Peter JONES – La Revue réformée http://larevuereformee.net Tue, 28 Jul 2015 10:58:48 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 SAUVER ET DÉTRUIRE – Un aspect de l’enseignement biblique sur l’enfer et la vie éternelle http://larevuereformee.net/articlerr/n270/sauver-et-detruire-un-aspect-de-lenseignement-biblique-sur-lenfer-et-la-vie-eternelle Tue, 28 Jul 2015 12:58:48 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=914 Continuer la lecture ]]> SAUVER ET DÉTRUIRE
Un aspect de l’enseignement biblique
sur l’enfer et la vie éternelle

Peter JONES*

L’enfer n’existerait pas. Telle est, de plus en plus, la conviction de bon nombre de théologiens. L’auteur essaie de montrer comment on en est arrivé là et par quels arguments bibliques. Puis, par une étude de l’Ecriture, il arrive à la conclusion que la doctrine de l’enfer constitue l’un des aspects structurels de la pensée biblique.

I. La doctrine de l’enfer dans le monde moderne

« Méfiez-vous de tout ministère de la Parole qui n’enseigne pas clairement la réalité et l’éternité de l’enfer[1]. » Ce jugement du grand évêque évangélique du siècle dernier J.C. Ryle nous embarrasse, car la prédication se caractérise aujourd’hui, même chez les purs évangéliques, par l’absence quasi totale de cette doctrine. Le catholique romain F. Varillon a sans doute raison lorsqu’il dit : « Le malaise, pour ne pas dire la gêne, des chrétiens devant ce que le catéchisme désigne sous le nom d’enfer est si grand que pratiquement on a cessé d’en parler, sauf rarissime exception[2]. »

Or, la disparition de la doctrine a été annoncée de façon triomphante par W.E. Gladstone, un contemporain de Ryle : « … la doctrine de l’enfer a été reléguée au fin fond de la pensée chrétienne où elle dort dans des ténèbres opaques, une chose sans aucune utilité pour notre ère éclairée et progressiste[3]. » Si, à la fin du XIXe siècle, ce jugement a été éperdument optimiste, il correspond maintenant à une analyse juste de la situation actuelle, ce qui est troublant. D’après mes recherches sur les quinze dernières années, l’exégèse néotestamentaire et la théologie biblique ne s’y sont qu’à peine intéressées[4]. En général, cette doctrine ne retient l’attention qu’en tant que fossile théologique d’intérêt purement historique, témoin d’un monde heureusement révolu[5].

Le « déclin de l’enfer » se prépare depuis longtemps. Il a débuté comme un tout petit ruisseau, lorsque Origène, au IIIe siècle, a mis cette doctrine en question avec sa théorie très spéculative des récapitulations successives et éternelles ; puis il a commencé à ressembler à un mouvement au XVIIIe siècle où, pour la première fois, on s’y est attaqué ouvertement[6]. A la fin du XIXe siècle, le ruisseau a pris l’aspect d’un torrent qui, au XXe siècle, emmène presque tout sur son passage. Sur le plan des idées, d’après J.P. Martin[7], déjà l’accent trop fort de la Réforme sur la justice par la foi comme réalité présente a tendu vers une certaine « déseschatologisation » du christianisme, c’est-à-dire une relative « désaccentuation » des réalités futures, tel le jugement dernier, et vers un individualisme qui aboutit au subjectivisme et à la tolérance typique du XVIIIe siècle[8] ; de sorte que, au Siècle des lumières, beaucoup ont eu de la peine à assumer l’orthodoxie en ce qui concerne la différence absolue entre les sauvés et les damnés[9].

Au XIXe siècle, d’après l’analyse passionnante de Martin, le processus s’accentue. Les idées hégéliennes de développement et de progrès historique se combinent avec les notions générales évolutionnistes pour produire l’âge d’or de l’humanisme optimiste. Le royaume se construit tout seul hic et nunc. L’eschatologie néotestamentaire et, en particulier, le jugement dernier, n’ayant plus de sens, ils sont relégués dans le domaine mythique[10]. Cette pensée trouve son apogée théologique dans les idées de Ritschl, pour qui les notions de colère et de jugement seraient des vestiges d’une révélation juive/vétérotestamentaire imparfaite, dépassée par la révélation, dans le Nouveau Testament, de l’amour de Dieu[11].

L’analyse de Martin démontre, à sa façon (car il ne traite que la notion de jugement dernier), que le malaise contemporain face à la doctrine de l’enfer est grand. Ce malaise apparaît de plus en plus profond dans la théologie dominante du XXe siècle.

Bien que J. Weiss[12] et A. Schweitzer[13] aient « redécouvert » l’eschatologie de Jésus et de l’Eglise primitive, les effets de cette exégèse courageuse sont de courte durée, à cause déjà de la ré-interprétation sans grande conviction ni succès de Schweitzer en une sorte de mysticisme moralisant et a-temporel[14], mais à cause surtout de l’énorme et toujours présent impact de la ré-interprétation radicale, par Bultmann, de l’eschatologie néotestamentaire en existentialisme heideggérien. Peut-être aucun autre facteur tout seul n’a-t-il autant favorisé le transfert de l’intérêt théologique loin des questions métaphysiques apocalyptiques et posthistoriques, vers ce qui concerne, de façon quasi exclusive, la qualité spirituelle de l’existence présente[15]. En faisant ceci, Bultmann démontre qu’il a profondément compris l’esprit moderne[16] qui, d’après A. Dumas[17], consiste en déchiffrage de symboles et réhabilitation du mythe, ce qui traduit deux soucis majeurs de la théologie moderne, à savoir le pluralisme et l’universalisme.

On est en droit de se demander si ce qui se passe maintenant ne s’est pas passé, mutatis mutandis, dans le monde antique. S’il est vrai que, dans la grande confrontation entre l’Est et l’Ouest à l’aube du christianisme, les dieux changèrent de noms et les religions devinrent universelles et interchangeables[18], il semble qu’un phénomène similaire se passe sous nos yeux. Après des siècles de séparation et de prééminence chrétienne à l’Ouest, le monde est, de nouveau, en train d’échanger et de relativiser ses mythes parmi lesquels, en particulier, la toute-puissance de la science, la non-responsabilité de l’individu considéré comme victime de toutes sortes de déterminismes – biologique, psychologique (freudisme) ou socio-économique (marxisme) –, la relativisation de toutes les « vérités » religieuses ; tout ceci se passe dans le contexte de l’uniformité grandissante des peuples du monde et de la macabre possibilité de l’annihilation nucléaire, et structure de façon profonde, et souvent inconsciente, la pensée moderne[19]

La réponse universaliste et pluraliste de la théologie cherche à prendre en compte cette nouvelle situation. W.C. Cantwell parle d’une « théologie aux dimensions mondiales »[20] ; John Hick d’une « théologie globale et humaine »[21] ; A. Race replace le christianisme dans la réalité moderne du pluralisme religieux, découvrant l’expérience chrétienne comme « une expression de foi parmi d’autres »[22] ; et le théologien catholique romain E. Cousins croit que « toutes les traditions spirituelles expriment les dimensions communes à chacune… et à ce point de l’histoire ici et là, des individus partout dans le monde sont en train de devenir héritiers de l’héritage spirituel de toute l’humanité[23] ».

Si cette nouvelle situation[24] nous conduit, positivement, à comprendre le caractère universel et global de la souveraineté du Christ[25], elle comporte aussi le grand danger de la trahison du caractère spécifique de celle-ci[26], et le rejet pur et simple de la doctrine biblique de l’enfer. Car la notion du jugement final de l’homme et de sa séparation éternelle de Dieu, suite à son refus de l’amour de Dieu, est, dans ce contexte, scandaleuse ; elle doit être carrément dénoncée et répudiée[27], ou, dans la grande majorité des cas, consciemment ignorée[28].

Dans cette situation, les « évangéliques » ne peuvent pas rester silencieux pour trois raisons majeures.

 

1. Toutes les grandes confessions qui expriment la foi évangélique affirment cette doctrine de différentes manières. A cet égard, il est intéressant de noter l’opinion inverse chez un certain nombre d’auteurs français récents. Ph.-H. Menoud croit que ni le Nouveau Testament ni les anciennes confessions n’imposent la doctrine de l’enfer éternel comme article de foi[29]. A sa suite, A. Maillot[30] et L. Gagnebin[31] font leur ce même jugement.

Dans son article sur l’enfer dans le Dictionnaire de théologie catholique[32], M. Richard démontre que tous les Pères de l’Eglise, à l’exception d’Origène, ont enseigné cette doctrine, et que la controverse au sujet des idées d’Origène a obligé l’Eglise à définir clairement ce qu’elle avait toujours cru. Ainsi, d’après Richard, cette doctrine est implicitement enseignée dans les symboles primitifs, dans l’article sur le jugement universel où, comme sentence, seule la vie éternelle est explicitement spécifiée ; car, si tous sont sauvés, il est difficile d’expliquer pourquoi le Credo évoque le jugement et la sentence. De plus, dans la mesure où le Christ descend aux enfers et revient pour juger, il est évident que l’enfer occupe une place importante dans le Credo et que le jugement universel futur est exercé à la lumière de cette réalité.

Il est important aussi de noter que, dans la littérature chrétienne de la même époque, cette doctrine est pleinement enseignée : dans la Didaché 16.1, dans la 2e épître de Clément 8.2-3 et dans l’épître de Barnabé 20.

La doctrine figure, de façon explicite, dans les grandes confessions de l’Eglise, depuis le Fides Damasi du IVe siècle jusqu’aux confessions de la Réforme[33], de sorte que l’opinion suivante de J. Cruvellier semble tout à fait juste : « Il est possible de dire que dans l’Eglise des premiers siècles, dans l’Eglise catholique romaine et dans les Eglises issues de la Réforme, la doctrine officielle a été et demeure la thèse traditionnelle[34]. »

 

2. La doctrine de l’enfer est de plus en plus identifiée à l’une des bizarreries de l’option « évangélique », typique de sa façon très étrange de concevoir la vérité religieuse. En France, l’exemple en est la polémique qui a éclaté autour de la Confession de foi de Mission France, en 1986. Le président du Conseil national de l’Eglise réformée de France, Jean-Pierre Monsarrat, a critiqué l’appel à une décision en vue d’échapper à la perdition et d’acquérir le salut éternel[35]. Dans la critique de L. Gagnebin, il est évident que la foi « évangélique » est accusée, sur ce point, de ne pas être en communion profonde avec l’Eglise universelle[36].

De plus en plus, ainsi, la défense de cette doctrine revient à la théologie « évangélique »[37], même si elle n’est pas seule à le faire[38].

 

3. L’importance extrême de cette doctrine[39]. Il est significatif que G. Rowell, tout en marquant le déclin de cette doctrine, admette volontiers que « la doctrine de l’enfer n’est pas une question aussi périphérique que l’on a l’habitude de le supposer. Car elle va au cœur de la question concernant la liberté et la responsabilité de l’homme, ainsi que celle concernant sa conscience du bien et du mal, et elle touche à la nature et au caractère de Dieu[40]. » C’est ainsi que l’on n’a pas le droit de rester silencieux. Mais il va de soi que beaucoup de travail doit être accompli, aussi bien en exégèse et en théologie biblique (catégorie à laquelle appartient ce modeste article) qu’en théologie systématique, en histoire ou en apologétique, pour que nos contemporains entendent de façon claire la plénitude du message biblique.

II. Arguments théologiques et exégétiques contre la doctrine de l’enfer

Introduction

Dans le monde moderne, il est évident que le grand adversaire de la doctrine de l’enfer est la théologie universaliste. Si Dieu sauve tous les hommes, l’enfer n’a plus de sens. En fait, l’universalisme est une expression théologique relativement récente[41] ; mais sa vision globale optimiste et son association avec la théologie de K. Barth[42] expliquent aisément sa popularité actuelle[43]. Il célèbre la souveraineté de Dieu, le triomphe universel du Christ, la primauté de l’amour, la dignité de tous les hommes et la disparition définitive du mal et de l’enfer.

Cependant, la théologie traditionnelle se croit également en mesure de célébrer le triomphe de l’amour de Dieu en Christ, de sorte qu’en définitive la distinction entre les deux théologies se situe autour de la question difficile de l’enfer. Bien qu’il se veuille défenseur héroïque de l’honneur de Dieu[44], l’universalisme se présente plutôt comme s’il avait la volonté d’éliminer un des aspects les plus ardus de l’enseignement biblique. Cette élimination se fait en trois étapes successives :

–  l’identification de textes affirmant sans ambiguïté le salut de tous les hommes ;

–  l’explication des textes bibliques présentant l’enfer comme un élément purement exhortatif ;

–  le caractère temporaire et réformateur du châtiment post mortem.

 

1. Textes considérés comme affirmant, de façon non ambiguë, le salut de tous

Maints théologiens évangéliques ont bien traité cette question[45]. Nous rappellerons seulement les grandes lignes du débat. L’on prétend qu’un certain nombre de textes néotestamentaires enseignent clairement le salut de tous les hommes : 2 Corinthiens 5.19 (« Car Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même… ») ; Tite 2.11 (« La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. ») ; Colossiens 1.20 (… de tout réconcilier avec lui-même… ») ; Hébreux 2.9 (« Jésus… a goûté la mort pour tous. ») ; 1 Jean 2.2 (« Il est lui-même victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. » ; 1 Timothée 2.3-4 (« … Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. ») ; 2 Pierre 3.9 (« … le Seigneur… ne veut pas qu’aucun périsse, mais que tous parviennent à la repentance. ») ; Actes 3.21 (« … le rétablissement de tout… ») ; Jean 12.32 (« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. ») ; Romains 5.18 (… par un seul acte de justice, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. ») ; 1 Corinthiens 15.22 (« … comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ… ») ; Philippiens 2.10-11 (« … tout genou  fléchira… toute langue confessera… ») et Ephésiens 1.10 (« … tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » seront réunis « sous un seul chef, le Christ… »)[46].

Il est vrai que, pris seuls et en dehors de leur contexte scripturaire, ces nombreux textes peuvent impressionner le lecteur naïf. Or, l’une des règles de l’herméneutique et de la linguistique contemporaine souligne l’importance capitale du contexte et met en garde contre le danger de la méthode proof-text (preuve à coups de textes isolés). Et voilà que les grandes figures de l’universalisme, dans leur souci de démontrer le caractère biblique de leur doctrine, commettent justement cette erreur élémentaire. Remis dans leur contexte, ces textes deviennent, en effet, tout à fait ambigus et porteurs d’un sens non universaliste. Dans son article, J.I. Packer en donne quelques exemples.

Le texte d’Actes 3.21, qui parle du rétablissement de tout, est suivi, au verset 23, de l’affirmation que « quiconque n’écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu du peuple ». Il s’ensuit que la restauration de toutes choses dans la pensée de Pierre n’exige pas le salut universel. La même conception non universaliste de l’état final de toutes choses est enseignée par Paul. Après avoir affirmé, en Philippiens 2.11, le triomphe universel du Christ, Paul parle au chapitre suivant (Philippiens 3.19) de ceux dont la fin est la perdition[47]. Pour illustrer encore le caractère nuancé de la pensée de l’apôtre des païens, il faut noter que le « tous » de Romains 5.18-19 est modifié par le « beaucoup » des versets 15 et 19 ; un exégète aussi critique que Rudolf Bultmann se refuse à y voir l’expression d’une pensée universaliste. « Tous les hommes depuis le Christ ne reçoivent pas la vie… seuls ceux qui ont la foi (ceux qui reçoivent, verset 17)[48]. » Effectivement, le contexte plus large de l’épître donne raison à Bultmann. Au chapitre 2.5-10, Paul parle de colère et de fureur à l’encontre de ceux qui rejettent la vérité, et de vie éternelle pour ceux qui cherchent la gloire, l’honneur et l’incorruptibilité ; au chapitre 1.16 et au chapitre 10.9, 14, il évoque la nécessité de la foi. Et Packer de conclure : « Dans le Nouveau Testament, Dieu établit un lien profond entre le salut et la foi. A qui il manque l’un, il manque aussi l’autre[49]. » Il découle de cette analyse que, s’il est certain qu’il n’existe aucun texte non ambigu dans le Nouveau Testament[50], il est évident que le support scripturaire de la théologie universaliste est extrêmement faible.

 

2. Le caractère existentiel et exhortatif des déclarations bibliques au sujet de l’enfer

Afin de restaurer la non-ambiguïté des textes « universalistes », le théologien universaliste invente un outil herméneutique peu commun et il définit deux types de textes qui traitent de l’état dernier. Selon Ph.-H. Menoud, il existe dans le Nouveau testament une opposition entre ce qui est vrai pour les non-croyants « sur le plan religieux, et ce qui est exigé par la pensée théologique[51] ». Menoud parle ainsi de la « volonté historique » de Dieu qui conduit le pécheur au jugement et à la réprobation – selon Romains 9.13, 18, 22 et 11.21 –, mais qui constitue une volonté seconde par rapport à sa « volonté eschatologique » qui accorde la rédemption à tous – selon Romains 3.23-24, 5.18 et 11.32[52].

Bien que fort ingénieuse, cette pensée a une faiblesse majeure puisqu’elle ne maintient la non-ambiguïté « universaliste » de certains textes que de façon artificielle. Pour ce faire, elle propose une incohérence fondamentale dans le Nouveau Testament entre le rapport théologique du présent et de l’avenir[53]. Or, on est en droit, à l’inverse, de supposer que le Nouveau Testament affirme un rapport direct entre le présent et l’avenir de telle sorte que ce que l’homme fait dans le présent détermine son avenir[54].

Une autre version de cette herméneutique quelque peu étrange est celle de J.A.T. Robinson. Celui-ci parle de deux types de mythe en tension l’un avec l’autre ; l’un exprime la souveraineté de Dieu à travers la notion de restauration universelle de toutes choses, l’autre cherche à rendre justice à la réalité de la liberté humaine et à l’importance de la foi. D’après Robinson, il ne s’agit pas d’une contradiction ultime[55], puisque, à la fin, Dieu détruira l’enfer dans l’univers de son amour[56]. Entre ces deux mythes, il y a une tension extrême que Robinson ressent, mais qu’il supprime de façon arbitraire, en optant pour l’un et en laissant l’autre de côté. Une position plus juste est celle de J.A. Burgess, qui propose de conserver intacte la tension et de laisser à Dieu le soin de la résoudre[57].

John Hick, le philosophe/théologien anglais très populaire, propose une autre solution pour la défense de l’universalisme[58]. Il identifie deux niveaux de discours dans le texte néotestamentaire : le niveau théologique et le niveau existentiel. Comme tous les théologiens universalistes, il constate une contradiction flagrante dans les données textuelles : entre les textes qui enseignent le salut de tous et ceux qui enseignent la séparation éternelle d’avec Dieu[59].

En fait, Hick se sert de deux méthodes sans aucun rapport l’une avec l’autre pour résoudre le problème posé par l’exégèse « universaliste ». D’abord, il propose que le problème se résolve tout seul. Jésus n’aurait jamais enseigné la doctrine de l’enfer, car les textes qui l’évoquent se trouvent dans les évangiles tardifs de Matthieu et de Jean. Il s’agirait ainsi d’une doctrine issue de l’Eglise de la deuxième génération, placée dans la bouche de Jésus, mais pas de Jésus lui-même. Est-ce véritablement la solution ? D’une part, Hick emploie les théories critiques de façon simpliste et arbitraire[60] et, d’autre part, il doit attribuer à l’Eglise un enseignement tellement original[61] et tellement en contradiction avec celui de son Maître qu’on imagine mal comment elle arrive à vivre avec une telle anomalie.

Il n’est donc pas étonnant que Hick se sente obligé de formuler une tentative d’explication plus sérieuse. Acceptant de travailler avec « la possibilité hypothétique »[62] que Jésus ait éventuellement parlé de l’enfer, il propose de voir deux types de discours dans le Nouveau Testament. D’une part, il y a le mode théologique abstrait, typique des épîtres de Paul qui s’adressent aux croyants, où s’exprime la notion de Dieu tout en tous, et donc du salut de tous les hommes[63]. D’autre part, il y a le mode homilétique de Jésus, prophète de la fin du monde, qui exhorte les pécheurs à se repentir avant qu’il ne soit trop tard[64]. Jésus cherche à provoquer une décision. Enseigner de la théologie pure ne l’intéresse pas[65]. La chaleur de la sympathie que Hick manifeste pour ce prédicateur semble indiquer que ce Jésus-là, loin d’être une possibilité hypothétique, est bien l’authentique prédicateur de Nazareth. Ceci dit, il est clair pour Hick qu’il ne faut pas confondre l’hyperbole brûlante de l’exhortation kérygmatique avec l’analyse froide de la théologie théorique. Pour lui, la difficulté que représente l’incompatibilité entre les deux séries de textes se résout par référence aux genres littéraire et oratoire.

A un certain niveau, la distinction est peut-être juste et la solution séduisante. Néanmoins, trois critiques infirment sérieusement, sinon mortellement, une telle théorie.

 

a. Le mode de discours trouvé par Hick chez Jésus devrait s’appliquer à tout son discours, c’est-à-dire aussi bien à ses promesses de béatitudes éternelles qu’à ses menaces de perdition définitive. Ainsi rien de ce que dit Jésus ne peut être reçu comme ultimement vrai. Jésus, le Logos, est ainsi rabaissé au niveau d’un parent inconséquent qui, tour à tour, promet la lune à son enfant et le menace de châtiments indescriptibles[66]. Un tel discours « existentiel » produit immanquablement un enfant gâté, qui n’écoute jamais ses parents et se sent blasé quant à son avenir. Couper le discours de Jésus du sort réel de ses auditeurs a, mutatis mutandis, un résultat semblable mais, ô combien, plus regrettable. Aussi, en rabaissant ce discours à un niveau purement exhortatif, n’a-t-on plus le droit de prendre l’un de ses éléments comme représentatif de la réalité ultime.

 

b. Le problème semble être beaucoup plus complexe que la simple distinction entre le genre « existentiel » de Jésus et le genre « théologique » de Paul. Hick est obligé d’admettre que l’on trouve chez Paul des déclarations « non universalistes ». Il se réfère à 2 Thessaloniciens 1.8-9 et à Romains 9. Il aurait pu s’appuyer sur Romains 2.5-10 où, comme nous l’avons vu, Paul, s’adressant aux croyants de l’Eglise de Rome dans un développement hautement théologique, se prononce sur les sorts respectifs de ceux qui rejettent la vérité – colère et fureur – et de ceux qui croient : la vie éternelle. Il est ainsi clair que les deux thèmes de malédiction éternelle et de bénédiction éternelle ne sont pas propres à des genres littéraires différents ; ils se trouvent partout dans le Nouveau Testament et dans tous les genres depuis la prédication prophétique de Jésus, en passant par le genre épistolaire « théologique » de Paul jusque dans la vision apocalyptique de Jean, où le thème de la destruction éternelle dans le feu (Ap 20.7-15) est juxtaposé avec la révélation de la nouvelle Jérusalem descendant du ciel pour recevoir le peuple du Messie[67]. Ainsi nous devons conclure que l’analyse littéraire et rhétorique ne réconcilie pas les deux séries de textes que l’interprétation « universaliste » est condamnée à considérer comme incompatibles, non seulement d’un auteur biblique à l’autre, mais aussi à l’intérieur de la pensée personnelle de chacun.

 

c. A la lumière de ceci, on est conduit à croire que, pour Hick, ce qui détermine la vérité ultime de l’enseignement biblique n’est pas le genre littéraire mais le contenu. Hick sait à l’avance ce que veut révéler la foi chrétienne, car il prétend connaître « la logique interne de la foi chrétienne[68] ». Cette logique commence avec la supposition que l’univers existe pour que les hommes s’exercent dans le domaine éthique et que, dans cet univers éthique, l’enfer est un châtiment injuste disproportionné au crime[69]. Ici, Hick va bien au-delà de l’exégèse biblique (en effet, il ne cite aucun texte à l’appui) dans un espace de théologie spéculative où presque tout est possible[70]. Mais une si importante spéculation traduit un échec dans la recherche d’un soutien biblique[71].

Pourtant il existe encore, comme nous allons le voir, une dernière tentative pour donner une base biblique au rejet universaliste de l’enfer.

 

3. Textes bibliques suggérant un châtiment post mortem dont la durée est limitée et le but réformateur

Le catholicisme romain traditionnel s’étonne de découvrir que, en dépit de l’attaque virulente contre le purgatoire qu’il observe depuis la Réforme, un certain protestantisme s’en fait le défenseur[72]. En réalité, cependant, les deux positions n’ont presque rien en commun[73]. Dans la doctrine catholique, le purgatoire constitue une période réformatrice pour le croyant. L’enfer est réservé aux non-croyants. Dans la doctrine « universaliste », le purgatoire remplace l’enfer.

Si une telle construction doctrinale est inconnue du protestantisme classique, elle est néanmoins essentielle au système « universaliste ». Seul, le salut post mortem est capable d’enlever l’énorme difficulté créée par la déclaration théologique du salut de tous les hommes face à la réalité quotidienne de la mort dans l’incroyance d’un bon nombre d’entre eux.

Ainsi les universalistes n’hésitent pas à articuler des affirmations considérées jusqu’ici comme infidèles au protestantisme : « un processus incomplet au moment de la mort qui devrait se compléter ailleurs[74] » ; « un processus purgatoriel par étapes[75] » ; « il est que ce qui ne s’est pas passé ici-bas… se passe ailleurs, après la mort[76] » ; « certains péchés seront pardonnés après la mort[77] » ; « Dieu continue d’attirer à lui, par des voies qui franchissent la limite du temps présent, ceux qui n’ont pas encore confessé le nom de Jésus-Christ[78] » ; « l’enfer ne peut pas être éternel, mais il risque de durer plus longtemps que nous pensons… pendant plusieurs âges[79] » ; « un processus de purification pédagogique[80] ». De telles affirmations illustrent bien l’attachement des théologiens « universalistes » protestants à rendre crédible leur croyance au salut de tous.

Il nous incombe d’examiner le bien-fondé scripturaire de cette doctrine avec, comme enjeu, si la preuve exégétique manque, l’assurance que le refus « universaliste » de l’enfer est une pure invention philosophique étrangère à la révélation biblique. Nous allons donc examiner les quelques textes néotestamentaires les plus discutés, présents dans ce débat.

 

a. Jean 14.2 John Hick voit dans ce texte une preuve biblique de sa théorie de réincarnations successives jusqu’à ce que Dieu, à la fin, ait convaincu tous les hommes de son amour. Ceci puisque, d’après W. Temple, monai pourrait être traduit par « lieux de repos/auberges » plutôt que « demeures », selon la traduction habituelle.

Le caractère à la fois anachronique et arbitraire de la méthode exégétique de Hick n’est jamais aussi clairement évident. Nulle part ailleurs, ni dans Jean, ni dans le Nouveau Testament tout entier, ni dans le monde sémitique – où le quatrième évangile est né – on ne trouve la notion de réincarnation. Ainsi, on impose au texte de Jean une notion qui lui est profondément étrangère. Mais Hick est arbitraire puisque, après avoir rejeté l’évangile de Jean qu’il considère comme douteux et secondaire, surtout à propos de ce que dit le Jésus « johannique » au sujet de l’enfer, il s’empare d’une signification rare et peu probable d’un seul mot et lui reconnaît un sens diamétralement opposé à la théologie johannique du salut et du jugement.

Cette démarche ne peut pas être qualifiée d’exégèse sérieuse, d’autant plus que, si dans le terme monai il y avait une idée de progrès, un tel progrès, dans la théologie de Jésus selon Jean, serait réservé aux croyants qui ont déjà la vie éternelle. En fait, il y a fort à parier que monai correspondrait à un aspect très particulier de l’évangile de Jean, à savoir le thème de menein, « demeurer en Jésus et dans ses paroles », comme C.K. Barrett l’a si bien démontré[81]. Monai serait ainsi associé avec menein (d’autant plus que, sur le plan philologique, ils partagent les mêmes radicaux), un verbe qui exprime l’idée d’une demeure permanente et pas du tout temporaire[82]. Une exégèse sérieuse indique, sans aucune difficulté, le caractère purement spéculatif des remarques de Hick en ce qui concerne ce texte.

 

b. Matthieu 5.26, 18.34 et Luc 12.41-48 Hick et E. Stauffer[83] prétendent que ces textes soutiennent la notion d’une peine limitée dans le temps après la mort, plutôt qu’une peine éternelle. Or, une telle doctrine est difficilement défendable à partir de ces textes-ci. D’abord, il est quasiment certain que Matthieu 5.26 se réfère à une éventualité bien terrestre où Jésus poursuit son enseignement sur la morale qu’il propose à ses disciples de pratiquer dans le présent, en vue de la venue proche du royaume. Il s’agit d’une justice qui n’est pas faite « devant les hommes pour être vue » ; c’est une justice faite parmi le hommes en vue d’une récompense future de la part du Père qui est aux cieux (Mt 6.1, 4). Il en est ainsi lorsque Jésus demande que le disciple s’arrange promptement avec son adversaire avant de se présenter à l’autel pour éviter toute poursuite inutile en justice, et même l’incarcération éventuelle. Aucun élément du texte n’indique le genre parabolique ou symbolique portant sur le monde à venir.

Quant aux deux paraboles (Mt 18.23-34 et Lc 12.41-48), il faut dire qu’une parabole, par définition, prend une réalité terrestre, donc forcément temporelle, pour permettre un certain accès aux réalités célestes, éternelles. Aussi, lorsque la parabole du serviteur commence par « C’est pourquoi le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs » et se termine par « Et son maître [celui du serviteur injuste] irrité le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait », il est évident que l’on ne peut pas prendre comme telle la réalité terrestre. C’est la raison pour laquelle E.E. Ellis a raison lorsqu’il dit que « payer la dernière petite pièce » (Lc 12.59) veut dire, sur le plan céleste, éternel, « payer de sa vie[84] ». On ne comprend donc pas comment Hick, qui refuse la prédication de Jésus sur l’enfer parce que kérygmatique et exhortative, peut se donner le droit de faire asseoir son idée de châtiment temporaire dans l’au-delà sur ce même type de prédication et, en fait, sur deux paraboles, à mon sens, mal interprétées.

 

c. 1 Corinthiens 3.19 Il est parfois suggéré que Paul est à l’origine de la doctrine du purgatoire[85] et, donc, de la notion du jugement purificateur par le feu post mortem qui mène au salut[86]. Or, deux points, ici, doivent être gardés séparés et ni l’un ni l’autre ne fonde l’exégèse universaliste.

Le premier concerne la question de savoir si, effectivement, Paul a été le premier à enseigner une version simplifiée de la doctrine catholique romaine au sujet du purgatoire. Certainement Paul enseigne le jugement des croyants à la fin de l’histoire[87], mais cela ne semble pas indiquer un processus purgatorial. L’œuvre jugée est celle qui a été faite « dans le corps[88] », construite pendant la vie terrestre[89]. Le feu atteste si elle a été de valeur. Mais laisser les croyants en un purgatoire quelconque semble être une idée parfaitement étrangère à la pensée d’un Paul qui dit, sans ambiguïté, aux chrétiens de Corinthe : « Nous savons… que si notre demeure terrestre est détruite, nous avons dans les cieux un édifice qui est l’œuvre de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite de la main des hommes[90]. » « … nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur[91]. »

Le second est que, même en admettant que Paul ait enseigné une forme élémentaire de purgatoire (ce qui est invraisemblable), cela ne ferait pas avancer d’un centimètre les thèses universalistes. Car, dans la doctrine classique catholique, le purgatoire est réservé aux baptisés et l’enfer aux non-croyants. Or, manifestement, les propos de Paul se limitent aux croyants. 1 Corinthiens 3.15 ne concerne en aucune manière le cas du salut des incroyants par un processus de feu purificateur après la mort. Le texte est formel et clair. La seule œuvre capable de survivre à la preuve par le feu est celle dont le fondement est Jésus-Christ (verset 11). Ceux qui sont testés constituent le temple eschatologique de Dieu en qui l’Esprit de Dieu demeure (verset 16). Le caractère exclusivement chrétien s’avère contraignant lorsqu’on le place dans le contexte des disputes à Corinthe[92] et de l’avertissement voilé que chacun veille à sa manière de construire[93] et examine s’il est dans la foi[94] en vue du jour où tout sera révélé[95]. A la lumière de ceci, il nous incombe de conclure que l’application de ce texte aux incroyants n’a aucun soutien exégétique.

 

d. Matthieu 12.32 ; Marc 3.28-29 ; Luc 12.10 Luthardt, Doumergue et F. Godet[96] voient dans la forme matthéenne de ce logion l’idée selon laquelle certains péchés seront remis dans l’âge à venir. Cependant, la forme parallèle de Marc, le plus ancien et meilleur point de comparaison, ne la suggère point. Là où Matthieu a l’hyperbole sémitique « quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pas pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir », Marc a « quiconque blasphème contre le Saint-Esprit n’obtiendra jamais le pardon : il est coupable d’un péché éternel (aiöniou hamartëmatos) ». Luc, dans sa version, apporte encore moins d’eau au moulin universaliste : « … à celui qui blasphémera contre le Saint-Esprit, il ne sera point pardonné (ouk aphethësetai). »

Le critique biblique ne se laisse pas forcément impressionner par les textes évangéliques parallèles et il n’hésite pas à y déceler des contradictions parfois flagrantes. Or, dans ce cas, cela ne marchera pas. Voir, dans Matthieu seulement, un soutien textuel de la notion du pardon des péchés après la mort, c’est mépriser le caractère imagé de la langue sémitique. Ainsi plusieurs commentateurs y voient une hyperbole typiquement juive dont le sens est de souligner qu’en aucune circonstance, même la circonstance la plus hypothétique, le péché contre le Saint-Esprit ne sera pardonné[97]. En fait, pour l’universalisme, ce texte est inutilisable, comme Hick l’admet[98], car il en prouve trop. Il est, en effet, l’un des textes les plus formels quant à l’existence, dans la pensée de Jésus, de la notion d’un péché qui ne serait jamais pardonné et donc, nécessairement, d’un châtiment éternel[99].

 

e. 1 Pierre 3.19 et 4.6 Les deux exégètes francophones F. Godet et P.-H. Menoud croient que ces deux textes enseignent la prédication continue de l’Evangile en enfer par le Christ, et donc la possibilité d’un salut après la mort[100]. Or, cette exégèse apparaît plutôt spéculative, car tout semble exclure une telle prédication continue. Le descendit ad interos, comme le Credo l’affirme, est l’un des événements uniques autour de la mort et de la résurrection du Christ. Après sa descente aux enfers, le Christ entre dans la gloire de façon définitive. Ceci est le sens d’Ephésiens 4.9 et il est confirmé par le temps du verbe au passé – « il a prêché » (ekëruksen aoriste de kërussô) – de 1 Pierre 3.19. Par sa descente aux enfers et son ascension à la droite de Dieu, le Christ a proclamé sa victoire universelle dans tous les domaines. Aller au-delà d’une telle explication serait proposer une interprétation hautement spéculative et irait, de plus, à l’encontre de ce qui est annoncé en 1 Pierre 4.12-13, qui parle d’épreuve dans cette vie, suivie de la joie que tous connaîtront lors de la parousie du Christ.

 

f. Le sens de aiönos comme « éonique »  D’aucuns suggèrent que lorsque le Nouveau Testament se sert du mot aïonos, normalement traduit par « éternel », il faut lui donner plutôt le sens de « éonique », c’est-à-dire quelque chose qui a les caractéristiques de l’âge en question, puisque le substantif aiön veut dire « âge, éon ». M. Harris dans son livre[101]  examine le bien-fondé de cette proposition. Il est vrai, dit-il, que le mot aiönos, dans certains contextes, peut se référer à la notion d’âge ; lorsque cet adjectif modifie Dieu ou le Saint-Esprit, le sens d’« éternel » ou « sans fin » est clairement indiqué, mais également dans les passages tels que Matthieu 25.46 où la vie future auprès de Dieu et le châtiment sont tous les deux modifiés par aiönos. Dans de tels cas, le strict parallélisme oblige à voir le même sens pour les deux mots.

Pour conclure cette partie, il faut bien admettre que l’évidence positive en faveur d’un salut après la mort est bien maigre et, en réalité, inexistante. De plus, les quelques exégèses spéculatives butent aussi contre la quantité de textes qui affirment clairement le contraire. Comme le dit Packer[102], s’il y a une seconde chance après la mort menant infailliblement au salut, pourquoi Jésus a-t-il averti les juifs qu’ils mourraient certainement dans leurs péchés s’ils persévéraient dans leur incroyance ? (Jn 8.21, 24) Pourquoi a-t-il souligné le cas désespéré de ceux qui pèchent contre l’Esprit Saint ? Pourquoi a-t-il raconté la parabole du riche et de Lazare ? Pourquoi a-t-il dit au sujet de Judas « Mieux vaudrait pour cet homme n’être jamais né » ? (Mt 26.24) Ces textes et d’autres[103] semblent bien exclure l’exégèse spéculative quant à la « seconde chance ».

En faisant le bilan de notre investigation, il faut bien dire que la tentative « universaliste » de faire disparaître l’enfer n’a fait presque aucun progrès depuis une trentaine d’années quand Emil Brunner l’avait caractérisée « d’évasion plutôt que d’exégèse[104] ». Apparemment, ce jugement est toujours juste. L’approche « universaliste » commence en fanfare et se termine en queue de poisson. Affaiblie par l’absence réelle de texte « universaliste » non ambigu et par l’obligation de supposer des tensions contradictoires dans la pensée des auteurs néotestamentaires, elle perd tout caractère probant face à l’absence de textes dans le Nouveau testament (avec lesquels son argument réussit ou échoue) établissant le salut post mortem pour les non-croyants qui meurent dans leurs péchés.

Une troisième partie s’impose à cette étude, non pour répondre à toutes les difficultés soulevées par la doctrine de l’enfer, ni pour la rendre plus acceptable. Nous admettons qu’il ne s’agit pas d’une doctrine « facile » à expliquer. Nous cherchons modestement à montrer que nous avons affaire à une doctrine profondément biblique dont le rejet est à nos risques et périls.

III. L’enfer dans une perspective biblico-théologique

Le débat exégétique relatif à l’enfer se situe souvent au niveau du Nouveau Testament, car c’est là que les adversaires de l’orthodoxie classique pensent trouver la plupart de leurs arguments. Or, comme tout le monde le sait, le Nouveau Testament est conçu comme la prolongation et l’accomplissement de la révélation scripturaire antérieure qu’est l’Ancien Testament. Nous nous proposons de voir ce lien en analysant une paire de verbes qui, en eux-mêmes, résument à leur façon la doctrine de l’enfer, et qui, à maintes reprises, se présentent ensemble, à savoir les verbes « sauver » et « détruire » (sözö et apollumi).

1. Introduction

Le texte le plus connu pour mettre ensemble ces deux verbes est peut-être 2 Corinthiens 2.15, où Paul dit : « Nous sommes pour Dieu le parfum de Christ parmi ceux qui sont sauvés (tois sözomenois) et parmi ceux qui périssent (tois apollumenois). Ce texte affirme qu’à travers la prédication de l’apôtre du Christ, les hommes sont confrontés aux réalités éternelles de salut et de destruction[105].

Pour plusieurs raisons, il est vraisemblable que la pensée et le vocabulaire de Paul dérivent de l’Ancien Testament. D’abord, dans l’image de l’arôme, Paul compare l’Evangile avec la Torah, car les rabbins croyaient que celle-ci était un élixir de vie pour Israël et un poison mortel pour les nations[106]. Ensuite, puisque la personne de l’apôtre fait partie de l’image, Paul pense sans doute à Jérémie 1.10, un texte qui a contribué à former la conception que Paul a de son apostolat[107]. Ce texte nous intéresse, car il contient l’expression « … je t’établis… pour que tu fasses périr (apolluein) et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes. » Enfin, nous nous demandons si l’emploi que fait l’Ancien Testament de ces deux verbes n’a pas influencé aussi le choix du vocabulaire de Paul. Quel est donc l’emploi vétérotestamentaire de ces verbes ?

2. Sözö et apollumi dans l’Ancien Testament

 

a. Sözö, un des titres du Dieu d’Israël, est « Sauveur », ho sötër. Dieu n’est pas simplement celui qui est, mais aussi celui qui agit et qui sauve. Il est le roc et le Sauveur d’Israël (Dt 32.15) ; il est « notre Dieu et notre Sauveur » (Ps 64.5) ou « mon Dieu et mon Sauveur » (Ps 27.1, 62.2). En effet, seul Dieu sauve. Dieu lui-même déclare : « … hors de moi il n’y a point de sauveur (sözön). » (Es 43.11) Ceux qui sont les bénéficiaires du salut divin sont le peuple de Dieu (Es 25.8-9, 38.20 ; Jr 17.14). Le prototype de ce salut est la délivrance d’Egypte. « Qui est comme toi, s’exclame Moïse, un peuple sauvé par l’Eternel… ? » (Dt 33.29) Il est aussi la base de l’espérance en ce qui concerne le salut futur (Es 63.8-9 ; Jr 31.7 ; Os 1.7 ; cp. Es 49.6, 4.6, 7.3).

Le salut de Dieu est une expression de son amour comme le voit Jérémie (31.3) et encore Moïse : « Il a aimé tes pères… c’est pourquoi il t’a fait sortir d’Egypte… il a dépossédé devant toi des nations plus grandes… pour te donner le pays en héritage. » (Dt 4.37-38) Ce texte exprime un aspect fondamental de la foi vétérotestamentaire. Il n’y a pas de salut et d’amour sans que Dieu ne détruise les ennemis de son peuple (Es 49.25-26).

 

b. Apollumi. A maintes reprises, l’Ancien testament parle de Dieu comme le destructeur. L’un des grands spécialistes bibliques, B. Otzen, constate que dans la moitié des 65 occasions où le verbe ahbadh (apollumi) est employé de façon transitive, Dieu en est le sujet[108]. Dans l’autre moitié, c’est Dieu à travers des événements qui en est l’auteur ultime.

Cette destruction commence avec la maison d’Israël. Dieu détruit les transgressions de la loi (Lv 23.30 ; Dt 4.26, 7.10, 20), ceux qui murmurent contre lui (Nb 17.12, 20.3), les méchants (Ps 1.6, 5.6, 37.20, 68.2, 73.18), les menteurs (Ps 5.6), ceux qui oppriment les justes (Ps 143.12), les chefs injustes du peuple (Es 43.28 ; Jr 27.7), ceux qui adorent les idoles (Dt 8.19, 11.26, 12.2) et s’associent aux cultes païens (Ez 6.3 ; Mi 9.10, 2R 10.19).

Comme nous l’avons vu, Dieu détruit aussi les ennemis de son peuple pour le sauver : Egypte (Jr 4.6, 21 ; Dt 11.4 ; Nb 14.12), Canaan (Nb 33.52, 55), les Philistins (So 2.5), Amalek (Nb 24.20), les Kittim (Nb 24.24) et toutes les nations rebelles de la terre (Es 24.1, 12).

Les résultats de cette destruction sont essentiellement la disparition définitive dans la mort[109]. Les transgresseurs sont mis à mort, les hommes de Qoré descendent dans le séjour des morts (Nb 16.33) et les nations sont laissées en ruines (Es 24.12). Pour les personnes, cette destruction ne signifie pas forcément l’annihilation, puisque, au moins dans la littérature sapientielle, le substantif apöleia est associé au shéol et veut dire « le lieu de destruction »[110]. En fait, tous, les injustes ainsi que les justes, sont détruits par la mort, comme l’observe Job (9.22). Néanmoins, les justes conservent l’espoir que Dieu, qui les a sauvés pendant leur vie, les sauvera un jour du shéol[111]. Mais, pour les méchants, il n’y a pas d’espoir.

 

c. Un phénomène littéraire important. Si, dans le Nouveau Testament, les deux verbes sözö et apollumi se présentent souvent ensemble comme les deux sots qui attendent l’homme (comme nous le verrons), il en va de même, jusqu’à un certain point, dans l’Ancien Testament. Lorsqu’un élément de la paire est présent, l’autre se trouve dans le contexte immédiat, comme dans les visions de bénédictions futures d’Esaïe : « Il ne se fera ni tort, ni dommage (apolesai) sur toute ma montagne sainte… » (11.9) Tu diras en ce jour-là… voici le Dieu de mon salut (sötër)… Il est devenu mon salut (sötëria)… vous puiserez de l’eau avec allégresse aux sources du salut (sötëria) ; de Jérémie (4.9 apoleitai et 4.14 söthës ; 14.8 sözeis et 14.22 më apolesës) ; et du psautier, Ps 80.17, « Ils périssent (apolountai) devant ta face menaçante », cp. 80.20, « Fais briller ta face, et nous serons sauvés… » (söthesometha), et le Psaume 88.1, où le psalmiste crie jour et nuit devant le Dieu de son salut (söteria), face à la réalité du tombeau et de « l’abîme de perdition » (apöleia, verset 11)[112].

Or, comme dans le Nouveau Testament, nous trouvons dans l’Ancien Testament non seulement les deux verbes dans le même contexte, mais juxtaposés davantage. Certains cas sont banaux[113], certains sont d’un grand intérêt théologique. Dans les bénédictions prophétiques de Moïse, Dieu promet qu’il chassera l’ennemi devant son peuple en disant « Extermine » (apoloio), de sorte que Moïse se demande : « Qui est comme toi, un peuple sauvé (sözomenos) par l’Eternel… » (Dt 33.27 et 29) De la même façon, Esaïe dit : « … ils [les Egyptiens] périront (apolountai)… mais l’Eternel des armées sauvera (sösei) Jérusalem… » (Es 31.3, 5) Enfin, dans la vision de béatitude future en Esaïe 25, le peuple s’écrie : « Voici notre Dieu… c’est lui qui nous a sauvés… réjouissons-nous de son salut (söteria)… mais l’Eternel abaisse (apolesai, détruit) son orgueil [Moab]… » (v. 9-11)[114]

Une dernière série de textes évoque le thème des brebis perdues, thème que Jésus reprendra à son compte avec le même vocabulaire. Le psalmiste s’écrie : « Je soupire après ton salut (söteria)… Je suis errant comme une brebis perdue (probaton apolötos) : cherche (zëtëson)[115] ton serviteur… » (Ps 119.174-176) Dans Jérémie 23.1, le prophète s’en prend aux bergers du peuple qui sont en train de perdre les brebis (apolluontes ta probata), mais dit sa certitude (v. 6) que Juda sera sauvé (söthësetai)[116]. Nous trouvons le même reproche sur les lèvres d’Ezéchiel. Les bergers n’ont pas cherché les perdues (apolölos, Ez 34.4), mais Dieu cherchera (v. 16) et sauvera (sösö) lui-même ses brebis (v. 22).

 

3. Sözö et apollumi dans le Nouveau Testament

Les données linguistiques déjà considérées révèlent l’aspect bipolaire des actes de Dieu dans l’Ancien Testament. Dans toutes ses parties, l’Ancien Testament ne peut concevoir Dieu comme Sauveur sans le concevoir également comme Juge et Destructeur. D’un point de vue biblico-théologique, il est intéressant de constater que le Nouveau Testament reprend le même vocabulaire et, sans aucun doute, la même théologie, puisqu’il est le telos ou scopus, c’est-à-dire le sens plénier de l’Ancien Testament[117].

Au fil de ma recherche, j’ai été grandement surpris par le nombre de fois où ces deux vocables se présentent ensemble dans le Nouveau Testament.

Apparemment, ces deux verbes constituent un idiotisme commun. Les disciples dans la barque poussent un cri d’alarme : « Seigneur, sauve-nous, nous périssons ! » (Söson, apollumetha, Matthieu 8.25) Et Jésus, répondant aux pharisiens qui lui reprochent d’avoir guéri le jour du sabbat, dit : « … est-il permis le jour du sabbat… de sauver une personne ou de la perdre ? » (Psuchën sösai ë apolesai, Luc 6.9)

Ces deux verbes, qui expriment, ici, à la fois un idiotisme et une déclaration-programme, occupent ainsi une place importante dans la pensée et l’action de Jésus. Ils expriment même un aspect du mystère de l’Evangile. « Quiconque… voudra sauver (sösai) sa vie la perdra (apolesai), mais quiconque perdra (apolosai) sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera (sösei). » (Marc 8.35)[118] De la même façon, Jésus est venu chercher et sauver ce qui était perdu (sösai to apolölos, Luc 19.10)[119].

Le fait d’identifier deux catégories de personnes, sauvées ou perdues selon leur attitude par rapport à Jésus, se retrouve chez Paul, non seulement en 2 Corinthiens 2.15, le texte que nous avons déjà vu, mais aussi en 2 Corinthiens 4.3, qui parle de ceux qui sont en train de périr (tois apollumenois). Cette opposition se voit en 1 Corinthiens 1.18, en Philippiens 1.28 (où les croyants sont destinés au salut, söteria, leurs adversaires à la perdition, apöleia), ainsi qu’en 2 Thessaloniciens 2.8-13, où ceux qui périssent (apollumenos) sont trompés par le fils de perdition (ho huios tës apöleias, v. 3), tandis que Dieu « vous » a choisis pour le salut (eis sötërian, verset 13).

Il apparaît, cependant, que Jésus et Paul modifient quelque peu l’optique vétérotestamentaire. Dans l’Ancien Testament, Dieu juge et détruit parfois sommairement. Dans le Nouveau Testament, Jésus dit qu’il n’est pas venu pour détruire (apollumi), mais pour sauver (sözö)[120]. Comme Jésus, en Jean, n’est pas venu pour juger mais pour sauver (söthë) le monde afin que quiconque croit ne périsse pas (apolëthai)[121], Paul se sert du participe présent car, pour lui, le temps de la grâce est toujours ouvert[122]. C’est toujours le jour du salut (söteria, 2 Corinthiens 6.2).

Cette modification n’est en aucune manière une contradiction. Elle traduit tout simplement la conscience de l’importance, dans le temps présent, de la décision pour ou contre Jésus, et aussi une compréhension accrue de la réalité future de la destruction. Ainsi Jésus met en garde contre celui qui est « capable de détruire (apolesai) et le corps et l’âme dans le shéol » (Matthieu 10.26) ; et les participes utilisés par Paul, loin de réduire la portée de sa pensée, accentuent l’aspect eschatologique[123].

L’Ancien Testament « fonctionne » ainsi comme une vision « proleptique » de la fin[124] où la structure théocratique et le jugement sommaire anticipent les états ultimes de communion totale avec Dieu et de séparation radicale et définitive d’avec celui qui est la source de la vie[125].

Conclusion

L’objectif de cette étude n’est pas d’expliquer la doctrine de l’enfer ou de la rendre plus crédible. De telles tentatives sont utiles, voire nécessaires, mais leur caractère limité ne doit ni nous surprendre, ni nous embarrasser. En effet, cette doctrine nous fait toucher à la fois au mystère de l’importance extrême de l’homme fini même dans sa révolte, et au mystère de la sainteté de Dieu et de l’existence du mal. Rien ici n’est simple. Tout semble néanmoins nécessaire. Mon intention a été de montrer la largeur et la profondeur de cette doctrine dans toute la Bible, en suivant la seule piste philologique.

Ces données textuelles permettent d’affirmer que cette doctrine de l’Eglise ne dépend pas de quelques paraboles « existentielles » de Jésus, mais constitue l’un des aspects structurels de la pensée biblique : le Dieu qui sauve du mal est aussi le Dieu qui détruit le mal. Il n’y a pas lieu d’être surpris d’apprendre que Jésus, celui qui accomplit la loi et les prophètes et qui mieux que tout autre a compris le dessein salvateur de Dieu, est aussi celui qui, dans le Nouveau Testament, parle le plus de la colère de Dieu[126].

Nous nous permettons maintenant une conclusion plus pratique. G.C. Berkouwer a dit, au sujet de la théologie de Barth, qu’elle n’« accorde aucune signification sérieuse au danger fatal de l’incroyance[127] ». A la lumière de l’enseignement biblique et à l’exemple de Jésus, la doctrine de l’enfer ne devrait-elle pas prendre la place essentielle qui est la sienne dans la proclamation de l’Eglise de la fin du XXe siècle, afin que, en même temps qu’il entend notre annonce de l’amour de Dieu, le monde puisse comprendre aussi quelles sont les conséquences terribles de son incroyance orgueilleuse et obstinée ?


* P. Jones est responsable de l’association Christian Witness to a Pagan Planet. Ce texte a déjà paru dans le numéro 156, tome XXXIX, 1988/4 de La Revue réformée.

[1] J.C. Ryle, Holiness : Its nature, Hindrances, Difficulties and Roots, Cambridge and Londres, J. Clarke, 1956, réimpression, 178.

[2] F. Varillon, Joie de vivre, joie de croire, Paris, Centurion, 1981, 192.

[3] W.E. Gladstone, Studies Subsidiary to the Works of Bishop Butler, 1898, 206.

[4] J’ai trouvé un seul article exégétique sérieux, celui de N. Fuglister, « Die biblische Anthropologie und die postmortale Existenz der Individuums », Kairos 22 (1980), 129-145.

[5] Voir G. Rowell, Hell and the Victorians, Oxford, Clarendon Press, 1974 ; D.P. Walker, The Decline of Hell, Routledge and Keagan Paul, 1964 ; Th. and Gertrude Sartory, In der Hölle brennt kein Feuer, Munich, 1968. Pour les Sartory, la doctrine de l’enfer révèle que le christianisme est la religion la plus meurtrière qui ait jamais existé.

[6] D.P. Walker, op. cit., 3.

[7] J.P. Martin, The Last Judgment in Protestant Theology from Orthodoxy to Ritschl, Edimbourg et Londres, Oliver and Boyd, 1963, 16 et 27.

[8] Ibid., 87.

[9] Ibid., 94.

[10] Ibid., 152.

[11] Ibid., 203.

[12] J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche Gottes, 1982.

[13] A. Schweitzer, Eine Skizze des Lebens Jesu, 1901.

[14] A. Schweitzer, The Mysticism of Paul the Apostle, NY, Seabury Press, 1968.

[15] Voir le jugement de P. Beyerhaus dans « Mission and Humanization », Mission Trends I, éd. G.H. Anderson et T.F. Strowski, Eerdmans, 1974, 238. « La démythologisation et l’interprétation existentialiste ont dissous… la réalité du royaume futur du Christ qu’il établira par sa puissance et sa parousie. » Voir aussi J. Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Mame, 1969, 227ss.

[16] Voir D.F. Wells, The Search for Salvation, Leicester, IVP, 1978, 84ss, qui, en représentant la théologie moderne, dit : « La seule certitude de l’homme moderne, c’est la certitude de sa mort, et sa seule préoccupation valable, c’est sa préoccupation pour son existence présente. »

[17] Dans une conférence publique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence au printemps 1986.

[18] Voir H. Jonas, The Gnostic Religion, Boston, Beacon Press, 1958.

[19] Voir l’excellent article de P. Helm, « A Taproot of Radicalism », Themelios II, 1985, 18-20.

[20] W.C. Smith, Towards World Theology, Londres, MacMillan, 1980.

[21] J. Hick, Death and Eternal Life, Londres, Collins, 1976.

[22] A. Race, Christians and Religious Pluralism, Londres, SCM, 1983, 139. Pour Race, toute l’histoire humaine est Heilsgeschichte (histoire de la rédemption) et il cite avec approbation W.C. Smith, op. cit., qui dit « … être hindou, être bouddhiste, être chrétien ou ne pas être chrétien ne sont pas des alternatives aussi contradictoires qu’elles étaient autrefois. »

[23] E. Cousins, « The Trinity and World Religious », Journal of Ecumenical Studies 7, 1970, 497. Voir aussi le père G. Braun, éditeur de la revue The Ecumenist, qui, dans Mission Trends 1, 76, dit : « … l’Eglise chrétienne ne peut pas continuer à répéter les vérités prétendues absolues du Nouveau Testament et de l’Eglise ancienne (car) le rôle du missionnaire n’est plus celui de convertir les gens au Christ, mais de les libérer en vue d’un contact salvateur avec le meilleur de leurs propres traditions religieuses. »

[24] C’est le jugement de R.H. Drummond, Towards a New Age in Christian Theology, NY, Orbis Books, 1985.

[25] Voir le thème de l’assemblée du Conseil œcuménique des Eglises de 1983, « Jésus-Christ, la vie du monde ». Voir aussi l’excellent article de J. Verkuyl, « The Kingdom of God as the Goal of the Missio Dei », International Review of Mission 68, 1979, 168-175.

[26] Voir C.J.H. Wright, « The Christian and Other Religions : the Biblical Evidence », Themelios 9, 1984, 4-15.

[27] N.F.S. Ferré, The Christian Understanding of God, Londres, SCM, 1951, 228, est scandalisé par une telle doctrine ; il dit : « L’enfer éternel est hors de question… la conception même est monstrueuse… la plus mauvaise insulte que l’on puisse faire au Christ… le blasphème le plus odieux que l’on puisse adresser à Dieu… l’honneur de Dieu est bafoué au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. » Voir aussi W. Monod, La fin d’un christianisme, Paris, Librairie Fischbacher, 1903, 114 : l’enfer est « l’une des monstruosités morales enseignées par l’Eglise ».

[28] Même si, d’après G. Rowell (op. cit., 213), à la fin du XIXe siècle, les sermons des grands prédicateurs sur l’enfer comportaient de moins en moins de conviction, le thème est abordé. Or, aujourd’hui, combien de prédications sur ce thème entendons-nous et prononçons-nous ? Le genre semble avoir disparu. Dans l’International Revue of Mission depuis vingt ans, je n’ai trouvé aucun article sur le sujet des conséquences graves du rejet du message missionnaire et, dans le livre de J.P. Martin, op. cit., où il consacre 208 pages au jugement dernier, pas une seule fois il n’évoque le contenu du jugement dernier et les conséquences éternelles qui en découlent.

[29] P.-H. Menoud, Le sort des trépassés, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1966, 82.

[30] A. Maillot, Le Credo : Notes sur le Symbole des Apôtres, Valence, Ed. Le Réveil, 1979, 147.

[31] L. Gagnebin, Réforme 2136, 1986, 8, n. 1.

[32] M. Richard, « Enfer », Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Letouzey, 1913, col. 47ss.

[33] Cette doctrine est également présente dans le Symbole d’Athanase, au 12e Concile œcuménique de Latran (1215), au 14e Concile œcuménique de Lyon (1274) et réaffirmée au Concile de Trente (session VI, can. 25, 30).

[34] Bulletin d’information protestant, 1014, 28 mai 1986, 2.

[35] Ibid., 5. L’article de la confession de Mission France qu’il accuse d’infidélité à l’Eglise universelle ancienne est le suivant : « Nous croyons à la résurrection de tous : ceux qui sont perdus ressusciteront pour le jugement ; ceux qui sont sauvés ressusciteront pour la vie. » 

[36] En fait, on trouve aussi la critique inverse. Nels Ferré, op. cit., 234, parle de « l’étroit biblicisme littéraliste », de « l’orthodoxie historique » de cette doctrine. Hick l’associe avec l’augustinisme et se déclare en faveur de la solution universaliste proposée par Origène (Death and Eternal Life, Londres, Collins, 1976).

[37] Pami les études évangéliques sur ce sujet, voir L. Morris, The Wages of Sin. An Examination of the NT Teaching on Death, London, Tyndale, 1954 ; J. Cruvellier, art. cit. ; H. Buis, The Doctrine of Eternal Punishment, Philadelphie, Presbyterian and Reformed, 1957 ; A.T. Hanson, The Death of the Lamb, Londres, 1957 ; J.A. Baird, The Justice of God in the Teaching of Jesus, Londres, 1963 ; R. Pache, L’enfer existe-t-il ?, Lausanne, Ed. Emmaüs, 1950.

[38] Dans son livre, le missiologue, souvent associé avec le COE, se déclare d’accord avec la théologie « évangélique » sur ce point (Unfinished Agenda, Londres, SPCK, 1985, 31). Voir aussi les expressions modernes de la doctrine catholique romaine classique chez J. Ratzinger, op. cit., 207-213 ; G. Martelet, L’au-delà retrouvé, Desclée, 1975, 181-191 ; H. Küng, Vie éternelle, Paris, Editions du Seuil, 197 ; F. Varillon, op. cit., 192-201. Voir aussi, mais moins récent, M. Carrougues et al., L’enfer, Paris, collection Foi Vivante, 1950, et, surtout, dans ce recueil d’articles, celui de C. Spicq, « La révélation de l’enfer dans la Sainte Ecriture », 89-143 ; J.H. Nicolas, « L’Enfer », Dictionnaire de spiritualité, vol. IV, Paris, 1960, col. 735. Ici, l’auteur reproduit un texte de Pie XII (le 23 mars 1949) qui exige que l’Eglise enseigne l’enfer « sans aucune atténuation, comme le Christ l’a révélé, et aucune condition propre à une époque quelconque ne peut atténuer la rigueur de cette obligation ». Le Concile de Vatican II reprend l’enseignement classique de l’Eglise au sujet de l’enfer, Textes, Paris, Editions du Centurion, 1967, 99, mais le jugement de D.F. Wells, The Search for Salvation, Leicester, IVP, 1978, 19, est à noter. Il trouve que la pensée catholique romaine récente est devenue quelque peu floue sur les questions concernant le jugement dernier et, de façon sous-jacente, universaliste dans ses déclarations sur les religions non chrétiennes.

[39] Contre A. Maillot, op. cit., 147, qui ne la considère « … pas un message capital ». Au contraire, le catholicisme traditionnel considère que « la foi à l’enfer… a été dès l’origine un de ces articles fondamentaux enseignés par Jésus-Christ et ses apôtres à l’Eglise, non pas implicitement mais très explicitement… ». M. Richard, art. cit., col. 47.

[40] Op. cit., 216.

[41] Parfois, il est affirmé que l’universalisme est aussi ancien qu’Origène et devrait être reçu comme l’une des vieilles traditions théologiques de l’Eglise universelle, plus vieille que « l’option augustinienne » ; voir J. Hick, op. cit., 198ss. Or, l’opinion de M. Richard (art. cit.) semble juste : « Origène n’était pas à proprement parler universaliste ; il admettait plutôt des variations indéfinies. En effet, après l’apocatastasie universelle, les esprits heureux et libres, après des siècles, recommenceront à se refroidir vis-à-vis de Dieu, puis à tomber ; de là, nouveau monde sensible, nouveaux supplices purificateurs, nouvelle apocatastasie, et ainsi de suite, sans fin, pendant toute l’éternité.

[42] Voir la critique de Barth dans D.F. Wells, op. cit., 60ss. E. Brunner, La doctrine chrétienne de Dieu I, Genève, Labor et Fides, 1946, 311.

[43] J.I. Packer, dans « The Way of Salvation, Part III : The Problem of Universalism », Bibliotheca Sacra 130, 1973, 4, observe que jusqu’à quelques années seulement l’universalisme était considéré comme « une spéculation discréditée : aujourd’hui, on le considère comme un élément important de l’orthodoxie ».

[44] En particulier, la doctrine selon laquelle Dieu sera tout en tous. Voir J.A.T. Robinson, In the End God, 118, et son article « Universalism, is it Heretical ? », SJT, 139. Voir aussi P. Menoud, op. cit., 83.

[45] Voir tout le numéro de Themelios : J.I. Packer, art. cit. ; S. Travis, Christian Hope, 124-133 ; E. Brunner, Dogmatik, vol. 1, Zurich, Zwingli-Verlag, 1946, 363, qui caractérise l’universalisme comme « … gefährliche für den biblischen Glauben ebenso bedrohliche Irrlehre ».

[46] Voir S. Travis, Christian Hope, op. cit., 132.

[47] J.I. Packer, art. cit.

[48] R. Bultmann, Theology of the New Testament, vol. 1, NY, Scribner, 1951, 252, contre C.H. Dodd, The Epistle to Romans, Londres, Hodder and Stoughton, 1932, 79s, et J.A.T. Robinson, Wrestling with Romans, Londres, SCM, 1979, 60ss.

[49] Art. cit., 9.

[50] Voir l’excellent article de E.A. Blum dans Themelios 4/2, 1979. En fait, les autres « textes problèmes » ne sont pas aussi problématiques qu’il peut sembler à première vue. Le « tous » de Tite 2.11 se réfère, sans doute, à toutes sortes de classes sociales (voir Tite 1). 1Tm  2.4 se sert du verbe thelö (désirer) plus faible que le verbe boulomai (vouloir), dont le substantif, boulë, veut dire « volonté », « décision » ; ce verset n’exprime peut-être pas autre chose que l’idée bien biblique que Dieu ne désire pas la mort du méchant (Ez 18.23) ; söter (Sauveur) dans 1 Timothée 4.10 peut être pris dans le sens de « préservation », comme c’est parfois le cas avec le verbe sözö (sauver) dans les pastorales (voir 1 Tm 2.15 ; 2 Tm 4.18, cp. Mc 8.35 et 15.30) ; « le monde entier » de 1 Jn 2.1-2 est à prendre dans le sens général johannique de kosmos. Certes, on y trouve la notion d’universalité, mais pas forcément d’universalisme, puisque Jésus, dans Jean, parle de ceux qui, en rejetant sa parole, ressusciteront pour la condamnation (Jn 5.29). Je remercie mon collègue P. Wells pour un certain nombre de ses observations exégétiques.

[51] Le sort des trépassés, 81. Voir aussi M. Paternoster, Thou Art Also There, London, 1967, cité dans S. Travis, op. cit., 127, qui pense que l’enfer n’est qu’une expérience présente, donc purement existentielle.

[52] Ibid.

[53] J.I. Packer, art. cit., 7, parle de « schizophrénie intellectuelle ».

[54] Voir les textes tels que 2 Co 9.6 ; Ga 6.7 ; Jn 3.18-21, 36.

[55] J.A.T. Robinson, op. cit., 111.

[56] Ibid., 133.

[57] J.A. Burgess, « Approaches to the Question of Universal Salvation on the Basis of the New Testament », Ohio Journal of Religious Studies 5 (1977), 142-148.

[58] J. Hick, op. cit. A ma connaissance, personne n’est allé plus loin que Hick dans la mise en place d’arguments contre la notion de l’enfer telle que le Nouveau Testament l’enseigne.

[59] N.B. La position classique ne croit ni que le problème de l’enfer soit facile à résoudre, ni que l’homme soit capable de percer le mystère du rapport entre la justice et l’amour de Dieu. Elle prétend tout simplement qu’il n’y a pas de contradiction au niveau du texte biblique où, selon les universalistes, deux choses s’excluant mutuellement (le salut pour tous et la séparation éternelle de certains) seraient enseignées par les mêmes auteurs bibliques.

[60] Hick, op. cit., 247, des Logia de Jésus au sujet de l’enfer dans Matthieu, voir T.W. Manson, The Sayings of Jesus, Londres, 1947, 249, qui dit qu’elles contiennent « des éléments d’une originalité tellement surprenante qu’il est difficile de les attribuer à quelqu’un d’autre que le Maître lui-même ». Voir aussi F. Filson, The Gospel According to Matthew, Londres, 1960, 260.

[61] Voir la note 60.

[62] Ibid.

[63] Ibid., 249.

[64] Ibid. Voir aussi H. Küng, op. cit., 196.

[65] Ibid., 183ss.

[66] C’est Hick lui-même, ibid., 249, qui introduit la comparaison avec des parents.

[67] Voir E. Brunner, Eternal Hope, Londres, 1954, 183 : « … les deux aspects restent juxtaposés… ils se trouvent dans la même épître, et aussi dans le même chapitre. »

[68] Ibid., 249.

[69] Ibid., 244. Déjà Hick semble se mettre en porte-à-faux avec les textes vétérotestamentaires tels que Ez 5.13 ; Ex 7.5, 8.10, 14.4, 18.

[70] Ailleurs chez Hick (je ne trouve plus la référence exacte), notre auteur déclare que l’universalisme est l’extrapolation que l’on peut faire de la foi chrétienne dans le futur. Aussi, au nom du développement doctrinal, pense-t-il pouvoir intégrer les notions de réincarnation dans la foi chrétienne (ibid., 368).

[71] E.A. Blum, art. cit., exprime l’opinion que le soutien principal de l’universalisme n’est pas l’exégèse biblique, mais une conception humaniste de l’amour.

[72] M. Richard, art. cit., col. 88.

[73] Voir J. Cruvellier, art. cit., 71. Pour cette raison, la comparaison entre les deux positions que propose Packer (art. cit., 7) n’est pas tout à fait exacte.

[74] M. Paternoster, op. cit., 1, 151.

[75] M. Perry, The Resurrection of Man, 90 (cité dans S. Travis, Christian Hope, 127).

[76] F. Bonifas, Histoire des dogmes, vol. 1, Paris, 1866, 351, cité dans J. Cruvellier, art. cit., 70. Cp. aussi F. Godet, Première épître de Paul aux Corinthiens, Neuchâtel, 1886, 363.

[77] E. Doumergue, Le Symbole des Apôtres, Vauvert, 1927, 15.

[78] P.-H. Menoud, op. cit., 81.

[79] N.F.S. Ferré, op. cit., 230.

[80] W. Michaelis, Versohnung des Alls, 1950, cité par E. Brunner, Christian Hope, 183. Voir aussi le même type de formulation par un théologien catholique romain, Jean Daniélou : « … l’au-delà est pour l’ensemble des hommes d’abord un temps de purification. » (La résurrection, Paris, Seuil, 1969, 130).

[81] C.K. Barrett, The Gospel According to John, Londres, SPCK, 1955, 381. F. Godet, Commentaire sur l’Evangile de Jean, t. III, Neuchâtel, 1902, 264, qui ailleurs se laisse tenter par l’idée d’une seconde chance après la mort, n’en voit aucune référence ici. Pour lui, il n’est aucunement question de degrés de bénédiction spirituelle. Au contraire, il y a tout simplement beaucoup de demeures puisqu’il y a beaucoup de croyants.

[82] J. Hick, op. cit., 244.

[83] E. Stauffer, New Testament Theology, Londres, SCM, 1955, 222.

[84] E.E. Ellis, The Gospel of Luc, Londres, 1974, 182.

[85] J. Hick, op. cit., 201.

[86] P.-H. Menoud, op. cit., 82.

[87] 2 Co 5.10.

[88] Ibid., voir H. Conzelmann, 1 Corinthiens : Hermeneia, Philadelphia, Fortress Press, 77.

[89] 1 Co 3.14.

[90] 2 Co 5.1. D’après E.E. Ellis, Paul and his Interpreters, Grand Rapids, Eerdmans, 1968, 35ss, derrière cette image d’édifice se trouve la notion du « corps du Christ ».

[91] 2 Co 5.8.

[92] 1 Co 1.10-17, 3.18-23 ; cp. 2 Co, passim.

[93] 1 Co 3.10ss.

[94] 2 Co 13.5.

[95] 2 Co 5.10 ; 1 Co 3.10-17.

[96] Voir J. Cruvellier, art. cit., 69.

[97] J.H. Robinson, The Gospel of Matthew : Moffat Series, Londres, 1928, 112. E. Klöstermann, Das Matthäus Evangelium, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1974, 110, trouve cette phrase typique du judaïsme apocalyptique, et D. Hill, Matthew, Londres, Oliphants, 1972, 218, propose comme traduction équivalente le mot « jamais ».

[98] Op. cit., 248.

[99] Les universalistes contemporains, effectivement, n’invoquent pas ce texte ; et l’exégèse récente ne discute même pas l’interprétation dont il est question ci-dessus. Voir R. Bultmann, L’histoire de la tradition synoptique, Paris, Seuil, 1973, 540-541.

[100] F. Godet, op. cit., 363 ; P.-H. Menoud, op. cit., 82.

[101] M. Harris, Raised Immortal, Eerdmans, 1983, 182s.

[102] J.I. Packer, art. cit., 10.

[103] Voir Rm 2.5-11 ; 2Co 5.10 ; Hé 4.12, 9.27.

[104] E. Brunner, Christian Hope, op. cit., 183.

[105] Voir J.-F. Collange, Enigmes de la deuxième épître de Paul aux Corinthiens, Cambridge, University Press, 1972, 34.

[106] Voir T.W. Manson, Studia Paulina, ed. J.N. Sevenster et W.C. van Unnik, 1953, 155-162. Aussi C.K. Barrett, The Second Epistle to Corinthians, 101-102.

[107] Voir P. Jones, « Paul le dernier apôtre : 1Co 15.8 », Hokhma 33, 1986 ; J. Munck, Paul and the Salvation of Mankind, Londres, SCM, 1959, 29 ; A. Denis, « L’apôtre Paul : prophète messianique des gentils », Ephemerides Theologicae Lovaniensis 33, 1957, 245-318.

[108] B. Otzen, « Ehbadh », Theological Dictionary of the O.T., vol. 1, éd. G.J. Botterweck et H. Ringgren, Eerdmans, 1974, 21. Voir aussi le Ps 136, qui rappelle constamment « la miséricorde » de l’Eternel qui sauve Israël (v. 11) mais qui fait périr le Pharaon et son armée dans la mer (v. 15).

[109] Voir Job 3.11 où apollumi (détruire) et teleuteö (mourir) sont parallèles.

[110] Voir Jb 26.6 ; Pr 15.11, 27.20 ; Ps 88.11, cp. Jb 28.22. Voir aussi B. Otzen, art. cit., 23, et O. Kaiser et E. Lohse, Death & Life, Akingdon, 1981, 44.

[111] Voir Jb 11.15-20 ; Ps 9.9, 14, 21.4 ; Es 25.6-9 ; Ez 37.11. Voir D. Alexander, « The O.T. View of Life After Death », Themelios 11, 1986, 41-46.

[112] Voir aussi Es 43.3, 28 ; Jb 30.12, 15 ; Jr 15.7, 20 ; Nb 24.19.

[113] Par exemple Es 34.15-16, qui parle de la chouette ou du serpent (le sens n’est pas clair) qui (d’après la LXX) sauve (sözö) ses œufs, pas un seul ne périra (apollumi).

[114] Voir aussi Jb 27.7-8 (LXX) et le Ps 146.3-4.

[115] Ce verbe « chercher » (zëtëo) figure également dans les discours de Jésus au sujet des brebis perdues.

[116] Voir aussi Jr 50.5-7 ; Ps 28.9.

[117] Rm 10.4. Voir R. Badenas, Christ the End of the Law, Sheffield, JSOT Press, 1985.

[118] Voir aussi 9.24 ; Mt 16.24 ; Lc 17.33 ; Mt 10.39.

[119] Lc 15.4, 9, 24.32, cp. Mt 18.11 dans certains manuscrits et Mt 10.6, 15.24.

[120] Lc 9.56, selon certains manuscrits. I.H. Marshall, Gospel of Luke, 407-408, estime qu’il y a de bonnes raisons de penser que cette leçon est la bonne. Nous en avons peut-être trouvé une autre.

[121] Jn 3.16, 17. N.B. Dans Jean généralement, apollumi est juxtaposé non pas avec sözö, mais avec zöë aiönios, vie éternelle : 6.27, 10.10, 28, 12.25, cp. Mt 7.13-14.

[122] Voir J.-F. Collange, op. cit., 34.

[123] Ainsi pense C.K. Barrett, op. cit., 100.

[124] Pour cette façon de voir, je suis redevable à mon ancien professeur M. Kline, professeur d’Ancien Testament à la Faculté de Gordon-Conwell, dans le Massachusetts, Etats-Unis.

[125] Pour être complet, il faut constater que Jacques et Jude se servent aussi de ces catégories. Pour Jacques (4.12), Dieu le Juge est celui qui sauve (sösai) et détruit (apolesai). Jude voit les infidèles dans l’Eglise comme préfigurés dans l’Ancien Testament. Ceux que Dieu a sauvés (sösas). Il doit maintenant détruire (apölusen, vv. 5-7).

[126] Voir J.I. Packer, art. cit., 6.

[127] G.C. Berkouwer, The Triumph of Grace in the Theology of Karl Barth, Londres, Paternoster, 1956, 263.

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Colossiens 1:15-20

Peter JONES*

Il est l’image du Dieu invisible,
le premier-né de toute la création.
Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
ce qui est visible et ce qui est invisible,
trônes, souverainetés,principautés, pouvoirs.
Tout a été créé par lui et pour lui.

Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.

Il est la tête du corps, de l’Eglise.

Il est le commencement,
le premier-né d’entre les morts,
afin d’être en tout le premier.
Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
et de tout réconcilier avec lui-même,
aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux,
en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Quelle magnifique confession de foi christologique, quelle architecture littéraire! Deux strophes, avec deux titres, plus deux phrases (vv.17 et 18): une qui résume la première et l’autre qui introduit la seconde comportant les deux grands actes créateurs de Dieu:

Strophe 1 : l’œuvre de la création de toutes choses, mise en place par le Père et le Fils.

Strophe 2 : l’œuvre de la deuxième création,

la nouvelle création = la résurrection/transformation de toutes choses également effectuée par le Père et le Fils.

Etes-vous tentés de penser que l’Evangile est en panne d’essence, une vieille histoire qui n’intéresse plus personne? Encerclés par le scepticisme moderne ou par la nouvelle spiritualité postmoderne, êtes-vous découragés dans votre tâche de prédicateur? Telle était peut-être la tentation qui guettait cette petite communauté chrétienne du Colosses païen, plongé dans un monisme religieux colossal. Or, le paganisme est bon à une chose: jeter la lumière sur la vérité. Le mensonge ne peut pas exister sans la vérité. Sa frustration constante est d’exister seulement comme une négation de ce qui est vrai. Lorsqu’il fait noir, même une toute petite bougie illumine.

Seule la vérité vaincra. Elle n’est pas l’expression fatiguée d’une civilisation aux prises avec les affres de la mort. Elle est la puissance de Dieu en vue du salut. C’est pourquoi l’Evangile ne peut pas changer, et nous ne devons pas chercher à le changer, parce qu’il concerne les deux actes de Dieu, à savoir la création et la rédemption, au centre desquelles se trouve la personnne glorieuse du Christ.

I. Christ est le Créateur (vv. 15-17)

L’hérésie gnostique ancienne et moderne oppose le Dieu de la création au Dieu de la rédemption. Pour les gnostiques, il n’y a pas de Créateur. Nous créons nous-mêmes notre propre réalité, puisque nous sommes incréés. L’idée d’un Créateur et celle de structures créationnelles doivent être bannies de notre pensée. A Colosses, une hérésie judéo-gnostique est entrée dans l’Eglise, prônant un strict ascétisme, mélange de fêtes juives (v. 16), de spéculation sur des êtres angéliques intermédiaires (v. 18) et de “philosophie” selon les éléments du monde (v. 8): assurément une forme de paganisme tout enrobé de fausse humilité révélant, en fait, un orgueil charnel inévitable.

Voir aussi Apocalypse 3:9: “Voici: je te livrerai des gens de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, car ils mentent. Voici: je les ferai venir se prosterner à tes pieds et reconnaître que je t’ai aimé.” Voici pour l’Eglise une promesse de victoire sur une forme de gnose occulte juive (thj sunagwghj tou Satana) . La suggestion derrière le texte indique que ceux qui auront vilipandé la foi orthodoxe, la traitant de stupidité, viendront un jour s’humilier et reconnaître la vérité. Ils reconnaîtront que Dieu aime les croyants qui confessent le Dieu des Ecritures saintes. Autrement dit, les monistes se prosterneront devant les théistes parce que le théisme est vrai.

Contre ce même type de paganisme pseudo-biblique ou chrétien, Paul enseigne l’antithèse radicale de la foi chrétienne, affirmant l’existence bien réelle du Créateur qui est aussi le Rédempteur. Contre les idées gnostiques selon lesquelles le vrai esprit divin est impersonnel et strictement inconnaissable et inconnu sauf, bien sûr, à l’intérieur du soi, l’Evangile déclare que ce grand Créateur, dans un acte de condescendance gracieuse, s’est fait connaître. D’abord le Créateur est personnel et son œuvre est donc pénétrée, d’un bout à l’autre, de signes de sa personnalité créatrice.

Ce qu’on peut connaître de Dieu est manifesteÖ les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde quand on les considère dans ses ouvrages. (Rm 1:19-20)

Cette personnalité s’est finalement révélée dans le Fils incarné. Mais l’incarnation ne révèle pas qu’un Rédempteur. Elle révèle le Créateur. Pas besoin d’êtres spirituels angéliques. Cet accent, spécifique du christianisme, qui joint les deux rôles de Créateur et de Rédempteur dans le même Dieu personnel, se trouve ici en Colossiens 1:15-20, mais également dans l’évangile de Jean et dans l’épître aux Hébreux. Cette doctrine est implicite dans d’autres textes néotestamentaires où la pleine divinité du Christ est affichée, mais dans ces trois textes extraordinaires, cette doctrine monte glorieusement à la surface.

Dans Jean, nous lisons que le Fils seul engendré est le Rédempteur qui donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nés de la volonté de Dieu. Cela constitue la Rédemption. Ce Fils seul engendré, la Parole divine devenue chair, a révélé le Créateur car il est aussi le Créateur (Jn 1:1 et 18). Le Verbe était Dieu et tout a été par lui (1:1-2).

Selon l’ épître aux Hébreux , le Fils n’est pas un ange (1:5ss). Il est “l’expression de son être”. Le Fils partage avec Dieu la même substance divine. Ce Fils divin est certainement le Rédempteur – “après avoir accompli la purification des péchés” (1:3) – mais il est aussi le Créateur, par qui Dieu a fait le monde. Aux anges, Dieu dit: “Il a fait de ses anges des vents et de ses serviteurs une flamme de feu” (1:7), mais Dieu dit à son Fils: “Toi, Seigneur, tu as au commencement fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains. Ils périront, mais toi tu demeures; ils vieilliront tous comme un vêtement.” (1:10)

En Apocalypse1:8, Dieu est appelé “le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga” et, en 22:13, l’Agneau qui vient est également appelé “l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin”. Le Dieu Créateur de l’Ancien Testament est celui qui annonce la fin dès l’origine (Es 46:10, cp . 48:1-11).

En Colossiens 1:15-20, Paul affirme cette même vérité à sa manière. Il déclare que le principe de plénitude et d’unité n’est pas inhérent aux choses créées, selon le mensonge païen; il est en Dieu le Fils Créateur. Il nous donne une leçon lumineuse de théologie théiste:

A)Il est l’image du Dieu invisible

Une grande déclaration théiste. Il l’est; nous ne le sommes pas. Nous sommes créés à l’image de Dieu dans notre capacité morale et dans notre être personnel. Mais nous ne sommes pas Dieu. Nous ne sommes pas “l’expression de son être” (caraktŒr t–j ‘post?sewj aétoç) . Nous ne partageons pas avec Dieu la même substance, comme disaient les gnostiques qui se croyaient et se croient toujours incréés. Nous ne sommes pas consubstantiels avec Dieu. Dieu possède des attributs non communicables, non pas parce que Dieu ne sait pas communiquer, mais parce que ces attributs de Créateur ne se partagent avec la création. Seul, le Christ est divin. Il n’est pas une simple expression de la conscience christique, une sorte de gourou ou Bouddha. Il est l’Unique.

B) Il est le premier-né de toute créature

Premier-né ne veut pas dire “le premier à être créé”. A la différence des gnostiques, il est le seul incréébegotten not made . Quel est donc le sens de premier-né (prototokj)?

Philon décrit le logos divin comme le premier-né. Au Psaume 89:28, Dieu déclare qu’il fera de David, l’oint de Dieu, son premier-né, et Exode 4:22 appelle Israël premier-né. Tout cela suggère une notion de prééminence. En tout cas, c’est le sens du terme en Hébreux 1:6. Lorsque Dieu introduit le premier-né dans le monde, il lui dit: “Ton trône, ô Dieu, est éternel.” (1:8) Le sens est celui de primauté, comme le dit Colossiens 1:18: afin d’être en tout le premier. Cp. 1:17. Et il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.

Cette primauté non créée est exprimée dans la phrase suivante:

Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
ce qui est visible et ce qui est invisible,
trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs.
Tout a été créé par lui et pour lui.

Sa primauté se mesure par le mot “tout”: toutes choses, même les invisibles, même les anges; il en est le Créateur. Paul nous renvoie à Genèse 1:1: “Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.” Tout le reste n’est que de la littérature, du commentaire. Christ appartient au début absolu, non pas à l’ordre du créé. Il est la source et le moyen de la création ex nihilo .

Toute la beauté et la complexité qu’aucun scientifique n’arrive à expliquer provient de l’intelligence et de la sagesse sans borne du Christ. Honorer et glorifier Dieu consiste en respect et soumission à l’ordre moral et physique placés dans l’univers créé, pour lequel le croyant rend grâces. Au contraire, les païens, “ayant connu Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces”(Rm 1:21). Le chrétien ne peut jamais suivre cette route. Nous avons le trésor de la Rédemption, mais nous le portons dans des vases d’argile, les corps terrestres de la première création (2 Co 4:7), et nous serons mis à découvert pour que chacun voie ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, ou ce qu’il aura fait avec son corps, (t? di? toç sÂmatoj ; 2 Co 5:10). Dans ce corps mâle ou femelle, en tant qu’enfant ou parent, esclave ou maître, juifs ou païen, nous rendons grâces et glorifions Dieu le Créateur.

Contre la notion moniste de la divinité de toutes choses, Paul oppose la doctrine théiste de la grande distinction entre le Créateur et la création.

Paul répond aussi aux deuxième et troisième points du monisme, à savoir que l’humanité est une et toutes les religions sont une.

L’unité du cosmos se trouve dans le Fils. Par le miracle de l’incarnation, de façon unique, il fait se joindre le créé et l’incréé. Il n’y a rien qui soit rédempteur, unissant les hommes les uns aux autres, une sorte d’essence divine qui limiterait le mal et qui sauverait la planète. En effet, il y a deux types d’hommes, les sauvés et les perdus. Christ n’est pas la tête de tous les hommes.

Il est la tête du corps, c’est-à-dire de l’Eglise (v. 18).

De la même manière, toutes les religions ne sont pas une. Il y a deux religions, celle des synagogues de Satan et celle de l’Eglise du Christ. Le principe d’unité ne dépend pas de l’essence divine dans chaque homme. Elle dépend de l’acte du Créateur.

Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude

et de tout réconcilier avec lui-même,

aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux ,

en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

La plénitude, la réconciliation viennent du Christ, qui fait la paix par le sang de sa croix. Nous sommes déjà à la deuxième affirmation!

II.Christ Créateur est Rédempteur ( vv. 18-20)

Seul, le Créateur a le pouvoir de racheter la création. Seul un horloger sait réparer une horloge. Voilà l’immense bonne nouvelle de l’Evangile. Pas un homme, pas un ange, mais Dieu lui-même s’est chargé du salut du monde. Il y a rédemption parce qu’il y a un problème. Le problème n’est pas l’amnésie métaphysique, l’oubli et le sommeil. Le problème, c’est la mort. Il est extrêmement intéressant que la phrase qui introduit la rédemption soit:

Le premier-né d’entre les morts,

car elle exprime trois aspects de l’acte salvateur du Christ:

– sa condescendance;

– son efficacité;

– sa radicalité.

A) Sa condescendance

Il est tout à fait étonnant que le Créateur de la vie subisse la mort. Telle est la profondeur de l’amour de Dieu, qui goûte même la mort pour nous. Notez bien que cette condescendance n’a pas de sens dans un monde moniste. Si tout est divin, si avec Luc Ferry nous devons introduire les catégories théologiques dans le système de pensée moderne – voyant l’humanisation du divin et la divinisation de l’humain –, on élimine la condescendance et l’amour dont il est l’avocat passionné. La transcendance de la vérité l’agace puisqu’elle se revêt de la notion d’autorité, qui, elle, serait strictement impensable dans notre monde moderne.

La condescendance n’a de sens que dans un univers théiste et, en particulier, réformé. La seule solution aux problèmes humains, la seule démonstration de l’amour et de la grâce ultimes ne se trouvent pas dans le voyage à l’intérieur de soi pour découvrir sa propre divinité. Elle se trouve en dehors de la réalité créée, dans le Dieu de la condescendance gracieuse. C’est la raison pour laquelle la grande quantité de pronoms personnels sont à la troisième personne, non pas à la première.

Il nous a qualifiés.

Il nous a arrachés à l’empire des ténèbres.

Il nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé.

En lui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.

Notre accès dans ce royaume éternel dépend entièrement de l’acte rédempteur du Fils. Il ne se trouve pas à l’intérieur de nous-mêmes. Cet accent théiste de l’extériorité de la vérité est partout dans Paul.

Voir son emploi des termes Chair etsang . En Galates 1:16, Paul ne “consulte ni la chair ni le sang”. Puisque l’Evangile qu’il annonce n’est pas à mesure humaine, ce n’est pas d’un homme qu’il l’a reçu ou appris, mais par une révélation de Jésus-Christ.

Cela fait penser à Matthieu 16:17, qui se situe dans le même contexte de révélation extérieure: “Tu es heureux, Simon, fils de Jonas (Petroj Iwnaj) ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux.” Ainsi la provenance n’est pas terrestre mais transcendante/céleste.

C’est la raison pour laquelle Paul décrira l’œuvre divine de la résurrection future qui inaugurera le plein accomplissement du Royaume éternel de la même façon. Contre toute notion d’utopie humaine, de royaume terrestre bâti de main d’homme, Paul déclare, et notez l’emphase: “Je l’affirme – toçto d° fhmi – la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu.”

Cette notion de l’Evangile venant directement de Dieu est exprimée en Colossiens1:5-6: “(Ö) la Parole de vérité, celle de l’Evangile, (…) est parvenu chez vous tout comme (…) dans le monde entier.” En 1:23: “L’Evangile que vous avez entendu.”

On mesure l’amour de Dieu par le fait et par la grandeur de sa condescendance. Le Créateur, celui en qui “il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude”, le premier-né d’entre les morts, a subi la mort pour nous.

B) Son efficacité

et de tout réconcilier avec lui-même,

aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux ,

en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.

Comme je l’ai déjà dit, seul le Créateur possède le pouvoir de racheter la création. Seul un horloger sait réparer une horloge. Ce n’est pas simplement de la condescendance.C’est là une solution efficace. En effet, l’homme, s’il entre en lui-même pour communier avec sa propre essence divine, est à la fois insensé et inefficace. Insensé, si la Bible a raison: “Le cœur de l’homme est tortueux par-dessus tout, et il est incurable: qui peut le connaître?” (Jr 17:9) S’imaginer possible de pénétrer à l’intérieur de soi-même pour se sauver est une folie aux proportions titanesques. Cela ne “marche” pas, parce que le cœur n’est pas changé.

“Moi, Jahvé, je scrute le cœur, je sonde les reins.” Seul Dieu est capable de fournir la solution efficace. “Et vous, dit Paul aux Colossiens, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et vos œuvres mauvaises…” (1:21) Si la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ils ne peuvent pas non plus se sauver dans le présent. Mais voici le plan efficace de la grâce. “Il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche.” (1:22)

C) Sa radicalité

Voyez comment Paul ne sait pas parler sans évoquer la réalité de la chair et de la mort. Dans un monde moniste, la chair est illusion/ maya et la mort est délivrance: le soma est le sema du pneuma. Quel renversement de vérité, classiquement exprimé dans les textes gnostiques: le Serpent est Christ, la mort est salut, et la chute est l’ascension vers la vraie humanité autonome. En revanche, dans le monde tel qu’il est vraiment, créé et théiste, la chair est réelle puisque créée par Dieu, et la mort est le dernier ennemi qui détruit la chair. La rédemption ne concerne que le pneuma. La création tout entière “attend avec un ardent désir (…) avec une espérance (…) sera libérée de la servitude de la corruption (mort) pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu” (Rm 8:19-21).

Puisque le Rédempteur est le Créateur, la solution savaltrice est radicale. Elle sauve le corps et l’âme. La réconciliation est cosmique. L’être corruptible revêtira l’incorruptibilité et l’être mortel revêtira l’immortalité (1 Co 15:53). Pour que ce renversement radical se fasse, le Créateur lui-même doit subir la mort, il doit devenir le premier-né d’entre les morts. En effet, en goûtant la mort et en sortant du tombeau, il obtient en tout la primauté (Col 1:18). En effectuant la réconciliation de toutes choses par le sang de sa croix, il marque l’univers tout entier de sa souveraineté. Le Créateur pénètre jusque dans les profondeurs de la création déchue pour y déraciner la puissance de la mort. Le tombeau vide et les vêtements funéraires vides sont le sceau et le signe extraordinaires de la victoire radicale de l’œuvre rédemptrice du Créateur.

Comment se l’approprier? Les monistes païens proposent une expérience mystique et irrationnelle, acquise par une discipline ésotérique, ou par des transes au-delà de la rationalité, et en dehors du corps physique; en esprit pur, on voit “la lumière”, et on obtient la gnose occulte: qui est la déception diabolique!

Devant le Créateur, selon Paul, la seule réponse est la foi: un acte de l’être entier, corps, esprit, intelligence et âme, qui se confie à la bonne et fiable Parole de Dieu. Paul évoque la foi des Colossiens, “la foi en Christ Jésus et l’amour que vous avez pour tous les saints” – la réconciliation est devenue une réalite concrète; la réconciliation est possible entre des pécheurs graciés mais impossible entre des démons divinisés, chez qui il n’y a que des accords égoïstes et instables de pouvoir – “Öet l’espérance qui vous est réservée dans les cieux, et que la parole de vérité, celle de l’Evangile, vous a précédemment fait connaître” (1:4-5).

La gnose ou la foi? “La foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut” (Rm 10:10)Ö mais comment invoquer le nom du Seigneur sans d’abord croire en lui? Et comment croire sans d’abord l’entendre? Et comment l’entendre sans prédicateur? (Rm 10:14)

L’univers théiste exige la foi et la prédication, dont Paul nous donne un exemple passionnant. Voilà, dans ce texte de Colossiens 1:15-20, une déclaration massive – au sein d’une culture massivement pagano-moniste – de la vérité théiste en ce qui concerne la nature des choses. Telle est l’approche de Paul, que les théologiens réformés ont appelée l’antithèse.


* P. Jones a été professeur de Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence, de 1974 à 1990. Il est maintenant professeur au Westminster Seminary d’Escondido (Californie).

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La montée du paganisme en Amérique chrétienne http://larevuereformee.net/articlerr/n203/la-montee-du-paganisme-en-amerique-chretienne Fri, 19 Aug 2011 16:36:01 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=602 Continuer la lecture ]]> La montee du paganisme en amérique chrétienne

Peter JONES*

Le Français moyen trouve toujours étrange, j’en suis certain, l’image du président américain sortant d’une église protestante, une grosse Bible à la main. Le mélange de la religion et de la politique dans le nouveau monde est toujours remarquable. Certes, la notion de séparation de l’Eglise et de l’Etat a fait de grands progrès depuis une vingtaine d’années, mais la religion a toujours une place prépondérante dans la vie publique américaine. Lorsque l’on arrive aux Etats-Unis, l’on est grandement surpris par la place qu’occupe le christianisme dans la société: les immenses réseaux d’écoles chrétiennes, de collèges et d’universités chrétiens, les innombrables facultés de théologie – dans celle où j’enseigne, il y a deux immenses armoires (14 étagères) pleines de catalogues de collèges et de facultés de théologie chrétiens –, les centaines de maisons d’édition chrétiennes, les milliers de radios et de télévisions chrétiennes, les puissantes œuvres missionnaires, d’évangélisation et d’action sociale. Le récent mouvement évangélique masculin Promise Keepers réunit régulièrement, dans des stades, 60 000 – parfois 80 000 – hommes dans le but de leur donner l’occasion de renouveler devant Dieu leur engagement vis-à-vis de leurs femmes et de leurs familles.

Effectivement, l’Amérique est profondément chrétienne. Du moins, elle est profondément religieuse: 97% de la population croient en Dieu, et 90% croient que Dieu les aime. Comme le précise la monnaie: “In God we trust” (en Dieu nous mettons notre confiance). Ainsi, chaque enfant à l’école publique prête, tous les jours, serment d’allégeance au drapeau tricolore étoilé, en disant: “One Nation Under God” (une nation soumise à Dieu).

Pourtant, si on gratte la surface un petit peu, la réalité semble tout autre. On découvre que 7% seulement des Américains ont une confession “évangélique”, c’est-à-dire une compréhension doctrinale de ce qu’est la théologie protestante orthodoxe. La nation est religieuse mais pas chrétienne. Comment expliquer les chiffres suivants: 70% des gens approuvent la performance de l’actuel président, dont les nombreuses affaires scandaleuses auraient fait couler tous les présidents du passé? En revanche, 11% soutiennent le procureur indépendant, Ken Starr, un chrétien notoire, dont la responsabilité est de poursuivre, de façon judiciaire, les questions de faux témoignage et de subornation de témoin. Oui, les Américains sont religieux, mais la moralité a changé et, sans aucun doute aussi, la religion dont elle découle.

Un sociologue de l’Université de Boston, Alan Wolfe, a publié en 1998 une étude sur la classe moyenne américaine. Il observe: “Nous étions une nation chrétienne. Tout récemment, nous sommes devenus une nation tolérante, ouverte à toutes les religions.” Et le titre de son livre ? Une nation après tout (One Nation After All) ou la une, c’est-à-dire dont l’unité nationale, ne se fait plus à partir de la morale chrétienne et de la soumission au Dieu de la Bible, mais à partir de la tolérance et d’un relativisme moral et religieux.

Le collège de Dartmouth, l’une des grandes écoles américaines, en est un exemple. Fondée en 1750 par Eleazar Wheelock, l’un des chefs du premier grand Réveil du XVIII e siècle, cette grande institution académique avait pour objectif “faire connaître le seul Dieu et Sauveur et amener à la foi chrétienne les enfants des païens”. Encore en 1945, le doyen Ernest Hopkins avait la même vision: “Dartmouth est un collège chrétien fondé en vue de la christianisation de ses étudiants.” Le doyen actuel, James Freedman, a qualifié, en 1997, ces fondements chrétiens “d’odieux, de fantômes du passé à extirper de la mémoire de l’institution”.

Que s’est-il passé dans cette Amérique chrétienne?

Deux explications différentes mais complémentaires peuvent être proposées:

la révolution estudiantine et sociale des années 60;

l’arrivée de la postmodernité.

A) La révolution sociale des années 60

Un changement a été signalé en 1992 lorsqu’un membre de la génération hippie est entré, pour la premère fois, à la Maison-Blanche et a assumé la fonction la plus puissante du monde. M. Clinton a évité l’armée, s’est opposé à la guerre au Vietnam, a fumé de la drogue et a adopté la moralité de la libération sexuelle. M me Clinton, déjà lorsqu’elle était étudiante, a été une féministe convaincue; elle a été l’un des éditeurs d’une revue de jurisprudence révolutionnaire qui considérait les policiers comme des pigs/Schwein dignes d’être fusillés, et membre d’une association d’avocats radicaux qui ont défendu les Panthères noires. (Il est intéressant d’entendre M me Clinton accuser aujourd’hui les personnes favorables au droit et à la moralité traditionnelle d’être “des extrémistes” [1] .) En 1992, les jeunes révolutionnaires fantaisistes des années 60, qui avaient rejeté l’Etat et toutes ses structures, ont pris le pouvoir politique et sont devenus les responsables de la conduite de l’Etat. La révolution sociale qui avait toute l’apparence d’une faillite totale a gagné de façon étonnante et surprenante. “C’est notre temps”, a dit le couple présidentiel en entrant dans les couloirs du pouvoir, et l’on a vite compris ce que voulait dire le mot “notre”: l’avortement généralisé, la femme sur le front des combats dans l’armée, l’acceptation des homosexuels dans l’armée et la nomination au gouvernement de nombreux anciens drogués et de 27 homosexuels déclarés. Deux femmes, gourous bien connus du Nouvel Age, ont également pénétré à la Maison-Blanche comme conseillères intimes de M me Clinton, qui est de longue date membre de l’Eglise méthodiste.

Récemment, la révolution sociale estudiantine des années 60 est aussi une révolution philosophique et religieuse dans la rue, avec des effets réels et politiques. Le livre de Horowitz et Collier, Destructive Generation (1995) présente une exégèse du mouvement. Ses leaders, étudiants à Berkeley, ont édité le journal officiel Ramparts , porte-parole de ces idées révolutionnaires. Ils ont caractérisé leur révolution de “destructive”. La révolution a détruit les idées courantes de l’époque: autorité hiérarchisée, sexualité hétérosexuelle normative et biblique, et la spiritualité biblique. A leur place, ils ont proposé les notions d’autorité personnelle et autonome, de sexualité libérée et la spiritualité orientale.

La révolution n’a pas été un échec, malgré les apparences. Certes, les hippies se sont coupé les cheveux, se sont mis à prendre des bains et à s’habiller de façon bourgeoise. Mais leurs idées se sont répandues à travers toute la culture américaine et occidentale. L’Ouest est allé vers l’Orient et l’Orient est venu à l’Ouest. La technologie, la démocratie et le commerce des Occidentaux ont vaincu l’Orient, mais la spiritualité orientale a vaincu l’Ouest.

Les résultats se sont vite fait sentir dans la société. L’Amérique est leader dans le monde en matière d’avortement, de divorce, de pornographie, d’homosexualité et de féminisme radical.

La révolution aux Etats-Unis a été surtout spirituelle, étant donné la nature très religieuse de la société. On a assisté à une explosion de spiritualités et de techniques spirituelles, qui s’allient à une quantité de méthodes quasi spirituelles en vue de l’amélioration des performances personnelles. L’efficacité, le pragmatisme et le know-how (savoir-faire) commercial ont acquis une dimension spirituelle. Un livre récent, What Really Matters , de Tony Schwartz, dresse le catalogue de toutes ces approches qui unissent la psychologie et l’analyse personnelle occidentale à la spiritualité et aux disciplines spirituelles de l’Orient. En conclusion, l’auteur annonce fièrement “l’émergence d’une nouvelle sagesse américaine” qui sauvera le monde.

B) L’arrivée de la postmodernité

Cette révolution sociale des années 60, loin d’être un échec, a été, en fait, une très grande réussite. Elle a été l’hirondelle qui annonce le printemps d’un nouveau monde postmoderne. Elle a mis en question la civilisation moderne et n’a pas fini d’avoir des effets profonds sur l’établissement d’un nouveau monde postmoderne.

Ainsi, une autre manière d’apprécier les scandales actuels de Washington est de considérer l’arrivée de M. Clinton au pouvoir comme celle du premier président postmoderne des Etats-Unis. Un commentateur voit dans le comportement du président dans les nombreuses affaires d’adultère qui le concernent la mise en jeu d’une philosophie postmoderne. Dans le monde postmoderne, il n’y a pas de vérité, simplement des constructions personnelles, spin . L’apparence, et non le sens, est essentielle. Si la vérité est une autre forme de pouvoir, la place de la raison, les faits et l’évidence ont moins d’importance que l’opportunisme et l’exercice du pouvoir. Saisir le pouvoir, vilipender l’adversaire est aujourd’hui typique des rapports intellectuels à l’intérieur de l’université américaine. Cela se fait aussi en politique, et la technique est bien au point dans l’actuelle administration.

En quoi consiste la postmodernité?

Selon Mark C. Taylor, un postmoderniste américain important, “…deconstruction is the postmodern raised to method” . Au cœur du postmodernisme se trouve la déconstruction. Il est intéressant de noter que les théoriciens reconnus de la postmodernité sont presque exclusivement Français, soit de naissance (Lacan, Foucault, Lyotard, Certeau, Bataille, Maurice Blanchot, Jean-Luc Nancy, Luc Ferry et Hélène Cixous), soit parce qu’ils ont choisi la France comme pays d’adoption (Levinas, Derrida, Kristeva), soit parce qu’ils écrivent en français (Irigaray). L’empire français domine toujours le monde, du moins par ses textes de philosophie. Made in France : pensé en France, exploité aux Etats-Unis!

La déconstruction est associée à Jacques Derrida, qui doutait de la possibilité de décrire par une théorie quelconque le phénomène de la communication littéraire. Le sens, et même notre conscience d’être n’existent pas en dehors du langage: tout langage est temporaire et relatif. Il n’y a pas de signifiant originel, transcendant et objectif (Dieu, l’histoire, l’homme, la raison) qui serait en dehors du système linguistique qui, lui, est une invention humaine. Comme le dit Ferry, suivant Derrida, les sciences humaines déterministes

prétendent rendre le mystère humain enfin visible. Leur effet démystificateur est toujours plaisant. Mais c’est aussi leur faiblesse: leur postulat fondamental, celui de la rationalité cachée, parce qu’il est irréfutable, n’est pas lui-même scientifique. Il relève d’un parti pris métaphysique et n’est, comme tel, qu’une croyance parmi d’autresî [2] .

Derrida est en pleine réaction contre le structuralisme. Il ne s’en sort que s’il y a du sens; ce sens émane du lecteur, non pas de l’auteur ou de la structure profonde du texte. De ce doute méthodologique s’est construite une philosophie déconstructionniste/postmoderne. Puisque le langage est un produit culturel, le sens est nécessairement une construction sociale et devrait être déconstruit. C’est pourquoi Mark C. Taylor a raison: “…deconstruction is the postmodern raised to method.” Au cœur du postmodernisme se trouve la déconstruction.

On sent là une sorte d’obligation morale. En partie, il y a une réaction juste contre l’orgueil moderne qui, avec son rationalisme, se croyait, grâce à la raison autonome, capable de résoudre tous les problèmes humains. En fait, comme nous allons le montrer plus loin, l’homme pécheur n’abandonne jamais l’autonomie de sa raison, puisque, pour parler, il lui faut faire appel à elle. Ainsi la vraie cible de l’artillerie déconstructive est, encore une fois, la world view chrétienne.

i) La déconstruction en tant que théorie sociale

Jean-Francois Lyotard utilise cette théorie littéraire pour développer une théorie sociale. Lyotard exprime une suspicion fondamentale contre les “métanarratives”. Toute assertion de vérité est un produit social et valide seulement à l’intérieur de ce système précis [3] . “Le monde est un texte.” Gouvernements, world view /conceptions du monde, technologies, histoires, théories scientifiques, les coutumes sociales et les religions sont tous des constructions sociales [4] . Il n’y pas de “logos transcendant”, aucun sens objectif… nous sommes incarcérés dans la “prison du langage”.

Les déconstructionnistes dépendent de Nietzsche, qui croyait que la vie humaine consistait en une volonté innée de pouvoir [5] . Le vrai sens de la culture se trouve sous la surface, caché dans des institutions, masquant des complots sinistres mais souvent inconscients. Ainsi les déconstructionnistes sont, de facon étrange, animés par un moralisme digne des croisades du Moyen Age.

ii) Déconstruction en tant que théorie éthique

L’homosexualité

Michel Foucault, le philosophe homosexuel, cherche à développer la déconstruction dans le domaine de la sexualité. Il tient à démontrer que tout système, tout méta-récit exprime une volonté de pouvoir. Il n’existe pas de normativité sexuelle, seulement l’imposition injuste de la volonté des hétérosexuels les plus nombreux sur les homosexuels moins nombreux.

La déconstruction a l’air d’être le plein aboutissement de la transvaluation nietzschéenne des valeurs. Selon Foucault, “la soi-disant vérité” est tout simplement du harcèlement idéologique de la part de ceux qui détiennent le pouvoir. Au travers de ces idées, la normativité de l’éthique biblique sexuelle est déconstruite et de la dynamite est placée sous les cathédrales de la pensée théologique orthodoxe.

L’éthique générale

Féministe française, Julia Kristeva déclare que le programme éthique d’aujourd’hui consiste à se demander comment fracasser les codes éthiques du passé, dans le but suivant: faire place au jeu libre de la négativité, du désir, du plaisir et de la jouissance. L’Amérique d’aujourd’hui a perdu le consensus éthique du passé, de telle sorte qu’il est souvent très difficile de trouver un jury capable d’arriver à un jugement commun. On ne croit plus en l’Amérique “chrétienne”, à l’existence de principes moraux sûrs et certains. Tout est relatif, l’objet de choix personnels. One Nation, After All .

iii) La déconstruction en tant que théorie féministe et du rôle de la sexualité

Encore une Française, Simone de Beauvoir a joué un rôle important. Le féminisme peut être vu de façon positive comme la défense des droits de la femme; mais le féminisme récent, surtout aux Etats-Unis, est aussi une expression très puissante de la déconstruction, avec son côté négatif de l’anéantissement du patriarcat, c’est-à-dire du démantèlement du système familial fondé sur l’autorité et la responsabilité du père pour la défense, le maintien et le bien-être de la famille, structure millénaire et biblique qui est à la base de la civilisation humaine. La patriarcat est le péché originel.

iv) La déconstruction du Canon

La découverte d’une bibliothèque gnostique en 1945 et sa publication dans les années 70 a fourni une source de textes pseudo-chrétiens qui permettent, aujourd’hui, à un certain nombre de biblistes américains de déconstruire les limitations du Canon orthodoxe et historique. J’ai assisté à une conférence savante de l’un des néotestamentaires américains les plus connus qui a prétendu que la contribution la plus signifiante de la science néotestamentaire américaine était l’admission dans le Canon chrétien de l’évangile gnostique de Thomas. Grâce surtout aux Américains, l’on est en train de créer une nouvelle Bible pour un nouveau monde.

v) La déconstruction de Dieu

Pourquoi la postmodernité a-t-elle pris racine et fleuri aux Etats-Unis? Parce que la terre a été bien préparée. L’essence même de la déconstruction postmoderne est bien religieuse. La vraie cible de l’artillerie déconstructive, comme je l’ai déjà dit, est la world view chrétienne. Une terre religieuse comme l’est l’Amérique fait d’elle l’hôte approprié pour accueillir la spiritualité postmoderne.

Mark C. Taylor appelle la déconstruction “l’herméneutique de la mort de Dieu”. En 1974, David Miller, avant que l’on parle couramment du postmodernisme aux Etats-Unis, a annoncé, dans les années 60, la mort de Dieu, pas la mort des dieux, mais la mort du Dieu de la Bible. Il a déclaré qu’à la mort de Dieu, les dieux et les déesses du paganisme impérial devraient renaître. Aux funérailles de Dieu naîtra le polythéisme. Miller a refusé les normes unidimensionnelles d’une civilisation monothéiste non seulement en ce qui concerne la religion, mais aussi la politique, l’ordre social, l’éthique et la psychologie.

Cette révolution a réussi. L’Amérique est toujours une nation soumise à Dieu, mais il s’agit d’un autre dieu, le dieu pluriforme et humain du paganisme classique.

Voici quelques exemples:

– Aux Etats-Unis, en 1993, s’est réuni le Parlement des religions du monde avec 6000 représentants de 125 religions. Sur l’estrade se trouvaient des représentants du protestantisme, du catholicisme, de l’orthodoxie, du judaïsme et de l’islam libéraux, mélangés avec des prêtres hindous, bouddhistes, zen, jaïnistes, animistes américains et africains, sikh, baha’i, rastafarians et zoroastriens, et des gourous du Nouvel Age, des écologistes, des panthéistes, des théosophes, des shamanistes, des sorcières et les adorateurs de la déesse Isis d’Egypte, tous là pour célébrer leur communion profonde.

Le melting-pot [point de fusion, creuset de refonte] de cultures et d’ethnies est devenu un melting-pot syncrétiste de religions.

– La même année, 2000 femmes presbytériennes et méthodistes se sont réunies pour ré-imaginer la foi chrétienne. Pendant les trois jours de la rencontre, elles n’ont jamais employé le nom de “Père” pour Dieu, ni de “Fils” pour le Christ. Elles ont rendu un culte eucharistique à la déesse Sophia, avec des éléments de lait et de miel elles se sont moquées du sacrifice de la croix, trouvant le pain et le vin inappropriés et le culte s’est terminé avec l’acte sacramentel ultime, la mastication de la pomme.

– Encore plus païenne, la fête annuelle de l’Homme Brûlant dans le désert du Nevada, en 1997; 17 000 personnes se sont réunies pour rendre un culte à Satan. Elles ont demandé au “Papa Satan” de les emmener avec lui en enfer. Ensuite, pour conclure les célébrations, l’Homme Brûlant, un homme de 20 mètres de haut, a été brûlé en efffigie.

– Le best-seller actuel de la fiction, Talking to Heaven ,de James Van Praagh, développe des sujets tels que le spiritisme, l’occultisme et la pratique de la nécromancie pour les Américains, les habitants d’un pays qui, généralement, respectait l’interdiction faite par le livre du Lévitique (20:6): “Si une personne se tourne vers ceux qui évoquent les morts ou vers ceux qui prédisent l’avenir pour se prostituer avec eux, je tournerai ma face contre cette personne”, dit l’Eternel.

Ainsi, deux mouvements différents mais parallèles et complémentaires ont profondément changé l’Amérique dite “chrétienne”. La révolution sociale des années 60 a détruit bien des choses, et l’analyse postmoderne en a déconstruit beaucoup d’autres. Une société ainsi démantelée attend une reconstruction. Une société déconstruite est dans une situation précaire. La déconstruction est une passerelle vers autre chose, comme le pluralisme tolérant. E.R.Norman a récemment dit:

Le pluralisme est un terme que l’on emploie pendant une période de transition, d’une orthodoxie à une autre, car le pluralisme en lui-même est un état instable. Même les pluralistes tolérants ne savent pas inclure les non-pluralistes.

La reconstruction païenne

Après la destruction vient la reconstruction. La béance suscitée par la déconstruction appelle une nouvelle plénitude religieuse. Le polythéisme, en particulier, est au rendez-vous: les dieux et les déesses du paganisme ancien se portent bien aux Etats-Unis, au seuil du III e millénaire. Les normes unidimensionnelles d’une civilisation monothéiste de la religion, de la politique, de l’ordre social, de l’éthique et de la psychologie ont cédé la place à une nouvelle construction “multivoque” et multiforme. “Une nouvelle sagesse américaine émergente” sauvera l’Amérique et éventuellement le monde.

Apparemment aussi en France, une reconstruction optimiste commence à apparaître. Hélène Cixous, un porte-parole du mouvement postmoderne, s’exprime dans des termes quasi religieux, en parlant de son travail. Elle cherche à dresser “un portrait de Dieu, c’est-à-dire un portrait de notre propre divinité, notre propre mystère” [6] . Il en est de même du livre de Luc Ferry, L’Homme Dieu ou le sens de la vie [7] , qui parle d’une “foi pratique” [8] d’une “spiritualité laïque” [9] et de l’enfer moderne, “la solitude d’un univers à jamais dépourvu de signification” [10] . Comment parler de spiritualité et de sens dans un monde “déconstruit”, postmoderne? Malgré toute la déconstruction, le sens et le spirituel sont de retour. “Le versant spirituel de l’humanisme… se doit d’assumer un certain réinvestissement du vocabulaireÖ (un) réaménagement du religieux” [11] qui, tout en surprenant une société laïque et officiellement matérialiste, risquent de devenir une nouvelle forme du gnosticisme ancien [12] . Voir aussi le goût populaire et croissant en France pour la spiritualité psychique… Mais mon sujet n’est pas la France, dont j’ignore l’état spirituel actuel.

Une eschatologie néopaïenne optimiste

Le D r Peter Russell (un expert en méditation transcendantale, employé par IBM, Shell, BP, la Barclay’s Bank, DEC) annonce, à travers un guide/esprit, qu’une “nouvelle vibration descend sur la planète, signalant un moment de renaissance”.

Pour David Miller, professeur de religion à l’Université de Syracuse, “libéré de l’impérialisme monothéiste [la mort de Dieu], l’homme a enfin la possibilité de découvrir de nouvelles dimensions cachées dans les profondeurs de la réalité”.

La féministe française Julia Kristeva déclare que le programme éthique d’aujourd’hui consiste à se demander comment fracasser les codes éthiques du passé, dans le but suivant: donner une place au jeu libre de la négativité, du désir, du plaisir et de la jouissance, mais elle ajoute: avant de les [codes éthiques] remettre ensemble encore une fois.

James M. Robinson, un ancien pasteur réformé, parle d’une nouvelle forme du christianisme, un mélange d’orthodoxie et de gnosticisme.

La béance énorme, résultat de la déconstruction radicale, demande un nouveau “grand récit”, issu d’une déconstruction “mystique”, une postmodernité, selon David Tracy, professeur et théologien catholique progressiste à l’Université de Chicago, tout près du bouddhisme et du mysticisme (via negativa) de Maître Eckhart.

Tout cela me fait penser au gnosticisme ancien. Giovanni Filoramo, dans A History of Gnosticism [13] , parle d’un réveil mythologique gnostique. Après une période de rationalisme (la critique du muthos de Socrate, Platon et Aristote se servant du logos ), on redécouvre le mythos , auquel on donne un nouveau sens. Ainsi, dit Plutarque, l’empire gréco-romain du I er siècle “était un gobelet bouillonnant de mythes” [14] .

Les Beatles sont allés en Orient et les gourus hindous sont venus à l’Ouest. Les voyages chimiques des hippies et les séjours en Inde se traduisent aujourd’hui en une nouvelle gamme de spiritualités orientales. Le mystique hindou Swami Vivekananda prophétisa au premier Parlement des religions du monde, en 1983, la mise en place d’une société faite de la science et du socialisme occidentaux et de la spiritualité indienne. Ceci s’est réalisé de façon palpable cent ans plus tard.

i) Le retour du paganisme païen. “Le nombre de païens pratiquants se multiplie de façon dramatique.” [15]

Mircea Eliade, expert dans les religions comparatives, a été fasciné par l’hindouisme, et voyait dans toutes les religions des symboles unifiants pour l’humanité. Juste avant sa mort, il y a quelques années, il parlait de l’approche d’une nouvelle humanité, joignant l’Orient et l’Occident.

La nouvelle unité est aussi totalitaire que les grands récits déconstruits du passé. Ce que les déconstructionnistes détestaient, à savoir, “l’hégémonie d’un seul mode de pensée et d’être, se croyant universellement valable” ne disparaît pas, comme l’espéraient les déconstructionnistes. Elle change de forme. La prétention du théisme chrétien à être véridique est maintenant la prétention du monisme païen. La vérité n’est plus révélée du dehors, mais émane de l’expérience humaine, l’expérience fondée sur le mysticisme de l’unité païenne avec toutes choses. Cette vérité se trouve non pas dans des livres sacrés mais dans l’âme humaine. Nous sommes en présence d’une nouvelle forme du gnosticisme qui a attaqué l’Eglise aux premiers siècles de notre ère mais, cette fois-ci, avec un programme aussi vaste que la planète.

Aux Etats-Unis se perfectionne une nouvelle vision unitaire et unifiante pour le monde. Mikhaïl Gorbatchev a créé, il y a quatre ans, un organisme, Le Forum état du monde, qui réunit à San Francisco des centaines de “lumières” mondiales de la politique, de la science et du commerce. Son organisme est soutenu financièrement par un certain nombre d’hommes d’affaires parmi les plus riches du monde. Gorbatchev veut sauver la planète de toutes les crises écologiques – ce qui est tout à fait valable – et il croit que nous n’avons plus qu’une trentaine d’années avant que la planète ne se détruise – ce qui n’est pas certain du tout. Puisque le problème est énorme, Gorbatchev propose un nouveau sytème de valeurs, de nouveaux Dix Commandements fondés sur un cocktail syncrétiste de christianisme social, de bouddhisme et de démocratie occidentale et/ou soviétique, employant la sagesse commune à toutes les religions du monde. Bref, le nouveau paganisme a une eschatologie urgente et une dimension religieuse réelle mais profondément non chrétienne. Ici, on n’est plus dans le domaine des idées. Ici, la religion et la politique se joignent dans un programme planétaire concret et terre à terre, fort bien financé à l’américaine.

ii) La spiritualité de la déesse

Spécifiquement aux Etats-Unis, cette nouvelle orthodoxie religieuse apparaît dans la notion de l’adoration de la déesse. Le ventre circulaire de celle-ci exprime très bien l’inclusivité unifiante et encerclante du monisme planétaire. La déesse symbolise la consubstantialité de l’humain avec le divin, notion essentielle du paganisme, à savoir la divinité de toutes choses, tout ceci lié au programme explosif du féminisme. C’est ainsi que l’on parle du “retour de la déesse” ou de l’arrivée proche du millénium de Sophia, où tous les peuples et toutes les religions seront unis autour du féminin divin. Prêtresse d’Isis, CaitlÌn Matthews croit que nous sommes sur le point de reconnaître Sophia/Isis comme elle l’était à Alexandrie au I er siècle, le phare qui guidait aussi bien les chrétiens, les juifs, les gnostiques et les païens [16] .

Conclusion

Le commentateur Gene Veith, celui qui décrit M. Clinton comme le premier président postmoderne, termine son article par l’observation suivante:

Ce qui secoue le Tout-Washington actuellement n’est pas seulement des histoires de sexe et de politique; c’est surtout une confrontation monumentale entre deux visions opposées du monde [17] .

Francis Schaeffer, prédisait dans son livre La pollution et la mort de l’homme (1970), l’influence prédominante du panthéisme à la fin du XX e siècle. Os Guinness, également de L’Abri (Suisse), a lui aussi annoncé, en 1973, que les religions orientales seraient au sein du christianisme, à la fin du siècle, comme une nouvelle forme du gnosticisme ancien.

Vivant dans l’ère postmoderne, nous sommes témoins aux Etats-Unis du retour du paganisme sous une forme virulente et globalisante. Ainsi le vrai conflit millénaire entre la lignée du serpent et celle de la femme réapparaît encore une fois sur la scène de l’histoire, mais d’une manière particulièrement claire. Nous entrons, disent les gourous du Nouvel Age, dans l’Age du Verseau; nous laissons derrière nous l’Age des Poissons qui, en anglais étant au singulier, représente pour ces gourous le symbole chrétien du poisson, et donc la fin de l’ère chrétienne. Ce que les théologiens réformés ont toujours appelé l’Antithèse constitue, me semble-t-il, le programme théologique de l’avenir immédiat. Comme l’a dit si justement, il y a cent ans, le théologien hollandais Abraham Kuyper, lors d’une de ses conférences dites The Stone Lectures, à Princeton:

N’oublions pas que le contraste fondamental a toujours été, est toujours et sera jusqu’à la fin: le christianisme ou le paganisme, les idoles ou le Dieu vivant.

Un bon mot d’ordre pour aujourd’hui!


* P. Jones a été professeur de Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence, de 1974 à 1990. Il est maintenant professeur au Westminster Seminary d’Escondido (Californie).

1 R. Emmett Tyrell, Jr., “A Menace to Society”, The American Spectator (mars, 1998), 16.

2 Luc Ferry, L’Homme Dieu (Paris: Grasset, 1996), 235.

3 Veith, p. 52.

4 Veith, p. 53.

5 Veith, p. 41.

6 Hélène Cixous, “Coming to Write” and Other Essays , éd. Deborah Jenson, trad. Sarah Cornhill (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1991), 129.

7 L. Ferry, L’Homme Dieu ou le sens de la vie (Paris: Grasset, 1996).

8 Ibid.

9 Ibid ., couverture.

10 Ibid., 246.

11 Ibid ., 236.

12 Ibid. , 245-246: “L’humanité diviniséeÖ est éternelle”, en se référant à Hans Jonas. Aussi, dans la phrase: “Öc’est bien dans le cœur des hommes qu’il faut désormaisÖ situer le divin”, ibid ., 247.

13 G. Filoramo, A History of Gnosticism (Londres: Blackwell, 1990), 51.

14 Def. or . 421 A.

15 Paganism Today: Wiccans, Druids and the Ancient Goddess Traditions for the Twenty-First Century (Harper San Francisco, 1996), introduction.

16 C. Matthews , Sophia, Goddess of Wisdom: The Divine Feminine From Black Goddess to World Soul (Londres: The Aquarian Press/Harper Colins, 1992), 330).

17 Gene Edward Veith, “A Postmodern Scandal”, World (February 21, 1998), 24.

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En guise de conclusion : la faculté en tant que prédication http://larevuereformee.net/articlerr/n205/en-guise-de-conclusion-la-faculte-en-tant-que-predication Thu, 18 Aug 2011 15:56:42 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=582 Continuer la lecture ]]> En guise de conclusion : la faculté en tant que prédication

Peter JONES*

Parfois est posée la question: « Une faculté de théologie est-elle un établissement d’enseignement supérieur ou une école de prophètes ? » Cette question touche au cœur même de la raison d’être d’une faculté de théologie. La réponse qui lui est faite va décider de la structure et du caractère fondamentaux d’une telle faculté.

Le ministère essentiel de l’Eglise, c’est la proclamation prophétique de la Parole de Dieu. Cette tâche de proclamation revient, en premier lieu, au pasteur, dont le ministère, sur ce point, doit servir de modèle à tous les autres ministères de l’Eglise. Une Eglise vivante est celle dont les ministres sont prophétiques.

Si une faculté de théologie veut servir le corps du Christ, elle doit former de tels pasteurs, de tels serviteurs, des hommes qui, dans leur ministère, font de la Parole dominicale et apostolique le fondement de l’Eglise (Ep 2:20). Comment peut-elle éviter de manquer son but en suggérant, implicitement ou explicitement, que le travail signifiant et passionnant se ferait dans le milieu intensément académique de la faculté, tandis que le ministère pastoral et ecclésial ne serait qu’une vocation seconde, inférieure, réservée à de moins doués? C’est là une tentation permanente pour une faculté de théologie, rien de moins qu’un renversement de rôle. Le schéma qui suit cherche à esquisser un antidote possible.

L’outil fondamental du pasteur, dans sa tâche de proclamation prophétique, c’est la prédication. Dans la mesure où elle interprète fidèlement l’Ecriture sainte dans son actualité, la prédication est à la fois la norme et le test de la vie de la communauté chrétienne. L’outil qu’est la prédication se prépare dans la faculté de théologie et les diverses disciplines doivent toutes concourir à cette préparation. Nous pouvons donc établir la comparaison suivante entre l’œuvre de la proclamation apportée par l’Eglise au monde et l’œuvre d’une faculté de théologie au service de cette proclamation.

LA PRÉDICATION

LE PASTEUR DANS SON BUREAU ———> LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET LA CHAIRE

1. L’exégèse du texte de la prédication ——> 1. Les disciplines bibliques

Pour que le pasteur soit fidèle en tant que ministre de la Parole de Dieu, il doit étudier le texte saint aussi minutieusement que possible, dans la langue originale et dans son contexte, et ce afin que le texte même parle plutôt que de servir de tremplin aux idées subjectives du pasteur. A la faculté, ces disciplines de l’exégèse et de l’histoire de la révélation, dans le texte hébraïque de l’Ancien Testament et le texte grec du Nouveau Testament, préparent le pasteur à l’étude du texte de la prédication. L’étude des langues, l’histoire, la théologie biblique et la critique textuelle n’ont d’autre justification ultime que la claire proclamation de la Parole de Dieu.

Dans le bureau du pasteur comme dans la salle de cours, l’exégète veut soumettre ses pensées et son discours à la pensée de Dieu, la Parole de Dieu étant l’autorité normative.

2. La prédication dans son contexte ———> 2. La dogmatique et l’éthique confessant

En proclamant la Parole dans un texte, le pasteur doit tenir compte du contexte théologique plus étendu et des problèmes contemporains soulevés par le texte. En interprétant ce texte, il ne doit pas oublier le contexte confessant reçu par l’Eglise de toute l’Ecriture sainte et attesté par les confessions de foi. En dirigeant ainsi sa réflexion, il se mettra en bonne voie dans son herméneutique et évitera une exégèse déséquilibrée, ne tenant pas compte de l’ensemble de la vérité confessée par l’Eglise fidèle, conduite par l’Esprit saint, au long de l’histoire. Ces disciplines cherchent à comprendre les Ecritures de façon systématique dans le contexte des pensées passées et contemporaines. Elles appliquent les résultats des disciplines bibliques. Elles rappellent les enseignements et les affirmations des confessions de foi et servent ainsi d’antidotes aux exégèses individualistes ou idéalistes.

Dans l’interprétation ecclésiale de la Parole de Dieu, les pasteurs se rappellent et les théologiens rappellent qu’avant (et au-dessus de) l’Ecriture sainte est Dieu lui-même et que c’est dans son univers que nous existons par son gouvernement et sa providence souveraine. Puisque Dieu se révèle dans sa Parole – les Ecritures – et sa création qu’il maintient, celui qui interprète le texte biblique ne le fait pas en spectateur neutre et impartial, mais il s’en approche comme une créature rebelle dont « l’intelligence s’est obscurcie » (2 Co 3:14; cf. 4:3-4) ou comme une créature nouvelle: « Vous qui avez été engendrés à nouveau par une semence non pas corruptible mais incorruptible, par la Parole vivante et permanente de Dieu. Or, cette Parole, c’est l’Evangile qui vous a été annoncé. » (1 P 1:23-25)

3. Exemples et illustrations ——————–> 3. L’histoire de l’Eglise

Le pasteur cherche, au moyen d’illustrations tirées de l’histoire passée ou présente, à éclairer le sens du texte et siècles et, par ces illustrations et exemples, à montrer comment celui-ci a porté du fruit dans la vie des croyants de toujours. L’histoire de l’Eglise décrit la portée efficace de la Parole de Dieu au long des siècles et, par ces illustrations et exemples, peut servir de guide à l’Eglise d’aujourd’hui. L’histoire de l’Eglise fournit ainsi à la prédication une collection très étendue d’illustrations et d’exemples à la prédication.

4. La prédication elle-même et son but pastoral ————-> 4. La théologie pratique

Il ne suffit pas de préparer la prédication. Il y a aussi l’action de prêcher. La prédication doit être audible, claire, logique. En outre, l’exécution de la prédication n’achève pas la tâche pastorale. Elle doit mener inévitablement à l’entretien pastoral qui est établi sur d’autres bases que les diverses psychologies freudienne, rogerienne ou autres. De plus, la prédication doit être proclamation au dehors, aux incroyants. Par la théologie pratique, le futur pasteur apprend la théorie et les méthodes de la proclamation, du témoignage, de l’entretien pastoral. La théologie pratique se préoccupe aussi des implications missionnaires et évangélisatrices de la proclamation de la Parole de Dieu.

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Une telle structure a des conséquences d’ordre pratique pour une faculté de théologie. Etant donné que la fonction normative du ministère pastoral est la proclamation et l’application actuelle de la Parole de Dieu, fonction exercée par excellence dans la prédication (sermon, catéchèse, entretien pastoral), l’enseignement de la faculté, conçu en vue du ministère ecclésial, est lui-même comme une longue « prédication » à laquelle contribuent toutes les disciplines théologiques. Et, de même qu’une prédication valable doit avoir une cohérence interne, de même l’enseignement de la faculté doit avoir une unité profonde, dans l’homogénéité de toutes les disciplines. Alors que trop d’universités – en dépit du sens de ce mot – ne sont que des milieux pluralistes pleins de contradictions, et en fragmentation constante, semblables à un marché aux idées, à une agora (c’est à Athènes que l’université trouve son origine) où l’on sacrifie aux autels des dieux connus on inconnus, la faculté de théologie doit être une école de prophètes trouvant son modèle dans le groupe apostolique, rassemblé autour du Seigneur, et proclamant jusque dans l’Aréopage et dans la puissance et la démonstration de l’Esprit saint, Jésus et la résurrection.

C’est une école de prophètes, non seulement parce que c’est là que des prophètes sont formés, mais aussi parce que, dans les personnes des étudiants et des professeurs, assemblés autour du Seigneur vivant, elle proclame, en paroles et en actes, la Parole divine des Ecritures et peut dire, avec l’autorité apostolique: « Ainsi parle le Seigneur! »

Que le modèle de la prédication prophétique soit toujours, pour notre faculté de théologie réformée d’Aix-en-Provence, une occasion de renouveler son serment d’être fidèle à l’Eglise, au ministère pastoral, à la proclamation de la Parole de Dieu et, par-dessus tout, à Jésus, le « souverain pasteur et gardien de nos âmes ».


* P. Jones est professeur au Westminster Seminary à Escondido (Etats-Unis, Californie), après avoir enseigné le Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Cet article, publié dans Etudes évangéliques (1975:1-2), rappelle les perspectives qui ont motivé cette dernière à ses débuts.

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La vérité de l’Évangile ou les mensonges païens, pouvez-vous faire la différence ? http://larevuereformee.net/articlerr/n251/la-verite-de-l%e2%80%99evangile-ou-les-mensonges-paiens-pouvez-vous-faire-la-difference Tue, 26 Oct 2010 22:11:45 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=39 Continuer la lecture ]]>

LA VÉRITÉ DE L’ÉVANGILE

OU LES MENSONGES PAÏENS,

POUVEZ-VOUS FAIRE LA DIFFÉRENCE?1

 

Peter JONES*


En recherche de spiritualité? Il est important de ne pas faire fausse route. L’opinion commune admet que n’importe quelle vérité religieuse est aussi valable qu’une autre; qu’il est intolérant et détestable de croire en une seule vérité. Mais supposez qu’il n’y ait qu’une seule vérité. Supposez que la séduction spirituelle est un danger réel et présent.

La vérité de l’Evangile ou les mensonges païens examine cinq principales différences entre adorer la création (des mensonges païens) et adorer le Créateur (la vérité de l’Evangile).

Si vous êtes perplexe face à la spiritualité d’aujourd’hui, ce texte vous aidera à faire le choix le plus important de votre vie sans être berné.

Si vous êtes croyant, il vous aidera à voir clair et à partager votre foi d’une façon convaincante.

Introduction

 

Païen? Avez-vous tiqué à l’emploi d’un tel terme? Païen vient du latin paganus, «de la terre». Ceux qui s’appellent eux-mêmes païens reconnaissent joyeusement adorer la terre. Le marketing de masse de leur spiritualité païenne s’étend avec à peine quelques réactions de désapprobation. Avez-vous remarqué le rayon New Age de votre librairie, grossissant, chaque mois, de centaines de livres sur la sorcellerie et l’adoration des déesses, le Moi, les animaux et la nature? Dans ma librairie, j’ai cherché en vain des livres partant d’une perspective différente. La vendeuse m’a dirigé vers le rayon «Religion». Mais il n’y avait rien là-dessus. Les quelques livres chrétiens présents sur le rayon ne traitaient pas le sujet et les autres publications religieuses étaient remplies de pures hypothèses païennes.


            J’ai écrit ce livre pour essayer de combler un vide. En le lisant, vous découvrirez la différence entre adorer Dieu qui a fait la terre et adorer la terre elle-même. Une fois que vous aurez compris cette différence, vous aurez à vous décider en toute honnêteté: je suis païen ou je suis chrétien.

 

 


 

 

Sommaire

 

 

I. Vents nouveaux?

II. Les cinq points du monisme
Mensonge païen n° 1: Tout est Un et Un est Tout
Vérité de l’Evangile n° 1: Un seul Dieu, le Créateur
Mensonge païen n° 2: L’humanité est une
Vérité de l’Evangile n° 2: Un en Christ seul
Mensonge païen n° 3: Toutes les religions sont une
Vérité de l’Evangile n° 3: Une seule vérité
Mensonge païen n° 4: Un problème: l’amnésie
Vérité de l’Evangile n° 4: Un problème: mort par le péché
Mensonge païen n° 5: Une seule issue: regarder en soi
Vérité de l’Evangile n° 5: Une seule issue: regarder à lui
III. Vérité de l’Evangile, mensonge païen et vous
IV. Résumé

Mensonge païen
Vérité de l’Evangile

 

 

 



I. Vents nouveaux?

 

Je ne pouvais pas en croire mes yeux. Sur la piste de la vaste salle de danse de l’hôtel Palmer House, au centre-ville de Chicago, se tenaient les représentants de 125 religions du monde, réunis en parlement des religions du monde. Un professeur presbytérien libéral en longue robe noire; un moine bouddhiste en tunique orange; un cardinal catholique en pourpre royale éclatante; la haute prêtresse de la déesse Isis en robe blanche et coiffe de cérémonie – tous debout ensemble dans la célébration de leur unité spirituelle.


            A peine revenu d’un séjour de dix-huit années en France, où il n’était pas convenable de parler de religion en public, j’ai été confronté à une Amérique que je n’avais jamais vue auparavant. Je savais que l’Amérique était toujours spirituelle mais, en 1993 à Chicago, j’ai vu une nouvelle sorte de spiritualité qui rassemblait toutes les religions du monde.

 

Nous n’avons jamais vécu dans un temps plus spirituel

 

Les gens prennent conscience de leur potentiel spirituel. Les gourous proposent des techniques pour la prière et la méditation dont ils vantent les capacités à nous faire entrer en communion avec notre plus haut Moi et notre dieu intérieur. Aujourd’hui, sorcières, chiropracteurs, professeurs de yoga – et même vendeurs de céréales – tous se disent spirituels.
Les chrétiens s’estiment eux-mêmes désorientés. N’ayant plus à faire face à une prise de pouvoir par des communistes athées, ils ne sont même plus sûrs d’avoir des ennemis. Parler d’ennemis n’est pas en vogue dans une société de tolérance. Ne sont-ils pas tous «des gens de foi» du même bord? La guerre froide est finie depuis longtemps; la démocratie et le bien-être matériel gagnent une grande partie du globe même si la crise menace. L’espoir d’une aube nouvelle pour l’humanité plane dans l’air du nouveau millénaire, et les athées appartiennent au passé; 97% des Américains croient en Dieu; 97% de ceux-ci croient que Dieu les aime. Avec toute cette spiritualité, on s’attendrait à l’harmonie sociale et à l’excellence morale. Etrangement, c’est tout le contraire!


           Depuis les années 1960, l’Amérique spirituelle est devenue leader mondial dans la pornographie, la criminalité juvénile, l’avortement, le divorce, la cohabitation, l’adultère, les ruptures familiales, le féminisme radical et l’homosexualité militante. Si tant de personnes croient en Dieu, pourquoi une telle désintégration sociale et individuelle? Quel genre de Dieu pardonne un tel comportement égoïste et immoral?

 

Nous n’avons jamais vécu dans un temps plus spirituellement confus

 

Les éditions TimeLIFE font la promotion des Indiens d’Amérique, avec l’invitation suivante: «Venez dans un lieu où les esprits sont réels.» La Bible nous appelle au discernement spirituel. Nous ne devons pas «croire tout esprit, mais tester les esprits pour voir s’ils sont de Dieu» (1Jn 4.1). Nous devons nous réveiller. Le paganisme antichrétien mais très spirituel inonde notre Occident.

 

– Deux mille femmes venant des Eglises main-line se sont réunies à Minneapolis en 1993 pour «re-imaginer» leur foi chrétienne. Elles ont raillé le Dieu de la Bible et adoré les déesses du paganisme antique.

– Chaque automne, des dizaines de milliers d’Américains, par ailleurs normaux, se rassemblent au festival Burning Man, dans le désert du Nevada, pour adorer Papa Satan.

 

Vous pourriez soutenir que seuls les excentriques ou l’élite intellectuelle croient en cette sorte de spiritualité. Mais si votre centre commercial ressemble à celui qui est près de chez moi, vous êtes à même d’entrer dans le vif du sujet, là où mon enfant de 13 ans est invité à penser que les vêtements sont rad et découvre une étagère entière de livres sur la sorcellerie, ou encore peut acheter des pins affirmant «J’aime la damnation éternelle» et «Je suis Dieu». Sentez-vous la montée des eaux sombres? Nous nous noierons si nous ne comprenons pas ce qui arrive. Alors que notre pays, tel un bateau, navigue droit sur un iceberg, sommes-nous en train de jouer sur le pont?

Un livre est paru, il y a quelques années, intitulé Le changement des dieux. Son titre décrit ce qui est arrivé en une génération. Beaucoup croient toujours en Dieu, mais ils ne croient plus au Dieu de la Bible. L’Amérique est désormais «une nation qui a beaucoup de dieux».

 

La Bible nous adresse un avertissement. Il y a seulement deux sortes de spiritualité: chrétienne ou païenne. Les deux systèmes n’ont rien de commun et sont aussi différents que la vérité et le mensonge. Mais le paganisme aime à donner le change en habits de chrétienté. Il nous dit que le christianisme fait partie d’une unité globale et que le paganisme est la vraie expression de ce que Jésus a enseigné. Ne le croyez pas! Pour marcher dans le cercle païen, vous ne pouvez que mettre de côté la pensée chrétienne.

Les développements ci-après traitent de la pensée de base (ground zero). Ils expliquent:

– comment la spiritualité autour de nous est souvent païenne et antichrétienne et comment les ordres du jour radicaux, apparemment sans rapport entre eux, sont, de manière souterraine, des aspects de cette façon païenne de considérer le monde;

– comment la spiritualité chrétienne diffère en tous points de la spiritualité païenne, même si le païen enfile parfois des vêtements chrétiens.

 

Si vous êtes chrétien, j’espère que ce que j’écris ici vous aidera à éviter d’être «flottants et entraînés à tout vent de doctrine, joués par les hommes avec leur fourberie et leurs manœuvres séductrices» (Ep 4.14). Le paganisme s’introduit sous beaucoup de formes. Certaines sont clairement antichrétiennes. D’autres revendiquent le qualificatif de «chrétien». Nous avons besoin d’une vision pénétrante de la vérité biblique en même temps que de celle du système qui prétend faussement être la vérité.

 

Si vous n’êtes pas chrétien, je respecte votre recherche de la vraie spiritualité et l’ouverture dont vous faites preuve en lisant ces pages. Je vous encourage à tourner votre esprit vers le Dieu qui vous a faits et qui vous appelle à l’aimer. Je prie pour que ce que j’écris suscite en vous le désir de chercher le Christ de la Bible, et vous fasse prendre conscience que toute spiritualité qui ne parvient pas à proclamer Jésus (né, crucifié et ressuscité) n’est, en fin de compte, pas du tout une spiritualité.


           Que vous soyez chrétien ou non, je vous éclaire sur les enjeux. Les mensonges du diable sont intelligents et propres à induire en erreur. Satan n’a que faire du genre de mensonge que mon beau-frère a une fois pratiqué, étant enfant, lorsque son père a découvert la cause d’un court-circuit: un clou coincé dans l’interrupteur situé sur un mur de la salle de bains. «Il est juste tombé dedans, papa!» Les mensonges du diable s’adressent à des besoins humains réels et offrent des solutions plausibles. Ils ont marché avec Adam et Eve, et ils ont été expérimentés, avec un grand art, sur Jésus.


             Notre culture nous offre une palette attractive de solutions spirituelles aux problèmes de société, à notre solitude et à notre vide intérieur. Mais avant de suivre n’importe quel chemin, il nous faut comprendre où celui-ci nous mènera, en n’oubliant pas que le but ultime du paganisme est la subversion de la vérité de Dieu.

 

Aussi, en lisant les pages suivantes, posez-vous régulièrement cette question simple: «Entre la vérité de l’Evangile et les mensonges païens, puis-je faire la différence?»

 

 

 


 

II. Les cinq points du monisme

 

J’ai rencontré ma femme à la fin des années 1960 à Boston, où des hippies aux cheveux longs campaient, sur le terrain municipal de la ville, dans un état d’extase spirituelle à l’aide de drogues ou de méditation orientale. Nous les avons rejetés comme des révolutionnaires ratés en marge de la société. Mais, dans les années 1990, nous voyons que leur révolution a réussi. Ils ont introduit la religion hindoue dans l’Ouest chrétien. L’Américain moyen accepte, maintenant, des idées comme la méditation transcendantale, la spiritualité du New Age, autant de chemins vers Dieu, ou l’unité avec l’univers divin.

 

Ces notions sont des mensonges païens. Comme je l’ai mentionné plus haut, le mot «païen» vient du latin paganus, «de la terre». L’apôtre Paul nous donne la définition du païen, selon Dieu: quelqu’un qui remplace la vérité de Dieu par le mensonge et qui adore et sert la créature au lieu du Créateur (Rm 1.25).

Ces deux notions d’adoration s’opposent. Elles ne peuvent pas être confondues. L’une est vérité, l’autre est contrefaçon. Les mots adore et sert montre qu’un païen est spirituel. Nous nous consacrons tous à ce en quoi nous croyons, et en fonction de quoi nous déterminons une ligne de conduite. Nous sommes tous spirituels. Si nous adorons et servons quoi que ce soit d’autre que Dieu, le seul Créateur et Rédempteur, nous sommes des païens, que le terme nous plaise ou non.


          «Vous devez servir quelqu’un», chantait Bob Dylan. «Cela peut être le diable ou cela peut être le Seigneur», le créateur du ciel et de la terre. Si c’est le diable, il vous fera adorer la terre sous une forme ou sous une autre.

 

«Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang», a dit l’apôtre Paul. Nous nous battons contre «(…) les dominateurs des ténèbres d’ici-bas» (Ep 6.12). Dieu est l’auteur de la vérité de l’Evangile, donc le diable est l’auteur des mensonges païens. Le véritable conflit ne concerne pas des personnes (qui peuvent toujours être atteintes par la vérité), mais les illusions qu’elles croient. Comme le dit la Bible, «quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons» (1Tm 4.1). Notre conflit est avec le diable, le père du mensonge, qui «séduit toute la terre habitée» (Ap 12.9). Les gens peuvent répéter des mensonges avec conviction mais, comme Billy Graham le disait souvent, «vous pouvez être sincères, mais sincèrement dans l’erreur».


           J’appelle le paganisme d’aujourd’hui monisme. Le vocable paganisme évoque diverses religions et cultes non chrétiens, tandis que monisme nous rappelle leur socle commun. Si vous enlevez le m, vous obtenez un-isme. Les développements ci-après décrivent cinq principes du monisme afin d’aider à identifier le mensonge spirituel. Après chaque point, j’ai placé un chapitre sur la vérité correspondante de l’Evangile. Les parents peuvent aider leurs enfants à trouver des exemples relatifs à chaque point à propos de l’école, des amis et de la société. Les questions à la fin de chaque section sont destinées à aider à débattre sur la manière d’expliquer et de vivre la foi chrétienne.

 

L’opposé du monisme est le théisme chrétien. La foi révélée dans la Bible est théiste, honorant Dieu comme Seigneur entre tous. Dieu (theos en grec) et l’univers sont distincts, comme une montre et un horloger ou, pour utiliser une image biblique, un potier et l’argile avec laquelle il fait un vase. Naturellement, personne n’est cohérent. Les païens empruntent des idées chrétiennes et les chrétiens ne pensent pas toujours en théistes. Le paganisme ressemble à une spirale descendante. Dans le tourbillon, au fond, se trouve Satan et l’adoration du mal. La plupart des personnes se tiennent sur les bords extérieurs, mais peu à peu elles sont aspirées du haut vers le bas. Le théisme biblique ressemble à une spirale ascendante qui nous transporte dans la lumière de la présence de Dieu. Les croyants se situent à divers niveaux de la spirale. Mais si vous essayez de mettre un pied dans chaque spirale – les considérant proches l’une de l’autre – vous serez si contorsionné que votre posture deviendra vite mauvaise. Ou bien vous êtes emportés par l’Esprit de Dieu à travers Christ vers le haut, ou bien vous êtes happés par l’esprit de la terre vers le bas.


           Revenons au point spirituel zéro et jetons un coup d’œil aux deux spirales, aux deux visions du monde.

 


Mensonge païen n° 1: Tout est Un et Un est tout

 

En 1998, une femme représentant le parti de la loi naturelle a brigué le poste de secrétaire d’Etat de la Californie. Le gouvernement, croyait-elle, est «le reflet de la conscience collective et a besoin d’un principe (…) unificateur d’harmonie, de positivité et de totalité, avec lequel personne ne peut mal tourner et avec lequel chacun aura spontanément raison». Pour atteindre cette totalité, cette dame a proposé un programme d’«éducation pour développer les états supérieurs de la conscience».

 

Vous voyez ainsi que le monisme païen n’est pas juste une théorie. Une telle spiritualité fait déjà partie de la politique américaine. Parce que le paganisme touche à ce monde, le paganisme religieux doit revêtir un aspect politique, comme la Bible l’indique (Ap 17). Ce principe unificateur de totalité est une autre forme d’un-isme. C’est pourquoi le monisme aime le symbolisme du cercle inclusif.

 

Dans le film de Disney Le Roi Lion, tout dans l’univers est une partie d’une masse d’énergie. Il n’y a aucun créateur: le cercle de vie avale Dieu. De nombreuses fois non chrétiennes utilisent des cercles comme moyens d’exprimer cette philosophie du Tout-est-Un. L’hindouisme, l’adoration de la Déesse, le New Age, la physique taoïste, la sorcellerie et le Parlement des religions du monde; tous expriment l’unité universelle par des cercles. Cette notion circulaire du Tout-est-Un suscite une écologie profonde et l’adoration de la sorcellerie, englobant la Mère-Terre.

 

Un roman pour jeunes adultes, arrivé il y a peu sur mon bureau, se fait l’écho de cette spiritualité d’unité de Mère-Terre. L’Indien américain, qui sert de guide spirituel au jeune héros, dit:
«Il en est de même pour toutes choses: les petits cercles de vie et d’esprit individuels dans le grand cercle qui est le modèle de toute vie, de tout esprit (…) Nous devons nous souvenir du cercle qui contient toutes choses.»

 

Une notion semblable apparaît dans le film La guerre des étoiles. Obiwan Kenobi, le guerrier Jedi, explique au jeune Luke Skywalker, dans un langage semblable à celui d’un prêtre païen ou d’une prêtresse:


«La Force est un champ d’énergie créé par toutes les choses vivantes: elle nous entoure, pénètre en nous; elle relie la galaxie entière (…) elle est toute-puissante [et] contrôle tout.»

Quand Luke s’abandonne à ses intuitions, il est capable, en harmonie avec la Force, de piloter une machine volante complexe, de bombarder de frappes catastrophiques le quartier général de l’Empire du Mal. Si vous croyez cela, j’ai toute chance d’arriver à vous vendre une maison au bord de la mer en plein cœur du Montana!

Certains, qui affirment être chrétiens, soutiennent que notre pensée est trop linéaire. La Déesse ou la Mère-Terre devrait être réintégrée au christianisme. Parce que la Mère-Terre est tout, nous ne devrions pas voir les choses comme opposées les unes aux autres, mais comme les différentes faces de la même réalité. Ne pourrions-nous pas simplement mettre un terme au désaccord en changeant de manière de penser? Ainsi, dans La guerre des étoiles, le côté sombre de la Force n’est pas le mal, mais juste l’autre face, comme le Yin et le Yang du bouddhisme. George Lucas, le réalisateur de, a dit qu’il a fait ce film pour introduire le bouddhisme en Occident.

 

Ce sont des idées spirituelles, mais correspondent-elles à la vraie spiritualité? En considérant Dieu et sa création comme une partie du même cercle, le monisme mène à une confusion non seulement au sujet de qui est Dieu, mais aussi au sujet de l’identité des êtres humains et de leur place dans le monde.

 

Questions

– Où voit-on l’un-isme à l’école, sur le lieu du travail et dans la vie publique?

– Pensez aux films que vous avez vus, comme Le Roi Lion, Da Vinci Code ou Pocahontas. Quel est le rapport entre la terre et les gens qui y vivent? Pensez à d’autres films avec des thèmes semblables.

– De quelle manière voyez-vous se développer l’adoration de la terre? Quelle est la différence entre adorer la terre et en prendre soin? (Voir Rm 1.25; Es 51.6; Lv 25.23; 2Ch 36.20-21)

– Comment l’évolution influence-t-elle notre manière de réfléchir à la terre?

– Comment Dieu fait-il partie de la création dans les religions non chrétiennes que vous connaissez?

– De quelle façon le monisme est-il antibiblique? (Voir Jb 28.12-28; Gn 1.1; Ex 20.3-4; Es 55.8-9)

Vérité évangélique n° 1: Un Dieu, le Créateur

 

Pour représenter Dieu et le reste de la réalité, le monisme dessine un cercle qui englobe tout. Le théisme dessine deux cercles: le plus petit représente tout sauf Dieu et le plus grand représente Dieu lui-même. Les chrétiens ne croient pas que Dieu est sa propre création. Dieu n’a eu aucun commencement. La création, oui. Même si nous pouvions comprendre tout ce qu’il y a à connaître de la création, nous ne découvririons pas entièrement Dieu. La Bible nous conseille de ne pas adorer la création, mais d’adorer et de servir seulement le Créateur. Le point de départ de la vérité de l’Evangile est que Dieu, le Créateur, existant sous les trois personnes de la Trinité divine – le Père, le Fils et l’Esprit Saint – est le seul et unique Dieu et que tout ce qui n’est pas Dieu a été créé par lui.

 

La foi chrétienne maintient une distinction entre Dieu et sa création. Nous ne deviendrons jamais Dieu et Dieu reste le Seigneur souverain. Dieu dit à Israël: «Tu t’es imaginé que j’étais comme toi.» (Ps 50.21) Il lui rappelle: «Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies.» (Es 55.8) Certes, les chrétiens deviennent vraiment unis à Dieu, dans un rapport personnel comparable au mariage. Et, comme dans le mariage, ni lui, ni elle, n’abandonne son identité dans l’union d’amour profond.


          A la différence du monisme, la foi chrétienne peut expliquer pourquoi les êtres humains sont des personnes et non des pierres; pourquoi nous pouvons chanter, aimer, peindre et écrire de la poésie. Dieu est personnel et a créé les hommes et les femmes pour refléter sa nature personnelle. Quand nous écoutons la révélation de la parole écrite de Dieu, nous découvrons le chemin qu’il nous ouvre pour être unis à lui dans un amour éternel.

 

Un jour, je me suis tenu, avec un ami qui croit que Dieu est trop grand pour être personnel, devant une majestueuse et miroitante chute d’eau. Tous deux, là debout, nous avons eu un sentiment irrésistible d’admiration profonde, impressionnés par le mur d’eau étincelante, suspendu, mi-gelé dans l’air frais. «Vous avez une position très confortable comme chrétien», me dit mon ami. Et il avait raison. Les chrétiens sont chez eux dans l’univers. Dieu nous a faits. Dieu a fait toutes les autres choses et il nous a mis ici pour le connaître et lui être agréables.

 

L’Eglise reconnaît la position suprême de Dieu dans sa confession de foi: «A Dieu seul soit la gloire», Soli Deo gloria.

Questions

– Comment savez-vous, selon la Bible, que Dieu est distinct de ce qu’il a créé? (Voir  Gn 1.1; Jb 41.10-11; Ps 24.1-2, 30.1-6, 10-12)

– Comment pouvons-nous reconnaître le caractère distinct de Dieu dans notre culte d’Eglise et dans nos vies quotidiennes? (Voir Pr 3.5-6; Ap 4.11, 5.12-13)

– Si nous ne sommes pas une partie de la terre, pourquoi devrions-nous nous en soucier? (Voir Gn 1.28; Os 4.1-3)

– Un chrétien peut-il utiliser les médecines parallèles? Si le praticien prétend que le corps est la source de guérison, dans quelle mesure est-ce vrai? dans quelle mesure est-ce faux? (Voir Os 11.3-4; Ac 8.9-24; Jc 5.14-16)

– Quelles autres décisions pourraient être concernées par le fait que nous sommes distincts de Dieu?

 

 


Mensonge païen n° 2: L’humanité est une

 

L’Eglise Baha’i (une religion qui cherche à réunir toutes les religions) utilise un cercle à l’intérieur d’un cercle. Autour du cercle, nous lisons: «Dieu est un; l’humanité est une; toutes les religions sont une.» Ce second principe du monisme découle naturellement du premier. Si Tout est Un et Un est Tout, alors l’humanité est une partie de Dieu, une expression d’unité divine. Les humains sont une sorte d’énergie cosmique concentrée qui crée sa réalité propre. La croyance que les humains sont divins et essentiellement bons explique la quête d’aujourd’hui pour la découverte spirituelle individuelle et l’espoir de pouvoir créer le ciel sur la terre. Cet humanisme moniste constitue un chemin très séduisant vers l’utopie religieuse et sociale.


           Déjà dans un numéro de L’Humaniste paru en 1983, on remarque qu’une conception de l’humanisme profondément religieux remplace l’athéisme. L’article demande aux professeurs d’école d’engager une bataille pour l’avenir de l’humanité. «La salle de classe doit devenir une arène d’affrontement entre l’ancien et le nouveau – le cadavre putréfié du christianisme (…) et la nouvelle foi en l’humanisme, magnifique avec sa promesse d’un monde où l’idéal chrétien, jamais réalisé, de l’‹amour du prochain›, deviendra enfin réalité.» En trouvant Dieu en soi-même, les monistes espèrent en finir avec les divisions qui existent dans notre monde et accomplir l’œuvre d’amour de Dieu en unissant les êtres les uns aux autres

 

Si nous sommes de petits hologrammes de divinité – versions clonées réduites du grand cercle divin – nous sommes alors non créés et éternels. Nous sommes aussi âgés que Dieu! Nous sommes en dehors de la juridiction de quelque autorité que ce soit: une génération sans roi. Quel besoin avons-nous de nous soumettre à une autorité extérieure? Si nous sommes Dieu, si nous avons le même âge que Dieu, alors nous pouvons faire nos propres lois.

 

Nous décidons aussi notre propre vérité. Chaque personne contribue à créer une part de vérité en construisant sa propre version de la réalité. Quand on rassemble tout cela, on obtient une sorte de sens mystique incohérent, dénué de sens. Cela explique pourquoi la tolérance est si importante. Chaque Moi est source de vérité, donc chacun doit être toléré et même encouragé.
Cette forme de pensée moniste explique des programmes comme «la clarification de valeurs» dans les écoles publiques. Dans un secteur scolaire de Los Angeles, un professionnel utilise l’argent public pour enseigner aux enfants la chose suivante : «Chaque personne crée sa propre réalité en choisissant quoi percevoir et comment le percevoir (…) Une fois que nous commençons à percevoir que nous sommes tous Dieu (…) le but tout entier de la vie consiste à se réapproprier la déité en notre être intérieur.» Les enfants se réfèrent à leur force naturelle intérieure et s’en remettent à ce qui semble juste. Ils sont encouragés à découvrir leur sexualité naturelle aussi bien qu’à se forger leur système de croyances. L’individu, juge ultime de toutes choses, est mort. L’intuition est le pont qui nous invite à flâner, dans la tranquille affirmation de soi, dans la liberté humaine et en union avec l’univers.

 

Le monisme refuse tout système qui crée des catégories et qui produit des clivages. Bien sûr, le monisme, malgré sa prétention à la tolérance, crée aussi des distinctions, particulièrement entre ceux qui reconnaissent l’existence d’un seul cercle et ceux qui ne la reconnaissent pas. Il n’y a pas beaucoup de place pour les chrétiens dans ce cercle doux mais suffoquant!

 

Questions

– Quels sont les signes d’unité globale aujourd’hui?

– Les chrétiens devraient-ils résister aux formes d’unitarisme et de mondialisme culturels, commerciaux, financiers, politiques et religieux ou les craindre? (Voir Ps 24.1; Mt 28.19-20; Ac 13.47; Ap 11.15)

­– Quelles sont les implications du mal dues à l’alliance grandissante entre la religion et la globalisation? L’Eglise triomphera-t-elle? Quelles épreuves les chrétiens risquent-ils d’avoir à affronter? (Voir Ps 2; Jl 3; Ap 13.5-10; 20.7-10)

– Sommes-nous proches de ce temps d’unité globale? (Voir Mc 13.10; Lc 21.24; Rm 11.25; Ap 13.11-17; 17.15-17)

 

 

Vérité de l’Evangile n° 2: Un en Christ seul

 

La Bible enseigne que tous les humains sont créés par Dieu. En ce sens, ils sont sur un pied d’égalité. Aucun être humain n’a intrinsèquement plus de valeur qu’un autre aux yeux de Dieu. Mais il y a une distinction entre les personnes. Certaines sont non seulement les créatures de Dieu, mais aussi ses enfants. Cette vérité est devenue choquante pour la plupart des gens; car nul n’aime l’idée que certains pourraient être laissés en dehors de la famille de Dieu. Mais les enfants de Dieu reconnaissent Dieu comme le Créateur, distinct de sa création. Ils ont accepté la révélation de sa personne dans sa Parole aussi bien que son offre de pardon qui efface leurs péchés, et ils ont placé leur foi en Jésus son Fils. Ils sont venus à Dieu non pas en posant leurs conditions, mais en acceptant les siennes.

Les non-chrétiens pensent que les chrétiens sont fiers des créer ces catégories. Cependant, chaque chrétien sait que, s’il a été adopté dans la famille de Dieu, c’est seulement par la bonté imméritée de Dieu. Il n’y a aucun sentiment de fierté dans la foi. La foi, c’est simplement croire que nous ne pouvons rien faire pour nous sauver nous-mêmes, et c’est aussi compter entièrement sur Dieu qui nous offre ce salut. Ainsi, cette définition de la famille est faite non avec orgueil, mais avec humilité. Quelle fierté y aurait-il à admettre que l’on n’est pas Dieu?

La fierté ne caractérise-t-elle pas plutôt la personne qui se voit comme divine et qui détermine pour elle-même ce qui est vrai et ce qui est faux? Un chrétien reçoit la vérité d’un Dieu à qui il soumet son intelligence limitée. Un païen crée sa propre vérité, prétendant interpréter le monde depuis le trône qu’il a usurpé au Créateur. En Jérémie, nous lisons: «Les prophètes font passer leurs propres paroles dans les oracles de Dieu et ainsi ils déforment les paroles du Dieu vivant.» (Jr. 23:34-36) Ici, nous voyons la différence qui existe entre le christianisme et le paganisme: par sa parole, Dieu définit la vérité à son peuple; les païens la définissent pour eux.


             Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de multiculturalisme. Notre planète étant devenue très petite, nous commençons à nous rendre compte que tous les hommes et femmes partagent les mêmes joies, les mêmes tristesses, la même lutte contre la maladie et les catastrophes, et le même désir d’une vie plus heureuse. Cependant, la vraie unité ne peut venir que de Christ. Je ne veux pas insinuer que seuls les chrétiens savent comment se montrer aimables et altruistes. Certains chrétiens manquent cruellement de l’amour que Dieu rend possible, et certains non-chrétiens sont généreux et serviables. Mais nous devons définir l’unité comme Dieu la définit, non pas comme nous la voyons. Dieu est le seul qui puisse voir et juger les motifs de nos cœurs.

 

Dieu divise les individus en deux catégories: ceux qui croient en son Fils Jésus-Christ, pour lesquels il n’y a aucune condamnation, et ceux qui sont condamnés par leur absence de foi (Jn 3.18). Ceux qui appartiennent à Jésus vivront dans l’harmonie parfaite pour toujours dans le royaume qu’il prépare. Les chrétiens ne sont pas un avec les païens, car les uns et les autres servent des maîtres différents.


            Il nous est arrivé, une fois, le malheur de tomber entre les mains d’un vendeur de logements en multipropriété, très doué. Il venait de nous dépeindre un cadre idyllique au soleil tout en tenant  une feuille chiffonnée sur laquelle il avait griffonné quelques calculs erronés. Ce vendeur n’avait qu’une envie: aboutir à la vente. La conversation s’étant détournée un instant vers la foi chrétienne, je lui ai dit: «Tony, la foi chrétienne est comme cela: vous tenez là, dans votre main, quelques déchets dont vous avez très envie de vous débarrasser. Maintenant, considérez ces déchets comme s’ils étaient votre péché. Supposons que je vous propose un marché. Je prends les déchets et je vous donne un acte de propriété pour une maison de vacances parfaite, dont vous pourrez disposer bien plus longtemps qu’une semaine ou une année sur deux. Vous pouvez vivre là pour toujours avec ceux qui vous aiment le plus. Qu’en pensez-vous? Voulez-vous conclure le marché?»

 

Tony a ri. Et nous tous aussi, en premier lieu, lorsque nous entendons les conditions du marché que Jésus nous offre. Céder «nos ordures» pour hériter le royaume? Cela semble trop beau pour être vrai; cependant, les chrétiens sont ceux qui se sont «laissés prendre» au jeu. A propos, nous avons vraiment acheté la multipropriété et, effectivement, nous le regrettons! Mais nous ne regrettons pas de nous être assez humiliés pour échanger nos calculs griffonnés contre un contrat de propriété dans le royaume de Jésus. Lui seul ouvre la porte de son royaume. C’est pourquoi l’Eglise confesse «Christ seul»: Solus Christus.

 

Questions

– Comment comprenez-vous le multiculturalisme à la fois national et international? Sur quelle base scripturaire les êtres humains peuvent-ils trouver l’unité ? (Voir Ac 17.24-31; Es 2, 55.1-5)

– Comment pouvons-nous, aujourd’hui, honorer Christ comme Seigneur de l’univers? (Voir Col 1.15-20; Ep 1.3-10, 4.20-24)

– De quelle manière l’Eglise est-elle une institution authentiquement globale et multiculturelle? Réfléchissez à la manière dont les chrétiens devraient célébrer et promouvoir cette unité globale. (Voir Ga 3.26-29; Ep 2.11-22)

 

 

 


Mensonge païen n° 3: Toutes les religions sont une

 

A Chicago, les délégués au Parlement des religions du monde se sont tenus la main et ont dansé en cercle dans la pièce au son du tambour d’un chaman amérindien. Six mille délégués ont partagé leur expérience du divin au-dedans d’eux-mêmes. Si toute l’humanité est une, toutes les religions sont donc une.

L’unité mystique est au cœur de la spiritualité pour le moniste. Toutes les religions partagent une expérience mystique commune, et les vrais fidèles de n’importe quelle religion parviendront à une même unio mystica (l’union mystique avec Dieu par laquelle nous devenons divins). Toutes les religions sont comme les parts de gâteau qui convergent au centre.

 

Si vous croyez en cette unité, vous devez mettre de côté toute rationalité, car l’union mystique est une affaire irrationnelle. Si vous croyez en cette unité, vous devez rejeter la doctrine. Que vous soyez chrétien, juif, hindou ou sorcier, aucune importance, vous êtes une partie du même Tout, qui est Dieu. Vous pouvez trouver l’union avec ce Tout – et la voie vers l’union est l’expérience. Mordez juste dans le gâteau!

 

Cette unité des religions s’intensifiera dans les années à venir. La technologie a réconcilié notre monde. De plus, les Eglises, les Religions Unies, le Parlement des religions du monde et le Mouvement d’Interfoi, par exemple, travaillent dur pour que s’impose la réalité d’un monde unique. Un savant «chrétien» de premier plan, Huston Smith, croit que le travail actuel de l’Esprit est de produire une «invisible géométrie pour modeler les religions du monde dans une vérité unique». Certains, dans les Eglises officielles, y compris les  presbytériens, les méthodistes et les baptistes du Sud, croient que Smith est un prophète pour l’Eglise du IIIe millénaire.

 

Cette vision religieuse d’un monde unique devient politique parce que le paganisme vénère seulement la Terre. Mikhaïl Gorbatchev, un des derniers présidents de l’Union soviétique athée, organise actuellement, à San Francisco, un état annuel du Forum du monde, qui est suivi par de nombreux dirigeants religieux et politiques. Gorbatchev a une vision spirituelle pour la planète. Il en appelle à «une nouvelle synthèse des valeurs démocratiques, chrétiennes et bouddhistes». En clair, cela correspond à une réunion des religions orientales et occidentales dans une nouvelle structure politique globale, qui apporterait finalement la paix dans le monde. Quelle proposition séduisante! Mais est-elle vraie ?

 

Questions

– Devrions-nous éviter tout contact avec des personnes appartenant aux nombreuses organisations non religieuses (le Conseil mondial des religions chrétiennes)? (Voir Ac 12.16-32; Ep 2.1-10, 4.17-24; 1P 2.9-12)

– Quels sont les dangers de tels contacts? (Voir Ph .12-21)

– Dans quelle mesure un croyant pourrait-il prendre part au dialogue interreligieux? (Voir 1R 17.24-41)

– Quelles sont les pratiques spirituelles interdites dans l’Ecriture sainte? (Voir Ex 22.18; Lv 19.26, 31; 20.6; Dt 13.1-4, 18.10-12, 22; Es 47.9-13; Jr 8.17; 10.2; Ez 12.21)

 

Vérité de l’Evangile n° 3: Une seule vérité

 

Certains de mes amis des années 1960 se sont détournés des drogues et du mysticisme oriental pour suivre Jésus, s’appelant eux-mêmes le peuple de Jésus. Ils pointaient leur index au ciel, déclarant à quiconque voulait l’entendre (et à beaucoup qui auraient préféré ne pas l’entendre) que Jésus était la seule voie. Les gens ricanaient, mais, si vous examinez les choses d’un point de vue fondamental, les membres du peuple de Jésus avaient raison.

 

La Bible enseigne qu’il n’y a qu’une seule vraie religion. Toutes les autres sont des constructions humaines. Jésus revendique être le seul chemin conduisant au Père; il fait  ainsi de votre attitude à son égard le test de vraie religion. La spiritualité d’aujourd’hui honore le Christ des lèvres, mais elle le défigure jusqu’à être méconnaissable. Elle est devenue l’esprit du siècle, ou l’esprit qui a animé Jésus, que l’on partage avec n’importe quel grand prophète ou gourou.

 

Dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu était averti de ne pas expérimenter les religions païennes, et il est jugé pour avoir adopté des superstitions orientales, pratiqué la divination, et s’être enfin associé aux païens (Es 2.6). Jésus nous a dit explicitement de pas pratiquer la religion comme les païens le font (Mt 6.7). Christ est le seul chemin, parce qu’il est le Fils unique de Dieu. Il a créé le monde, un événement unique dans notre histoire humaine. Rien n’a été fait sans lui. Mais Christ a été au centre d’un autre événement unique lorsqu’il a racheté le monde. Il a été le premier à vaincre la mort et à revêtir un corps ressuscité. Il est le premier événement de la nouvelle création de Dieu.


           L’auteur de ces deux grands actes, la création physique et la transformation future de l’univers, est celui qui déclare: «Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne vient au Père que par moi.» (Jn 14.6) Devant la majesté des actes du Christ divin, le paganisme reste muet. Il ne peut ni créer l’univers physique, ni ressusciter un cadavre du tombeau.


            Il y a une seule vraie spiritualité. Une seule religion qui mène à Dieu. C’est la religion que le vrai Dieu révèle dans la Bible. C’est pourquoi l’Eglise confesse l’«Ecriture sainte seule»: sola Scriptura.

 

Questions

– En parlant du caractère unique du christianisme, comment pouvez-vous être hardi sans être désobligeant? (Voir Mt 10.16; Ep 4.15, 25-32)

– La Bible garantit-elle le succès dans le témoignage? Que nous apprend-elle au sujet de notre crédibilité? (Voir Ec 11.1; Es 55.10-11; Mt 5.11; Mc 8.34-38; Ac 5.41-42)

– Estimez-vous être trop hardi, ou trop timide? Avez-vous été raillé pour votre foi? Qu’est-ce que l’expérience vous a appris? (Voir Mt 5.11-12; 2Co 3.12-18; Ep 6.19-20)

– Où est placée l’évangélisation sur la liste de vos priorités, tant pour votre Eglise que pour vous-même?

 

 


 

Mensonge païen n° 4: Un problème: l’amnésie

 

Le téléspectateur américain se prélasse, affalé et passif devant la télévision, la canette de bière à la main, la bouche remplie de cochonneries et la tête pleine de télé-poubelle. Qui voudra lui faire prendre conscience qu’il y a mieux dans la vie que les championnats de football, de basket ou, encore, l’interminable saison de baseball?


           Les monistes, doucereux et spirituellement vigilants, ont raison de vouloir extraire les gens de leurs distractions pour les amener à la réalité spirituelle grâce à laquelle ils se croient capables de sauver le monde. Les monistes croient que ces choses ne sont pas comme elles devraient être. Et ils ont raison. Malheureusement, ils ne se rendent pas compte qu’ils proposent une illusion encore plus grande.

 

On pourrait s’attendre à ce que le monisme soit «autosatisfait». Si «Tout est Un et Un est Tout», qui pourrait y changer quelque chose? Les monistes sont souvent des gens passionnés qui veulent transformer la réalité. Ils veulent éveiller leurs frères et sœurs, et la terre, à la réalité de l’unité universelle. Comme le jeune lion Simba dans Le Roi Lion, la terre n’a pas encore compris que les étoiles sont son père.


           Le monisme déteste les faiseurs de distinctions parce qu’ils brisent l’unité du cercle. Faire des distinctions nous a paralysés, disent-ils en se défendant, dans un état spirituel de dissipation. Nous ne nous rappelons plus que nous appartenons au Tout. Pour fermer le cercle, nous devons arrêter de diviser le monde en catégories. Le monisme pointe un doigt accusateur vers les structures qu’un jour nous avons considérées naturelles, comme l’autorité aimante d’un père dans sa maison, ou le rôle d’autorité bienveillante et attentionnée d’un mari envers sa femme.
Les monistes assimilent la pensée surannée, en noir et blanc, à la culture chrétienne occidentale. Ils trouvent la Bible pleine de patriarcat (mâle/responsabilité paternelle) et de hiérarchie (structures d’autorité), et ils accusent les chrétiens de faire quantité de distinctions de ce genre, qui, selon eux, divisent le monde.

 

Le message d’espoir du monisme est clair: il faut débarrasser le monde des distinctions et entrer dans l’unité mystique de toutes choses. Voici une liste partielle de distinctions que les monistes voudraient éliminer. En réfléchissant sur cette liste, vous comprendrez beaucoup d’autres distinctions chrétiennes qui, autour de vous, sont la cible d’attaques.

 

Créateur/créature

Le monisme détruit la distinction entre Dieu, qui a existé depuis toujours, et la création, qui a eu un commencement. Si le monde est divin, s’étant créé grâce à l’évolution, nous, les êtres humains, pouvons donc aussi nous créer nous-mêmes, en évoluant vers une meilleure race, sans avoir besoin d’un Créateur. Telle est la distinction majeure qui doit être éliminée pour que l’éradication des autres distinctions puisse être faite sans opposition réelle.

Dieu/l’homme

Comme dans beaucoup de religions du monde, le monisme croit que l’homme est Dieu ou, du moins, que tout l’effort humain ajouté à toute la valeur humaine égalent Dieu. L’homme ne doit ni culte ni obéissance à un Dieu extérieur à la création, qui se révèle à ses créatures, les aime et communique avec elles dans la vérité objective.

Animaux/humains

Quel enfant n’aime pas son animal de compagnie? Les animaux tiennent une place spéciale dans notre vie et la nature dans laquelle nous vivons est belle et surprenante. Les monistes font remarquer à juste titre que les gens maltraitent souvent les animaux et détruisent la nature. Ils offrent un programme salutaire: éliminer les distinctions entre l’animal, la plante et la vie humaine, puisque tout est divin. Les sorcières poussent la déification de la nature à l’extrême, en adoptant des animaux domestiques ou de compagnie qui les aident à communiquer avec le monde des esprits.

 

Vrai/faux

Sur le cercle moniste, tous les points sont relatifs. Si vous vous rendez compte que votre propre capacité à faire le mal n’est pas vraiment le mal, vous connaîtrez la liberté. Un jour, j’ai rencontré un membre d’Eglise de longue date qui a découvert le fascicule intitulé Un cours sur les miracles. Il y a lu que le péché n’existait pas et que cette culpabilité était une illusion. Il a certifié «marcher en l’air». De nombreuses personnes cataloguées comme pécheurs (par exemple, les «pro-avortement» et les homosexuels) peuvent trouver leur place dans la société, exonérées de toute culpabilité. L’expérience spirituelle et mystique du monisme libère de toute culpabilité, parce que le mal que vous faites est bon.

Vie/mort

Les monistes vénèrent presque la mort pour sa place nécessaire dans le cercle de vie. Leur sens fort de l’unité de l’univers est parfois lié à une notion de réincarnation dans laquelle le processus naturel de mort les rapproche tout près de la perfection. La médecine se fait l’écho maintenant du droit à «mourir dans la dignité». Certains croient qu’un petit esprit de bébé frappe à la porte de l’utérus de sa mère. S’il l’entend dire «Pas en ce moment!», il bondit et retourne en arrière à la vie de l’esprit afin d’attendre un utérus plus accueillant. L’esprit du bébé glousse, les oiseaux gazouillent et chacun est vraiment heureux!

 

Ciel/enfer

«Imagine, il n’y a pas de ciel (…) [et] pas d’enfer au-dessous de nous», chantait mon vieux copain de classe, John Lennon, lorsqu’il menait la génération des années 1960 vers la spiritualité orientale. Les monistes n’ont aucun sens d’un monde céleste, le domaine propre de Dieu dont les valeurs et les réalités vont au-delà de ce que nous vivons maintenant. Le seul enfer, créé par l’homme, est un esprit de jugement sans limite. Les monistes blâment les chrétiens de gâcher la partie avec leurs distinctions qui attisent la haine et engendrent la souffrance.

 

Christ/Satan 53Christ/Satan

Le monisme prétend que Satan et Christ sont comme deux jumeaux. Comme le Yin et le Yang, que nous avons vu auparavant, ils expriment les aspects différents de la même réalité. Voilà pourquoi les monistes n’accordent pas de valeur à la naissance historique de Jésus-Christ, ni à sa mort, ni à sa résurrection, ni à son ascension, qui donnent une identité trop spécifique à Christ. Pour eux, l’esprit de Christ n’est d’aucune utilité, qu’il s’agisse de techniques de guérison, de satisfaction sexuelle ou de méditation. Le Christ et l’Antichrist deviennent un et semblables.

 

Bible/autres écrits sacrés

Vous verrez bientôt les compilations d’écrits sacrés de toutes les religions du monde sur les rayons des grandes librairies. Ne soyez pas étonné. Comme notre monde devient mondial et comme la pensée moniste gagne du terrain, vous pourrez connaître un temps difficile pour expliquer pourquoi vous avez confiance en la Bible et pas en d’autres écrits sacrés. Puisqu’il ne devrait y avoir aucune distinction, selon le monisme, et puisque toutes les religions sont en fin de compte une, aucune révélation ne peut prétendre à l’autorité absolue sur nous. De plus, le dieu intérieur n’a aucun besoin d’écriture sainte. Il/elle se spécialise dans la révélation directe.

 

Péché/sainteté

Le mot même de péché n’a plus cours aujourd’hui. Quelques groupes chrétiens ont même commencé à se sentir gênés quand ils se surprennent à l’employer. Les monistes préfèrent des mots comme intégrité à sainteté. Ils veulent éviter le conflit à tout prix. Evaluer le comportement à l’aide des normes objectives de Dieu est trop contraignant. Nous aurions une meilleure probabilité d’arriver à la paix si nous élaborions nos propres normes, moins rigides. Tant que quelqu’un est heureux d’une action, il ne peut pas avoir tort.

Orthodoxie/hérésie

Certains érudits supposés chrétiens veulent étendre le canon des Ecritures saintes, en ajoutant des livres comme l’Evangile gnostique de Thomas. Ils croient qu’il n’y a aucune vraie ou fausse doctrine chrétienne. Ceux qui imposent des standards doctrinaux sont bornés et médiocres. Les monistes arrivent souvent à embrouiller les chrétiens en ayant l’air d’accepter les valeurs chrétiennes, comme l’amour, la tolérance et le rejet de la bigoterie.

 

Christianisme/paganisme

Les monistes croient que les distinctions entre le christianisme et le paganisme manquent de pertinence, qu’elles sont intolérantes et mesquines. Seule une communion profonde entre toutes les formes de spiritualité – christianisme, bouddhisme, hindouisme, sorcellerie, adoration de la nature, adoration du corps comme moyen d’autoguérison d’organisme divin – peut rassembler le monde et promouvoir une spiritualité commune pour le bien de tous.

 

Homme/femme

Face aux injustices comme les mauvais traitements infligés aux femmes dans le monde entier et la violence dont les homosexuels sont victimes, les monistes proposent deux solutions:

– éliminer la classification des humains en êtres mâles et femelles, qui a pour effet d’entretenir un patriarcat dépassé et
– accepter tous les choix sexuels, en insistant sur l’androgynie (être à la fois homme et femme) comme expression idéale de la spiritualité moniste.

 

Famille traditionnelle/famille réinventée

Le monisme croit que la famille traditionnelle est un obstacle à l’unité spirituelle. Nous avons besoin de toutes sortes de familles: célibataires hommes et femmes vivant ensemble; mariages homosexuels, même des trupples (trois homosexuels engagés dans des relations à long terme). Une sorcière locale, élevant sa fille avec deux maris, demande: «Pourquoi le gouvernement devrait-il me dire comment diriger ma famille?» Les gens doivent être libres de découvrir leur propre forme d’enrichissement relationnel.

 

Enfant/parent

Comme il existe de plus en plus de cas de maltraitance infantile, les monistes suggèrent que l’Etat devrait intervenir pour les protéger. Le paganisme veut limiter l’autorité parentale et l’éliminer, en définitive, pour libérer les parents et protéger les enfants. On soutient que les structures familiales traditionnelles, particulièrement la notion du père ayant l’autorité de chef de famille quoi qu’il arrive, sont déshumanisantes et spirituellement affaiblissantes.

 

Autorité/soumission

Quand ils voient le mauvais usage de l’autorité et du pouvoir dans le monde, les monistes émettent l’hypothèse qu’un tel abus résulte de l’existence même de structures d’autorité. Pour protéger l’égalité entre les êtres humains, ils remettent en question la légitimité de tout rapport d’autorité: enseignant/étudiant, employeur/employé, parent/enfant, mari/femme, clerc/laïc, et ainsi de suite. Les monistes défendent fermement que l’égalitarisme radical et l’anéantissement de toutes les notions d’autorité et de soumission sont les clefs du bonheur humain et de la justice sociale.

 

Je suis sûr que vous avez vu, dans chacun des domaines énumérés, comment le monisme a changé notre manière de penser. Ce qui a peut-être pu vous échapper est que tous les changements de notre société sont indissociables. Tout se tient et a du sens pour un moniste! Des forces puissantes dans notre monde concourent à l’élimination de ces distinctions pour le bien de la planète. Bien sûr, il n’y a aucune conspiration humaine universelle dont le quartier général serait caché dans le désert d’Arizona, et qui serait orchestrée par un Monsieur Big projetant une prise de pouvoir païenne. Mais derrière l’idéologie souvent séduisante se dresse une conspiration surhumaine contre Dieu. «Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang (…), mais contre les esprits du mal dans les lieux célestes.» (Ep 6.12) Les nations se sont alliées dans cette conspiration, comme le Psaume 2.2 le dit: «Les rois de la terre se dressent (…) contre l’Eternel et contre son messie.» Les chrétiens doivent identifier la conspiration pour aider ceux qui se sont laissé prendre afin de faire la paix avec Christ. Les non-chrétiens ne sont pas aussi indépendants qu’ils le pensent. Les forces spirituelles du mal prennent plaisir à tromper les gens pour les éloigner de Christ.

 

Alors que, un soir, je terminais une conférence, un homosexuel est venu pour me parler. Lisant la colère sur son visage, je m’attendais à ce qu’il s’en prenne à l’intolérance de mon message. Au lieu de cela, il a exprimé sa rage d’avoir appris que les sombres forces de séduction spirituelle l’avaient gardé captif si longtemps. Il m’a demandé de prier afin que Dieu l’en délivre.
«Embrassez le fils, de peur qu’il ne se mette en colère et que vous ne périssiez dans votre voie. Heureux tous ceux qui se réfugient en lui!» (Ps 2.12)

 

Questions

– Dans quels domaines êtes-vous influencé par le monisme? Réfléchissez aux structures d’autorité dans votre vie, ou à votre rôle comme enfant, parent, étudiant ou enseignant. Et au sujet des différences entre sexes, qu’en est-il ? (Voir Gn 1.27; Rm 13.1-5; Ep 5.22-33, 6.1-4)

– Comment les chrétiens peuvent-ils trouver l’équilibre entre leurs responsabilités civiques dans une démocratie et leur profond attachement à la moralité et la vérité chrétiennes? (Voir Rm 13.1-4; Ac 5.27-32)

– Comment l’engagement chrétien s’exprime-t-il face aux questions de société comme la prière à l’école et les droits des homosexuels (comme les lois contre l’homophobie)? 

– Qu’arriverait-il à la société si toutes ces distinctions étaient abolies? Serait-ce le ciel sur la terre ou un cauchemar en forme de totalitarisme?

 

Vérité de l’Evangile n° 4: Un problème: la mort par le péché

 

Nous nous souvenons tous de la panique dans le métro japonais, il y a quelques années. Quelques gouttes de gaz mortel, le sarin, ont menacé la vie de milliers de personnes. Imaginez que je vous offre un verre d’eau et vous dise qu’il contient juste une goutte de sarin, mais qu’à part cela l’eau est parfaitement pure. Certes, le sarin n’est pas agréable, mais qu’est-ce qu’une goutte pourrait faire? Accepteriez-vous ma logique? Répétons-le, nous soutenons que quelques gouttes de péché dans nos vies ne nous rendent pas pécheurs. Or, la Bible nous démontre que le péché est spirituellement aussi mortel et toxique que le sarin l’est physiquement. Quelques gouttes suffisent à faire sombrer la race entière.

 

Les monistes nous invitent à nous réveiller. La Bible aussi: «Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts.» (Ep 5.14) La Bible ne nous invite pas à fuir l’ignorance, mais «les morts». Le jour où les hommes se sont rebellés contre l’autorité de Dieu, au commencement des temps, le poison du péché s’est infiltré dans la fontaine de vie et a empoisonné son eau. L’état naturel de l’homme n’est pas le cercle de vie, mais le cercle de mort. Nous sommes aliénés, coupés de Dieu, ses ennemis aveugles, fous et mauvais. Le cœur humain est désespérément mauvais, rempli de corruption et sans cesse porté au mal (Gn 6.5). Il n’est pas l’image d’un lionceau innocent, comme Simba, inconscient de sa nature réelle. Nos cœurs ont besoin de conversion, et non de réveil. Si nous ramenons le cœur humain à la vie sans la transformation de l’Esprit Saint de Dieu, il vomira seulement le mal, la haine et la tromperie. Même nos meilleurs efforts pour le bien de l’humanité sont aussi peu attirants que du linge sale! (Es 64.5) Aucun acte d’amour n’est acceptable pour Dieu à moins qu’il ne soit accompli par son pouvoir et pour sa gloire.

Les païens croient que faire des distinctions, c’est pécher. La Bible enseigne tout le contraire. Le péché originel est le refus des distinctions créées par Dieu, particulièrement la première distinction entre toutes, la distinction absolue entre le Créateur et la créature. Voici comment cela s’est passé. Le serpent intelligent insinue que l’ordre donné par le Créateur est ambigu («Dieu a-t-il vraiment dit?») et donc pas fiable. Eve succombe au mensonge pour être libre, elle doit faire ses propres choix en toute indépendance, et créer son propre monde. Eve choisit de croire au mensonge païen/diabolique selon lequel, si elle compte sur elle, si elle entre au dedans d’elle, elle peut être dieu.

 

Seul le Créateur sait à quoi la création devait ressembler. Seul Dieu sait ce qu’est la vraie pureté. Il place toutes les distinctions dans la création qu’il a faite pour nous rappeler cette première grande distinction qui devrait nous amener à nous agenouiller humblement devant lui. Tous les autres péchés sont les conséquences du refus de cette première distinction. Abolir la distinction entre le péché et la bonté nous permet de soulager nos consciences. Mais, quelque part intérieurement, nous reconnaissons toujours le mal objectif. Nous savons que si deux gamins de 11 ans défenestrent un enfant de 5 ans du quatrième étage d’un immeuble, c’est mal. Plus important encore, nous reconnaissons comme mal la colère et l’égoïsme que nous discernons lorsque nous regardons honnêtement dans nos propres cœurs.


          Mais comment traitons-nous ce mal? L’embrassons-nous, l’acceptons-nous, en sommes-nous venus à l’aimer? Ou nous jetons-nous à genoux et reconnaissons-nous notre besoin de la grâce de Dieu, en confessant avec l’Eglise «la grâce seule»? Sola gratia.

 

Questions

– Comment pensez-vous pouvoir convaincre votre ami non chrétien que notre problème n’est pas que nous sommes simplement endormis? (Voir Ez 37; Ep 2.1-2, 5.14)

– Quelle est la partie de la conscience qui entre en jeu dans la prise de conscience du péché? La conscience est-elle infaillible? (Voir Rm 1.18-20; 1Co 4.3-5; 1Jn 1.8-10, 3.18-24)

– Pensez-vous que la conscience puisse être meurtrie au point de ne plus exister chez quelqu’un? (Voir Ps 19; 1Tm 4.1-2)

– Donnez quelques exemples de mal obstiné dans l’histoire. Pensez aux exemples dans votre expérience personnelle.

– Qu’arrive-t-il à une société si on y considère le mal comme de la simple négligence? (Voir Os 5.14-16)

 

 


 

Mensonge païen n°5: Une seule issue: regarder en soi

 

Dans Le Roi Lion, le jeune Simba, affligé par le conflit et un manque d’identité, est allongé dans un champ et contemple les étoiles. Grâce à la sagesse profonde et mystique de Rafiki, le docteur-sorcier, Simba fait l’expérience de son passage à la majorité. Il a un père, une révélation de la Mère-Terre et identifie les étoiles et, plus tard, son image réfléchie dans l’eau d’une mare.

 

Les monistes nous disent d’achever le cercle en regardant en nous-mêmes. Votre Moi siège au centre. La compréhension spirituelle surgit quand vous éliminez les distinctions et les contrôles rationnels pour prendre votre place dans l’unité de toutes choses.

 

Les rebelles des années 1960 ont fait la découverte d’eux-mêmes par les drogues. Aujourd’hui, la méditation a remplacé les drogues dangereuses en tant que voie de découverte de soi et de Dieu. La méditation permet de se détacher des limitations du corps et de découvrir une connexion avec le Tout par une expérience mystique de vraie connaissance (gnosis). Si plus d’individus trouvent leur identité divine, la planète, croit-on, basculera dans un état de conscience unifié et modifié.


           Mais il y a plus que l’ecstasy hyperexcitante pour s’élever spirituellement. En allant au-delà des limitations de l’esprit, on va aussi au-delà des définitions rationnelles du bien et du mal. Tout en vous est bien. Tous vos instincts sont valables. Comme les hippies des années 1960 le disaient: «Si tu le sens bien, fais-le!» Ou, selon C.G. Jung, nos instincts sont des archétypes spirituels, ou des pouvoirs, que nous devons accepter pour être des personnes complètement intégrées. Si on va au dedans, les notions comme le vrai et le faux, la culpabilité et la mauvaise conscience disparaissent. En embrassant le mal, la spiritualité païenne produit une euphorie provisoire et contrefaite de rachat virtuel.


          Un jour, j’ai développé une infection douloureuse dans l’oreille  Le spécialiste a pris un outil appelé fraise, l’a introduit dans mon oreille et a percé l’abcès. La douleur est partie, mais avec aussi un peu de mon audition, irrémédiablement! La conscience est aussi délicate que l’ouïe. Ceux qui la malmènent sont, selon les mots de Paul, «marqués au fer rouge dans leur propre conscience» (1Tm 4.2).

 

L’expérience puissante de céder au mal peut parfois apparaître plus captivante que la fidélité ordinaire d’un chrétien authentique qui vit dans le monde réel du bien et du mal. La libération d’un tel manque de confiance en soi est, nous dit-on, la clef de l’avenir spirituel de la planète. Les gens découvrent leur identité divine, libre de toute culpabilité. Dans une école publique de Los Angeles, un professeur a dit à ses élèves: «Imaginez que vous faites quelque chose de parfait… Imaginez que vous êtes pleins de lumière. Sentez, maintenant, quelle paix vous éprouvez parce que vous êtes parfaits, intelligents, magnifiques, parce que toute la sagesse de l’univers est en vous.»


           L’expérience mystique subjective est devenue l’idéal en matière de spiritualité. Les chrétiens eux-mêmes se sentent frustrés ou coupables parce que leur obéissance quotidienne ne semble pas assez spirituelle. Ils aspirent à une connaissance profonde, mystique, qui les élève à un niveau supérieur. Ils comptent sur leur propre expérience comme preuve de leur salut ou de leur croissance spirituelle.


          Si vous considérez certaines expériences émotionnelles ou physiques comme des signes de votre salut, au lieu d’avoir confiance dans la mort et la résurrection de Christ, prenez garde de ne pas glisser dans la transe de Simba! Désirer une communion parfaite avec Dieu est bon. Le désir même est créé par l’Esprit de Dieu et, si vous avez placé votre foi en Christ, vous connaissez le goût de la foi, de l’amour, de l’espoir et de la paix produits par la communion avec Dieu. L’Esprit vous donnera la foi pour persévérer dans l’obéissance et attendre patiemment le jour où nous ne verrons plus Dieu «au moyen d’un miroir, d’une manière confuse» (1Co 13.12). Un jour nous le verrons face à face et nous serons entièrement comblés.

 

Lorsque mon dernier petit-fils était dans l’utérus de sa mère, il pouvait sentir sa présence. Elle l’a porté, a pris soin de lui, l’a aimé. Mais il n’a pas pu examiner le visage de sa mère jusqu’à ce qu’il soit passé par le tunnel sombre du canal qui conduit à la naissance et qu’il fasse irruption à la lumière du jour. Alors seulement il a pu la regarder fixement dans les yeux et la connaître. Un jour, nous passerons par les eaux sombres de la mort et nous déboucherons dans la lumière du ciel. Alors seulement nous regarderons droit dans les yeux de Christ, enfin libérés de notre esclavage du péché, et capables de connaître la pleine intimité avec notre cher Seigneur. Jusque- là, nous ne devons pas être abusés par de fausses promesses d’intimité avec Dieu, qui ne peuvent que nous enfoncer davantage dans notre péché.

 

Questions

– La Bible recommande-t-elle aux croyants de rechercher des états de conscience modifiés comme moyen de contact spirituel avec Dieu? (Voir Rm 12.1-2; 1Co 2.10-16; 2Co 10.3-5)

– La Bible approuve-t-elle l’utilisation de drogues pour atteindre le même but? (Voir Ga 5.20; Ap 9.21, 18.23, 21.8, 22.15. Notez que le terme grec pharmakia qui apparaît dans ces versets est traduit par «sortilèges», ou «magie».)

– La Bible suggère-t-elle de laisser de côté son intelligence pour expérimenter un contact profond avec Dieu? (Voir 1Jn 4.1-3 ainsi que les références de la première question.)

– Est-il significatif que, dans la Bible, Dieu ne soit jamais présenté comme une déesse?

– A quel point la période des années 1960 a-t-elle été cruciale en ce qui concerne le changement radical de la pensée religieuse?


Vérité de l’Evangile n° 5: Une seule issue: regarder à lui

 

A l’âge de 3 ans, ma fille aînée s’est fait retirer des points de suture au menton. Chez le docteur, comme elle était assise, pétrifiée, au bord de la table, j’observais son regard dirigé vers le visage de ma femme. La confiance absolue, l’amour et la dépendance qui s’exprimaient dans ses yeux au bleu profond restent gravés dans ma mémoire. Tel est le regard de confiance et d’amour que nous devons à Dieu.

 

       Ce regard fixe et concentré nous sauvera puisque nous comptons sur notre Dieu pour enlever les points de suture du péché. Jésus a dit que, pour entrer dans le royaume de Dieu, nous devons devenir comme de petits enfants, recherchant par la foi le visage de Christ.

 

Mais les païens méprisent le besoin de se tourner vers le Dieu de la Bible. Selon le christianisme, une telle dépendance de Dieu est la seule solution possible. Les païens se tournent au dedans, vers ce que la Bible déclare être l’essence du péché et le summum de la folie. Ces deux attitudes peuvent difficilement être plus opposées. Les chrétiens se tournent vers Christ, le Créateur tout-puissant et le Rédempteur (Col 1.15-20), car se tourner vers celui qui a fait le ciel et la terre et qui a la puissance de les racheter est à la fois juste et sage.


             Encore jeune, âgé de 29 ans, j’étais torturé par un sentiment profond d’indignité. Bien que j’aie grandi dans un foyer chrétien et que j’aie effectué la moitié de mes études de doctorat en théologie, chaque matin je me réveillais avec un sentiment de malaise au creux de l’estomac, suscité par l’horreur que me procurait mon insécurité. Un jour, ce fut différent. Incapable de fonctionner, je me suis rendu compte que j’étais au bout de mes ressources. Toutes mes tentatives pour résoudre mon passé effrayant et honteux avaient échoué. Dans une situation de désespoir total, j’ai tendu les mains vers Christ et fixé l’œil de mon esprit sur le Fils de Dieu: je le vis mourant suspendu à la croix à cause de mon péché. Avec la conviction irrépressible que cet acte était accompli pour moi et libéré de tous mes liens, je me suis endormi paisiblement.
Le matin suivant a été le premier jour d’une autre vie; tout fut différent, car j’ai sauté du lit avec une strophe de cantique sur les lèvres:

 

«Rien dans les mains je n’apporte,

Simplement à ta croix je m’accroche.
Nu, je viens à toi pour être vêtu,
Sans force, je m’en remets à ta grâce.

Souillé, je m’empresse vers la fontaine.
Lave-moi, Sauveur, ou je meurs.»2


  Par le travail puissant de l’Esprit vivifiant de Dieu, j’étais vivant et depuis, chaque matin, a été le même: si glorieusement différent.

Les chrétiens se tournent vers Christ comme étant la seule solution satisfaisante donnée au problème du péché et de la culpabilité personnels. Comme c’est la solution de Dieu, elle délivre réellement du tourment causé par une mauvaise conscience. Telles sont les incroyables bonnes nouvelles de l’Evangile. La délivrance ne vient pas en accueillant à bras ouverts, comme s’il était bon, le mal qui est en nous. Elle vient en s’agenouillant devant la croix de Christ, car c’est là qu’est faite l’unique et vraie satisfaction pour le péché. Christ, sans péché, porte nos péchés en mourant pour nous, à un moment particulier et à un endroit particulier dans l’histoire humaine. A ce moment-là, la dette de notre péché est payée. Notre compte devant Dieu est soldé si nous avouons nos péchés – et pas si nous les embrassons – et si nous revêtons la robe de justice de Christ. Dans toute l’histoire humaine, il est le seul qui a accompli la seule transaction susceptible de satisfaire l’exigence de justice de Dieu, et cela vaut pour nous.

Chacun croit au rachat, mais les opinions sur le rachat diffèrent radicalement. Les païens croient que le rachat est la libération en dehors du Créateur. Les chrétiens, eux, croient que le rachat est la réconciliation avec le Créateur, grâce à ses actes salvateurs. Selon la vérité de l’Evangile, vous ne pouvez rien faire, sauf tendre la main. Dieu fait tout. Le Père, par amour, a conçu le rachat; le Fils, avec soumission, l’a accompli; et l’Esprit Saint, avec puissance, l’applique aux cœurs humains indignes: en ressuscitant le corps de Jésus de la tombe et en donnant aux croyants le premier acompte de leur vie future de ressuscités. Vous est-il possible de créer un univers matériel fabuleusement complexe comme celui dans lequel nous vivons? Vous est-il possible de ramener un cadavre à la vie, ou de régler la question de votre propre péché? Si vous êtes honnête, vous savez que la réponse est: «Non!» Vous avez besoin du Dieu de l’Evangile. Les deux événements de la création et de la résurrection marquent  notre passé, notre présent et notre avenir. Les mensonges païens ne pourront jamais inventer de telles choses.

 

En connaissant le Dieu tout-puissant de la Bible et ses actes d’amour pour nous, nous découvrons que nous sommes vraiment des créatures rachetées qui dépendent entièrement du Créateur. La première grande vérité que nous apprenons sur nous concerne la distinction entre le Créateur et la créature. Cette distinction est tout à la fois vraie et vivifiante. Toutes les autres distinctions créées par Dieu (vous en découvrirez quelques-unes plus loin) sont également vraies et vivifiantes. En acceptant notre place à l’intérieur de celles-ci, nous donnons gloire à Dieu, le Créateur et le Rédempteur. Le trésor de l’Evangile est proposé dans de simples vases de terre (2Co 4.7). Réconciliés avec le Créateur, nous respectons ses distinctions et les vivons avec une joyeuse gratitude en attendant les nouveaux cieux et la nouvelle terre.

 

Créateur/créature

Pour la santé de la planète et le bien de l’humanité, Dieu doit régner sur sa création, et les créatures doivent se soumettre et respecter son projet. Quand Dieu est écarté, comme c’est le cas dans la conception païenne actuelle de l’écologie, les choses tournent mal. Comme une féministe, chef de file des adorateurs de la Terre, le dit, «la Nature se porterait beaucoup mieux sans nous». Quelle différence avec l’enseignement de la Bible, qui donne à l’humanité le gouvernement et la gestion de la terre! Dans le monde qu’il a créé, Dieu établit les structures qui nous rappellent qu’il ne peut pas être confondu avec les choses qu’il a faites.

 

Dieu/l’homme
«Le début de la sagesse, c’est la crainte de l’Eternel» (Pr 9.10) illustre le caractère théiste de la Bible. Notre recherche de la sagesse nous fait découvrir un Dieu à l’extérieur de la création, qui se révèle par sa parole. Une des grandes confessions de l’Eglise questionne: «Quelle est la fin ultime de l’homme?» Et de répondre: «Glorifier Dieu et l’aimer pour toujours.» Comprendre quelle est la nature correcte de la relation entre l’homme et Dieu est essentiel pour le plaisir de l’être humain. Si la création a été faite pour apporter de la gloire à Dieu, l’homme ne trouvera pas de satisfaction en l’adorant. Seule «la crainte du Seigneur» donne une signification profonde à la création et suscite chez les êtres humains le désir profond d’aimer et de prendre soin de ce que Dieu a créé «bon».

Animal/humain

Un éminent professeur d’éthique à l’Université Princeton, auteur de nombreux livres sur les droits des animaux, soutient qu’un bébé de 1 mois n’a pas plus de valeur qu’un escargot! S’il n’y a aucune distinction, les êtres humains seront traités comme des animaux et les animaux comme des êtres humains. Avec amour, le Dieu de la Bible a ordonné le monde: les animaux servent l’humanité, ce qui est un symbole de la façon dont les gens devraient servir Dieu. Les animaux témoignent de la puissance créatrice de Dieu. Les êtres humains répondent par une gestion sage de tout ce que Dieu a fait pour leur bien.

Juste/faux

Si les notions de juste et de faux existent, une vie morale est possible, l’existence humaine a du sens et la société est préservée. Sans cette distinction, la société se désagrège. La vraie expérience spirituelle est fondée sur la justice, non sur le péché.

 

Vie/mort

L’Ecriture sainte dénonce la mort comme une ruine horrible qui atteint la création. Elle est «le dernier ennemi», une expression réelle du mal qui a été vaincu par la résurrection de Christ. L’ignorance de ce fait produit une illusion funeste.

Christ/Satan

Connaître Christ donne l’espérance de la vie éternelle: Satan est le trompeur, se déguisant en «ange de lumière», mais il est vraiment un lion prêt à dévorer sa proie. Faire cette distinction est crucial pour la survie spirituelle. N’accueillons pas l’Antichrist, mais résistons-lui, tenant ferme dans la foi! Jésus lui-même nous montre comment nous défendre contre les ruses de Satan: c’est en vivant de chaque parole qui vient de la bouche de Dieu. La meilleure défense du chrétien contre les contrefaçons de Christ consiste à connaître le Christ des Ecritures saintes.

Ciel/enfer

Si vous étiez sur un petit bateau, inconscient de l’existence de rapides mortels un peu plus loin en aval, et qu’un habitant des lieux se tenant sur la berge omette de vous avertir, le silence de celui-ci serait scandaleux. Certains pays considéreraient ce silence comme un délit de «non-assistance à personne en danger». La connaissance du ciel et de l’enfer, et de leurs conséquences éternelles, est essentielle si l’humanité doit trouver une issue au danger spirituel. Les chrétiens qui avertissent leurs amis de l’existence de l’Enfer ne sont pas orgueilleux et ne se surestiment pas. Ils dressent une barrière salutaire devant ceux qui naviguent, inconscients du danger, vers des rapides mortels.

 

Péché/sainteté
Pour résoudre notre problème, nous devons connaître la vérité sur le péché. «Le salaire du péché, c’est la mort.» (Rm 6.23) Il est également vrai que, sans sainteté, personne ne verra Dieu. Ce sont des notions cruciales. Parce que nous sommes pécheurs, seule la sainteté de Christ, qui nous couvre si nous plaçons notre confiance dans son sacrifice pour nous, nous permettra «de voir Dieu». Notre péché ne peut que nous mener au désastre social et éternel.

 

Orthodoxie/hérésie

Il y a une croyance juste et une croyance fausse, même si la croyance fausse feint d’être chrétienne. L’apôtre Paul dit, avec une  grande insistance: «Si quelqu’un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème!» (Ga 1.9)

 

Christianisme/paganisme

La Bible condamne les fausses expressions de la foi chrétienne, mais elle s’oppose plus vigoureusement encore aux religions non chrétiennes, aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Dans l’Ancien, nous lisons: «Les Israélites firent ce qui est mal aux yeux de l’Eternel, ils oublièrent l’Eternel leur Dieu et rendirent un culte aux Baals et aux Achéras.» (Jg 3.7) Paul a des mots également sévères pour les chrétiens tentés de participer aux cérémonies païennes: «(…) ce qu’on sacrifie, on le sacrifie à des démons et non à Dieu.» (1Co 10.20) Il n’existe aucun point commun malgré l’appel de théologiens «chrétiens» radicaux à «franchir le col» vers la spiritualité des religions non chrétiennes afin de faire l’expérience de la «vraie» spiritualité et de la tolérance. La Bible est sans équivoque: «Vous ne pouvez pas boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons.» (1Co 10.21)

 

Bible/autres écrits sacrés

Bien que beaucoup de sagesse temporelle puisse être contenue dans les diverses traditions religieuses, la Bible est le seul texte écrit qui soit «inspiré de Dieu», du Dieu qui est à l’extérieur de la création; en conséquence, elle est la seule Ecriture sainte qui soit capable de «donner la sagesse en vue du salut» (2Tm 3.15).

 

Masculin/féminin

Juste après le récit de la création de l’homme, la Bible fait la première grande distinction: la différence entre l’homme et la femme: «Dieu créa l’homme à son image: il le créa à l’image de Dieu, homme et femme, il les créa.» (Gn 1.27) Comme les Français le disent: «Vive la différence!» L’homme et la femme perpétuent la race humaine et manifestent, à la fois, leur différence et leur communion. L’hétérosexualité est un puissant rappel du caractère théiste de la création. La Bible ne fait aucune place à une sexualité alternative. L’hétérosexualité est un reflet du théisme, tout comme l’homosexualité et la bisexualité sont les expressions du monisme païen (Rm 1.24-25).

 

Famille traditionnelle/famille réinventée

Maintenir le modèle biblique patriarcal de la famille hétérosexuelle honore Dieu, le grand Patriarche, et préserve la société. Cette famille est la composante essentielle d’une civilisation mûre. Chaque fois qu’elle est abandonnée, la désintégration sociale s’ensuit rapidement. L’amour d’un père, qui protège sa femme et ses enfants, reflète l’amour de Dieu pour ses enfants. L’amour d’un homme pour sa femme reflète l’amour de Christ pour son Eglise. Ce n’est pas parce que les pécheurs trahissent l’institution que celle-ci cesse de nous donner un aperçu de la future famille céleste de Dieu.

 

Enfant/parent

La Bible présente une belle image de l’enfant obéissant et heureux et du parent aimant et responsable, sur laquelle les rôles ne sont pas ambigus et les attentes sont claires. Un tel ordre non seulement est fondamental pour la santé mentale et spirituelle de la famille comme Dieu l’a créée, mais il exprime aussi quelque chose de profond sur la personne tri-une de Dieu, laquelle se révèle spécifiquement comme le Père sage, le Fils aimant et l’Esprit puissant (Ep 6.1-4).

 

Autorité/soumission

On déteste souvent l’autorité. Pourtant elle est essentielle étant donné la manière dont Dieu nous a créés et la façon dont il a réuni toutes ces distinctions enrichissantes. Les structures d’autorité font partie de la variété de la création, de la riche palette de couleurs de Dieu. Il n’y a rien de dégradant dans la soumission. De même que le Fils s’est soumis au Père pour nous acquérir le salut et qu’un jour il sera soumis à Dieu le Père (1Co 15.24-28), de même nous aussi nous nous soumettons les uns aux autres: les citoyens à l’autorité civile (Rm 13.1-15), les femmes à leurs maris (Ep 5.22ss), les enfants à leurs parents (Ep 6.1-4), les employés à leurs employeurs (Ep 6.5-9) et l’Eglise à Christ (Ep 5.24).

 

La «Solution finale» n’est pas la destruction de ces distinctions créées, mais leur résurrection/transformation dans les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre de Dieu. Comme nous attendons l’ultime miracle de la résurrection, puissance de transformation, nous devrions savoir que la vie chrétienne n’est pas toujours extérieurement spectaculaire. La Bible est terre à terre et d’une désarmante honnêteté. Paul décrit ainsi la position des chrétiens dans le monde: «J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous.» (Rm 8.18) Jésus promet que l’on détestera et persécutera les chrétiens, comme il l’a été lui-même. Quoique nous soupirions après une vraie spiritualité qui nous satisfasse complètement, nous ne pourrons pas éprouver de paix et de joie parfaites tant que la dernière bataille avec le grand menteur et trompeur n’est pas finie et que Christ revienne et nous accueille dans la maison qu’il a préparée pour nous. En attendant, nous sommes appelés à l’obéissance persévérante dans les luttes quotidiennes et concrètes de la vie, par fidélité au Dieu Créateur et Rédempteur, en respectant les distinctions qu’il a établies. Connaître et aimer le Dieu d’amour est la perle de grand prix, le trésor que nous possédons maintenant dans des vases de terre, sans lesquels la vie n’aurait aucun sens.


           Avec ce trésor dans notre main, nous vivons par la foi en l’acte que Dieu a accompli lorsqu’il a ressuscité Jésus des morts et en ce qu’il fera lorsque, nous et toute la création, nous serons transformés (Rm 8.22-25). Comme la Bible le dit, dans cette vie, «nous marchons par la foi (…)» (2Co 5.7) Sola fide.

Questions

– La préservation des distinctions est-elle accessoire ou essentielle pour le témoignage chrétien rendu à la vérité de l’Evangile en ces temps de confusion extrême? (Voir Gn 1.6-7, 14, 18, 27; Mt 19.4; 2Co 6.14-17; Ep 5.22-6.4, 12)

– Y aura-t-il des distinctions dans le ciel? (Voir Mt 22.30; 1Co 2.9, 15.28; Ap 21.1, 22.5)

– Pourquoi pensez-vous que la Bible décrit le ciel comme un banquet de noces? (Ap 21.2-3) (Voir Mt 5.8; 1Co 13.12; 1Jn 3.2-3)

 

 


III. Vérité de l’Evangile, mensonge païen et vous

Dans le domaine spirituel, ces deux options sont les seules possibles. La neutralité est impossible, le temps de la décision est devant vous. Vous aurez l’une de ces trois réactions:

– adopter la politique de l’autruche et nier le défi spirituel;

– compter sur le dieu au dedans de soi;
– regarder hors de vous vers le Dieu qui vous a fait, vous et tout ce qui vous entoure.

 

J’ai cette confiance que vous avez maintenant le moyen de reconnaître la différence entre la vérité de l’Evangile et les mensonges païens. Mais vous avez encore à répondre à une question, question à laquelle vous ne pouvez pas répondre par une ou deux phrases superficielles dans une discussion de groupe. Cette question est la suivante: «Où vous tenez-vous?»

 

Dans les moments calmes de votre cœur, cherchez-vous la communion avec votre Moi supérieur divin et essayez-vous de vous convaincre que ce qui est mauvais dans votre propre cœur est, en fait, bon? Ou bien, détestez-vous votre péché et examinez-vous le visage défiguré mais beau de Jésus comme étant votre seul espoir de vraie justice, de réel pardon et d’amour parfait?

Un jour, vous serez debout devant Dieu, votre Juge. Si vous regardez toujours au dedans, vous serez couvert de honte et vous ne serez plus capable d’éviter le regard de feu du Dieu saint. Cependant, si vous comptez humblement sur Christ pour obtenir miséricorde maintenant et si vous recevez le cadeau du salut plein et gratuit qu’il vous offre, vous pourrez vous tenir debout devant le trône de Dieu et soutenir le regard de votre Créateur et Juge. En effet, ce regard verra en vous la beauté de la perfection de Jésus et il ne se détournera pas de vous. Vous entendrez une parole de totale approbation: «Bien, bon et fidèle serviteur (…) entre dans la joie de ton maître.» (Mt 25.21)

Si vous êtes déjà chrétien, j’espère que ces développements clarifieront votre position. Et si, en les lisant, après avoir jeté un coup d’œil à la théologie de base, vous découvrez, à votre grande surprise, que vous devriez vous considérer comme païen, ouvrez votre cœur au Dieu personnel qui vous tend sa main par l’intermédiaire de son Fils Jésus. Il vous a fait, ainsi que la terre sur laquelle vous vivez. Il vous a placé là où vous êtes maintenant, et il a même fait que vous lisiez ces lignes.

Il est un vrai Père, tendre, fort et rempli de tendresse. Il a promis que, si vous le cherchez, vous le trouverez. Il vous offre son amour vrai. Consultez sa Parole pour découvrir qui il est, et rejetez la tromperie de votre cœur et les mensonges païens que vous avez crus! Vous trouverez un Sauveur pur et saint qui vous rend pur et vous habille de nouveaux vêtements, car Jésus dit: «Venez à moi (…) et je vous donnerai du repos.» (Mt 11.28)

 

 

 


IV. Résumé

 

– Les mensonges païens

 

1. Tout est un et Un est tout

Dieu est l’Esprit de tout. L’homme, les animaux, les roches et les arbres sont divins. Il n’y a aucune distinction majeure entre Dieu et l’homme.

2. L’humanité est une

Si tous les hommes sont égaux, aucun groupe n’a l’accès unique à la vérité. Tous les humains sont divins et doivent vivre ensemble, acceptant une norme commune de moralité et essayant de devenir aussi semblables les uns aux autres que possible, au lieu de souligner les distinctions qui peuvent être la cause de friction.

3. Toutes les religions sont Une

Aucune religion ne connaît le seul chemin vers Dieu. Toutes les routes mènent au sommet de la montagne, d’où nous voyons la même lune. Les religions devraient insister sur leurs ressemblances, non sur leurs différences, puisqu’elles partagent la même expérience mystique.

4. Un problème: l’amnésie

Puisque Dieu est en chacun de nous, est chacun de nous, nous ne devrions pas nous inquiéter du péché et de la culpabilité. Si nous prenons conscience de la merveilleuse réalité que nous sommes Dieu, nous éliminerons les distinctions de sexe, de rôle et de doctrine qui nous divisent.

5. Une réponse: regarder en soi

Si vous voulez être heureux, vous devez vous aimer vous-même et arrêter de vous sentir coupable. Plus vous croyez en vous et en votre pouvoir, plus vous faites valoir ce pouvoir pour votre propre bonheur, plus tôt vous vous sentirez libre de la contrainte. Vous jouirez d’une réelle expérience divine, paisible et pleine.

 

– La vérité de l’Evangile

 

1. Un Dieu, le Créateur

Tout ce qui n’est pas Dieu a été créé par lui: la terre, les animaux et l’homme, qui seul est à son image. Dieu est distinct de sa création.

2. Un en Christ seul

La seule vraie unité est créée par la foi commune en Jésus-Christ. Dieu définit deux catégories de personnes: ses enfants et ceux qui sont en rébellion contre lui. Le vrai amour chrétien ne connaît aucune barrière raciale ou économique.
3. Une Vérité

Jésus dit que nous ne pouvons nous approcher du Père que par lui. Les chrétiens ne révèrent pas Christ comme un grand prophète parmi d’autres. Il est Dieu en forme humaine, venu pour nous sauver de notre péché. Le spiritualiser comme un christ, présent dans une variété de religions, revient à le rejeter.

4. Un problème: la mort par le péché

Le péché a ruiné notre paix avec Dieu. Nous n’osons pas l’approcher parce qu’il est si pur que nous serions détruits. Le péché continue aussi de nous détruire. Sans la solution de Dieu, le problème du péché est insurmontable.

5. Une solution: regarder à lui

Dieu vient pour nous sauver. Nous ne devons pas trouver le salut dans les sombres recoins de nos cœurs. Nous pouvons admettre la réalité de notre péché, nous repentir et recevoir le juste pardon de Dieu. Jésus est devenu péché pour nous et en a assumé la culpabilité et le châtiment. Il a alors prouvé son pouvoir sur le péché par sa résurrection. Il nous transformera et nous recevra comme ses enfants pour vivre avec lui pour toujours.

 

«Nul ne peut servir deux maîtres: car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon», dit Jésus (Mt 6.24).

 

 

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