Pierre MARCEL – La Revue réformée http://larevuereformee.net Sat, 11 Sep 2021 17:44:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 Sommaire N° 190 – 1996/4 – JUIN 1996 – TOME XLVII http://larevuereformee.net/articlerr/n190 Sat, 11 Sep 2021 19:41:51 +0000 https://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=1171 anniversaire de Clément Marot (1496-1544) G.LEZAN Marot et les Psaumes F. GONIN Politique royale et vocation de Marot Un livre pour chanter Le Psautier français, les 150 Psaumes versifiés en français contemporain, mélodies originales du 16° siècle, harmonisées à … Continuer la lecture ]]> 500ème> anniversaire de Clément Marot (1496-1544)

G.LEZAN
Marot et les Psaumes


F. GONIN
Politique royale et vocation de Marot


Un livre pour chanter
Le Psautier français, les 150 Psaumes versifiés en français contemporain, mélodies originales du 16° siècle, harmonisées à quatre voix (J.-C. Thienpont)


Une chrétienne engagée
D. BEAUNE, Mère Marie (1891-1945) et l’Action orthodoxe


Théologie pratique
P. COURTHIAL, Qu’est-ce que la nouthésie ?


Eglise : Pluralisme ou ?…
P. WELLS, Les Eglises en questions


Méditation biblique
P. MARCEL, Jésus lave les pieds de ses disciples (Jn 13:2,4,5)


Réflexion théologique
G. BRAY, La création

La Revue réformée, en texte intégral, en format pdf

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La haine du monde http://larevuereformee.net/articlerr/n198/la-haine-du-monde Sat, 27 Aug 2011 14:41:04 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=660 Continuer la lecture ]]> La haine du monde

Pierre MARCEL*

Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous (…). Parce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est à cause de cela que le monde vous hait. (Jn 15:18-19)

Dans son dernier entretien avec ses disciples, la nuit qui précède sa mort, Jésus suit un plan rigoureux.

En lavant les pieds de ses disciples, Jésus leur révèle que l’humiliation du Messie est la cause effective de notre purification et de notre salut. Sa mort sur la croix met le comble à sa gloire et à la gloire du Père. La glorification du Christ implique la séparation d’avec ses disciples, la disparition de sa présence visible. Mais cette séparation inaugure le chemin que les disciples doivent suivre désormais: un chemin d’amour, à l’image de celui que le Christ a lui-même parcouru: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 13:34-35) Jésus fixe le but de notre vie humaine: l’union avec Dieu dans la maison du Père et il en précise le chemin: « JE SUIS le chemin, la vérité et la vie: nul ne vient au Père que par moi. » (Jn 14:4) Il faut croire en lui. Cette foi est puissante en oeuvres; elle rend la prière efficace. Absent en raison même de sa gloire, le Christ est présent, en chaque disciple, par l’union mystique qu’accomplit le don du Saint-Esprit, attestée par la sainte Cène.

C’est alors que Jésus peut préciser, à l’intention de chacun de nous, deux relations distinctes:

– La relation réciproque qui unit chaque disciple à son Seigneur. C’est l’image du cep et des sarments, qui dépeint l’essence de la vie de l’Eglise: porter des fruits à la gloire du Père, en demeurant en Christ, dans son amour; garder ses commandements et, avec une joie pleine et solide, en tant qu’amis du Christ, pleinement initiés au sens de sa mort, accomplir la mission pour laquelle il nous a choisis et établis; porter un fruit qui demeure jusque dans la vie éternelle.

– Mais pour porter du fruit, en tant que disciples, nous ne sommes pas seulement en relation avec notre Sauveur comme le sarment avec le cep, nous sommes aussi en relation avec le monde. En préciser les termes pour dépeindre ensuite la mission du Saint-Esprit dans le monde par la prédication de l’Eglise et le témoignage de chacun, et la victoire finale des croyants, voilà ce que Jésus veut encore faire avant que monte vers le Père sa dernière prière de consécration et d’intercession.

Le dernier mot que le Christ a prononcé pour qualifier nos relations avec lui et avec nos frères dans l’Eglise était AMOUR. Le premier qu’il prononce quant à nos relations avec le monde, c’est la HAINE. Quel contraste!

« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui; mais parce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est à cause de cela que le monde vous hait. »

La marque de l’Eglise, c’est l’amour; la marque du monde, de ceux qui ne sont pas renouvelés par le Saint-Esprit, c’est LA HAINE DE L’AMOUR, la capacité de haïr. La haine implacable du monde pour les « amis » de Jésus est le signe de la vérité, de l’authenticité de cette amitié. Notre initiation au mystère de la mort du Christ implique que nous soyons également initiés à la haine puissante du monde qui décida sa mort. L’amour de Dieu et la haine du monde doivent l’un et l’autre nous être révélés. Ce sont les deux mystères de notre existence. L’amitié pour Jésus déclenche l’inimitié du monde. Le monde hait le Christ, il ne peut donc que haïr ses amis; l’esprit du monde n’accepte et ne reçoit que ce qui vient du monde, ce qui lui semble homogène avec sa manière d’être, de penser et d’agir: tout ce qui lui est hétérogène, il le rejette, il le hait. Car le monde est perdu!

L’oeuvre du Christ est très exactement de choisir les siens, ses disciples « du milieu du monde » (15:19); c’est « du milieu du monde » (17:6) également que le Père les « donne » à son Fils. Cet appel et ce choix, ce don au Christ déclenchent la haine du monde et font des disciples des « objets de haine » (15:19). « C’est à cause de cela que le monde vous hait », dit Jésus. Le Maître n’étant pas du monde, ceux qu’il choisit ne sont pas non plus du monde (17:14-16); ils sont envoyés « dans le monde ». S’ils étaient encore du monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Le monde ne pourrait les haïr, comme il ne pouvait pas haïr les propres frères du Christ qui ne croyaient pas en lui (7:5-7).

Etre chrétien – tiré du monde, séparé – et, en même temps, être du monde, être aimé de lui, est une contradiction. Christ a témoigné que les oeuvres du monde étaient mauvaises (7:7). Les disciples ne peuvent que prêcher la même parole et être impliqués dans la haine du monde! Nous avons à nous rappeler sans cesse l’enseignement de Jésus: « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie. » (Jn 13:16) Après le lavage des pieds, cette affirmation est appliquée d’abord à la nécessité de l’amour mutuel parmi les disciples et à l’humilité de cet amour; maintenant le Christ l’applique à l’humiliation dans la persécution :

Il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur d’être comme son seigneur. S’ils ont appelé le père de famille Béelzébul, combien plus appeleront-ils ainsi ceux de sa maison. NE LES CRAIGNEZ DONC POINT. (Mt 10:24-25)

Ainsi l’attitude du monde à l’égard de Jésus conditionne son attitude à l’égard de ses disciples. Ceux qui l’ont persécuté, persécuteront aussi ceux qui parlent en son nom, et ceux qui ont gardé sa parole garderont aussi celle de ses disciples.

Mais d’où vient cette réjection de Jésus, sa persécution par le monde et la haine dont il est l’objet? DU PÉCHÉ, qui provient de l’ignorance du Père qui a envoyé le Christ. En fait, la haine du monde est inimitié contre Dieu. La venue du Christ n’était pas qu’une simple présence corporelle; elle était accompagnée de paroles et d’oeuvres. Le Fils a été envoyé par le Père pour le salut du monde (Jn 3:17), les paroles qu’il prononça, les oeuvres qu’il accomplit, sont, étaient les paroles et les oeuvres du Père:

Les oeuvres que le Père m’a donné d’accomplir (…) rendent à mon sujet le témoignage que le Père m’a envoyé. Et le Père qui m’a envoyé m’a lui-même rendu témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face, et sa parole ne demeure pas en vous. (Jn 5:36-37)

Les paroles que je vous dis, ce n’est pas de moi-même que je les prononce. C’est le Père demeurant en moi qui accomplit ses propres oeuvres. (Jn 14:10)

C’est pourquoi la haine du Fils est haine du Père. « Ils ont haï et moi et mon Père. » (Jn 15:24)

Le rejet de Jésus est un péché, différent de tous les autres péchés. Il est inexcusable, parce que le monde est tenu pour responsable de discerner la vérité quand la vérité lui est présentée. Mais il refuse de voir, d’entendre et de comprendre!

Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père. Celui qui confesse le Fils a aussi le Père. (1 Jn 2:23)

Celui qui a le Fils a la vie; celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie. (1 Jn 5:12)

L’apostasie du monde est l’accomplissement de la prophétie: « Ils m’ont haï sans cause! » Sans autre cause que le péché, l’endurcissement dans le péché.

L’amour du péché conduit à la haine de l’amour, parce que seule la haine du péché donne l’amour de l’amour.

C’est pourquoi, à travers toute l’histoire du monde, deux grands courants agissent au coeur de l’existence humaine et s’opposent sans cesse comme l’eau et le feu:

i) Le premier est dû à l’action du Saint-Esprit. Par la puissance agissante de la Parole de Dieu incarnée en Jésus-Christ, il redirige vers son Créateur la création qui, par la Chute, s’était séparée de sa véritable origine. Entre l’homme et le Père céleste, l’Esprit saint établit une relation de filialité. Ce courant régénérateur est celui de la révélation de la Parole de Dieu, avec ses thèmes fondamentaux, à savoir: la création, la chute et la rédemption par Jésus-Christ dans la communion du Saint-Esprit .

ii) Le second courant est celui de l’esprit d’apostasie. Il cherche à éloigner l’homme et à le séparer du seul vrai Dieu. Formidable puissance religieuse, il domine le coeur de l’homme et le conduit à la déification de la créature, à l’idolâtrie de soi.

Cet esprit d’apostasie, cette haine du monde à l’égard du Christ et de ses disciples, qui est une haine contre Dieu, se manifeste non seulement entre gens du monde et disciples de Jésus d’une manière directe, mais dans toutes les activités humaines, qui ne veulent tenir compte ni du Christ ni de Dieu. Dans la fausse science, les philosophies, les idéologies, la politique, les conceptions historiques, dans le droit, dans les arts, dans la morale, la littérature, la radio, le cinéma, la télévision, etc., l’industrie, le travail, la publicité, etc. RIEN N’Y ÉCHAPPE! Chrétiens, nous sommes quotidiennement assaillis par le mépris du Christ et de Dieu, par d’innombrables voies convergentes, comme un îlot battu par la tempête… Nous ne pouvons éviter ce combat! Pour discerner l’esprit du monde de l’esprit du Christ, nous devons sans cesse rester en éveil, travailler avec acharnement, réfléchir, résister et tenir… Aucun chrétien, ici, n’a droit au repos. Aucun ne peut esquiver ce combat. S’il ne combat pas, c’est qu’il est du monde, ennemi du Christ et de Dieu.

Mais chacun reçoit deux consolations, témoin de la puissance de la Parole de Dieu. « S’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre », qui accomplit – quotidiennement pour ceux qui ont la foi capable de discerner les fruits de la foi – des choses merveilleuses: l’alliance de grâce, l’évangélisation et la mission. L’Eglise du Christ s’édifie, se réforme, s’accomplit, se remplit dans l’attente de la venue de son Epoux.

Voici la seconde consolation. Comme seuls nous ne pouvons rien, Christ nous apporte une promesse: la présence, l’illumination, la consolation, la communion du Saint-Esprit nous sont données. Esprit de prophétie, Esprit de force, Esprit de joie, Esprit de paix: l’Esprit de victoire sur le monde! C’est par là que le Christ terminera cet ultime entretien.


* P. Marcel (1910-1992) a été pasteur de l’Eglise Réformée de France et fondateur de La Revue réformée.

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La tâche du Saint-Esprit http://larevuereformee.net/articlerr/n199/la-tache-du-saint-esprit Sat, 27 Aug 2011 12:26:55 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=651 Continuer la lecture ]]> La tâche du Saint-Esprit [1]

Pierre MARCEL*

Le Consolateur, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, celui-là vous enseignera toutes choses, et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit. (Jn 14:26)

C’est lui qui rendra témoignage de moi et vous aussi vous me rendrez témoignage. (Jn 15:27)

Chers frères, permettez-moi de penser que vous êtes, ici, quelques disciples du Christ. Le serviteur, le disciple, l’ami du Christ est placé dans une réalité qui implique une constante tension.

Avec votre Seigneur, vous êtes dans une relation aussi intime et profonde que le sarment avec le cep qui le porte. Le Christ vous a choisis pour une mission: garder ses commandements et ses paroles, demeurer en lui et – avec une joie pleine et solide – porter du fruit dans le monde, un fruit qui demeure jusque dans la vie éternelle. Ici, c’est la règle et le règne de l’amour.

Mais là, c’est la règle et le règne de la haine; car, dans le monde sans être du monde, portant la parole de votre Seigneur et vivant en communion avec lui, vous affrontez la haine du monde, sa haine de l’amour. Le monde hait le Christ parce qu’il hait son Père, Dieu! Sa haine se déchaîne contre tous ceux qui sont vraiment les serviteurs du Christ: « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. » (Jean 15:20) Comme lui, à la mesure de votre fidélité, vous rencontrez l’opposition, le dénigrement, la calomnie, la persécution: à tout âge, les enfants, les jeunes comme les adultes. Mais voici, pour tous, votre premier sujet de joie: la haine du monde ne parviendra pas à altérer cette joie pleine et solide que vous recevez du Christ.

Et voici votre second sujet de joie qui s’enracine dans une seconde promesse: comme plusieurs, dans le monde, ont entendu et reçu la parole du Christ, plusieurs également entendront et retiendront votre parole!

Surgit alors une question capitale: en l’absence de notre Seigneur, ne sommes-nous pas seuls? Sous les vagues agressives du monde, comment resterons-nous le sarment attaché au cep? Comment demeurerons-nous dans l’amour du Christ, nous en lui et lui en nous? Comment maintenir inaltérable notre joie? Comment témoigner, porter un fruit qui demeure, triompher de la haine par l’amour et de la persécution par la persévérance? N’allons-nous pas chanceler, trébucher, chuter peut-être tout à coup? Oui, comment, nous les jeunes, si fragiles, influençables, impressionnables, et nous tous, comment?

C’est ici qu’interviennent les promesses du Christ sur le don, la présence, l’activité et la puissance du Saint-Esprit, promesses qu’il se hâte, avant de conclure cet ultime entretien, de donner à ses disciples et à tous leurs successeurs, à chacun de nous:

Je prierai le Père, dit Jésus, qui vous donnera un autre Consolateur, afin qu’il soit éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous et il sera en vous. (Jn 14:16-17)

Ce n’est donc pas nous, mais l’Esprit saint qui trace la ligne de séparation entre l’Eglise et le monde, entre l’esprit de vérité des disciples et l’esprit d’erreur des gens du monde (1 Jn 4:6). C’est la présence de cet Esprit, demeurant avec nous, en nous, qui fait cette démarcation. Ce n’est pas nous qui nous séparons: c’est l’Esprit qui nous sépare. Nous ne pouvons que prendre acte de ce fait divin, faire l’expérience de sa réalité: qui ne se sent pas, qui n’est pas, d’une certaine manière, séparé du monde, n’est pas encore disciple du Christ.

Parce que nous ne pouvons trouver notre vraie consolation que dans les paroles du Christ, en Christ, la première tâche du Saint-Esprit que le Père nous envoie au nom du Christ est de

« nous enseigner toutes choses et de nous remettre en mémoire tout ce que le Christ nous a dit » (Jn 14:25-26).

Vous entendez? « Remettre en mémoire tout ce que le Christ nous a dit »! Il nous faut donc connaître ce que le Christ nous a dit et nous répète par sa Parole. Il faut la lire, la relire, la sonder, la recevoir, la mettre en pratique… Il ne faut pas la délaisser, l’ignorer. Sans la Parole du Christ, à côté d’elle ou hors d’elle, l’Esprit ne peut rien pour nous! Il ne peut rien pour vous! Sans la Parole, vous êtes privés de consolation et d’intelligence de l’Evangile et de la vie, privés de paix, privés de joie. L’Esprit n’agit pas sans moyens: il part de la Parole pour renvoyer à la Parole, pour nous « remettre en mémoire », en temps opportun et dans toutes les circonstances. Sans la parole du Christ qui est la parole de Dieu, nous n’avons rien et il ne se passe rien! L’Esprit est impuissant. Vous retombez dans la mort du monde.

Mais l’Esprit fait beaucoup plus que de nous « rappeler » les paroles littérales du Christ consignées dans les Ecritures. Il nous « enseigne toutes choses », il nous donne une représentation vivante de tout ce qu’il a dit, une explication créatrice de l’Evangile, et en fait autre chose qu’un code fossilisé. C’est Jésus lui-même, en effet, qui est au-delà de ses paroles, ou en deçà de ses paroles, car il est tout à la fois avant et après ses paroles, c’est Jésus lui-même qui est la Vérité. L’Esprit rappelle, l’Esprit explique, il nous montre les conséquences de la Parole, sa portée infinie, pour nous et pour le monde, et il la rend dans nos coeurs plus puissante que tout.

Timidité, crainte et détresse disparaissent alors, car nous n’avons rien à crainde: « Je vous laisse ma paix; je vous donne ma paix (…) Que votre coeur ne se trouble pas et qu’il ne craigne pas » (Jn 14:27). Que votre coeur, chers frères, soit jeune ou buriné par la vie! Car l’ordre nouveau du Christ pour nous est tout simplement la paix de Dieu vécue dans le monde, une paix qui vient de Dieu et du Christ par le Saint-Esprit. Assurément, la paix du Christ n’est ni une fausse sécurité, ni l’absence de combat; la paix du Christ est l’union avec le Père, maintenue à travers un combat incessant avec le monde et pour le monde, dans l’humilité, l’humiliation, la persécution souvent, dans une sorte de mort à nous-mêmes pour la gloire de Dieu: et cette mort-là est la vraie vie.

« Je vous ai dit tout cela pour que vous croyiez » (Jn 14:29). Notre foi est fondée non sur notre expérience, mais sur les paroles du Christ enracinées dans ce que le Christ nous dit. Seule, cette foi-là fait que notre coeur « ne se trouble pas et ne craigne pas » (Jn 14:27).

Craindre! Ce verbe n’est employé qu’ici dans le Nouveau Testament. Dans l’Ancien, il signifie la crainte ressentie par l’imminence de la guerre. De même que Moïse dit à son peuple arrivé au pied de la montagne des Amoréens:

Regarde, l’Eternel, ton Dieu, te livre ce pays. Monte, prends-en possession, comme l’Eternel, le Dieu de tes pères, te l’a dit, ne crains point et ne sois pas effrayé. (Dt 1:20-21)

C’est l’Eternel, ton Dieu, en effet, qui marche avec toi, devant toi; il ne te délaissera point et ne t’abandonnera pas. (Dt 30:6, 8)

De même que Dieu dit à Josué: « Ne te l’ai-je pas commandé? Sois ferme et prends courage, sois sans crainte et sans peur; car l’Eternel, ton Dieu, est avec toi dans toutes tes entreprises. » (Jos 1) De même le Christ, nous envoyant chacun dans le monde, pour y implanter sa Parole, reprend exactement les mêmes mots: « Que votre coeur ne se trouble pas et qu’il ne craigne pas »; car la paix du Christ implique la guerre avec le monde, mais cette guerre avec le monde ne détruit pas la paix du Christ dans nos coeurs, et ne nous ôte jamais cette joie pleine et solide d’être ses témoins quand nous sommes vraiment ses disciples.

C’est comme témoins du Christ que nous sommes envoyés dans le monde. Toute notre capacité de rendre témoignage dépend de notre communion avec lui, car nous avons été choisis et désignés pour être avec lui. Du milieu du monde, Christ nous a choisis pour être avec nous et nous envoyer avec lui dans le monde. Aucun de nous ne peut rester immobile, inactif, prendre une résidence, prendre racine. Chacun de nous est un envoyé du Christ ici-bas, depuis le jour où il a été appelé à la foi: dans sa famille, dans sa paroisse, dans le monde… Chacun doit être un témoin actif, dynamique! Chacun doit se poser chaque jour la question: « Puisque je suis l’envoyé du Christ, attaché à lui pour porter du fruit à la gloire de Dieu, auprès de qui et comment dois-je témoigner aujourd’hui? »

Chers frères, si chacun de vous se posait vraiment cette question, chaque matin, quels bouleversements en nous et autour de nous! Vous ne mettriez pas longtemps à faire l’expérience de la puissance de la parole du Christ et du témoignage de l’Esprit saint à travers votre témoignage, car voici la promesse:

Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, c’est lui qui rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous me rendrez témoignage. (Jn 15:26-27)

Là est le secret de l’autorité de notre témoignage dans le monde. L’Esprit que le Christ nous donne de la part du Père est l’Esprit de Vérité. Or Jésus est la Vérité. L’Esprit saint sera pour nous le témoin du Christ en nous donnant de comprendre, par son illumination, les paroles qu’il a dites et les oeuvres qu’il a faites. L’Esprit témoigne dans notre coeur pour que chacun de nous, avec foi, avec intelligence, rende témoignage au Christ (15:27). Par l’Esprit de Vérité, notre témoignage est un témoignage rendu à la Vérité. Notre mission est de proclamer cette vérité autour de nous. Nous sommes les instruments de l’oeuvre de l’Esprit, et l’Esprit oeuvre par nous. L’Esprit ne témoigne du Christ en nous que par la Parole; il ne témoigne du Christ autour de nous que par nous, porteurs de la Parole.

En tant que disciples du Christ, notre autorité, quand nous témoignons, est dans celle du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et notre enseignement, notre témoignage sont revêtus de cette autorité-là, avec la promesse que quelques-uns au moins l’entendront, le recevront, le retiendront, viendront au Christ et le serviront. Et par notre témoignage, Christ sera glorifié et Dieu avec lui.

Chers frères, tout disciple est un témoin. Témoignez! Chassez toute crainte, chassez toute peur, là aussi! C’est un ordre de Dieu, un ordre du Christ avec promesse: je te le commande, sois ferme et prends courage, sois sans crainte et sans peur, car je suis avec toi, je marche avec toi et devant toi. Vous n’êtes pas seuls. Votre parole, votre témoignage, l’Esprit saint s’en empare et leur donne la puissance et l’autorité mêmes de Dieu. Pensez-y, soyez-en sûrs, quand vous témoignez, et vous ne tarderez pas à en voir le fruit! Mais demandez, demandez l’Esprit saint et vous le recevrez « afin que votre joie soit parfaite » (Jn16:24). Car Dieu donne le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent (Lc 11:13).


* P. Marcel (1910-1992) a été pasteur de l’Eglise réformée de France et fondateur deLa Revue réformée.

1 Prédication donnée le 19 mars 1967. Lectures: Jn 14-15-17; 25-27; 15:26-27; 16:1-15.

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La Parole, le Baptême, la Sainte Cène – Le témoignage de la pensée réformée http://larevuereformee.net/articlerr/n211/la-parole-le-bapteme-la-sainte-cene-le-temoignage-de-la-pensee-reformee Thu, 18 Aug 2011 10:27:45 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=526 Continuer la lecture ]]> La Parole, le Baptême, la Sainte Cène
Le témoignage de la pensée réformée

Pierre Ch. MARCEL*

Les Editions Kerygma viennent de rééditer l’étude de P. Marcel sur le baptême,

sous le titre: L’alliance de grâce1.

Les conférences, dont le texte inédit est publié ci-après, présentent la pensée toujours actuelle de l’auteur et apportent des réponses aux questions posées aujourd’hui par ceux qui veulent réfléchir sur les sacrements.

I. Parole audible, parole visible

« Je regrette, je n’ai pas la foi! » disent souvent ceux à qui nous faisons part de nos convictions chrétiennes. Cette affirmation ne signifie pas: « Je n’ai pas de foi! » La foi n’est pas un contenu; elle est la plus haute, la plus noble fonction de notre personne. Chacun possède une foi, sa foi, dont le siège est le cœur, en son moi le plus profond. Elle téléguide les cheminements et les démarches de son intelligence, inspire ses pensées, donne leur sens à ses actes, à l’appréciation du prochain. Nul besoin pour croire que l’incroyant soit doté d’une fonction supplémentaire; il faut que sa foi profane devienne foi chrétienne par l’action du Saint-Esprit dans son cœur et des moyens qu’il emploie à cet effet.

Tout homme a une foi par quoi il interprète le monde, prend position par rapport au Dieu Créateur. Lisons au singulier la déclaration de l’apôtre Paul, qui laisse, aujourd’hui encore, à chacun sa responsabilité personnelle:

Ce que l’homme peut connaître de Dieu est pour lui manifeste: Dieu le lui a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses œuvres pour l’intelligence; il est donc inexcusable puisque connaissant Dieu, il ne lui rend ni gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu; au contraire, il se fourvoie dans ses vains raisonnements et son cœur insensé est devenu la proie des ténèbres; se prétendant sage, il est devenu fou. (Rem 1:19-22, trad. TOB)

Dieu avait pourtant – alors comme aujourd’hui – planté au cœur de ces hommes l’intelligence de discerner le témoignage que toutes les créatures rendent à la gloire de leur Auteur et de percevoir, à travers elles, quelque chose de ses invisibles perfections. Il n’en fut, il n’en est toujours rien! Et l’homme de récolter les fruits de sa folie. Malgré sa conscience cautérisée, il ne pèche pourtant pas par ignorance! Pourquoi Dieu ne l’abandonne-t-il pas tout simplement à sa folie? Parce que – l’Ecriture nous l’apprend – la passion de notre Créateur est que l’homme soit libre, heureux de vivre en toute bonne conscience. « Dieu veut un peuple de franche volonté », un slogan de la Réforme calviniste. « Conscience et liberté » pourrait être le sous-titre de la pensée de Calvin, selon les Ecritures. Trop de lecteurs superficiels ou distraits n’y voient que menace et sévérité, servitude aux commandements, inquiétude devant les exigences de la vie, bref, l’aliénation de toute franche liberté. Est-ce possible, alors que Dieu se veut le Père de libres créatures, aux consciences affranchies, destinées au plus glorieux avenir?

Les vains raisonnements du cœur de l’homme ne perçoivent plus – aujourd’hui, bien sûr, comme autrefois – les perfections de Dieu dans ses œuvres visibles. Sa conscience, toutefois, ne le laisse pas en paix. Elle dialogue avec elle-même; elle n’est pas endurcie au point d’être insensible à tout sentiment d’un service de Dieu, de ne pas faire la différence entre le bien et le mal, de ne pas discerner et de ne pas savoir quand elle ne fait pas son devoir.

Dieu veut que nous l’aimions parce qu’il nous a aimés le premier (1 Jn 4:19). Il décide alors de nous révéler lui-même son amour de Père, le Christ éternel devenu le Jésus de l’histoire, sa mort et sa résurrection; d’illuminer notre foi par le Saint-Esprit, afin que sa bonté soit universellement glorifiée et de nous en révéler les moyens. Il faut donc qu’il nous parle et nous fasse connaître notre péché, notre misère, ce que le Christ a fait pour nous délivrer et comment – enfin! – nous pourrons lui prouver notre reconnaissance en conformant notre volonté à la sienne. Bref, Dieu veut traiter ceux qu’il sauve comme des êtres intelligents et libres, et entrer en communication intellectuelle et affective avec eux. Il fallait donc qu’il parlât! Une Parole parlée audible recueillie par ses patriarches, ses prophètes et ses apôtres, afin d’être prêchée: Parole éternelle de son Fils fait chair, le Christ, mort et ressuscité pour notre justification, qui, pour le repos de nos consciences et l’exercice de notre liberté, doit être prêchée et confirmée par les sacrements, Parole visible vis-à-vis de la Parole audible.

A) Une Parole audible

« La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. » (Rm 10:17) Et celui-ci déclare: « La parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé. » (Jn 14:24) La Parole prêchée par des messagers fidèles à l’Evangile est donc « Parole de Dieu ». Elle a la puissance de faire naître la foi dans nos cœurs, à condition d’être celle du Christ, par l’Esprit du Christ en personne. Christ prie pour tous « ceux qui croiront en moi par leur parole » (Jn 17:20). « Celui qui croira sera sauvé…, mais celui qui ne croira pas sera condamné. » (Mc 16:16) Dieu intervient par la prédication de sa Parole, rendue vivante dans nos cœurs par la puissance du Saint-Esprit. Notre foi aveuglée devient clairvoyante; déformée, la voilà re-formée; défaillante, la voici triomphante. Tout nous est donné par la prédication de la foi: quand « …le témoignage de Christ a été fermement établi en vous… il ne vous manque aucun don… » (1 Co 1:6-7) La foi chrétienne est proposée à tous et l’on apprend à recevoir.

B) Une Parole visible: les sacrements

Quand la Parole nous est prêchée, il ne nous manque rien, rien de plus n’est à entendre, à recevoir et à croire. Mais notre foi est faible, notre cœur partagé, notre intelligence limitée, notre conscience mal assurée. Il importe qu’à plein cœur, pour soutenir et étayer cette foi, nous saisissions pour véridiques, accomplies en Christ, non pour les autres mais pour nous-mêmes, les promesses de notre Dieu. A cet effet, en pédagogue, Dieu confirme sa Parole audible par une Parole visible. Il nous offre les choses spirituelles sous des signes visibles: il ordonne les sacrements.

Est sacrement (du latin: sacramentum) le serment prêté par le soldat romain à son incorporation, la promesse solennelle de la bonne foi de son engagement. Est sacrement le jeton qui permettait de contrôler la présence des ouvriers sur un chantier; d’une part, ce jeton garantissait l’engagement des ouvriers de faire le travail accepté et, d’autre part, la promesse du patron de les payer selon son propre engagement. Au temps du Désert, le « méreau » certifiait la religion réformée de son possesseur; il lui donnait le droit de se présenter à la cène, l’assurance d’y être reçu. Les sacrements sont donc des signes matériels représentant des choses spirituelles: conclusion d’un contrat, signe de propriété, gage de sécurité.

A quoi bon ces signes, si je crois savoir et avoir les choses qu’ils figurent? Les paroles de Dieu ne sont-elles pas si sûres et certaines par elles-mêmes qu’elles ne puissent pas trouver ailleurs qu’en elles-mêmes meilleure confirmation? Il est vrai! Mais notre foi est faible, notre conscience chancelante, notre cœur troublé; aussi plaît-il à notre Dieu, pour nous confirmer en elles, de nous démontrer la réalité des choses spirituelles par des signes visibles. Les sacrements n’ont pas d’autres fonctions que celles de la Parole prêchée, à savoir nous offrir et nous présenter Jésus-Christ et, par lui, en lui, tous les trésors de la céleste grâce. Il faut, d’abord, que nous entendions et comprenions la Parole prêchée pour nous faire connaître ce qu’exprime le signe visible. Un tel signe, en effet, a le pouvoir d’affermir notre conscience dans l’assurance du salut.

Les sacrements sont des instruments par lesquels l’Esprit saint veut toucher notre cœur, éclairer notre intelligence et donner la paix à notre conscience. Ils sont et doivent être les piliers de notre foi en la Parole de Dieu, sur lesquels notre foi doit plus encore s’appuyer. Ils sont des miroirs où nous contemplons les richesses de la grâce que Dieu nous dispense en abondance. Par les sacrements, Dieu m’atteste que ses promesses sont authentiques et irrévocables, que je puis en être aussi sûr que de la réalité de l’eau du baptême, du pain et du vin de la cène, que je vois, touche et reçois.

Les sacrements sont les sceaux, les armoiries de Dieu, sa signature, son cachet, qu’il ajoute visiblement et concrètement aux déclarations de sa grâce que nous annonce l’Evangile. Sceaux, cachets, gravure, effigie, armoiries, signatures – telle est la vivante terminologie de Calvin – authentifiant des contrats, conventions et traités. A quoi serviraient-ils si rien n’était écrit? Le sacrement n’est donc pas seulement un signe: il est un gage; il rend – s’il est possible! – plus authentique encore la parole audible des Ecritures en faisant d’elles une prédication visible de ce même Evangile pour étayer et confirmer la foi. Les sacrements nous répètent, ressassent et rabâchent – il faut bien le dire – les promesses de grâce de la Parole écrite et prêchée, et nous apportent « comme en une peinture » la réalité de la Parole vivante qu’est le Christ mort et ressuscité pour nous. Le fidèle ne s’arrête pas aux signes extérieurs mais, selon la convenance de chaque élément, il élève son âme et son esprit à contempler les plus hauts mystères qui s’y trouvent cachés.

Qu’est donc un sacrement? Pas seulement un signe visible d’une grâce invisible, mais le signe de la grâce, qu’il soit le baptême ou la cène. Un sacrement est le témoignage extérieur de la bonne volonté de Dieu, le signe visible de ses grâces spirituelles, le sceau apposé sur ses promesses, pour mieux nous convaincre de leur vérité, du don gratuit de son pardon et de sa force vivifiante.

Le sacrement est un signe extérieur par lequel Dieu scelle en nos consciences les promesses de sa bienveillance envers nous, pour soutenir et fortifier la faiblesse de notre foi; et de même – à notre tour – le signe par lequel nous rendons témoignage devant lui, aussi bien que devant les anges et les hommes, que nous le tenons pour notre Dieu.2

La Parole et le sacrement ont l’un et l’autre pour but de conduire notre foi au sacrifice de Jésus-Christ sur la croix comme l’unique fondement de notre salut, avec, d’autre part, l’attestation publique de l’honneur que nous lui portons. Tel est le mystère à chaque célébration. Nous le verrons en traitant de la cène et du baptême.

II. La sainte cène

A) Les récits de l’institution de la cène et Jean 6:30-65

En règle générale, les commentaires accordent soit la priorité de l’interprétation, soit l’ancienneté aux quatre récits de Matthieu 26, Marc 14, Luc 22 et de Paul (1 Co 11:23-29). La prédication de l’évangile de Jean sur le pain de vie (6:22-65) serait beaucoup plus tardive; sans doute le fruit d’une tradition élaborée par des communautés liturgiques. Il en résulte des interprétations repliées sur elles-mêmes, sans lignes directrices, du littéralisme au spiritualisme, la communion avec le Christ ne s’opérant qu’au cours de célébrations liturgiques, suggérées par ces quatre premiers récits, sans réussir jamais à honorer leurs particularités respectives qui, loin de s’opposer, se complètent.

De Jean 6:53-54 (« Je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour »), Calvin déclare:

Il n’est point ici parlé de la cène, mais de la communication perpétuelle de la chair du Christ, que nous avons hors l’usage de la cène… Il est certain qu’il traite de la manière perpétuelle et ordinaire de manger la chair du Christ… qui se fait par la foi seulement.

Il faut prendre le mot chair au sens de Jean 1:14, 17:

Bien que l’évangéliste touche en bref ce secret inénarrable que le Fils de Dieu a vêtu la nature humaine, néanmoins cette brièveté est merveilleusement claire et facile… Le mot « chair » aussi a une plus grande efficacité pour exprimer l’intention de l’évangéliste que s’il eut dit: « La Parole a été faite homme. » Sous ce mot de « chair », tout l’homme est compris. Le propos est donc clair; c’est que la Parole engendrée de Dieu avant les siècles, et qui résidait de tout temps avec le Père, a été faite homme.

Sa chair est la nôtre; notre humanité est la sienne.

B) Communion perpétuelle ou communion occasionnelle?

« Perpétuelle et ordinaire »: il n’y a pas d’interruption à cette communication perpétuelle et ordinaire, c’est-à-dire habituelle à tout instant de la vie de celui qui croit, chaque jour, à toute heure; cette relation est continuelle et ininterrompue.

La réalité de l’Evangile, en effet, veut que nous distinguions les termes communiquer-communication, qui connotent un sens mystique beaucoup plus accentué, de ceux de communier-communion3. Pour préciser le (ou les) sens de la cène, Calvin et la Liturgie de son temps n’utilisent que les mots: communication et communiquer, en tant qu’action de communiquer, faire partager, faire participer4.

C) Communication quotidienne avec le Christ

Tout ceci est proposé à la foi. La foi reçoit l’Evangile de Dieu dans sa richesse, sans rien excepter, ainsi que le Christ le prêche en Jean 6; seule, la foi est apte à tout recevoir par une communication quotidienne avec lui. La prédication de Jean 6 précède de beaucoup l’institution de la cène car, dit Calvin: « C’eût été une chose inepte et hors de propos de traiter de la cène lorsqu’il ne l’avait pas encore instituée. » Jean 6 n’est pas un commentaire de la cène. Jésus s’y place beaucoup « plus haut » (nous le verrons) que les récits de l’institution. Jean 6 est la Vérité et la Vie; le sacrement subséquent n’en est que la confirmation. Si Jean 6 traite de la communication perpétuelle et quotidienne « que nous avons hors l’usage de la cène », la doctrine qui y est traitée est scellée et confirmée dans la cène. « Christ a voulu que sa sainte cène fût comme un sceau et confirmation de ce sermon. Et c’est la raison pour laquelle saint Jean ne fait nulle mention de la cène. »

Regardons quel banquet notre Seigneur Jésus nous apprête, quand nous venons ouïr sa Parole. Car c’est journellement que nous devons communiquer avec lui, à son sacrifice sur la croix, participer à ses dons, à ses biens, être fait membres de son corps, os de ses os, chair de sa chair.

Nous attachons un grand prix à cette variante canonique d’Ephésiens 5:30, omise par la plupart des traducteurs:

Comme Eve, commente Calvin, a été formée de la substance d’Adam, son mari, afin qu’elle fût comme une partie de celui-ci, nous, afin d’être vrais membres de Christ, nous communiquons à sa substance (à savoir Jésus-Christ avec sa mort et sa résurrection) et, par cette communication, nous sommes assemblés en un même corps. Bref, saint Paul décrit ici notre union avec Christ dont le signe et le gage nous sont donnés dans la sainte cène.

La « communication quotidienne » n’a pas seulement lieu quand nous venons ouïr la Parole (il y avait à Genève tous les jours culte avec prédication, sauf le mercredi consacré à la prière), mais aussi lorsque nous lisons la Bible à la maison, l’écoutons à la radio, lors de notre recueillement personnel, du repas familial. Il existe, en outre, un premier degré de communication quotidienne personnelle du Christ avec tout homme: nul n’en est forclos. Pourquoi? Aux Colossiens, l’apôtre énumère l’incroyable activité créatrice du Christ, dont chaque homme est ici-bas le débiteur: « En lui, tout a été créé dans les cieux et sur la terre… Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui. » (1:16-17)

Il s’agit là, dit Calvin, « de la pleine description du Christ ». C’est là le seul moyen, tant pour comprendre et retenir, que pour rétablir la pure doctrine: placer devant nos yeux le Christ tel qu’il est, avec tous ses biens, afin que sa puissance soit vraiment ressentie. Sachons donc que le Christ est le commencement, le milieu et la fin. C’est de lui que nous recevons toutes choses; hors de lui, il n’y a rien et l’on n’y peut rien trouver. Tout homme reçoit du Christ la vie, la respiration et toutes choses (Ac 17:25). Telle est, d’abord, la communication quotidienne du Christ avec chacun de nous, dans une inlassable et continuelle activité créatrice dont tout homme est le bénéficiaire.

D) Les étapes spirituelles de la célébration de la cène

Sachant ce qu’est un sacrement, comment le communiant perçoit-il ce que la cène lui offre?

i) Une information, tout d’abord, sur le sens de ce qu’il voit: le pain et le vin. Ces signes visibles sont ceux de la grâce salvatrice dans sa totalité, acquise par l’offrande de la chair et du sang du Christ, nourriture et breuvage spirituels pour le salut de quiconque croit. Ils en sont la représentation, l’illustration: un miroir qui offre à notre foi la personne même du Christ. Ces signes sont notre mémoire. Le pain et le vin représentent, montrent, figurent et signifient. Le fidèle reçoit une authentique information. Il se dit: « Aussi vrai…, aussi vrai… Aussi vrai que, dans la cène, ce pain rompu m’est donné, à moi personnellement, aussi vrai Christ a donné son corps pour moi. Aussi vrai que cette coupe m’est offerte, aussi vrai Christ a répandu son sang pour moi. » (Cf. Lc 22:19-20)

Le Père céleste nous donne en la cène un miroir auquel nous contemplons notre Seigneur Jésus: crucifié pour abolir nos fautes et nos offenses; ressuscité pour nous délivrer de la corruption et de la mort; nous rétablissant en l’immortalité céleste. (…) Il est bien vrai, nous l’avons vu, que cette même grâce nous est offerte par l’Evangile; toutefois, parce qu’en la cène nous en avons plus ample certitude et pleine jouissance, c’est à bon droit que nous reconnaissons qu’un tel fruit nous en revient.

Aussi vrai…, aussi vrai: une vive mémorisation.

ii) Une confirmation aussi. De même que le pain et le vin de nos repas nourrissent et désaltèrent, de même le pain et le vin de la cène confirment chaque croyant dans la foi que Dieu veille, jusqu’à son total accomplissement, à l’exécution de sa promesse, de son alliance. Dieu atteste le Testament de sa grâce. Qui reçoit le pain et le vin est, de ce fait, fortifié dans sa foi, consolé, revigoré, ragaillardi. Nous avons en la cène, et l’alliance, et le gage qui en est la confirmation. A l’aussi vrai…, aussi vrai… s’ajoute à présent: de même que…, de même.

Nous l’avons vu, le thème de la paix de nos consciences et de leur liberté est capital dans la pensée réformée. Il va de pair avec celui de la gloire de Dieu, manifestée dans toutes ses œuvres, et de l’honneur que nous rendons à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, dans la connaissance et la reconnaissance de ses œuvres merveilleuses. Le labeur du Dieu Créateur et Sauveur n’est conçu, accompli et poursuivi que dans un but unique: nous doter d’une conscience libre

au point, dit Calvin, que nous puissions lever la tête, et invoquer Dieu avec une entière confiance qu’il nous tiendra pour ses enfants. Pour profiter de la cène, il nous suffit de recevoir avec foi la grâce qui nous y est présentée, car cette grâce ne réside pas au sacrement (à savoir le pain et le vin), mais nous renvoie à la croix de Jésus-Christ, d’où elle procède.

Information, confirmation, assurance de notre conscience ne sont imputables ni au pain ni au vin, mais à l’action du Seigneur « qui s’aide des sacrements comme d’instruments inférieurs, selon que bon lui semble, sans que la vertu de son Esprit en souffre aucune diminution ».

Quant à nous appliquer le mérite de la mort du Christ, afin que nous en sentions le fruit, dit Calvin dans son Petit traité de la sainte cène, cela se fait quand nous recevons le message de l’Evangile, ainsi qu’il nous est attesté dans la prédication des ministres… et scellé par les sacrements.

Car les sacrements ne prennent leur efficacité que dans la Parole intelligiblement prêchée.

D) Le Christ signe et confirme

« En Christ, dit Paul, vous aussi, après avoir entendu la parole de vérité, l’Evangile de votre salut, en lui, vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis et qui constitue le gage de notre héritage… » (Ep 1:13-14), serment dont le Christ se porte garant envers chacun de nous. Le pain et le vin de la cène sont les gages de ce serment et de la fidélité de celui qui l’a prononcé, à savoir que le fruit de la mort et de la passion de Christ nous est imputé à justice « tout comme si nous l’avions soufferte en nos propres personnes », et que chacun de nous puisse dire: « Puisque je suis uni à son Fils unique, Dieu me regarde pour son enfant. »

La vérité est nécessairement jointe aux signes. Prêchant sur 1 Corinthiens 11, Calvin s’écrie:

La cène est un vrai et sûr témoignage que Jésus-Christ accomplit en nous ce qu’il nous y figure. Nous ne venons point à la cène pour y spéculer sur le néant, mais pour y recevoir véritablement tout ce qui nous y est attesté.

III. La communication du Christ avec les siens

Dans la première partie, nous avons dégagé deux lignes de réflexion concernant notre participation à la cène: « Aussi vrai…, aussi vrai », « De même que…, de même… » Aussi vrai que, dans la cène, le pain rompu m’est donné, à moi personnellement, aussi vrai Christ a donné son corps pour moi. Aussi vrai que cette coupe m’est offerte, aussi vrai Christ a répandu son sang pour moi.

A) L’information

De même que le pain me nourrit chaque jour, me soutient et me conserve la vie, de même le corps du Christ est la nourriture quotidienne qui maintient et conserve ma vie spirituelle. De même que le vin réconforte et réjouit, de même le sang du Christ me fortifie spirituellement, me stimule et me ragaillardit. Le Christ s’est engagé à me donner son corps et son sang pour nourriture et pour boisson: je vis donc de son corps et de son sang. Telle est la confirmation.

Dans son Petit traité de la sainte cène, Calvin résume comment le Christ signe et confirme la vérité du sacrement:

L’efficacité de la cène est de nous confirmer la réconciliation que nous avons avec Dieu par la mort et la Passion de Jésus-Christ; la purification de nos âmes que nous avons en l’effusion de son sang; la justice que nous avons en son obéissance; bref l’espérance du salut que nous avons en tout ce qu’il a fait pour nous.

A la sainte table, pensons d’abord: aussi vrai que…, aussi vrai; puis, de même que…, de même…; alors, nous méditerons avec intelligence comment le Christ se communique lui-même à nous. Portons notre attention sur la réalité de cette communication réciproque du Christ avec les siens. Nous franchissons ici le seuil d’une réflexion que ni les concepts ni l’intellect ne peuvent embrasser; si nous frôlons le mystère, ce sera moins par réflexion que par adoration.

Information, confirmation, mais aussi, mais enfin, une communication réciproque d’esprit, d’âme et de corps. Dans la prédication que nous rapporte l’évangéliste Jean, au sixième chapitre, le Christ est le vivant qui s’offre, se communique à nous, d’esprit, d’âme et de corps, afin qu’à notre tour nous communiquions nous-mêmes avec lui, d’esprit, d’âme et de corps. Aussi, le pain et le vin de la cène nous servent-ils d’échelle de communication réciproque, comme celle des anges montant et descendant sur l’échelle de Jacob. La communication que nous avons au corps du Christ nous est ainsi visiblement montrée.

Nous ne communiquons pas seulement « en esprit » avec l’Esprit du Seigneur; nous participons à sa personne, participation à laquelle il nous invite en vue d’une union, d’une conjonction, d’une incorporation, dont le but ultime – le terme est étonnant! – est une conformation à sa personne, expression que le réformateur emploie en prêchant sur 1 Corinthiens 11:20-23, et dans son Petit traité: « Christ scelle une telle participation par le mystère de la cène, et même y accomplit au-dedans ce qu’il signifie au-dehors. »5

Ce n’est pas par inadvertance que Calvin établit ici une différence entre la communication du Christ par l’Evangile lu, prêché et médité, et cette même communication par le sacrement de la cène:

Bien que Jésus-Christ nous soit vraiment communiqué… par l’Evangile, ce n’est toutefois qu’en partie et non pas pleinement. (Catéchisme, question 52.)

« Vraiment », d’une part; « en partie », de l’autre.

i) Que nous lisions la Parole ou que nous l’entendions prêcher, nous sommes distraits, durs de cœur… Notre lecture, notre écoute sont partielles et imparfaites.

ii) Il est nécessaire que le geste soit joint à la Parole. A sa Parole parlée, le Seigneur ajoute sa Parole en acte. A la Parole audible, la Parole visible du pain rompu, du vin versé. Leur présentation, leur manducation par les fidèles assemblés, accompagnés des gestes liturgiques appropriés. La Parole parlée est ainsi gestuellement confirmée et scellée.

iii) La cène incline notre intelligence et nos cœurs à une appropriation globale de la Parole. Nous ne recevons que par « bribes » la Parole parlée. La Parole en acte nous présente un résumé magistral, direct, instantané. Elle nous remémore et confirme en un clin d’œil l’Evangile du Christ: il est le pain vivant qui descend du ciel, donné pour ma propre vie; sa chair est vraiment ma nourriture et son sang mon breuvage.

iv) La Parole prêchée s’adresse collectivement à l’assemblée, la Parole en acte, en cet instant, s’adresse à moi, personnellement: l’impact est imparable.

Dès lors, quiconque prend le pain et boit le vin doit se faire l’intime conviction que tout lui est offert, à lui, personnellement, à ce moment-là, que tout lui sera donné demain et jusque dans la vie éternelle: tout, dans une communion réciproque avec son Seigneur.

B) L’agent de la communication

« Aussi vrai que…, aussi vrai… », « De même que…, de même… » ne sont pas des raisonnements intellectuels pour nous appliquer des recettes de conviction, « en pensant au Christ »! La vérité est conjointe à la Parole et à ses signes. Quand Jésus annonce « Je donne, je donnerai », il ne limite ni l’occasion ni la durée du don de sa vie pour le monde et les siens, ses brebis une à une appelées et chéries. Chaque jour est l’aujourd’hui de ce don: sa chair, son sang, son humanité. Jésus ressuscité, immortel, continue de se donner, de communiquer sa vie, source de toute vie. « Prenez, partagez; mangez, buvez… » Le Christ commande aux siens de prendre; c’est donc lui seul qui offre. Il m’offre le pain; je le prends de sa main. L’effet est lié à la promesse. « Le Christ se communique… car en donnant le pain et le vin, il baille donc vraiment son corps avec le pain et avec le calice, son sang. » (Liturgie de 1545.) Sur 1 Corinthiens 11, texte de 1545, Calvin prêche:

Il se donne à nous… Il veut que tout ce qu’il a soit nôtre, qu’il y ait communauté entre nous comme entre la tête et les membres, comme entre la racine de l’arbre et les branches qui en sortent.

L’exhortation de la Liturgie précise que « tout ce qu’il a est nôtre ». La cène est sa distribution de biens et de richesses. Déjà « repus » de la Parole entendue, la cène nous apporte le témoignage plus familier encore de la Parole en acte: que notre Seigneur se donne et se communique « afin que nous demeurions et vivions amplement en lui; et qu’il vive et demeure plus amplement en nous ». La communication avec le Christ est réciproque: mutuelle et partagée, elle se fait dans les deux sens.

Comment cette communication s’opère-t-elle? N’a-t-il pas dit: « Faites ceci comme mon mémorial » (Lc 22:19)? Un mémorial ne rappelle-t-il pas le souvenir d’un événement passé, d’une personne qui n’est plus parmi nous? Certes! Mais la résurrection et l’élévation du corps du Christ sont une réalité, manifestée aux disciples, proclamée par les évangélistes et les apôtres, enseignée par le Saint-Esprit. « Puisqu’il a été élevé en haut à vue d’œil… nous concluons sûrement qu’il a maintenant son domicile au ciel », dit Calvin. Bien trop curieux, qui demanderait: « Où? » « Moyennant que nous croyions qu’il est au ciel, c’est assez », dit-il.

L’élévation du corps du Christ est et restera une réalité jusqu’à son retour, en raison de la nature immuable de son humanité que nous confessons.6

Pourquoi était-il avantageux qu’il s’en aille? (Jn 16:7) Parce que, alors, commencera le règne du Saint-Esprit qui le glorifiera. Mais voici nos questions: comment la communication du Christ avec les siens peut-elle se faire? Comment son corps, qui est au ciel, peut-il nous être donné ici-bas? Dans ses célèbres prédications sur 1 Corinthiens 11, Calvin répond:

Le Christ se communique à nous par une action secrète du Saint-Esprit, laquelle peut non seulement assembler mais conjoindre et unir ensemble les choses séparées et bien éloignées par la distance des lieux… Ainsi, nous recevons le Christ demeurant au ciel… L’Esprit de Dieu est le lien de cette participation.

Comme lors de la « Parole parlée » et avec elle, l’Esprit saint est le lien entre « le Christ demeurant au ciel » et chacun de nous. Son action s’exerce d’abord « de haut en bas »: il se donne; mais tout autant de « bas en haut »: il nous réclame. Efforçons-nous donc de toute notre énergie de monter au ciel et de parvenir là où il nous appelle et nous convie. Pour nous, « monter au ciel » signifie d’abord « partir d’en bas », de ce pain et de ce vin, signes de la mort du Christ sur la croix, cette croix qui nous est « une échelle pour monter au ciel ». La considération de la croix nous conduit au ciel, afin que, par ce moyen, la mort et la restauration de la vie aillent de pair.

Il ne nous faut pas estimer que notre Seigneur seulement nous avertisse, incite et enflamme nos cœurs par le signe extérieur: car le principal est qu’il besogne en nous intérieurement par son Saint-Esprit, afin que son ordonnance porte ses fruits, à savoir qu’il a destiné ces signes pour être comme un instrument par lequel il veut faire son œuvre en nous.

L’action du Christ, par son Esprit, se joint aux signes visibles. Nous sommes « élevés en haut » bien plus que nous n’y montons nous-mêmes.

Ainsi la communication du Christ nous assure que nous recevons le fruit de sa mort et de sa Passion, que nous sommes faits participants de la rédemption, et que le bienfait de son sacrifice nous est appliqué. Nous sommes spirituellement nourris quant à nos âmes aussi certainement que les aliments périssables nous soutiennent ici-bas.

Communication, réception, participation s’entretiennent comme les doigts de la main. « Nous confessons – dit le Petit traité – qu’en recevant avec foi le sacrement, selon l’ordonnance du Seigneur, nous sommes vraiment faits participants de la propre substance du corps et du sang de Jésus-Christ. »

C) L’incorporation

La mystique calviniste va encore plus loin: la participation conduit à l’« incorporation » mutuelle par un « échange admirable »7. Cette incorporation, à son tour, conduit à une « communauté » avec le Christ.

Nous sommes incorporés en Christ pour être ses membres; Dieu nous a unis ensemble au point que nous n’avons rien de séparé: il est fait une même substance avec nous. Christ veut avoir une vie commune avec nous. Nous trouvons donc en lui toute plénitude et perfection de vie. Il promet à ses disciples une gloire commune avec lui.

Ultime échelon dont nous devrions déployer, épanouir le sens. Cette communauté de vie conduit à ce que nous soyons « faits conformes à sa pureté et à son innocence », afin que « tout ce qu’il a nous soit commun ».

Communication, réception, participation, incorporation, communauté de vie, conformation au Christ! Nous sommes comblés. Que pourrions-nous mendier ailleurs? « Il s’est donné à nous au point que maintenant nous sommes assurés d’être héritiers de sa gloire. » En lui, « nous avons tout notre repos ». Des consciences libres, affranchies de tout doute, d’entière conviction, au point que, parvenus au sommet de notre « échelle », c’est-à-dire au ciel, il soit question pour nous « de justifier Jésus-Christ », c’est-à-dire d’approuver sa doctrine, de déclarer qu’elle est la vérité certaine et infaillible, que nous en soyons convaincus au point de ne plus jamais la révoquer en doute; autrement dit, que notre acquiescement soit total.

Ainsi le pécheur justifié justifie son Seigneur.

IV. Le baptême

« Apprenez à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit », dit Calvin. Ce qui signifie aussi: « Apprenons à ne pas rester en deçà de ce qui est écrit. »

Un exemple célèbre illustre cet aphorisme: celui de l’« alliance » qui apparaît dans les paroles d’institution de la sainte cène. Après avoir rendu grâces, le Christ donne la coupe à ses disciples en disant: « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup, pour le pardon des péchés. » (Mt 26:27-28) En Marc (14:24), le Christ dit de même: « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, etc. » En revanche, en Luc 22:20: « Il leur donna la coupe en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, etc. », déclaration que Paul reprend mot pour mot en 1 Corinthiens 11:25.

Voici donc deux binômes: deux fois l’alliance sans qualificatif; deux fois dite nouvelle. Ce fait intrigua quelques copistes qui – théologiens irréfléchis – pensèrent bien faire en ajoutant l’adjectif « nouvelle », dans Matthieu et dans Marc. Sans doute pensaient-ils que cette omission dépréciait le sacrifice du Christ sur la croix et que l’alliance « dans le sang du Christ » suppléait ou s’opposait à toute autre forme d’alliance, notamment celle de l’Ancien Testament.

Au contraire, le Nouveau Testament nous présente la « nouvelle » alliance comme l’accomplissement par le Christ de l’alliance offerte dans l’Ancien Testament. En effet, la Bible nous « révèle la préexistence du Fils de Dieu, appelé Christ, l’Ange de l’Eternel, le Rocher spirituel; Jean nous le présente comme « l’Agneau immolé dès la fondation du monde » (Ap 13:8), un texte qui ne supporte – quoi qu’on en ait – aucune autre traduction. Il est la clé de la révélation et de la compréhension des Saintes Ecritures, des alliances de l’Ancien Testament, de ses signes, symboles et sacrements, sans restreindre, amoindrir ou limiter la portée des paroles de l’institution.

L’arbre de vie du jardin d’Eden est le témoignage visible que nous avons en lui « la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17:28), l’arbre de vie que nous retrouvons dans le paradis de Dieu, apporte leur guérison aux nations, auquel n’ont droit que ceux qui lavent leurs robes dans le sang de l’Agneau (Ap 2:7, 22:2 et 13).

Ainsi, l’Agneau et son sang embrassent d’une immense accolade la totalité de l’histoire dès la fondation du monde, du paradis terrestre au paradis céleste.

Le septième jour de la semaine doit être célébré comme un mémorial de l’œuvre divine passée, présente et future, celle du Christ, car toutes choses ne subsistent qu’en lui (Ga 1:15-17). Avec Noé et sa postérité, avec toutes les créatures de la terre, Dieu établit une alliance universelle, jusqu’à la fin des temps, attestée par le sacrement de l’arc-en-ciel. « Voilà, dit-il, le signe de l’alliance que j’ai établie entre moi et toutes les créatures qui sont sur la terre. » (Cf. Gn 9:8-17) Ainsi, Dieu a fait alliance avec toutes les générations futures, humaines et animales, jusqu’à la fin des temps. C’est, au sens large, une « avant-première » du baptême. Tous les hommes sont appelés à saisir cette promesse par la foi et, comme Noé et les siens, à être absolument certains que cette terre leur sera habitable jusqu’à ce qu’ils parviennent à la cité céleste.

Nous voici à l’alliance– nous l’appelons alliance de grâce – que Dieu scelle avec Abraham; nous la retrouvons à la base du baptême chrétien. Remarquons le crescendo des promesses de Dieu (Gn 12:1-3; 13:14-17; 15:1-6, 18; 17:1-8): une alliance territoriale, d’abord; puis une alliance familiale; une alliance internationale, enfin. Pour couronnement, la promesse centrale: « J’établirai mon alliance avec toi et ta descendance après toi, dans toutes leurs générations: ce sera une alliance perpétuelle, en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi… Je serai leur Dieu. » (Gn 17:7-8) Aux termes de cette alliance, Dieu ajoute le sceau de l’authenticité: le sacrement de la circoncision. « Tel sera, dit-il, le signe de l’alliance entre moi et vous. » Tout mâle, né dans une famille, quelle que soit sa nationalité, fils d’un serviteur, acquis à prix d’argent ou émigré, sera circoncis: « Ce sera dans votre chair le signe de mon alliance perpétuelle avec vous. Mais celui qui refuse la circoncision ne sera pas admis comme membre du peuple de l’alliance. » (Gn 17:13-14) Dieu adopte pour ses enfants l’homme libre avec l’esclave, sans avoir égard aux personnes. « Car les païens sont aussi recueillis en Christ et sont insérés par la foi au corps d’Abram, afin qu’ils aient place parmi les enfants légitimes. » En croyant à la promesse, « Abram, en effet, n’a point espéré une postérité commune ou vulgaire, mais celle en laquelle le monde entier devait être béni ».

Enfin, Dieu institue la Pâque (Ex 12 et 13), sacrement de l’agneau, de la protection de la mort, de la délivrance et de la liberté: « sainte cérémonie », « fête en l’honneur de l’Eternel », le sang répandu rappelant d’abord les péchés commis, mais aussi signe d’expiation et de pardon. Chacun devait ainsi comprendre ce que l’Eternel avait fait en sa faveur, pour lui personnellement: la Pâque, l’agneau immolé en étaient le mémorial (Ex 13:3, 8-10). « Voici, dit Moïse, le sang de l’alliance que l’Eternel a conclue avec vous, conformément à toutes ses promesses. » (Ex 24:8) Voilà à quoi pense le Christ lorsqu’il prend du pain, le rompt, le donne et dit: « Prenez et mangez, ceci est mon corps… ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui est répandu pour beaucoup d’hommes, pour la rémission des péchés. » (Mt 26:26-28 et Mc 14:22-24)

L’apôtre Paul jette une vive lumière sur la religion des pères dans l’alliance de grâce:

Frères, je ne veux pas que vous l’ignoriez; nos pères ont tous été sous la nuée, ils ont tous passé au travers de la mer, ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, ils ont tous mangé le même aliment spirituel et ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était le Christ. (1 Co 10:1-4)

Nos pères devaient regarder au Christ pour participer à ses grâces.

Elle est remarquable la complémentarité des quatre récits de l’institution de la cène et la continuité historique du plan de la grâce divine et de l’alliance, d’abord scellée par divers signes, symboles et sacrements sanglants, le Christ accomplissant, au temps marqué, les promesses de cette alliance. Au prix de son propre sang, il en élargit les perspectives jusqu’à la venue du Royaume, non seulement pour nous, les hommes, mais pour « la création tout entière » (Rm 8:18-23). Le baptême ordonné par le Christ (Mt 28:19) est le sacrement de l’alliance de grâce; par sa foi, le baptisé devient l’héritier de Dieu, le cohéritier du Christ (Rm 9:17). Telle est la parenté entre le baptême et la cène, les deux vantaux d’un même diptyque: celui de la promesse, allant de la création originelle jusqu’à son accomplissement final, et celui de notre participation en Christ, partageant avec lui l’héritage de Dieu.

Ainsi, une théologie du baptême dépend d’une théologie de la cène, comme le Nouveau Testament dépend de l’Ancien, l’un et l’autre dispensateurs de la même alliance présentée sous deux aspects complémentaires successifs. Les noms des sacrements de l’Ancien et du Nouveau Testament étant employés d’une manière interchangeable.

Par sa mort sur la croix, le Christ a aussi racheté les transgressions commises sous la première alliance de grâce, afin que ceux qui sont appelés reçoivent l’héritage éternel qui leur a été promis (Hé 9:15). En réalité, il n’y a qu’un seul et même Testament administré sous deux alliances successives: la première, scellée par le sang de l’animal, figurait et promettait le sang du Christ, le Fils unique, l’Agneau immolé dès la fondation du monde, qui scellerait le Nouveau Testament, l’alliance nouvelle, par lequel nous héritons personnellement, avec toute la création, du paradis terrestre au paradis céleste, de tout ce que ce sang nous a acquis.

Le baptême nous est proposé par Dieu pour être le signe et la marque de notre purification.

Le baptême, dit Calvin, nous est envoyé par Dieu comme une lettre patente signée et scellée par laquelle il nous mande, confirme et assure que tous nos péchés nous sont tellement remis, couverts, abolis et effacés qu’ils ne viendront plus jamais à être regardés de lui, ne seront jamais remis en sa mémoire, et ne nous seront jamais imputés par lui. Car il veut que tous ceux qui auront cru soient baptisés pour la rémission de leurs péchés… Ce qui est le principal au baptême, c’est que nous devons le prendre avec cette promesse que tous ceux qui auront cru et seront baptisés auront le salut. (Mc 16:16)8

Nous l’avons remarqué, quels que soient la promesse ou l’alliance, le signe ou sacrement, Dieu est toujours le testateur: il ordonne d’une manière unilatérale et souveraine. Il dit Moi…, puis il dit toi. Lui seul formule les promesses, décide de ses dons et des conditions de leur efficacité, à savoir l’invitation à croire, proposée à tout homme, et l’ordre de recevoir par une foi qu’affermissent signes et sacrements. Dieu offre et donne; nous, en croyant, nous recevons. Nous avons donc à recevoir le baptême comme nous recevons la cène. Dans le Nouveau Testament, les textes se référant au baptême sont – quant à celui qui le reçoit – tous exprimés au passif. « Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé? » demande l’eunuque à Philippe. « Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. » (Ac 8:36-37) Voilà ce que Calvin, tant pour la cène que pour le baptême, appelle « un acte passif… parce que Dieu fait tout et seulement nous recevons »9.

Aussi est-ce un signe de notre nature pécheresse de vouloir « en rajouter du nôtre », imposer au candidat au baptême d’autres conditions que la foi seule. La tentation est si forte qu’à propos d’un mot difficile, la quasi-unanimité des traducteurs oublient la réalité, le caractère absolu et gratuit de notre pardon en Jésus-Christ; ils imposent alors au baptisé « un acte actif », en contradiction avec l’enseignement constant du Nouveau Testament.

Il s’agit de la déclaration de l’apôtre Pierre: « Le baptême qui maintenant nous sauve… consiste dans l’épérôtéma (l’attestation) d’une bonne conscience devant Dieu, à cause de la résurrection de Jésus-Christ qui, étant monté au ciel, est à la droite de Dieu. » (1 P 3:21-22) Ce mot grec n’apparaît qu’ici dans le Nouveau Testament. Dans son dictionnaire, A. Bailly donne le sens de « promesse solennelle » ou « stipulation ». Faute d’une saine théologie, ces traducteurs n’en comprennent pas l’admirable profondeur, ni ce prodigieux sommet de la foi auquel l’apôtre nous convie.

Nombre de versions portent « la demande à Dieu d’une bonne conscience ». Pourquoi le baptisé aurait-il à « demander », pour un futur plus ou moins lointain, ce que Dieu lui offre à l’instant même, avec sa signature, et lui ordonne de recevoir? D’autres traduisent « l’interrogation d’une bonne conscience envers Dieu »; et voilà déclenché le registre subjectif du scrupule, de l’introspection qui mènent à la névrose « chrétienne », le baptisé ne pouvant jamais se décerner un satisfecit de bonne conscience! D’autres comprennent « l’engagement d’une bonne conscience devant Dieu ». Le terme d’« engagement », nous dit-on, serait attesté par des documents profanes; mais peut-on évoquer des textes du VIe siècle pour déterminer le sens biblique d’un mot? L’idée d’« engagement » n’apparaît nulle part dans le Nouveau Testament, mais encombre pourtant les liturgies du baptême et de la confirmation. Pourrions-nous jamais être sauvés par un engagement envers Dieu?

Ce mot grec doit être traduit par « attestation ». Il est question d’une attestation de Dieu, prise objectivement, conséquence de son propre engagement envers le baptisé. Dieu lui-même – de son point de vue à lui, Dieu – impute objectivement une bonne conscience au croyant. C’est lui qui atteste, qui témoigne au cœur du baptisé d’une réalité accomplie. Il considère comme bonne, à ses yeux, la conscience du pécheur pardonné. Engagement, demande, interrogation sont des actes de Dieu en faveur du baptisé, grâce au plein pardon accordé une fois pour toutes, pour autant que la foi demeure. Dieu ne gardera jamais plus dans sa mémoire les péchés pardonnés; notre conscience est purifiée, libérée. Si pécheur que je sois, ma conscience est devenue « bonne » pour Dieu. Lisant Pierre dans le contexte des déclarations du Christ et des apôtres sur la gratuité de notre salut, selon l’analogie de la foi, Calvin en comprend le sens naturel; sa définition le prouve. Le baptême qui nous sauve consiste dans la foi à la promesse solennelle de Dieu, à la stipulation par Dieu, à l’attestation par Dieu, à l’imputation par Dieu, de notre bonne conscience à ses yeux, si, par la foi, nous adhérons à la vérité et recevons les fruits du baptême. N’est-ce pas là, une fois encore, notre thème fondamental: conscience et liberté?

V. L’administration des sacrements

A) La sainte cène

Nos deux sacrements présentent Jésus-Christ: « Car le baptême nous rend témoignage que nous sommes purifiés et lavés, et la cène que nous sommes rachetés. En l’eau est figurée l’absolution; au sang la satisfaction. »

Ce que Christ va « accomplir » et « parfaire » en donnant vie à l’union spirituelle des siens, c’est d’abord la confession de foi et l’action de grâces.

Nous confessons donc notre foi, publiquement et tous ensemble, d’une seule et même voix, à savoir que « la mort de Jésus-Christ est notre vie ». L’annonce de la mort du Seigneur, faite par toute l’assemblée, n’est pas la somme des proclamations individuelles; elle est celle du corps du Christ dont chaque croyant est un membre. « Nous ne sommes pas seulement une communauté civile, dit Calvin; mais étant insérés au corps du Christ, nous sommes vraiment membres les uns des autres. »10 Dès lors, cette annonce fortifie chacun dans sa foi personnelle et contribue à « sceller dans sa conscience la puissance et les bienfaits de la mort du Christ ». Elle est eucharistie, action de grâce, reconnaissance vivante; nous annonçons devant les hommes ce que nous sentons au-dedans devant Dieu pour que ceux-ci lui donnent aussi une même gloire.

La cène n’est jamais célébrée sans que la Parole de Dieu y soit proclamée. « Il faut que la Parole vienne en avant… par laquelle les sacrements sont consacrés; une prédication vive, qui édifie ceux qui l’entendent, qui entre en leurs entendements, qui soit imprimée dans leurs cœurs, qui leur apporte son efficacité en accomplissant ce qu’elle promet. » Calvin souhaitait une célébration de la cène chaque dimanche, ce à quoi le « magistrat » n’a jamais consenti.

Quant aux dispositions pratiques, elles doivent rester libres. Gardons-nous d’« enrouiller » la cène par des inventions humaines.

Quant à la façon extérieure, que les fidèles prennent en la main le pain, ou ne le prennent pas, qu’ils le partagent entre eux ou que chacun mange ce qui lui aura été donné, qu’ils rendent la coupe en la main du ministre ou qu’ils la présentent à leur voisin, que le pain soit fait avec levain ou sans levain, que le vin soit rouge ou blanc, cela n’a pas la moindre importance.11

Dans le récit de l’institution de la cène, Paul commence par le second signe (1 Co 10:16). Il l’appelle « la coupe de bénédiction », parce qu’elle est destinée, dit Calvin à la « consécration mystique ».

« Bénir la coupe signifie la consacrer à cet usage, qu’elle nous soit un signe du sang du Seigneur… Que l’usage des dons de Dieu nous soit pur, et qu’il tourne à la gloire de Celui qui en est l’auteur et à notre profit. Mais le but de la bénédiction mystique en la cène, c’est que le vin soit… dédié à la nourriture spirituelle de l’âme, en tant qu’il est fait signe du sang du Christ. »

Quant aux paroles: « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous… », nous sommes conduits au sacrifice de la mort du Christ sans la mémoire duquel on ne saurait jamais célébrer la cène… Ainsi donc, quand nous venons à cette sainte table, que non seulement il nous souvienne en général que le monde a été racheté par le sang de Christ, mais que chacun pour son compte considère que la purification de ses péchés a été faite.

Le fidèle qui s’apprête à communier doit « s’éprouver lui-même », comme le recommande saint Paul, en se posant quelques questions (1 Co 11:28) sur son amour pour Christ, sa profession de foi, sa charité envers ses frères, sa communication avec eux, son désir de les aider et de les soulager, etc. Il ne s’agit pourtant pas de torturer notre conscience par mille questions, ni de nous attribuer un brevet de trompeuse dignité. La seule vraie dignité que nous puissions apporter à Dieu est celle-ci: « Je t’offre mon indignité, afin que par ta miséricorde tu me fasses digne de toi; je suis confus en moi-même, afin d’être consolé en toi; je m’humilie, afin d’être élevé en toi; je m’accuse moi-même, afin que tu me justifies; je suis mort à moi-même, afin d’être vivifié par toi. Et comme il nous fait tous un en lui, que mon souhait soit qu’une même volonté, un même cœur, un même langage soient en nous tous. »

La cène n’est pas une cérémonie à laquelle chacun participerait pour son propre compte. Le Christ a dit: « Prenez ceci, et partagez-le entre vous… » (Lc 22:17; Mt 26:26).

Ainsi les chrétiens assemblés au nom de Jésus-Christ participent ensemble au sacrement; ils prennent ensemble le pain et le vin; ils le reçoivent ensemble pour témoigner qu’ils sont tous unis au Christ… L’étant, ils le sont donc aussi chacun avec les autres, l’un des membres de son corps, et entretiennent chacun une communication mutuelle entre tous.

Les fidèles sont assemblés et unis par le sang du Christ pour former un seul corps (1 Co 10:27), du seul fait qu’ils participent au même pain: « Car il nous faut d’abord être – par manière de dire – incorporés au Christ si nous voulons être unis entre nous. » Saint Paul emploie le terme de communion (1 Co 10:16) qui désigne ici l’union spirituelle qui existe entre le Christ et les fidèles: verticalement et horizontalement, dirait-on aujourd’hui.

Nous aurons beaucoup profité au sacrement de la cène, si cette connaissance est gravée et imprimée dans nos cœurs:

– Que nul des frères ne peut être de nous méprisé, rejeté, violé, blessé ou en aucune manière offensé, que semblablement nous ne blessions, méprisions ou offensions en lui Jésus-Christ, et le violions par nos injures;

– que nous ne pouvons avoir discorde ni division avec nos frères, que nous ne discordions et soyons divisés de Jésus-Christ;

– que Jésus-Christ ne peut être aimé de nous, que nous ne l’aimions en nos frères;

– que telle sollicitude et soin que nous avons de notre propre corps, nous le devons avoir aussi de nos frères, qui sont membres de notre corps;

– que comme nulle partie de notre corps ne peut souffrir aucune douleur que le sentiment n’en soit répandu en toutes les autres, aussi nous ne devons endurer que notre frère soit affligé de quelque mal, dont nous ne portions pareillement notre part par compassion.12

B) Le baptême

Le baptême est l’un des privilèges essentiels de l’alliance de grâce. Il se fonde sur la promesse solennelle de Dieu à Abraham, le père des croyants: « J’établirai mon alliance avec toi et ta descendance après toi, dans toutes leurs générations: ce sera une alliance perpétuelle, en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi. » (Gn 17:7) « J’use de bienveillance jusqu’à mille générations envers ceux qui m’aiment et gardent mes commandements. » (Ex 20:6) Cette promesse illumine tout l’Ancien Testament. « L’Eternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et le cœur de ta descendance pour que tu aimes l’Eternel ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme afin que tu vives. » (Dt 30:6) « Je répandrai mon Esprit sur ta descendance et ma bénédiction sur ta progéniture. » (Es 44:3; cf. Jr 31:31-34; 32:39-40) Souvenons-nous de la manière dont le Christ parle de la foi des petits enfants (Mt 18:1-8), de la proclamation de Pierre à la Pentecôte: « La promesse est pour vous, pour vos enfants… » (Ac 2:39)

Dieu veut être aimé et servi non seulement par des individus mais aussi par des familles. Un croyant ne peut imaginer que Dieu n’offrira pas sa grâce à ses enfants; qu’autour de la table de famille, trois sont élus et deux rejetés. Même ceux qui – théoriquement – l’affirment, s’ils savent ce qu’est la grâce, ne peuvent tolérer intérieurement une telle situation. Ils croient à l’alliance. Apparaissent alors des cérémonies de substitution: présentation ou bénédiction. « Baptêmes secs » ou des « présentations mouillées ».

En cas de ménage mixte pagano-chrétien, Dieu dans sa bonté concentre toutes ses promesses sur l’époux croyant et sa postérité. « Vos enfants sont saints », dit l’apôtre (1 Co 7:14). En effet, « le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari croyant ». Le baptême donne aux parents des enfants baptisés un sentiment de confiance et de sécurité. Il leur rappelle que leurs enfants sont nés dans l’alliance de grâce; ils appartiennent à Dieu qui s’engage à les doter de la liberté nécessaire au choix du chemin qui mène à la vie éternelle. Les enfants des croyants ne sont pas hors de l’Eglise, hors du Royaume; ils sont dans et de l’Eglise.

Les petits enfants, dit Calvin, engendrés des chrétiens ne sont point baptisés pour commencer d’être enfants de Dieu; (…) mais plutôt afin que par ce signe solennel, il soit déclaré qu’on les reçoit en elle comme étant déjà du corps de l’Eglise.13

Quant aux petits enfants qui, par leur mort, sont privés de la marque du salut, nous savons que Dieu les compte pour siens dès avant leur naissance: la promesse leur appartient. Telle est notre foi. Dans sa remarquable étude, Le baptême des enfants pendant les quatre premiers siècles14, Joachim Jeremias a démontré que le baptême des enfants lors de la conversion de leurs parents a été pratiqué dès l’époque la plus ancienne.

La « dignité » de celui qui administre un sacrement, désigné à cette fin par l’Eglise, son orthodoxie ou son hétérodoxie, n’ajoutent ou n’ôtent rien à la dignité du sacrement. C’est une chose de nulle importance que le baptême ait lieu par immersion ou par aspersion. Selon la diversité des régions, les Eglises sont libres d’adopter tel usage ou tel autre, ce qui ne change rien à la signification du baptême.

Comme la sainte cène, le baptême est une cérémonie publique, un témoignage collectif de chrétienté. Sa signification, son efficacité concernent l’ensemble du corps qu’est l’Eglise. Paul dit aux Ephésiens: « Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier après l’avoir purifiée par l’eau et la parole pour faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. » (5:25-27) Il existe donc un lien entre le baptême et la sanctification, la purification, la glorification de l’Eglise. « Epouse » du Christ, l’Eglise, comme la famille, est bien plus et bien autre chose que la somme des croyants qui la composent. L’Eglise est le corps du Christ, un organisme vivant (1 Co 12; Ep 4:1-16; Rm 12:3-8). L’efficacité des événements spirituels concernant chaque membre s’étend au corps tout entier dans sa totalité et à chacune de ses parties. L’efficacité du baptême est polyvalente et collective.

Comme pour la cène, nous devons aussi « réactualiser » sans cesse la vérité et l’authenticité de notre baptême. De même que la saleté de mon corps est enlevée par l’eau, de même mes péchés sont enlevés par le sang et par l’Esprit du Christ. Mon baptême m’assure que je suis spirituellement et aussi vraiment lavé de mes péchés que corporellement par l’eau d’un bain. Aussi vrai que j’ai été baptisé et que la marque de ce baptême ne peut être effacée, aussi vrai mon Dieu m’offre aujourd’hui encore, à moi personnellement, la rémission de mes péchés, la justice et la vie éternelle. Il reste mon Père et mon Sauveur.

Voilà comment il me faut faire valoir mon baptême et celui de mes enfants:

Quand je me présente devant mon Dieu, dit Calvin, je n’y viens pas comme en ma personne… mais j’y viens au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, et même il vient devant moi, il me donne son vêtement, il parle pour moi, et c’est en son nom que je me présente, comme si j’étais lui-même puisqu’il lui a plu de faire cette grâce que je sois à lui.

Il faut que nous soyons absolument convaincus « que Dieu nous accepte comme venant à lui en la personne de son Fils unique ». Le baptême, étant une réception solennelle en l’Eglise, doit être fait en présence de toute l’assemblée15.


* P. Ch. Marcel (1910-1992) a été pasteur de l’Eglise réformée de France et fondateur de La Revue réformée.

1 Ce texte a initialement paru dans le numéro 2-3 de La Revue réformée (1950:2-3), épuisé depuis longtemps.

2 J. Calvin, Institution de la religion chrétienne (IC), IV.XIV.1.

3 Il n’est pas question de purisme, et voici pourquoi. Calvin pensait en latin lors même qu’il écrivait en français. Aussi ne pouvait-il utiliser que trois de ces termes et non quatre, à savoir communicare, communicatio et communio. « Communier » n’existant pas en latin, communicare vaut pour communiquer et communier. Selon Du Cange (auteur d’un célèbre dictionnaire de latin médiéval), communio est une création, au Xe siècle, du latin ecclésiastique. Littré nous informe qu’il s’agit là d’une « dérivation ancienne et légitime de communicare, la consonne se perdant en pareils cas ». Aujourd’hui, le verbe « communier » véhicule un sens subjectif très plat, « être en union spirituelle »; de même « communion »: « une croyance uniforme de plusieurs personnes, qui les unit sous un même chef, dans une même Eglise »; et, en général, « communion de sentiments, d’idées, accord parfait ». Dans notre langue ecclésiastique, le sens du verbe « communier » s’est affadi par osmose avec celui de « communion » et a perdu sa spécificité. Nos liturgies le prouvent. Si, comme Littré l’indique, « communiquer a été refait ensuite sur le latin », c’est parce que communier ne reflétait plus – depuis longtemps – le sens qu’il fallait dire et entendre. Voilà la raison pour laquelle Calvin refuse de se servir du terme ecclésiastique « communier » et pourquoi – chez lui – l’emploi si rare de communion est toujours pris dans le sens objectif de « communication » (à l’exception, toutefois, du sens subjectif de la « communion » vécue par les fidèles entre eux).

4 Pour saisir l’originalité de ce vocabulaire, il est du plus haut intérêt de noter que, pour justifier l’appartenance de ces deux mots à la langue française, Littré ne produit pour preuve que quatre citations de Calvin, aux sens complémentaires: elles traduisent exactement l’action du Christ de se communiquer, la communication de ses biens aux fidèles; pour ceux-ci, le fait de communiquer au Christ.

5 IC IV.XVII, texte de 1551.

6 Confession de La Rochelle, article XV.

7 IC, IV.XVII.2; et les Sermons et Commentaires sur 1 Corinthiens 11.

8 IC, IV.XV.1.

9 IC, IV.XVI.26.

10 J. Calvin, Commentaires sur 1 Co 10:27.

11 IC, IV.XVII.43.

12 IC, IV.XVII.38. Pour la liturgie de la sainte cène, cf. Calvini Opera, VI, pp. 193-200.

13 IC, IV.XV.22.

14 Ed. Xavier Mappus, 1967.

15 Il n’est pas possible d’aborder ici l’étude de la liturgie baptismale. Cf. Calvini Opera, vol. VI, pp. 185-192. Pour le baptême d’un adulte, IC, IV.XV.19.

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La justification et la sanctification dans la pensée de calvin http://larevuereformee.net/articlerr/n236/la-justification-et-la-sanctification-dans-la-pensee-de-calvin Sun, 07 Nov 2010 17:35:10 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=277 Continuer la lecture ]]> LA JUSTIFICATION ET LA SANCTIFICATION
DANS LA PENSÉE DE CALVIN

Pierre MARCEL*

Une juste conception des rapports entre la justification et la sanctification est bien, comme le dit Calvin, « le principe de toute la doctrine de salut, le fondement de toute religion »1.

La sanctification est liée à la justification; elle en diffère dans sa nature, mais elle n’en doit point être séparée dans le temps. « La vraie foi ne peut être arrachée d’avec l’Esprit de régénération. »2 « La sainteté réelle de vie… n’est pas séparée de l’imputation gratuite de justice. »3

Sur leurs rapports mutuels, il y a toujours eu dans l’Eglise chrétienne de profondes différences pour la raison que, dans toutes les religions, le lien entre la religion et la morale a été posé de diverses manières. Le nomisme, centrant son intérêt sur la vie morale, fait dépendre la justification de la sanctification, la religion de la moralité, nos rapports avec Dieu de nos rapports avec notre prochain. Inversement, l’antinomisme, accordant la prééminence aux exigences de la vie religieuse, place la justification au premier plan, et ne parvient souvent pas jusqu’à la sanctification.

En vérité, il est extrêmement difficile, aussi bien dans la doctrine que dans la vie pratique, d’établir les justes rapports qui doivent exister entre la religion et la morale, la justification et la sanctification. Avant de les unir, cherchons à les distinguer car, de même que la lumière du soleil n’est jamais séparée de la chaleur, la lumière n’en est pas pour autant chaleur4.

I. Définitions et distinctions

La justification est un acte judiciaire de Dieu par lequel, sur la base de la justice du Christ, Dieu déclare que toutes les exigences de la loi sont satisfaites.

« Celui sera dit justifié par la foi, lequel était exclu de la justice des œuvres, appréhende par foi la justice de Jésus-Christ, de laquelle étant vêtu, il apparaît devant la face de Dieu, non pas comme pécheur, mais comme juste. Notre justice devant Dieu est une acceptation, par laquelle, nous recevant en sa grâce, il nous tient pour justes. Nous disons qu’elle consiste en la rémission des péchés, et en ce que la justice de Jésus-Christ nous est imputée. »5

La sanctification est cette opération gratuite et continuelle du Saint-Esprit, par laquelle il délivre le pécheur justifié de la souillure du péché, renouvelle toute sa nature à l’image de Dieu, et le rend capable d’accomplir les œuvres bonnes.

« Ainsi, dit Calvin, nous sommes sanctifiés, c’est-à-dire consacrés à Dieu en vraie pureté de vie, en tant que nos cœurs sont formés en l’obéissance de la loi, à ce que notre principale volonté soit de servir à la volonté de Dieu et avancer sa gloire en toutes sortes. »6

Cette distinction n’est pas arbitraire. Elle trouve sa raison la plus profonde en Dieu lui-même, qui est à la fois juste et saint. Juste, Dieu veut que toutes les créatures se trouvent avec lui dans une relation de justice, dans laquelle il les avait originairement placées, en dehors de toute culpabilité et de tout châtiment. Saint, Dieu exige qu’elles apparaissent, devant sa face, pures et exemptes de tout péché.

C’est pourquoi le premier homme, créé à l’image de Dieu, dans la justice et la sainteté, n’avait besoin ni de justification, ni de sanctification au sens où elles nous intéressent. Mais le péché a rendu l’homme coupable et impur devant Dieu. Pour être entièrement délivré du péché, il doit donc être affranchi de toute coulpe, et purifié de sa souillure. C’est ce qui a lieu dans la justification et dans la sanctification. L’une et l’autre sont tout aussi nécessaires, et sont prêchées dans l’Ecriture avec une égale insistance.

1. Selon l’ordre logique, la justification précède la sanctification. Sur la base d’une justice de Dieu (dikaiosunè théou), qui nous est donnée dans la foi, elle annule la coulpe du péché et rétablit la relation religieuse authentique de l’homme avec Dieu. Elle restaure le pécheur dans tous les droits filiaux que comporte l’état d’enfant de Dieu, y compris l’héritage éternel. La sanctification purifie la souillure du péché et renouvelle le pécheur toujours davantage à la ressemblance de l’image de Dieu.

2. La justification est un changement extérieur de relation. Elle prend place en dehors du pécheur au tribunal de Dieu; elle est un acte juridique (forensique). Elle ne change pas la vie intérieure du pécheur, quoique la sentence lui parvienne d’une manière subjective. Elle concerne l’état de l’homme devant Dieu. La sanctification est un changement dans la personne, elle prend place dans la vie intérieure de l’homme. Elle se rapporte à sa condition et affecte graduellement tout son être. Elle est éthique; elle est un acte de l’efficience divine, « en sorte que le croyant soit conservé pur et impollu d’esprit, d’âme et de corps »7.

3. La justification « est faite pour jamais »8. La sanctification est un processus continuel qui n’est jamais achevé dans la vie présente. Nous devenons peu à peu, personnellement, mais sur le plan éthique, participants et possesseurs de la justice de Christ9.

4. La justification est fondée sur ce que le Christ a fait pour nous. La sanctification, sur ce qu’il fait en nous: œuvre par laquelle, dans un certain sens, le croyant coopère.

5. Si les mérites du Christ sont à toutes deux leur cause méritoire, la cause efficiente est diverse. Dans l’économie trinitaire, c’est Dieu le Père qui déclare le pécheur juste, c’est Dieu le Saint-Esprit qui le sanctifie.

6. Elles ont toutes deux le même moyen d’application: la foi.

7. Leurs causes finales sont identiques: la gloire de la justice et de la bonté de Dieu, car elles sont toutes deux un acte de sa libre grâce, mais surtout de sa libre élection. Dieu veut que sa gloire reluise en nous, gloire que nous manifestons quand son image est restaurée en nous, « à savoir une droiture et innocence de toute l’âme, en sorte que l’homme représente, comme en un miroir, la sagesse, la justice et la bonté de Dieu »10.

Justification et sanctification nous apportent donc le Christ dans sa plénitude. Dans la justification, Christ nous est donné au sens juridique; dans la sanctification, au sens éthique. Par la première, nous devenons justice de Dieu en Christ; par la seconde, il vient lui-même habiter dans nos cœurs, par son Esprit, et nous renouvelle à son image.

II. Union de la justification et de la sanctification

S’il convient de distinguer dans leur nature la justification de la sanctification, il ne faut jamais perdre de vue le lien étroit qui les unit sur tous les plans; les séparer, c’est miner la vie morale et faire servir la grâce au péché.

Elles sont unies en Dieu. En Dieu, la justice et la sainteté ne peuvent être séparées. Dieu a horreur de tout péché, non seulement parce qu’il rend coupable, mais parce qu’il rend impur. Les actes de Dieu dans la justification et dans la sanctification sont indissolublement unis: « Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » (Rm 8.30) La justice (dikaiosis) apporte avec elle la vie (zoé) (Rm 5.18).

Elles sont unies en Christ, le Chef et le Consommateur de l’Alliance de grâce. C’est dans l’Alliance, « en la personne publique de tous les siens », que Christ a porté le péché pour les siens et accompli la loi pour eux. En lui, tous les siens étaient compris. Avec lui et en lui, ils sont morts, ensevelis, ressuscités, assis dans les lieux célestes. « Au sacrifice de sa mort… Christ se montra… vrai sacrificateur, en consacrant le Temple, l’autel, tous les vaisseaux et le peuple, par la vertu de son Esprit. »11

Christ est leur justice (dikaiosunè) en même temps que leur sanctification (agiasmos, 1Co 1.30), ce qui ne veut pas dire leur sainteté (agiotès ou agiôsunè).

Elles sont unies dans l’œuvre du Christ. Par son obéissance, ses souffrances et sa mort, Christ n’a pas seulement acquis la justice, par laquelle les croyants sont acquittés par Dieu, mais la sainteté, par laquelle il les consacre à Dieu et les purifie des souillures du péché. Dans l’accomplissement de la loi, la puissance du péché est brisée par le pardon et la sanctification en est le résultat. « De justice, nous recueillons sanctification. » (Rm 6.22)

Mais Christ a tout accompli, tout acquis, pour tout donner. C’est pourquoi l’acquisition comporte nécessairement son application chez les siens. Cette application, il l’accomplit du haut du ciel, dans sa glorification, par son activité prophétique, sacerdotale et royale, à la droite du Père. « Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. » (2Co 5.15) Acquisition et application sont, par conséquent, si étroitement liées que la première n’est ni pensable, ni possible sans la seconde, et inversement.

« Nous ne pouvons être gratuitement justifiés par la seule foi, que nous ne vivions aussi saintement. Car ces grâces sont attachées l’une à l’autre, comme par un lien inséparable, tellement que celui qui s’efforce de les séparer démembre, par manière de dire, Jésus-Christ. »12

« Christ les élargit toutes deux ensemble et jamais l’une sans l’autre. »13

C’est pourquoi Christ ne se donne pas lui-même aux siens dans une justification objective seulement; il se communique aussi subjectivement dans la sanctification; il s’unit lui-même à eux d’une manière spirituelle et mystique. Il ne donne ses grâces qu’en se donnant lui-même. Dans l’union mystique, justification et sanctification sont étroitement liées. Croire en Christ, c’est le recevoir.

A la différence de Luther qui conçoit l’union mystique sous son aspect anthropologique, où elle n’apparaît qu’après la justification et la régénération dans la foi réelle, Calvin place son point de départ dans le pactum salutis, le pacte du salut. C’est en tant que Chef et Médiateur de l’Alliance que le Christ s’est incarné et qu’il a souffert. Toute l’activité de l’Esprit, en tant qu’Esprit du Christ, provient de l’Alliance et se déploie dans l’Alliance. Notre incorporation en Christ précède donc de beaucoup la réception active du Christ et de ses grâces par la foi. Même les actes les plus élémentaires d’une foi naissante sont des actes qui supposent la vie, et donc l’union mystique dont ils découlent.

Pour Calvin, l’union des croyants au Christ n’est ni un mélange panthéiste du Christ avec les croyants14 ni une union substantielle, comme le conçoit le mysticisme, ancien et moderne. Elle n’est pas non plus un pur et simple accord, une harmonie des dispositions de la volonté et des intentions, vœu du rationalisme. Selon l’Ecriture, le Christ habite et vit dans les croyants, et les croyants sont en lui. « Non seulement nous tirons de Christ vigueur, et comme une moelle divine, mais nous passons de notre nature à la sienne. »15

Cette union mystique n’est pas immédiate: elle s’effectue par le Saint-Esprit. C’est aussi dans l’Esprit que se trouve l’étroit rapport entre la justification et la sanctification. « Quel Esprit est-ce qu’ils nous rottent? »16, dira Calvin des anabaptistes qui, pour obéir à l’Esprit, disjoignent la sanctification de la justification.

L’Esprit que Jésus promet à ses disciples et qu’il répand dans la communauté des croyants n’est pas seulement l’Esprit d’adoption, celui qui communique objectivement les grâces du Christ. Il est aussi celui qui remplit les croyants des bénédictions éthiques et mystiques du salut. Il est l’auteur d’un Esprit de renouvellement et de sanctification. C’est cet Esprit qui a qualifié le Christ pour son œuvre, et qui l’a conduit de sa conception à son ascension. Christ a été glorifié comme Esprit vivifiant. Et c’est par cet Esprit qu’il forme et qu’il qualifie désormais les siens. Depuis la glorification du Christ, l’Esprit habite personnellement dans la communauté des croyants comme dans son Temple. Dès lors, il établit et maintient la communion la plus intime entre le Christ et les siens, et il prend toutes choses de Christ pour les leur donner.

Les croyants sont justifiés et sanctifiés par l’Esprit:

« Tout ainsi que des prémices, la bénédiction est répandue sur toute la moisson, ainsi l’Esprit de Dieu nous arrose de la sainteté de Jésus-Christ et nous fait participant d’icelle. »17

C’est dans l’Esprit que les croyants vivent et marchent. Dans et par l’Esprit, Christ lui-même vient chez les siens. Il vit en eux. Les croyants sont en Christ, vivent, pensent et marchent en Christ. Christ est tout en tous! Et non seulement Christ, mais Dieu lui-même, par ce même Esprit, vient habiter en eux, et les remplit de sa plénitude, en sorte que, pour finir, lui aussi est tout en tous.

III. Réception

Il y a donc une union étroite entre la justification et la sanctification en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, tant sur le plan ontologique que sur celui du décret divin, de l’Alliance, de l’acquisition et de l’application. Voyons à présent le lien indissoluble qui les unit dans leur réception par l’homme, sur le plan psychologique et dans l’unité de sa personne.

A) Œuvre de Dieu: les croyants sont d’abord passifs

Comme la justification, la sanctification est d’abord un don, une œuvre de Dieu accomplie par le Saint-Esprit. De ce fait et d’abord, les croyants sont passifs. Ils sont sanctifiés. Ils sont morts et ressuscités avec Christ. Ils sont un ouvrage, une œuvre de Dieu, une « création »: « Nous sommes l’œuvre de Dieu: tout ce qui est bien en nous est sa création. »18 « La grâce de Dieu est beaucoup plus abondante et puissante en cette seconde création qu’elle n’a été en la première. »19

Cette sainteté consiste avant tout en ce que les croyants sont séparés du monde et placés dans une relation particulière avec Dieu. « Sanctification signifie choix et séparation. »20 Dans le Nouveau Testament comme dans l’Ancien, le concept de « saint » a une signification de relation. Bien que le Christ soit sans péché, il est dit qu’il se sanctifie, c’est-à-dire qu’il s’offre à Dieu en sainte offrande pour les siens (Jn 17.19) « Tous les fidèles ont pleine et parfaite consécration en l’oblation unique d’iceluy. »21 « Christ a sanctifié les fidèles à jamais. »22 Et ainsi les croyants s’appellent saints (agioi), parce que, par vocation (klétoi agioi, Rm 1.7; 1Co 1.2), ils se trouvent placés dans une relation particulière avec Dieu, et qu’ils sont « la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis » (1P 2.9).

« Notre sainteté procède et découle de la source de l’élection de Dieu; elle est le but de notre vocation… par la vocation de Dieu, nous sommes saints. »23

B) Relation intérieure

Mais cette relation n’est pas purement extérieure. Elle ne l’était déjà pas sous l’Ancien Testament, car, en vertu de cette sainteté, Dieu s’est engagé à donner à Israël son Alliance et sa loi – pour le sauver – et Israël était obligé de marcher selon les ordonnances de Dieu. Accomplie en Christ, ce n’est plus la loi qui règle désormais la relation de sainteté entre Dieu et son peuple. Christ est mis à la place de la loi; c’est en lui que Dieu règle la relation qui l’unit aux siens, et par laquelle, à l’avenir, « il tient compte du vouloir comme du fait ». Les croyants sont sanctifiés en Jésus-Christ par l’Esprit, maintenant appelé pneuma agion, l’Esprit Saint.

La justice qui est au fondement de la justification, la sainteté qui est à la base de la sanctification ne sont étrangères à l’homme que dans un certain sens. Car, dans l’Alliance, elles sont la justice et la sainteté de la Tête, mais partant aussi des membres.

Cette sainteté prend un sens profondément éthique, donc personnel et actif. Nouvelles créations, les croyants vivent une vie nouvelle et dépouillent l’homme ancien pour revêtir l’homme nouveau. Ils offrent leurs membres à Dieu pour qu’ils soient des instruments de justice en sanctification (Rm 6). « En Christ, rien n’est estimé, sinon la nouvelle créature. »24 Dans l’épître aux Galates, « foi » (5.6) et « nouvelle créature » (6.15) sont synonymes.

Cette relation avec Dieu, en Christ et par le Saint-Esprit, implique que les croyants sont libérés de toute culpabilité et aussi de toute souillure du péché. C’est pourquoi la sainteté consiste en ce que les croyants deviennent conformes à l’image du Fils. C’est pourquoi aussi sainteté et glorification coïncident; la glorification commence à l’instant même de la vocation: ceux qu’il appelle, Dieu les justifie; et ceux qu’il justifie, il les glorifie au même instant (Rm 8.30).

La justification par la foi tient le milieu entre l’élection qu’elle manifeste et la sanctification qu’elle annonce. La sanctification tient le milieu entre la justification où elle prend sa source et la glorification qu’elle instaure.

« La communication de la croix (c’est-à-dire la sanctification) est tellement conjointe avec notre vocation et justification, bref avec notre gloire, qu’elles ne peuvent être aucunement séparées. »25

C) Sanctification active

D’abord passive, la sanctification prend une signification active.

« Le chrétien se sanctifie parce que Dieu l’a préalablement sanctifié et qu’il le sanctifie continuellement. » (Lecerf)

« La foi est passive quand le pardon lui est conféré en exécution du décret; elle entre en activité sainte dès qu’elle l’a reçu, et parce qu’elle l’a reçu. » (Lecerf)

« Nous n’enseignons pas que la foi qui justifie soit seule, mais nous affirmons qu’elle est toujours conjointe avec l’Esprit de régénération. »26

La sanctification devient une œuvre dans laquelle le croyant coopère par la foi. Non que la foi – pour nous dégager de la terminologie aristotélicienne – soit la cause instrumentale de la sanctification: elle ne l’est pas de la justification. La foi ne se trouve pas avec elles dans les mêmes rapports que l’œil et la vue, ou que l’oreille et l’ouïe: la foi est bien plutôt un moyen du Saint-Esprit, par lequel l’Esprit fait saisir Christ par l’homme, et rend témoignage à son esprit qu’il est enfant de Dieu, et qu’il lui est irrémédiablement consacré27.

D) Les œuvres de la foi

C’est pourquoi, si la foi s’oppose aux œuvres, quand on veut faire d’elles la cause instrumentale ou matérielle de la justification, si elle s’oppose aux œuvres de la foi, quand on veut faire d’elles le fondement, le tout ou la partie de cette justice par laquelle Dieu justifie, la foi ne s’oppose pas aux œuvres de la foi quand celles-ci, fruits de la foi, sont produites par le moyen du Saint-Esprit, pour confirmer le croyant dans la sincérité de sa foi et de son salut28.

Dans ce sens, la foi elle-même est une œuvre (Jn 6.29), l’œuvre la meilleure et le principe de toute œuvre bonne, l’œuvre unique par laquelle Dieu peut nous affranchir ici-bas de notre dette et nous assurer de notre justice en Christ. C’est la foi seule qui justifie, mais, cependant, la foi qui justifie n’est pas seule!

Et voilà pourquoi, après avoir parlé de la justification du pécheur, Calvin parle d’une justification du juste. Nous sommes ici au plein centre de la question. Pour que la foi soit le moyen de nous justifier, il faut qu’elle soit la foi justifiante, la vraie foi, et non la foi historique ou temporaire. La foi n’est pas seulement l’adhésion de l’esprit à la vérité religieuse, une acceptation admirative et joyeuse de l’Evangile, d’où serait absente la préoccupation de la gloire de Dieu et qui ne s’occuperait que des avantages qu’on retire de la bonté de Dieu. Il y a une foi feinte, par laquelle le pécheur se déçoit lui-même. « Ce n’est pas une doctrine de langue que l’Evangile, mais de vie! »29 C’est pourquoi, après avoir répondu à l’accusation d’injustice formulée par Dieu, en saisissant la justification par la foi, le croyant doit aussi répondre à l’accusation d’hypocrisie consciente ou inconsciente; que cette accusation qu’il ressent soit un avertissement de Dieu, une suggestion et une tentation de Satan, une défaillance de la conscience mal éclairée ou troublée par suite de quelque péché ou de quelque interdit, une expression de la défiance de l’homme à l’égard d’affirmations qui le dépassent, que sais-je encore? Le fidèle lui aussi a besoin d’être justifié au tribunal de sa conscience et devant l’opinion des hommes.

E) La justification du juste

La justification du fidèle ou du juste pardonné est la certitude que, par le témoignage de sa conduite et de ses œuvres, ce fidèle obtient de la preuve de la sincérité de sa foi et de la réalité de l’état de grâce justifiante où il se trouve.

C’est dans l’un des quatre sermons sur la justification d’Abraham30 que Calvin exprime le mieux sa pensée.

« Quand Dieu nous justifie au commencement…, il use d’un pardon général. Et puis, quand il nous justifie après…, il nous justifie en nos personnes, et nous justifie même en nos œuvres par la pure foi… c’est-à-dire il (nous) a agréables comme ses enfants, et puis il justifie (nos) œuvres. Et comment? Quand un vin sera le meilleur du monde, s’il est en un tonneau punais…, voilà le vin gâté. Ainsi en est-il de toutes nos œuvres: car d’autant que Dieu nous y conduit et gouverne par son Saint-Esprit, elles sont bonnes et saintes et louables; mais regardons quels vaisseaux nous sommes, pleins d’infection et de puantise! Ainsi voilà nos œuvres corrompues, il faut donc que Dieu les purge et nettoie. Et comment? Par sa pure grâce, en nous pardonnant les fautes et imperfections qui y sont. Par quoi tout ainsi qu’il y a diversité entre un homme fidèle et un homme que Dieu appelle du commencement à l’Evangile, aussi la justification est un peu diverse… »

Ailleurs Calvin déclare: « Justification se peut assez proprement étendre au train continuel de la grâce de Dieu depuis la vocation jusqu’à la mort »31, « à la miséricorde de Dieu qui vient au-devant pour nous absoudre de rémission de péché assiduelle. »32

Notion de sanctification aussi éloignée d’une conception purement eschatologique que de la possibilité d’une perfection actuelle!

La voix du juste, qui garantit au croyant la sincérité de sa foi, est toujours la voix de Dieu, mais cette voix siège alors au tribunal de sa propre conscience. « Elle est une déclaration de justice devant les hommes, et non de l’imputation de justice quant à Dieu. »33 Et c’est par ses œuvres que le croyant constate que non seulement la justice du Christ lui est imputée, mais que par le Saint-Esprit elle habite effectivement en lui, qu’elle est aussi justicia inherens, et qu’ainsi il grandit dans la justice.

Quand il est question de la justification du fidèle, nous devons dire qu’il est justifié non par la foi seulement, mais aussi par les œuvres, qui sont comme l’achèvement de la foi dans ce sens qu’elles en manifestent la fécondité actuelle, la sincérité et le sérieux. C’est pourquoi l’Ecriture lui ordonne de s’examiner lui-même pour voir s’il a la foi34. Ces œuvres ne sont plus des œuvres légales: elles ne sont pas faites pour mériter la justice, mais au contraire pour manifester la réalité de la miséricorde dont le pécheur pardonné est l’objet. La justification du fidèle repose elle aussi sur la grâce rédemptrice. « Bien que nous soyons pécheurs, il nous est justice; bien que nous soyons immondes, il nous est pureté. »35

Inutile de mettre Jacques en contradiction avec Paul. Paul traite de la justification du pécheur. Jacques a reçu la mission de traiter de la justification du fidèle devant le tribunal de la conscience humaine où Dieu siège. Mais tous deux nient avec la même énergie que le fondement de la justification se trouverait dans les œuvres de la loi, et tous deux reconnaissent que la foi, la foi agissante par l’amour qui comporte et promeut les œuvres bonnes, est le moyen par lequel le Saint-Esprit nous assure de notre justice en Christ. La seule différence, c’est que Paul combat contre les œuvres mortes et que Jacques proteste contre une foi morte… « une masque nue et imaginaire de foi »36.

La foi qui justifie, c’est cette certitude de notre justice en Christ que l’Esprit opère en notre cœur. C’est pourquoi elle nous justifie d’autant plus, non pas qu’elle est passive, mais qu’elle est plus vivante et plus forte. La foi coopère avec les œuvres, et devient parfaite par les œuvres (Jc 2.22). Voilà pourquoi Calvin peut intituler le chapitre XIV du livre III de l’Institution « Quel est le commencement de justification et quels en sont les avancements continuels ». La justification du juste permet à Calvin d’affirmer que « notre sainteté… soutient la présence de Dieu »37. « Nous n’avons pas seulement obtenu l’opportunité de mériter, mais tous les mérites du Christ, car ils nous sont communiqués »38 non seulement en justice, mais en œuvres. Ipsa hominis bona merita sunt Dei munera39. Les mérites même de l’homme sont des dons de Dieu.

F) L’activité de la foi: une grâce

Oui! La foi est un don de Dieu, mais l’homme reste responsable de son attitude envers la vocation qui lui est adressée. Le royaume est un don accordé par Dieu à ses bien-aimés; mais il est aussi un trésor qu’il faut acquérir au service du Seigneur.

Les croyants sont les sarments du cep, en dehors duquel ils ne peuvent rien faire, mais ils sont exhortés à rester en lui, dans sa parole et dans son amour. Ils sont élus, mais ils doivent s’appliquer à affermir leur vocation et leur élection. Par le sacrifice du Christ, ils sont sanctifiés et amenés à la perfection, mais ils doivent persévérer dans la foi jusqu’à la fin. Ils ont revêtu le nouvel homme, mais ils doivent le revêtir sans cesse. Ils ont crucifié la chair et ses passions, mais ils doivent faire mourir dans leurs membres ce qui est terrestre.

« L’adoption gratuite en laquelle consiste notre salut ne peut être séparée de cet autre décret et arrêt qui nous assujettit à porter la croix; parce que nul ne peut être héritier des cieux, sinon qu’auparavant il ait été fait conforme au Fils de Dieu… Christ est le patron, portrait au vif, lequel est proposé pour imitation à tous enfants de Dieu. »40 Et Calvin souligne « l’affection véhémente…, laquelle nous ravit tout incontinent au ciel pour l’adorer là, et afin que nos esprits habitent avec lui. »41

Les œuvres bonnes conduisent au Royaume, mais elles ne sont point cause de notre royauté. Et « même ces œuvres sont une partie de sa grâce »42.

Dans la justification juste, comme dans la sanctification du juste, tout est grâce. Il n’y a aucune relation de mérite entre ce que fait le croyant et ce qu’il recevra. Les œuvres, comme leur récompense, ne peuvent être saisies que d’une manière filiale et dans la foi.

« Dieu ne nous doit rien à cause de nos œuvres… Elles sont prises de son trésor, où elles étaient longtemps auparavant gardées, car il justifie et régénère ceux qu’il a appelés. »

Nous avons été appelés, créés en Jésus-Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions, c’est-à-dire pour la sanctification43. « En lui nous avons tout, en nous rien. »44 « Voilà la vraie artillerie pour abattre toute hautesse. »45

Conclusion

Ainsi se font, au plus profond du cœur du croyant, « la mélodie et accord entre la justice de Dieu et notre obéissance »46. « La connaissance de Christ est une chose pleine d’efficace et une racine vive, qui ne peut faire qu’elle produise hors de bons fruits. »47

« Comment donc se lèvera un courage à reconnaître et goûter une telle bonté de Dieu, qu’il ne soit pareillement enflambé à l’aimer? Car une telle abondance de douceur, comme est celle que Dieu a cachée à ceux qui le craignent, ne se peut vraiment entendre, qu’elle n’émeuve le cœur. »48

Nous sommes ici placés devant le mystère des rapports de l’éternité et du temps, de Dieu et de ses créatures. Nous croyons que la volonté éternelle de Dieu, sans cesser d’être éternelle, peut susciter des actions dans le temps, comme sa pensée éternelle est capable de contenir des choses temporelles.

Dans la justification par la foi, ce n’est pas un acquittement prononcé de toute éternité par Dieu qui parvient enfin à la conscience du pécheur; mais Dieu qui ne change pas agit lui-même lorsqu’il acquitte le pécheur par la foi. C’est aussi de lui – sans qu’il cesse jamais pour cela d’être l’Eternel – que jaillit l’activité de la sanctification qui sera reçue par le fidèle comme une justification par la foi et dont il jouira.

Entre cette activité plénière de Dieu dans sa grâce justifiante et sanctifiante, et l’activité propre de l’homme que l’Ecriture et Calvin maintiennent côte à côte, nombreux sont ceux qui ont vu là une contradiction et qui accusent le Christ, Paul, Jean et – pourquoi ne pas le dire? – Calvin de contradictions internes! Nombreux sont ceux qui, pour la tranquillité de leur raison, suppriment l’un des deux termes. Mais c’est alors toute la religion qui change. L’Ecriture, elle, se place bien au-dessus de toutes les conceptions unilatérales. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes pensées sont élevées au-dessus de vos pensées, dit l’Eternel (Es 55). Dieu et l’homme, la religion et la morale, la foi et l’amour, la justification et la sanctification, la prière et les œuvres n’ont, par nature. rien de contradictoire. Seul, le péché de l’homme les oppose. En Christ, notre paix, se trouve leur unité. Dans la vie chrétienne, dans le cœur du fidèle, ils sont réconciliés. Ceux qui sont nés de Dieu deviennent enfants de Dieu, parce qu’ils le sont. Pour eux, cela a un sens de dire: « Deviens ce que tu es! » « Je t’ai créé pour ma gloire! » dit l’Eternel. Il est donc bien raisonnable (il est nécessaire) que, puisqu’il est l’auteur et la source de notre vie, nous la rapportions tout entière à sa gloire49.

« Nous sommes au Seigneur: Vivons et mourons pour Luy. Nous sommes au Seigneur: Que sa volonté donc et sagesse préside en toutes nos actions.

Nous sommes au Seigneur: Que toutes les parties de notre vie soient référées à Luy, comme à leur fin unique.

Ô combien a profité l’homme, lequel, se connaissant n’être pas sien, a ôté la seigneurie et régime de soi-même à sa propre raison, pour la résigner à Dieu. »50

1* P. Marcel (1910-1992) a été pasteur de l’Eglise réformée de France, fondateur en 1950 et pendant plus d’une trentaine d’années éditeur de La Revue réformée. Cet article reproduit le texte de la leçon publique qu’il a donnée à la Faculté de théologie protestante de Montpellier, en avril 1954, et qui a été publié dans La Revue réformée V (1954:4), 1-18.

Sermon sur Luc 1.5-10, Opera.Calvini (O.C.) XLVI, 23.

2 Commentaires de Galates 5.6.

3 Institution chrétienne (I.C.) III, III, 1.

4 Acta Syn. Trid. Cum Antidoto, O.C. VII, 448.

5 I.C., III, XI, 2.

6 Ibid., III, XII, 9.

7 Commentaires de 1Thessaloniciens 5.23.

8 Commentaires de Romains 6.8.

9 I.C., III, III, 9.

10 Commentaires de Colossiens 3.10; cf. I.C., III, III, 9.

11 Commentaires de Jean 17.19.

12 Commentaires de 1Corinthiens 1.30.

13 I.C., III, XVI, 1; cf. III, XI, 6.

14 I.C., III, XI, 5.

15 Commentaires de Romains 6.5.

16 I.C., III, III, 14.

17 Commentaires de Jean 17.19.

18 Commentaires d’Ephésiens 2.10.

19 Ibid., 4.24.

20 Commentaires de 1Corinthiens 1.2.

21 Commentaires d’Hébreux 10.14.

22 Commentaires de Romains 6.10.

23 Commentaires de 1Corinthiens 1.2.

24 Commentaires de Galates 4.15.

25 Commentaires de Romains 8.30.

26 Commentaires de Galates 5.6.

27 Cf. Rm 3.24. I.C., III, XI, 5. Catéchisme de Heidelberg, Q. 61.

28 Cf. Catéchisme de Heidelberg, Q. 86.

29 I.C., III, VI, 4.

30 O.C., XXIII, 718/719.

31 Commentaires de Romains 8.30.

32 I.C., III, XIV, 10.

33 I.C., III, XVII, 12. Cf. III, XVII, 5.

34 Commentaires de Jean 2.3.

35 I.C., III, XV, 5.

36 I.C., III, XVII, 12. Commentaires de Jacques 2.

37 Commentaires de 1Thessaloniciens 3.13.

38 I.C., III, XVI, 6.

39 Augustin, Enchiridon, 107.

40 Commentaires de Romains 8.29.

41 Commentaires de Colossiens 3.1.

42 Commentaires d’Ephésiens 2.10.

43 1Th 4.7; Ep 2.10.

44 I.C., III, XV, 5.

45 Commentaires de Philippiens 2.13.

46 I.C., III, VI, 1.

47 Commentaires de 2Pierre 1.8.

48 I.C., III, II, 41.

49 Catéchisme de Genève, Q. 1 et 2.

50 I.C., III, VII, 1.

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– Préface http://larevuereformee.net/articlerr/n241/preface Mon, 01 Nov 2010 16:19:18 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=242 Continuer la lecture ]]> Préface (janvier 1955)

La Revue réformée s’honore de pouvoir présenter, pour la première fois, au public de langue française un écrit du professeur G.C. Berkouwer dont, en quelques années, la renommée est devenue mondiale.

Né en 1903, pasteur de paroisse à Oudehorne et à Amsterdam de 1927 à 1939, Docteur en théologie, G.C. Berkouwer devint professeur à la Faculté de théologie de l’Université libre réformée d’Amsterdam en 1940, avec la charge particulière d’enseigner la dogmatique en rapport avec les courants modernes de pensée, tant dans la théologie que dans la philosophie. Depuis 1950, il est titulaire de la chaire de dogmatique, ajoutant à son enseignement celui de l’histoire des dogmes, de la philosophie de la religion, de la symbolique, de l’apologétique et de l’encyclopédie.

Le professeur G.C. Berkouwer est un grand théologien. Malgré sa jeunesse, ses publications sont déjà considérables. Nous remarquons: Foi et révélation dans la théologie nouvelle aux Pays-Bas (1932), Le problème de la critique biblique, La guerre mondiale et la théologie (1945). plusieurs ouvrages sur Karl Barth et le barthisme: Karl Barth (1936), Karl Barth et le baptême des enfants (1947), Le triomphe de la grâce dans la théologie de Karl Barth (1954), Barthisme et catholicisme (1940); plusieurs ouvrages sur le catholicisme romain (De Strijd oni het Rooms Katholieke Dogma, 1940; Conflict met Rome, 1948, 3e éd., 1954).

Depuis 1959, le professeur G.C. Berkouwer a commencé la publication d’un très vaste ensemble, qui doit comporter une vingtaine de volumes, dont huit ont déjà été publiés aux Pays-Bas, et quatre traduits en anglais. Il s’agit d’études dogmatiques, extrêmement fouillées, sur un certain nombre de sujets précis, centrant toutes les questions sur l’actualité théologique contemporaine, et qui font preuve d’une prodigieuse érudition et d’une connaissance de première main de tous les courants actuels de la théologie et de la philosophie. Certains pensent que la pensée théologique calviniste est sclérosée et ne sait pas s’inscrire dans les préoccupations du temps présent, ni s’adresser au monde d’aujourd’hui! Ceux qui prendront connaissance des ouvrages de G.C. Berkouwer se persuaderont aisément du contraire et constateront le caractère foncièrement dynamique du calvinisme contemporain, qui s’oppose si radicalement à ce qu’on a coutume d’appeler dans nos régions le « fondamentalisme ».1

Tous ceux qui s’intéressent à la théologie et, à défaut du hollandais, savent lire l’anglais, se doivent de prendre connaissance, au fur et à mesure des sorties de presse, des ouvrages de G.C. Berkouwer. Ils ne le regretteront pas!

On a parfois reproché aux publications de La Revue réformée de présenter un caractère trop technique et d’être trop « théologiques ». On ne peut adresser ce reproche au présent fascicule: « Incertitude moderne et foi chrétienne ». Ces conférences, prononcées en Amérique en 1952, ont été conçues pour atteindre un vaste public, et particulièrement le peuple de l’Eglise, puisqu’elles ont été plusieurs fois délivrées dans des temples devant les fidèles ordinaires de l’Eglise. C’est précisément l’extrême simplicité du langage et du vocabulaire qui nous a déterminés à les traduire et à les publier. Ces conférences nous présentent une esquisse de quelques grands problèmes qui retiennent aujourd’hui l’attention des théologiens, des fidèles et de l’Eglise. Dépourvues de toute technologie, de tout apparat théologique, elles sont vraiment à la portée de tous. On y sent la chaleur de cœur de ce grand théologien qui tient à ne pas « se couper » de la communion des fidèles et à ne pas faire de la théologie la science de quelques privilégiés. L’appel constant à la responsabilité de chacun, l’objectivité et l’humilité du discours, le ton de la prédication qui apparaît souvent, cet effort persistant pour rendre toute l’Eglise humble dans sa vie et dans sa recherche théologique, pour couper court à toute fausse assurance, pour promouvoir l’action dans tous les domaines, souligner sans cesse le dynamisme et les obligations de la foi réformée, nous rendent ces études très attachantes. La sûreté de jugement de leur auteur, qui nous y livre comme un petit traité de stratégie réformée, en fait un guide sûr à un moment où tant d’esprits sont dans l’indécision et se laissent parfois séduire et attirer par toutes sortes de courants.

Etant donné les intentions et les buts de ces conférences, nous ne nous étonnerons pas qu’elles ne puissent tout nous apporter. Certains lecteurs de notre revue souhaiteront, en maints passages, un développement plus poussé de l’étude des questions en jeu et des solutions proposées, et auront l’impression de rester sur leur faim. Qu’on n’en fasse pas grief à l’auteur qui, dans ses nombreux ouvrages déjà publiés, sait aborder, avec tout le luxe de détails et toute la profondeur nécessaires et suffisants aux plus exigeants, n’importe quelle question théologique, et qui nous donnera encore bien d’autres preuves de son érudition et de sa perspicacité. Si certains souhaitent en savoir davantage, tout en ignorant le néerlandais, qu’ils lisent au moins les ouvrages déjà traduits en anglais. Qu’ils s’informent également du travail gigantesque de pensée, de science et de foi accompli depuis quelques dizaines d’années dans les milieux authentiquement réformés, et auquel ces conférences font souvent allusion. Le monde réformé français reste trop volontiers replié sur lui-même. C’est l’une des tâches de La Revue réformée que de l’ouvrir à la pensée réformée mondiale, et de lui faire savoir que la Réforme ne vieillit pas.

Telles qu’elles sont, et à cause de leur grande simplicité, ces conférences seront une aide précieuse pour beaucoup et un tonique puissant pour l’Eglise.

Pierre Marcel

1 Ont déjà paru en 1955 dans cette collection: Foi et justification (1949), Foi et sanctification (1949), Foi et persévérance finale (1949), La providence de Dieu (1950), La révélation générale (1951), La personne du Christ (1952), L’œuvre du Christ (1953), Les sacrements (1954). L’ensemble, terminé en 1972, comporte 14 volumes toujours disponibles (Eerdmans Publishing Company; Grand Rapids, Michigan).

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Préface http://larevuereformee.net/articlerr/n246/preface Thu, 28 Oct 2010 16:05:36 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=174 Continuer la lecture ]]> PRÉFACE

Ces prédications de CALVIN, que nous avons l’immense plaisir de rééditer aujourd’hui, ont été prononcées, au début de l’année 1558, à la cadence de une par jour, sténographiées alors même qu’il prêchait, éditées avec d’autres, et achevées d’imprimer par les soins de Conrad Badius, le 13 juillet de la même année.

Dans sa préface, Conrad Badius écrit notamment:

«Quand Dieu nous envoie quelque bon et fidèle docteur, qui expose purement à ses, auditeurs la parole de Dieu, nous en devons tenir un merveilleux compte: car il s’en trouve bien peu qui s’acquittent fidèlement de leur charge: et entre autres, nous devons avoir en singulière recommandation ceux que Dieu a doués de grâces spéciales et don d’interprétation, comme aujourd’hui notre fidèle pasteur et bon serviteur de Dieu, Jean Calvin, fait grandement profiter le talent précieux qu’il a reçu du Seigneur, selon que ses prédications, en rendent bon témoignage, lesquelles (ainsi que toutes personnes équitables en peuvent juger) ne sont point faites par acquit, ni à la douzaine, mais sont dûment préméditées et bien rapportées à la capacité de ses brebis, ayant toujours devant les yeux le bénéfice du Seigneur Jésus pour le graver vivement en leurs cœurs. Ce ne sont point lieux communs tout mâchés, ni sermons qu’il ait en sa manche pour les faire servir à tous passages de l’Ecriture, comme une forme à tous pieds, mais expositions vraies, pures, nues, et propres pour le texte qu’il a à déduire; il ne les farcit point d’exhortations hors propos; il ne les remplit point d’invectives procédances d’ambition… Mais sa coutume est de suivre un fil et une teneur qui tend à édification, n’omettant rien de tout ce qui fait à l’honneur de Dieu et instruction de ses auditeurs.

«… Il a plu à Dieu nous faire ouïr les plus excellentes prédications qu’il est possible d’ouïr ou réciter, sur la fin du 52e chapitre du Prophète Esaïe, et sur tout le 53e, où le mystère de la mort et passion de notre Seigneur Jésus-Christ, et les causes d’icelle, sont tellement décrites et dépeintes au vif, qu’il semble que, le Saint-Esprit nous ait voulu présenter devant les yeux Jésus-Christ condamné en notre nom et attaché à la croix pour nos péchés, afin qu’en souffrant la punition qui nous était due, et soutenant pour nous l’ire et le jugement de Dieu, il nous délivrât de la mort éternelle.»

Faisant état des conditions dans lesquelles cette publication a été rendue possible, Conrad Badius ajoute:

«Vrai est que ce n’est ni du gré, ni du consentement de l’auteur; non qu’il veuille empêcher le bien et 1e fruit qu’en peut recevoir l’Eglise, mais il désirerait que ses prédications ne s’étendissent pas plus loin que sa, bergerie; tant parce qu’elles sont faites spécialement pour ses brebis, à la capacité desquelles il s’accommode le plus qu’il peut; parce qu’il lui semble qu’un autre ordre et disposition y serait bien requis pour être ainsi mises à la vue de tout le monde; mais de les revoir pour les polir, outre ce qu’il n’a pas le loisir, il ne s’y voudrait jamais occuper. Car quand il voudrait en mettre en avant, il saurait bien faire des homélies toutes nouvelles et mieux labourées, sans remanier une chose par lui jà prononcée sur-le-champ. Néanmoins, voyant le grand fruit qui peut revenir de telles prédications ainsi publiées, nous n’avons pas craint de lui déplaire et désobéir aucunement en cet endroit, afin de vous faire participants des excellentes richesses desquelles nous jouissons en ce petit anglet haï et détesté du monde comme pernicieux et maudit, mais cependant précieux devant Dieu.»

Il n’entre pas dans notre propos de souligner les mérites de ces sermons, la richesse, la fermeté et l’originalité de la doctrine qu’ils présentent sur le sujet le plus important de la foi chrétienne: ces lignes de Conrad Badius nous serviront d’introduction.

Cependant, en publiant ces Sermons, nous n’avons pas seulement fait œuvre de copistes. Une enquête consciencieuse nous a prouvé que le vocabulaire de Calvin n’est aujourd’hui accessible qu’à ceux qui veulent bien prendre la peine de l’étudier. Or, à part quelques opiniâtres, qui savent pourquoi ils tiennent à remonter à la source et qui consentent à en payer le prix, les protestants même les plus cultivés renoncent, faute de temps, à lire Calvin dans le texte ou, quand ils s’y risquent, déclarent ne pas le bien comprendre et perdent promptement patience. Consentirons-nous à ce que les plus purs, joyaux de la littérature réformée sombrent dans l’oubli, cessent de nourrir les âmes de notre génération et d’édifier l’Eglise? Non, car nous sommes obsédés par la nécessité de faire œuvre d’évangélistes et de mettre à la portée de tous la sève spirituelle qui vivifia de nombreuses générations et que nos Eglises, réclament.

C’est pourquoi nous avons adapté la langue et le vocabulaire de Calvin, aux exigences du temps présent, conscients de l’extrême difficulté de la tâche et assumant d’avance les critiques les plus légitimes ou les réserves que certains idolâtres de la lettre penseront pouvoir exprimer. En souhaitant de rendre ces sermons de Calvin accessibles au plus grand nombre, même à ceux qui ne peuvent se réclamer d’une culture secondaire ou supérieure, en voulant faire œuvre d’évangéliste, et, par conséquent, en sacrifiant l’orthographe, la ponctuation, voire l’intégrité de sa langue, nous sommes convaincus que Calvin nous approuverait et reconnaîtrait en nous de véritables fils de la Réforme.

Notre ambition est que quiconque puisse lire Calvin avec la seule aide du Petit Larousse Illustré, sans que disparaissent pour autant la fraîcheur et la cadence de son style. Toutes les fois qu’il n’y a pas danger de réel contresens, nous avons laissé subsister de nombreux archaïsmes. Ailleurs, nous sommes intervenus, généralement sans modifier le rythme de la phrase, et avons transposé en français moderne un certain nombre de verbes, de substantifs, d’adjectifs, et surtout de locutions et d’expressions qui déroutent le lecteur d’aujourd’hui. Nous avons parfois ajouté une note explicative4.

La ponctuation a été corrigée en mettant en relief les divers éléments du discours. Pour qu’il soit plus aisé de suivre la marche de la pensée et ses diverses étapes, le texte a été découpé en paragraphes précédés de brefs sous-titres. Les divers passages bibliques auxquels Calvin se réfère, et dont les cotes exactes ne figurent pas dans l’édition originale, sont signalés en notes : il sera utile de s’y reporter pour une étude plus approfondie de la pensée du prédicateur

Tel fut notre travail, accompli dans le seul espoir que de nombreux lecteurs soient enrichis et fortifiés dans la grâce inestimable qui nous a été acquise et dispensée en Jésus-Christ, qu’ils soient confirmés dans la paix de leur cœur devant Dieu, en sorte qu’avec nous ils puissent rendre gloire au Père, avec actions de grâces, de son incommensurable amour.

Pierre MARCEL,

1er septembre 1951

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