Pierre COURTHIAL – La Revue réformée http://larevuereformee.net Sat, 11 Sep 2021 17:44:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 Sommaire N° 190 – 1996/4 – JUIN 1996 – TOME XLVII http://larevuereformee.net/articlerr/n190 Sat, 11 Sep 2021 19:41:51 +0000 https://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=1171 anniversaire de Clément Marot (1496-1544) G.LEZAN Marot et les Psaumes F. GONIN Politique royale et vocation de Marot Un livre pour chanter Le Psautier français, les 150 Psaumes versifiés en français contemporain, mélodies originales du 16° siècle, harmonisées à … Continuer la lecture ]]> 500ème> anniversaire de Clément Marot (1496-1544)

G.LEZAN
Marot et les Psaumes


F. GONIN
Politique royale et vocation de Marot


Un livre pour chanter
Le Psautier français, les 150 Psaumes versifiés en français contemporain, mélodies originales du 16° siècle, harmonisées à quatre voix (J.-C. Thienpont)


Une chrétienne engagée
D. BEAUNE, Mère Marie (1891-1945) et l’Action orthodoxe


Théologie pratique
P. COURTHIAL, Qu’est-ce que la nouthésie ?


Eglise : Pluralisme ou ?…
P. WELLS, Les Eglises en questions


Méditation biblique
P. MARCEL, Jésus lave les pieds de ses disciples (Jn 13:2,4,5)


Réflexion théologique
G. BRAY, La création

La Revue réformée, en texte intégral, en format pdf

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Menaces sur le caractère chrétien des institutions chrétiennes http://larevuereformee.net/articlerr/n274/menaces-sur-le-caractere-chretien-des-institutions-chretiennes Sun, 18 Sep 2016 16:57:41 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=956 Continuer la lecture ]]> Menaces sur le caractère chrétien
des institutions chrétiennes[1]

Pierre COURTHIAL[2]

I. Introduction. Le témoignage de l’histoire

La question suivante se pose et nous devons nous la poser : comment des institutions chrétiennes, fondées par des chrétiens confessants fidèles au prix de sacrifices de toutes sortes, ont-elles pu, et peuvent-elles encore, glisser et dégénérer, plus ou moins rapidement ? Comment se peut-il qu’elles en viennent à minimiser, à disputer, à contester, si ce n’est à corrompre et à répudier, les principes fondamentaux sur lesquels elles furent fondées ?

Comment, par exemple, le Collège de Harvard, fondé en 1636 avec un caractère chrétien si fortement marqué – en fait la première institution d’instruction supérieure en Amérique – a-t-il pu, en 65 ans, dévier à tel point qu’il a été nécessaire de fonder le Collège de Yale en 1701 pour suppléer à sa défaillance ? De telles déviations ont conduit Harvard un siècle plus tard, dès 1805, à sombrer dans le brouillard informe de l’Unitarisme.

Et comment Yale a-t-il pu, à son tour, perdre son chemin ?

Comment, plus tard encore, Princeton, bastion exceptionnel de la science biblique, établi en 1801 et, dès son départ, comblé par le sage héritage de la foi réformée, a-t-il pu déchoir de sa gloire ? Comment Princeton, étant parvenu à une grande maturité doctrinale et spirituelle à travers l’œuvre fidèle d’un Archibald Alexander et des Hodges, d’un Benjamin Warfield et de William Green, d’un Robert Dick Wilson et de J. Gresham Machen – parmi bien d’autres docteurs aussi savants que pieux – en est-il venu à délaisser ses premiers principes immuables ainsi que l’héritage fidèle de ses pères ? De telles défaillances ont rendu nécessaire, en 1929, la fondation du Westminster Theological Seminary à Philadelphie.

Comment encore, l’Université libre d’Amsterdam, inaugurée il y a un peu moins d’un siècle (le 20 octobre 1880)[3] – don de la part de Dieu et fruit de la foi, des prières, des luttes, de l’amour, des offrandes et de l’espérance de tout un peuple de réformés aux Pays-Bas, portée aussi par le génie d’un Abraham Kuyper, – a-t-elle pu parvenir à la condition de déchéance si alarmante que nous devons constater aujourd’hui ?

Comment, pour aussi parler de la France, une Académie réformée aussi brillante et d’une renommée telle dans toute l’Europe que celle de Saumur (fondée par Duplessis Mornay en 1593), a-t-elle pu se laisser envahir – cela dès avant le milieu du xviie siècle et quelques années après le Synode œcuménique réformé de Dordrecht (1618-1619) – par un arminianisme plus ou moins camouflé ? Cette erreur « amyraldienne » s’est ensuite rapidement répandue dans la majorité des Églises réformées de mon pays.

Je me contente, ici, d’illustrer mon propos par l’exemple des universités et autres institutions académiques. Mais je pourrais en citer bien d’autres qui témoignent d’un pareil malheur : des sociétés missionnaires, des institutions médicales ou professionnelles, des écoles du dimanche, des revues ou des journaux, des Églises et des unions d’Églises qui, après un temps de fidélité où elles brûlaient de la flamme ardente de leur premier amour pour Dieu, n’ont pas su « garder » le dépôt qu’elles avaient reçu. Suite à un relâchement tout semblable, elles se sont vu retirer par Dieu ce chandelier d’or, gloire et lumière qui avaient jadis été les leurs.

Mais c’est bien à vous qui m’écoutez maintenant que je m’adresse, et il me faut d’abord attirer votre attention sur les luttes et les combats qui aujourd’hui sont les nôtres. Aussi mon discours ne saurait-il se borner à considérer de manière rétrospective l’histoire passée dont je viens d’évoquer quelques moments dramatiques. Si des situations historiques peuvent se ressembler, elles ne sont jamais vraiment les mêmes. Bien sûr, nous pouvons parfois retenir les leçons que nous livrent de pareilles ressemblances, mais en raison des différences, de cette non-similitude des époques de l’histoire, il serait préférable, pour nous, de nous tourner vers la Parole unique de Dieu. Nous pourrons y sonder les trésors d’avertissements, de promesses et d’ordres qui s’y trouvent et dont nous avons un si grand besoin. Nous verrons qu’ils sont pour nous, même aujourd’hui, d’un immense secours. Car, comme le disait jadis un Léon Bloy : « Lorsque je veux savoir quelles sont les dernières nouvelles, je lis saint Paul ! »

II. Puissances invisibles et souveraineté de Dieu

J’entame mon propos avec l’avertissement que nous donne l’apôtre Paul : « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d’ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. » (Ep 6.12)

Nous devons savoir comment accueillir une telle révélation. En tout premier lieu, cela signifie que l’environnement dans lequel nous nous trouvons – cela dès le temps de la Pentecôte et jusqu’à la venue en gloire de Jésus-Christ – recèle, dans ses profondeurs mêmes, cette réalité invisible terrible au sujet de laquelle le Nouveau Testament tout entier nous avertit et nous exhorte, et contre laquelle il nous met en garde. Notre perception des menaces qui pèsent sur le caractère chrétien des institutions chrétiennes manquerait de réalité, nous tromperait, nous livrerait à des illusions et émousserait notre vigilance, si nous limitions notre vision aux réalités de ce que nous appelons le domaine des choses « visibles ». En réalité, nous nous trouvons environnés d’une atmosphère saturée de forces « invisibles », puissances spirituelles mauvaises animées et dirigées par le Prince des ténèbres. Ces forces modèlent, manipulent et utilisent ces « idées directrices » qui prévalent à chaque époque. De telles idées directrices – « l’esprit du temps » – se présentent d’abord avec une telle subtilité que nous en venons à les absorber tout naturellement ; nous les aspirons sans en prendre conscience. Ensuite, elles font progressivement peser sur nous un tel poids qu’elles finissent par nous écraser et nous détruire.

Toute institution chrétienne – tant dans son ensemble que dans chacun de ses membres – doit constamment faire face à des tentations, qui sans cesse se renouvellent, ainsi qu’à des pièges formidables que notre Adversaire, qui « rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer » (1P 5.8), place habilement sous nos pas. Nous voyons ces puissances s’associer aux hommes ; elles se trouvent à l’arrière-plan des organisations et des États, lorsqu’ils se dressent, ouvertement ou de manière secrète, contre Dieu et contre la Foi délivrée une fois pour toutes aux saints. Elles se trouvent à l’ombre, pour ainsi dire, des pseudo-chrétiens, des faux frères et de tous ceux qui se consacrent à enseigner l’erreur et le mensonge. De tels hommes animés d’un esprit impie se trouvent même à l’intérieur des Églises et au sein des institutions chrétiennes. Tout en se trouvant à l’intérieur de l’institution chrétienne, ils n’appartiennent ni au Christ, ni à son Église. Derrière de tels hommes, et avec eux, se trouvent les démons eux-mêmes et leur Prince. Ces Puissances ténébreuses sont d’une grande vigilance ; elles agissent de manières diverses, ne manquant jamais de trouver leurs complices parmi ceux qui demeurent dans le péché ; elles agissent même, hélas, dans le cœur des chrétiens les plus fidèles. Tout ceci, il nous faut bien en avoir conscience et surtout ne jamais l’oublier !

Mais il est une chose, d’une importance plus grande encore, dont nous devons nous souvenir, chose plus capitale encore à savoir et retenir : de telles tentations ne nous viennent jamais sans la volonté expresse de notre Père qui est aux cieux. C’est lui qui les permet et qui nous les présente. Il les présente à ses enfants de sa propre main, comme autant d’afflictions qu’ils doivent traverser et dont ils triompheront par la force qu’il leur donne. Ces deux réalités apparemment très différentes que sont la tentation démoniaque et l’affliction divine sont souvent désignées dans le grec du Nouveau Testament par un seul vocable : peirasmos. Elles coïncident, mais de manière antinomique, dans la réalité spatio-temporelle dont est constituée notre vie terrestre, pour qu’y soit concrètement manifestée la décision victorieuse de notre foi. Dans cette apparente « coïncidence des contraires », l’intention vicieuse de notre Adversaire n’est autre que celle de nous induire à pécher, de nous séduire, de nous faire tomber, de nous faire périr. L’intention bonne de Dieu, dessein divin qui se tient au-dessus et contre celle de notre Adversaire, est d’affliger ses enfants dans le seul but d’affermir leur foi en la purifiant, afin qu’elle glorifie son saint Nom toujours davantage. Ainsi, au lieu de nous décourager et de nous pousser au désespoir, les menaces dressées par l’Adversaire contre le caractère chrétien de ces institutions chrétiennes que Dieu confie à nos soins en tant que dirigeants responsables, doivent bien plutôt nous inciter à la vigilance, au progrès spirituel et à une plus grande ardeur dans nos combats.

Par la foi en la souveraine grâce de Dieu et par l’action toute-puissante de la Providence qui, en Jésus-Christ, prédestine ceux qui lui appartiennent à la gloire éternelle, nous savons que tout saint, celui qui est un élu de Dieu, persévérera fidèlement jusqu’à la fin ; nous savons que rien « ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur » (Rm 8.39). Nous savons également que l’Église élue par Dieu persévérera, elle aussi, jusqu’au bout et que même « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16.18). Cette vérité peut être affirmée d’une autre manière : nous croyons à « la persévérance des saints » et à « la persévérance de la sainte Église ».

Par ailleurs, c’est précisément par un tel cantique que nous devons, sans cesse, persévérer dans cette louange que nous adressons à Dieu par reconnaissance pour sa miséricorde si fidèle et pour sa toute-puissance. Car notre chant fait entendre à la fois l’humble reconnaissance pour le secours qu’il accorde à notre faiblesse et le devoir impérieux qui est le nôtre d’en appeler, avec une constance renouvelée, aux armes de Dieu qui sont le fruit de notre foi. Il nous appelle, par ailleurs, à invoquer avec constance les promesses indestructibles de Dieu concernant l’indéfectibilité inaltérable de ses élus et de son Église en tant qu’Épouse sainte de Jésus-Christ. Mais, ne l’oublions pas, une pareille indéfectibilité ne peut aucunement se rapporter à une quelconque Église, locale ou dénominationnelle, de notre propre choix et, bien moins encore, à une institution chrétienne particulière qui se prétendrait gardée pour toujours de toute chute. Il ne nous est pas permis de nous livrer par notre négligence à une telle confiance aveugle en une institution particulière infaillible.

III. Le danger se trouve en nous-mêmes

La première menace, le premier danger, se trouve toujours en nous-mêmes. Le front sur lequel nous devons à la fois combattre, tenir et vaincre, passe à travers nos propres vies. En tout premier lieu, il nous faut donc constamment veiller sur nous-mêmes. Notre orgueil et notre amour-propre ne disparaîtront qu’avec cette vie présente sur terre et la première manière de combattre cet orgueil est de le reconnaître, puis de le confesser. « Ainsi donc, que celui qui pense être debout prenne garde de tomber ! » (1Co 10.12) Ceci nous montre que nous ne devons jamais, ici-bas, penser être debout, comme si nous pouvions tenir ferme par nous-mêmes.

Notre faiblesse consiste précisément en cette idée inepte : imaginer que nous pouvons être forts par nous-mêmes. Notre tendance naturelle est de toujours vouloir revenir à cette volonté d’indépendance, à l’autonomie. Cette volonté d’indépendance n’est rien d’autre que la marque de l’amour que nous nous portons à nous-mêmes, le sceau de notre orgueil.

L’exhortation du Seigneur : « Veillez et priez », exige de nous qu’en tout premier lieu nous discernions la complicité que l’ennemi trouve encore et – hélas ! – trouve toujours en nous, en chacun de nous personnellement.

« Prenez garde à vous-mêmes », dit Jésus à ses disciples (Lc 21.34). « Priez afin de ne pas entrer en tentation » (Lc 22.46). « Chacun est tenté parce que sa propre convoitise l’attire et le séduit », dit Jacques (Jc 1.14). « Veille sur toi-même », écrit Paul à Timothée (1Tm 4.16).

 

C’est ainsi que chacun de nous doit, avec le psalmiste, crier à Dieu : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur ! Éprouve-moi et connais mes préoccupations ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie, Et conduis-moi sur la voie de l’éternité ! » (Ps 139.23-24) Et puis ceci : « Qui connaît ses fautes involontaires ? Pardonne-moi ce qui m’est caché. » (Ps 19.13)

Aussi humiliant que cela puisse paraître à chacun de nous, il nous faut reconnaître et confesser que la menace la plus immédiate contre le caractère chrétien de l’institution chrétienne SE TROUVE EN NOUS, menace constituée par nos propres faiblesses, notre amour-propre, notre orgueil. C’est donc à nous, nous qui sommes les responsables d’institutions chrétiennes de toutes sortes, à nous personnellement, qu’est adressé l’appel à reconnaître nos faiblesses, nos fautes, et à les confesser.

IV. Nécessité d’une direction collégiale de qualité

Il convient de dire un mot maintenant à propos, non plus de cette vigilance que chacun de nous doit exercer sur lui-même, mais de la vigilance que les dirigeants de l’institution chrétienne doivent, en tant que conseil responsable d’une communauté, exercer ensemble sur le corps qu’ils dirigent.

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Jésus envoya souvent ses disciples deux par deux. Les apôtres constituaient un corps apostolique que l’on appelait les Douze. Les Églises du Nouveau Testament étaient dirigées par les anciens. Même celui qui dirige une institution chrétienne doit exercer la présidence en conseil, c’est-à-dire, non pas seul, mais en communion avec d’autres.

Lorsqu’une menace très sérieuse se dresse contre le caractère chrétien de l’institution chrétienne, cette menace devient visible, grandit et s’avère rapidement mortelle si le conseil, l’équipe qui dirige l’institution, n’est plus homogène, lorsque les membres qui le composent ne parviennent plus à tirer ensemble sur la même corde. Le diable est bien le diviseur. « Si une maison est divisée contre elle-même, cette maison ne peut subsister. » (Mc 3.25) Ainsi chaque membre du conseil de l’institution chrétienne doit d’abord veiller sur lui-même ; puis le conseil doit, lui aussi, veiller ensemble à demeurer un « corps » : un corps uni dans la diversité de ses talents et des services qu’il rend, corps dans lequel chacun peut manifester ses dons ; un corps aussi où chacun de ses membres sait, et découvre, à quel point les autres lui sont nécessaires ; un corps où ne règne pas la jalousie mais au sein duquel, « si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui ou si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1Co 12.26).

C’est pour cette raison que le simple accord doctrinal ne suffit pas à ce qu’un conseil constitue un véritable corps. Il doit s’y trouver également un accord psychologique, union établie et maintenue par un amour commun, amour réciproque, amour qui n’est pas envieux, qui ne se vante pas, qui n’est pas facilement provoqué, qui ne soupçonne pas le mal mais qui se réjouit dans la vérité (1Co 13.4-7).

Au sein de ce corps, chacun travaille à être attentionné envers les autres et, là où un tel souci du bien de tous excelle, l’humilité, la bonté, le soutien mutuel, pour tout dire la nouthesia peuvent croître. Ce sont ces qualités qui déterminent le caractère véritablement chrétien de l’institution. Ainsi la vérité y est proclamée dans l’amour et « le corps tout entier bien ordonné et cohérent, grâce à toutes les jointures qui le soutiennent fortement, tire son accroissement dans le mesure qui convient à chaque partie, et s’édifie lui-même dans l’amour » (Ep 4.15-16). Si parfois il peut s’y manifester un mouvement de colère, le jour ne se termine pas sans confession, sans correction fraternelle, et sans pardon mutuel (cf. Ep 4.26 ; Mt 5.21 ; Lc 17.3-4, etc.).

V. L’hypomonè ou la persévérance

Toute institution chrétienne, dès le moment où sa qualification de « chrétienne » est authentique, devient l’objet de menaces et d’attaques de la part de l’Ennemi. Sa situation, même si elle peut paraître stable et paisible, n’est jamais neutre. La stratégie du démon ne manque jamais d’imagination, car tous les moyens lui paraissent bons : guerre froide ou guerre déclarée ; actions ouvertes ou camouflées ; agressions provenant de l’extérieur ou de l’intérieur. Nous devons toujours veiller à ne pas nous laisser endormir ; nous devons toujours nous tenir sur nos gardes, sur le qui-vive, sur les remparts, prêts à agir, veillant sur tout avec la plus grande attention. Veillez et priez… veillez et priez est le mot d’ordre permanent, tant de Jésus que de ses apôtres ; c’est celui que toujours nous devons mettre en pratique.

Dans le Nouveau Testament, nous découvrons une vertu très spéciale nommée hypomonè dont la tâche est de rendre parfaits la foi, l’amour et l’espérance.

Confrontés aux menaces et aux stratagèmes des puissances démoniaques, il nous faut exercer l’hypomonè. Dans nos versions, ce mot grec est traduit de diverses manières : endurance, patience ou persévérance. Son étymologie est éclairante : hypo, dont le sens est « dessous », et le verbe menô qui signifie « tenir ». Exercer l’hypomonè consiste donc à « tenir dessous », autrement dit, « supporter ».

Mais que nous faut-il alors supporter ? Deux choses sont à supporter : tout d’abord les épreuves par lesquelles Dieu cherche à éprouver notre foi – comme le feu trempe l’acier (1P 1.6-7) – mais aussi l’écoulement du temps, la durée nécessaire au plein accomplissement du mystère divin (1Th 5.1ss ; 2Th 2.1ss). En ce qui concerne les épreuves, hypomonè désigne principalement l’endurance du chrétien ; en ce qui concerne le temps qui s’écoule, l’hypomonè signifie la patience qui le caractérise ; et, pris ensemble, endurance et patience constituent la persévérance.

Afin de pouvoir « tenir dessous », « supporter », exercer l’endurance, la patience et la persévérance, il nous faut être forts. Mais, dans la condition qui est la nôtre ici-bas, comme nous l’avons affirmé, nous sommes faibles en nous-mêmes. Nous ne pouvons donc être forts si ce n’est par la puissance qui nous est donnée et renouvelée d’en haut (Dt 8.18 ; Es 14.29-31), par cette puissance qui vient du Saint-Esprit, force céleste qui nous unit à Jésus-Christ, force qui est en Jésus-Christ lui-même (Ep 3.16-20). Cette puissance est donnée et renouvelée chez les fidèles qui la demandent, qui implorent Dieu pour la recevoir (Mt 7.7-11) ; c’est le seul moyen qui nous rend capables d’endurer, tant la dureté de l’épreuve que l’usure du temps, et d’en être vainqueurs, cela jusqu’à la fin (1Co 10.13).

VI. L’hypomonè doit caractériser notre foi et la rendre parfaite

Par la vocation qui est la sienne, une institution chrétienne sera confessante. Qu’elle ait adopté une confession ecclésiale reconnue ou que, pour ses propres besoins, elle en ait formulé une nouvelle, l’adoption d’une confession montre, de manière publique, les principes fondamentaux auxquels elle adhère. On y voit aussi, de manière bien visible, les convictions, les principes conformes à la Parole de Dieu auxquels il est nécessaire de tenir pour rester fidèles à la Parole au sein d’une telle institution chrétienne. Être ou devenir membre d’une telle institution implique que l’on accepte de manière sincère, de cœur et sans restriction mentale, telle confession ou déclaration de foi. L’acceptation d’une telle confession ou déclaration est associée à l’engagement de la respecter et de mettre en pratique les principes fondamentaux auxquels on a ainsi souscrit, en confirmant publiquement, comme nous l’avons fait, l’adhésion que nous lui portons.

Il est sans doute plus difficile de respecter et de mettre en pratique de tels principes que de les formuler. Cependant, nous avons l’obligation, nous qui sommes les dirigeants d’une telle institution, de nous engager à un tel respect, à une telle mise en pratique. Pour y parvenir nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres.

Cependant l’histoire, même la plus récente, nous montre qu’une telle loyauté, même au niveau le plus élémentaire, n’est, ou n’est plus, à la mode, pour bon nombre de ceux qui s’engagent comme membres de nos institutions chrétiennes. Nous avons vu par le passé, et nous le voyons encore, que bien des personnes ne souscrivent aucunement de cœur et sincèrement aux principes essentiels de l’institution chrétienne à laquelle ils cherchent à adhérer. Ils souhaitent cependant en faire partie et sont même d’accord, lorsqu’on le leur demande, pour signer des promesses de fidélité aux principes inscrits dans ces formulaires, principes auxquels ils n’adhèrent pas.

Nous avons aussi vu, et nous voyons encore, des personnes qui désirent rester membres d’institutions chrétiennes – parfois ils y détiennent même des postes importants – alors qu’ils ne croient plus que soit vrai l’un ou l’autre des principes essentiels de cette institution. Certains d’entre eux ne paraissent guère se rendre compte du caractère hypocrite d’une telle situation, tandis que d’autres camouflent de manière volontaire leurs convictions et leurs buts. Mais qu’il s’agisse d’accéder à une position (ou de s’y maintenir tout en gardant des convictions autres que celles sur lesquelles est fondée cette institution) ou de chercher de manière subversive à détruire l’institution en question, nous avons pu observer, et nous continuons d’observer, qu’il existe des hommes perfides qui sont capables d’adhérer publiquement à des principes qu’ils sont secrètement décidés à combattre et à renverser.

De telles manœuvres, qu’elles soient hypocrites ou subversives, constituent de réelles menaces contre l’intégrité du caractère chrétien des institutions chrétiennes. Que ce soit, pour certains, par une « force d’inertie » qui pèsera lourdement sur la vie de l’institution et finira par la paralyser, ou que ce soit, pour d’autres, par l’action subversive d’une véritable « cinquième colonne » opérant à l’intérieur de l’institution afin de la pervertir, la menace demeure.

Lorsque l’institution est confrontée à ces menaces autrement plus dangereuses venant de l’intérieur, seules l’hypomonè, la persévérance et la foi peuvent être victorieuses. Cela se produira, d’une part, par un retour durable et ardent des fidèles à l’enseignement de l’Écriture et à la prière, et, d’autre part, par l’application correcte de la discipline.

Dans un esprit de loyauté, sans crainte à l’égard des principes de l’institution, étroitement unis aux Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, ses membres fidèles et responsables doivent demander à être sanctifiés par la Parole de Dieu qui est la Vérité (Jn 17.17). Ils doivent être fondés et demeurer dans la foi (Col 1.23). Ils doivent résister, fermes dans la foi (1P 5.9), et retenir fermement jusqu’à la fin leur assurance première (Hé 3.14). Ils doivent, en même temps, rejeter les enseignements des faux docteurs (2P 2.1ss), qui tordent le sens des Écritures (2P 3.17), qui sont de chez nous mais qui ne sont pas des nôtres (1Jn 2.1) ; qui sont des impies qui changent en dérèglement la grâce de notre Dieu (Jude 4).

Mais si le combat spirituel de l’hypomonè, de la persévérance et de la foi, cherche avec les armes de la Parole de Dieu et de la prière à fortifier les fidèles, l’hypomonè nous supplie d’être également remplis de courage afin de pratiquer une nécessaire discipline, cela au cœur même de l’institution sur laquelle nous avons été placés comme dirigeants responsables. Ni l’amitié, ni l’appréciation que nous pouvons porter à certaines qualifications ou diplômes académiques, ni même, et cela davantage encore, (nous y reviendrons) des considérations de prestige ou d’argent, ne doivent nous empêcher d’agir. Il convient d’abord d’avertir, une première et une seconde fois seul à seul, puis en conseil, et enfin d’exclure, s’il ne manifeste aucune repentance ou réparation, celui qui se montre notoirement infidèle aux principes fondamentaux de l’institution chrétienne dont nous avons reçu la charge (voir Mt 18.14-20).

La lâcheté et le relâchement en matière de discipline sont peut-être plus graves encore que le mépris ou rejet ouvert de celle-ci. Les lettres aux Églises de Pergame et de Thyatire, dans le livre de l’Apocalypse (Ap 2.14-16, 20-22), montrent clairement que Dieu nous demande de nous repentir de certaines tolérances intolérables, afin ne pas laisser le champ libre aux séducteurs des saints.

Prenons garde à toute fausse incitation à l’amour, à la paix et à la liberté, lorsque nous commençons à en appeler à la nécessité d’exercer la discipline.

Je parle ici de « fausse incitation à l’amour », car ce n’est ni aimer Dieu, ni aimer nos frères, que d’abandonner, par notre relâchement, l’institution chrétienne aux activités subversives et à la puissance de l’Ennemi, et se la laisser se transformer en son contraire. En revanche, c’est par amour pour Dieu et pour nos frères que nous devons savoir comment exercer au moment opportun une discipline équitable.

Je parle ici de « fausse incitation à la paix », car il ne peut y avoir de paix véritable là où on capitule face à l’Ennemi par toutes sortes de compromis et de concessions ; là où on abandonne la vérité des Écritures en la laissant être contestée et rejetée ; là où la portée exacte d’une proposition divine clairement formulée est livrée à ses adversaires afin d’être réduite à rien ou carrément niée, cela au nom d’hypothèses philosophiques ou scientifiques avancées par des hommes. C’est au contraire dans le but louable de rétablir la paix véritable, troublée pour un temps par l’erreur, qu’il nous faut exercer cette discipline indispensable.

Je parle ici de « fausse incitation à la liberté », car il est important de savoir de quel côté se trouve vraiment la liberté légitime. Se trouve-t-elle du côté de ceux qui méprisent les principes fondamentaux auxquels ils ont souscrit, ceux de l’institution chrétienne à laquelle ils prétendent appartenir, bafouent sa tradition fidèle et vivante, méprisent les sacrifices consentis par ses fondateurs, ses membres et ses amis, et minent ou attaquent de l’intérieur la foi particulière confessée par cette institution ? Ou se trouve-t-elle du côté de ceux qui respectent les principes fondamentaux de cette institution dont ils ont la charge, dans la fidélité à sa tradition, et qui, au prix de nouveaux sacrifices, exercent la discipline dans le seul but de maintenir l’institution chrétienne dans la voie qu’elle avait choisie lors de sa création ?

VII. L’hypomonè doit caractériser notre amour et le rendre parfait

Au cœur même de l’Écriture sainte se trouve le commandement relatif à l’amour. De la même façon que nous devons, par la foi, persévérer dans les épreuves, il nous faut aussi persévérer dans l’amour. S’il est vrai qu’une foi authentique a pour fruit, dans notre cœur, un amour sincère pour Dieu et notre prochain, il est tout aussi vrai que les idoles qui menacent l’institution chrétienne nous invitent constamment à les préférer à Dieu : les idoles du nombre, de l’argent, de la science, du pouvoir…

« Petits enfants gardez-vous des idoles » (1Jn 5.21). C’est ainsi que nous exhorte saint Jean à la fin de sa première épître, lettre si largement consacrée à « l’amour ». « Le monde » – dans le sens précis que Jean attribue à cette expression – aime le nombre, l’argent, la science, le pouvoir plutôt que Dieu. Toutes ces idoles fascinent le monde, le séduisent, l’entraînent. Saint Jean écrit encore : « N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie, ne vient pas du Père, mais vient du monde. Et le monde passe et sa convoitise aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. » (1Jn 2.15-17) Nous ne pourrons jamais dire à quel point le caractère chrétien des institutions chrétiennes a été endommagé, corrompu et finalement détruit parce que l’amour de l’une ou l’autre de ces idoles (le nombre, l’argent, la science, le pouvoir) a prévalu sur l’amour de Dieu. L’adultère spirituel commence au moment même où nous fixons le regard sur une idole et la désirons. Rappelons-nous que « l’œil est la lampe du corps » (Mt 6.22).

Ne devons-nous pas souhaiter que l’institution chrétienne croisse en nombre ? Sûrement ! Mais ne nous précipitons pas. Il faut être conscient qu’avec ce souhait peuvent apparaître les menaces liées à l’idole du nombre. C’est certes une bonne chose que de prier pour le développement normal de l’institution chrétienne et de nous en réjouir lorsque nous l’observons, mais nous pouvons très rapidement courir le risque de chercher la croissance numérique pour elle-même, au prix de toutes sortes de concessions : dans le domaine de la publicité, par exemple, qui devient mensongère ; ou dans le domaine des qualifications exigées pour devenir membre de l’institution, qui sont revues à la baisse.

La croissance qu’il nous faut demander à Dieu et rechercher avant tout est une croissance dans la grâce et la vérité. Il est triste de constater que là où on a fait de la croissance numérique une priorité, on y est souvent parvenu au détriment du caractère véritablement chrétien de l’institution. La raison de cette dérive est évidente : les membres de l’institution se réjouissent davantage du nombre que de la vérité.

De plus, dans une institution qui grandit excessivement, les relations sociales (par exemple, dans une institution éducative, le rapport entre professeurs et étudiants) ont tendance à se déshumaniser et, par conséquent, à perdre leur caractère spécifiquement chrétien. Le système administratif de l’institution prend un poids de moins en moins supportable. Lorsqu’une institution devient trop grande, il est certainement préférable d’en créer une deuxième. Le caractère chrétien d’une telle institution exige l’existence de la communion fraternelle dans la prière, dans la réflexion et la collaboration, dans la prise d’initiatives. Le trop grand nombre menace inévitablement le maintien et le développement d’une telle communion fraternelle.

Eh bien, nous dit-on encore, une institution chrétienne ne doit-elle pas disposer de moyens pour vivre ? L’institution chrétienne n’a-t-elle pas besoin de bâtiments, de bibliothèques et d’argent pour payer ses dirigeants ? Sans doute ! Mais nous devons ici aussi veiller à ce que l’argent ne devienne pas une idole. Nous ne pouvons aimer et servir, en même temps, Dieu et Mammon (Lc 16.13). Ce n’est pas sans cause que la Bible nous parle de richesses injustes (Lc 16.13) ou de richesses pourries (Jc 5.2) et que Jésus lui-même maudit ceux qui trouvent leur paraklesis, leur consolation, leur réconfort et leur assurance, dans leurs richesses (Lc 6.24), au lieu de la trouver dans le paraklete véritable, Jésus-Christ, ainsi que dans l’autre paraklete, le Saint-Esprit (Jn 14.16).

La pauvreté n’est certes pas une chose à souhaiter : il nous faut pouvoir disposer de ce qui nous est nécessaire. Et Dieu sait bien ce dont nous avons besoin. Mais l’amour de l’argent a toujours un caractère effrayant : c’est bien par amour de l’argent que certaines institutions chrétiennes ont perdu leur caractère chrétien, par les compromis ainsi rendus nécessaires, ainsi que par l’égoïsme et l’envie suscités par la prospérité de l’institution.

Nous devons nous rappeler que c’est par crainte de manquer de quelque chose qu’Israël, dans le désert, a murmuré contre Dieu (Ex 15.4, 19, 20 ; Nb 11). Jésus ordonne à son peuple de ne pas se faire du souci pour le lendemain (Mt 6.19, 34), mais de rechercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice (Mt 6.33). Il se peut que, dans certaines circonstances, Dieu nous ordonne de prendre des précautions (Gn 6.21, 41 ; Lc 22.39), mais notre devoir normal (qui, pour notre nature pécheresse, est certes un devoir extraordinaire !) n’est autre, d’après le titre d’un ouvrage d’Isabelle Rivière, que le devoir d’imprévoyance[4]. Cela parce que nous sommes, en Jésus-Christ, les enfants adoptifs du Dieu souverain, Seigneur qui, dans sa sagesse, dans sa bonté et dans sa toute-puissance, sait, prédestine et prévoit tout ce dont nous avons besoin. Une bonne « économie » consiste alors à faire bon usage de ce que Dieu nous donne, pour sa gloire et selon ses promesses et ses commandements, jour après jour, mois après mois, année après année, étant parfois riche, mais sans aimer les richesses ; étant parfois pauvre, mais sans récrimination ni envie ; demeurant toujours dans l’amour de Dieu et dans la pratique des œuvres suscitées par sa grâce.

Salomon le disait déjà : « Celui qui se confie dans ses richesses tombera. » (Pr 11.28) Mais celui qui est plus grand que Salomon dit à ses disciples : « Mes enfants, qu’il est difficile à ceux qui ont des biens d’entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (Mc 10.24-25 ; Lc 18.24-25) Ce fut principalement par générosité, par amour pour Dieu, que tout un peuple de paysans réformés aux Pays-Bas, donna à Abraham Kuyper – mais à Dieu d’abord ! – les moyens nécessaires, il y a plus d’un siècle, pour créer l’Université libre d’Amsterdam. Ce fut aussi par amour pour Dieu que les premiers professeurs de cette institution chrétienne acceptèrent de recevoir un salaire plus modeste que celui auquel ils auraient pu prétendre ailleurs (2Co 9.7-13).

Eh bien, nous dit-on encore, n’est-il pas souhaitable que l’institution chrétienne puisse disposer de personnes compétentes pour occuper ses postes les plus élevés ? Dans un établissement d’éducation chrétienne, par exemple, les professeurs ne doivent-ils pas être aussi savants que possible ? Sans doute ! Mais la science ne doit pas devenir une idole. Dieu veut être reconnu comme Seigneur et Sauveur dans tous les domaines, y compris celui de la science. Prenons garde ! L’amour de la science, dressé à tort comme absolu, ne doit pas nous détourner de l’amour de Dieu.

En fait, le fétichisme scientifique, au lieu d’accroître et d’améliorer notre connaissance, comme il a la prétention de le faire, la réduit et finit par l’anéantir ; pire encore, il déforme et dégrade toute véritable connaissance et ce, d’autant plus que celle-ci dispose de moyens et d’instruments toujours plus efficaces. Ainsi, les techniques remarquables (hélas !) au service de l’idole Science, au lieu de servir le Dieu vivant, finissent par susciter une dépersonnalisation abominable de l’homme créé à l’image de Dieu. Disons-le sans ambages : certaines « expériences » biologiques, psychanalytiques, politiques ou herméneutiques pratiquées de nos jours ont un caractère clairement marqué d’un sceau spécifiquement démoniaque.

Et cependant, nous voyons des membres dirigeants des institutions chrétiennes donner une place toujours plus grande à un fétichisme scientifique si dégradant, sans même chercher à savoir ce qu’il en est véritablement. Ils le font, soit par souci d’une apologétique académiquement conformiste et donc viciée, soit par désir de se faire admettre dans les cercles supérieurs du savoir, tel qu’il est reconnu par l’Académie en place. C’est ainsi que, dans différents domaines, ces membres dirigeants des institutions chrétiennes sont prêts à reconnaître et à admettre des dogmes chrétiennement interdits, contraires aux enseignements de la révélation scripturaire.

Eh bien, nous dira-t-on enfin, ne doit-on pas souhaiter que l’institution chrétienne ait un impact, gagne en influence, tant dans l’Église que dans le monde ? Sans doute ! Mais le pouvoir menace aussitôt de devenir une idole.

Nous vivons un temps où partout est prêché le dogme de l’efficacité. Sous couvert d’efficacité, les États et les partis tendent à devenir toujours plus totalitaires. Livré à la propagande et à la publicité sous toutes leurs formes, qui déversent partout leurs sons et leurs images, l’homme s’y abandonne, se laisse de plus en plus absorber. Sous prétexte de « formation continue », beaucoup sont manipulés par des techniques dites de « groupe » ; bien d’autres encore sont réduits à l’état d’esclavage par des drogues, tant sur le plan intellectuel que psychochimique.

L’hypomonè, la persévérance dans l’amour, doit expulser de l’institution chrétienne, ainsi menacée, toute forme abusive de pouvoir et rejeter avec force toute espèce de considération à son égard ; et ce au nom et par la puissance du Seigneur, ainsi que pour son honneur. Car il ne traite jamais les humains comme des marionnettes, mais il règne sur eux de manière souveraine, tout en les considérant comme des êtres responsables, créés à son image, tant dans les manifestations de sa grâce que dans les jugements qu’il exerce sur eux.

Il y a aussi des procédés, des méthodes, des manières d’être et d’agir que les institutions chrétiennes et leurs membres doivent répudier s’ils ne veulent pas perdre leur caractère propre.

– Témoignage ? Oui. Mais par la manipulation des consciences ? Non !

– Éducation ? Oui. Mais par le lavage de cerveau ? Non !

– Fermeté ? Oui. Mais dans un esprit sectaire d’exclusion ? Non !

C’est en prenant le risque de la responsabilité véritable et, par conséquent, de la liberté et de la dignité humaine – dans la foi en celui dont le règne contrôle chaque risque – que l’institution chrétienne peut éviter de capituler devant les menaces de l’idole Pouvoir.

VIII. L’hypomonè doit caractériser notre espérance et la rendre parfaite

Il existe un rapport encore plus étroit encore – si cela est possible ! – entre hypomonè et espérance qu’entre hypomonè et foi, ou même qu’entre hypomonè et amour. Un rapport si étroit que dans la réalité de notre vie chrétienne, hypomonè et espérance finissent par se confondre. C’est pour cette raison que nous voyons plusieurs fois, dans le Nouveau Testament, la trilogie de la foi, de l’espérance et de l’amour être remplacée par une autre trilogie : la foi, l’espérance et l’hypomonè (2Th 1.3-4 ; 1Tm 6.11 ; 2Tm 3.10 ; Tt 2.2 et Ap 2.19).

Comment pourrait-on endurer l’épreuve sans l’espoir d’une victoire certaine de l’amour de Dieu sur les forces ennemies ; sans l’espérance que donne la vraie foi et qui la nourrit (Hé 11.1) ? Les fidèles continuent, endurent et persévèrent parce qu’ils savent, par grâce, au moyen de la foi, qu’ils ne seront pas trompés, que leur attente patiente sera, tôt ou tard, récompensée et cela au-delà de toute mesure. La foi, la persévérance, l’espérance. Ces trois, pour le fidèle, forment un tout ; c’est aussi de cette manière qu’ils endurent l’épreuve jusqu’au bout (2Co 6.4-10).

Les menaces contre le caractère chrétien de l’institution chrétienne ne peuvent jamais faire perdre courage à ceux qui ont la responsabilité de cette institution, pour autant qu’ils s’exercent, et s’encouragent les uns les autres à l’hypomoné de la foi, de l’amour et de l’espérance. Lorsque ces menaces, provenant de l’extérieur, deviennent plus fortes, elles peuvent, dans certains cas, aboutir à l’interdiction, à la suppression d’une institution chrétienne. Nous avons vu cela en France avec la révocation de l’Édit de Nantes (1685). Nous avons vu cela, et nous le voyons encore au xxe siècle dans les pays totalitaires. Mais ces menaces extérieures n’ont jamais pu effacer le caractère chrétien de l’institution chrétienne.

Les seules véritables menaces contre le caractère chrétien de l’institution chrétienne sont celles qui naissent à l’intérieur, celles qui sont intériorisées, celles qui impliquent la responsabilité des membres de cette institution et, tout particulièrement, celle des membres dirigeants eux-mêmes. Pendant qu’il est encore temps, c’est-à-dire tant que l’institution n’est pas encore parvenue à ce stade ultime où elle rejette elle-même ouvertement ses principes fondamentaux, tant qu’elle n’a pas encore entièrement perdu son caractère chrétien, les membres fidèles doivent contre-attaquer, se fortifier par la prière sur le roc de la Parole de Dieu, demandant qu’une juste discipline soit exercée contre les membres infidèles.

Et si, dans une institution ou dans une autre, ce sont les méchants, les infidèles, les apostats, qui remportent le combat, alors les membres fidèles ont le devoir devant Dieu de partir, avec tristesse mais sans désespoir, sachant que le Seigneur, celui qui est toujours fidèle à son alliance de rédemption, établira bientôt, quelque part, une institution nouvelle pour reprendre le flambeau.

Dans chaque cas, la pratique de l’hypomonè doit être poursuivie, et elle le sera.

« Fortifiez-vous et que votre cœur s’affermisse,

Vous tous qui vous attendez à l’Éternel. »

Ps 32.25


[1] Pierre Courthial, « Threats to the Christian character of the Christian institution » in Christian Higher Education. The Contemporary Challenge. Proceedings of the First International Conference of Reformed Institutions for Christian Scholarship, Potchefstroom 9-13 September 1975, Institute for the Advancement of Calvinism, Potchefstroom (Afrique du Sud), 1976, p. 44-56. Texte retraduit en français à partir de l’unique version anglaise, par Jean-Marc Berthoud (avec l’aide de Valérie Berthoud), juillet 2013.

Cet article est tiré de Contre vents et marées. Mélanges offerts à Pierre Berthoud et Paul Wells, sous dir. Jean-Philippe Bru, Kerygma/Excelsis, Aix-en-Provence/Charols, 2014, p. 211-231, avec permission.

[2] P. Courthial (1914-2009), pasteur de l’Église réformée de France, notamment à Paris, rue de l’Annonciation, a assumé la fonction de doyen de la Faculté Jean Calvin (anciennement Faculté libre de théologie réformée) d’Aix-en-Provence, où il a enseigné la théologie pratique et l’apologétique. À côté de nombreux articles, notamment dans La Revue réformée et la revue Ichthus, il est l’auteur de Fondements pour l’avenir, Le jour des petits recommencements et De Bible en Bible, trois ouvrages de réflexion théologique où il a exposé, avec vigueur et originalité, des convictions fondées sur la Bible reconnue pour ce qu’elle dit être : la Parole inspirée de Dieu.

[3] N.D.E. : rappelons que cette conférence a été prononcée en 1975.

[4] I. Rivière, Sur le devoir d’imprévoyance (petit traité d’économie pratique). Trois parties : I. Contre la prévoyance matérielle ; II. Contre la prévoyance spirituelle ; III. Contre l’économie de soi-même, Paris, Cerf, 1933.

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Actualité de Chalcédoine http://larevuereformee.net/articlerr/n253/actualite-de-chalcedoine Mon, 29 Aug 2011 19:27:05 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=731 Continuer la lecture ]]> Actualité de Chalcédoine[1]

Pierre COURTHIAL

Du 8 octobre au 1er novembre 451 se tint à Chalcédoine, en Asie Mineure, en face de Constantinople, un concile œcuménique qui, sur le fondement de l’Ecriture Sainte-Parole de Dieu, confessa la Foi orthodoxe en ces termes:

« Nous enseignons tous unanimement
Un seul et même Fils notre Seigneur Jésus-Christ, 
le même parfait quant à Sa divinité,
le même parfait aussi quant à Son humanité,
vrai Dieu et aussi vrai homme…
consubstantiel au Père par Sa divinité,
consubstantiel à nous par Son humanité,
en tout semblable à nous, le péché excepté ;
engendré du Père, avant tous les siècles, quant à Sa divinité ;
quant à Son humanité né pour nous, dans les derniers temps, de la vierge Marie, mère de Dieu ;
nous confessons un seul et même Christ Jésus Fils unique
que nous connaissons être en deux natures
sans qu’il y ait entre elles
ni confusion, ni transformation, ni division, ni séparation,
car la différence des deux natures
n’est nullement supprimée par leur union ;
tout au contraire les propriétés de chacune sont sauvegardées
et subsistent en une seule personne et une seule hypostase… »

C’est en suite et au terme d’un long combat spirituel, d’une attentive méditation de la Parole de Dieu, et pour proclamer la gloire mystérieuse, évidente pour la foi, de l’unique Seigneur et Sauveur, que nos « pères » du Concile de Chalcédoine ont énoncé ce Credo orthodoxe qu’ont ratifié nos « pères » des confessions de foi de la Réformation sans aucune hésitation ; voici, par exemple, ce que déclare la confession réformée en France de 1559 :

« Nous croyons que Jésus-Christ, étant la Sagesse de Dieu et Son Fils éternel, a revêtu notre chair afin d’être Dieu et homme en une même personne, et un homme semblable à nous, capable de souffrir dans Son corps et dans Son âme, ne différant de nous qu’en ce qu’il a été pur de toute souillure.

Quant à Son humanité, nous croyons que le Christ a été l’authentique postérité d’Abraham et de David quoiqu’il ait été conçu par l’efficace secrète du Saint-Esprit. Ce faisant, nous rejetons toutes les hérésies qui, dans les temps anciens, ont troublé les Eglises.

Nous croyons qu’en une même personne, à savoir Jésus-Christ, les deux natures sont vraiment et inséparablement conjointes et unies, chacune d’elles conservant néanmoins ses caractères spécifiques, si bien que, dans cette union des deux natures, la nature divine, conservant sa qualité propre, est restée incréée, infinie et remplissant toutes choses, de même que la nature humaine est restée finie, ayant sa forme, ses limites et ses propres caractères.

En outre, quoique Jésus-Christ, en ressuscitant, ait donné l’immortalité à Son corps, nous croyons toutefois qu’Il ne l’a pas dépouillé de la réalité propre à Sa nature humaine. »

Nous considérons donc le Christ en Sa divinité de telle sorte que nous ne Le dépouillons point de Son humanité.

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Si nos pères de la Réformation ont pleinement repris les affirmations de nos pères de Chalcédoine, c’est qu’au XVIe siècle comme au Ve siècle il s’est agi, fondamentalement, du même combat spirituel. Certes, entre temps, les circonstances et le mode des questions avaient changé ; mais, sous d’autres formes, c’est le même conflit qui se poursuivait entre deux religions: la religion humaniste avec son affirmation insensée et mortelle du salut de l’homme par l’Homme et la religion chrétienne avec son affirmation, fidèle à la révélation biblique, du salut de l’homme par Dieu.

A Chalcédoine, l’Eglise a confessé que son Sauveur n’est autre que Dieu lui-même. Conformément aux Ecritures, elle a confessé, sans admettre la moindre atténuation (toute atténuation reviendrait sur ce point à une négation !) l’identité du Sauveur Jésus-Christ comme véritablement Dieu.

Les termes grecs employés : homoousios (consubstantiel), physeis (nature), prosôpon (personne), asynchutôs (sans confusion), atreptôs (sans transformation), adiairetôs (sans division), achôristôs (sans séparation), loin d’être, comme d’aucuns l’ont prétendu ou le prétendent, une preuve de la pénétration d’une métaphysique grecque dans la pensée chrétienne, pétrifiant et mutilant celle-ci par des définitions froides et négatives, cernent, avec la meilleure (jusqu’à présent !) précision possible, le mystère de l’incarnation de Dieu (pour nous et pour notre salut !) révélé par la Sainte Ecriture. L’orgueil de la raison prétendument autonome ne se scandalise de la confession et des termes précis de Chalcédoine que parce qu’ils obligent au choix à faire entre le Dieu-Sauveur de l’Ecriture et les mythes ou utopies pseudo-salvateurs qu’imaginent les hommes dans leur refus du vrai Dieu.

Le fait est que chaque fois (jusqu’à présent) que des chrétiens ont prétendu corriger ou améliorer Chalcédoine, aller au-delà de Chalcédoine, ils sont revenus en deçà de Chalcédoine et retombés dans les mêmes vieilles erreurs (baptisées parfois « nouveautés »), antérieures à Chalcédoine.

Certes, la révélation biblique a et aura toujours plus de contenu de sens que les confessions de la Foi orthodoxe de l’Eglise. Mais le progrès dans la confession de foi de l’Eglise ne pourra être poursuivi que dans la direction orientée selon la Parole de Dieu, précisée par Chalcédoine.

Lors de la réformation, dans une nouvelle bataille du conflit permanent entre la religion chrétienne et la religion humaniste, l’Eglise a confessé, une nouvelle fois, que l’homme ne pouvait être sauvé que par Dieu, c’est-à-dire que par grâce. Pas de salut possible par les œuvres. Mais aussi, bien sûr ! et précisément parce que la grâce souveraine de Dieu agit réellement en tous ceux qu’elle conjoint à Jésus-Christ par le moyen de la foi et leur donne d’agir avec gratitude dans une liberté retrouvée, pas de salut possible sans les œuvres, sans le fruit de l’Esprit Saint.

Aujourd’hui, en ce dernier quart du XXe siècle, c’est encore une nouvelle et plus terrible bataille du même conflit permanent entre l’humanisme et la foi chrétienne qui s’est engagée.

L’actualité de Chalcédoine et de la Réformation redevient évidente.

Mais d’abord – et c’est ce que cet article veut souligner – l’actualité de Chalcédoine.

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Toutes les formes diverses de l’humanisme (je désigne par ce terme la religion de l’Homme, avec son idée de salut de l’homme par l’Homme) sont disposées, dans leur refus, leur rejet, leur négation du Dieu Créateur et Sauveur dont parle l’Ecriture Sainte et qui parle avec l’Ecriture Sainte qu’Il a inspirée, à absolutiser n’importe quel relatif, à diviniser n’importe quoi ou n’importe qui. Notre époque n’est pas irréligieuse ; elle est, au contraire, pour toute religion, pour toute relation avec tout prétendu absolu, le seul « irrecevable » pour elle étant la religion chrétienne, la relation au seul vrai Absolu. Notre époque a tous les cultes possibles et imaginables, des plus terre à terre aux plus idéologiques et sophistiqués, sauf le culte du vrai Dieu.

Rien n’est plus à la page que les paroles de S. Paul :

« La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent la vérité captive dans l’injustice, car ce qu’on peut connaître de Dieu est clair pour eux: Dieu le leur a clairement montré.

« En effet les (attributs) invisibles de Dieu, Sa puissance éternelle et Sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans Ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne L’ont pas glorifié comme Dieu et ne Lui ont pas rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs raisonnements et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres.

« Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous; et ils ont remplacé la gloire du Dieu incorruptible par des images… remplacé la vérité de Dieu par le mensonge et adoré et servi la créature au lieu du Créateur qui est béni éternellement. » (Rm 1.18-25)

Chalcédoine renverse les idoles que l’humanisme ne cesse d’ériger et de substituer au Dieu de la révélation. Chalcédoine rejette au néant, dont elles ne devraient jamais sortir, les prétendues divinités auxquelles les hommes, que l’humanisme rend fous, sont prêts à rendre un culte et à confier leurs destins. Chalcédoine, contre toute métaphysique païenne, s’inscrit ainsi dans la vraie tradition des vrais prophètes de l’Ancien Testament et des vrais apôtres du Nouveau Testament.

Le Sauveur Jésus-Christ, ce vrai homme, né d’une femme, né sous la Loi, qui a été tenté, qui a souffert, qui est mort, qui est ressuscité, qui est monté au ciel et qui reviendra, est, en vérité, Dieu, vraiment Dieu, éternellement consubstantiel au Père et à l’Esprit Saint.

Notre Sauveur est Dieu, Dieu seul sauve. C’est le sens même du nom de JÉSUS.

Dans la lumière actuelle de Chalcédoine qui reflète vraiment, quoique partiellement, la lumière actuelle de la Parole de Dieu, nous savons alors, comme il faut bien aujourd’hui le savoir, le dire et le démontrer en tous domaines de l’existence, que l’homme ne peut être sauvé que par Celui qui, étant Dieu – et parce qu’Il est Dieu –, s’est fait homme par amour et par grâce afin de mourir à notre place sous la plus juste malédiction et de ressusciter victorieusement pour que nous ressuscitions en Lui à une vie nouvelle. Il s’ensuit que l’Homme ne peut pas sauver l’homme et que c’est le mensonge de l’humanisme de le dire et de le croire. Ni l’Etat, ni la Science, ni l’Evolution, ni l’Eglise, ni la Révolution, ni l’ONU, rien au monde ne peut sauver l’homme. Loin d’être le salut de l’homme, l’humanisme est la mort de l’homme. Eternellement. Et déjà, temporellement.

Les quatre termes, faussement qualifiés de « négatifs », de Chalcédoine : « sans confusion », « sans transformation », « sans division », « sans séparation », soulignent à la fois la distinction qualitative et l’union qualitative qu’il y a, et qui demeurent, entre la divinité de Dieu et l’humanité de l’homme en l’unique personne de Jésus-Christ.

Alors que pour la pensée humaniste, quels qu’en soient les formes et les avatars, ou bien tout est indifférencié, ou bien toutes les différences ne sont que de degrés, Chalcédoine exprime avec force et netteté la Foi orthodoxe de l’Eglise quand celle-ci est soumise à la Parole de Dieu. La métaphysique grecque ne se trouve aucunement dans Chalcédoine; au contraire, Chalcédoine la dénonce pour la rejeter, parce que Chalcédoine est selon la Bible.

Le salut par Dieu, le salut par grâce, tel est le contenu de sens de la Sainte Ecriture, tel est le contenu de sens de Chalcédoine.

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L’actualité de Chalcédoine n’est pas seulement « théologique ». Elle se répercute en tous domaines: culturel, philosophique, politique, etc. Et ce, pour la simple raison que le salut qu’apporte le Christ Jésus est aussi universel que le péché qui a tout recouvert, pénétré et corrompu.

Parce que l’union personnelle, hypostatique, de Dieu et de l’homme en Jésus-Christ est unique et une-fois-pour-toutes, aucun autre homme et aucune institution humaine (même l’Eglise en tant que corps mystique du Christ, même l’Etat, qui a été établi par Dieu) n’a le droit de prétendre à quelque divinisation. S’il y a le Dieu-homme: Jésus-Christ, il ne peut y avoir d’Eglise déifiée ni d’Etat déifié. Seul, cet homme: le Christ Jésus est vraiment Dieu; et, en Lui, en sa personne, si les deux natures, divine et humaine, sont unies, elles ne le sont que sans confusion et sans transformation. A combien plus forte raison, ces réalités, belles et nécessaires quand elles sont fidèles à leur vocation: l’Eglise, l’Etat, la science, le travail, ne peuvent être, n’ont pas droit à être divinisées.

Ce n’est pas dans l’institution ecclésiale seulement (laquelle, d’ailleurs, ne doit pas être confondue avec l’Eglise-corps mystique de Christ !) et dans la théologie, mais en tous les domaines de son existence, de sa pensée, que l’homme a besoin d’être sauvé, sauvé du Malin, sauvé du péché, sauvé d’une corruption de mort.

Certes rien n’est profane de droit, même si tout est pécheur de fait, car tout est appelé à être « christifié », c’est-à-dire à être justifié et sanctifié en Jésus-Christ; ce Sauveur ayant le droit seigneurial de dire, en droit, de tout: « C’est à Moi ! » Mais la « christification » d’une réalité humaine, en quelque domaine que ce soit, n’est jamais une déification. En notre époque où l’on parle, à tort et à travers, de « sécularisation », contre toute cette sécularisation, mais aussi, à l’inverse, contre toute possible et prétendue déification, Chalcédoine est, plus que jamais, d’une prodigieuse actualité: ni confusion, ni transformation, ni division, ni séparation entre ce qui est du Créateur et ce qui est de la créature !

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Durant les premiers siècles de notre ère, l’Eglise a eu devant elle un Etat impérial qui s’auto-divinisait. Le culte de César n’était pas alors un vain mot: il y eut assez de « martyrs » pour le contre-attester.

Durant le millenium médiéval, ce sont les Etats européens qui, à leur tour, eurent devant eux une Eglise qui s’auto-divinisait, prétendant d’ailleurs gouverner par son souverain pontife un Etat suzerain des autres.

Aujourd’hui, un nombre croissant d’Etats (qu’ils soient de droite, du centre ou de gauche, peu importe !) entendent s’occuper de « tout », c’est-à-dire deviennent de plus en plus totalitaires, avec l’acquiescement complice, et parfois même sous la poussée, d’un grand nombre de citoyens. Dans cette perspective, l’Etat « engloberait » tous les domaines de l’existence humaine qui ne tiendraient leurs quelques droits que de lui seul.

Face à ces prétentions « religieuses » d’un humanisme politique, ensuite ecclésial, puis, de nouveau, politique, Chalcédoine dresse et confesse Celui qui seul est Seigneur et a, de droit, tout pouvoir dans le ciel et sur la terre parce que cet homme, vraiment homme, est, et Lui seul, Dieu vraiment Dieu.

Le fondement de toutes les libertés et libérations vraies et légitimes, de quelque ordre qu’elles soient, est en Celui dont témoigne, fidèle à l’Ecriture Sainte, Chalcédoine. Devant Lui s’effondrent toutes les prétentions des hommes et des institutions humaines à une autorité autonome.

Quand des Eglises, pour leur jugement et pour leur malheur, rejettent Chalcédoine, elles rejettent du même coup la souveraineté du Dieu trinitaire, et de Sa parole, sur l’histoire du monde et l’existence des hommes et, par suite, deviennent complices des humanistes qui veulent (et croient), eux, « faire l’histoire » souverainement en confisquant les libertés des hommes et en manipulant ceux-ci.

Tandis que la mystérieuse souveraineté du Dieu trois fois saint établit la liberté et les libertés des hommes et que celles-ci ne tiennent leur réalité et leur sens que de Lui, selon Son dessein éternel et immuable, la prétendue souveraineté autonome et arbitraire des hommes ne tend (même au nom de la « Liberté ») qu’à supprimer les libertés.

Les « chrétiens » qui rejettent Chalcédoine en viennent forcément à n’avoir plus qu’un faux-Christ qui n’a plus de Christ que le mot, qu’un « Christ » immergé dans l’histoire temporelle et confondu avec elle, qu’un « Christ » qui n’est plus le vrai Dieu qui S’est fait homme, vraiment homme, par amour et par grâce, mais l’Homme – symbole d’une humanité imaginée – qui se fait dieu par orgueil. Au vrai Jésus-Christ, au Jésus historique de la Bible, est alors substitué tel pseudo-Christ de la religion humaniste; et la prétendue «  démythologisation » du Christ Jésus de la Sainte Ecriture n’aboutit en fait qu’à remplacer Celui-ci par tel Jésus « mythique », à la mode de telle ou telle forme d’humanisme, selon les Idées et les Pouvoirs de telle ou telle époque.

En la personne une du Christ – vraiment Dieu et vraiment homme – la nature divine créatrice et législatrice ne se confond pas avec la nature humaine créée et obéissante. La Loi parfaite de Dieu nous est ainsi révélée tant dans la souveraineté de Celui qui ordonne que dans l’obéissance de Celui qui se range à la volonté qu’il reconnaît au-dessus de la sienne. L’union des deux natures est ainsi totale sans qu’il y ait ni transformation, ni confusion.

Nos existences d’hommes libres et responsables (mais non pas « autonomes » !) n’ont de réalité et de sens que parce qu’elles ne dépendent, pour le jugement et pour la grâce, pour la grâce et pour le jugement, que de Dieu seul, et que ni le hasard, ni la nécessité, ni l’Etat, ni l’Eglise, ni rien d’autre ne peut nous dépouiller de notre dignité de créatures-images de Dieu, souillées par le péché mais appelées au salut qui est en Jésus-Christ.

L’Eglise contemporaine se trouve acculée à un choix: entre les divers saluts utopiques qu’une nouvelle fois nous propose l’humanisme et le salut que nous présente et que donne aux siens, la Parole de Dieu, le Christ confessé par Chalcédoine.


[1] Revue Ichthus, N° 116 (1983), 27-32.

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Dieu, un et pluriel http://larevuereformee.net/articlerr/n253/dieu-un-et-pluriel Mon, 29 Aug 2011 19:27:05 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=732 Continuer la lecture ]]> Dieu, un et pluriel[1]

Pierre COURTHIAL

A la question : « Puisqu’il n’y a qu’une seule Essence divine (un seul Etre divin), pourquoi parles-tu du Père, du Fils et du Saint-Esprit ? », le Catéchisme de Heidelberg (1563) répond : « Parce que Dieu s’est révélé de telle manière dans sa Parole que ces trois Personnes distinctes sont le seul Dieu vrai et éternel. »

Et la Confession de foi des Eglises réformée en France (1559) précise : « Cette Ecriture Sainte nous enseigne qu’en cette seule et simple Essence divine que nous avons confessée il y a trois Personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; le Père première cause, principe et origine de toutes choses ; le Fils, sa Parole et Sagesse éternelle ; le Saint-Esprit, sa force, puissance et efficace ; le Fils éternellement engendré du Père ; le Saint-Esprit procédant éternellement de tous deux ; les trois Personnes non confondues mais distinctes, et toutefois non divisées mais d’une même essence, éternité, puissance et égalité. Nous acceptons donc sur ce point ce qui a été déterminé par les Conciles anciens et repoussons toutes sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs comme saint Hilaire, saint Athanase, saint Ambroise et saint Cyrille. »

I

L’Eglise n’a confessé et ne confesse la Trinité des Personnes divines dans l’unité et la simplicité absolues de l’Essence de Dieu que « parce que Dieu s’est révélé de telle manière dans sa Parole », que parce que « l’Ecriture Sainte nous enseigne » ainsi. C’est parce que l’Eglise, « colonne et appui de la Vérité » (1Tm 3.15), a fidèlement écouté, suivi, la Parole de Dieu sûre et certaine qu’est l’Ecriture Sainte qu’elle a dit sa foi en la Trinité. C’est parce qu’elle a cru humblement ce que Dieu révèle de Lui-même dans sa Parole qu’elle a ainsi parlé.

Et si le mot « Trinité » ne se trouve nulle part dans la Sainte Ecriture, son contenu de sens, tel qu’il a été explicité tant dans les Confessions de foi œcuméniques des premiers siècles que dans celles de la Réformation, est rigoureusement scripturaire.

L’Eglise fidèle à la Parole de Dieu ne croit pas en un Dieu inconnaissable et inconnu dont alors elle ne pourrait et ne devrait rien dire. Elle croit en Celui qui se fait réellement connaître (bien qu’en partie seulement bien sûr ! et non pas exhaustivement !). Si les hommes sont inexcusables de ne pas « voir » la puissance éternelle et la divinité de Dieu en considérant ses œuvres (Rm 1.18ss), ce Dieu qu’ils n’ont pas glorifié et voulu servir et qui est « une seule et simple Essence spirituelle, éternelle, invisible, immuable, infinie, incompréhensible, ineffable, qui peut toutes choses, qui est toute sage, toute bonne, toute juste et toute miséricorde » (Confession de foi de 1559, art. 1), s’est plus clairement encore révélé par la Parole qui nous enseigne non seulement Ses « traits de caractère » – Ses « vertus » (1P 2.9) – et Ses œuvres de création et de salut, mais la distinction réelle et les inter-relations, en Lui, des Personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Certes, Dieu est incompréhensible, c’est-à-dire qu’Il dépasse infiniment ce que nous pouvons connaître de Lui par notre intelligence, même régénérée, mais tout ce qu’Il nous dit de Lui par Sa Parole est intelligible.

Une doctrine chrétienne comme celle de la Trinité ne vise pas à expliquer (et ne risque pas d’expliquer !) l’inexplicable mais s’efforce d’exposer, le plus fidèlement et le plus intelligemment possible, ce que Dieu dit par l’Ecriture Sainte.

II

L’Ancien Testament souligne avec force l’unité, l’unicité et la simplicité de Dieu. C’est ce que résume l’affirmation lapidaire : « Ecoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est UN ! » (Dt 6.4) et cependant, dès les premières pages de la Genèse, le même Ancien Testament nous parle de ce Dieu UN comme étant aussi PLURIEL (1.26-27, 3.22, 11.7). Les théophanies dans lesquelles apparaît le mystérieux « Ange du Seigneur » sont particulièrement significatives à cet égard (par exemple Gn 22.11-16, 31.11-16; Ex 3.1-16; Jg 13.20-22). En certains passages, Dieu converse avec un autre Lui-même (Ps 45.7-8; Os 1.7). D’autres passages ont une orientation trinitaire : Gn 18; Ps 33.6, 147.18; Es 61.1 et 63.9-12, par exemple.

Mais c’est le Nouveau Testament qui va pleinement révéler que l’aspect PLURIEL du Dieu UN tient à la distinction des trois Personnes éternelles du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Cette pleine révélation coïncide avec le temps – une fois pour toutes dans l’histoire ! – de l’Incarnation du Fils et de l’Effusion du Saint-Esprit qui est aussi le temps de l’enseignement donné par Jésus et le cercle des Apôtres (12 + 1) choisis par Lui.

L’effusion du Saint-Esprit a pleinement révélé, pour le cercle apostolique, et, par les Ecrits inspirés de ce cercle apostolique, pour l’Eglise fidèle de tous les siècles, l’œuvre trinitaire de création et de salut afin que le Nom (singulier) du Père, du Fils et du Saint-Esprit (pluriel) soit connu, glorifié, adoré, proclamé.

Au cœur de l’histoire du monde créé, l’Incarnation manifeste avec évidence l’œuvre souveraine de la Trinité :

– lors de la conception du Christ, le Père donne le Fils (Jn 3.16), le Fils descend du ciel (Jn 6.38), c’est de l’Esprit Saint que vient l’enfant en la vierge Marie (Lc 1.35; Mt 1.20);

– lors du baptême, Jésus est oint par l’Esprit Saint et proclamé être le Fils par la voix du Père Lui-Même (Mt 3.16-17 ; Lc 3.22; Mc 1.10-11) ;

– au long de son ministère, le Fils fait ce que le Père lui a montré (Jn 5.20) et dit ce qu’Il a vu chez son Père (Jn 8.38), et c’est par l’Esprit (Mt 12.28) ;

– lors de son sacrifice sur la croix, c’est à Dieu qu’Il s’offre lui-même, par l’Esprit éternel (Hé 9.14) ;

– lors de sa résurrection, c’est Dieu qui Le ressuscite (Ac 2.24) et c’est Lui, Fils de Dieu, qui ressuscite avec puissance selon l’Esprit de sainteté (Rm 1.3).

III

Le Fils est éternel, comme le Père avec lequel Il est UN (Jn 10.30).

Il était au commencement avec Dieu, Il était en condition de Dieu ; Il était égal à Dieu; Il partageait la gloire de Dieu; il était rayonnement de la gloire et expression de l’être de Dieu; Il était Dieu (Jn 1.1 ; Ph 2.6 ; Jn 17.5 ; Hé 1.3). Avec Dieu, Il a créé l’univers (Jn 17.9-10, 23ss ; 1Co 1.30).

L’Esprit Saint est éternel comme le Père et le Fils avec lesquels Il est UN (Hé 9.14; Ac 5.3-4 ; 1Co 3.16 ; Lc 2.26 ; 1Co 12.4-6).

Il était au commencement avec Dieu (Gn 1.2). Il sonde toutes choses, même les profondeurs de Dieu (1Co 2.10). Il ne faut ni L’attrister (Ep 4.30), ni L’outrager (Hé 4.29). Il n’est pire péché – impardonnable! – que de blasphémer contre Lui (Mt 12.31-32).

De même que le Fils ne fait rien et de dit rien de Lui-même, mais reçoit tout du Père (Jn 5.26, 16.15), l’Esprit reçoit tout du Fils (Jn 16.13-14).

De même que le Fils témoigne du Père et Le glorifie (Jn 1.18, 17.4-6), l’Eprit Saint témoigne du Fils et le glorifie (Jn 15.26, 16.14).

C’est par l’Esprit Saint que les fidèles sont en communion avec le Père et le Fils (1 Jn 1.3; Ph 2.1). Et c’est dans l’Esprit Saint que le Père habite, par le Fils, en leurs cœurs (1 Jn 4.13, 16 ; Jn 14.16-17 ; Rm 5.5 ; 2Co 1.21-22 ; Ga 4.6 ; Ep 3.14-17).

Ainsi la Trinité des personnes éternelles du Père, du Fils et du Saint-Esprit est-elle au cœur, au centre, au fondement, à la source de la foi et de la vie de l’Eglise et des chrétiens fidèles.

IV

Si, dès le temps apostolique, les chrétiens fidèles ont cru tout à la fois en l’unique Dieu et en la divinité du Père, en celle du Fils et en celle du Saint-Esprit, sans pour cela les confondre ni les séparer – le Nouveau Testament en porte témoignage –, ce n’est que peu à peu, à la lumière et sur le fondement de la Parole de Dieu et sous la conduite de l’Esprit Saint, que l’Eglise, ayant à combattre de mortelles hérésies au fur et à mesure qu’elles apparaissaient, est parvenue à confesser la Trinité avec tout ce qu’il fallait de netteté et de rigueur.

Et c’est afin d’être vraiment fidèles à la révélation biblique et d’en rendre compte au mieux que les Pères des Conciles anciens durent employer, en les définissant, des mots non bibliques tels que Substance ou Essence, Personnes, « Hypostases », Trinité, etc.

L’enjeu spirituel était plus que considérable: il y allait de la Mission de l’Eglise dans le monde; il y allait du salut des hommes.

Si Jésus-Christ, vraiment homme, n’est pas aussi et d’abord vraiment Dieu, Fils unique et éternel du Père, consubstantiel au Père, c’est une créature – rien de plus, même si elle est la première –, déclarée Seigneur et Sauveur, qui usurpe une place et reçoit un culte dus à Dieu seul. Car Dieu seul est Seigneur; Dieu seul est Sauveur; Dieu seul est Dieu. Toute la Sainte Ecriture le révèle et le proclame. Et l’Eglise et les chrétiens fidèles sont tenus de le confesser. Si Jésus-Christ n’est pas vraiment Dieu, Dieu met la croix sur les épaules d’une créature, sans Se donner Lui-même jusqu’au sacrifice.

Si l’Esprit Saint n’est pas vraiment Dieu, consubstantiel au Père et au Fils, c’est une force neutre et vague qui est faussement déclarée Seigneur et Consolateur. Il n’y a plus alors inspiration (au sens réel et personnel) dans les cœurs des fidèles.

En fait, le combat de l’Eglise aboutissant à la confession de la doctrine de la Trinité, au IVe siècle, et le combat de l’Eglise aboutissant à la confession de la doctrine de l’élection divine souveraine et du salut par grâce par le moyen de la foi, au XVIe siècle, ne forment qu’un seul et même combat. Il s’agissait de savoir, là comme ici, si Dieu est vraiment le Sauveur-Seigneur ou si le salut est entre les mains d’une (ou des) créature(s).

V

Dieu, le vrai Dieu, le Dieu de la révélation chrétienne, est UN et PLURIEL.

Son unité ne précède pas plus sa trinité que Sa trinité ne précède Son unité. Il n’est pas UN, ultimement et qualitativement, avant d’être PLURIEL. Il n’est pas PLURIEL, ultimement et qualitativement, avant d’être UN. La réalité PLURIELLE du Père, du Fils et du Saint-Esprit n’est pas plus dérivée de l’UNITÉ divine que l’UNITÉ divine n’est l’aboutissement de la pluralité des TROIS.

Dieu est UN et TROIS éternellement, en Sa réalité divine concrète : UN car Dieu est unique et simple en Sa substance (Son essence) ; TROIS car le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; aucun des TROIS ne tient Sa divinité d’un Autre ou des deux Autres; chacun est Dieu, de Soi-même. Et cependant, il n’est qu’un seul Dieu ; et la Substance divine une (l’Essence divine une, l’Etre divin un) est la propriété indivise et entière de chacun des Trois comme des Trois ensemble.

L’Eternel UN et PLURIEL constitue une plénitude qui Se suffit en elle-même, l’UN n’étant pas plus fondamental que le PLURIEL et le PLURIEL n’étant pas plus fondamental que l’UN.

A l’Eternel UN et PLURIEL correspond Sa création: le temporel UN et PLURIEL. Il est capital de bien le saisir pour éviter les erreurs catastrophiques tant de la réduction au « monisme » qui relativise, jusqu’à l’éliminer ultimement, le PLURIEL que de la réduction au « pluralisme » qui relativise, jusqu’à l’éliminer ultimement, l’UN. Toutes les conceptions non chrétiennes finissent par verser, selon leur orientation « moniste » ou « pluraliste », dans des choix opposés et insensés en philosophie, en science, en politique… et dans la vie quotidienne ! La « querelle des Universaux » (toujours renaissante en d’autres termes) en philosophie, l’oscillation contemporaine entre l’Etat totalitaire et l’anarchie en politique, en sont la démonstration.

La foi chrétienne, rigoureusement monothéiste et trinitaire suivant l’Ecriture Sainte, récuse, dès l’abord, ces querelles ou choix sans fondements réels où l’un des termes d’une prétendue alternative est seul retenu finalement comme réalité vraie tandis que l’autre est rejeté comme vaine abstraction.

VI

La Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est le seul Dieu vivant et vrai en qui tous les hommes ont la vie, le mouvement et l’être et en qui l’Eglise et les chrétiens fidèles ont leur salut et leur joie.
Le Te Deum, depuis le IVe siècle, ne cesse de proclamer:
« Nous te louons ô Dieu; nous reconnaissons que tu es le Seigneur.
Toute la terre t’adore, Père d’éternité.
Vers toi crient tous les Anges, les Cieux et toutes les puissances qui s’y trouvent.
Vers toi, sans cesse, Chérubins et Séraphins s’écrient:
« Saint, saint, saint, Seigneur Dieu des Armées. »
Le ciel et la terre sont remplis de la Majesté de ta gloire !
La glorieuse compagnie des Apôtres célèbre tes louanges !
La pieuse communion des Prophètes célèbre tes louanges !
La noble armée des Martyrs célèbre tes louanges !
La sainte Eglise universelle te reconnaît:
Toi le Père d’une Majesté infinie.
Ton Fils unique, adorable et vrai
Ainsi que l’Esprit Saint le Consolateur !
(…)
Ô Seigneur, sauve ton peuple et bénis ton héritage.
Gouverne-les et les élève pour toujours.
Jour après jour nous te magnifions.
Nous adorons ton Nom pour les siècles des siècles.
Accorde-nous, Seigneur, d’être aujourd’hui tenus sans péché.
Ô Seigneur, aie pitié de nous, aie pitié de nous !
Ô Seigneur, que ta miséricorde soit sur nous comme notre confiance est en toi !
Ô Seigneur, je crois en toi ; que je ne sois jamais confondu. »


[1] Revue Ichthus, N° 79 (1978), 2-6.

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L’évolution de la théologie http://larevuereformee.net/articlerr/n253/l%e2%80%99evolution-de-la-theologie Mon, 29 Aug 2011 19:27:05 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=733 Continuer la lecture ]]> L’évolution de la théologie

Un entretien avec le doyen Pierre Courthial[1]

Monsieur le doyen, pouvez-vous vous situer, et nous dire comment vous avez été amené à suivre l’évolution de la théologie catholique dans la seconde moitié du XXe siècle ?

Pierre Courthial. Comment me situer ? Il y a mon âge : je suis entré dans ma quatre-vingt-dixième année. Et puis, comme la famille de ma mère était catholique, je me suis toujours intéressé à l’Eglise et à la foi catholiques ; et aussi bien de 1940 à 1974, durant mon ministère pastoral en paroisses, qu’à partir de cette dernière date, durant mon ministère professoral à Aix, j’ai continué dans cet intérêt. C’est ainsi que j’ai perçu successivement trois flirts dans les milieux catholiques des années 40 à 70 du dernier siècle : le premier avec le communisme, le second avec l’évolutionnisme, et le troisième avec le protestantisme moderniste.

1. Dans les années 1930, le pape Pie XI avait dit et écrit qu’il était d’« une impérieuse nécessité » que les meilleurs laïcs, en union étroite avec les autorités ecclésiastiques, s’engagent dans une action apostolique tournée vers les divers milieux sociaux et professionnels du monde moderne. Mais alors qu’il s’agissait, dans l’esprit de Pie XI, de faire connaître l’Evangile, la Parole de Dieu, la Foi à ceux qui l’ignoraient, les méconnaissaient ou s’en étaient écartés, bien des catholiques, à la suite de certains prêtres ou « intellectuels », se mirent en rapport avec les communistes jusqu’à adopter souvent leur analyse marxiste de la société, et quelquefois à devenir communistes eux-mêmes. Ce fut le temps où un André Mandouze déclarait carrément qu’il fallait être « avec les communistes ». Ce fut le temps des prêtres-ouvriers qui pensaient que pour évangéliser les ouvriers, il fallait se naturaliser ouvrier et que pour se naturaliser ouvrier il fallait se ranger aux principes et aux ordres du Parti. Ce fut le temps de l’Union des chrétiens progressistes. Ce fut le temps où l’animateur de cahiers au titre magnifique, Jeunesse de l’Eglise (j’en vis croître la dérive de numéro en numéro), le père Montuclard se rapprocha tellement du communisme, d’un cahier à l’autre, qu’il finit par jeter son froc aux orties ; comme le fit ensuite le père Desroches, l’un des deux pères (l’autre était le père Lebret) qui dirigeaient la revue Economie et Humanisme. Le flirt avec le communisme se développa de la fin des années 1930 jusqu’au début des années 1960. Mais est-il vraiment fini ?

2. J’ai connu, en particulier dans les années 1950, le flirt avec l’évolutionnisme, qui « éclata » soudainement avec la notoriété, avec la mode incroyable dirais-je, du père Teilhard de Chardin, dont on aurait vite dû s’apercevoir que ni la science ni la théologie n’étaient bien rigoureuses. Teilhard mourut en 1955, mais le flirt avec l’évolutionnisme ne devait atteindre des sommets que dans les années 1960 (la célébration du dixième anniversaire de sa mort eut des répercussions nationales et internationales). A certains, le père paraissait être un nouveau Père dans une Eglise renouvelée. « On » se gargarisait avec Le Phénomène humain, Le Milieu divin et L’Avenir de l’homme dont l’auteur, au mépris de toute science et de toute théologie véritables, jonglait avec des abstractions, sans tenir compte, humblement, des faits ni du texte sacré dont l’Eglise doit être servante et gardienne. Ce second flirt est-il vraiment fini ?

3. Le troisième flirt dont j’ai été témoin, et qui n’est pas plus fini que les deux autres sans doute, fut le flirt avec le protestantisme moderniste. On entend parfois dire : « L’Eglise se protestantise. » Il est indispensable, à ce propos, de toujours faire une distinction entre le protestantisme confessant et le protestantisme moderniste, car c’est avec ce dernier seulement que le flirt s’est opéré. Alors que le protestantisme confessant demeure fidèle aux confessions de foi de la Réformation et donc, avec celles-ci, aux dogmes trinitaire et christique définis, selon le texte sacré, par les six grands conciles des premiers siècles, le protestantisme moderniste, lui, rejette à la fois l’autorité divine normative du texte sacré et les dogmes confessés, sous cette autorité, par les six conciles en question.

Deux anecdotes à ce sujet. Ayant donné, en janvier 1962, des conférences à l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, dans diverses villes du Sud-Ouest, je fus reçu pour dîner au grand séminaire de Bayonne et me suis trouvé assis à côté d’un professeur de ce séminaire. Je fus si effondré de ce qu’il me disait à propos de l’exégèse que je ne pus m’empêcher de lui dire : « Mais vous êtes, avec beaucoup de retard, à la remorque des travaux du protestantisme libéral. Vous répétez des choses que l’on entend de ce côté-là depuis vingt ans, cinquante ans et plus. » J’ai été pendant vingt-trois ans pasteur de l’Eglise réformée de l’Annonciation dont le temple se trouve 19, rue Cortambert, dans le XVIe arrondissement de Paris. Cette Eglise est celle dont le pasteur Marc Boegner avait été pasteur de 1917 à 1953. Au début des années 1960, deux de nos paroissiens nous invitèrent, M. Bœgner et moi, à rencontrer, à leur demande, une dizaine de prêtres catholiques auxquels s’était jointe la supérieure d’une communauté. Nous passâmes ensemble la soirée avec ces messieurs et cette dame (M. Bœgner était alors à la retraite, mais gardait toute son autorité). Nous sortîmes de là ahuris, nous disant l’un à l’autre : « Quand on pense que c’est nous deux, les protestants, qui avons défendu et confessé, au nom de l’Ecriture sainte, la naissance virginale de Jésus mise en cause ce soir par des prêtres et une supérieure catholiques… » Je ne raconte ces deux anecdotes que pour donner une illustration du climat de l’époque immédiatement antérieure au concile de Vatican II.

Dans le protestantisme aussi, il y a eu au cours de la même période un virage « libéral » qui a modifié en profondeur le visage du protestantisme historique, n’est-ce pas ?

Effectivement ! Avec la différence que le visage libéral dont vous parlez est bien plus ancien dans le protestantisme que dans le catholicisme. Nous en reparlerons. Je note maintenant que, d’une certaine manière, le protestantisme confessant et le protestantisme moderniste sont deux religions différentes alors que, d’un point de vue œcuménique, le catholicisme, l’orthodoxie orientale et le protestantisme confessant, en raison de leur accord profond sur les dogmes trinitaire et christique et les six conciles dont j’ai parlé, sont trois formes différentes de la même religion. Je rappelle aux catholiques que la Confession de foi des Eglises réformées en France (la confession dite de La Rochelle, appelée plus brièvement la Gallicana), comme toutes les confessions de foi de la Réformation, affirme la vérité des dogmes trinitaire et christique. Au sujet de la Sainte Trinité, voilà ce que dit la Gallicana :

« Nous acceptons les conclusions des conciles anciens et repoussons toutes les sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints Docteurs, depuis saint Hilaire et saint Athanase jusqu’à saint Ambroise et saint Cyrille. »

Et au sujet de notre Seigneur Jésus-Christ :

« Nous croyons que Jésus-Christ a revêtu notre chair afin d’être Dieu et homme en une même Personne, et, en vérité, un homme semblable à nous, capable de souffrir dans son corps et dans son âme, mais différent de nous en ce qu’il était pur de toute souillure. Quant à son humanité, nous croyons que le Christ a été l’authentique postérité d’Abraham et de David. Ce faisant, nous rejetons toutes hérésies qui, dans les temps anciens, ont troublé l’Eglise. »

Là où il y a divergence d’avec le catholicisme et l’orthodoxie orientale, c’est que le protestantisme confessant ne reçoit pas les décisions d’un septième concile, celui de Nicée II, ordonnant que soit rendu un culte aux images, aux saints et à leurs reliques. Nous sommes frères et cependant, sur ce point, séparés. La question toujours brûlante entre nous est celle-ci : le texte sacré permet-il de rendre un culte à qui que ce soit en dehors du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit ? La crise dogmatique dans les Eglises de la Réformation trouve-t-elle son origine dans la crise de l’exégèse ? Je dirai plutôt qu’après la Réformation des XVIe et XVIIe siècles, certains protestants – hélas ! – ont bien vite mis en cause le point dogmatique de l’autorité normative de la Parole de Dieu qu’est le texte sacré. C’est ce point, d’ailleurs, que Florent Gaboriau souligne dans plusieurs de ses livres à partir de sa découverte de l’affirmation capitale de saint Thomas, « Seule l’Ecriture canonique est la règle de la Foi », qui implique que l’autorité de la Sainte Ecriture doit être sous-jacente à tout enseignement de l’Eglise.

Mais c’est ce que contestent les théologiens libéraux, qui ne veulent pas entendre parler d’une interprétation de type dogmatique de l’Ecriture sainte.

Exactement ! A partir du moment où est rejetée l’autorité divine du texte sacré, on est libre de croire, de penser, d’affirmer tout ce qu’on veut. Je tiens à dire que l’autre point capital qui provoque une tension certaine entre catholiques romains et protestants, c’est le point sotérique, le point concernant le salut. Dans ses confessions de foi, la Réformation affirme qu’il n’y a de salut que par grâce, par le moyen de la foi; nous ne pouvons mériter le salut; le salut nous est mérité par Jésus-Christ seul, et nous recevons ce salut qui est en Jésus-Christ par grâce. Sur ce point aussi le dialogue est à poursuivre à la lumière du texte sacré.

Où situez-vous le début du virage « libéral » dans le protestantisme ?

Le situer précisément me paraît impossible. En France en tout cas, il est certain qu’il a commencé par une remise en question des deux dogmes trinitaire et christique peu après le début du XVIIe siècle. Tout s’est manifesté avec ampleur aux temps des Lumières jusqu’à ce qu’au début du XIXe siècle, la Compagnie vénérable des pasteurs de Genève en arrive à définir le christianisme comme « la religion des bonnes œuvres dictées par la conscience » ! Les choses sont devenues telles que, dans la plupart des pays, ont été constituées, à côté des Eglises confessantes, des Eglises modernistes ou, comme l’Eglise réformée de France, des Eglises qu’on peut dire pluralistes, qui comportent en leur sein à la fois des communautés et des protestants confessants et d’autres ne l’étant pas. Si la Faculté d’Aix a été établie en 1974, c’est pour que soient formés, pour toutes les Eglises protestantes, des pasteurs confessants.

Dans cette crise religieuse actuelle, il y a donc un parallélisme entre catholiques et protestants. Mais quand on cherche des responsabilités, on incrimine les autres : l’évolution du monde, la disparition des structures rurales traditionnelles, l’esprit de 1968… C’est l’un des mérites du livre de Florent Gaboriau de montrer à quel point les théologiens catholiques ont eu une part importante dans ces effondrements. Et du côté protestant ? 

Le parallélisme dont vous parlez est évident. Un exemple me vient tout de suite à l’esprit, parce qu’il s’agit de deux hommes ayant milité au même moment. Autour de 1968, il y avait le père Cardonnel, un dominicain et un pasteur, aujourd’hui décédé, qui s’appelait Georges Casalis. Tous deux sont allés très loin dans le soutien aux thèses marxistes et révolutionnaires et à la fameuse « théologie de la libération ». Georges Casalis avait été un de mes camarades d’études et nous avons longtemps été en communion de pensée. Ma femme et moi avons été très liés avec lui et son épouse. Aussi avons-nous été très éprouvés par ce retournement. Casalis avait subi l’influence du théologien tchèque Hromadka, qui l’avait entraîné dans le Mouvement pour la paix sous influence communiste. Un autre exemple de parallélisme, c’est l’histoire du Saulchoir racontée par Gaboriau et l’histoire de telle ou telle faculté de théologie protestante de France qui pourrait être racontée, histoire de dérives bien malheureuses.

J’ai, cependant, connu de près non pas l’histoire d’une dérive, mais celle d’une restauration théologique conduite durant les années 30 et les premières années 40 du XXe siècle, à Paris, par le pasteur et professeur Auguste Lecerf, restauration qui a eu des répercussions dans toute la France et ailleurs. Le thomisme, en philosophie, a souvent exercé une influence certaine sur des théologiens protestants confessants ; il faut donner, par exemple, les noms de Théodore de Bèze et de Pierre Martyr Vermigli au XVIe siècle et, pour le XVIIe siècle, celui de François Turretin. Lecerf, dans les années 1920, a participé au cercle de Meudon que conduisaient le père Garrigou-Lagrange et Jacques Maritain. Dans le premier volume de son Introduction à la dogmatique réformée, Lecerf reprend en bonne part le réalisme critique de Thomas d’Aquin. Le temps qui court de 1930 à 1943, année de sa mort, a été un moment de lumière dans l’histoire de la théologie protestante en France en raison de la grande influence qu’eut alors Lecerf: sa pensée gagnait des jeunes générations de pasteurs. J’ai moi-même été son étudiant à la Faculté de théologie protestante de Paris de 1932 à 1936 et me souviens encore des leçons de latin que Lecerf donnait à partir de la Prima Pars de la Somme théologique et qui étaient des leçons de solide dogmatique réformée. Hélas ! De même que le Saulchoir où on est passé du père Gardeil, le fondateur, au père Chenu, le modificateur, puis au père Geffré, l’(ex)terminateur, des exégètes protestants, après avoir « déconstruit » les auteurs du texte sacré, ont « déconstruit » les textes eux-mêmes, pour affirmer, enfin, que c’est le lecteur qui devait devenir le libre fondateur du texte ! Fin de l’exégèse.

Il y a eu aussi un autre théologien protestant qui a donné un coup d’arrêt à cette dérive, Karl Barth, qui était par ailleurs très anticommuniste. Est-ce qu’il conserve encore aujourd’hui quelque influence ou a-t-on contourné l’obstacle qu’il présentait en affirmant l’aspect divin du christianisme ?

Si Barth n’est pas oublié et si certains de ses disciples, tels Pierre Maury et Jean Bosc, ont maintenu jusqu’à leur mort le meilleur de sa pensée, d’autres de ses disciples, tel Georges Casalis, ont finalement dévié. Il y a tout de même une faille dans la pensée de Barth. Cette faille, c’est le refus de l’identité entre le texte sacré et la Parole de Dieu. Ce qui m’a plu, ce qui me plaît dans Gaboriau, c’est qu’il montre très bien que ce que dit l’Ecriture sainte, c’est ce que dit Dieu, c’est la Parole de Dieu – et je crois d’ailleurs que c’était tout à fait ce que dit et démontre Thomas d’Aquin, en particulier dans ses commentaires de livres saints. Barth a toujours tenu compte de la critique biblique moderne. C’était, bien sûr, chez lui corrigé, tempéré, et même annulé sur certains points par l’absolu de la Foi ; mais cela n’en demeurait pas moins un point faible chez lui; il refusait l’inspiration divine au sens plein, la théopneustie. Quand on parle, en français, de l’inspiration de la Bible, on emploie un mot au sens vague; saint Paul ne parle pas d’inspiration mais de théopneustie, ce qui signifie que c’est le souffle de Dieu, l’esprit de Dieu qui a produit le texte sacré; que si les prophètes et les apôtres sont bien les auteurs réels de ce texte, c’est de manière seconde, car l’Auteur premier et dernier du texte, c’est Dieu lui-même. Les protestants confessants, les catholiques romains et les orthodoxes d’Orient tiennent là un point d’entente œcuménique à ne pas lâcher: le texte sacré est reçu par l’Eglise qui en a la garde comme la Parole de Dieu qu’elle doit suivre humblement et proclamer à toutes les nations. C’est cette adéquation (Texte sacré = Parole de Dieu) que Barth n’a pas acceptée au nom de la transcendance de Dieu. Or, autant la transcendance de Dieu doit être soulignée, autant son immanence doit l’être aussi ; et l’une des formes de l’immanence de Dieu, c’est que la Bible est Parole de Dieu. Sur ce point essentiel, la recherche œcuménique doit être poursuivie et poussée.

C’est tout à fait à l’opposé des mondanités de l’œcuménisme officiel, où l’on essaie de noyer dans les ambiguïtés toute espèce de différend. Mais on n’aboutit à rien par une réduction par le bas.

Ce n’est pas par le bas, mais c’est par le haut qu’il faut procéder. C’est-à-dire que ce n’est pas en tombant vers le plus petit commun dénominateur, c’est au contraire en visant le plus grand commun dénominateur qu’il faut aller. Et c’est pour cela que Gaboriau m’a vraiment passionné. Je me suis dit: voilà un catholique qui, tout à coup, remet à l’honneur l’Ecriture. Un tel thomisme authentique, retrouvé par Gaboriau (« Seule l’Ecriture canonique est la règle de la Foi »), ne peut-il pas, ne doit-il pas, contribuer à rassembler les chrétiens désunis, alors que tout modernisme n’engendre que leur dispersion ? Le labeur œcuménique n’esquive pas les difficultés. Il les prend en compte honnêtement. Ce qui est intéressant, ce sont ces difficultés, car elles exigent que nous lisions, que nous écoutions, que nous comprenions les frères dont nous sommes encore séparés, tout en restant bien nous-mêmes.

Une dernière question, peut-être annexe, mais qui a son importance depuis 1945, est d’ordre politique. Parmi les dérives dans le protestantisme en général et dans l’Eglise réformée de France, n’y a-t-il pas aussi une cause politique ? 

Je pense au philosophe Jean Brun qui a été un des premiers professeurs associés de la Faculté d’Aix. C’était un grand ami. Je crois comme lui qu’il est impossible d’être respectueux du texte sacré et de devenir un adepte des « droits de l’homme » ou de l’humanisme au sens idolâtrique d’avoir le « culte de l’homme ». Avoir le culte de l’homme est une atteinte à l’homme, parce que ce qui fait l’homme et lui donne un sens profond, c’est d’être image de Dieu. Cette analogie-là est fondamentale, en particulier dans le domaine de la connaissance. Nous ne pouvons raisonner bien que si notre raison, au lieu d’être raisonnante, accepte d’abord d’être raisonnée. C’est le Logos, c’est Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu incarné, c’est le texte sacré, Parole de Dieu qui nous donne la juste raison. En ce sens-là, il y a à nos dérives une cause politique. Entre les droits de l’homme érigés en absolu et l’autorité du Logos de Dieu, il faut choisir. Et pourtant, au départ, parmi les grands penseurs des droits de l’homme et de l’esprit moderne qu’ils traduisent, il y a des protestants comme Kant et Rousseau. Kant et Rousseau étaient tout sauf des protestants confessants. Et cela, il faut bien le savoir.


[1] Cet entretien donné à la revue Catholica par Pierre Courthial comme témoin privilégié des évolutions théologiques de la période des grands « tournants » qui ont marqué le XXe siècle suite à la préface qu’il avait écrite au livre de Florent Gaboriau, Trente ans de théologie française. Dérive et genèse (Lausanne : Editions L’Age d’Homme, 2003). Cet entretien a été réalisé par le père Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé. Catholica, N° 82, (hiver 2003). 

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Entretien sur Karl Barth : 1886-1968, 1986 http://larevuereformee.net/articlerr/n253/entretien-sur-karl-barth-1886-1968-1986 Mon, 29 Aug 2011 19:27:05 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=734 Continuer la lecture ]]> Entretien sur Karl Barth : 1886-1968, 1986[1]

Pierre COURTHIAL

1.  Quelle est l’importance théologique de Karl Barth ?

    Je pense que Karl Barth a eu une importance théologique considérable, en particulier dans les années 1930. Mais cette importance momentanée – il ne s’agissait d’ailleurs, pour beaucoup, que d’une mode – a reposé sur un malentendu : celui du retour en force, avec Barth, de la Foi réformée. Il apparaît plus clairement aujourd’hui, comme quelques théologiens réformés (par exemple: Berkouwer et Schilder, aux Pays-Bas ; Van Til, aux Etats-Unis) l’avaient vite discerné, que la théologie de Barth, loin de promouvoir cette Foi, lui a fait obstacle et a finalement engagé plusieurs de ceux qui l’ont suivie sur de bien étranges voies. En France et en Suisse romande, alors que de nombreux jeunes protestants, théologiens ou autres, retrouvaient la Foi réformée – en particulier « grâce à Auguste Lecerf, grâce à son enseignement, grâce au rayonnement de sa personnalité[2] » –, ce fut la théologie de Barth qui désamorça ce mouvement; on crut qu’en suivant Barth plutôt que Lecerf, on allait vers le renouveau de la Foi réformée authentique. Hélas !

2. Comment faut-il considérer Barth par rapport au « vieux » libéralisme et par rapport aux théologies récentes ?

Dans les années 1930, Barth fut considéré comme le matador qui allait porter l’estocade au « vieux » libéralisme. Quelle illusion ! En fait, la pensée de Barth allait manifester, de plus en plus, de mieux en mieux, comme un « nouveau libéralisme ». Dans un de ses derniers ouvrages (en traduction française), Barth en est venu à écrire au sujet du grand théologien Friedrich Schleiermacher (1768-1834) : « Personne ne saurait dire aujourd’hui si nous l’avons vraiment dépassé ou si, malgré toutes les protestations, vigoureuses et fondamentales, qui s’élèvent contre lui, nous ne continuons pas d’être tout au fond les enfants de son siècle[3]. »

Les théologies récentes se réfèrent encore, mais de moins en moins, à Barth.

3. Quelles sont les différences entre Calvin et Barth ?

Je préfère dire : entre les réformateurs (et les confessions de foi de la Réformation) et Barth. Elles sont considérables et touchent à la plupart des points théologiques fondamentaux (révélation de Dieu ; création et providence ; christologie ; péché ; grâce, élection ; place et importance de la Loi de Dieu, etc.).

4.  Sa théologie représente-t-elle l’héritage réformé ?

Certainement pas. Après un premier quart de siècle durant lequel Barth, bien que non réformé encore, sembla se rapprocher de la Foi réformée (comme en témoigne sa préface de février 1935 à une nouvelle édition de la Reformierte Dogmatik de Heinrich Heppe), à partir (disons) des approches de la Seconde Guerre mondiale, il s’en éloigna de plus en plus.

5. S’agit-il d’épistémologies (théories de la connaissance) différentes ?

Il me faut à ce propos développer quelque peu ma réponse.

Comme le disent nettement nos confessions de foi, qui suivent en cela l’Ecriture Sainte, Dieu se fait connaître à nous de plusieurs manières : par ses œuvres de création et de gouvernement de toutes choses, en nous-mêmes ses images, en Jésus de Nazareth la Parole de Dieu incarnée, par la Bible la Parole de Dieu écrite… Aucune de ces diverses formes de la révélation ne « fonctionne » sans les autres. La révélation du Dieu unique et trinitaire est ainsi, elle-même, une et multiple. Une des formes de la révélation: l’Ecriture Sainte tient cependant de Dieu – et cela pour nous – un rôle à part et prééminent. D’abord, parce qu’elle nous fait connaître Celui qui nous sauve et comment Il nous sauve ; et cela a à voir avec tous les aspects de notre existence personnelle et sociale, le Christ ayant reçu du Père toute autorité dans le ciel et sur la terre. Ensuite, parce qu’elle est « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » ; en elle, nous trouvons non seulement « l’Evangile de la grâce » et « la Loi » pour nous conduire en tous domaines, mais aussi la capacité de recevoir et de vivre de cet Evangile et de cette Loi, car l’Esprit Saint œuvre dans et avec l’Ecriture Parole de Dieu pour s’emparer de nous et nous « dynamiser ». Enfin, la Bible est le livre « allianciel » par lequel notre souverain Sauveur-Seigneur définit et fait croître notre communion avec lui et la fidélité obéissante et reconnaissante qu’il est notre joie de lui offrir, ne serait-ce ici-bas qu’en petit, tout petit, commencement.

Pour ces trois raisons, l’Ecriture a prééminence d’autorité, comme la bouche même de Dieu, sur la Sainte Eglise, et sur les hommes dans les divers aspects (personnel, conjugal, familial, civique, scientifique, philosophique, artistique, culturel, etc.) de leurs vies.

A la lumière et selon l’enseignement normatif de la Bible, pour les réformateurs (et les confessions de foi de la Réformation aux XVIe et XVIIe siècles), l’Ecriture Sainte est la Parole textuelle de Dieu. Par contre, selon Karl Barth, il ne peut y avoir une telle Parole directe de Dieu. Pour lui, l’Ecriture Sainte, parce qu’elle est humaine aussi (ce qui est indiscutable !), est forcément « vulnérable » et contient des « contradictions » et des « erreurs » jusque dans ses affirmations religieuses et théologiques. Pour lui, elle n’est la Parole de Dieu que lorsqu’elle le devient dans l’événement d’une rencontre existentielle. Là réside ce qu’on peut appeler l’acti-visme ou l’actualisme de Barth. Barth s’en prend, au reste, à toute l’idée d’une révélation directe de Dieu dans l’histoire, et cela au nom de la liberté de Dieu. Alors qu’en fait rejeter, comme le fait Barth, toute révélation « donnée », directe, de Dieu, c’est rejeter la liberté qu’a Dieu de vouloir et pouvoir donner directement une telle révélation, et c’est imaginer spéculativement une idée de la révélation étrangère à tout ce que nous dit la Bible de la révélation une et diverse de Dieu. Pour Barth, Dieu ne peut être connu que par Dieu, et Dieu n’a pas la liberté de se faire directement connaître à la foi en le Christ de l’Ecriture et en l’Ecriture du Christ par la puissance du Saint-Esprit.

Les réformateurs (et les confessions de foi de la Réformation) – en plein accord sur ce point avec les Pères de l’Eglise ancienne (et les confessions des conciles des premiers siècles) – établissent la vraie Foi sur l’histoire objective de la révélation (histoire centrée sur la naissance virginale, la vie, la mort sur la croix, la résurrection et l’ascension historiques de Jésus-Christ) et sur l’interprétation de cette histoire par le Christ parlant par son Esprit en la Sainte Ecriture.

Seule la reconnaissance de l’autorité souveraine, sûre et certaine, qu’a précisément l’Ecriture-Parole de Dieu, permet d’établir une épistémologie solide prenant en compte le motif biblique : création-chute-rédemption.

6. Le christocentrisme de Karl Barth a été considéré comme son point fort : qu’en pensez-vous ?

Si Barth n’avait développé – et selon de ce que dit l’Ecriture ! – qu’un christocentrisme, nous n’aurions rien à lui objecter. L’univers est christocentrique. La Bible est christocentrique. Le Christ est bien le centre de tout.

Mais Barth a développé ce qu’on a justement désigné comme un christomonisme (de Christos = Christ et monos = seul). Selon Barth, la révélation de Dieu ne se trouve seulement que dans l’« histoire » (la personne-œuvre) de Jésus dans les trente premières années de notre ère (on pourrait d’ailleurs discuter ici – ce serait trop long – sur ce terme d’« histoire », Barth distinguant entre « histoire » (au sens de Historie, en allemand) et « Histoire » (au sens de Geschichte). C’est précisément le christomonisme de Barth qui le conduit à rejeter aussi bien la révélation générale de Dieu dans les œuvres et les personnes que Dieu a créées et qu’il régit souverainement, que la révélation qu’est la Sainte Ecriture. La Bible, selon Barth, n’est que témoignage, et témoignage faillible, rendu à la révélation.

Parce que le Christ est le seul Sauveur (et, selon Barth, le Sauveur de tous les hommes, tous également rejetés en Adam et tous également sauvés en Jésus-Christ, qu’ils soient croyants ou non), Barth veut aussi que le Christ soit la seule et exclusive révélation de Dieu.

7. Barth, à votre avis, remplace-t-il la révélation biblique objective par une foi subjective ?

Il est, à la fois, curieux et symptomatique que Barth ait publié en allemand sa Dogmatique comme une Kirchliche Dogmatik (Dogmatique ecclésiale) comme s’il voulait par ce titre audacieux se prémunir contre l’accusation de subjectivisme.

En réalité, si la Dogmatique expose une pensée géniale (comme le fut au IIIe siècle celle d’Origène), elle revêt un caractère spéculatif et subjectif indéniable. Le « vieux » libéralisme opposait l’Esprit au texte de l’Ecriture. Le « nouveau » libéralisme va opposer le « mouvement de l’Ecriture » au texte de l’Ecriture. La question est posée: une fois le texte de l’Ecriture lâché, ou émondé, ou trituré, ou trié, de quel « Esprit » va-t-on recevoir le « mouvement » ? Calvin aurait dit : « Qu’est-ce que cet Esprit qu’ils nous rotent ? »

A partir de la brèche ouverte par Barth en raison de sa mauvaise (non scripturaire) doctrine de l’Ecriture vont s’engouffrer les théologies non réformées les plus diverses. Du vivant de Barth déjà, il y a eu autant de théologies diverses que de barthiens, Barth étant peut-être le moins « non réformé » de tous !

8. Malgré son caractère systématique, la théologie de Barth a-t-elle contribué au développement du pluralisme ?

Pour moi, c’est indéniable et cela s’accorde avec tout ce que je viens de dire. Jusqu’au libéralisme, « vieux » ou « nouveau », l’Ecriture Sainte a été reçue par les Eglises comme Parole même de Dieu. Son autorité était indiscutable et souveraine. A partir du moment où l’on ne se « réfère » plus à la Bible que comme à un « témoignage » humain et faillible, la Bible n’a plus son autorité indiscutable et souveraine, elle n’est plus la Parole de Dieu. Il va forcément y avoir pluralisme de « canons dans le canon » et « hiérarchisations différentes des divers éléments du message biblique ». Il ne pourra plus y avoir Confession commune de la foi, mais Déclarations pluralistes de foi, chacun d’ailleurs n’adhérant à telle ou telle Déclaration que « sans s’attacher à la lettre de ses formules ».

Les conciles de l’Eglise des premiers siècles et les synodes des Eglises de la Réformation ont pu formuler des confessions de foi parce qu’ils entendaient se soumettre à l’autorité claire et nette de l’Ecriture-Parole de Dieu.

Karl Barth et le « nouveau » libéralisme rejoignent Schleiermacher et l’« ancien » libéralisme. Le dogme du « pluralisme » exige le rejet de tout dogme ecclésial, de toute réelle confession ecclésiale de la Foi. Le dogme du « pluralisme » obligatoire a-t-il historiquement été un dogme de la Réformation ?

Il va falloir bientôt, dans la ligne et la continuité des confessions (solidement bibliques) de l’Eglise des premiers siècles et des Eglises de la Réformation, que soit reprise la proclamation de la Foi chrétienne (et biblique !) par les Eglises réformées confessantes de demain.


[1] La Revue réformée, 147 (1986 : 4), 134-138.

[2] Cf. le témoignage d’Albert-Marie Schmidt in Etudes sur Calvin et le calvinisme (Paris : Fischbacher, 1935), 210.

[3] In La théologie protestante au dix-neuvième siècle (Genève : Labor, 1969), 234.

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La triade piété-justice-sobriété http://larevuereformee.net/articlerr/n253/la-triade-piete-justice-sobriete Mon, 29 Aug 2011 19:27:04 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=737 Continuer la lecture ]]> La triade « piété-justice-sobriété [1] »

Pierre COURTHIAL

« La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété, aux désirs de ce monde, et à vivre dans le siècle présent selon la sobriété, la justice et la piété en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ-Jésus. »
(Tt 2.11-13)

I

La formation spirituelle du chrétien est un combat permanent, un travail à salut, fruit de la grâce souveraine de Dieu. L’Eglise notre mère, la communion des « saints », nous apporte tout ensemble l’aide de nos frères et sœurs, pères et mères, ceux du passé et ceux d’aujourd’hui, et l’aide des « moyens de grâce » : la Parole (Evangile et Loi) communiquée (prédication, catéchèse, études bibliques…) ; la prière liturgique et/ou communautaire; les saints sacrements (baptême, eucharistie) et les « sacramentaux » (bénédictions, absolutions…). Nous forment aussi notre méditation de l’Ecriture et notre prière personnelles comme notre fidélité, nuancée hélas! d’infidélités, dans les aspects individuel, conjugal, familial, social, professionnel, politique, ludique, social, culturel, etc., de notre existence.

La présente note se contentera de décrire en partie la formation spirituelle du chrétien selon la triade des vertus de piété, de justice et de sobriété, avec les trois exercices correspondants: la prière, l’aumônerie et le jeûne.

Les liturgies chrétiennes rappellent fréquemment aux fidèles cette triade de vertus. C’est ainsi, par exemple, que la Morning Prayer de l’Eglise d’Angleterre achève une confession des péchés par ces mots : « Pour l’amour de lui (Jésus-Christ), accorde-nous, ô Père très miséricordieux, de pouvoir vivre désormais dans la piété, dans la justice et dans la sobriété, à la gloire de ton saint Nom. »

La théologie chrétienne traditionnelle insiste aussi sur la même triade. Par exemple, dans son Institution de la religion chrétienne, au remarquable petit « Traité de la vie chrétienne » que composent les chapitres vi à x du livre III, Jean Calvin écrit que Paul « réduit toutes nos actions à trois membres ou parties : tempérance, justice et piété… Quand ces trois vertus sont conjointes ensemble d’un lien inséparable, elles font une perfection entière. » (vii, 3)

En fait, il est normal et il convient de rapprocher

– le sommaire de la Loi donné par Jésus lui-même : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même » (Lc 10.27) ;

– le bref passage de la Lettre de Paul à Tite (2.11-13) que j’ai mis en exergue de cette note; et

– le passage du sermon de Jésus sur la montagne traitant de l’aumône, de la prière et du jeûne (Mt 6.1-18);

et l’on peut alors présenter le tableau suivant:


  VERTUS EXERCICES
TU AIMERAS LE SEIGNEUR TON DIEU
ET TON PROCHAIN
COMME TOI-MÊME
la piété
la justice
la sobriété
la prière
l’aumône
le jeûne

La piété, la justice et la sobriété sont jointes, et comme tressées ensemble, pour ne faire qu’un seul tout. Au reste:

  • la piété (notre manière d’être devant Dieu) n’est vraie que lorsqu’elle se manifeste en justice, en bienveillance, envers autrui (notre manière d’être avec le prochain) et en sobriété, en tempérance (notre manière d’être avec nous-mêmes); si la prière – l’exercice de la piété – ne nous change pas dans nos rapports avec les autres et si elle ne contribue pas à dompter notre nature pécheresse, autrement dit si elle sauvegarde notre égoïsme et notre laisser-aller, elle n’est pas vraie prière, prière selon Dieu ;
  • la justice, la bienveillance, n’est pas dans nos cordes; elle n’est possible que par l’action de la grâce et s’appuie, par conséquent, sur notre piété et notre prière; elle n’est authentique que lorsqu’elle nous coûte, que lorsqu’elle exige de notre part une certaine abstinence, une certaine privation, un certain sacrifice et donc l’exercice de la sobriété qu’est le jeûne ;
  • la sobriété, la tempérance, a, comme la justice, besoin du fondement de la grâce, de la piété, de la prière; elle n’est vraie devant Dieu que lorsque, dépouillée d’amour-propre, elle s’accompagne de justice, de miséricorde envers le prochain.

La triade des vertus de piété, de justice et de sobriété s’enracine et se ressource au « cœur » régénéré d’où jaillit l’autre triade paulinienne : la foi, l’amour et l’espérance. Ces trois autres inséparables sont sans doute en rapports privilégiés : la foi avec la piété, l’amour avec la justice, et l’espérance avec la sobriété qui ne vainc la nature pécheresse que dans l’attente de la résurrection. De plus, selon l’enseignement du sermon sur la montagne, la triade des exercices ne doit être accomplie que « dans le secret », c’est-à-dire dans un rapport au Père, par le Fils et en l’Esprit, qui ne regarde personne et ne veut être vu par personne. Il faut choisir entre la récompense des hommes, à commencer par celle que je m’attribuerais à moi-même, et la récompense de Dieu : le summum bonum, la joie que Dieu réserve aux siens, en Jésus-Christ. « Quand tu pries, ferme ta porte… quand tu fais l’aumône, que ta gauche ne sache pas ce que fait ta droite… quand tu jeûnes, parfume ta tête… », nous dit le Seigneur non sans quelque humour, nous laissant aux prises avec notre foi infidèle (hélas !) et avec sa grâce (heureusement !).Le vrai, l’authentique, le beau, le bien se passe « dans le secret où le Père voit » (Mt 6.4, 6, 18). Voilà qui ne nous laisse pas « confortables » ! Et nous fait courir nous jeter aux pieds du Miséricordieux !

II

Si Jésus-Christ et la Sainte Ecriture nous ordonnent trois exercices (trois « combats ») se rapportant aux trois vertus de la piété, de la justice et de la sobriété, à savoir la prière, l’aumône et le jeûne, c’est que les vertus selon lesquelles notre baptême nous appelle à vivre ont besoin d’être manifestées, entretenues, développées et fortifiées par des pratiques bien à la portée des forces que nous donne la grâce. Paul, qui connaissait l’utilité des exercices physiques, déclare que cette utilité est peu de chose en comparaison de l’utilité des exercices spirituels pour la piété qui a les promesses de la vie présente et de la vie à venir ; il faut « travailler et lutter », dit-il, pour croître dans la vraie piété (1 Tm 4.8-10). Et l’exercice de la piété est la prière. Non pas n’importe quelle prière pour le développement de n’importe quelle piété. Mais la prière procédant de la connaissance du Dieu trinitaire de la Sainte Ecriture et de la Sainte Ecriture du Dieu trinitaire, la prière jaillissant d’un cœur enflammé par l’Esprit Saint qui, seul, peut former en nous, membres du Corps du Christ, le zèle ardent que Dieu demande de nous et va nous conduire à la justice envers autrui et à la sobriété pour nous-mêmes.

Dans le passage du sermon sur la montagne où il parle de la prière, après avoir parlé de l’aumône et avant de parler du jeûne, Jésus rejette et condamne tout usage d’incantations dans la prière. Et l’oraison dominicale qu’il donne en exemple aux siens nous apprend que le désir de la gloire de Dieu (son Nom, son Règne, sa Volonté) doit passer en premier, avant nos demandes, aussi légitimes et nécessaires qu’elles soient; et qu’il nous faut avoir égard ensuite au bien de l’Eglise, de la communion des saints (notre pain, notre pardon, notre délivrance) avant d’en venir, dans nos demandes, à ce qui nous concerne plus personnellement. Alors la prière est un « moyen de grâce » qui a pour projet non pas de soumettre Dieu à notre volonté, mais de tout soumettre (et notre volonté) à la volonté de Dieu.

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Notre mot « aumône », par l’intermédiaire du latin, vient du mot grec eleénosuné qui signifie d’abord miséricorde. Puisque Dieu est le Miséricordieux, dans le mouvement même de son amour, dans la communion de Jésus, nous sommes appelés à être miséricordieux. Ainsi, l’aumône, exercice de la justice, c’est certes, en bien des cas, donner de l’argent, du temps, à notre prochain ; c’est, plus généralement, lui tendre une main secourable, l’aider dans son besoin de quelque ordre qu’il soit.

Il convient de noter ici que le mot «  justice », dans l’Ecriture Sainte, exprime une idée bien différente de celle qu’il évoque, pour la plupart, aujourd’hui. Peut-être le mot biblique « justice » serait-il mieux rendu par le mot « droiture ». Il se rapporte bien moins, en effet, à un état de choses qu’à la vertu de respect : de l’image de Dieu en ce prochain, des siens, de sa propriété, de sa réputation, de son métier, de son repos, etc. Pratiquer la justice, c’est obéir en esprit et en vérité à la Parole-Loi de Dieu. La justice, comme nous l’avons déjà remarqué, est en liaison indéfectible tant avec la piété qu’avec la sobriété. Avec la piété, c’est évident. Mais aussi avec la sobriété, car toute main secourable tendue au prochain va exiger un renoncement, un sacrifice, une privation, d’un ordre ou d’un autre ; comme déjà dit, elle va coûter. Toute vraie miséricorde, à commencer par celle de Dieu, coûte à celui qui est miséricordieux. A l’inverse, pour celui qui reçoit, la miséricorde doit être gratuite. « Vous avez reçu gratuitement, donnez donc vous-mêmes gratuitement. » (Mt 10.8) « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. » (Ac 20.35) « Travaillez… pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin. » (Ep 4.28) « Le juste est miséricordieux et il donne. » (Ps 37.21) « Le juste donne sans parcimonie » (Pr 21.26) « Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi. » (Mt 5.42)

Profondément, l’aumône exprime et approfondit non seulement le souci du droit, mais aussi celui du besoin d’autrui. C’est pourquoi elle est l’exercice concret et indispensable de la justice.

Nous avons à nous souvenir que l’aumône de Dieu pour nous, c’est son Corps et son Sang.

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La sobriété, dont l’exercice est le jeûne, est la vertu, compagne inséparable de la piété et de la justice, qui vise à maîtriser notre nature pécheresse, selon la Sagesse de Dieu, pour la gloire de Dieu et dans la perspective de la future résurrection, promise à ceux qui croient.

Cette sobriété concerne aussi bien notre intelligence, nos sentiments, notre imagination, notre mémoire que notre sensibilité. Et l’exercice du jeûne n’intéresse pas seulement le manger, le boire et la sexualité.

Lorsque Paul écrit : « Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous mais qu’un seul reçoit le prix ? Courez de manière à l’obtenir. Tout lutteur s’impose toute espèce d’abstinence ; eux pour recevoir une couronne corruptible, nous pour recevoir une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, mais non pas à l’aventure ; je donne des coups de poing mais non pour battre l’air. Au contraire, je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux autres, d’être moi-même disqualifié » (1 Co 9.24-27), il est bien évident – et le contexte le confirme – qu’il parle là d’une sobriété ou d’une maîtrise de soi, d’un jeûne, d’une abstinence, qui portent sur l’ensemble des aspects de l’existence.

L’ascèse chrétienne, le combat chrétien, selon la vertu de sobriété, consiste à tenir assujettis au Christ et à la Parole de Dieu toutes les parties de notre être, y compris bien sûr notre corps, mais aussi notre âme, notre cœur, toutes les parties de notre vie, depuis les relations sexuelles dans le mariage (cf. 1Co 7.5) jusqu’à nos recherches culturelles en passant par notre profession.

Il va nous falloir canaliser ici, supprimer là (Mt 5.29-30), nous abstenir sur ce point, forcer intrépidement sur tel autre, et cela non pas pour nous brimer ou supplicier, mais pour que nous avancions en nouveauté de vie (Rm 6.4).

A chacun d’apprendre à se mieux connaître au miroir qu’est la Sainte Ecriture et par expérience, et par écoute des frères et sœurs, afin de savoir toujours mieux comment et sur quels points faire porter la force de la sobriété et l’exercice des jeûnes. La plus grande attention spirituelle est indispensable si nous voulons, par la grâce de Dieu, avec le secours de la prière, non seulement « dompter » (Jc 3.8) notre langue, mais les passions diverses inscrites en nous par le péché, habitus dont nous ne serons dépouillés qu’avec ce « corps de mort ».

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« Nous ne sommes point nôtres: que notre raison et volonté ne dominent point en nos conseils et en ce que nous avons à faire. Nous ne sommes point nôtres: ne nous établissons donc point cette fin de chercher ce qui nous est expédient selon la chair. Nous ne sommes point nôtres : oublions-nous donc nous-mêmes tant qu’il sera possible, et tout ce qui est à l’entour de nous. Au contraire, nous sommes au Seigneur : que sa volonté et donc sa sagesse président en toutes nos actions. Nous sommes au Seigneur : que toutes les parties de notre vie soient référées à lui comme à leur fin unique. Ô combien a profité l’homme qui, se connaissant n’être pas sien, a ôté la seigneurie et régime de soi-même à sa propre raison, pour les résigner à Dieu ! » (Institution de la religion chrétienne, III.vii.1)


[1] La Revue réformée, 38 (1987 : 4), 35-40.

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1. Dans un article récent[1], soulevant une question capitale, Jean-Marc Berthoud attire notre attention sur le rapport entre l’authentique pensée réformée (disons: la pensée réformée confessante) et la tradition scolastique.

En préambule, nous lisons notamment:

Dans leur saine réaction à la fois contre les erreurs accumulées au cours du Moyen Age et les déviations théologiques et philosophiques de la scolastique, les Docteurs réformés n’ont pas toujours pu (ou su) faire la différence entre ce qui, dans cette tradition, était à rejeter avec la plus grande rigueur, et ce qu’il fallait à tout prix préserver comme une lumière accordée par Dieu à l’Eglise de tous les temps au travers des Docteurs médiévaux. En rejetant justement l’influence de la pensée grecque sur la théologie chrétienne, ils ont également exclu certains éléments positifs issus du long débat médiéval entre la théologie scolastique et la pensée antique.

Il faudrait nuancer, me semble-t-il, ces affirmations, par exemple, en mettant « certains Docteurs réformés modernes » à la place de « les Docteurs réformés », et « l’influence religieuse de la pensée grecque » au lieu de « l’influence de la pensée grecque ».

Dans son Introduction à la dogmatique réformée[2], Auguste Lecerf (1872-1943), en la première moitié du XXe siècle, démontrait magistralement – beaucoup l’avaient alors oublié comme beaucoup l’oublient encore – que Jean Calvin, Jérôme Zanchi et Zacharie Ursinus, entre autres, avaient précisément fait la différence, que réclame Jean-Marc Berthoud, entre ce qui est à rejeter et ce qu’il faut préserver dans la tradition chrétienne médiévale.

De même, dans ses récents volumes sur La dogmatique réformée d’après la Réformation[3], l’historien et théologien américain Richard A. Muller démontre que tous les grands Docteurs réformés,

* aussi bien des Réformateurs tels Henri Bullinger, Wolfgang Musculus, Pierre Martyr Vermigli, Pierre Viret, Théodore de Bèze;

* que leurs successeurs immédiats, tels Lambert Daneau, Antoine de la Roche Chandieu, William Perkins, Matthieu Virel, Franciscus Gomar, Amandus Polanus, Pierre Du Moulin;

* ou encore, au XVIIe siècle, les Gisbert Voiëtius, Samuel Desmarets, John Owen, François Turretin, Hermann Witsius,

ont « fait explicitement usage d’éléments de la théologie patristique et médiévale » fidèles à la sainte Ecriture et se sont inscrits dans une « vivante tradition » multi séculaire. Et Muller de souligner que « la Réformation ne s’en est prise qu’à un spectrum (= qu’à une gamme, qu’à une série) limité de déviations doctrinales et pratiques, avec l’intention de ré-affirmer les valeurs de l’Eglise catholique historique »[4]. Muller ajoute encore que tous ces Docteurs réformés ont ainsi « fourni un modèle pour le développement d’une théologie protestante authentique tout en étant universelle ou catholique – modèle que la théologie protestante d’aujourd’hui ne peut ignorer qu’à ses risques et périls »[5].

2. Dans la première partie de son article, Jean-Marc Berthoud examine, pour nous y introduire, les quatre causes d’Aristote[6]; puis, dans la deuxième partie, il accorde « une attention toute particulière aux quatre modalités d’application de ces causes ».

Nous chercherons à montrer, dit-il, autant les bénéfices que la réflexion chrétienne, dans tous les domaines, peut tirer du respect de ces structures indispensables à toute pensée droite, que les effets pervers qui doivent nécessairement découler de leur méconnaissance.

Face à la pensée immanentiste des diverses philosophies et des sciences sécularisées modernes – pensée qui exclut, par principe, jusqu’à la possibilité d’une théologie et d’une métaphysique véritables et, ainsi, jusqu’à la moindre notion du Dieu Créateur et Recteur souverain de l’univers -, dans la droite ligne de la foi chrétienne, nous pensons que tous les divers existants, y compris l’homme, sont soumis à la Loi et aux lois de Dieu; ils sont tous « théonomes ». Dieu seul est « autonome » (loi à soi-même). L’homme a cependant le privilège magnifique et redoutable, en tant qu’image de Dieu, d’être éthiquement responsable devant le Seigneur et sa Loi.

Remarquons, ici, que « l’explicitation de la pensée causale d’Aristote et son adaptation » (on pourrait dire: sa conversion, P. C.) à la foi chrétienne « ont été faites par la scolastique médiévale, tout particulièrmeent par Thomas d’Aquin », et que « si nous ne pouvons accepter les fondement religieux païens de la pensée philosophique antique (ni ceux d’une scolastique à cheval intellectuellement entre philosophie grecque et pensée biblique), nous nous devons, en revanche, d’utiliser pour notre compte les découvertes métaphysiques et logiques vraies » – c’est-à-dire conformes au critère de la Vérité qu’est l’Ecriture du Christ – que nous pouvons trouver dans la tradition aristotélo-scolastique. Ainsi, tout en rejetant carrément

* le dieu premier moteur non mû,

* le caractère éternel de la matière,

* le motif-de-base religieux païen « forme-matière »

de la philosophie d’Aristote, nous devons recevoir avec gratitude, comme un don de la grâce générale de Dieu (en distinction de sa grâce particulière rédemptrice) qui a conduit le Stagirite dans son observation attentive de la réalité concrète du créé, certains éléments de sa pensée, au reste précisés et affinés par la scolastique et, entre autres, par l’Aquinate.

3. Compte tenu de ce que dit Aristote dans sa Physique et sa Métaphysique[7], et de ce qu’en reprend et développe Thomas d’Aquin dans les siennes[8], la tradition scolastique, du XIIIe au XVIIe siècle et au-delà, définit quatre espèces de causes fonctionnant ensemble:

* les causes finales (ou premières) ordonnées à des fins déterminées (par exemple, « dans la construction d’une maison, le but pour lequel la maison est construite, le fait qu’on va l’habiter »);

* les causes formelles qui déterminent la matière (par exemple, « la forme que prendra la maison, ici le plan de l’architecte »);

* les causes efficientes qui confèrent l’existence en acte (« le travail, la force nécessaire pour la construction de la maison: les maçons, les menuisiers, l’électricité, le carburant, etc., utilisés pour le fonctionnement des machines, etc. »);

* les causes matérielles désignant ce dont une réalité est faite (« la matière brute nécessaire à la construction de la maison »).

Ces quatre espèces de causes expliquent le devenir de tout existant.

Or, dans leur conception ou vision du monde, les philosophies et les sciences « immanentistes » modernes, en raison de leur rejet du Dieu vivant et vrai et, par suite, de leur refus de l’univers cohérent (un-et-divers), réalisation du dessein, du décret, éternel de Dieu, amenuisent jusqu’à les éliminer les deux premières espèces de causes (les finales et les formelles) pour ne plus considérer alors, par réductionnisme, que les deux dernières, les efficientes et les matérielles; ce qui a « pour effet de châtrer spirituellement les hommes…, de les couper de leurs dimensions théologiques, métaphysiques et morales »; … « la réflexion sur le sens, le pourquoi, l’essence des choses est remplacée par celle sur le fonctionnement, le comment » … « Finalement, c’est la réduction d’un cosmos en chaos, et la destruction radicale de la pensée dans ses rapports avec la réalité qui semblent être les marques épistémologiques de cette fin du XXe siècle… (mais) le Dieu qui est à l’origine de toute chose, qui soutient l’univers tout entier, et qui est la fin ultime de tout ce qui existe ne peut pas être ainsi éliminé du discours scientifique sur la nature sans que s’ensuivent des conséquences dramatiques. L’exclusion a priori, du discours sur la nature, de tout sens métaphysique[9] et théologique est lourd de conséquences, même matérielles, d’où la crise moderne bien réelle de l’écologie… »; « l’étude de la nature était désormais méthodologiquement coupée de tout sens moral, de toute signification spirituelle »… « L’analogie entre le monde de la création et les réalités spirituelles était désormais évacuée. Le langage imagé ou parabolique de la Bible en perdait ainsi largement sa justification épistémologique, sa crédibilité… La Bible n’avait plus rien à dire à la science. Le corollaire évident se manifestera avec le temps: c’est cette science rabougrie qui en viendra elle-même à dicter aux exégètes et aux théologiens leur façon de lire la Bible. »

4. Aux quatre espèces de causes de la bonne tradition scolastique tant médiévale que réformée[10], puis moderne, qui court du XIIIe au XXe siècle, il faut ajouter – nous abordons maintenant le point capital – les « différentes modalités selon lesquelles fonctionnerait la causalité »:

1. les causes concourantes partielles;

2. les causes réciproques et totales;

3. les causes subordonnées totales.

i) Les causes concourantes partielles sont « aisément observables dans la vie de tous les jours. L’exemple le plus simple est celui de deux chevaux qui tirent un char. Leur effort est concourant, c’est-à-dire que l’effort de chaque cheval concourt au but recherché, faire avancer le char. Leur effet est partiel, car chaque cheval fait une partie du travail… Les causes sont interchangeables à volonté. C’est ce système de causes que l’on voit partout dans le domaine de la mécanique, de la chimie, de la physique. La science moderne s’est cantonnée dans le domaine des causes concourantes partielles qui est essentiellement celui du monde inanimé… Répétons-le: l’analyse de la réalité par les causes concourantes partielles s’applique tout à fait légitimement (mais non pas exhaustivement) au domaine des causes matérielles. Car ces causes doivent être considérées essentiellement sous l’angle mécanique, physique et chimique. C’est le domaine par excellence (et quasi exclusif) de la science moderne. Son tort a été d’exclure de sa description de la réalité l’ensemble des quatre causes. »

ii) Les causes réciproques et totales.

« Dans un organisme vivant, la forme de l’organisme, sa structure fondamentale (Aristote aurait dit son âme; nous dirions son code génétique, par exemple) est inséparable des éléments chimiques dont sont constituées ses molécules et ses cellules. L’un va nécessairement avec l’autre. On ne peut remplacer la forme ou les matières chimiques qui le constituent sans changer totalement d’organisme.

Sans sa forme spécifique et les matériaux précis qui lui sont indispensables pour vivre, l’organisme ne peut exister.

Sans matière, l’organisme n’est qu’une idée. La forme et les matériaux sont l’un pour l’autre des causes réciproques totales.

Seul, en réalité, existe l’organisme concret, forme et matière, unité et diversité réunies ensemble dans un être concret unique. Sans son âme, sa forme spécifique, un être vivant n’est qu’un amas inerte d’éléments chimiques. Mais sans matière à laquelle donner une forme, l’organisme vivant ne peut exister. Le corps matériel et la forme ont ainsi un rapport mutuel réciproque et total… Appliquer à un organisme vivant le schéma mécanique des causes concourantes partielles réduirait la vie biologique à un pur mécanisme où n’agiraient que des forces matérielles. Ce réductionnisme causal (dans le mécanisme du XVIIIe ou dans le positivisme scientifique du XIXe siècle) a engendré bien des dommages dans l’étude des phénomènes biologiques et sociaux, et a longtemps rendu incompréhensible leur structure propre. »

Jean-Marc Berthoud en vient alors à aborder un certain nombre de questions dont l’actualité est évidente.

a. A propos de la relation de l’âme à son corps, il montre que la norme absolue qu’est la Révélation scripturale impose des limites « aux meilleures constructions de l’esprit humain ». Si le schéma causal de réciprocité totale s’applique fort bien tant que l’homme demeure vivant ici-ba, il ne peut aucunement « rendre compte de la pérennité de l’âme après la mort », ni de la mystérieuse persistance de l’identité personnelle du corps jusqu’à la résurrection de celui-ci. « Dans le repos de Dieu, (l’âme) attend la résurrection de son corps et sa réunion définitive avec lui au dernier jour. »

b. A propos du mariage, Jean-Marc Berthoud souligne que la conception moderne nouvelle n’en considère les éléments que comme de simples partenaires interchangeables et naturellement concurrents selon le schéma des causes concurrentes partielles, sans plus saisir que le mari et la femme constituent l’un par rapport à l’autre des causes réciproques et totales ayant à développer ce bien commun qu’est la vie du couple.

« Les deux arches du couple constitué selon l’ordre créationnel se soutiennent mutuellement. Ensemble, elles forment un organisme naturel unique, irremplaçable, dont chaque élément est différent de l’autre et joue le rôle qui lui est propre, rôle défini en fin de compte par la Loi de Dieu. »

c. A propos des relations économiques et politiques des hommes entre eux, Jean-Marc Berthoud démontre que si leur est appliqué le schéma des causes concourantes partielles se développent inévitablement, et comme par principe, des conflits permanents d’intérêts antagonistes aboutissant soit à des impasses inextricables, soit aux victoires injustes de ceux qui sont les plus forts par la puissance de leurs pouvoirs, par l’argent ou par le nombre. Une telle destruction de l’ordre social créationnel – qui comporte les éléments divers de couples appelés, selon le schéma de la causalité réciproque et totale, à s’épauler en vue du bien commun – est inévitable et va se poursuivre tant que la Loi divine, ayant établi et défini ces couples avec leur diversité d’éléments aux vocations différentes, est oubliée, méconnue, méprisée. Cette destruction ne peut être stoppée, et la reconstruction reprendre que par « un retour à Dieu, dans la repentance des hommes et dans leur volonté de revenir à l’ordre créationnel défini par la Loi de Dieu ».

iii) Les causes subordonnées totales. La tradition chrétienne, normée par l’Ecriture sainte et jalonnée progressivement, sur ce point, par des Docteurs tels S. Augustin, Thomas d’Aquin et Jean Calvin, met en avant une troisième modalité causale: celle des causes subordonnées totales.

La Parole de Dieu nous demande tout au long de bien considérer et de tenir ensemble la souveraineté absolue de Dieu et la responsabilité de l’homme (cf. entre autres Ac 2:23 et 4: 27-28; Ph 2:12-13, par exemple). Il est clair, face à la Révélation divine, qu’il est impossible au fidèle d’atténuer soit la première, soit la seconde; autrement dit, de souligner soit la souveraineté de Dieu aux dépens de la responsabilité humaine, soit la responsabilité humaine aux dépens de la souveraineté de Dieu. C’est pourquoi, au Ve siècle, saint Augustin, et aux XVIe et XVIIe siècles, les Docteurs réformés ont combattu le pélagianisme et tout semi-pélagianisme (Pélage, 360-422, exaltait les capacités de l’homme au mépris de la grâce souveraine de Dieu), tout en démontrant la réelle et totale responsabilité des créatures humaines. Il est clair aussi que ces fidèles Docteurs ont dû et su rejeter le synergisme des disciples d’Arminius (1560-1609) qui affirmaient, contre l’Ecriture sainte, une action partielle de la souveraineté de Dieu coopérant avec une action également partielle de la responsabilité de l’homme (ah! ces fameuses causes concourantes partielles!). Lecerf a justement écrit que pour les synergistes il est

« deux grandeurs opposées l’une à l’autre et qui se limitent mutuellement: Dieu et la créature libre. Ce que l’on donne à l’une, on l’ôte à l’autre. L’essence de la liberté créée, c’est l’indépendance. Dans l’avenir, c’est la futurition d’une réalité qui sera ce que décrétera l’arbitraire souverain de l’homme. La toute-puissance de Dieu est une virtualité qui ne devient jamais un acte quand elle se trouve en présence de la liberté créée »[11].

C’est pour suivre humblement l’Ecriture sainte que les Docteurs réformés confessants, comme avant eux, puis avec eux, les thomistes ont rejeté, quand il s’agit des rapports personnels entre Dieu et les hommes, la validité du schéma causal concourant partiel.

Pour la tradition chrétienne fidèle à l’Ecriture, le Dieu trinitaire est Cause première souveraine au-dessus de (et en) toutes créatures, dominant la responsabilité humaine qu’il a établie et qu’il maintient « sans pour autant jamais ni la diminuer, ni l’amoindrir. »[12]

C’est à un autre niveau que s’exerce la réalité de causes subordonnées totales (secondes et non pas égales). S' »il ne nous est pas possible, vu le caractère limité (et peccable;P. C.) de notre intelligence, d’articuler les liens logiques reliant ces deux ordres de manière à satisfaire aux exigences de notre raison (pour ce faire il faudrait disposer de la pensée de Dieu lui-même) », décrire les causes subordonnées totales sans prétendre les expliquer est « ce qui paraît le mieux rendre compte de cette question difficile ».

Suivant fidèlement la sainte Ecriture[13], Thomas d’Aquin[14] au XIIIe siècle comme le réformé Turretin[15] au XVIIe ont solidement maintenu que si la liberté humaine se meut elle-même, c’est parce qu’elle est mue par un Autre dont elle reçoit le pouvoir même de se mouvoir elle-même; et que la Providence ne consiste pas seulement en la conservation et au soutien des existants mais aussi à leur gouvernement.

La Bible ne cessant d’affirmer une causalité personnelle comprenant la liberté, première et souveraine, de Dieu et la liberté, seconde mais réelle et responsable, de l’homme (cf. Es 58 avec ses trois parties 1-2, 3-7 et 8-14, autre exemple) et révélant ainsi, à la fois et dans leur rapport, le Seigneur Dieu trinitaire, Cause première, permanente et omniprésente, et l’homme, cause seconde et responsable, les Confessions réformées affirment:

Nous croyons non seulement que Dieu a créé toutes choses, mais qu’il les gouverne et les conduit, disposant de tout ce qui arrive dans le monde, et réglant tout selon sa volonté.

Certes, nous ne croyons pas que Dieu soit l’auteur du mal ou que la culpabilité puisse lui être imputée, puisqu’au contraire sa volonté est la règle souveraine et infaillible de toute droiture et justice vraie. Mais Dieu dispose de moyens admirables pour se servir des démons et des impies, de telle sorte qu’il sait convertir en bien le mal qu’ils font et dont ils sont coupables.

Ainsi, en confessant que rien n’arrive sans la providence de Dieu, nous adorons avec humilité les secrets qui nous sont cachés, sans nous poser de questions qui nous dépassent. (Confessio Gallicana, 1571, article 8.)

De toute éternité et selon le très sage et saint conseil de sa propre volonté, Dieu a librement et immuablement ordonné tout ce qui arrive; de telle manière cependant que Dieu n’est pas l’auteur du péché, qu’il ne fait pas violence à la volonté des créatures, et que leur liberté ou la contingence des causes secondes sont bien plutôt établies qu’exclues. (Confession de Westminster, 1643-1689, article III, paragraphe 1.)

5. Dans un dernier paragraphe, Jean-Marc Berthoud, d’un point de vue qui me semble très biblique (et réformé), avance l’idée de Dieu comme Cause unilatérale totale, c’est-à-dire « uniquement divine et totalement divine, à l’exclusion de toute autre cause ». Il donne alors des exemples, tels:

* la création ex nihilo;

* l’instauration de l’Alliance de grâce;

* des miracles comme la création du vin aux noces de Cana;

* la régénération, ou nouvelle naissance, des élus;

* la transfiguration finale de l’univers.

Et notre auteur de conclure par deux citations. La première, du prophète Daniel qui « a fort bien exprimé l’action magnifique de cette Cause unilatérale totale lorsqu’il adressa au roi Neboukadnetsar ces paroles qui décrivent de façon imagée l’avènement du règne de Dieu:

Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue et les réduisit en poussière. Alors le fer, l’argile, le bronze, l’argent et l’or furent pulvérisés ensemble et devinrent comme la balle qui s’échappe d’une aire en été; le vent les emporta, et nulle trace n’en fut retrouvée. Mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne et remplit toute la terre. (Dn 2:34-35)

La seconde, du « prince des apologètes chrétiens » en notre XXe siècle, Cornelius Van Til:

Quelle est la plainte de Pighius contre Calvin? C’est que, sur la base de la théologie du Réformateur, les causes secondes, et en particulier la liberté humaine, n’ont aucune véritable signification. Que répond Calvin?

En premier lieu, il affirme maintes fois, comme l’ont fait Bavinck et bien d’autres après lui (et Augustin avant) qu’il ne fait autre chose que croire ce que lui dit la Bible. Les croyants doivent avant tout porter leur attention à ce que Dieu nous a révélé en Christ. Il se refuse en conséquence à toute espèce de spéculation purement rationnelle. Il sentait clairement que la position de Pighius était spéculative. Car Pighius affirmait que l’homme ne pouvait être tenu pour responsable de ses actions à moins d’être l’unique et ultime cause de ses propres actes, ou en bien ou en mal. (…) Selon l’argumentation de Calvin, Pighius ne ferait que réduire l’homme et Dieu à un même niveau. Plutôt, dit-il, nous devrions nous rendre compte qu’il nous est impossible de pénétrer pleinement le mystère de la relation entre les desseins de Dieu, décrétés en son conseil secret, et les actions des hommes. Calvin en revient constamment à la nécessité de reconnaître ce mystère.

Qui es-tu, ô homme? Par de telles questions l’apôtre pousse l’homme à considérer qui il est et quelles sont les véritables capacités de son intelligence. C’est un puissant argument exprimé en peu de mots, mais il représente une réalité capitale. Car quel est celui qui, ne comprenant pas l’appel de l’apôtre, peut répondre à Dieu? Et quel est celui qui le comprenant peut trouver quelque chose à lui répondre? Ici, Calvin ne fait que citer Augustin.

En second lieu, Calvin démontre à chaque point de sa discussion avec Pighius que, d’une part, l’homme reste toujours responsable de ses actes (tout spécialement en ce qui concerne ses péchés) et, de l’autre, que Dieu contrôle parfaitement tout ce qui se passe. (…)

En troisième lieu, Calvin nie que la foi ait un caractère irrationnel. Il insiste donc sur le fait que tout ce que le Christ enseigne à son peuple dans les Ecritures doit être accepté par lui sur sa seule autorité. Il insiste, en conséquence, sur le fait qu’il est impossible à l’homme de comprendre de manière satisfaisante les rapports entre le conseil de Dieu et la responsabilité des hommes. Mais il n’en affirme pas pour autant, bien plutôt il nie, que la foi ait un caractère irrationnel.[16]

SOLI DEO GLORIA

Pierre COURTHIAL

Doyen honoraire de la Faculté libre de théologie réformée

Appendice

Théodore de Bèze (1519-1605); Henri Bullinger (1504-1575); Jean Calvin (1509-1564); Lambert Daneau (1530-1595); Samuel Desmarets (1599-1673); Pierre Du Moulin (1568-1658); Franciscus Gomar (1563-1641); Wolfgang Musculus (1497-1563); John Owen (1616-1683); William Perkins (1558-1602); Amandus Polanus (1561-1610); Antoine de la Roche Chandieu (1534-1591); François Turretin (1623-1687); Zacharie Ursinus (1534-1583); Pierre Martyr Vermigli (1500-1562); Matthieu Virel (1561-1595); Pierre Viret (1511-1571); Gilbert Voëtius (1589-1676); Hermann Witsius (1636-1708); Jérôme Zenchi (1516-1590).

Si je me suis permis, exprès, de citer, avec leurs dates, les noms d’un bon nombre des Docteurs réformés des XVIe et XVIIe siècles – Docteurs réformés protestants, au sens de confessants -, c’est qu’ils ne doivent plus être oubliés, c’est qu’ils doivent être repris, relus, republiés, en notre aujourd’hui tout ensemble si difficile et, grâce à Dieu, si plein de promesses! Quel rafraîchissement, quels bienfaits, quelles lumières à recevoir, par exemple, de l’Instruction chrétienne en la doctrine de la Loi et de l’Evangile, de Viret; de la Confession de la Foi, de Bèze; du Bouclier de la Foi, de Du Moulin; de l’Institution de la théologie, de Turretin, ou de l’Economie des Alliances entre Dieu et l’homme, de Witsius!


Le discours scientifique envahit notre vie: il n’est aucun secteur du quotidien qui désormais ne soit concerné par la mise en oeuvre explicite d’une approche scientifique. La métaphysique n’y échappe pas; les modèles nouveaux qui ont renouvelé au XXe siècle la connaissance de l’univers sont souvent proposés comme des modes d’explication. Il ne s’agit plus seulement d’une description, d’un modèle possible, mais le pas est franchi de conférer au discours scientifique le statut d’un discours de vérité, donnant raison du réel. Mathématiciens, physiciens, biologistes accumulent des publications pour montrer que leur technique permet de décrire et d’expliquer tous les phénomènes du monde et de l’homme. (…) Ensuite elles procèdent par un glissement de leurs recherches à des conclusions métaphysiques ou théologiques: un tel passage gagnerait à être légitimé.

J. Vauthier, Lettre aux savants qui se prennent pour Dieu (Paris: Criterion, 1991), 7.


[1]« Les différentes formes de la causalité et la pensée de la Bible », ]in Positions créationnistes, n° 25, septembre 1996 (Lausanne: ACB S). Sauf indication, toutes les citations sont tirées de cet article.

[2] Deux volumes publiés le premier en 1932, le second en 1938 (Paris: « Je sers »). Cf. volume I, pp. 13, 127, 133, 137, 138 et 222, par exemple.

[3]Post-Reformation Reformes Dogmatics (Grand Rapids: Baker, volume I en 1987, volume II en 1993).

[4]Op. cit., 1, 63.

[5]Op. cit., 1, 73

[6 ] Aristote (384-322 avant notre ère).

[7] Aristote, Physique, I, c. 3-5, 8; II, c. 3, 5-7; Métaphysique, I, c. 2-4; V, c. 1-4, 15.

[8] Thomas d’Aquin, Physique, II, lect. 5-6, 10-11; Métaphysique I, lect. 4; V, lect. 1-4; et opuscule Deprincipiis naturae.

[9] Note 18 de J.-M. B.: « La métaphysique est la connaissance des êtres qui ne tombent pas directement sous l’expérience des sens, la connaissance de ce que sont les choses en elles-mêmes. Dans la pensée chrétienne, la métaphysique ne peut être séparée de la théologie et cette dernière de la Bible. »

[10 ] a)Muller, op. cit., volume I, p. 233: « Il est impossible d’affirmer que la Réformation a mis fin à l’hégémonie d’un aristotélisme christianisé. Aucun des Réformateurs, pas même Luther ou Calvin, n’a cessé de voir le monde comme ordonné selon la quadruple causalité. »

b)Calvin, entre autres, parle souvent aussi bien des « quatre causes que les philosophes mettent » (encore qu’il nomme cause instrumentale la cause formelle) que de la Cause première et des causes secondes (Institution I, XVI, 3 à 9; XVII, 1, 6, 9; XVIII, 2 à 4; II,IV, 2 à 8;XVII, 2; III,XIV, 17;XXIII, 2 et 8; ]XXIV, 14 par exemple).

c)Lecerf écrit: « En créant et en conservant, Dieu constitue des êtres réels, irréductibles à lui, et parmi ces êtres, il en est qui sont des causes secondes certes, mais des causes efficientes et réelles douées de spontanéité, et parmi ces causes spontanées, il en est qui sont morales et dont l’action traduit l’état et la valeur morale de la personnalité qu’est chacune d’elles. » Etudes calvinistes (Delachaux & Niestlé, 1949), 17.

d)Comme le dit un théologien contemporain dont l’oeuvre remarquable commence à porter des fruits dans le monde entier : Rousas John Rushdoony, Systematic Theology(Vallecito, USA, 1994), 829: « Pour la Bible, la causalité est un fait allianciel et eschatologique. Si la prédestination est, de toute éternité, le projet de Dieu, nous avons cependant, à chaque instant, notre responsabilité devant Dieu et sa justice… La Bible affirme une relation causale personnelle entre la liberté première de Dieu et la liberté seconde de l’homme… Les vues matérialistes de la causalité nous laissent en un monde non personnel de boules de billard atomiques; la foi biblique rend justice à la réalité du monde autour de nous comme à l’expérience que nous en avons. »

[11]Op. cit., 13.

[12] Sur ce point, Jean-Marc Berthoud invite, à juste raison, ses lecteurs à méditer les pages magnifiques de Pierre Marcel sur « L’éclairage d’une logique chrétienne » in Face à la critique: Jésus et les apôtres (Aix-en-Provence/Genève: Kerygma/ Labor & Fides, 1986), 102 à 117. Pierre Marcel se réfère là à L’Institution de Calvin (II, ]III, 5 et IV, 2) citant saint Augustin et Bernard de Clairvaux.

[13]Cf. entre autres, 1 S 2:7-9; Né 9:6; Jb 37, 38, 39; Ps 36:6; 104; 147; Pr 21:1; Es 10:15, 26; Mt 10:30; Ac 17:28 et 27:34; Rm 11:36; 1 Co 4:7 et 12:6; Ph 2:13; Col 1:17; Hé 1:3; Jc 1:17.

[14]Somme théologique I, Qu. 83, article 1.

[15]Institution de la théologie, Loc. VI, Qu. I à IX.

[16] In the Theology of James Daane (Philadelphie: Presbyterian and Reformed, 1959), 50-53.

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Pierre COURTHIAL*

Les tensions sont telles aujourd’hui, dans le protestantisme réformé de notre pays, et notamment dans l’Eglise réformée de France, que plusieurs craignent qu’ils n’aillent au-devant de nouveaux schismes. Parallèlement, la situation à laquelle, depuis des années, étaient acculés les « réformés confessants » se trouve en fait débloquée, le temps étant venu pour eux d’entreprises positives qui requièrent leur application, leur hardiesse et leur joie.

Ayant désormais retrouvé la liberté d’être eux-mêmes au sein du protestantisme réformé français et – s’ils en sont membres – dans l’Eglise réformée de France, ayant conscience d’être les héritiers légitimes des Eglises réformées qui ont résolument confessé leur foi dans les synodes nationaux des XVIe et XVIIe siècles et, décidés à confesser la même foi au XXe siècle, ils vont de l’avant, sans aucune intention schismatique, sachant que l’avenir de l’Eglise est entre les mains de celui qui a promis: « Je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. »

I. Ce que doivent être les réformés confessants

Combats le bon combat de la foi. Saisis la vie éternelle à laquelle tu as été appelé et pour laquelle tu as prononcé cette belle confession de foi en présence d’un grand nombre de témoins.

(1 Timothée 6:12)

Toute vraie, toute belle confession de foi est du même mouvement à la gloire du Dieu vivant, Père, Fils et Saint-Esprit, qui s’est fait connaître en Jésus-Christ et dans la Sainte Ecriture qu’il a inspirée, et pour l’unité de sa sainte Eglise qui témoigne de son Evangile et de sa Loi dans un monde radicalement hostile. Aussi s’agit-il d’un combat, d’un bon combat.

La confession de foi ecclésiale n’est pas en mots et des lèvres seulement, mais jaillit profondément de la conviction des « cœurs ». Elle est tissée de la doctrine et de la prière qui ont leur source en la Parole de Dieu, en elle seule, en elle toute, par la puissance de l’Esprit saint vivifiant et illuminateur.

Les réformés confessants reconnaissent et font cordialement leur « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 3) telle qu’elle est proclamée dans les Symboles de l’Eglise ancienne (des Apôtres, de Nicée, Constantinople, d’Athanase) et dans les confessions de foi réformées des XVIe et XVIIe siècles; et cela non pas à cause de leur antiquité mais parce qu’ils sont conformes à la Parole de Dieu, à l’Ecriture sainte.

En un temps où trop de chrétiens n’osent plus croire en la vérité vraie qu’est la Parole de Dieu – Jésus-Christ et l’Ecriture –, où trop d’idéologies (d’idologies) ont, hélas! pénétré et vicié la pensée et la vie des Eglises, où l’Eglise comme Corps du Christ et communion de (et dans) l’Esprit saint est de moins en moins discernable et discernée dans les Eglises, où la théologie est rabaissée au rang de psychologie, de sociologie et de politique, les réformés confessants doivent attester hardiment, par leur foi et par leur vie, que Jésus-Christ est l’unique Sauveur et l’unique Seigneur à la gloire de Dieu le Père, et qu’il est le berger, l’époux, l’ami, le prophète, le sacrificateur et le roi de sa sainte Eglise, et que « toute autorité dans le ciel et sur la terre lui a été donnée ». (Mt 28:18)

Confesser la vérité révélée de Dieu, celle du Christ, la Parole éternelle incarnée une fois pour toutes, dans la réalité de notre histoire, en Jésus de Nazareth qui est né de la vierge Marie, qui a souffert sous Ponce Pilate, qui est mort et ressuscité et qui reviendra dans sa gloire; celle de l’Ecriture sainte, la Parole de Dieu inscrite une fois pour toutes dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Confesser la vérité dans l’amour, cela signifie, pour tout réformé confessant, l’endurance patiente dans un combat quotidien et plein d’espérance, d’écoute de la Parole, d’appel au Saint-Esprit, de prière, d’obéissance, de témoignage, de sanctification, de souffrances pour l’Eglise et pour le prochain et, quand il le faut, par l’Eglise et par le prochain; comme cela signifie aussi la fermeté et l’ouverture, les bénédictions et les larmes, les exaucements et les épreuves.

L’appel reçu de Dieu est exigeant. Sa grâce demande à notre gratitude, émerveillée par le salut immérité qu’il nous a accordé en son Fils unique par la puissance du Saint-Esprit, de recevoir et d’accepter de bon cœur ce qui nous humiliera, ce qui nous mortifiera, en « suivant les traces » de Jésus.

Nous avons sans doute trop longtemps préféré la « grâce à bon marché » à la « grâce qui coûte ». Nous nous sommes sans doute trop longtemps laissé aller. L’heure vient, et elle est déjà venue, où il faut nous réveiller de notre sommeil et accepter d’être mobilisés et conduits. Pas à pas. Jour après jour. Mais la joie d’avoir été élus en Christ pour le service du Seigneur doit nous dominer en toutes circonstances.

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Nous avons à confesser tout ensemble la vérité de l’Evangile et la vérité de sa Loi. Nous avons à confesser tout ensemble la vérité de l’Evangile, c’est-à-dire la vérité de ce que Dieu a fait pour nous par amour, vérité manifestée tout au long de l’histoire de la Révélation, déclarée en claires paroles humaines inspirées aux prophètes et aux apôtres, et pleinement apparue en Jésus-Christ qui est « descendu aux enfers », qui est devenu « péché » (2 Co 5:21) et « malédiction » (Ga 3:13) à notre place, comme notre « substitut », lui, le Saint sans l’ombre de l’ombre d’un péché, afin que nous soyons justifiés par grâce par le moyen de la foi.

Et nous avons à confesser la vérité de la Loi, c’est-à-dire la vérité de ce que Dieu nous ordonne de faire pour lui par amour, en retour et en reconnaissance de l’Evangile de son amour pour nous, vérité manifestée tout au long de l’histoire de la Révélation, déclarée en claires paroles humaines inspirées aux prophètes et aux apôtres, et pleinement vécue par Jésus-Christ, qui nous a donné son exemple afin qu’en sa communion, justifiés par lui, nous puissions commencer à obéir vraiment et soyons sanctifiés par grâce par le moyen de la foi.

Ainsi, notre confession dogmatique, selon la vérité de l’Evangile, est, et doit demeurer, accompagnée de notre confession éthique, selon la vérité de la Loi, Jésus seul ayant pleinement accompli la Loi et l’Evangile pour qu’en la communion de sa mort et de sa résurrection nous vivions, à notre tour, par la puissance de son Saint-Esprit.

Etre re-formés par la Parole et l’Esprit du Père, être ainsi des hommes re-formés, des chrétiens re-formés, et des hommes, des chrétiens, réformés confessants, tel est le projet de vie que Dieu assigne à tous les siens et que, dans sa grâce miséricordieuse et souveraine, il veut et il peut, seul, réaliser en nous, comme il veut et il peut que nous le voulions et pouvions, lui qui, seul, crée en nous le « vouloir » et le « faire ».

II. Les tâches auxquelles sont appelés les réformés confessants

Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier après l’avoir purifiée par le bain d’eau avec la Parole, pour faire paraître cette Eglise glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut.

(Ephésiens 5:25-27)

Allez, faites de toutes les nations des disciples… enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit.

(Matthieu 28:19-20)

Selon ces deux paroles du Nouveau Testament, deux visées principales doivent dynamiser les réformés confessants: l’édification de la sainte Eglise et la proclamation de la Parole de Dieu, chacune en rapport avec l’autre.

Sous le fallacieux prétexte que l’Eglise ne sera jamais vraiment et pleinement pure ici-bas et que la proclamation de la Parole de Dieu n’y sera jamais exhaustive et parfaite, d’aucuns nous invitent à ne tendre ni à la pureté de l’Eglise, ni à la perfection de la proclamation et de l’enseignement de la Parole de Dieu. C’est comme s’ils disaient que, puisqu’il y aura toujours en nous ici-bas, et dans les fidèles les plus saints, des restes de péché, nous n’avons pas à « tendre à la perfection » (2 Co 13:11). Au mépris de la parole de Jésus: « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5:48)

Mais le Christ, lui, veut faire paraître son Eglise « sans tache, ni ride ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut » et le Christ, lui, veut que sa Parole soit proclamée et enseignée à chaque nation selon « tout ce qu’il a prescrit ».

Comme l’a écrit le réformé confessant Francis Schaeffer:

Nul n’est parfait. Aucun d’entre nous n’est entièrement fidèle à notre divin époux. Nous sommes tous faibles. Souvent, nous sommes infidèles en un sens positif ou en un sens négatif dans nos pensées ou nos actions. Mais l’Ecriture établit une claire distinction entre l’imperfection de tous les chrétiens et l’adultère spirituel qui se produit quand ceux qui affirment être gens de Dieu cessent d’écouter ce que Dieu a dit et se tournent vers d’autres dieux. Au sens biblique, il y a alors apostasie.

Si tant d’Eglises aujourd’hui sont dans une situation spirituelle catastrophique, c’est parce qu’elles se sont laissées pénétrer par l’apostasie, c’est parce que d’autres dieux que Dieu corrompent les intelligences, égarant les chrétiens par leurs mensonges.

Les réformés confessants, jaloux au sujet de leurs Eglises d’une jalousie de Dieu, viseront – et d’abord en eux-mêmes – au redressement des intelligences et à la soumission d’amour au seul époux de l’Eglise qui est le Christ.

Les hérésies diverses, tendant toutes à l’apostasie, sont des adultères.

Le pluralisme, tant prôné aujourd’hui, mariant l’eau et le feu, veut faire cohabiter dans les Eglises la fidélité à la Parole de Dieu et l’hérésie, le mariage avec le Christ et l’adultère, la soumission au Dieu révélé et l’apostasie.

Nos contemporains, jusque dans les Eglises, n’aiment pas, ne veulent pas, qu’il soit parlé d’hérésies, d’adultère et d’apostasie. Ils accusent les réformés confessants, qui rejettent le pluralisme, d’intolérance.

Quand elle a confessé sa foi et condamné les hérésies, aux premiers siècles et au temps de la Réforme, l’Eglise de la Parole a été, de même, accusée d’intolérance. Comme si l’amour devait tolérer l’infidélité! Comme si l’époux et l’épouse pouvaient tolérer l’adultère! Comme si la jalousie de Dieu n’était pas fondée sur la réalité vivante de son amour! Comme si la maison de Dieu pouvait devenir une maison de tolérance!1

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Les réformés confessants témoignent, protestent que l’Eglise ne peut recevoir et enseigner n’importe quelle doctrine, n’importe quelle théologie, mais qu’elle doit garder et transmettre la « saine doctrine »2, la théologie selon la Parole de Dieu (incarnée et écrite).

Pour reprendre les expressions de saint Paul, il ne faut pas que « l’intelligence se corrompe » et que soit abandonné l’« attachement fidèle et pur au Christ ». Précisément, parce que nous ne disposons pas de la vérité révélée pour la tourner en « mensonges habiles », nous devons tenir à la vérité révélée pour qu’elle nous tienne. Sans nous laisser « égarer ». Il y va de l’amour fidèle de l’Eglise pour son époux. Il y va de l’honneur du Christ, époux de son Eglise. L’Eglise ne doit pas devenir une Babylone pluraliste avec « sept têtes et dix cornes ». Elle n’a qu’une tête, qu’un chef, qu’un époux: le Seigneur Jésus son Sauveur, vrai Dieu et vrai homme.

Ces affirmations – bibliques! – atteindront peut-être d’autres comme des flèches acérées et blessantes. Elles vous atteignent sûrement, et d’abord nous-mêmes, jusqu’à ce que cède en nous toute résistance à l’amour et à la seigneurie du Christ Jésus. L’amour du Seigneur pour son Eglise est un amour jaloux et il n’est jamais dur que pour nos infidélités. Que d’autres fassent ce qu’ils croient devoir faire! Nous avons, nous, réformés confessants, à faire ce que Dieu nous impose, lui dont le joug est doux et le fardeau léger.

La saine doctrine, la théologie fidèle, ne peut être maintenue vivante qu’au prix d’un dur labeur opposé à tout facile rabâchage, d’une patiente persévérance dans l’examen minutieux du contenu de sens de l’Ecriture sainte, d’un amour toujours renouvelé du Seigneur et de sa Parole, d’un respect (sans idolâtrie!) tant pour l’œcuménisme historique (la tradition des Pères en la foi) que pour l’œcuménisme géographique (la communication avec les frères en la foi), d’une ouverture réelle à ce que les adversaires mêmes de la sainte doctrine, de la théologie fidèle, peuvent nous apporter de juste et de vrai, malgré leurs funestes erreurs, et par la grâce universelle de Dieu.

Nous ne sommes pas, grâce à Dieu (grâces à Dieu!) de malheureux orphelins seuls au monde et devant une table rase, mais les héritiers de Pères, de Docteurs, de Réformateurs, porteurs avant nous et mieux que nous, de la grande tradition ecclésiale fidèle à la Sainte Ecriture: Tertullien pour la doctrine de la Trinité, Athanase pour celle de la personne du Christ, Augustin pour celle de l’homme, Anselme pour celle de l’expiation, Luther pour celle de la justification, Calvin pour celle de l’autorité – ce ne sont que quelques exemples; pensons aussi à ceux plus récents, d’un Kuyper, d’un Bavinck, d’un Warfield, d’un Lecerf! – ont beaucoup, beaucoup à nous apprendre. Et nous avons aussi des frères contemporains, tels Packer, Van Til ou Kline!

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L’avenir de l’Eglise ne peut pas être, ne doit pas être, celui d’une Eglise pluraliste, chaotique, Babylone à sept têtes et à dix cornes, affirmant à la fois, dialectiquement le oui et le non, maison de tolérance et de prostitution, d’adultère et d’apostasie. Ce « projet » n’est rien moins qu’abominable. Historiquement, hélas! il est possible: Jésus lui-même n’a-t-il pas dit: « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » (Lc 18:8); et la description apocalyptique de la grande prostituée n’évoque-t-elle pas le « mystère » affreux d’une Eglise apostate des derniers jours? Thomas d’Aquin, dans son œuvre monumentale apparemment tranquille, n’a pas hésité à enseigner qu’il faut s’attendre au règne universel du Malin à la fin des temps3.

Mais les réformés confessants ne doivent pas, ne peuvent pas, se résigner à cet horrible avenir de l’Eglise.

Certes, nous ignorons ce que Dieu a décrété, mais, en revanche, nous savons ce que Dieu a ordonné. Et c’est à ce que Dieu ordonne que nous devons nous tenir. Et Dieu nous ordonne l’édification de l’Eglise selon la vérité révélée de sa Parole: Jésus-Christ et l’Ecriture. Et Dieu nous ordonne la proclamation de sa Parole, de tout ce qu’il a dit et prescrit, à toutes les nations de la terre et au peuple d’Israël.

L’avenir de l’Eglise sur la terre, dans l’histoire temporelle, peut être celui d’une apostasie générale. Mais il peut aussi être celui d’une nouvelle Réformation selon la Parole et l’Esprit de Dieu. Et c’est cet avenir-ci et non pas cet avenir-là que les réformés confessants veulent et doivent préparer.

Comme l’a dit Calvin: « L’espérance n’est rien autre que la constance de la foi. » En maintenant intrépidement sur la terre « la foi transmise aux saints une fois pour toutes », les réformés confessants sont des chevaliers de l’espérance, envers et contre tout. Seules, l’édification de l’Eglise selon la « saine doctrine » et la proclamation de la Parole de Dieu urbi et orbi sont porteuses de l’espérance du monde. Et nous ne pouvons, avec C. H. Spurgeon, qu’affirmer

La plénitude du Christ n’a pas changé, pourquoi alors agissons-nous avec tant de faiblesse? La Pentecôte ne serait-elle qu’une tradition? Les jours de la Réformation ne seraient-ils que des souvenirs? Je ne vois pas de raison pour que nous n’ayons pas une plus grande Pentecôte que celle qu’a vue Pierre, une Réformation plus profonde en ses fondements et plus réelle en ses constructions que toutes les réformes réalisées par Luther ou Calvin. Nous avons le même Christ, souvenez-vous-en. Les temps ont changé, mais Jésus est l’Eternel, et le temps ne l’altère pas… Notre paresse ajourne l’œuvre de conquête, notre lâcheté la remet à plus tard, notre peur et notre manque de foi radotent au sujet du millénium alors qu’il s’agit d’écouter aujourd’hui la voix de l’Esprit. Des jours favorables commenceraient, dès maintenant, si seulement l’Eglise se réveillait et se revêtait de force, car toute plénitude habite son Seigneur4.

Et nous ne pouvons, avec le même Spurgeon, que prier:

Oh! Esprit de Dieu, ramène ton Eglise à la foi en l’Evangile! Ramène tes ministres à le proclamer de nouveau par l’Esprit saint, et à ne pas rechercher seulement l’intelligence et le savoir. Alors nous verrons s’étendre ton bras, ô Dieu, aux yeux de tout le peuple, et des multitudes seront amenées à se rassembler autour du trône de Dieu et de l’Agneau. L’Evangile doit triompher; il triomphera; rien ne l’empêchera de triompher; une foule qu’aucun homme ne peut compter sera sauvée!5

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Dans la situation de détresse de l’Eglise universelle, et en particulier des Eglises réformées en France, et précisément parce que nous avons à cœur l’avenir de l’Eglise, nous, réformés confessants, ne pouvons plus nous taire ni laisser faire. Nous taire et laisser faire, alors que l’apostasie s’étend, serait en être complices. En conscience, nous ne le pouvons pas, nous ne le devons pas, nous ne le voulons pas. Que les réformés confessants se rassemblent pour s’entraider à tenir bon, à tenir ferme, à contre-courant s’il le faut, dans la prière et l’étude de la Bible! Ils prieront fidèlement pour leur pasteur et leur Eglise, même et surtout là où ils souffrent par leur pasteur et par leur Eglise. Avec persévérance. Avec espérance. N’oublions pas que c’est une humble villageoise de Beesd, aux Pays-Bas, Pietronella Ballus, qui fut l’instrument dont le Seigneur se servit, dans les années 1860, pour convertir à la foi réformée Abraham Kuyper, tout docteur en théologie de l’Université de Leyde qu’il était! Le jeune pasteur, dans sa première paroisse, qu’était alors Kuyper, revint à la « saine doctrine » par la prière de Pietronella et les entretiens « pastoraux » qu’il eut avec elle (mais, des deux, le « pasteur » fut d’abord la villageoise!).

Kuyper reçut alors de Dieu la paix et la conviction qui surpassent toute connaissance. Il sortit d’un dur combat spirituel avec la « vision réformée » qu’il gardera, approfondira et servira jusqu’à sa mort. Le plus grand théologien réformé de la fin du XIXe siècle et du début du XXe fut gagné à la vraie foi par le moyen d’une jeune paysanne, réformée confessante.

L’objectif sera de promouvoir l’évangélisation et la constitution de nouvelles Eglises dans notre pays. Une Eglise qui n’évangélise pas ne s’édifie pas. Une Eglise qui ne s’édifie pas n’évangélise pas. Les deux vont, doivent aller ensemble. L’Evangile doit être offert à tous, sans distinction. Il est fatal qu’une Eglise pluraliste ne sachant plus – et ne voulant plus savoir – ce qu’elle croit, laisse péricliter la vraie mission de l’Eglise telle que l’a ordonnée le Seigneur. Il est fatal que ceux qui affirment que « personne ne peut savoir au juste ce qu’est l’Evangile » n’aient plus d’Evangile à annoncer et n’évangélisent plus. Il est fatal que les théologiens, tels pasteurs, pluralistes, dans les « dialogues » publics et télévisés qu’ils ont avec tels athées, déconcertent ces athées, lorsqu’ils cherchent, en affirmant davantage leurs doutes que la Foi – déconcertent les athées auxquels l’Eglise doit dire l’Evangile… et scandalisent ces plus « petits » des chrétiens qui étaient en droit d’attendre d’eux une parole simple claire et ferme. Le renouveau de l’évangélisation rendra cœur à ces « petits » en leur rendant l’amour des athées qui attendent – qu’ils le sachent ou non – que leur soit annoncée la Parole de Dieu, sans démagogie, sans fausse honte, selon le dire de notre Seigneur aux siens:

Quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. (Mc 8:38)

III. Les armes spirituelles du combat

Fortifiez-vous dans le Seigneur et par sa force souveraine. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable.

(Ephésiens 6:10-11)

Dans les versets 10 à 18 (car il faut lire au-delà de la citation ci-dessus jusqu’au verset 18) du chapitre 6 de la lettre aux Ephésiens, l’apôtre Paul nous révèle quelles doivent être les armes de Dieu à saisir, à garder et à employer, dans ce grand, ce beau combat où nous sommes engagés.

Ce n’est pas à des hommes, à chair et sang, que nous en avons; c’est à des puissances spirituelles mauvaises qui nous enveloppent et nous assaillent. Contre elles, nos forces humaines ne peuvent rien, ne sont pas d’attaque. Il y faut les « armes de Dieu ». Rien de moins.

Nous devons être portés, pas à pas, par « les bonnes dispositions que donne l’Evangile de paix ». Ce sont là les « chaussures » dans la panoplie nécessaire au combat. Loin de nous, par conséquent, un zèle amer, une fermeture à autrui, des dispositions mauvaises. Alors même que nous sommes engagés, nécessairement, dans des controverses, ayons et gardons les « bonnes dispositions » au long du combat. L’Evangile est un Evangile de paix. Nous ne combattons pas pour le plaisir de nous battre, mais en vue du triomphe de la paix du Christ.

Nous devons être ceints de vérité. Non pas de la vérité de ceux qui orgueilleusement veulent « avoir raison », mais de la vérité du Christ et de l’Ecriture. Prêts à rectifier ce que nous pensons et disons selon cette vérité. Sachant que nous sommes, comme quiconque, susceptibles d’erreurs.

Protégés par le « bouclier de la foi », non pas de notre foi, mais de la foi, don de Dieu à sa sainte Eglise et à ses membres, et par le « casque du salut », non pas du salut que nous mériterions, mais du salut qui, tout entier, est de Dieu, employons « le glaive de l’Esprit qui est la Parole de Dieu »!

L’Ecriture n’est pas un outil, une arme, à utiliser n’importe comment et pour n’importe quoi! Mais, comme le dit saint Paul, « pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour éduquer », et d’abord nous-mêmes! Mais l’arme spirituelle qui doit être nôtre en toutes circonstances, favorables ou non, c’est « la prière par l’Esprit », non pas la prière selon les pensées, les désirs et la volonté de notre esprit, mais la prière selon le Saint-Esprit qui, lui, peut nous vivifier, nous affermir, nous conduire dans le combat de la foi. C’est lui, l’Esprit que nous devons mendier, supplier, qui illuminera notre chemin. Oui Veni Creator Spiritus! Viens Esprit réformateur!


* P. Courthial est pasteur à la retraite de l’Eglise réformée de France et doyen honoraire de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Ce texte a paru dans la revue Ichthus en mai 1974.

1 A la suite de Francis Schaeffer, citons quatre textes scripturaires d’une brûlante actualité: Exode 34:12-15; Ezéchiel 16:30-32; Osée 4:12-13; Apocalypse 17:1-5.

2 1 Tm 1:10; 2 Tm 4:3; Tt 1:9 et 2:1.

3 Quaestiones quodlibetales, 4, 20.

4 Metropolitan Tabernacle Pulpit, vol. 20, 234.

5 Ibid., vol. 60, 198.

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Observer le sabbat ? http://larevuereformee.net/articlerr/n227/observer-le-sabbat Wed, 08 Dec 2010 15:37:38 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=357 Continuer la lecture ]]> Observer le sabbat ?

Pierre COURTHIAL*

Comment concilier, d’une part, le devoir de proclamer la Loi de Dieu dans toute son ampleur, d’autre part, la non obligation pour le chrétien de garder le samedi ou sabbat? Si la Loi de Dieu (Loi morale ou Décalogue) reste toujours valable, comment comprendre et appliquer le 4ème commandement?

I.

Il est erroné d’identifier le sabbat avec le jour de la semaine que nous appelons samedi.

1. Au départ (c’est le cas de le dire: à leur départ d’Egypte), les Hébreux ont calqué leur calendrier solaire de 365 jours sur le calendrier égyptien: 12 mois de 30 jours; mais, à la différence des Egyptiens qui ajoutaient les 5 jours supplémentaires à la fin de l’année, les Hébreux ajoutaient 3 jours à la fin du 6ème mois et 2 jours à la fin du 12ème.

Chez les Egyptiens: 30 x 12 = 360; 360 + 5 = 365
Chez les Hébreux: 30 x 6 = 180; 180 + 3 = 183
puis 30 x 6 = 180; 180 + 2 = 182
365

Or, selon Lévitique 23.4-16, le 15ème jour du premier mois de l’année (le 15 Abib) devait toujours, chaque année, être un jour de sabbat. Etaient aussi jours de sabbat, le 1er et le 8 Abib; puis, après le 15 Abib, les 7 sabbats suivants (les 22 et 29 Abib, les 6, 13, 20 et 27 Iyar et le 4 Sivan).

Conséquence: puisque les dates mensuelles de ces 10 sabbats étaient fixes (fixées), les jours de la semaine où tombaient ces sabbats variaient inévitablement (comme, par exemple, la date mensuelle de Noël: le 25 décembre ne tombe pas toujours le même jour de la semaine).

2. Selon Exode 12.1-28 et Lévitique 23.15, les 10, 14 et 16 Abib ne pouvaient jamais être des sabbats, puisque des travaux, telles la mise à mort d’agneau et la préparation de repas, y étaient ordonnés. Or, ces dates tombaient forcément, une année sur sept, des samedis. Ce point confirme le point 1.

3. L’année comptant 365 jours, il y avait donc 52 semaines dans l’année et il restait 1 jour (52 x 7 = 364). Or, ce jour qui restait était absorbé dans un sabbat de 48 heures, les 4 et 5 Sivan, comme le montre Lévitique 23.15-16,21. Cela changeait aussi le jour de la semaine où tombait le sabbat. Ce point confirme les 2 et 1.

Ainsi il est erroné, selon la Sainte Ecriture, d’affirmer que le « jour de la semaine » du sabbat biblique était le samedi. Notre samedi « moderne » ne date que de 359, lorsque le calendrier solaire d’Israël a été remplacé par le calendrier solaire-lunaire adopté par les Juifs comme par les chrétiens.

II.

Si le modèle de notre semaine humaine est la divine semaine de la création (en six jours, le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve; et il s’est reposé le septième jour, Ex 20.11), et si donc le repos (le sabbat) humain correspond au repos divin, au sabbat divin, le but du sabbat est le repos de l’homme fidèle dans le salut apporté par Dieu.

Or, le salut (typique) apporté par Dieu à Israël a été la délivrance de l’Egypte; et Israël, Eglise de l’ancienne disposition de l’Alliance de grâce, devait célébrer, au jour du sabbat, cette délivrance-là (Ex 20.2 et surtout Dt 5.12-15).

Tandis que le salut (antitypique) apporté par Dieu à l’Eglise, Israël dans la nouvelle disposition de l’Alliance de grâce, culmine, après la crucifixion, avec la résurrection du Seigneur-Sauveur, Jésus-Christ, qui délivre les siens du péché et de la mort.

Aussi voyons-nous, dans le Nouveau Testament, que l’Eglise fait passer, tout naturellement (et surnaturellement) le « jour du Seigneur » du sabbat juif, qui célébrait la délivrance d’Egypte, au sabbat chrétien qui célèbre la victorieuse résurrection du Fils de Dieu incarné pour nous et pour notre salut. Par rapport au Juifs, c’était passer d’un jour au jour suivant. Mais si l’Eglise avait retenu le même jour que le jour où les Juifs célébraient la délivrance de l’Egypte, cela aurait obscurci le changement incomparable survenu avec le fait novateur du triomphe du Christ.

Israël, l’Eglise de la nouvelle et dernière disposition, partait du sabbat enfin apporté, du repos donné par Jésus-Christ (Mt 11.22-29; Hé 4.1-12). Par rapport au 7ème jour des Juifs, il y a le 1er jour des chrétiens.

Le 1er jour a déjà son importance dans l’Ancien Testament.

La Pentecôte, la fête des moissons (Lv 23.9-21). La dédicace de la gerbe a lieu le lendemain du sabbat juif (11 et 14). Les sept semaines sont comptées à partir du lendemain du sabbat (15-16). Ce lendemain (1er jour de la semaine) est le jour de la « sainte convocation », sans aucun ouvrage comme au jour du sabbat. Ainsi, même sous l’ancienne disposition, le peuple de Dieu a observé des repos, des sabbats, du 1er jour, anticipant la venue de la grande Moisson, l’accomplissement de la rédemption.

La fête des Tabernacles (Lv 23.33-44), avec ses sabbats des 1er et 8ème jours (35,39) annonçant que Jésus-Christ, Parole de Dieu incarnée, « tabernaclerait » chez son peuple (Jn 1.14).

Le Jubilé (Lv 25.8-17). Le Jubilé était la cinquantième année (suivant l’année sabbatique) annonçant la consommation fidèle, l’achèvement de toutes choses en Christ.

Les trompettes. Elles annonçaient, le 1er jour du 7ème mois, l’approche de la présence divine (Lv 23.24).

III.

L’essence du sabbat est la « rencontre avec Dieu ». Christ est notre sabbat, notre repos. Il a appelé ses disciples à quitter leurs propres œuvres et à le suivre. Marie, en opposition à Marthe, a reconnu en Jésus la présence du sabbat (Lc 10.38-42). Elle a saisi qu’elle devait se reposer et profiter (jouir) de la présence de Jésus.

Aussi pouvons-nous comprendre en profondeur le lien qu’il y a entre la résurrection du Sauveur-Seigneur, le premier jour, le lendemain du sabbat juif (Lc 24.13-51; Jn 20.1,19,26) et les assemblées de l’Eglise apostolique, le premier jour, le lendemain du sabbat juif (Ac 2.1, 20.6s; 1 Co 16.1s). Ainsi, si nous ne retenons plus le sens « typique » du sabbat (sens « typique », propre à l’ancienne disposition), son sens accompli en Jésus-Christ, nous retenons le sens moral et le sens spirituel du sabbat.

• Le sens moral: chaque semaine est « mis à part » (sanctifié) un jour de repos (Ex 20.10; Dt 5.14; Mt 12.12; Lc 13.16; Jn 9.14), de cessation de nos labeurs quotidiens des autres jours (seules, les œuvres nécessaires sont permises; Mt 12.1; Lc 13.15, 14.1).

Eu égard aux prochains, et même aux animaux, nous devons veiller à leur repos (Ex 20.10; Dt 5.14; Mt 12.12; Lc 13.16; Jn 9.14), nous souvenant que le sabbat (le repos) est ordonné pour l’homme, pour sa bénédiction, son profit.

Comme le sabbat était un mémorial du salut pour les fidèles de l’ancienne disposition (Dt 5.15; Jr 17.21-22), il est un mémorial du salut pour ceux de la nouvelle (Ap 1.10; Mt 28.1; Mc 16.9; Lc 14.1-3; Jn 20.1-2; Ac 20.7; 1 Co 11.18,26, 16.2). Parce qu’il est un jour saint, il est pour les fidèles de la nouvelle disposition un jour de rassemblement cultuel public: la sainte Ecriture doit y être lue (Ac 13.27, 15.21), la Parole et le sacrement doivent y être communiqués (Ac 2.42, 13.14-15,44, 17.2, 18.4) et l’enseignement donné (Mc 6.2; Lc 4.16,31, 6.6, 13.10; Ac 13.14,42,44, 15.21, 17.2, 18.4); les œuvres accomplies (Nb 28.9; Mt 12.5; Jn 7.23).

Le Magnificat de la bienheureuse vierge Marie, mère du Seigneur, est le cantique du sabbat par excellence (Lc 1.46-55).

Les règles cérémonielles du sabbat, règles établies pour les fidèles de l’Ancien Testament n’ont plus à être observées puisque le Christ est venu (Col 2.16-17).

• Le sens spirituel du sabbat: Christ notre sabbat est à être vécu chaque jour. Chaque jour, nous avons à nous reposer de nos œuvres propres de justice pour ne trouver notre justification et notre repos qu’en Jésus-Christ, le Créateur-Sauveur. Nous reposer en Christ comporte aussi le respect de son autorité et de ses lois sur tous les aspects divers de notre existence.

Ainsi, nous attendons la plénitude à venir du grand Sabbat final.


* P . Courthial est pasteur de l’Eglise Réformée de France et doyen honoraire de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

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