Olivier Charvin – La Revue réformée http://larevuereformee.net Wed, 23 Jun 2021 16:32:59 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 La prédication dominicale est-elle toujours pertinente ? http://larevuereformee.net/articlerr/n291/la-predication-dominicale-est-elle-toujours-pertinente Wed, 23 Jun 2021 18:32:59 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=1139 Continuer la lecture ]]> La prédication dominicale est-elle toujours pertinente ?

Olivier Charvin

Pasteur de l’Action biblique suisse au Locle (canton de Neuchâtel)


1. Une pratique remise en cause

Prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, convaincs, reprends, exhorte, avec toute patience et en instruisant. (2Tm 4.2)1

L’appel de l’apôtre Paul à prêcher la Parole a été suivi dans toutes les branches du christianisme, même si la prédication a été particulièrement mise à l’honneur dans le cadre du protestantisme. Marc Lienhard rapporte cette affirmation de Luther :

La communauté chrétienne ne doit jamais se rassembler sans que la Parole de Dieu y soit prêchée et priée, fût-ce de la manière la plus concise2.

Pour Calvin, la prédication caractérise l’Eglise véritable, avec les sacrements3, et Zwingli a réorganisé le culte autour de la prédication4. La Seconde Confession helvétique considère « la prédication légitime et sincère de la Parole de Dieu »5 comme la manifestation principale de l’Eglise véritable. Aujourd’hui encore la prédication est décrite comme le « cœur du culte protestant »6 et occupe « une place importante »7 dans le culte évangélique.

Toutefois, les cultes protestants et évangéliques connaissent actuellement une évolution qui traduit une remise en cause du caractère central de la prédication. Signe visible de sa perte d’importance, sa durée est passée en un siècle de plus d’une heure à moins de vingt minutes dans la plupart des Eglises protestantes8. Il est vrai que les cultes évangéliques ne connaissent pas tous cette tendance. Christophe Paya évoque des prédications « relativement longues »9, mais le caractère prééminent de la prédication tend à s’estomper. L’élément marquant du culte n’est plus le message, mais la louange qui marque plus facilement les esprits10. Henri Blocher exprime son inquiétude face au déclin de la prédication dans l’Eglise11 et John Stott dénonce les attaques qui en font une pratique dépassée12. Un mot résume les principaux reproches qui lui sont adressés : l’ennui ! Henri Bacher parle de « puissant soporifique »13 distillé en chaire.

Essentielle au culte protestant pour les réformateurs, la prédication semble avoir perdu son importance au point que l’on s’interroge sur sa pertinence dans notre société, bien différente de celle du xvie siècle. Certaines Eglises de Suisse romande cherchent à diversifier les formes avec des prédications raccourcies et à plusieurs voix14, ou proposent même des cultes sans prédication une fois par mois en valorisant le chant et la méditation15. Il s’agit de rendre actifs tous les participants et d’attirer des personnes qui ne fréquentent pas les lieux de culte.

2. Redécouvrir la prédication

La prédication dans le culte

Le témoignage biblique nous apprend que les premiers chrétiens se retrouvaient au Temple (Ac 2.46 ; 5.42 ; Lc 24.53), où l’Ecriture était lue et probablement discutée16, et dans des maisons privées17. La lecture et le commentaire des Ecritures sont aussi des pratiques synagogales attestées au ier siècle18, vraisemblablement reprises par les premières communautés chrétiennes, qui ont ajouté à cette liturgie la lecture des lettres apostoliques19, puis de responsables comme Clément de Rome20. Les premières rencontres chrétiennes (Ac 2.42) montrent une continuité remarquable avec les pratiques de la synagogue, « lieu d’enseignement », « lieu de prières » et « lieu de rassemblement de vie communautaire où l’on prenait des repas »21. Si les chrétiens de Jérusalem se réunissaient quotidiennement (Ac 2.46), un jour spécifique est rapidement mis à part (Ac 20.7 ; 1Co 16.2) : le premier jour de la semaine, qui rappelle la résurrection de Christ22.

L’exhortation de Paul aux Corinthiens, « que tout se fasse pour l’édification » (1Co 14.26), dans un contexte communautaire, montre clairement la priorité scripturaire donnée à l’enseignement dans le culte chrétien. Paul souligne aussi que notre liberté chrétienne doit être utilisée avec sagesse : « Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas. » (1Co 10.23)23 Annie Bergèse dénonce, à juste titre, une certaine spiritualité évangélique qui veut faire du culte un temps de bien-être personnel au sens immédiat et terrestre du terme, oubliant les notions d’obéissance et de renoncement personnel24.

David Peterson conclut sa théologie biblique de l’adoration en soulignant que le culte est centré sur Dieu et qu’il a pour but l’édification du corps dans chacune de ses composantes25. Le culte est un « moyen de grâce », un moyen privilégié par lequel Dieu communique ses bienfaits26. Paul rappelle aux Romains la nécessité que la Parole de Dieu soit prêchée pour susciter la foi (Rm 10.14-17), tandis que Jacques et Pierre soulignent le rôle essentiel des Ecritures dans la croissance chrétienne (Jc 1.18 ; 1P 1.23‑24). C’est pourquoi Paul exhorte Timothée à vivre en « ouvrier […] qui dispense avec droiture la parole de la vérité » (2Tm 2.15), étant ainsi, par sa prédication, un canal par lequel Dieu déverse sa grâce sur ses auditeurs.

Loin d’opposer adoration et édification, Peterson affirme que l’enseignement de l’Ecriture conduit les païens à louer Dieu pour ses bontés (Rm 15.9)27, montrant ainsi que l’adoration authentique se nourrit de l’enseignement scripturaire. Il est donc légitime de mettre la prédication au centre du culte, les autres éléments étant sous sa dépendance. C’est le moment du culte où Dieu parle à son peuple28.

Pourtant, l’intention de laisser une grande place à la prédication s’efface devant les attentes des participants et le désir d’un culte qui soit attrayant et varié. Certains cultes évangéliques sont tellement denses que les personnes présentes n’ont plus assez d’énergie pour suivre attentivement la prédication après une première partie trop longue29. Il y a plus de quatre siècles, Bullinger avertissait déjà contre les dangers d’un culte qui ne tient pas compte des limites humaines :

Que la plus grande partie du culte soit donc consacrée à l’enseignement de l’Evangile, et que l’on veille à ce que ceux qui sont présents au culte ne se lassent pas à cause des prières fastidieuses. Autrement, au moment de la prédication de l’Evangile, les auditeurs risquent de souhaiter partir, par fatigue, ou désirer que le culte s’achève30.

Depuis quelques décennies, ce ne sont plus de longues prières qui fatiguent les gens, mais la place laissée au temps « de louange », qui limite la durée de la prédication. Les Eglises baptistes réunies à Berlin ont déclaré que « la musique devient un spectacle glorifiant nos talents, au lieu de rendre gloire au Seigneur et de conduire son peuple à l’adoration »31.

Malgré de bonnes intentions, la prédication souffre de la « concurrence » des autres éléments du culte. Les Eglises évangéliques, qui se caractérisent souvent par une réflexion liturgique faible et une louange développée, sont particulièrement vulnérables à ce travers, surtout si les deux parties du culte ne sont pas coordonnées entre elles. L’assemblée vit en quelque sorte deux cultes, l’un plus festif, centré sur la musique, l’autre plus sérieux, où l’enseignant proclame le message de l’Evangile.

La nécessité de la prédication

Calvin fustige ceux qui pensent pouvoir se passer de la prédication et se contentent de leur propre lecture des Ecritures32. La Seconde Confession helvétique rappelle que la lecture personnelle de la Bible ne saurait se substituer à la prédication publique, pratique qui remonte aux temps apostoliques33. Si le salut est individuel, Jésus bâtit son « Eglise » (Mt 16.18), terme qui évoque le peuple de Dieu rassemblé34 et montre le caractère communautaire du projet divin, qui s’oppose à l’individualisme occidental actuel.

Evert Van de Poll déplore la tendance de certains chrétiens à considérer le culte comme « un supermarché où chacun remplit son propre caddy »35, ce qui conduit à ne s’intéresser qu’à tel ou tel élément du culte selon ses envies personnelles. Une telle attitude dénote un certain orgueil, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’un refus d’écouter les prédicateurs que Dieu donne à l’Eglise. S’exposer régulièrement à la prédication permet à l’auditeur d’être transformé par la pensée de Dieu plutôt que par la société qui l’entoure ou les thèmes favoris d’un prédicateur populaire sur internet. Les liens privilégiés du prédicateur avec ses auditeurs permettent à ces derniers de savoir à qui ils ont affaire. Les ressources chrétiennes sur internet n’offrent pas les mêmes garanties, celles-ci n’étant généralement pas évaluées par une instance digne de confiance36.

La prédication se nourrit aussi du lien qui existe entre l’enseignant et son auditoire, puisqu’elle a normalement été préparée pour une assemblée particulière et un jour précis. Elle revêt un caractère plus personnel qu’un message lu dans un recueil37. Cet aspect plus personnel concerne aussi le prédicateur, qui démontre par sa vie la pertinence de ce qu’il enseigne et incarne les vérités présentées. Augustin affirme que la conduite est plus importante que l’art oratoire38, tandis que Spener rappelle la nécessité pour les étudiants en théologie de mener une vie en accord avec l’Ecriture pour se préparer à être des « modèles du troupeau »39, de bonnes connaissances ne suffisant pas pour bien enseigner.

3. Renouveler la prédication

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous désirons formuler quelques pistes concrètes concernant le message, le prédicateur et l’Eglise.

La forme du message

Une nécessaire clarté

Paul a exhorté les Corinthiens à ne pas parler en langues incompréhensibles afin que l’assemblée soit édifiée par des chants, des prières et des prophéties qui peuvent instruire chacun (1Co 14.3-5, 14-19). Par analogie, le prédicateur qui désire être compris de son auditoire se doit de soigner non seulement le contenu de son message, mais aussi la manière de le communiquer. Le caractère oral de la prédication nécessite de travailler spécifiquement ce mode d’expression40.

Le langage doit être suffisamment clair pour être compris par les personnes présentes. Spener met en garde contre le désir de prêcher de manière savante alors que l’orateur doit plutôt s’adapter aux auditeurs, cherchant à être compris par les gens simples, souvent plus nombreux que les personnes plus cultivées41. Pierre Marcel exhorte à une sobriété de paroles, en évitant les digressions savantes inutiles, et à viser une « simplicité de langage »42 qui favorise une bonne compréhension de ce qui est exposé.

S’impliquer émotionnellement

Pour Augustin,

le prédicateur doit avoir pour triple objectif d’instruire, de plaire et d’émouvoir. Instruire est une nécessité, plaire est un agrément, émouvoir une victoire. Le premier de ces objectifs concerne les idées que nous énonçons, les deux autres, la manière de les exprimer43.

Martyn Lloyd Jones estime qu’il ne faut pas avoir peur des émotions lorsqu’on annonce les merveilleuses vérités de l’Evangile, mais il ajoute que prêcher n’est pas jouer un rôle comme un acteur, ce qui serait de l’hypocrisie44. Stuart Olyott encourage le prédicateur à s’identifier aux émotions que ses auditeurs sont censés ressentir (la joie, la peine ou la colère face au mal), afin de mieux les convaincre du message qu’il désire transmettre. Le prédicateur doit néanmoins prendre garde à la tentation de la surenchère émotionnelle. A l’ère médiatique, avec le modèle renvoyé par la télévision ou les médias électroniques, il est facile de privilégier une forme plus adaptée au sensationnalisme qu’à la proclamation sincère de la vérité biblique45.

La prédication ne doit ni se contenter de donner de simples informations ni imiter le sensationnalisme de certains médias. L’apôtre Paul « suppliait » ses lecteurs d’être réconciliés avec Christ (2Co 5.20). Un tel message ne saurait être prononcé de manière détachée.

Illustrer

Multiplier les illustrations facilite également la compréhension. Les auteurs du Nouveau Testament enseignent souvent les vérités spirituelles à partir de réalités concrètes et d’images. Comme l’observe Luther :

Si l’on prêche sur un article de la justification, les gens dorment et toussent. Si l’on raconte des histoires, ou que l’on donne des exemples, les oreilles se dressent dans une écoute attentive et silencieuse46.

Les récits de vie sont très appréciés des auditeurs, même s’il faut les utiliser avec prudence, ce qu’une personne a vécu n’étant pas toujours transposable dans la vie des autres.

Le contenu du message

L’Ecriture… toute l’Ecriture

L’exposition des Ecritures était déjà pratiquée plus de quatre siècles avant Jésus-Christ par le scribe Esdras, qui expliquait le sens de la loi au peuple rassemblé (Né 8)47. C’était aussi l’habitude d’Augustin, comme le souligne Verwilghen :

La prédication augustinienne tient presque exclusivement à l’enseignement et à l’interprétation de l’Ecriture. Tout prédicateur doit comprendre l’Ecriture, la connaître autant que possible par cœur et être capable de la présenter en termes éloquents48.

Le prédicateur doit donc enseigner le message biblique et montrer son actualité49. Et il doit l’exposer dans son intégralité, sans se limiter à ses textes préférés. Douglas Kelly observe que l’Ancien Testament a été particulièrement négligé au cours du xxe siècle par les prédicateurs évangéliques50. Emile Nicole encourage une utilisation plus régulière de l’Ancien Testament comme texte principal, et non seulement comme complément au texte du Nouveau Testament51.

La prédication textuelle suivie consiste à faire une série de prédications sur un livre biblique entier. C’était ce que faisait Calvin à Genève, selon le schéma suivant :

Prière, bref résumé du sermon précédent, présentation des éléments exégétiques nécessaires, exposé de la signification originelle, application à la vie de la congrégation, exhortation à l’obéissance, prière52.

Ce type d’enseignement, lorsqu’il est correctement dispensé, donne une vue d’ensemble des livres bibliques et oblige le prédicateur à aborder des passages peu enseignés.

La Loi et l’Evangile

Il faut enseigner non seulement que Dieu ordonne ce qui est juste, mais qu’il donne les moyens de vivre selon ses exigences, ce qui est impossible à l’être humain livré à lui-même. Jay Adams propose à ce sujet un test utile : « Si le sermon que vous prêchez convient aux membres d’une synagogue ou d’une communauté unitarienne, alors il pose un vrai problème. »53 Bryan Chapell recommande, lorsqu’on prêche l’obéissance aux commandements divins, d’indiquer également les ressources permettant de les mettre en pratique :

On ne devrait pas prêcher les exigences de Dieu indépendamment de la grâce de Dieu, car Dieu donne lui-même la sainteté qu’il exige. Si l’on néglige les moyens de grâce, alors on supprime toute possibilité d’obéissance54.

L’action divine dans la vie du croyant n’empêche toutefois pas l’appel à l’implication personnelle des auditeurs dans la mise en œuvre des vérités bibliques. L’apôtre Pierre, après avoir rappelé les dons de Dieu aux destinataires de sa lettre, poursuit par cette exhortation : « Faites tous vos efforts… » (2P 1.5) L’annonce de la grâce de Dieu n’annule pas l’appel à la sainteté, mais encourage à une mise en œuvre confiante des vérités enseignées.

L’autorité de la prédication

Un enseignement fidèle à l’Ecriture doit être perçu comme parole de Dieu. Augustin encourage ses auditeurs à ne pas s’arrêter à ses talents oratoires : « Ne vous préoccupez pas de moi, mais de la Parole de Dieu. »55 La Seconde Confession helvétique invite à recevoir la prédication comme venant de Dieu :

Lorsque, à présent, cette Parole de Dieu est annoncée dans l’Eglise par des prédicateurs légitimement appelés, nous croyons que c’est la véritable Parole de Dieu qu’ils annoncent, et que les fidèles reçoivent (I, 4).

Blocher s’appuie sur la continuité des ministères en 1 Corinthiens 12, les enseignants succédant aux apôtres et aux prophètes, pour affirmer l’autorité de la prédication56. Il rappelle néanmoins que le prédicateur n’est pas infaillible. Les auditeurs doivent donc faire preuve de discernement et de sens critique lorsqu’ils écoutent la prédication57. Celle-ci ne doit être reçue que dans la mesure où elle est conforme à la Parole de Dieu.

Une prédication orientée vers la pratique

Lorsqu’il affirme l’inspiration divine de l’Ecriture, Paul en souligne aussi la finalité pratique : « Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile… » (2Tm 3.16-17) La prédication doit donc présenter des applications et encourager la mise en pratique des vérités bibliques. Chapell formule cela de la manière suivante : « Nous ne sommes pas seulement des ministres de l’information ; nous sommes des ministres de la transformation. »58 De même, Timothy Keller souligne que le but de la prédication n’est pas seulement de produire des convictions, mais des vies renouvelées par la puissance transformatrice de l’Evangile59.

La prédication doit donner des directives aux auditeurs pour leur propre existence : « Il s’agit de porter sur la réalité vécue et éprouvée par les auditeurs l’éclairage de la lumière de l’Evangile. »60 Radcliffe met en garde les prédicateurs contre leur tendance à enjoliver la réalité et à donner une fausse image de la vie chrétienne. Il les invite à tenir compte de manière réaliste de leurs propres luttes et difficultés, ainsi que de la complexité de la vie humaine61.

Progresser dans le ministère de prédicateur

Que les anciens qui président bien soient jugés dignes d’un double honneur, surtout ceux qui prennent de la peine à la prédication et à l’enseignement. (1Tm 5.17)

Selon Samuel Bénétreau, le verbe traduit par « prendre de la peine » dans ce verset (kopiaô) « n’implique pas nécessairement une souffrance, mais au moins un engagement et une assiduité qui peuvent être parfois ressentis comme éprouvants »62. Le prédicateur consciencieux reste ouvert aux améliorations possibles de son enseignement et recherche l’excellence dans sa pratique. Il fait sienne l’exhortation de Paul à Timothée : « Applique-toi et sois tout entier à cette tâche, afin que tes progrès soient évidents pour tous. » (1Tm 4.15) Il est donc nécessaire de continuer à se former, en lisant des ouvrages sur la prédication ou en suivant des formations comme « Prêche la Parole »63, qui valorise la prédication textuelle suivie et organise des rencontres combinant théorie et pratique.

Le prédicateur et son auditoire

La chaire ne peut être le lieu pour régler ses comptes avec l’assemblée ou certains de ses membres. Le prédicateur doit veiller à ne pas tomber dans ce travers, tout en cherchant à rendre ses messages pertinents pour son auditoire. Connaître les préoccupations ou les défis des personnes permet de trouver des applications ou des exemples plus appropriés.

Devant son auditoire, le prédicateur gagne également à reconnaître ses limites et faiblesses personnelles. Sans multiplier les détails intimes, admettre ses propres difficultés et présenter les moyens mis en œuvre pour tenter de les surmonter rendent le message plus accessible. Cette vulnérabilité affichée peut donner lieu à des entretiens plus profonds après un enseignement. L’Evangile ainsi prêché montre la réalité de la vie chrétienne, jalonnée de victoires et de défaites, et rappelle aux auditeurs que chacun a quotidiennement besoin de la grâce de Dieu et de l’œuvre intérieure du Saint-Esprit pour progresser. Les grands personnages de l’Ancien Testament, comme Abraham ou David, ne sont pas idéalisés dans les Ecritures, bien au contraire. Leurs chutes tout comme leurs victoires y sont consignées pour notre instruction.

La dépendance vis-à-vis du Saint-Esprit

La préparation du message peut facilement être une suite de techniques d’analyse, suivie de la présentation du contenu d’un texte en s’appuyant sur sa propre expérience d’orateur. Cette manière de procéder, très mécanique, néglige les enjeux spirituels et l’œuvre transformatrice du Saint-Esprit, indispensable pour que la prédication atteigne son but. Azurdia rappelle la nécessité d’expérimenter l’action de Dieu par sa Parole dans sa propre vie avant de l’enseigner64.

Le prédicateur se place ainsi sous la dépendance divine, reconnaissant l’œuvre indispensable du Saint-Esprit dans les cœurs. Il sait aussi que tout changement consécutif à sa prédication ne peut être un sujet de gloire personnelle, Dieu seul pouvant transformer l’existence des auditeurs65. L’objectif du prédicateur n’est donc ni le succès, ni l’approbation, mais la fidélité au texte et l’adaptation à l’auditoire dans la dépendance la plus étroite possible vis-à-vis du Saint-Esprit.

La prise de conscience du rôle du Saint-Esprit encourage le prédicateur à prier tout au long de sa préparation et pour la réception du message proclamé. L’habitude de prêcher et le manque de temps disponible peuvent conduire à négliger cet aspect de la prédication, ce qui a pour effet de transformer cette dernière en un simple discours humain.

Marcel distingue le sermon écrit de la prédication orale. Cette dernière nécessite un abandon à la liberté de l’Esprit, qui transforme le messager et le rend apte à communiquer le message avec force et clarté :

Quand, en prêchant, un homme s’abandonne à la liberté de l’Esprit, il constate que ses facultés sont développées au-dessus de sa normale habituelle ; la liberté est donnée, non seulement à son âme, mais à sa langue ; sa pénétration d’esprit est plus grande, sa faculté de se représenter les choses est plus profonde ; la vérité prend une plus grande puissance sur son âme ; sa foi est plus intense ; il se sent pris dans une vivante et compacte réalité. Ses sentiments sont plus vifs et envahissent spontanément son cœur. Il en vient à penser les pensées du Christ, à éprouver les sentiments et les émotions du Christ ; il a conscience de faire les œuvres du Christ, avec lui et comme lui (Jn 14.12)66.

L’événement de la prédication, parole qui s’adresse à un auditoire donné à un moment donné, ne peut être correctement vécu sans une réelle dépendance vis-à-vis du Saint-Esprit. Cette dépendance n’exclut pas des notes rédigées avec soin, dans une réelle volonté de soumission à Dieu et en étant conscient que la préparation peut être remise en cause par une conviction claire du Saint-Esprit.

Le rôle des auditeurs

L’attitude des auditeurs influence la manière dont l’exposition de la Parole de Dieu est vécue par l’assemblée. Tout comme l’apôtre Paul demandait la prière pour qu’il annonce la Parole de Dieu de manière appropriée (Ep 6.19-20), le prédicateur peut aussi solliciter le soutien de l’assemblée. Stott souligne que Paul « était suffisamment sage pour être conscient de son propre besoin de forces face à l’ennemi, et suffisamment humble pour demander à ses amis de prier avec lui et pour lui »67.

La responsabilité des auditeurs ne s’arrête pourtant pas à la prière avant le culte. Puisque la prédication est la proclamation de la Parole de Dieu, l’écoute n’est pas une question de politesse, d’envie personnelle ou d’affinité avec le prédicateur, mais un témoignage de la soumission de l’auditeur à cette Parole, une manière pour ce dernier de montrer sa foi face à la Parole de Dieu elle-même. La Confession de foi de Westminster affirme que « l’écoute attentive de la Parole dans l’obéissance à Dieu »68 fait partie du culte, rendant les auditeurs acteurs et responsables. Dominique Angers prône une écoute humble, tout en gardant un certain sens critique par rapport à ce qui est enseigné, à l’image des Béréens (Ac 17.11)69. Il déplore que le temps de la prédication ressemble trop souvent à un « tribunal » où le message est évalué selon des critères de préférence personnelle, attitude typique de la société de consommation qui vit le culte comme un divertissement70.

Conclusion

Certaines remises en cause de la prédication sont compréhensibles, surtout lorsque celle-ci s’écarte de l’Evangile ou est déconnectée de la vie des auditeurs. Mais la réponse scripturaire ne consiste pas à écarter la prédication, mais à proclamer un message conforme à l’Evangile et en prise avec les réalités actuelles. Lorsque l’Eglise met la prédication au cœur du culte chrétien, elle manifeste sa confiance dans les moyens de grâce que Dieu a prescrits pour sa croissance spirituelle, ainsi que sa dépendance vis-à-vis du Saint-Esprit.


  1.  Cité selon La Bible, nouvelle version Segond révisée, dite « Bible à la Colombe », Société Biblique Française, Paris, 1978. Toutes les citations bibliques sont issues de cette version.↩

  2.  Marc Lienhard, « Lire, prêcher et interpréter la Bible dans le culte : les intentions des réformateurs », Présence et rôle de la Bible dans la liturgie, Martin Klöckener, Bruno Bürki, Arnaud Join-Lambert (éditeurs), Academic Press Fribourg, Editions Saint-Paul Fribourg, Fribourg (Suisse), 2006, p. 196.↩

  3.  Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, Kerygma/Excelsis, Aix-en-Provence/Charols, 2009, IV, i, 9.↩

  4.  Christophe Paya, Au cœur de la louange, Edifac/Excelsis, Vaux-sur-Seine/Charols, 2014, p. 58.↩

  5.  Henri Bullinger, La Seconde Confession helvétique, XVII, 11, in La Revue réformée 212 (2001/2).↩

  6.  Katie Badie, « Culte protestant », Dictionnaire de théologie pratique, sous dir. Christophe Paya, en collaboration avec Bernard Huck, Excelsis, Charols, 2011, p. 258.↩

  7.  Christophe Paya, « Culte évangélique », Dictionnaire de théologie pratique, p. 242.↩

  8.  Françoise Lautman, « La prédication comme rite : un statut contesté », Ethnologie française 37, 2007/HS, p. 110.↩

  9.  Christophe Paya, « Culte évangélique », Dictionnaire de théologie pratique, p. 242.↩

  10.  Christophe Paya, Au cœur de la louange, p. 12-14 ; Evert Van de Poll, « Prédication et culte », Les Cahiers de l’école pastorale, HS 12, p. 51-52.↩

  11.  Henri Blocher, « De la prédication », La Bible au microscope. Exégèse et théologie biblique du Nouveau Testament, vol. 2, Edifac, Vaux-sur-Seine, 2010, p. 224.↩

  12.  John Stott, Le défi de la prédication. Transmettre la Parole de Dieu dans le monde d’aujourd’hui, abrégé et mis à jour par Greg Scharf, Langham Partnership, Carsile, Cumbria (UK), 2014, p. 7-8.↩

  13.  Henri Bacher, « Lettre ouverte aux prédicateurs », http://www.eglise-numerique.org/2014/08/lettre-ouverte-aux-predicateurs.html (consulté le 2 janvier 2016).↩

  14.  Henri Bacher, « Culte expérimental n° 1 », http://www.dailymotion.com/video/xcm5q7_culte-experimental-n-1_webcam (consulté le 8 avril 2016).↩

  15.  « Culte dans le style de Taizé », http://saintcergue.eerv.ch/culte-dans-le-style-de-taize/ (consulté le 8 avril 2016).↩

  16.  Innocent Himbaza, « L’utilisation de l’Ecriture dans le culte juif au début de l’ère chrétienne », Présence et rôle de la Bible dans la liturgie, op. cit., p. 25.↩

  17.  Oscar Cullmann, La foi et le culte de l’Eglise primitive, Delachaux & Niestlé, Neuchâtel (Suisse), 1963, p. 107, et Marcel Metzger, Histoire de la liturgie. Les grandes étapes, Desclée de Brouwer, Paris, 1994, p. 39, donnent plusieurs exemples tirés des Ecritures (Ac 1.13 ; 2.46 ; 5.42 ; 12.12 ; 16.15, 40 ; 20.20 ; Rm 16.5 ; 1Co 16.19 ; Col 4.15 ; Phm 2).↩

  18.  Innocent Himbaza, op. cit., p. 28.↩

  19.  Cette pratique est encouragée par Paul en Col 4.16, 1Th 1.3 et, par extension, par la parole en Ap 1.3.↩

  20.  Matthieu Collin, « La Bible dans la liturgie chrétienne des premiers siècles », Présence et rôle de la Bible dans la liturgie, Martin Klöckener, Bruno Bürki, Arnaud Join-Lambert (éditeurs), Academic Press Fribourg, Editions Saint-Paul Fribourg, Fribourg (Suisse), 2006, p. 48-49.↩

  21.  B. Huck, Dictionnaire de théologie pratique, p. 10-11, souligne aussi que Jc 2.2 utilise le mot « synagogue » pour désigner l’Eglise locale, renforçant encore la parenté entre les deux institutions.↩

  22.  Oscar Cullmann, op. cit., p. 108.↩

  23.  Ce texte ne concerne pas directement le rassemblement de l’Eglise, mais il est possible d’extrapoler au domaine du culte le principe donné par Paul dans le cadre des viandes sacrifiées aux idoles.↩

  24.  Annie Bergèse, « Identité protestante et spiritualité communautaire. Entre spiritualité et liturgie », La Revue réformée 239 (2006/4), p. 88-89.↩

  25.  David Peterson, En Esprit et en vérité. Théologie biblique de l’adoration, Excelsis, Charols, 2005, p. 300.↩

  26.  Le petit catéchisme de Westminster, questions 88-90, évoque la prière, les sacrements et la parole, notamment par le moyen de la prédication.↩

  27.  D. Peterson, op. cit., p. 188.↩

  28.  P. Clowney, L’Eglise, coll. Théologie, Excelsis, Cléon d’Andran, 2000, p. 135 ; Ch. Paya, Au cœur de la louange, p. 53.↩

  29.  Christophe Paya, « Culte évangélique », Dictionnaire de théologie pratique, p. 246.↩

  30.  Henri Bullinger, La Seconde Confession helvétique, XXIII, 3.↩

  31.  « Déclaration de Berlin sur le culte », Les Cahiers de l’école pastorale 35 (2000/1), p. 4.↩

  32.  Calvin, IRC, IV, i, 5.↩

  33.  Henri Bullinger, La Seconde Confession helvétique, XXII, 1.↩

  34.  Richard Thomas France, L’Evangile de Matthieu, t. 2, Edifac, Vaux-sur-Seine, 2000, p. 63.↩

  35.  E. Van de Poll, op. cit., p. 51.↩

  36.  Antonio Spadaro, Cyberthéologie. Penser le christianisme à l’heure d’internet, Lessius, Bruxelles, 2014, p. 41.↩

  37.  Hans-Christoph Askani, « Le pasteur. Témoin de la vérité ? », Etudes théologiques et religieuses 85 (2010/4), p. 521.↩

  38.  Albert Verwilghen, « Rhétorique et prédication chez Augustin », Nouvelle Revue théologique 120 (1998/2), p. 237, rapporte cette citation : « Il est éloquent celui dont la vie est une prédication. »↩

  39.  Philipp Jacob Spener, Pia desideria, Arfuyen, Paris, 1990, p. 82.↩

  40.  Bernard Reymond, De vive voix. Oraliture et prédication, Pratiques no 18, Labor et Fides, Genève, 1998, p. 105.↩

  41.  Spener, op. cit., p. 90.↩

  42.  Pierre Marcel, « L’actualité de la prédication », La Revue réformée 7 (1951/3), p. 65. Jean-Jacques von Allmen, Célébrer le salut. Doctrine et pratique du culte chrétien, Editions du Cerf, Labor et Fides, Paris, Genève, 1984, p. 124-125, étend cette demande de « simplicité » à tout le culte.↩

  43.  Marie-Anne Vannier, « La prédication chez Augustin et Eckhart », Nouvelle Revue théologique 127 (2005/2), p. 185-186.↩

  44.  Martyn Lloyd-Jones, Preaching and Preachers, Zondervan Publishing House, Grand Rapids, 1971, p. 94.↩

  45.  R. Gelin, « Prédication », Dictionnaire de théologie pratique, p. 546.↩

  46.  Cité par B. Reymond, op. cit., p. 116.↩

  47.  Henri Blocher, op. cit., p. 230.↩

  48.  A. Verwilghen, op. cit., p. 238.↩

  49.  P. Marcel, op. cit., p. 45.↩

  50.  Douglas F. Kelly, « Prêcher le dessein de Dieu dans sa totalité (2) », La Revue réformée 199 (1998/3), p. 6.↩

  51.  Emile Nicole, « Prêcher sur l’Ancien Testament », Les Cahiers de l’école pastorale, HS 12, p. 33.↩

  52.  R. Gelin, op. cit., p. 544.↩

  53.  Jay Adams, Preaching with Purpose. A Comprehensive Textbook on Biblical Preaching, Baker Book, Grand Rapids, 1982, p. 147, cité par Bryan Chapell, Prêcher. L’art et la manière, Coll. Diakonos, Excelsis, Charols, 2009, p. 311.↩

  54.  Bryan Chapell, op. cit., p. 338.↩

  55.  Cité par A. Verwilghen, op. cit., p. 239-240.↩

  56.  Henri Blocher, op. cit., p. 232.↩

  57.  Ibid., p. 235.↩

  58.  Bryan Chapell, op. cit., p. 51.↩

  59.  Timothy Keller, Une Eglise centrée sur l’Evangile. La dynamique d’un ministère équilibré au cœur des villes d’aujourd’hui, Excelsis, Charols, 2015, p. 70.↩

  60.  R. Gelin, op. cit., p. 549.↩

  61.  Timothy Radcliffe, « Prédication : sortir de l’ennui ! », Etudes 398, 2003/1, p. 69-70.↩

  62.  Samuel Bénétreau, Les épîtres pastorales. 1 et 2 Timothée, Tite, Edifac, Vaux-sur-Seine, 2007, p. 244-245.↩

  63.  Il existe des rencontres nationales annuelles qui encouragent à la prédication textuelle et des groupes locaux plus axés sur la pratique et l’évaluation de ses propres prédications par ses pairs (www.prechelaparole.fr).↩

  64.  A. Azurdia, Prêcher dans la puissance de l’Esprit, Europresse, Chalon-sur-Saône, 2000, p. 38.↩

  65.  Henri Bullinger, La Seconde Confession helvétique, XVIII, 2.↩

  66.  Pierre Marcel, op. cit., p. 79.↩

  67.  John Stott, La lettre aux Ephésiens. Vers une nouvelle société, Editions Grâce et Vérité, Mulhouse, 1995, p. 283.↩

  68.  Confession de foi de Westminster, XXI, 5.↩

  69.  Dominique Angers, « Comment écouter une prédication », conférence donnée à l’Institut biblique de Genève, le 8 octobre 2012, dans le cadre du séminaire « Veille sur toi-même et sur ton enseignement avec persévérance ».↩

  70.  Ibid.↩

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Le chrétien et l’influence démoniaque http://larevuereformee.net/articlerr/n267/le-chretien-et-linfluence-demoniaque Sat, 03 May 2014 20:06:19 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=866 Continuer la lecture ]]> Le chrétien et l’influence démoniaque

Olivier CHARVIN*

Depuis une quarantaine d’années, le combat spirituel en général et l’action du diable et des démons en particulier ont connu un regain d’intérêt au sein du monde protestant évangélique. P. Wagner, D. Prince et J. Wimber, pour ne citer que quelques noms, ont largement évoqué ce domaine, popularisant tout un ministère de délivrance[1]. L’arrivée de la troisième vague charismatique dix ans plus tard a contribué au développement de ce ministère dans le monde évangélique et à la diffusion de plusieurs écrits concernant le combat spirituel et la connaissance du monde démoniaque[2].

Nous nous proposons d’étudier ici un auteur particulier, Charles H. Kraft, professeur au Fuller Theological Seminary depuis 1969, enseignant itinérant et auteur de plusieurs ouvrages concernant le combat spirituel et la guérison intérieure[3]. Nous nous limiterons à l’examen d’un livre de cet auteur, Defeating Dark Angels[4], et de ses enseignements concernant les relations entre les démons et le chrétien. Nous examinerons le rôle du chrétien face aux forces démoniaques et les attaques dont celui-ci pourrait être victime. Nous étudierons aussi les arguments d’auteurs qui accréditent les thèses de Kraft.

L’évaluation des affirmations de Kraft se fera en étudiant la pertinence de ses arguments par rapport à l’Ecriture et le bien-fondé de ses citations bibliques. Nous chercherons aussi à synthétiser l’enseignement scripturaire concernant l’attitude du chrétien face au monde démoniaque

I. Les thèses de Charles H. Kraft

1. Diable et démons

Si le diable est vaincu (Col 2.15), il reste actif, comme en témoignent plusieurs avertissements de l’Ecriture (Ep 6.12-13 ; 1P 5.8-9 ; Jc 4.7 ; 1Jn 5.19)[5]. Kraft tient à dénoncer la fausse certitude de certains chrétiens qui pourraient se sentir indûment en sécurité face aux attaques diaboliques. L’activité démoniaque est, selon cet auteur, exposée tout au long du Nouveau Testament, montrant la grande activité des forces du mal. Le chrétien est donc invité à prendre au sérieux le diable et les démons, comme l’Ecriture le demande[6].

Kraft souligne plusieurs caractéristiques du diable et des démons, montrant leur caractère foncièrement mauvais et le danger qu’ils représentent. L’auteur cite Esaïe 14 et Ezéchiel 28 pour décrire la rébellion et l’humiliation de Satan. Il souligne aussi quelques caractéristiques des démons : ils peuvent habiter une personne, ils sont de forces différentes (Mt 12.45) et détiennent un grand pouvoir, même si ce dernier reste soumis à Dieu[7]. Leur caractère mauvais, leur grande influence dans ce monde et les attaques contre les chrétiens sont notamment relevés.

2. Le chrétien face aux puissances du mal

S’appuyant sur sa propre expérience et sur les paroles de Jésus, Kraft souligne que le ministère de délivrance n’est pas réservé à quelques-uns, mais que tous les chrétiens sont appelés à chasser des démons comme Jésus l’a fait. Il s’appuie notamment sur les paroles de Jésus envoyant ses disciples en mission (Lc 9.1) et sur la promesse de faire des œuvres encore plus grandes que celles faites par Jésus lui-même (Jn 14.12)[8]. Comme Jésus a été envoyé dans le monde pour libérer les captifs (Lc 4.18-19), tous les chrétiens sont envoyés à leur tour pour accomplir la même mission, comme Jésus l’a commandé (Jn 20.20-21)[9], c’est-à-dire pour « combattre le royaume de Satan dans la puissance du Saint-Esprit[10] ».

Kraft affirme que chasser des démons est un ordre et non une option. Il s’appuie sur l’envoi en mission des douze (Lc 9.1-2 et parallèles), puis des soixante-douze (Lc 10.8-9), ainsi que sur l’ordre de Jésus d’obéir à tout ce qu’il a demandé (Mt 28.20), ministère de délivrance compris[11], la promesse de Jean 14.12 permettant plus généralement d’inclure tous les signes et les prodiges réalisés par Jésus comme faisant partie du ministère du chrétien[12]. L’auteur mentionne qu’il a lui-même expérimenté l’immense pouvoir reçu en réponse à la prière de Paul en Ephésiens 1.19[13] et déplore que beaucoup de chrétiens ne soient pas plus conscients du pouvoir qu’ils détiennent[14].

La manière de chasser les démons est aussi largement expliquée. Kraft donne une grande importance aux informations que nous pourrions recevoir de la part des démons. Obtenues en obligeant le ou les démons à dire la vérité par la puissance de Jésus, ces informations facilitent la délivrance et tout le travail de guérison intérieure qui l’accompagne, même si Kraft reconnaît que le plus important est de se laisser guider par l’écoute de Dieu[15]. Les séances de délivrance durent donc longtemps ; l’auteur recommande pourtant des sessions de longueur raisonnable, c’est-à-dire « deux heures et demi à trois heures », tout en reconnaissant avoir vécu une session de onze heures[16]. Il explique la différence entre les délivrances effectuées par Jésus et celles qui sont effectuées par des chrétiens par la différence d’intimité avec Dieu, celle de Jésus avec son Père céleste étant parfaite. Notre intimité avec Dieu n’étant pas aussi parfaite que celle de Jésus, nous avons moins de puissance et les délivrances prennent donc plus de temps[17].

3. La « démonisation » des chrétiens

Kraft distingue entre la « démonisation[18] » et la possession démoniaque. Il affirme que le terme possession démoniaque indique un contrôle plus grand que celui qui est réellement exercé par les démons, d’où sa préférence pour le terme de démonisation. D’après Kraft, traduire daimonizomai et echein daimonion (avoir un démon) par posséder n’est pas correct, la possession étant un cas ultime qui pourrait s’appliquer pour le Gadarénien (Mt 8.28-34), mais pas pour les autres cas. Il souligne aussi que le premier des deux termes grecs indique un contrôle démoniaque plus important, ce que les traductions ne rendent pas[19].

L’expérience de la démonisation d’un pasteur est utilisée pour montrer l’existence de chrétiens démonisés. Kraft cite M. Unger, qui a été convaincu de ce fait à la suite de nombreux témoignages de personnes démonisées puis délivrées[20]. Après avoir forcé les démons à dire la vérité, l’auteur a toujours eu comme réponse qu’ils ne pouvaient pas habiter dans l’esprit d’une personne chrétienne, parce que le Saint-Esprit vivait en elle (1 Jn 4.4). Par contre, un démon peut vivre dans les pensées, les émotions, le corps et la volonté d’un chrétien[21]. Kraft précise que son interprétation de 1 Jean 4.4 a évolué parce que les expériences lui ont montré que la présence du Saint-Esprit chez le chrétien ne le préservait pas de la démonisation[22]. Il arrive à la conviction que la Bible ne dit rien sur la démonisation des chrétiens ; il faut donc laisser les spécialistes se prononcer sur le sujet et s’en remettre à leur expérience, puisque aucune certitude ne peut être déduite de l’Ecriture[23].

Kraft présente aussi d’autres éléments dont l’examen sortirait du cadre de cette étude. Par sa propre expérience et celle d’autres personnes, il a pu découvrir que les démons ont différents noms, sont de différentes forces et qu’ils ont besoin d’un point d’entrée (faiblesse émotionnelle ou spirituelle comme, par exemple, un péché qui n’est pas correctement traité) pour qu’il y ait effectivement démonisation. Il souligne aussi, se fiant toujours à son expérience, que la démonisation n’est pas automatiquement liée à un comportement donné ; seul, un entretien avec la personne pourra déterminer si elle est réellement démonisée[24].

II. Témoignages en accord avec Kraft

1. Kurt Koch

Koch se base sur sa pratique pastorale et sur l’étude de plus de six cents cas particuliers, parmi lesquels il présente cent vingt exemples qui illustrent son propos. Il utilise aussi les données de la littérature au sujet des atteintes occultes et étudie des cas qui échappent à une explication psychologique[25].

Kraft cite Koch pour appuyer le fait qu’un chrétien peut être démonisé[26]. Koch donne plusieurs exemples de chrétiens particulièrement oppressés par des attaques occultes se manifestant de nombreuses manières[27]. Il souligne aussi que « dans l’évangélisation populaire, l’évangéliste rencontre dans la cure d’âme de nombreux cas d’activité et d’attaques occultes[28] ». Il déplore également que des chrétiens se livrent à des pratiques occultes, notant au passage que certains en souffrent par la suite[29], ce qui confirme, selon lui, la réalité des attaques démoniaques y compris contre les chrétiens. Certains cas étudiés montrent même des personnes chrétiennes qui présentent des symptômes faisant penser à une possession[30]. Koch recommande aussi l’exorcisme comme moyen de délivrance, même s’il reconnaît que cette pratique doit rester exceptionnelle. Cette dernière est présentée, sur la base de son expérience, comme « un véritable duel entre le pasteur et la puissance des ténèbres » qui nécessite « un charisme spécial », sachant que c’est le Saint-Esprit qui délivre[31]. On retrouve l’expérience comme fondement de la connaissance, l’ouvrage de Koch se basant sur l’étude de nombreux cas.

Toutefois, il serait exagéré d’affirmer que l’étude de Koch valide entièrement les thèses de Kraft. Koch souligne, notamment, que sa pratique et celle de plusieurs autres spécialistes montrent « qu’il y a incompatibilité entre la contrainte exercée par la possession et la soumission à Jésus-Christ[32] », soulignant même que certaines personnes apparemment possédées ont des comportements qui s’expliquent par les études psychologiques et psychiatriques[33].

Kraft et Koch sont d’accord pour souligner la réalité de la présence démoniaque et la nécessité de l’exorcisme, présenté comme un duel, même si la délivrance se fait par l’œuvre de Christ. Koch s’est surtout intéressé à l’influence occulte, y compris sur les chrétiens. Il réfute l’idée de possession d’un chrétien, comme Kraft, mais il n’envisage pas la possibilité d’une démonisation pour expliquer certains phénomènes. Son étude, qui date de plus de quarante ans, a aussi le mérite d’explorer la voie de la psychologie, montrant que certaines manifestations peuvent s’expliquer sans influence démoniaque directe. Une même démarche avec les connaissances actuelles serait intéressante et permettrait peut-être une meilleure compréhension de ce qui se passe réellement.

Kraft a largement développé le point de vue de Koch en affirmant une très grande influence démoniaque dans le monde et, notamment, contre les chrétiens. Il a aussi généralisé la pratique de l’exorcisme en l’étendant à tous les chrétiens, ce que Koch ne préconise pas.

2. Merrill Unger

Kraft s’appuie sur l’exemple de Unger, présenté comme une personne qui a changé d’avis face à la démonisation de chrétiens à cause d’une expérience personnelle, la démonisation d’un proche, et de nombreux témoignages[34]. En 1952, Unger souligne que les phénomènes de possession démoniaque ne se sont pas arrêtés à l’époque du Nouveau Testament et continuent encore aujourd’hui[35]. Il précise que seuls les incroyants sont concernés par la démonisation, leur personnalité étant envahie et leur corps habité, ce qui conduit à un certain contrôle démoniaque, tandis que croyants et incroyants peuvent subir des influences extérieures, telle qu’une certaine pression, la suggestion ou la tentation[36].

Près de vingt ans plus tard, Unger publie un autre ouvrage où il écrit avoir changé d’avis à propos de la possession démoniaque du chrétien, après avoir reçu de nombreuses lettres de missionnaires du monde entier. Il affirme dès lors que l’Ecriture ne résout pas clairement la question concernant ce sujet[37]. Les nombreux témoignages et expériences ont donc nettement modifié son point de vue. Unger cite même l’exemple d’une femme chrétienne qui était sous une telle domination démoniaque qu’elle était possédée[38].

3. Wayne Grudem

Dans sa Théologie systématique, Grudem s’oppose à ceux qui nient l’influence des démons aujourd’hui, arguant que nous ne sommes pas encore dans le millénium, lorsque « Dieu retirera à Satan toute influence sur la terre », ce qui implique que l’activité satanique soit la même qu’à l’époque du Nouveau Testament[39]. Il réfute la possibilité qu’un chrétien soit possédé, précisant que ce terme signifie que « la volonté de la personne est entièrement dominée par un démon, si bien qu’elle n’a plus le pouvoir de faire le bien et d’obéir à Dieu[40] ». Il ajoute « qu’il peut y avoir différents degrés d’influence ou d’attaque démoniaque dans la vie des croyants[41] ».

En cas de démonisation ou de possession démoniaque, « le remède sera le même dans tous les cas : ordonner au démon de partir au nom de Jésus[42] ». Cette autorité de chasser les démons est donnée à tous les croyants, Grudem s’appuyant sur les mêmes textes que Kraft pour valider cette affirmation, ainsi que sur les deux exorcismes du livre des Actes (Ac 8.7 ; 16.18)[43]. Par contre, il ne préconise pas la même méthode que Kraft et invite à la sobriété dans l’action de chasser les démons, dénonçant « les batailles interminables et exténuantes » qui n’ont aucun appui biblique[44]. Il mentionne aussi l’importance de discerner les esprits (1Co 12.10) pour reconnaître une influence démoniaque chez une personne[45].

III. Discussion des thèses de Kraft

1. Le rôle de l’expérience

Koch, Kraft et Unger affirment clairement qu’ils ont été guidés par l’expérience. Pour les deux derniers auteurs, leur propre expérience et les récits d’autres chrétiens ont manifestement été des éléments décisifs dans leur conception de l’influence démoniaque sur le croyant. Kraft a longtemps cru que le chrétien ne pouvait pas être démonisé, avant de changer d’avis à cause de sa propre expérience[46]. Il y a donc un problème méthodologique, puisque l’expérience devient la norme et la source de connaissance ultime, remplaçant la Bible. Dean critique ainsi ceux qui affirment, sur la base de l’expérience, que le chrétien peut être démonisé : « Au lieu d’interpréter nos expériences à la lumière de la Bible, nous interprétons la Bible à la ‹lumière› de notre expérience[47]. »

Dans un dossier « Démonologie » de Fac-Réflexion, Henri Blocher propose quelques principes concernant le rôle de l’expérience. Il rappelle que « l’expérience ne suffit jamais à conférer l’autorité de la doctrine à une thèse : Sola Scriptura ! » ;  il invite aussi à « ne pas condamner une opinion qu’accrédite l’expérience, si elle ne contredit en rien l’Ecriture[48] ».

L’évaluation des thèses de Kraft devraient donc premièrement être fondée sur l’Ecriture. Ce n’est que si nous constatons que l’Ecriture ne dit rien, notamment sur la démonisation du chrétien, que nous pourrons examiner l’expérience. Il convient donc d’examiner les appuis scripturaires donnés pour confirmer la mission du chrétien face aux démons. Nous examinerons les passages bibliques cités comme appui des thèses de Kraft et nous vérifierons si l’Ecriture reste effectivement muette à propos de la démonisation possible du chrétien.

On notera, enfin, qu’une partie des connaissances de Kraft viennent des démons eux-mêmes, à qui il a été ordonné de dire la vérité[49]. Cette manière de faire n’est ni scripturaire ni fiable, le diable étant décrit comme « le Père du mensonge[50] ». Il est donc permis de douter du bien-fondé à la fois de la technique proposée et de la véracité ou de la pertinence des informations recueillies.

2. La mission du chrétien

Dans son argumentation, Kraft lie à plusieurs reprises[51] la mission de Jésus telle qu’il la définit, dans la synagogue de Nazareth (Lc 4.18-19) et lors de l’envoi des disciples après sa résurrection, en ces termes : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie[52]. » Carson a clairement montré les faiblesses de ce raisonnement. Il souligne premièrement une erreur méthodologique, puisque le sens de Jean 20.21 doit être déduit « du contexte immédiat et en particulier de l’ensemble des passages qui parlent du thème de l’envoi dans le quatrième évangile[53] » et non en s’appuyant sur l’évangile de Luc. Il ajoute aussi que Jean 20.21 rappelle le modèle d’obéissance et de dépendance du Père que manifeste Jésus dans le cadre de l’envoi des disciples dans le monde[54].

Le rapprochement fait par Kraft n’est pas légitime et ne s’appuie pas sur une exégèse correcte des versets cités. Il apparaît d’ailleurs aux yeux de plusieurs que les paroles de Jésus à Nazareth annoncent qu’il est le serviteur de l’Eternel accomplissant la prophétie citée en Esaïe 61[55], et plus généralement les promesses de l’Ancien Testament[56], Bassin soulignant même que « Jésus se présente implicitement comme le Messie[57] ». La mission de Jésus est donc unique et il n’est pas possible d’étendre la portée de ce texte à tout chrétien, ni de considérer que la mission du chrétien doive être identique en tous points à celle de Jésus.

Kraft cite également plusieurs fois l’envoi des douze (Lc 9.1-6), puis des soixante-douze (Lc 10.8-9), pour définir la mission de tout chrétien et, notamment, le fait de chasser les démons[58]. Ladd rappelle que les miracles effectués sont une annonce du royaume eschatologique à venir, mais qu’ils restent limités pour le temps présent[59]. Une généralisation de la mission confiée par Jésus dans un contexte très précis ne correspond donc pas à la pensée de Luc. On remarque aussi, dans le passage parallèle de Matthieu, que Jésus envoie même ressusciter les morts (Mt 10.8), mission qui n’est pas considérée comme s’étendant à tous les chrétiens. Lorsque Kraft cite les dernières paroles de Jésus enseignant aux disciples à obéir à tout ce qu’il leur avait commandé[60], il souligne que ce que Jésus a commandé inclut aussi les ordres donnés lors de l’envoi des douze et des soixante-douze[61] ; mais si Kraft inclut les exorcismes, il ne mentionne pas l’ordre de ressusciter les morts, alors que la seule mention de cet ordre se trouve précisément dans l’évangile de Matthieu. Si tous les chrétiens sont appelés à pratiquer des délivrances, sur la base de ces passages, ils devraient aussi être appelés à ressusciter des morts. La manière dont Kraft comprend ces passages n’apparaît donc pas cohérente.

Les exorcismes ne sont pas non plus présents dans l’ordre de mission donné par Jésus aux soixante-douze ; seule la parole des envoyés qui affirment que « même les démons nous sont soumis par ton nom[62] », prononcée à leur retour, évoque la soumission des démons, sans en préciser la forme. Il est donc exagéré d’en faire un élément central de l’annonce du royaume de Dieu.

Jésus a lui-même expliqué le sens des exorcismes qu’il pratiquait par cette parole : « Mais si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous[63]. » Il montre ainsi qu’il a effectivement vaincu le royaume de Satan[64]. Il ne cherchait donc pas à instaurer une pratique normative que les disciples devraient imiter par la suite. Il montrait l’irruption du royaume de Dieu et sa puissance supérieure à celle de Satan annonçant le royaume eschatologique encore à venir.

Il n’est donc pas possible de suivre Kraft lorsqu’il affirme que tous les chrétiens ont un ministère de délivrance qui consiste à chasser les démons comme Jésus et les disciples l’ont fait. Ces textes doivent être interprétés à la lumière de la mission spécifique de Jésus et annoncent le royaume eschatologique parfait encore à venir. Il est donc nécessaire de bien comprendre les limites de la mission chrétienne et de marquer les différences avec celle de Jésus. Ces versets, essentiels pour Kraft, sont souvent cités et constituent une part très importante de son argumentation, mais ils ne définissent en aucun cas la mission normative du chrétien dans ce monde.

La promesse de Jésus « celui qui met sa foi en moi fera, lui aussi, les œuvres que, moi, je fais ; il en fera même de plus grandes encore, parce que, moi, je vais vers le Père[65] » illustre bien cette pensée. Kraft comprend cette promesse comme l’assurance de pratiquer exactement les mêmes signes et prodiges que Jésus lors de son ministère terrestre[66]. Là encore, l’interprétation est erronée. Nous retrouvons la même erreur méthodologique que celle relevée à propos de l’envoi des disciples comme Jésus a été envoyé par le Père (Jn 20.21), qui consiste à comprendre un passage du quatrième évangile à la lumière des trois autres[67].

Ladd rappelle que « personne ne peut faire une œuvre physique plus grande que ramener les morts à la vie comme Jésus l’a fait avec Lazare, qui était pourtant mort depuis quatre jours » pour montrer que les œuvres relèvent du domaine spirituel et non physique[68]. Romerowski précise :

Les actes des apôtres dépasseront ceux de Jésus, non quant à leur nature, mais quant à leur champ : Jésus, à quelques exceptions près, ne s’est occupé, durant son ministère terrestre, que des brebis perdues du peuple d’Israël. Après sa mort et sa résurrection, il attire tous les hommes à lui, Juifs et non-Juifs (Jn 12.32) : aussi le champ d’action des apôtres va-t-il s’élargir au monde entier[69].

Carson précise aussi que les œuvres seront plus grandes non seulement en nombre de personnes touchées, mais aussi parce qu’elles auront une meilleure révélation de la personne du Fils[70]. La mission du chrétien consiste donc en la proclamation de l’œuvre de Jésus-Christ pour que d’autres le connaissent et entrent dans la vie éternelle (Jn 17.3) et non en l’imitation des œuvres physiques de Jésus. Il s’agit d’une œuvre de proclamation et de témoignage, par des œuvres d’amour (Jn 13.34-35) et des paroles (1P 3.15), et non un combat contre les puissances du mal dans un affrontement direct.

On relèvera encore que le discernement des esprits, commandé par Paul (1Co 12.10), ne consiste pas forcément à reconnaître une influence démoniaque chez une personne. Fee a répondu à Grudem, montrant que ce don est plutôt en rapport avec l’évaluation des prophéties telle que Paul demandait de la pratiquer à Corinthe (1Co 14.29) et à Thessalonique (1Th 5.20-21)[71]. Paul n’encourageait pas, par ce texte, à rechercher et à discerner chez les autres la présence de démons.

Il n’y a donc pas d’appui biblique pour étayer le fait que le chrétien ait reçu la mission de chasser des démons et de pratiquer les mêmes œuvres que Jésus. Kraft n’a pas de textes probants à proposer pour valider son approche et inciter le chrétien à chasser les démons.

3. Le chrétien face au diable et aux démons

Il reste à examiner l’attitude du chrétien face aux démons. Kraft rappelle à juste titre que la Bible évoque clairement le monde occulte et incite le chrétien à combattre le diable et les puissances spirituelles mauvaises. Les références citées sont explicites et offrent un démenti à une certaine théologie libérale qui nie l’existence du diable et des démons[72]. Les versets mentionnés (Ep 4.26-27, 6.10-17 ; Jc 4.7 ; 1 P5.8) sont clairs et incitent à prendre au sérieux les avertissements contre le diable et les puissances du mal. On remarquera que les chapitres cités pour la chute du diable (Es 14 ; Ez 28) concernent plutôt des monarques terrestres que le diable lui-même[73].

La démonisation du chrétien est-elle pour autant une possibilité ? Le terme de démonisation ne fait pas l’unanimité. Carter a souligné que ce verbe, créé de toutes pièces à partir d’un mot grec, était surtout utilisé pour le démoniaque gadarénien, un homme clairement possédé, contrôlé par les démons[74]. Evoquer différents degrés de démonisation et la notion de contrôle partiel d’un individu, bien moins important que dans le cas d’une possession, ne se justifie donc pas. De même, les expressions avoir un démon ou être démonisé ne correspondent pas à deux états différents, le second étant plus important que le premier. Les deux termes sont interchangeables, comme le montrent les textes de Marc 5.15 et Luc 8.27, qui utilisent chacun une de ces deux expressions pour décrire une même situation[75]. La distinction entre la possession démoniaque et la démonisation ne repose donc sur aucun argument scripturaire. Elle est utile à Kraft pour introduire l’idée de différents degrés de démonisation sans aller jusqu’à la possession démoniaque, ce qui permet d’affirmer une démonisation possible pour un chrétien sans aller jusqu’à la possession. Nous avons déjà vu que cette distinction ne repose, une fois de plus, que sur l’expérience, tandis que les données bibliques citées ne valident pas l’utilisation du verbe démoniser faite par Kraft (et bien d’autres).

Un chrétien peut-il pour autant être habité par un démon ? Leahy rappelle le nouveau statut de l’enfant de Dieu et l’impossibilité d’une cohabitation entre le Saint-Esprit et le diable (2Co 4.14-16)[76]. Nous avons vu que Kraft est d’accord avec cette affirmation, mais il soutient que seul l’esprit du croyant, lieu de l’habitation du Saint-Esprit, est protégé, le reste de son corps restant vulnérable. Carter a clairement réfuté cette possibilité, soulignant que le corps entier du croyant est le temple du Saint-Esprit (1Co 6.15, 19-20)[77]. La distinction faite par Kraft s’oppose donc à l’enseignement biblique. Puisqu’il n’y a pas de cohabitation possible, le diable devant se soumettre au Saint-Esprit, il n’y a pas de raison de croire à une habitation possible d’un authentique croyant par des démons.

La mise en garde de Jésus concernant l’esprit impur chassé et qui revient avec sept autres esprits dans « une maison (…) vide, balayée et ornée[78] » souligne aussi que si le mauvais esprit peut revenir, c’est bien parce que la maison est vide. Ce n’est plus possible lorsque la personne est chrétienne, parce que « la maison » est habitée par le Saint-Esprit.

Les épîtres enseignent clairement à résister au diable (Ep 6.10-17 ; Jc 4.7 ; 1P 5.8-9), mais elles n’ordonnent jamais d’aller chasser des démons et elles ne mettent jamais en garde contre la possibilité d’être habité par un démon. Si les arguments du silence sont à manier avec précaution, il est néanmoins étonnant que Paul ne mentionne ni l’exorcisme ni la démonisation des chrétiens lorsqu’il développe son enseignement sur le combat spirituel (Ep 6.10-17). De même, il n’évoque pas une possible démonisation lors des sacrifices aux démons (1Co 10.20-22) et il n’est fait mention d’aucune délivrance après une conversion dans les Actes des Apôtres, même dans une ville idolâtre comme Ephèse. Dans cette dernière ville, la réaction des croyants a été un renoncement public aux pratiques occultes avec destruction du matériel, ce qui atteste du sérieux de leur changement, et non des séances où il aurait fallu chasser les démons restés après la conversion (Ac 19.18-20).

L’argumentation générale de Kraft donne parfois l’impression que les démons remplacent le péché ; il ne faudrait donc plus résister à la tentation, ni saisir la victoire sur le péché (Rm 6.14), mais lutter contre les démons. De Pol commente ainsi ce déplacement du mal : « Le danger est de croire que la souffrance et le mal sont dans le monde à cause de la présence des démons, et non pas parce que je suis, avec tous mes frères humains, avec Adam, coupable de rébellion contre Dieu[79]. »

Si cette lutte contre le péché conduit à résister aux ruses du diable et des démons, si le combat contre le mal a une composante liée à l’activité démoniaque dans ce monde, il ne serait pourtant pas conforme à l’enseignement néotestamentaire de chercher à résoudre les problèmes des chrétiens en tentant d’expulser les démons qui se trouveraient en eux. Les vérités de l’Ecriture demeurent, avec ces certitudes : « car celui qui est en vous [nous] est plus grand que celui qui est dans le monde[80] » et « nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche plus, mais l’Engendré de Dieu le garde, et le Mauvais n’a pas prise sur lui[81] ». Elles assurent à l’enfant de Dieu la protection de Christ, vainqueur du diable et de toute puissance mauvaise à la croix (Col 2.15).

Face aux puissances spirituelles mauvaises, le chrétien a donc clairement un rôle de résistance en comptant sur la puissance de Dieu pour le protéger. Rien dans l’Ecriture ne justifie la possibilité pour l’enfant de Dieu d’être habité par un démon, quel que soit le nom donné à cette habitation. De plus, il n’apparaît pas que chasser des démons soit une activité importante et fasse partie du combat spirituel habituellement mené par le chrétien ; il est plutôt commandé de se soumettre à Dieu et de vivre dans sa dépendance pour résister au mal et pratiquer ce qui plaît à Dieu.

Conclusion

Les témoignages de Kraft et de ceux qui chassent les démons manquent d’appui biblique. L’expérience tient une place trop importante et les appuis de l’Ecriture ne se justifient pas après exégèse des passages. Il apparaît donc que les enseignements de Kraft concernant la démonisation des chrétiens ne se justifient pas, l’Ecriture n’enseignant pas ce qui est préconisé par Kraft.

Le Nouveau Testament montre bien la réalité du combat spirituel et les croyants sont exhortés à résister en restant attachés à Dieu. Les enseignements de Kraft conduisent à donner une importance démesurée au diable et aux démons par rapport à Dieu. De plus, les techniques humaines occupent une grande place au détriment de la puissance de Dieu, même si Kraft insiste sur le fait que tout se fait par la puissance divine. Nous avons également mentionné que les chrétiens sont déresponsabilisés, la prétendue démonisation remplaçant le péché.

En conclusion de son étude sur les racines historiques de la délivrance, Payne pointe plusieurs erreurs des tenants de ces thèses, et notamment le fait que les évangiles et le livre des Actes décrivent la vie chrétienne quotidienne de manière normative, au lieu d’être vus comme des documents fondateurs, et ce qu’il appelle une « eschatologie sur-réalisée[82] », c’est-à-dire qu’elle ne tient pas compte de la période actuelle située entre la croix et la fin des temps[83].

Le chrétien doit s’attacher à ne pas minimiser les avertissements de la Parole de Dieu concernant le monde démoniaque et résister selon les enseignements de l’Ecriture (renoncer au péché, soumission à Dieu, vie dans la foi, pratique du pardon)[84]. Dans le récent Dictionnaire de théologie pratique, Augendre met en garde contre une pratique inappropriée de l’exorcisme, sans pour autant l’exclure[85]. Cet auteur, lui aussi au bénéfice d’une grande pratique et bénéficiant de l’expérience d’autres personnes, donne quelques pistes concrètes lorsqu’il y a possibilité de possession démoniaque. Il rappelle, tout d’abord, que de nombreux cas s’expliquent par des « artefacts » connus des spécialistes de la psychologie des foules qui n’ont rien à voir avec la possession elle-même[86]. Il appelle à la prudence, montrant les risques importants liés à l’exorcisme à mauvais escient, que la personne le vive comme une réussite ou non[87]. Il encourage à envisager toutes les possibilités, lorsqu’il y a difficulté, sans privilégier une seule voie, la possession[88]. Enfin, si l’exorcisme doit être pratiqué, il doit être le fruit d’un travail d’équipe et uniquement lorsque c’est indispensable[89]. Cette pratique a l’avantage de la prudence et de s’appuyer sur « un grand nombre de conseillers[90] », même si elle ne peut être validée bibliquement. Elle se situe dans un domaine complexe qu’il est, en tout cas, nécessaire de traiter avec prudence.

L’Ecriture rappelle aussi que le meilleur moyen d’être délivré des puissances mauvaises est de reconnaître la seigneurie de Dieu sur sa propre vie et de mener la vie nouvelle qu’il propose. Le chrétien se place sous la protection de Christ qui a vaincu le diable (Mt 12.29) et les puissances mauvaises à la croix (Col 2.15) pour le délivrer du « présent monde mauvais » (Ga 1.4). Il attend la délivrance finale (Ep 1.14) en résistant au mal et au diable par sa soumission à Dieu (Jc 4.7).


* O. Charvin est pasteur de l’Action Biblique Suisse au Locle (canton de Neuchâtel) et, actuellement, étudiant en master à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

[1] T. Payne, « A Short History of Deliverance », Christ’s Victory over Evil, Biblical Theology and Pastoral Ministry, sous dir. P.E. Bolt, Apollos, IVP, Nottingham, 2009, 15.

[2] Ibid., 30.

[3] http://www.fuller.edu/academics/faculty/charles-kraft.aspx consulté le 6 décembre 2011.

[4] C.H. Kraft, Defeating Dark Angels, Gospel Light, Ventura (California, USA), 1992.

[5] Ibid., 11-13.

[6] Ibid., 17.

[7] Ibid., 19-20, voir aussi 98-111 pour une description détaillée de l’activité des démons.

[8] Ibid., 14-15.

[9] Ibid., 20-22.

[10] Ibid., 22, « Like Jesus, we need to fight against Satan’s kingdom in the power of the Holy Spirit ».

[11] Ibid., 24-25.

[12] Ibid., 86.

[13] Ibid., 28.

[14] Ibid., 85.

[15] Ibid., 165-170, 174-175.

[16] Ibid., 191.

[17] Ibid., 38-39.

[18] Les mots démonisation et démonisé sont les traductions respectives des termes demonization et demonized utilisés par Kraft.

[19] C.H. Kraft, op. cit., 35-36.

[20] Ibid., 31-35.

[21] Ibid., 66-67.

[22] Ibid., 61.

[23] Ibid., 64-65.

[24] Ibid., 119-135.

[25] K.E. Koch, Occultisme et cure d’âme, Emmaüs, Ligue pour la Lecture de la Bible, Saint-Légier (Suisse), Lausanne, 1972, 17, 23, 25.

[26] C.H. Kraft, op.cit., 66.

[27] K.E. Koch, 147-149, 164 par exemple, évoque des apparitions et des bruits inexpliqués.

[28] Ibid., 169.

[29] Ibid., 179-181.

[30] Ibid., 147, cas C 83 par exemple.

[31] « En ce qui concerne l’exorcisme, l’expérience nous permet de tirer les conclusions pratiques suivantes : l’exorcisme est un véritable duel entre le pasteur et la puissance des ténèbres. Un charisme spécial et une autorité spirituelle sont également nécessaires pour conduire à la délivrance. Cette autorité ne découle pas d’une autorité humaine mais d’une intervention décisive du Saint-Esprit en réponse à l’acte de foi du pasteur qui est en pleine communion avec Jésus-Christ… » Ibid., 314.

[32] Ibid., 239.

[33] Ibid., 240.

[34] C.H. Kraft, op. cit., 61-62, 64.

[35] M.F. Unger, Biblical Demonology. A Study of the Spiritual Forces Behind the Present World Unrest, Van Kampen Press, Wheaton, Illinois, 19521, 19532, 82-85.

[36] Ibid., 100.

[37] M.F. Unger, Demons in the World Today. A Study of Occultism in the Light of God’s Word, Tyndale House, Wheaton, Illinois, 1971, 117.

[38] Ibid., 195.

[39] W. Grudem, Théologie systématique, Excelsis, Charols, 2010, 456.

[40] Ibid., 460-461.

[41] Ibid., 461 en se basant notamment sur Luc 4.2 ; 2 Corinthiens 12.7 ; Ephésiens 6.12 ; Jacques 4.7 ; 1 Pierre 5.8.

[42] Ibid., 462.

[43] Ibid., 465, où Grudem cite Luc 10.17, 9 ; Jacques 4.7 ; 1 Pierre 5.8.

[44] Ibid., 470.

[45] Ibid., 463.

[46] Parlant de sa propre expérience et de sa compréhension de 1 Jean 4.4, Kraft écrit : « But experience has shown me that the verse cannot mean that the presence of the Holy Spirit within Christians makes impossible for dark angels to live in them. » (« Mais l’expérience m’a montré que ce verset ne pouvait signifier que la présence du Saint-Esprit dans le chrétien rendait impossible le fait que les démons l’habitent. ») In C.H. Kraft, op. cit., 61.

[47] R. Dean Jr., « Demon Possession and the Christian », http://deanbible.org/Media/Doctrines/A-G/Demon%20Possession.pdf, consulté le 22 octobre 2011, traduction personnelle de « Instead of interpreting our experiences within the light of the Bible, we interpret the Bible in the ‘light’ of our experience ».

[48] H. Blocher, « Et l’expérience ? », Fac-Réflexion 31, juin 1995, 29.

[49] C.H. Kraft, op. cit., 157-175, le chapitre « Getting Information from Demons » explique et encourage cette pratique.

[50] Jean 8.44 cité selon la TOB.

[51] C.H. Kraft, op. cit., 22, 86-87, 239.

[52] Jean 20.21 cité selon la NBS.

[53] D.A. Carson, Evangile selon Jean. Commentaire, Excelsis, Charols, 2011, 861.

[54] Ibid.

[55] S. Romerowski, L’œuvre du Saint-Esprit dans l’histoire du salut, Excelsis, Charols, 2005, 98, 117.

[56] G.E. Ladd, Théologie du Nouveau Testament, Coll. Théologie, PBU, Excelsis, Arare (Suisse), Cléon d’Andran, Ed. révisée 1999, 73.

[57] F. Bassin, L’Evangile selon Luc, t. I, Edifac, Vaux-sur-Seine, 2006, 195.

[58] C.H. Kraft, op. cit., 9, 15, 24-25, 49, 85-86, 196.

[59] G.E. Ladd, op. cit., 86.

[60] Matthieu 28.20.

[61] C.H. Kraft, op. cit., 25, 49, 86.

[62] Luc 10.17 cité selon la NBS.

[63] Luc 11.20 cité selon la NBS. On pourra considérer tout le passage de Luc 11.20-22 et les parallèles en Matthieu 12.28-29 et Marc 3.23-27.

[64] G.E. Ladd, op. cit., 73-74. F. Bassin, L’Evangile de Marc, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1984, 103, rappelle que « les exorcismes mettent en évidence que Jésus est plus fort que Satan ».

[65] Jean 14.12 cité selon la NBS.

[66] C.H. Kraft, op. cit., 15, 39, 51, 86-87, 243.

[67] Voir ci-dessus, n. 53.

[68] G.E. Ladd, op. cit., 338.

[69] S. Romerowski, op. cit., 225, n. 14.

[70] D.A. Carson, op. cit., 649-651.

[71] G. Fee, The First Epistle to the Corinthians, NICNT, Eerdmans, Grand Rapids (Michigan), 1987, 596-597.

[72] F. Leahy, Satan, vaincu et chassé, Europresse, Chalon-sur-Saône, 19911, 20102, 112-119 réfute plusieurs approches libérales qui s’opposent à la démonologie biblique.

[73] H. Blocher, La doctrine du péché et de la rédemption, vol. 1, Fac Etude, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1997, 55.

[74] S.S. Carter, « Demon Possession and the Christian », Asian Journal of Pentecostal Studies 3/1, 2000, 21-22, cf. http://www.apts.edu/aeimages/File/AJPS_PDF/00-1-scarter.pdf, consulté le 23 novembre 2011.

[75] R. Dean, op. cit., 7.

[76] F. Leahy, op. cit., 81-82.

[77] S.S. Carter, op. cit., 25-26, cite notamment G. Fee, op. cit., 264, 266, pour souligner l’importance de ce fait dans l’argumentation de Paul. Le corps physique du chrétien fait partie du Corps de Christ et son corps tout entier est un temple, montrant l’unité du corps humain contre le dualisme grec qui conduit à séparer le matériel (corps) de l’immatériel (âme, esprit).

[78] Matthieu 12.43-45 cité d’après la NBS.

[79] P. de Pol, « Les démons battent la campagne », Fac-Réflexion 31, juin 1995, 36.

[80] 1 Jean 4.4 cité d’après la NBS.

[81] 1 Jean 5.18 cité d’après la TOB. J. Stott, Les Epîtres de Jean, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1998, 176-177, donne des arguments en faveur de cette traduction qui montre que Christ est celui qui garde le chrétien contre le diable.

[82] Traduction de « over-realized eschatology ».

[83] T. Payne, op. cit., 32.

[84] Citons, par exemple, Actes 5.3 ; 2 Corinthiens 2.10-11, 11.13-14 ; Ephésiens 4.27, 6.10-17 ; 2 Timothée 2.26 ; Jacques 4.7 ; 1 Pierre 5.8 ; 1 Jean 3.8…

[85] P. Augendre, « Exorcisme, délivrance », Dictionnaire de théologie pratique, sous dir. C. Paya, en collaboration avec B. Huck, Excelsis, Charols, 2011, 393.

[86] P. Augendre, « Le démoniaque », Les Cahiers de l’Ecole pastorale, Hors-série 10, 2008, 49-51.

[87] Ibid., 52-55.

[88] Ibid., 55-58.

[89] Ibid., 59-63.

[90] Proverbes 11.14 ; 15.22 ; 24.6.

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