Pietro Bolognesi – La Revue réformée http://larevuereformee.net Sat, 07 Sep 2013 17:40:45 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.8.12 Dieu et les hommes réconciliés par Jésus-Christ http://larevuereformee.net/articlerr/n264/dieu-et-les-hommes-reconcilies-par-jesus-christ Sat, 07 Sep 2013 19:37:17 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=846 Continuer la lecture ]]> Dieu et les hommes réconciliés par jésus-christ

Pietro BOLOGNESI*

La réconciliation est un changement dans la relation entre Dieu et l’homme. Elle consiste à établir un pont entre deux parties en conflit, à retourner à une bonne relation, à passer d’un état d’inimitié et d’aliénation à un état de paix et de communion. La réconciliation est donc la restauration d’une relation brisée par le péché. Exprimée ainsi, elle semble une notion assez simple. Et pourtant, lorsqu’on considère les études qui lui ont été consacrées[1], on se rend compte que bien des nuances sont nécessaires.

Nous n’aborderons pas les questions touchant à l’histoire de la doctrine[2]. L’actualité a déjà ses problèmes[3]. On sait comment la conception traditionnelle se heurte à la sensibilité moderne qui voudrait interpréter la réconciliation dans le cadre de la subjectivité dominante. Il y a donc une évacuation du sens classique, impossible à réduire à une question subjective. Le fait qu’il y ait une remise en question de la part des sciences humaines et qu’il y ait plusieurs théories à l’égard de la doctrine semble justifier une certaine prudence, voire une certaine indifférence. Les sensibilités actuelles ne semblent pas à l’aise avec l’idée de réconciliation telle que nous allons l’évoquer. Il est peut-être utile de se rappeler qu’on « doit choisir à ce point entre les sensibilités modernes et l’enseignement clair de Paul[4] ».

Si on comprend la réconciliation dans son sens classique, la réflexion menée à son sujet se situe au cœur de la doctrine du salut[5]. Par rapport aux autres perspectives concernant le salut comme rédemption (Ep 1.7 ; Tt 2.14 ; 1P 1.18-19), justification (Rm 3.24 ; Ga 3.13 ; Ep 1.7 ; 1P 2.24), propitiation (Rm 3.25 ; Hé 2.17 ; 1Jn 2.2, 4.10), sacrifice (Mt 26.28 ; 1Co 5.7 ; Ep 5.2 ; 1P 5.18-19 ; Hé 9.14), etc., « la réconciliation est peut-être le terme le meilleur et le plus expressif[6] ». En tant que restauration d’une relation brisée, d’un ordre rétabli[7], elle répond au besoin de salut de l’homme et elle évoque l’efficace de la croix de Christ sur le plan de la relation personnelle.

Même si toutes les perspectives évoquées font partie de la doctrine du salut et doivent ainsi être gardées ensemble, la réconciliation est liée, en particulier, au grand thème de la justification[8]. On pourrait dire qu’elle est sa conséquence directe. Romains 5.9-10 suggère un parallélisme entre la justification « par le sang de Christ » et la réconciliation avec Dieu par « la mort de son Fils». D’après Romains 5.10, il y a un lien très étroit entre la réconciliation et la mort de Christ. « Etre justifiés » est mis en parallèle avec « être réconciliés ». La justification qui opère « par son sang » est associée à la réconciliation « par la mort de son Fils ». La justification concerne la nouvelle position que le pécheur a devant le Juge ; alors que la justification évoque la relation objective dont le pécheur jouit auprès du Père, la réconciliation est comme son aspect intérieur et personnel. On pourrait dire qu’elle participe à la sphère de l’interpersonnel.

Rm 5.9 : « déclarés justes grâce à son sacrifice » / « sauvés » / « colère à venir »
Rm 5.10 : « ennemis » / « réconciliés par la mort de son Fils » / « sauvés par sa vie »

Si, d’un côté, le thème de la réconciliation peut être lié au centre de la doctrine du salut, de l’autre il en montre les conséquences dans une perspective la plus élargie possible. Si la réconciliation touche la justification, elle en développe aussi les conséquences au niveau de la vie chrétienne. Le fait qu’elle atteint quelque chose de personnel rend ce thème très actuel. La recherche de relations authentiques qui caractérise notre temps contribue à rendre cette doctrine particulièrement séduisante. La nécessité de la réconciliation (dans le domaine familial, conjugal, amical, éducatif, social, politique, ethnique, international) occupe une place remarquable à tous les niveaux de l’agenda moderne.

Il faudrait, cependant, non pas s’enfermer dans une perspective « moderne », mais situer notre sujet dans l’histoire de la rédemption. Paul Wells suggère que la révélation biblique est l’histoire de deux villes : Athènes et Jérusalem. L’une est celle de l’inimitié avec Dieu et l’autre celle de la réconciliation avec lui. La paix avec Dieu est une réalité grâce à la propitiation et à l’expiation du péché. La réconciliation apparaît donc comme étant l’état qui résulte de l’œuvre complète de Christ[9].

I. L’initiative du Dieu réconciliateur

Le thème de la réconciliation implique de considérer quatre passages. Ils utilisent directement le terme katallagè : a) Romains 5.11 ; b) 11.15 ; c) 2 Corinthiens 5.18 ; d) 5.19. On trouve aussi le verbe katallassein : Romains 5.10 [deux fois] ; 1 Corinthiens 7.11 ; 2 Corinthiens 5.18-20. En 1 Corinthiens 7.11, on trouve katallaghèto avec référence au mariage. Le fait que seul Paul en parle signifie simplement que cet aspect était suffisamment évident comme conséquence de l’œuvre de Christ[10]. On pourrait le voir comme une conséquence de la réflexion paulinienne sur le sens d’être « en Christ ».

Spicq estime qu’il y a là une transformation des relations entre Dieu et les hommes conforme au schéma des réconciliations mentionnées dans les textes païens[11]. La réconciliation est l’action par laquelle Dieu élimine les raisons de son aliénation du pécheur. Par sa nature, elle suppose l’initiative de Dieu face au péché des hommes. En affirmant cela, on souligne le fait que la réconciliation vient de Dieu et qu’elle est appliquée aux circonstances de l’homme lorsqu’il est sauvé par grâce[12].

Il est absolument nécessaire que Dieu prenne l’initiative de mettre fin au conflit. Le présupposé est que Dieu est en colère, car il y a une hostilité envers lui[13]. Dieu est justement en colère à cause des « fautes » des hommes (2Co 5.19), de leurs « œuvres mauvaises » (Col 1.21) et de leur opposition aux exigences de la loi (Ex 34.6-7). Grâce au sacrifice de Jésus qui s’est livré à la colère de Dieu, l’homme peut être réconcilié.

En dehors de l’alliance, l’homme est, en effet, opposé à Dieu et à tout ce qu’il fait (Rm 8.7). Dès sa naissance, il est ennemi de Dieu. Mais, à un certain moment, Dieu cesse de tenir compte des fautes et il choisit de restaurer la relation brisée par le péché grâce à l’œuvre de Christ.

Cette inimitié concerne l’homme et Dieu en même temps. Dieu est en colère légitimement. « La colère de Dieu est un thème persistant dans la Révélation[14]. » C’est l’expression de sa sainteté. Si, à cause de son péché, l’homme est opposé à Dieu, à cause de sa sainteté, Dieu est opposé au pécheur. Etre sous l’emprise du péché signifie donc aussi être sous l’emprise de la colère divine. Celui qui a été offensé doit donc être réconcilié (Mt 5.23-24 ; Rm 11.15 ; 1Co 7.11). Comme les hommes sont ennemis de Dieu, ils doivent être réconciliés. La question à laquelle la réconciliation doit faire face est celle du péché. Romains 5 rapproche « sauvés par lui de la colère » (v. 9) avec « nous étions ennemis » (v. 10). Si la situation de l’homme pécheur devant Dieu est celle qui résulte de la juste colère du Créateur, le salut implique la nécessité d’être sauvés de la colère de Dieu. Dieu met fin à l’état existant d’hostilité et à sa juste colère.

Dieu est hostile au péché et « on peut affirmer que la Bible présente d’une manière nette et constante un Dieu qui agit d’une manière incessante contre toute forme de mal[15] ». Le péché est évidemment beaucoup plus sérieux du côté de Dieu que du côté de l’homme. François Turrettini souligne que l’aliénation existe du côté de Dieu comme du côté de l’homme. C’est pourquoi « il fallait une réconciliation des deux côtés : de la part de Dieu, en éloignant sa colère ; de la part de l’homme, au travers d’une conversion »  ut ergo utrinque fuit abalienatio ; ita utriunque reconciliatio praestari debuit, à parte Dei per irae aversionem, à parte hominum per conversionem »). Et il poursuit : « La réconciliation est effectuée en faisant la paix par le sang de sa croix (Col 1.20) et par un sacrifice expiatoire (hilasmon, 1Jn 2.2). Mais cela n’implique pas seulement la conversion, mais avant tout l’apaisement de la colère de Dieu (qui est obtenue par la mort d’une victime). »  Reconciliatio fit per pacificationem in sanguine (Col 1.20) et hilasmon (1 Joh 2.2). At hoc conversionem non innuit, sed primario irae Dei placationem, quae morte victimae procuratur[16]»)

Le péché ne suscite pas seulement l’hostilité de l’homme, mais aussi celle de Dieu. A cause du péché, les hommes sont aliénés de Dieu et objets de sa juste malédiction. Le véritable problème est justement le péché. La vérité est que l’homme n’est jamais dans une position de neutralité. Ou il essaie d’attenter à la souveraineté de Dieu, ou il lui est soumis. A cause de cela, l’homme a un grand problème. « Le problème de l’humanité n’est pas qu’elle a quelque chose contre Dieu, mais que lui a quelque chose contre nous[17]. » D’un point de vue linguistique, les mots « ennemi », « inimitié », « hostilité » impliquent une réciprocité[18]. Il serait donc injuste de penser que l’inimitié concerne seulement l’homme. Tout en étant ((un fait)) réciproque, la réconciliation n’est pas la rencontre de deux volontés, elle est « surtout une initiative de Dieu[19] ». « De Dieu » (ek Theou) signifie que « Dieu est le réconciliateur. L’homme n’est jamais l’auteur de la réconciliation[20]. » Il s’agit de l’action décisive de Dieu par laquelle il cesse de tenir compte des fautes grâce au sacrifice de son Fils.

L’homme a besoin d’être réconcilié, car il a été créé pour être en communion avec Dieu. Sans une telle relation, l’homme n’est pas humain. Il a besoin de cette relation, car le péché l’a aliéné de Dieu et l’a rendu incapable d’être en communion avec son Créateur. Il parait évident que, dans une telle situation, l’homme ne peut pas se réconcilier lui-même. Il n’en sent même pas le besoin.D’ailleurs, il serait incapable de mettre fin à une inimitié aussi profonde. Il a donc besoin d’une intervention surnaturelle.

Dieu est toujours celui qui réconcilie. Il est le sujet par excellence de la réconciliation. C’est ainsi qu’on peut comprendre l’exhortation « Soyez réconciliés (…) » (2Co 5.20). Le verbe est au temps actif lorsque Dieu est le sujet et au passif lorsque c’est l’homme qui doit être réconcilié[21]. Avec la philologie, on ne bâtit pas la théologie, mais elle est un élément à prendre en compte. La réconciliation est tout entière œuvre de Dieu. C’est ainsi que l’on souligne son initiative miséricordieuse. Il n’y a pas de réciprocité, comme si les deux partenaires étaient mis sur le même plan. Avant que l’homme en sente le besoin, avant qu’il puisse se rendre compte du drame de son existence, Dieu a pris l’initiative. En venant sur terre pour expier les fautes des pécheurs, Jésus-Christ a accompli la volonté de Dieu. La réconciliation va donc être comprise comme une décision de la part de Dieu. « Tout cela vient de Dieu » (ek Theou : 2Co 5.18).

La réconciliation apparaît donc comme l’harmonie retrouvée, comme un acte paternel de la part du Père. Un acte qui implique une pleine restauration dans la relation. A la colère de Dieu suscitée par l’offense faite contre lui et sa loi, suit le salut de l’orgè vengeresse avec le rétablissement de la paix. Dieu renonce à sa juste colère et redevient bienveillant. C’est comme si un couple marié en arrivait jusqu’au divorce avant de se réconcilier[22]. L’état de paix est un élément propre à développer une atmosphère de confiance et de liberté avec Dieu. La paix de la réconciliation n’est pas seulement une affaire privée et individuelle entre Dieu et l’homme. Elle est aussi l’état de shalom, chanté par les psalmistes.

II. Jésus-Christ est le moyen de la réconciliation

Après avoir considéré la nature de la réconciliation, il nous faut en considérer le moyen. La réconciliation ne peut pas se produire sur un simple décret de Dieu, qui ne peut pas abaisser ses exigences. Dieu ne s’est pas adapté à la situation. L’Ecriture affirme que « Dieu nous a réconciliés avec lui par Christ » (2Co 5.18 ; aussi Col 1.22). Grâce à la mort de Christ, Dieu met un terme à sa juste hostilité vis-à-vis de nous. Il nous a donc réconciliés avec lui à la croix. La réconciliation est en Christ. C’est dans sa mort que se trouve le fondement de la réconciliation[23]. Si le péché a bouleversé, la grâce a restauré.

Comme cela a déjà été souligné, l’homme est passif dans la réconciliation. C’est Christ qui le sauve de la colère de Dieu. Ce ne sont pas les pécheurs qui sollicitent la grâce ou qui peuvent demander à être réconciliés avec Dieu. C’est Dieu qui prend l’initiative. Il la prend, car il est un Dieu de grâce et de miséricorde.

« Dieu était en Christ réconciliant le monde » (2Co 5.18-19) est au passé et évoque l’œuvre complète de Christ non pas tant par l’incarnation que par son expiation à la croix. Christ est notre représentant dans l’alliance avec Dieu et, à cause de notre union avec lui, nous devenons « justice de Dieu » (2Co 5.21). « La croix de Christ n’est pas seulement un acte pénal, mais aussi fédératif, car Christ y a accepté son office de médiateur et s’est identifié à notre condamnation. La mort de Christ a le caractère juridique de la représentativité[24]. »

Par le sacrifice du Fils, Dieu révèle la profondeur de son amour. Et, du même coup, il définit quelle était la condition antérieure du pécheur sous la colère de Dieu (Rm 1). Le sacrifice de la croix apparaît donc essentiel pour le salut du pécheur. Le péché du pécheur est transféré à Christ et la justice de Christ est transférée au pécheur. Les pécheurs échangent leur péché avec la justice du Christ. En Christ, Dieu ne tient pas « compte de leurs fautes » (2Co 5.19) et il condamne « l’innocent… à notre place » (2Co 5.21). C’est que Dieu s’est effectivement et non pas fictivement montré solidaire du pécheur en prenant sa place, en portant et ôtant le péché.

L’œuvre est donc achevée en Christ. Elle s’appuie sur son sacrifice une fois pour toutes. « Le Dieu qui a refusé de tenir compte de nos péchés en a tenu compte en Christ[25]. » Il a été fait péché pour nous afin que nous devenions justice de Dieu en lui[26]. Ainsi, grâce à la mort de son Fils, l’hostilité de Dieu est passée sur Jésus-Christ et elle a pris fin pour ceux auxquels Christ s’est substitué. Par ce sacrifice, Dieu rétablit une confiance obscurcie et détruite. Il se réconcilie avec le pécheur. La nouvelle création de Dieu n’est pas observable par tous, mais elle est là, efficace et pleine d’espérance.

Il s’agit, comme après les sacrifices de l’ancienne alliance, de retrouver la joie de la communion. De la détresse, on passe à l’allégresse, de la perdition au salut. En présence de l’Eternel, il y a place pour une relation restaurée (Lv 7.15-18 ; Ps 51.12-19, 16.7-9, 19.12-15). Mais cela demande un sacrifice. Entre l’adorateur et l’offrande, il y a un échange. Il ne s’agit nullement d’un échange impersonnel, mais plutôt d’un rapport impliquant la foi.

Entre le sacrifice de Jésus et les exigences de Dieu, il n’y a pas opposition, mais une totale harmonie. L’extraordinaire de l’Evangile est dans le fait que Dieu lui-même a porté le poids de notre péché et en a payé le prix. Et tout cela afin que des pécheurs puissent bénéficier de la plénitude de la grâce.

On comprend ainsi que, avec ce thème, on touche au cœur la doctrine du salut (sōtēria). C’est un sujet qui plonge au cœur du merveilleux « échange » qui a eu lieu à la croix. « Le prix de notre réconciliation a été l’aliénation de Christ[27]. » Par rapport aux autres loci de la doctrine du salut, le locus de la réconciliation donne à la dimension personnelle sa véritable qualité. Comme la rupture de l’alliance a été non seulement une fracture juridique, mais aussi relationnelle, la réconciliation présente les mêmes caractéristiques. Elle apparaît donc comme son aspect intérieur et personnel. Ce que la justification a annoncé prend vie. La réconciliation est, à la foi, objective et subjective, accomplie et appliquée, un acte de Dieu et un état de l’homme, Extra nos et In/pro nobis, abstraite et concrète, indicative et impérative, kerygmatique et parénétique, verticale et horizontale, déjà présente et pas encore, personnelle et cosmique. Colossiens 1.19-22 va dans le même sens lorsque il évoque la perspective universelle de la réconciliation.

La réconciliation a une connotation juridique[28]. « Tout sacrifice présuppose une certaine notion de la Loi… toute peine sacrificielle n’existe qu’en conséquence d’un principe antérieur de légalité qui a été bafoué, qui la structure matériellement… Tout langage sacrificiel est juridique par nature. Dans l’Ecriture, les langages légal, juridique et sacrificiel sont tellement fréquents, à propos de la mort de Christ, qu’il est difficile de ne pas conclure que certains mots, lorsqu’ils sont utilisés, sont chargés de signification[29]. » A la croix, le Fils s’est livré pour le pécheur en rétablissant une relation personnelle et formelle. Il s’agit d’un acte par lequel l’acte accusateur à été cloué (Col 2.14).

III. L’annonce de la réconciliation par les ambassadeurs

Après avoir vu l’initiative de Dieu en tant que réconciliateur, perçu la nature de la réconciliation et réfléchi au moyen donné par Dieu, Jésus-Christ, il nous faut réfléchir à ses effets. La réconciliation doit être reçue. Elle engage toute la personne qui désire que l’offensé abandonne sa juste inimitié. Il s’agit non pas seulement de comprendre sa nature et comment l’envisager, mais d’en saisir les effets. Pour être effective, la réconciliation doit donner lieu à une sorte d’acceptation de la part de l’homme. « Soyez réconciliés (…) ! » (2Co 5.20) La réconciliation comporte donc une responsabilité vis-à-vis de toutes relations. On pourrait parler d’une dimension ethnique, personnelle et cosmique.

– Ethnique. La réconciliation a pour effet d’abattre le mur spirituel qui séparait les Juifs des païens (Ep 2.14). Grâce au sacrifice de Christ, les païens qui étaient « étrangers aux alliances conclues par Dieu pour garantir sa promesse » sont entrés et font partie d’un nouveau peuple, d’une nouvelle humanité formée de Juifs et non-Juifs (Ep 2.15). Eux qui étaient à la fois « loin de Dieu et loin d’Israël » sont « devenus proches par le sang de Christ ». Christ qui est notre paix a rendu possible la paix (Ep 2.15) en détruisant le mur de séparation, car il a fait de deux « un seul » (Ep 2.14).

Si on pense au mépris et à la haine réciproque des Juifs et des païens, on peut saisir quelque chose du miracle de la réconciliation. L’hostilité a été effacée. La séparation a été dépassée. Les deux ethnies participent au royaume de Dieu, à la même famille (Ep 2.19), à la même promesse messianique (Ep 3.6). Ceux qui étaient exclus sont devenus « concitoyens » et « membres de la famille de Dieu » (Ep 5.19). Toute supériorité est effacée.

Cela doit se manifester aussi à l’intérieur de la communauté chrétienne. Les Eglises doivent devenir des microcosmes de la communauté finale réunie, sans plus aucune séparation, aux pieds de l’Agneau. C’est peut-être à cause des divisions existant parmi les chrétiens de Corinthe que Paul les implore : « Soyez réconciliés (…) ! » (2 Co 5.20) Il ne s’agit pas de trouver un compromis entre chrétiens, ni de faire assaut de charité chrétienne, mais d’être réconciliés avec Dieu par Christ. A l’horizon de la promesse faite à Abraham, toutes les familles de la terre sont bénies par le peuple de Dieu réconcilié avec lui.

A partir de là, l’Eglise peut être un véritable modèle de relations. Elle ne prêche pas seulement la réconciliation, mais elle est elle-même un modèle de réconciliation. La réconciliation avec Dieu et la réconciliation avec ses fils sont inséparables au point que toute scission ou discorde lacère ou déchire la personne de Christ lui-même (1Co 1.13).

D’un point de vue apologétique, la vision d’une réconciliation entre des gens divers est un des messages les plus frappants qu’on puisse communiquer. Les conflits sont partout présents et le peuple de Dieu a la possibilité d’incarner une nouvelle société libérée des conflits traditionnels. Apaisées avec Dieu, les personnes peuvent vivre une véritable communauté.

– Personnelle. Dans la réconciliation, il y a aussi un élément très personnel. Le pécheur est en paix avec Dieu. Ses conflits sont apaisés. Il a la liberté de s’approcher de Dieu dans une prière confiante. Il s’agit de « l’accès (prosagôgè) à Dieu » (Rm 5.2). « Accès à Dieu » implique aussi retrouver sa propre place dans la création et le sens de sa vocation dans son dessein. Par l’alliance, Dieu restaure l’unité de la personne. Il est inimaginable d’être réconcilié avec Dieu et de ne pas partager une telle délivrance avec soi-même.

S’il est vrai que « celui qui est en Christ est une nouvelle créature » (2Co 5.17), on pourrait évoquer la guérison personnelle dans un sens strict. En réconciliant le pécheur avec lui, Dieu lui montre comment dépasser la compartimentation de sa vie. L’acceptation de la part de Dieu est un puissant moteur pour être réconcilié avec son propre passé. L’homme se sent aussi poussé à renouveler toutes ses relations dans le présent et à anticiper le renouvellement de la création.

Le renouvellement dégage une nouvelle énergie. Le rétablissement de la relation du fils prodigue avec le père semble solliciter l’autre frère d’adopter une nouvelle position. Tout se passe comme si l’énergie libérée par la réconciliation met en marche de nouveaux questionnements là où la conviction d’un droit avait étouffé une véritable relation.

La réconciliation transforme les hommes en ambassadeurs de la réconciliation. Si les évangélistes peuvent annoncer la paix (Ep 2.17), c’est parce que Dieu a accompli la réconciliation. L’œuvre de la réconciliation accomplie en Christ n’est pas une décision impersonnelle. Elle vise des pécheurs qui ont à se repentir et à croire. Ceux-ci doivent être exhortés à être réconciliés avec Dieu. Il faut donc qu’une annonce soit faite.

La figure de l’ambassadeur comporte en général autorité et dignité. L’ambassadeur parle avec une parole forte qui n’a pas besoin de recommandations. A l’arrière-plan, il y a l’autorité de la personne qui l’a envoyé. Il jouit donc d’une bonne réputation. Cependant, la figure de l’ambassadeur est plutôt liée ici à une invitation[30]. « C’est au nom du Christ que nous vous supplions. » (2Co 5.20) Les ambassadeurs bibliques sont marqués par une sorte de faiblesse, qui se nourrit constamment de la grâce de Dieu. Malgré leurs limitations, Dieu se sert d’eux, « comme si Dieu exhortait par nous » (2Co 5.20) !

Il y a dans l’œuvre de Dieu une formidable énergie. C’est pourquoi « l’amour de Christ nous oblige » (2Co 5.14). Paul se sentait poussé par l’amour de Christ. C’était une force irrésistible. Se savoir en paix avec Dieu l’incitait à aller vers les pécheurs encore hostiles à Dieu. L’idée de paix est d’une extraordinaire richesse[31]. Elle n’est pas seulement absence d’hostilité, mais pleine harmonie. Elle n’est pas seulement loin de ce qui est faux, mais proche de ce qui est juste. C’est le terrain sur lequel il est possible de grandir et de viser la plénitude. Tous les bienfaits sont désormais accordés.

Les réconciliés deviennent à leur tour des messagers et des ambassadeurs. Ils éprouvent peut-être une certaine faiblesse, mais ils savent aussi qu’ils n’annoncent pas un message ayant leur propre autorité. Ce qu’ils annoncent ce n’est pas leur expérience, ni leur réflexion, mais ce dont ils ont été chargés. La force de leur message vient de la réconciliation accomplie par Dieu au moyen du sacrifice de Jésus-Christ. Tel est leur message. A cause de la merveilleuse œuvre accomplie par le Fils, les chrétiens sont en ambassade.

– Cosmique. L’œuvre de la réconciliation n’a pas seulement une signification ethnique et personnelle, elle a aussi un effet cosmique. Pour Paul, le Christ est le « cosmocrator » aux pieds de qui le Père a placé toutes choses (Ep 1.22). Par une telle vision, on est comme éblouis[32]. Pour Paul, la mort et la résurrection de Jésus-Christ ont un effet universel et cosmique.

D’après Colossiens 1.20, la primauté de Christ indique que le Père a réconcilié toutes choses (« tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux »). Sa seigneurie concerne l’œuvre de la création comme celle de la rédemption ; l’univers et aussi l’Eglise. A cause de son sacrifice, Christ est entré dans son règne (Ep 1.21-23) et il a instauré l’ordre nouveau au sein de la création. Dès ce moment-là, il y a comme une réconciliation progressive qui touche tous ceux qu’il sauve. Par ses ambassadeurs, il réconcilie à soi-même. « Il réconciliait le monde avec lui-même » (2Co 5.19: forme imparfaite « èn katallassōn »).

Paul semble utiliser un néologisme (apokatallasō) pour souligner avec encore plus de force ce qu’il veut dire. Pour certains, ce que Paul veut souligner n’est pas tout à fait clair. Il y a sûrement un accent sur la souveraineté de Christ sur les hérétiques de Colosses, qui semblaient enseigner l’existence d’intermédiaires angéliques entre le Créateur et la réalité matérielle. Il y aussi le bouleversement intervenu au niveau cosmique[33]. Paul avait déjà parlé de façon générale d’une création qui aurait dû être « libérée de la servitude de la corruption » (Rm 8.21). Cet événement se situerait dans le futur. Une sotériologie individualiste ne semble pas adéquate dans la perspective biblique.

Les puissances doivent être soumises et mises dans l’impossibilité de nuire, étant placées sous ses pieds[34]. Il y a vraiment un grand contraste avec leur activité actuelle (Ep 6.12). Elles plieront les genoux dans une soumission obligée (Ph 2.9-11). Il s’agirait donc d’une « pacification… force à une puissance irrésistible[35] ». Dieu a, en effet, tout mis sous les pieds de Jésus-Christ (Ep 1.10, 22). Comme une nouvelle création (ktisis, 2Co 5.19), une résurrection (Rm 11.15), il y a place pour une assurance confiante, fière, joyeuse (kauchèma: 2Co 5.11).

Il s’agit d’un sens cosmique général. Parce que Paul a parlé de la nouvelle création en Christ comme de quelque chose qui dépasse la vieille création ruinée par le péché d’Adam (2Co 5.17), il est difficile de limiter la pensée de Paul seulement aux êtres humains. Il n’est pas non plus vraisemblable qu’il pense seulement à tous les croyants ou les païens opposés à Israël (comme en Rm 11.15). Il semble envisager l’univers dans son ensemble. « Toutes choses » sont en train d’être réconciliées au travers de la croix de Christ.

Les effets de l’obéissance du deuxième Adam ne peuvent être moindres que les effets de la désobéissance du premier Adam. Comme la désobéissance d’Adam à eu des répercussions sur la création entière, l’obéissance de Christ portera l’harmonie dans l’univers entier. Le cosmos sera, enfin, en paix avec Dieu grâce à l’œuvre rédemptive de Christ (cf. Rm 8.18-21; Ep 1.10 ; Ph 9-11 ; Col l.20). Il ne s’agit pas d’un universalisme sotériologique. Ce qui est visé, ce sont les hommes. « Et vous qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos mauvaises œuvres, il vous a maintenant réconciliés pas sa mort dans le corps de sa chair. » (Col 1.21) Si on veut comprendre quelque chose de la glorieuse amplitude de l’œuvre de la rédemption de Christ, il faut aussi penser à sa dimension cosmique. Tous les ennemis seront soumis.

Paul semble illustrer la nature de la réconciliation à l’aide d’un motif militaire (2Co 2.14, 10.3-5 ; Col l.13, 2.15). C’est comme si la guerre décisive avait déjà eu lieu et il est seulement question du temps avant que les armes soient déposées. Dans sa sagesse, le ministère de la réconciliation est déjà en train d’encourager les ennemis à déposer les armes. La contemplation de la glorieuse vérité du programme de Dieu de réconcilier le monde au travers l’Evangile de Christ pousse Paul à une exhortation pleine de force : « Soyez réconciliés avec Dieu ! »

Dans ses multiples résonances, la réconciliation nourrit une énorme dynamique théologique. Elle est une de ces vérités qui touchent l’homme au plus près. Comme elle enseigne que Dieu est désormais apaisé, elle le pousse en avant. Comme à cause de l’Evangile, toute hostilité a pris fin, on peut jouir de la paix qui a commencé à la croix et être, à tous les niveaux, un ambassadeur pour la seule gloire de Dieu.

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* P. Bolognesi est directeur de l’Institut de théologie évangélique (IFED) à Padoue (Italie).

[1] G.K. Beale, « The Old Testament Background of Reconciliation in 2 Corinthians 5-7 and Its Bearing on the Literary Problem of 2 Corinthians 6.14-7:1 », NTS (35/4) (1989), 550-581 ; J. Dupont, La réconciliation dans la théologie de saint Paul, Bruges, Desclée de Brouwer 1953 ; J. Fitzmyer, « Reconciliation in Pauline Theology », No Famine in the Land : Studies in Honor of John L. McKenzie, ed. J.W. Flanagan and A.W. Robinson ; Missoula, MT : Scholars Press, 1975, 155-77 ; D. Gunthrie, New Testament Theology, Downers Grove, IL, IVP 1981, 486-92 ; E. Käsemann, « Some Thoughts on the Theme The Doctrine of Reconciliation in the New Testament », The Future of our Religious Past : Essays in Honor of Rudolf Bultmann, ed. J.M. Robinson and R.P. Scharlemann, New York, Harper, 1971, 49-64 ; G.E. Ladd, A Theology of the New Testament, Grand Rapids, Eerdmans 1974, 450-56 ; I.H. Marshall, « The Meaning. of ‘Reconciliation’ », Unity and Diversity in New Testament Theology : Essays in Honor of George E. Ladd, ed. R.A. Guelich, Grand Rapids, Eerdmans 1978, 117-32 ; R. Martin, Reconciliation : A Study of Paul’s Theology, Atlanta : John Knox 1981 ; L. Morris, The Apostolic Preaching of the Cross, Grand Rapids, Eerdmans 1955, 186-223 ; J. Murrray, « The Reconciliation », in Collected Writings of John Murray, vol. 4, Edimbourg, Banner of Truth 1982, 92-112 ; H. Ridderbos, Paul : An Outline of His Theology, Grand Rapids, Eerdmans 1975, 182-86 ; L. Sabourin, « Christ made ‘Sin’ (2Co 5.21) : Sacrifice and Redemption in the History of a Formula », in S. Lyonnet, L. Sabourin (eds.), Sin, Redemption and Sacrifice : A Biblical and Patristic Study, AnBib, 48, Rome, PBI 1970, 187-296 ; C. Stenschke, « The New Testament Doctrine of Reconciliation in the Light of Modern Theology » (FEET 1998) ; R.V. Taylor, Forgiveness and Reconciliation, London, Macmillan 1941, 83-129 ; D. Tidball, The Message of the Cross, Leicester, IVP 2001, 216-231.

[2] P. Wells résume ainsi les conceptions sur le sacrifice de la croix : « Une rançon payée au diable (Origène) ; une récapitulation de la vie humaine (Irénée) ; un exemple de foi et d’obéissance (Pélage, Abelard, Socini) ; le paiement d’une dette (Anselme) ; une substitution pénale (Luther et Calvin) ; une démonstration de justice (Grotius) ; une influence mystique (Schleiermacher) ; une victoire sur le mal (G. Aulen) ; une démonstration de l’amour de Dieu (le libéralisme). » « La croix : un sacrifice ? », LRR (1999), 76.

[3] Pour une réflexion sur le présent, H. Blocher, « Le sacrifice de Jésus-Christ : la situation théologique présente », Hokhma (1999), n° 71, 15-35.

[4] R. Gaffin, « Atonement in the Pauline Corpus », in The Glory of the Atonement, C.E. Hill and F.A. James III (ed.), Downers Grove, IVP, 2004, 158.

[5] Cela ne signifie pas pour autant qu’elle en soit le « thème principal » ou le « centre » de la théologie paulinienne, comme le soutient R.P. Martin, Reconciliation. A Study of Paul’s Theology, 5.

[6] J.I. Packer, God’s Words, Leicester, IVP 1981, 121.

[7] J. Murray, Redemption Accomplished and Applied, Grand Rapids, Eerdmans, 1955, 39.

[8] « La réconciliation est parallèle à la justification », F. Büchsel, TWNT I, 256 (GLNT, I, 685).

[9] P. Wells, Cross Words, Fearn, Christian Focus Publ. 2006, 212.

[10] I.H. Marshall, « The meaning of… », 127-8.

[11] C. Spicq, Notes de lexicographie néo-testamentaire, Göttingen, Vandenoeck & Ruprecht 1978, t. I, 407.

[12] Cf. un classique comme L. Morris, The Apostolic Preaching of the Cross et The Cross of Jesus, 6-7.

[13] Irénée : « Pour nous il réconcilia son Père, contre lequel nous avions péché et par son obéissance il a guéri notre désobéissance. » (Adv. Haer. V,17,1). L’obéissance du deuxième Adam réconcilie Dieu offensé par le premier Adam. Augustin souligna que les hommes avaient besoin d’un Réconciliateur pour apaiser la haine de Dieu en offrant un sacrifice (Enchiridion ad Laur. X,33 : in hac hira cum essent homines per originale peccaturm… necessarius erat mediator, hoc est reconciliator, qui hanc iram sacrificiis singularis… oblatione placaret. » CCL 46,68. Cf. aussi J. Calvin, Inst., II.xvi.6 ; II.xvi.3.

[14] R. Nicole, Our Sovereign Saviour, Fearn, Christian Focus, 2002, 96.

[15] L. Morris, The Apostolic Preaching of the Cross, 196.

[16] F. Turrettini, Institutio theologiae elencticae, in qua status controversiae perspicue exponitur, Praecipua Orthodoxorum Argumenta proponuntur & vindicatur, & Fontes solutionum aperiuntur, Genevae [1679-85]; citation de la meilleure version par Benedict Pictet, Trajecti ad Rhenum, Ernestum Voskuyl, 1696, pars secunda, 471 ; tr. angl. Institutes of Elenctic Theology, vol. 2, Phillipsburg, Presb. and Ref., 1994, 433.

[17] P.G. Ryken, The Message of Salvation, Leicester, IVP 2001, 120.

[18] J. Stott, La croix de Jésus-Christ (orig. The Cross of Christ, Leicester, IVP 1987), Bâle, Editions Brunnen, 1988, 191.

[19] F. Büschel, TWNT I, 255 (GLNT I, 684).

[20] C. Hodge, Second Epistle to the Corinthians. An exposition, Londres, Banner of Truth 1959, 142.

[21] J. Denney, The Christian Doctrine of Reconciliation, Carlisle, Paternoster 1998, 233ss ; J. Stott, La croix de Jésus-Christ, 190 : « Lorsque le verbe est à la voix passive, c’est l’homme qui est le sujet. »

[22] L’exemple paradoxal est suggéré par R. Nicole, op. cit., 91.

[23] H. Ridderbos, Paul. An Outline of His Theology, 186-7; T.R. Schriener, Paul Apostle of God’s Glory in Christ, Downers Grove, IVP, 2001, 222-223.

[24] P. Wells, « La croix : un sacrifice ? », op. cit., 82.

[25] J. Stott, La croix de Jésus-Christ, op. cit., 193.

[26] Cf. J. Calvin, Inst., II.xvi.2. Sur le sujet de la satisfaction, voir aussi F. Turrettini, op. cit., vol. II, 418ss.

[27] S.B. Ferguson, « Preaching the Atonement », in The Glory of the Atonement, C.E. Hill and F.A. James III (ed.), op. cit.

[28] J. Murray, Redemption Accomplished…, 39. 

[29] P. Wells, « La croix : un sacrifice ? », op. cit., 77, 79.

[30] A. Bash, Ambassadors for Christ : An Examination of Ambassadorial Language in the New Testament (WUNT 2/92), Tübingen, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), 1997.

[31] W. Foerster, « Eirênē », ThWNT II, 398 (tr. it. GLNT III, col. 191).

[32] Pour la vision cosmique, voir P.E. Hughes, qui affirme « that the cosmic rehabilitation is brought about through the salvation of fallen mankind », Paul’s Second Epistle to the Corinthians, Grand Rapids, Eerdmans 1962, 209.

[33] P.T. O’Brien, Colossians, Philemon, Waco, Word 1982, 53.

[34]  J. Murray, « The Reconciliation », WTJ XXIX (1966), maintenant dans Collected Writings of John Murray, vol. 4, 99.

[35] F.F. Bruce, The Epistles to the Colossians, to Philemon and to the Ephesians, Grand Rapids, Eerdmans 1984, 210 ; P.T. O’Brien, aussi.

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Catholicisme romain et protestantisme évangélique : réconciliation, mais sous quelles conditions ? http://larevuereformee.net/articlerr/n263/catholicisme-romain-et-protestantisme-evangelique-reconciliation-mais-sous-quelles-conditions Fri, 05 Apr 2013 20:41:52 +0000 http://larevuereformee.net/?post_type=articlerr&p=830 Continuer la lecture ]]> Catholicisme romain et protestantisme évangélique :
réconciliation, mais sous quelles conditions ?

Pietro Bolognesi*

La question des rapports avec les catholiques suscite des attitudes assez différentes chez les évangéliques. Il faut donc essayer de trouver des points de repère qui permettent d’envisager la question d’un point de vue systémique. Le catholicisme est, en effet, un système qu’il faut aborder en tant que tel. Dans cette optique, on tâche alors de trouver des pistes pour des relations théologiquement cohérentes.

Pour commencer, il semble bon d’observer le contexte de ce débat. Nous vivons dans un temps de fatigue. Les idéologies sont fort affaiblies. Les Eglises protestantes ne connaissent plus le dynamisme qui était le leur dans le passé. Elles observent souvent le monde avec un sens d’impuissance. Sur les grandes questions éthiques, en particulier, elles assistent à une certaine érosion des valeurs. Elles n’ont ni la force de conviction, ni une grande audience. Leur présence s’est faite discrète dans le domaine public.

En revanche, le catholicisme semble être présent au monde. Il l’est par l’image qu’il projette et il l’est par les valeurs qu’il soutient. Pensons, en particulier, à son attitude de longue résistance face aux erreurs du monde moderne. Longtemps, le catholicisme romain a su mieux résister à la modernité intrinsèquement antichrétienne que ne l’ont fait les Eglises issues de la Réforme. Sur des questions telles que l’avortement et les rapports entre les hommes et les femmes, l’Eglise romaine a fait retentir des avertissements éclatants comme une trompette prophétique. Pas de complexes. Les incertitudes causées par la modernité trouvent dans les actes symboliques du catholicisme une réponse sécurisante. 

D’un point de vue historique général, on peut remarquer que si, du XVIe au XIXe siècle, les positions étaient claires, au XXe siècle, on a pu remarquer certains glissements. La relativisation des éléments doctrinaux traditionnels et les pressions œcuméniques ont contribué à modifier certaines positions. Au concile Vatican II, les évangéliques n’ont même pas été considérés comme des interlocuteurs. Si les évangéliques ont souvent eu une attitude critique face à l’Eglise de Rome, celle-ci les a souvent considérés comme des sectes fondamentalistes.

La croissance numérique et la qualité académique du mouvement évangélique semble avoir suscité une sorte d’attention de la part du catholicisme romain. La naissance du pentecôtisme, le ministère de Billy Graham, les congrès mondiaux sur l’évangélisation (Lausanne 1974, Manille 1989, Le Cap 2010) ont marqué de nouvelles étapes.

Il faut également signaler des initiatives spécifiques plus récentes. Même si on peut s’interroger sur leur représentativité, notamment du côté évangélique des personnes qui participent aux conversations, plusieurs documents ont été publiés qui rendent compte de la réflexion commune entreprise. On peut signaler The Evangelical-Roman Catholic Dialogue On Mission (ERCDOM, J. Stott) ; les colloques entre l’Alliance évangélique mondiale[1] et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens [CPPUC][2] (WEF/PCPCU), à Venise, Italie [1993] ; au Tantur Ecumenical Institute près de Jérusalem [1997] et à Williams Bay [1999]) ; le dialogue américain Evangelicals & Catholics Together (ECT, Chuck Colson, John Neuhaus[3]). Il ne faut pas non plus oublier des initiatives plus régionales. Les rencontres entre pentecôtistes et catholiques, entre baptistes et catholiques aussi[4] et entre l’Alliance évangélique française et catholiques[5].

Les questions théologiques importantes n’ont pas été ignorées (Ecriture et tradition, les sacrements, la justification par la foi), tandis que des questions telles que la place de Marie, la prière pour les saints, les indulgences, la spiritualité n’ont pas encore été abordées. Les pressions de la culture sécularisée, le climat spirituel et humain de ces rencontres constituent des éléments nouveaux dans le paysage actuel. Après tant de combats, tant de discriminations, l’intérêt nouveau manifesté par le catholicisme donne à réfléchir.

I. Les perspectives

Voyons quelles perspectives marquent actuellement les sensibilités évangéliques, en laissant de côté l’attitude traditionnelle, celle de l’opposition.

1. Envisager une sorte de futur en commun 

Si, dans le passé, les différences obligeaient à maintenir une distance, aujourd’hui, les questions éthiques semblent justifier une sorte de convergence et légitime l’idée de lutter ensemble afin de faire front commun contre la sécularisation. Face au pragmatisme étouffant, le catholicisme paraît proposer une possibilité de transcendance spirituelle. Le catholicisme semble capable de proposer un supplément éthique aux incertitudes modernes en ce domaine. Sa capacité à penser de façon globale impressionne énormément les intellectuels.

Face à la société sécularisée, on peut se demander si les choses qui unissent catholiques et évangéliques ne sont pas plus importantes que celles qui les opposent. Cette attitude concerne surtout les « conservateurs modérés » dans l’Eglise catholique et les charismatiques ou les plus « bibliques ». Certains vont même jusqu’à percevoir des convergences et posent la question de savoir si la Réforme n’est pas dépassée[6] et s’il ne faudrait pas envisager un futur en commun[7]

2. Avoir un regard critique 

La Déclaration de Singapour, élaborée en 1986 par l’Alliance évangélique mondiale, présente une prise de position nette face aux changements, pourtant réels, du catholicisme[8]. Un autre document très clair, allant dans la même direction, est la Déclaration de Padoue élaborée en 1999 par l’Alliance évangélique italienne[9]. Ce texte montre comment les évangéliques pourraient se positionner face au catholicisme.

Dans certains pays, les évangéliques, qui ont été fortement opposés au catholicisme romain et qui le restent encore aujourd’hui, sont sensibles à l’attention dont leur mouvement, considéré désormais comme une composante de l’horizon religieux, fait l’objet.

II. Quelques points de repère

L’Ecriture offre quelques points de repère pour nous orienter face à la vision catholique. Il ne s’agit évidemment pas d’affirmations explicites, mais d’indications dont il importe de tenir compte.

 1. La cohérence de l’ordre

    Le récit même de la création propose des éléments utiles à la réflexion. Dès le début de la révélation, Dieu se présente comme un Dieu d’ordre. Son œuvre de classement y est centrale (Gn 1.4ss) et comme « un des lieux privilégiés où s’affirme le thème de la séparation[10] ». Dieu se présente comme celui qui n’aime pas les mélanges. « Il ne suffit pas de dire que Dieu est un et séparé : il est un et séparant[11]. » Ses actes ont des « lignes nettes qui exorcisent toute confusion[12] ».

L’ordre de la création correspond à une activité de séparation. Séparation et nomination vont de pair. « La parole confère l’être, le dynamisme, impose une trajectoire déterminée et permanente et démêle ainsi la confusion[13]. » Elle choisit et met en ordre[14]. Et ce cheminement de différentiation en réponse à la Parole de Dieu est déclaré « bon ». A la différence des pratiques païennes fascinées par le mélange, la foi biblique se caractérise par son ordre.

    L’image de la création est évoquée dans plusieurs autres textes comme garantie de l’ordre social (Ps 74, 77, 89). Chez les prophètes, cette perspective est encore plus frappante (Es 40-55). Dieu, s’il peut se charger de l’ordre cosmique, peut à plus forte raison restaurer l’ordre dans le pays de Juda. Il est clair que l’ordre cosmique et l’ordre social sont inclus dans l’idée biblique de paix (shalom)

De même l’adoration de Dieu est tout autre que l’adoration des idoles. Il s’agit d’une alternative pleine de conséquences « car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1Co 14.33). La multiplicité des idoles aboutit à la confusion, alors que l’adoration de Dieu suppose une pleine cohérence. Ainsi, même si dans un monde marqué par tellement d’incertitudes le mélange est très séduisant, il n’en reste pas moins que, dans la Bible, la séparation et la distinction occupent une place importante.

2. La netteté des choix

La nécessité d’un langage qui ne soit pas « oui » et « non » est soulignée. Leonardo De Chirico rappelle 2 Corinthiens 1.12-20[15]. Il semble qu’un changement de programme soit intervenu dans l’itinéraire apostolique. Il semble que, dans l’Eglise de Corinthe, cette modification ait suscité pas mal de perplexités. Paul affronte donc les critiques qui lui ont été faites à propos de la légèreté avec laquelle il planifierait les déplacements relatifs à sa mission. Les raisons de cette critique seront expliquées plus loin dans son épître (voir 1.23-2.4). Ici, Paul expose les traits distinctifs de sa prédication de l’Evangile à ceux qui tâchent de saper à la base sa prédication et d’invalider son autorité apostolique.

Paul affirme : « Aussi vrai que Dieu est fidèle, notre langage avec vous n’est pas oui et non. » (V. 18) Le message n’a été ni ambigu ni contradictoire, comme les accusations semblent vouloir le faire croire. Paul revendique la cohérence de son annonce de l’Evangile et son enracinement dans les promesses de Dieu accomplies en Christ. La cohérence de son message tient à ce que : « … le Fils de Dieu, le Christ Jésus, (…) n’a pas été oui et non ; il n’y a eu que oui en lui. » (V. 19) Sa prédication n’a pas été « oui » et « non » parce que Christ lui-même est le « oui » aux promesses de Dieu. En ce sens, la prédication apostolique a été « l’amen à la gloire de Dieu » (v. 20), le « oui » obéissant de la foi répondant au « oui » des promesses réalisées en Christ.

En empruntant le langage de 2 Corinthiens, on peut dire que le catholicisme est la religion du « oui » et du « non » en réponse à la révélation divine, de la coexistence de l’affirmation et de la négation du message biblique, de l’adhésion à la Parole de Dieu et de son rejet. On ne peut pas nier que dans le catholicisme le « oui » soit présent ; le problème est qu’il ne s’agit pas d’un « oui, oui » mais d’un « oui et non ». Le « oui » est juxtaposé au « non » de telle sorte qu’il a pour effet d’annuler le « oui ». Il ne s’agit ni d’un « oui » d’un « non », mais d’un « oui » et « non » en même temps. De quelle manière cela se vérifie-t-il ? 

Par exemple :

  • les prérogatives de l’Eglise finissent par usurper ce qui revient de manière exclusive    à Jésus-Christ en tant que Seigneur et Sauveur ;
  • la nature (humaine) a en elle-même la capacité de s’élever malgré le péché ;
  • il est nécessaire d’accéder à la grâce de Dieu au travers de l’édifice sacramentel de    l’Eglise ;
  • le magistère et la tradition de l’Eglise catholique sont mis au même rang que    l’Ecriture, tradition et magistère finissant par avoir la suprématie sur la Bible ;
  • la vénération de Marie et une légion d’autres figures détournent du culte de l’unique    vrai Dieu ;
  • à la foi biblique, il est dit « oui » aux croyances de l’Eglise ancienne, mais il est dit aussi « non » par la promulgation de dogmes plus récents contraires à l’enseignement biblique : l’Immaculée conception de Marie (1854), l’infaillibilité papale (1870), l’Assomption de Marie au ciel (1950).

On perçoit aisément combien un tel message est différent de l’Evangile que Paul prêche. Son Evangile ne supporte aucun mélange. Il implique un « oui » au Christ biblique, à la grâce biblique, à la foi biblique.

L’invitation à ne pas mélanger le « oui » et le « non » se retrouve dans plusieurs textes. Jésus enseigne : « Dites, simplement ‹oui› si c’est oui, ‹non› si c’est non. Tout ce qu’on y ajoute vient du malin. » (Mt 5.37) L’Evangile n’exige pas seulement une sobriété du langage, mais aussi une pensée rigoureuse.

Cette double conception peut même suggérer une convergence entre la position catholique romaine et la position laïque. Celle-ci aime aussi jouer sur plusieurs registres. Elle tient même à la coexistence d’opinions divergentes. Dans cette perspective, on comprend la nécessité de solliciter « l’ombre des mots ». A la différence, la parole évangélique n’est pas ambiguë, elle est une parole claire : « que votre oui soit oui, et que votre non soit non » (Jc 5.12). Comme le Créateur est distinct de la créature, aucune concession n’est admise. La foi biblique passe donc par le « toi, Eternel, toi seul » (Né 9.6) et n’admet aucune confusion.

III. Une approche systémique 

Comme l’a montré Leonardo De Chirico, pour aborder la question du catholicisme romain, il faut s’efforcer de voir le catholicisme comme un système[16]. Le conflit entre catholicisme et foi évangélique ne touche pas seulement un certain nombre de points doctrinaux, mais les deux systèmes. Procéder de façon fractionnée n’aide pas. Une vue d’ensemble ne diminue en rien « l’aspect novateur de Vatican II », mais elle permet de dépasser une approche fragmentaire. La franche ouverture à l’humanité contemporaine qu’on pourrait associer à Vatican II n’est rien d’autre que la mise en valeur de la catholicité existante. Il faut donc bien comprendre le sens véritable de la catholicité catholique.

1. L’ambivalence par rapport à l’Evangile 

Si la foi évangélique a choisi comme devises sola Scriptura, solus Christus, sola gratia, sola fides, soli Deo gloria, le catholicisme, lui, propose en fait : Ecriture et tradition, Christ et Eglise, grâce et mérites, foi et œuvres. Si la foi évangélique cherche à s’exprimer avec des « oui, oui » et « non, non » (selon l’expression de 2Co 1.17-18), la foi catholique, elle, opte pour le « oui » et le « non » simultanément. En réalité, dans le catholicisme, il existe une ambiguïté fondamentale entre l’affirmation simultanée du « oui » de l’Evangile et du « non » des motifs d’origine païenne qui sont présents au sein du système catholique dans lequel coexistent des motifs bibliques et non bibliques. Le catholicisme offre, en fait, une vaste plateforme de pensées qui peut tout contenir, une thèse aussi bien que son antithèse, une instance et une autre, un élément et son contraire. Comme l’a dit le grand prédicateur gallois du siècle dernier Martyn Lloyd-Jones, dans le catholicisme, on constate « une adjonction à la vérité qui est en fait un éloignement de celle-ci[17] ».

Un tel système pourrait ne pas toujours faire preuve de cohérence. Il pourrait même donner l’impression de ne pas être logique. Mais c’est justement l’apparente incohérence des points particuliers qui suscite l’universalité. La pluralité des positions qu’on peut enregistrer à l’intérieur du catholicisme y contribue. De l’extérieur, les différents éléments pourraient donner l’impression d’une contradiction, mais tel est bien pourtant le projet complet dont la catholicité est faite. Il est dans sa nature d’être un mélange de lumière et ténèbres, comme l’avait remarqué Calvin[18].

Si le catholicisme peut marquer son intérêt pour les autres religions (Assise), ce n’est pas pour exprimer son « oui » et son « non », mais pour les affirmer ensemble. Ce n’est pas pour écouter, mais pour englober. Ce n’est pas pour solliciter la conversion au seul Seigneur, mais pour élargir sa propre vision sans vraiment changer au fond.

Si on se limite à une approche superficielle, on discernera très peu de choses. Le catholicisme issu de Vatican II a seulement changé son approche de la réalité, mais n’a pas vraiment modifié son système. Comme il ne peut plus se permettre de dominer le monde de manière absolue, il cherche à s’y infiltrer pour le modifier de l’intérieur. Il ne lance plus d’anathème contre la modernité, mais il s’efforce de la pénétrer et de la faire progresser. Il ne peut plus s’imposer de manière coercitive, mais il cherche à le faire par la persuasion. L’objectif n’est plus l’anéantissement de l’adversaire, mais son intégration. L’objectif n’est plus la conquête, mais l’annexion consensuelle par une dilatation des frontières de la catholicité.

Dans la vision catholique du monde, la nature est liée à la grâce, l’Ecriture à la tradition, Christ à l’Eglise, la grâce aux sacrements, la foi aux œuvres, la vie chrétienne à la religion populaire, la piété évangélique au folklore païen, la philosophie spéculative aux croyances superstitieuses, le centralisme ecclésiastique à l’universalité catholique. En somme, obstinément et-et, une chose et une autre. Il n’y a pas de choix limpides, clairs, exclusifs ou inspirés par une intégrité biblique de pensée qui permette de choisir de manière cohérente. Au contraire, la réceptivité catholique romaine fait du catholicisme un système toujours ouvert à de nouvelles intégrations en vue de l’expansion progressive du système.

Le système ainsi conçu est en oscillation et développement constants. Il est en expansion continue parce qu’il n’est contrôlé ni par un « oui » ni par un « non » provenant de critères déterminants, mais par un « oui » et par un « non » simultanés qui ouvrent des espaces énormes très éloignés de l’intégrité biblique.

2. L’articulation différente

Le catholicisme pourrait trouver sa justification dans l’idée que le moyen de salut est dans l’incarnation et sa continuation. Dans cette perspective, la médiation s’opère principalement par le fait que le Verbe divin est devenu chair. Dieu a revêtu la chair humaine. En un sens, la croix de Jésus-Christ est considérée comme l’expression de la solidarité humaine de Dieu qui a pris sur lui notre profonde misère. L’incarnation est donc l’événement central.

Dans la perspective évangélique, l’incarnation est tout aussi affirmée et indispensable. Elle est la condition de l’œuvre rédemptrice proprement dite, à savoir l’expiation, une fois pour toutes, des péchés sur la croix. Ce qui nous sauve, ce n’est pas Dieu qui vient dans la chair, mais le Dieu venu en chair portant nos péchés et les expiant une fois pour toutes à la croix. La rédemption suit l’incarnation. Si on renverse cet ordre, on aboutit à une logique du salut fort différente.

Les deux schémas diffèrent profondément. Dans la mesure où c’est l’incarnation qui nous sauve, cette venue de Dieu en chair se prolonge tout naturellement dans une institution divino-humaine, qui prolonge la médiation du Christ. Dans une autre perspective où tout a été accompli une fois pour toutes, il ne s’agit plus d’un prolongement mais d’un accueil du fruit de la réconciliation due à cette œuvre unique. On comprend donc où réside la différence entre les deux conceptions concernant l’événement sauveur lui-même : incarnation et rédemption de la croix.

Cette différence semble se rattacher à l’analyse du problème humain. Pour la théologie catholique, pour simplifier, le problème est la distance entre le ciel et la terre, Dieu et la chair humaine. C’est un problème métaphysique. Dans cette optique, on peut envisager le salut comme une « divinisation de la chair », ce qui doit plus aux influences platoniciennes qu’à la perspective biblique. Pour cette dernière, le problème n’est pas celui de la corporalité de l’homme, mais celui de la faute dans l’usage de la liberté dans l’histoire, qui a entraîné la culpabilité de l’homme devant Dieu. La faute de l’homme est réparée par un acte d’expiation défini.

On pourrait penser qu’il y a, au fond, une différence dans la structure de la doctrine elle-même. George Lindbeck a peut-être raison, dans ce cas, d’évoquer l’utilisation d’une syntaxe différente dans la construction du discours théologique lui-même. On utiliserait ainsi le même vocabulaire, mais avec une grammaire différente. On s’accorderait sur le vocabulaire mais sans être d’accord dans l’ensemble. Chacun sait très bien que la position des mots dans l’articulation d’un discours peut provoquer bien des différences et qu’il ne suffit pas de connaître les mots pour comprendre le sens de la proposition.

La manière d’articuler et de relier entre eux les grands thèmes de la foi chrétienne n’est pas indifférente. Prenons comme exemple le thème de l’Eglise. Pour le catholicisme, l’Eglise se trouve entre le Christ et le croyant. C’est par son moyen, par sa médiation, c’est-à-dire grâce à son rôle d’intermédiaire, que le Christ rencontre les fidèles. L’Eglise prolonge, en quelque sorte, l’incarnation. Elle assure la présence du Christ et constitue donc, pour le croyant, comme un point de passage obligé. A la différence, selon le protestantisme, le Christ entre en contact avec le croyant par sa Parole et son Esprit. Il établit avec lui un lien direct, sans autre intermédiaire. Et le Christ envoie ceux qu’il a touchés par son Esprit dans l’Eglise. L’Eglise est la conséquence de notre lien avec le Christ et l’Esprit. Elle n’est pas la mère de la foi, elle en est la fille.

Quelque chose de semblable pourrait être considéré dans la sainte cène. Pour le catholicisme, l’eucharistie est « la source et le sommet » de la vie chrétienne, autrement dit son principe et sa finalité. L’eucharistie résume, récapitule et englobe l’ensemble de la vie chrétienne (Catéchisme de l’Eglise catholique). Pour les évangéliques, la sainte cène est plutôt un instrument, un outil, un « moyen », non pas la source ni le sommet, mais ce qui se situe entre les deux. La cène a une place d’auxiliaire. On voit en elle une aide pour la vie chrétienne, ou une servante, comme une béquille, selon une expression de Calvin, pour soutenir la marche. On le voit donc, les éléments sont les mêmes, mais ils sont articulés différemment.

On peut ainsi comprendre facilement les problématiques de l’hospitalité eucharistique ou de l’intercommunion. Ou il s’agit d’une étape ou il s’agit d’un aboutissement. Les évangéliques et les catholiques ne sont donc pas séparés seulement par les doctrines, mais aussi par la manière différente de structurer la foi. On comprend que des choses qui peuvent paraître les mêmes acquièrent une toute autre signification dès lors qu’elles sont mises dans une position différente par rapport à l’ensemble. 

3. Le critère de fond 

Quel critère de fond inspire le catholicisme ? Le catholicisme se veut l’interprète d’une vocation totalisante. Dialoguer sans assumer serait insuffisant. L’enjeu n’est pas la pureté évangélique ou l’authenticité chrétienne, mais l’intégration du particulier dans un horizon universel. Le souci est celui d’un système global au service de l’institution qui tient les rênes du dessein englobant.

La catholicité du catholicisme est sa capacité d’englober des idées divergentes, des valeurs diverses, des mouvements hétérogènes ainsi que des ferments opposés entre eux et de les intégrer à l’intérieur d’un système de référence unitaire, à savoir le système catholique[19]. La catholicité est la combinaison d’éléments apparemment différents, voire opposés. D’après saint Vincent de Lérins (Ve siècle), la foi catholique se définit comme « tout ce qui a été cru partout, toujours et par tous[20] ». Von Harnack a observé que l’Eglise catholique « resta exclusive, en attirant cependant à elle tout élément étranger qui possédait une valeur quelconque. C’est par ce signe qu’elle a vaincu ; car sur tout ce qui est humain – l’éternel et le transitoire –, elle a placé la croix et, dès lors, tout est soumis à l’au-delà[21]. »

Le seul « non » que le catholicisme sait dire concerne ce qui menace son dessein, à savoir réduire le multiple à l’un (à l’unicité) de l’Eglise catholique. Si ce point cardinal n’est pas remis en question, tout peut alors être intégré et catholicisé. Les capacités d’intégration du catholicisme sont vraiment extraordinaires. Pour le percevoir, il est nécessaire d’admettre le catholicisme en tant que système et de l’analyser selon une approche systémique.

L’œcuménisme est un laboratoire privilégié pour la catholicité, un terrain particulièrement fécond pour ce projet. Les contrastes y sont mis en veilleuse, car toutes les formes historiques et confessionnelles de la chrétienté peuvent être intégrées au système catholique. Les ouvertures œcuméniques du catholicisme ont donc pour finalité l’assimilation, l’intégration, la catholicisation de toute la chrétienté.

Le système catholique l’exige et il a les ressources nécessaires pour accomplir cette catholicisation. Les trois mouvements catholiques du renouveau au XXe siècle en ont été des instruments. Le renouveau liturgique a introduit des formes nouvelles de célébration, mais il n’a aucunement modifié la doctrine sacramentelle de l’Eglise de Rome. Le renouveau biblique a, depuis quelques décennies seulement, (dédouané) autorisé les fidèles laïques à lire la Bible. Mais il n’a pas modifié la doctrine catholique de la prééminence de la tradition sur l’Ecriture et n’a pas, non plus, remis en question les doctrines non bibliques du magistère. Le renouveau charismatique a ouvert les portes du catholicisme aux expériences charismatiques ; il a assimilé totalement ce mouvement en en faisant un instrument au service de l’institution centrale. Dans l’histoire de l’Eglise catholique, les mouvements de renouveau interne ont toujours été assimilés par l’institution ; cela est vrai aussi pour les renouveaux les plus récents.

La catholicité ne s’exprime pas seulement dans la doctrine catholique, mais dans tous les domaines d’action de l’Eglise. On peut penser notamment aux mouvements traditionalistes, à la dévotion mariale, au catholicisme folklorique, à l’ouverture au libéralisme théologique. La catholicité s’exprime à droite et à gauche, au-dedans et au-dehors du christianisme. Elle transcende les frontières un peu étroites de la chrétienté et s’adresse au monde des religions en proposant l’Eglise catholique comme le lieu où les instances légitimes des religions peuvent trouver leur épanouissement. La chrétienté, les religions, la culture, la société, le monde entier : telles sont les frontières de la catholicité du catholicisme.

L’Eglise catholique s’est ainsi engagée à avancer en recherchant une plénitude dans une unité qui n’exclut pas la diversité. C’est justement cette absence de plénitude qui est reprochée au protestantisme[22]. Ce qui, pour les protestants, est considéré comme secondaire demeure, pour les catholiques, des formes de plénitude.

IV. Pistes pour la réconciliation

Il n’est pas nécessaire d’être attentif pour comprendre que le catholicisme romain se présente de façon multiforme. Sa souplesse peut dérouter. L’idée d’une réconciliation pourrait ne pas sembler tout à fait lointaine. 

Certains dialogues ouvrent sûrement la possibilité d’une guérison des complexes d’infériorité dus à la fois au réflexe de défense d’une minorité et à l’orgueil spirituel des protestants. Ils peuvent aussi susciter une meilleure compréhension des arguments respectifs des interlocuteurs. Il serait cependant simpliste de se contenter de l’élimination de quelques petits points de désaccord en vue d’un rapprochement. Se disputer sur tel ou tel point et arriver aussi à se rapprocher ne signifie pas qu’on s’entend. La diminution de la distance entre des positions, même si elle réussit, n’aboutit pas à grand-chose.

Si l’idée d’arriver à des conclusions communes est écartée, il semble aussi difficile d’envisager une complémentarité selon laquelle chacun aurait besoin de la modification et de l’équilibre que lui apporterait l’autre pour ne pas perdre la vérité qu’il porte et dont il témoigne. Penser que la mise en tension permettrait de se corriger et de se féconder mutuellement, et croire paradoxalement que « l’Eglise unie, c’est l’Eglise divisée » (P. Tillich) ne semble pas satisfaisant. Il y a probablement des conditions à ne pas ignorer de part et d’autre. 

1. Conscience de la diversité 

Avant tout, il faut être conscient de la diversité qui existe entre évangéliques et catholiques romains. La vocation de la foi évangélique est d’être le « oui » net, convaincu, non équivoque, exclusif et transparent à la vérité de Dieu. La foi évangélique aspire à être « l’amen à la gloire de Dieu », c’est-à-dire reconnaissance, de cette gloire. La foi évangélique se caractérise par sa « simplicité » et sa « sincérité », mais aussi par le fait qu’elle se distingue d’une « sagesse charnelle », qu’elle n’est pas « dictée par la chair », pour reprendre le langage de Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens. En continuité avec le message biblique ainsi qu’avec l’enseignement de la Réforme protestante, la foi évangélique proclame une vérité qui implique une sorte d’exclusivité.

Les sola, solus du message biblique que les réformateurs ont redécouverts témoignent de l’intégrité de la foi évangélique qui refuse d’être imprégnée de motifs païens afin d’être ancrée exclusivement sur la vérité de Dieu. L’alternative évangélique refuse en bloc un schéma « bâtard » et réaffirme simplement le « oui » à la vérité de Dieu qu’annonce l’Evangile. Un « oui » qui n’aspire pas nécessairement à établir un consensus, mais à être fidèle.

Il ne s’agit pas là d’une différence d’emphase ou d’accent. C’est une question de fond. Il est nécessaire que le cadre conceptuel soit réformé, que les catégories de référence soient bien présentées et que la vision du monde soit repensée. Un point doit être clair : si on ne se présente pas face au catholicisme comme une alternative évangélique, on a déjà capitulé face au catholicisme. L’évangélisme ne doit pas être l’aile évangélique d’une catholicité romaine élargie, mais une alternative, une alternative rappelant à tous la nécessité de se réformer au sens biblique. Deux catholicités s’opposent : l’une évangélique et l’autre catholique.

Si l’on ne perçoit pas bien l’aspect systémique du problème, le dialogue risque d’être non seulement vain, mais périlleux. On ne gagne rien à pratiquer un œcuménisme superficiel, car la confrontation concerne le système.

2. Mise en perspective des caractéristiques 

La différence entre les prises de position officielles et les abus d’ordre éthique « doctrine sociale de l’Eglise » et les manigances entre Vatican, finance et pouvoir, les positions des théologiens les plus intégristes et les mesures vexatoires prises çà et là contre les évangéliques lorsque la situation politique le permet, la place de l’Eglise dans la société et les manifestations de piété populaire est sous les yeux de tous. Cette différence défie l’analyse. Le catholicisme jouit apparemment d’un grand degré de flexibilité. Qu’il y ait beaucoup d’âmes, de sujets, d’orientations, de personnalités n’efface pas le fait qu’il s’agit d’une diversité interne au service de l’unité catholique.

Trop souvent, les évangéliques se focalisent sur un seul « aspect » du catholicisme, c’est-à-dire sur un mouvement, un théologien ou leur propre expérience du catholicisme, et n’ont donc pas une conscience ou une vision d’ensemble. Ils dialoguent sans bien percevoir la syntaxe de l’autre. Or, le catholicisme est un ensemble indivisible. Chaque aspect du système est relié aux autres. Chaque orientation est au service de la cause commune. Chaque personnalité est mise au service du dessein global. Il convient donc de développer une herméneutique du catholicisme qui ne soit pas partielle, mais qui reflète la complexité et l’unité du système catholico-romain. Il faut donc aborder le catholicisme dans toute sa dimension.

Cette mise en perspective exige de se souvenir que les évangéliques n’ont renoncé à aucun des articles de la foi « catholique » primitive. Evangéliques et catholiques ont en commun toutes les doctrines contenues dans le Symbole apostolique. De plus, ils partagent les mêmes affirmations doctrinales contenues dans les six premiers conciles œcuméniques. Si l’orthodoxie est ce qui est conforme à la doctrine de l’Ecriture, le schisme est ce qui s’inscrit en rupture par rapport à celle-ci. Est donc schismatique celui qui s’éloigne de la vérité de la Parole de Dieu.

A plusieurs reprises, l’importance qu’il y a à se référer aux sources a été soulignée[23]. Il est regrettable, en effet, d’ignorer les éléments les plus caractéristiques de l’interlocuteur. S’il est important de connaître les documents les plus significatifs du catholicisme, il l’est tout autant en ce qui concerne les documents évangéliques. Or, il semble que, dans les milieux évangéliques, on a souvent une faible conscience de l’existence et de la valeur de ses propres documents. S’estimer héritier légitime de la Réforme suppose certaines caractéristiques, implique un certain dépôt. L’appartenance à la mouvance évangélique exige, en effet, une véritable compréhension de ces caractéristiques.

Il faut penser aux confessions de foi de l’époque de la Réforme. Mais les évangéliques ne peuvent pas se contenter d’avoir un grand passé. Ils ont aussi les documents de Lausanne I (1974), Lausanne II (1989), Lausanne III (2010) ; les Déclarations de Chicago (1978, 1982, 1986) ; le Document de Singapour (1986) et la Déclaration de Padoue (1999) ; la Déclaration de Cambridge (1996). S’il est important de comprendre la nature du catholicisme, il l’est tout autant de bien connaître les documents les plus importants de la tradition évangélique.

Il serait également profitable d’être au courant de l’histoire des relations entre les catholiques et le mouvement évangélique. Il n’est pas besoin de remonter jusqu’à la Réforme du XVIe siècle. Il est suffisant de comprendre les développements intervenus depuis le XIXe siècle. On pourra voir comment de Philip Schaff, qui considérait le catholicisme romain comme « un amalgame de vérités et d’erreurs » (1891), jusqu’au Document de Singapour de la World Evangelical Alliance (1986), qui a souligné les « différences théologiques fondamentales » entre foi évangélique et foi catholique[24], on a peu à peu glissé vers des positions plus souples.

3. Positionnement personnel

Le contact personnel avec les croyants catholiques devrait être entretenu. Rien ne serait plus contraire à l’Evangile que l’orgueil à l’égard des autres. Il est bon de quitter certaines sécurités, c’est-à-dire la tendance à s’enfermer dans ses propres positions considérées a priori comme incontestables.

A cela il faut ajouter une considération réciproque. Il peut y avoir désaccord, mais rien n’empêche de le conjuguer avec de l’estime et de la sympathie. Il faut être attentif à l’autre, se préoccuper de ce qu’il dit, vit et pense. La prise de conscience de la différence est fructueuse, si on est prêt à demeurer proches et à s’écouter mutuellement.

Les catholiques doivent également être interpellés pour qu’ils prennent au sérieux les revendications de l’Evangile. Il y a, dans tous les contextes, des personnes vraiment sincères, qui ont une véritable spiritualité. Il ne faut cependant pas oublier qu’elles font partie d’un système. Les encourager à une sorte de scission entre ce qu’ils peuvent croire personnellement et ce que le groupe dont ils font partie croit ne serait pas évangélique. Une chose un peu semblable peut être dite à propos de la distinction entre l’expérience personnelle et l’analyse théologique. Il est nécessaire d’exercer le discernement évangélique.

Il va sans dire qu’il convient aussi de se garder de toute forme de collaboration qui donnerait la fausse impression d’une unité réalisée. Ce qui est mis en jeu se situe non seulement au niveau personnel ou social, mais aussi symbolique. Il faut alors distinguer entre la confrontation théologique et la participation aux actes du culte. S’il est bon d’être toujours prêts à rendre raison de sa propre foi, il est fâcheux de donner l’impression qu’il existe une unité spirituelle.

S’il est certes souhaitable de se confronter sur le plan théologique, il est ambigu de célébrer ensemble, catholiques et évangéliques, des cérémonies religieuses. La participation aux actes du culte donnerait l’impression d’une convergence qui, en l’état actuel des choses, est interdite. Face aux pressions œcuméniques, il faut avoir la liberté de se distinguer. Il ne s’agit pas de cultiver une attitude anticatholique, mais il ne faut pas non plus laisser croire que les différences sont secondaires. L’enjeu est la vérité de l’Evangile. Car, seule, la réconciliation avec la vérité de l’Evangile rend possible toute autre réconciliation.


* P. Bolognesi est Directeur de l’Institut de Théologie Evangélique (I.F.E.D.) à Padoue (Italie).

[1] En 2000, la Word Evangelical Fellowship (WEF) a pris le nom d’Alliance évangélique mondiale (WEA).

[2] En anglais, Pontifical Council for Promoting Christian Unity (PCPCU).

[3] Parmi les autres signataires, Pat Robertson, Bill Bright, Richard Land, Larry Lewis, Richard Mouw, Mark Noll, John White, J.I. Packer.

[4] Les premières conversations en France remontent à 1981 avec, comme point de départ, un document de la Baptist World Alliance et de l’Eglise catholique, Rendre témoignage au Christ. Comité mixte baptiste/ catholique en France, Paris, Cerf, 1992. Voir aussi Le dialogue catholiques-évangéliques, Débats et documents, sous dir. de L. Schweitzer, Edifac/Excelsis, 2002 ; Comité mixte baptiste-catholique en France, Du baptême à l’Eglise. Accords et divergences actuels, Paris, Cerf/Bayard/Fleurus-Mame, 2006.

[5] « Regards sur le protestantisme évangélique en France. Conversations évangéliques-catholiques », Documents Episcopaux, n° 8, 2006.

[6] M.A. Noll et C. Nystrom, Is the Reformation Over ? An Evangelical Assessment of Contemporary Roman Catholicism, Grand Rapids, Mi, Baker 2005.

[7] T.P. Rausch, ed., Catholics and Evangelicals. Do They Share a Common Future ?, Downer Grove, InterVarsity Press, 2000.

[8] P. Schrotenboer (ed.), A Contemporary Evangelical Perspective on Roman Catholicism, Grand Rapids, Baker, 1986, a été publié en français sous le titre « Regards sur le catholicisme contemporain », La Revue réformée (1989/1), 1-41.

[9] En France : « Le catholicisme romain : une approche évangélique », Vivre 8-9 (2000), 10-14, et Fac- Réflexion 51-52 (2002/2-3), 44-49.

[10] P. Beauchamp a fait sa thèse de doctorat sur « Le principe de séparation et de différenciation dans la cosmologie de l’Ancien Testament à partir de Genèse 1.1-2. 4a », dont la première partie a été reprise dans Création et séparation. Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse, Paris, Aubier-Montaigne/Ed. du Cerf/Desclée de Brouwer ; Lausanne, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1969, 17. La plupart des commentateurs estiment que l’acte qui consiste à démêler et à séparer est un « concept fondamental ». G. von Rad, Das Erste Buch Mose, Göttingen 1949, 39.

[11] P. Beauchamp, op. cit., 340.

[12] H. Blocher, Révélation des origines, Lausanne, Presses Bibliques Universitaires 1979, 64.

[13] P. Beauchamp, op. cit., 55.

[14] J. Calvin, Le livre de la Genèse [1554], Commentaire de Jean Calvin sur l’A.T., t. 1, Genève, Labor et Fides 1961, 27, 28: « Dieu voulut qu’il y eût un ordre continuel et successif des jours et des nuits… là où auparavant il n’y avait qu’un mélange confus… mêler ciel et terre, est noté un désordre extrême. »

[15] L. De Chirico en a parlé à l’assemblée de l’AEF à Joinville-le-Pont, Paris, 1er avril 2006.

[16] Voir son livre magistral. L. De Chirico, Evangelical Theological Perspectives on Post-Vatican II Roman Catholicism, Berne, Peter Lang, 2003.

[17] M. Lloyd-Jones, Roman Catholicism, London, Evangelical Press s.d., 3.

[18] J. Calvin, Epître aux Galates 1,6 [1548], CO 50, 167, Commentaire de J. Calvin sur le NT, t. 6, Genève, Labor et Fides 1965, 22 : « Ainsi aujourd’hui les papistes, parce qu’ils veulent avoir un Christ à demi et déchiré par pièces, ils n’en ont point du tout, et sont par là transportés hors de Christ ; car ils sont remplis de superstitions, qui sont directement contraires à la nature du Christ. Ceci doit être noté diligemment, que nous sommes transportés hors de Christ, quand nous déclinons à des choses qui sont contraires à son office, car la lumière ne peut être mêlée avec les ténèbres. »

[19] Le terme « catholique » a été employé pour la première fois par Ignace d’Antioche pour désigner l’universalité de l’Eglise (Smyrn. VIII,2). On le retrouve dans le martyre de Policarpe (Inscr. VIII,1) avec cette précision : « L’Eglise catholique répandue par toute la terre habitée. »

[20] V. de Lérins, Commonitorium, can. 23. Pour Paul Valéry : « Ce qui a été cru par tous, et toujours et partout, a toutes les chances d’être faux ! » Moralités, Paris, Gallimard, 1932. 

[21] A. von Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten [1902], Leipzig, 1924, vol. II, 958. 

[22] Cf. le Décret sur l’œcuménisme, § 22.

[23] Cf. P. Courthial, « En vue du dialogue entre protestants et catholiques romains », La Revue réformée (1963/4), 25-36, et dans Fondements pour l’avenir, Aix-en-Provence, 1981, 179-186, qui évoque les conditions objectives et subjectives du dialogue.

[24] Cf. des éléments dans P. Bolognesi, « A History of the Relationship of the Evangelical Alliance with the Roman Catholic Church », ERT 32:3 (2008), 210-223.

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