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L’accompagnement des couples en mal d’enfant

L’accompagnement des couples
en mal d’enfant


Jean-Philippe Bru
Professeur de théologie pratique
Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence


Paul et Sylvie se sont mariés très jeunes et ont attendu quelques années avant d’essayer d’avoir des enfants. A leur grand étonnement, les mois se succèdent et Sylvie n’est toujours pas enceinte. Elle en parle à sa gynécologue qui renvoie le couple vers un spécialiste de l’infertilité. Celui-ci leur fait passer une batterie de tests et conclut à un problème du côté de Paul. Après moultes injections, traitements hormonaux et tentatives infructueuses d’insémination artificielle, il leur propose la fécondation in vitro. Paul et Sylvie hésitent à recourir à cette technique dont ils ont entendu dire qu’elle soulevait des questions éthiques, comme le devenir des embryons non utilisés, mais c’est la dernière option pour avoir un enfant de leur propre sang. Celle-ci ayant également échoué, ils se renseignent sur la FIV avec donneur mais ne sont pas convaincus et décident finalement d’adopter. Entre le moment où ils ont pris conscience de leur problème d’infertilité et celui où ils ont eu la joie d’accueillir un enfant venu d’un pays lointain, plusieurs années se sont écoulées. Pendant tout ce temps, ils ne se sont confiés à personne en dehors du corps médical et personne dans leur Eglise n’a réellement osé s’immiscer dans leur vie privée, pas même leur pasteur. En revanche, ils ont eu droit à de nombreuses questions et conseils maladroits du genre : « Qu’est-ce que vous attendez pour avoir des enfants ? » « Etes-vous sûrs de bien faire ce qu’il faut ? »

De tels couples sont présents dans nos Eglises, si l’on en croit les statistiques qui nous disent qu’un couple sur cinq rencontre des problèmes d’infertilité1 [1]. Il est donc important que l’équipe pastorale sache comment les accompagner. Le but de cette intervention est de donner quelques pistes pour un meilleur accompagnement au sein de l’Eglise.

1. Prendre conscience de la réalité du problème

Lorsqu’un couple perd un enfant en bas âge, toute l’Eglise souffre avec lui, il reçoit des lettres de condoléances et des soins pastoraux particuliers avant, pendant et après les obsèques. Mais l’infertilité est une souffrance invisible. On n’envoie pas de lettre de condoléances à un couple parce que l’enfant qu’il désire tant n’est pas encore venu à l’existence. Même en cas de fausse couche, le plus souvent aucun service funèbre n’est organisé. La souffrance est pourtant bien réelle : « Un espoir différé rend le cœur malade. » (Pr 13.12) Et cette souffrance est chronique puisqu’elle revient et s’amplifie après chaque nouvelle tentative infructueuse.

De même que Jésus était conscient des souffrances invisibles des gens, comme celle de la femme atteinte d’une perte de sang (Mt 9.20-22), il est important que le pasteur prenne conscience de cette forme de deuil qui touche certains couples de sa communauté. S’il veut pouvoir les conseiller à bon escient, il est important qu’il prenne le temps de s’informer sur l’infertilité.

2. S’informer sur l’infertilité

Des statistiques surprenantes

En France, le taux d’infécondité se situe entre 18 et 24 %, des chiffres en augmentation. Un couple sur sept cherche de l’aide pour concevoir et un sur dix suit un traitement. Mais contrairement à ce que l’on croyait autrefois, les femmes ne sont pas plus responsables de l’infertilité que les hommes.

Parmi les couples qui cherchent un traitement, près d’un quart souffrent d’infertilité secondaire : ils ont déjà un ou plusieurs enfants mais n’arrivent plus à concevoir, ce qui contrarie leur rêve de famille nombreuse.

Le deuil périnatal touche également de nombreuses familles françaises (au moins 14 000 chaque année selon les hôpitaux de Paris). « Il s’agit du décès d’un bébé au cours de la grossesse ou dans les tout premiers jours de sa vie extra-utérine. »2 [2]

Des mythes à déconstruire3 [3]

Certains mythes au sujet de l’infertilité contribuent à la douleur des couples infertiles :

Des réactions diverses et variées

Tous les couples ne réagissent pas de la même manière. Certains couples acceptent assez facilement d’être privés d’enfants alors que d’autres le vivent comme une injustice et s’épuisent à essayer de réparer celle-ci. Certains couples restent unis dans l’épreuve et se soutiennent mutuellement alors que d’autres ne résistent pas aux turbulences liées à la remise en cause de leur projet familial et se séparent. L’infertilité peut même conduire à l’infidélité, lorsque le mari pense pouvoir se consoler dans les bras d’une autre de l’humeur chagrine de sa femme.

Le mari et la femme vivent la situation différemment. C’est bien connu, les hommes expriment moins facilement leurs émotions que les femmes. Confrontés à une situation de stress, ils éprouvent le besoin de se retirer dans leur caverne pour pleurer et crier loin du regard des autres. Et lorsqu’ils en reviennent, ce n’est pas pour partager leurs sentiments mais pour montrer leur force et leur tranquillité malgré les circonstances. Le navire est chahuté par les vagues, mais le capitaine tient fermement le gouvernail et garde le cap. Une telle décontraction peut être déstabilisante pour la femme, mais elle doit comprendre que c’est sa manière à lui de gérer ses émotions. Cela dit, sans renoncer à sa masculinité, il devrait prendre en compte la personnalité de sa femme et lui montrer que son sens des responsabilités ne l’empêche pas de souffrir lui aussi de leurs espoirs déçus.

Comme dans toute autre forme de deuil, une personne confrontée à l’infertilité passe généralement par différentes phases : choc, déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. L’accompagnateur doit identifier la phase dans laquelle elle se trouve s’il veut être en mesure de lui apporter une parole appropriée.

Une bonne manière de se familiariser avec ces différentes façons de réagir est de lire des témoignages de couples ayant traversé cette épreuve5 [5].

Des options médicales prometteuses mais éthiquement complexes

L’accompagnateur doit s’informer des possibilités que la science médicale offre aux couples infertiles et réfléchir aux questions éthiques qu’elles soulèvent :

L’équipe médicale ne s’embarrasse généralement pas de considérations éthiques, sa priorité étant la réussite du traitement ; il est donc important que les couples stériles puissent trouver conseil au sein de leur communauté ecclésiale.

3. Accompagner

Une fois que l’on a pris conscience de la réalité de l’infertilité et que l’on s’est bien informé sur la question, comment accompagner un couple confronté à ce problème ? Je propose une démarche en trois étapes qui s’inspire du livre de Paul Tripp, Instruments dans les mains du Rédempteur6 [6] : (1) compatir ; (2) poser les bonnes questions ; (3) apporter une parole rédemptrice.

Compatir

Il s’agit de rejoindre le couple dans son propre univers et de s’identifier à sa douleur.

Entrer dans l’univers d’un couple demande beaucoup de délicatesse. Personne ne se confie facilement ; la démarche est encore plus difficile pour un couple, dont l’intimité est un jardin secret. Si donc il vous invite à y entrer, il faudra veiller à ne pas piétiner ses parterres de fleurs en vous rendant à l’endroit atteint par la maladie. Une erreur courante consiste à réduire l’univers du couple à son problème d’infertilité. L’équipe médicale cherche à résoudre celui-ci en proposant des techniques ; le pasteur cherche à sensibiliser le couple aux implications éthiques de telle ou telle technique. Or l’univers du couple est beaucoup plus riche que cela. Il est fait d’émotions, de réactions, de questionnements, de tensions, de remises en question. C’est tout cela qu’il faut prendre en compte si l’on veut qu’il se sente aimé, écouté et compris. Un sage conseiller ne va jamais « droit au but » ; il s’efforce d’abord d’établir un lien de confiance, de connaître l’histoire du couple, ses particularités, sa spiritualité, sa vision du monde. Son but ultime n’est pas d’apporter une réponse aux interrogations du couple, mais de l’aider à grandir spirituellement à travers l’épreuve qu’il traverse.

S’identifier à la souffrance du couple signifie se laisser émouvoir par son histoire. Cela est possible, même si vous n’avez pas été confrontés au même problème. Parce que nous partageons la même condition humaine, nous sommes tous confrontés à la souffrance, et celle-ci produit en nous les mêmes effets : peur, colère, sentiment d’injustice… Lorsque quelqu’un nous dit ce qu’il ressent, il parle un langage que nous comprenons, mais cela ne produit de la compassion que si nous faisons une place en nous pour sa souffrance. Notre propre souffrance occupant déjà beaucoup de place dans notre vie, notre tendance naturelle est de nous détourner de celle d’autrui, de nous en protéger, mais Dieu change notre cœur de pierre en cœur de chair, de telle manière que la souffrance de l’autre devient notre propre souffrance. Quant aux épreuves que nous avons nous-mêmes traversées et dans lesquelles Dieu nous a consolés, elles deviennent un moyen de consoler les autres. Même si notre histoire est différente de la leur, si nous la leur racontons avec sincérité, sans l’enjoliver ni cacher nos échecs, elle leur ouvrira un chemin d’espérance.

Poser les bonnes questions

Pour bien connaître les gens, il ne suffit pas d’émettre des suppositions à leur sujet à partir de données générales, mais il faut leur poser des questions précises. Paul Tripp compare le recueil des données concernant les personnes que l’on accompagne à la visite d’une maison que l’on envisage d’acheter. Après un tour d’horizon général, l’acheteur avisé pose des questions précises à propos d’une tache aperçue sur un mur ou de l’odeur de moisissure dans une pièce. Il cherche à en savoir plus sur les défauts que pourrait présenter la maison. De même, il ne faut pas se contenter d’une connaissance générale des couples sans enfants, mais chercher à connaître de manière particulière celui que l’on accompagne. Paul Tripp recommande de chercher à connaître non seulement leur situation, mais également leur réaction, leur interprétation de la situation et leurs attentes les plus profondes. Bien que la souffrance soit partagée, nous avons vu qu’elle n’est pas toujours vécue de la même façon par la femme et le mari, ce dernier cherchant en général à se montrer fort et pouvant donner l’impression d’un certain détachement. Comment le couple interprète-t-il sa situation ? Y voit-il une punition divine ou une invitation à marcher par la foi, comme Abraham et Sara ? Leur désir d’enfant, bien que venant de Dieu, est-il plus fort que leur désir de glorifier Dieu ? Des réponses précises à ces questions aideront l’accompagnateur à apporter une parole à propos et porteuse de grâce.

Apporter une parole rédemptrice

Le but d’une parole rédemptrice est d’aider le couple à réinterpréter sa situation à la lumière de la rédemption accomplie par le Christ et à chercher la volonté de Dieu les concernant. Plusieurs cas peuvent se présenter :

1) Le couple interprète son infertilité comme une punition divine

Il peut arriver qu’un couple ayant fait une IVG dans le passé considère comme une punition divine son incapacité à obtenir une nouvelle grossesse. Dans ce cas, l’accompagnateur devra s’assurer qu’il y a bien eu repentance et rappeler que Dieu ne nous traite pas en proportion de nos fautes. Il devra également souligner que Dieu peut rendre un couple stérile pour d’autres raisons que sa colère. Ainsi Zacharie et Elisabeth étaient tous deux justes aux yeux de Dieu mais n’avaient pas d’enfant (Luc 1.6-7). Pourquoi Dieu a-t-il attendu si longtemps avant d’exaucer leur prière ? Pour des raisons liées, non à leur comportement, mais à l’histoire du salut.

2) Le couple lutte avec un problème de jalousie

Bien que les maris ne soient pas épargnés, ce sont surtout les femmes qui sont confrontées à ce problème. Il est normal d’avoir un pincement au cœur lorsqu’une amie vous annonce qu’elle attend son énième enfant ou que le pasteur du haut de la chaire souhaite une bonne fête à toutes les mamans. Mais si l’on n’y prend pas garde, cette sensation désagréable peut s’installer et se muer en un sentiment hostile contre celles que Dieu semble avoir favorisées. Le pasteur devra aider le couple à gérer ses émotions. Celles-ci font partie de notre nature humaine ; il faut donc les laisser s’exprimer et contribuer à notre deuil. Mais elles ne sont pas exemptes de péché ; il faut donc veiller à ce qu’elles ne gouvernent pas nos relations avec Dieu et avec les autres. La meilleure façon de faire mourir la jalousie est de considérer l’amour particulier que Dieu a pour nous et d’accepter avec confiance la manière dont il nous traite. Alors que Peninna ne cessait de contrarier Anne en lui rappelant que son carquois était vide (1S 1.6), celle-ci ne lui a pas rendu le mal pour le mal, mais s’est tournée vers Dieu dans la prière. Cela ne l’a pas empêchée de pleurer abondamment, mais elle savait que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8.28), y compris un désir différé.

3) Le couple considère le recours à la médecine comme un manque de foi

Une lecture superficielle de l’Ecriture pourrait sembler donner raison à une telle attitude. Sara n’a-t-elle pas eu tort d’essayer d’aider le ciel en ayant recours à une mère de substitution ? Elqana ne s’est-il pas écarté de la volonté divine en prenant une seconde épouse selon la coutume de l’époque ? Sara et Elqana n’ont pas eu recours, à proprement parler, à la médecine pour régler leur problème, mais à une coutume qui était en contradiction avec le projet originel de Dieu pour le mariage. La médecine doit au contraire être considérée comme une manifestation de la grâce générale de Dieu contribuant à réparer les effets de la chute. De même qu’il est légitime d’aller voir le pneumologue lorsqu’on a du mal à respirer, il est légitime d’aller voir l’obstétricien lorsqu’on a de la difficulté à concevoir. Seule l’Eglise catholique fait une différence entre les deux, parce qu’elle considère que l’acte médical ne saurait se substituer à l’acte conjugal pour permettre la procréation.

4) Le couple se demande jusqu’où il peut aller dans son recours à la PMA

Bien que la médecine soit un don de Dieu, il peut arriver que les solutions qu’elle propose soulèvent des questions de conscience. C’est le cas de la FIV avec la production d’embryons surnuméraires qui seront soit donnés à d’autres couples stériles, soit détruits. L’accompagnateur doit avoir une certaine maîtrise des questions de bioéthique pour être en mesure de conseiller à bon escient. Il faut moins chercher à imposer son opinion qu’à s’assurer que le couple a été bien informé de toutes les options, y compris celles qui limitent le nombre d’embryons fécondés.

5) Un couple de femmes demande conseil concernant un recours à la PMA

Le modèle familial biblique ne nous permet d’approuver ni cette forme de conjugalité, ni a fortiori le recours à la PMA ou à l’adoption. Pourtant, cela ne doit pas nous dispenser de proposer le même accompagnement qu’aux autres couples :

6) Quand même la PMA reste sans effet…

Lorsqu’un couple, malgré tous ses efforts, se voit refuser par Dieu la grossesse tant désirée, il faut attirer son attention sur d’autres formes de fécondité, comme le parrainage d’enfants, l’adoption et la parentalité spirituelle. De même que certaines personnes ont reçu le don de célibat afin de servir Dieu « sans distraction » (1Co 7.35), certains couples peuvent être appelés à servir Dieu autrement qu’en exerçant une parentalité classique et à devenir ainsi un signe du royaume à venir, où il n’y aura plus ni mari ni femme, ni parents ni enfants. Le conseil est d’autant plus pertinent que la nouvelle alliance donne une importance plus grande que l’ancienne à la descendance spirituelle. Le Messie lui-même a été retranché prématurément du monde des vivants et privé de la possibilité, en quelque sorte, d’avoir une descendance physique, mais une descendance spirituelle innombrable lui a été donnée en récompense de son obéissance. Même si la plupart des apôtres étaient mariés et avaient des enfants selon la chair, ils ont tous été appelés à faire de toutes les nations des disciples, donc à engendrer des enfants spirituels. Paul s’adresse souvent à ses lecteurs comme à ses enfants, en particulier s’il a contribué à leur conversion. L’Eglise ancienne ira même au-delà de la pensée de Paul en attribuant au célibat un statut supérieur au mariage et en l’imposant à ceux qui n’en avaient pas le don. Sans tomber dans cet excès, il est possible d’être un chrétien accompli et utile au royaume de Dieu sans avoir d’enfants selon la chair.

7) Le cas particulier de la « stérilité choisie »

Même s’ils ne sont pas nombreux, il existe des couples qui n’ont pas été diagnostiqués comme stériles mais choisissent de ne pas avoir d’enfants pour diverses raisons. Certains couples font ce choix pour préserver leur carrière professionnelle ou leur tranquillité. D’autres ont des raisons moins égoïstes, comme la crainte de transmettre une maladie génétique, de ne pas être à la hauteur en tant que parents ou d’élever des enfants dans un monde de plus en plus inhospitalier. D’autres encore choisissent de ne pas avoir d’enfants pour être plus disponibles pour le royaume de Dieu. La parole rédemptrice à apporter dépend de la motivation du couple. Si c’est un pur égoïsme qui motive ce choix, il faut rappeler au couple que sa vie ne lui appartient pas. Etre un disciple du Christ implique de renoncer à soi-même, notamment à ses ambitions personnelles et à sa tranquillité. Si c’est la crainte de l’avenir qui fait hésiter le couple à donner la vie, il faut orienter son regard vers le Christ qui règne à la droite de Dieu et ne craint pas d’envoyer ses brebis au milieu des loups. La Parole elle-même est devenue chair et a dressé sa tente dans un monde hostile : son propre peuple ne l’a pas accueillie (Jn 1.11). Lorsque Jésus en chemin vers Golgotha déclare aux femmes de Jérusalem : « Heureuses les femmes stériles, heureux les ventres qui n’ont pas mis au monde et les seins qui n’ont pas allaité ! » (Lc 23.29), il ne s’adresse pas à l’Eglise, mais à un peuple incrédule dont la ville sainte va bientôt être détruite.

Quant aux couples fertiles qui font ce choix pour des raisons missionnaires, je me demande s’ils ne devraient pas plutôt laisser Dieu décider, sa volonté ordinaire étant que les couples mariés aient des enfants. Et s’ils veulent vraiment « se rendre eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux » (Mt 19.12), comme Jean-Baptiste ou Paul, qu’ils restent célibataires !

4. Le rôle de l’Eglise

Jusqu’ici, nous avons surtout parlé du rôle du pasteur dans l’accompagnement des couples sans enfant, mais c’est l’ensemble de l’Eglise qui a un rôle à jouer. Si elle n’est pas sensibilisée à cette question, elle ajoutera sans le savoir à la douleur des couples infertiles, au lieu de l’atténuer. Voyons donc quelles sont les maladresses à éviter et les choses concrètes qui pourraient être faites pour aider les couples en souffrance.

Maladresses à éviter

Nous avons déjà vu qu’il fallait éviter les paroles maladroites, du style : « Arrêtez de stresser, et vous verrez que tout rentrera dans l’ordre ! » Sont également à proscrire les remèdes de grand-mère qui relèvent plus de la superstition que de la médecine, comme faire l’amour les soirs de pleine lune !

Plus sérieusement, si vous aimez partager votre bonheur familial sur les réseaux sociaux, soyez sensibles à ceux qui ne connaissent pas les mêmes joies et faites preuve de sobriété. Ne devenez pas une Peninna, qui ne cessait de contrarier Anne, que Dieu avait rendue stérile, en faisant défiler devant elle sa nombreuse progéniture (1S 1.6). Peut-être n’est-ce pas votre intention, mais un manque de tact peut avoir les mêmes effets qu’une parole volontairement blessante.

Choses concrètes qui pourraient être faites

La première chose à faire pour sensibiliser les Eglises à la souffrance des couples sans enfants est d’aborder la question lors des prédications et des études bibliques. Si les récits de naissances miraculeuses ne manquent pas dans la Bible, il faudra veiller à en appliquer le message avec sagesse. Toutes les femmes âgées sans enfants ne sont pas appelées à enfanter dans leur vieillesse comme Elisabeth ! Mais on pourra s’appuyer sur ces récits pour parler de la souffrance toujours actuelle des couples infertiles.

L’organisation d’une conférence chrétienne sur la PMA ou l’adoption peut aussi aider les croyants à prendre conscience du problème et les couples en souffrance à réfléchir d’un point de vue biblique aux questions qu’ils se posent.

Les Eglises d’une même ville pourraient créer un groupe de soutien où les couples confrontés au même problème pourraient partager leurs expériences et leurs réflexions. Il existe des associations et des forums de discussion sur l’internet, mais les chrétiens ont des questions qui leur sont propres et qui nécessitent un cadre particulier. Si l’Eglise catholique offre de plus en plus un tel cadre, les protestants en sont très souvent dépourvus.

Les gestes les plus simples accomplis par des chrétiens attentionnés peuvent être d’une aide précieuse, comme apporter un repas à une femme trop déprimée pour cuisiner après une fausse couche, un mot ou un simple regard de compassion après un culte parents-enfants.

Conclusion

Dieu agit à plusieurs niveaux : il rend les chrétiens plus sensibles aux couples sans enfants et les aide à les accompagner avec compassion et sagesse, mais il aide aussi les couples sans enfants à mieux gérer leurs émotions et à trouver un chemin d’apaisement. Parce que les maladresses sont inévitables dans un monde déchu et une Eglise encore imparfaite, le plus important est d’être enraciné dans l’amour du Christ, afin de faire face plus sereinement à l’adversité et de se montrer moins susceptible face au manque de tact. Le Christ est sensible à notre situation. Mieux, il fait concourir toutes choses à notre bien, y compris les plus douloureuses. Notre espérance en tant que chrétiens n’est pas que le souvenir de notre nom sera maintenu par nos enfants selon la chair après notre mort, mais que Dieu se souvient de nous et que notre nom est écrit dans le livre de vie.


  1.  La Société américaine d’infertilité définit celle-ci comme l’incapacité à tomber enceinte après une année de relations sexuelles régulières sans contraception (voir Nancy Gieseler Devor, “Pastoral Care for Infertile Couples”, The Journal of Pastoral Care, winter 1994, vol. 48, no 4, p. 356).↩︎ [7]

  2.  Catherine Jehanno, « Le deuil périnatal : la perte d’un enfant à naître », in Famille et conjugalité. Regards chrétiens pluridisciplinaires, sous dir. N. Deheuvels et Chr. Paya, Excelsis – La Cause, Charols – Carrières-sous-Poissy, 2016, p. 381.↩︎ [8]

  3.  Voir Nancy Gieseler Devor, “Pastoral Care for Infertile Couples”, The Journal of Pastoral Care, winter 1994, vol. 48, no 4, p. 356.↩︎ [9]

  4.  « Couples et célibataires sans enfants », in Famille et conjugalité. Regards chrétiens pluridisciplinaires, sous dir. N. Deheuvels et Chr. Paya, Excelsis – La Cause, Charols – Carrières-sous-Poissy, 2016, p. 378.↩︎ [10]

  5.  Voir, par exemple, Marlo Schalesky, Empty Womb, Aching Heart, Bethany House, Bloomington, 2001, qui contient de nombreux témoignages de protestants évangéliques confrontés à l’infertilité. Les témoignages en français sont plus difficiles à trouver. Signalons celui de Caroline et Claude, « Comment nous avons eu recours à l’assistance médicale à la procréation », in Les Cahiers de l’école pastorale, hors-série no 11 sur les enjeux pastoraux de la bioéthique, 2009.↩︎ [11]

  6.  Paul David Tripp, Instruments dans les mains du Rédempteur, Cruciforme, Mont­réal, 2013, en particulier p. 161-380.↩︎ [12]