadre de la liturgie, remplit bien le rôle de rappeler l’état de pécheur du chrétien et la grâce de Dieu. Le champ laissé à la confession privée serait celui de la cure d’âme, du travail pastoral, de l’aide apportée à la lutte individuelle contre le péché et la culpabilité. Tel est bien le rôle que Calvin lui assigne mais, par réaction face à la confession obligatoire, on perçoit chez Bucer (et plus encore dans la Confession helvétique) une hésitation pour en encourager la pratique ; elle n’est jamais condamnée tant qu’elle reste libre ; on reconnaît son bien-fondé si elle est bien mise en œuvre, mais il ne lui est pas assigné de place définie. Son absence dans les autres catéchismes et confessions de foi réformées consultés montre qu’elle n’est pas considérée comme faisant partie de l’essentiel de la foi, ni de l’enseignement de l’Eglise. Il n’y a pas de décision formelle pour l’abolir, mais une sorte de négligence un peu gênée qui conduira à la laisser disparaître.

Evolution ultérieure

Chute en désuétude

Il n’a pas été possible de trouver une source historique précise et détaillée montrant à quel point la confession privée a été pratiquée ou non dans les Eglises réformées au cours des siècles. On en trouve cependant un écho dans la préface du livre de Thurian que M. Boegner a écrite[35], où il apparaît que la confession privée n’est pratiquée qu’à de rare exceptions, bien que les pasteurs s’engagent encore à respecter le secret de la confession. M. Boegner attache, avec une certaine logique, cette désaffection aux circonstances historiques des Eglises réformées en France – on conçoit bien que dans une situation de persécution par l’Eglise catholique, une pratique instinctivement rattachée à l’institution romaine ne pouvait que difficilement se maintenir, surtout si elle est considérée comme secondaire.

Mais ce qu’il faut noter encore, c’est que le rôle disciplinaire des consistoires a disparu lui aussi[36], de sorte qu’on n’en voit presque aucune trace de nos jours. Quant à la confession générale des péchés, elle tend à porter de plus en plus sur la faiblesse humaine et de moins en moins sur la dépravation et le péché objectif et volontaire, sans parler de toutes les Eglises éloignées de la tradition réformée qui ne la pratiquent pas du tout.

On a déjà mentionné qu’en milieu luthérien, la confession-examen a été remplacée par la confession générale au cours du XVIIIe siècle, après avoir cohabité avec elle.

Regain d’intérêt au XXe siècle dans le monde protestant

Un exemple de retour à l’idée de confession se trouve chez Dietrich Bonhoeffer ; pour lui, la confession est un sacrement qui actualise pour la personne l’annonce du jugement et du pardon contenue dans la prédication. Il va jusqu’à dire que la prédication sans sacrement est absurde. Dans sa perspective, l’absolution est un pouvoir donné à la communauté chrétienne en tant qu’elle incarne le Christ. Celui qui prononce l’absolution ne peut le faire qu’en tant que frère, frère dans la faute comme dans la foi, même s’il est le pasteur. Dans sa pensée, la confession rend actuelle la vérité de ce qu’est l’homme et la vérité prononcée par Dieu dans le pardon. Bonhoeffer déplore la disparition de cette pratique comme appartenant à l’individualisme moderne, en des termes qui ne laissent pas de doute sur le poids qu’il lui confère :

La suppression de la confession individuelle a détruit une substance vivante de la communauté ; une de ses artères vitales s’est atrophiée[37].

Un autre exemple d’intérêt renouvelé et traduit dans la pratique se trouve dans la communauté de Taizé, à laquelle Thurian appartient. En tant que communauté œcuménique fondée par un pasteur protestant, elle a un caractère limitrophe du protestantisme, et Thurian, dans son argumentation en faveur de la confession, se réfère à l’Eglise de tous les temps autant qu’aux réformateurs. Comme Bonhoeffer, Thurian[38] place la confession (et toute la discipline ecclésiastique) dans la perspective de la vie commune de l’Eglise : il y a solidarité dans le péché, et un sain exercice de la discipline consiste à mener le combat contre le péché en tant que corps solidaire de l’Eglise. La confession entre dans ce cadre-là : en se confessant à un frère, on se confesse à l’Eglise et, dans l’absolution, c’est l’Eglise[39] qui se fait médiatrice du Christ pour relever le pécheur.

Pratiques analogues en milieu évangélique

Nous nous permettrons ici de déroger aux règles d’une recherche historique en présentant des informations qui ne proviennent pas d’une source écrite répertoriée, mais de notre observation personnelle au cours de notre vie d’Eglise. Nous décrivons ci-dessous un processus typique d’un certain nombre de rencontres en milieu évangélique ; une recherche ultérieure pourrait probablement mettre au jour une antécédence de cette manière de faire dans le vécu de l’un, de l’autre ou de plusieurs des réveils historiques, ou dans certaines campagnes d’évangélisation ; mais une telle démarche dépasserait le cadre de cet article. De même, une étude sociologique serait justifiée, mais déborderait encore plus du cadre. Utilisons donc cet expédient :

Dans une grande rencontre évangélique, après un moment de chant dynamique, un intervenant prend la parole. Il présente qui est Dieu, montre sa grandeur, et rappelle sa bienveillance envers les humains. Puis il dénonce également les actes, les comportements, les attitudes qui s’opposent à Dieu. Il interpelle, ensuite, l’assemblée, pressant chacun de s’examiner. Il propose alors à ceux qui « souhaitent se mettre en ordre avec Dieu » de s’avancer devant les rangs. Quelques personnes se lèvent; elles sont rapidement rejointes, chacune, par un « conseiller », qui entame la discussion avec elles.

Considérons, maintenant, une des paires ainsi formées : la personne qui a répondu s’est avancée et explique au conseiller en quoi elle se considère coupable face à Dieu. Le conseiller s’assure que la personne a réellement l’intention de changer d’attitude ; ensuite de quoi, tous deux se mettent à prier. Le pécheur repentant exprime à Dieu son regret, sa faiblesse et demande son pardon et son aide pour changer. Le conseiller, lui, demande la grâce de Dieu tout en assurant qu’elle est acquise par Jésus-Christ, et promise à celui qui manifeste les dispositions qu’il vient de constater. Puis, après quelques paroles d’encouragement et de conseil, le pécheur pardonné s’en va, libéré de sa culpabilité, convaincu du pardon de Dieu et déterminé à corriger son comportement.

Cette représentation est, bien sûr, schématique, mais nous pensons qu’elle reflète fidèlement une certaine pratique actuelle. Le lecteur aura vite remarqué que ce processus répond à la définition de la confession présentée en introduction. Plus précisément, il s’agit d’une confession libre, qui peut s’effectuer en compagnie d’un frère sans ministère institué, et dont le but est autant le changement de comportement que l’assurance du pardon.

Cette pratique peut sembler étonnante dans la mesure où, à notre connaissance, elle ne se réfère pas aux pratiques historiques de la confession, ni aux réflexions des réformateurs ; mais elle partage les caractéristiques essentielles de la confession telle que les réformateurs pouvaient l’admettre.

Si cette façon de faire est peut-être la plus ritualisée, il existe bien d’autres cadres que l’on pourrait évoquer : les groupes de partage et les démarches de « mentorat » incluant souvent une évocation des péchés ou des domaines de vie nécessitant amélioration, avec cependant une insistance plus forte sur le conseil et les méthodes permettant de progresser que sur la demande de pardon et son affirmation ; cela qui n’aurait peut-être pas déplu à Bucer.

Conclusion

Nous avons montré que les réformateurs se sont opposés frontalement à la pratique de la confession auriculaire obligatoire, telle qu’elle était pratiquée et conçue à leur époque. En même temps, ils ont tous considéré que la pratique de la confession était bénéfique, si elle était libre et liée à la prédication de l’Ecriture. Cependant, cette pratique a peu trouvé place en milieu réformé dans l’enseignement et a peu été mise en œuvre.

Les réformateurs ont bien perçu également qu’abolir la confession obligatoire devait s’accompagner de nouvelles mesures d’une sorte ou d’une autre, tant pour le rappel des vérités sur la culpabilité de l’homme et le pardon divin que pour l’amélioration de la moralité de l’Eglise. Dans l’évolution ultérieure, même ces mesures de remplacement ont été abolies ou affaiblies et de nouvelles Eglises protestantes sont apparues qui n’ont pas ces pratiques.

Au XXe siècle, dans le sillage de la néo-orthodoxie et du regain d’intérêt pour l’aspect communautaire de la foi, des voix se sont élevées pour appeler à une pratique de la confession. D’autre part, il existe une certaine pratique évangélique proche, dans son fonctionnement et dans ses apports, de ce que la confession recouvrait.

Les conclusions que nous proposons sont les suivantes :

  • Si les réformateurs n’ont pas conçu l’abolition de la confession obligatoire sans la remplacer, les Eglises protestantes ont à se demander, aujourd’hui, si leurs disciplines, leurs prédications et leurs liturgies permettent de garder vivante la conscience de la réalité et de l’horreur du péché, de recevoir le pardon de Dieu et de progresser en sanctification.
  • Si la confession est une pratique bénéfique que les réformateurs n’ont jamais réprouvée, mais qui a presque disparu par crainte de confusion avec le catholicisme et par manque d’enseignement, on peut se demander, aujourd’hui, s’il n’est pas temps de donner à ce sujet un enseignement dans la ligne des réformateurs (sous réserve de conformité à l’Ecriture et d’adaptation à la réalité de l’Eglise), pour permettre sa mise en œuvre en veillant à ne pas déraper dans l’expérimentation.

* J.-R. Moret est un étudiant suisse à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

[1] M. Thurian, La confession, Delachaux et Niestlé, 1954.

[2] On donnera cependant ici quelques références bibliques en lien avec la question : Matthieu 3.5-6, 1 Jean 1.8-9, Jacques 5.16, Matthieu 16.18-19, Matthieu 18.15-19, Jean 20.21-23. Ces passages font d’ailleurs l’objet d’interprétations variées et discutables.

[3] Empruntés entre autres à B. Lambert, Les pratiques de la pénitence dans l’Eglise d’Occident, octobre 2010. Publication électronique: http://tinyurl.com/6hnu86z, consulté le 10.03.11.

[4] Tertullien, Traité de la pénitence. Picard A., 1906. Consulté électroniquement sur http://www.tertullian.org/french/delapenitence.htm, dernière consultation le 17.03.2011.

[5] J. Calvin, Institution de la religion chrétienne (IRC), Kerygma/Excelsis, 2009, III.iv.17.

[6] Ibid., 30.

[7] Voir, pour ce paragraphe, Judic B., « Pénitence publique, pénitence privée et aveu chez Grégoire le Grand », in Pratiques de la confession, Groupe de la Brussière, Ed. Le Cerf, 1983 ; voir aussi J. Delumeau, L’aveu et le pardon, Fayard, 1990.

[8] Pour cette partie : N. Bériou, « Autour de Latran IV : la naissance de la confession moderne et sa diffusion ». In Pratiques de la confession, Groupe de la Brussière, Ed. Le Cerf, 1983.

[9] Dans la suite, l’adjectif « catholique » sera utilisé pour désigner l’institution ecclésiale ayant à sa tête l’évêque de Rome, sans que cela implique un accord de fond avec cette manière de la nommer, qui est cependant traditionnelle.

[10] En annexe de Bériou, op. cit.

[11] Tous deux franciscains, ils représentent une opposition philosophique au thomisme dominant de l’époque. Ils sont parfois qualifiés de « nominalistes ».

[12] M. Luther, « De la captivité babylonienne de l’Eglise ». In Œuvres, vol. II, Labor et Fides, 1966, chap. « Du sacrement de pénitence », 222-230.

[13] P. Denis, « Remplacer, la confession : absolutions collectives et discipline ecclésiastique dans les Eglises de la Réforme au XVIe siècle ». In Pratiques de la confession, Groupe de la Brussière, Ed. Le Cerf, 1983.

[14] Confession que les principales Eglises luthériennes avaient préparée en 1530 pour présenter leur foi devant l’empereur.

[15] L’autorité de lier et de délier en Matthieu 16.19 et 18.18 : « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » (Matthieu 16.18-19)

    « Si ton frère a péché, va et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux (personnes), afin que toute l’affaire se règle sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Eglise ; et s’il refuse aussi d’écouter l’Eglise, qu’il soit pour toi comme un païen et un péager. En vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » (Matthieu 18.15-18)

    Les citations bibliques sont tirée de la Bible Segond La Colombe, Alliance Biblique Universelle, 1978. Traduction révisée.

[16] M. Luther et P.M. Melanchthon, Confession d’Augsbourg, 1530. Edition électronique sur http://www.egliselutherienne.org/bibliotheque/CA, consultée le 7.03.2011, art. 25, extraits.

[17] Citations tirées de Thurian, op. cit., qui reproduit intégralement cette courte exhortation en guise de conclusion.

[18] A. Funck, La confession auriculaire, Ranboz et Schuchardt, 1874, 111-115.

[19] Bucer est, on le sait, le réformateur de Strasbourg. L’Eglise de Strasbourg ayant rejoint le camp luthérien, il n’y aura pas d’Eglise « bucérienne » où l’on pourrait voir les suites de sa position. Pour cette partie, nous nous basons sur M. Bucer, Du royaume de Jésus-Christ, chap. IX, « La discipline de pénitence ». In Martini Buceri Opera Latina, F. Wendel, Ed., vol. XVbis. Presses Universitaires de France, 1954.

[20] P. Denis, op. cit.

[21] J. Calvin, IRC, III.iv.

[22] Ibid., 16-18.

[23] « Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière agissante du juste a une grande efficacité. »

[24] J. Calvin, IRC, IV.x.1.

[25] Ibid., III.iv.12.

[26] Ibid., IV.xix,17.

[27] Ibid., III.iv. 22.

[28] M. Thurian, op. cit., 22, note 5.

[29] J. Calvin, Lettre n° 218, de Calvin à Farel. In Opera Calvini, G. Baum, E. Cunitz et E. Reuss, Eds., vol. XI. Schwetschke, C.A., 1873 − traduction du latin reprise de Denis, op. cit., 173.

[30] A. Funck, op. cit. La citation faite ne permet pas de connaître la date de l’édition de la discipline consultée ; le contexte lie cette discipline à la Confession de foi de La Rochelle (1571).

[31] Ibid., 114.

[32] H. Bullinger, « La Seconde Confession helvétique ». La Revue réformée 52 (2001). Traduction du latin par D. Cobb. Chap.14, par. 7. Ni la Confession de foi de La Rochelle (Kerygma, 1988), ni le Catéchisme de Genève (Kerygma, 1991), ni le Catéchisme de Heidelberg (Kerygma, 1986) n’abordent directement la question de la confession, sauf La Rochelle au point XXIV, pour condamner la confession auriculaire catholique.

[33] A noter, à ce sujet, que tous les réformateurs considérés pensent que la confession privée ne découle pas directement de l’Ecriture, ou en tout cas « ne peut pas être prouvée » par elle, pour reprendre l’expression de Luther.

[34] Bucer, en particulier, a une vision de l’utilité de la confession qui semble donner une grande place au conseil « psychologique », si l’on accepte cet anachronisme.

[35] M. Thurian, op. cit.

[36] En France, après la Révolution. M. Johner, communication personnelle.

[37] D. Bonhoeffer, La nature de l’Eglise. Labor et Fides, 1972, 89. 

[38] M. Thurian, op. cit., chapitre II.

[39] Il s’agit bien ici de l’Eglise comme communauté des vrais croyants, et non comme ensemble du clergé.

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