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Les quatre clés d’une vie chrétienne plus cohérente – Méditation sur Romains 12.1-2

Les quatre clés
d’une vie chrétienne plus cohérente
Méditation sur Romains 12.1-2

Jean-Philippe BRU*

Dans l’introduction de son livre sur la vie de disciple, Bâtir ma vie[1] [1], Peter Maiden, le directeur d’Opération Mobilisation, explique que c’est l’observation de certains faits qui l’ont poussé à écrire sur ce sujet :

Une enquête menée au sein de la Fédération baptiste par Etienne Lhermenault a mis en évidence que les conflits étaient la raison principale pour laquelle les pasteurs abandonnaient le ministère. Mais, le plus souvent, on se contente, dans les situations de conflit, de « muter » le pasteur sans qu’il y ait eu de véritable réconciliation.

Il ne suffit pas d’adhérer intellectuellement à une doctrine ni de la proclamer pour la mettre en pratique. C’est pourquoi, après avoir exposé l’œuvre du salut aux chapitres 1 à 11, l’apôtre Paul exhorte les Romains à marcher en nouveauté de vie dans les chapitres 12 à 15. Les deux premiers versets du chapitre 12 servent de charnière et présentent quatre clés pour vivre une vie chrétienne plus cohérente, pour passer de l’orthodoxie à l’orthopraxie.

Première clé : une juste appréciation des compassions de Dieu

« Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu… » Le mot traduit par « compassion » ou « magnanimité » signifie « la pitié que l’on éprouve à l’égard d’une personne se trouvant dans un état misérable ». Paul utilise un terme apparenté en Romains 9.15 pour « expliquer » l’élection de certains individus plutôt que d’autres : « Je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde, et j’aurai compassion de qui j’aurai compassion. » Notre salut ne dépend donc ni de notre volonté, ni de nos efforts, mais de la seule miséricorde divine, de la seule pitié que Dieu a éprouvée à notre égard alors que nous étions encore pécheurs et sans force. Ce verset est d’ailleurs une citation d’Exode 33.19, où Dieu révèle à Moïse que, s’il consent à rester au milieu de son peuple malgré l’épisode tragique du veau d’or, c’est en raison de sa seule miséricorde.

L’apôtre Pierre établit un lien, dans sa seconde épître, entre le manque de piété et la mise en oubli de la purification des anciens péchés (2P 1.9). Lorsque nous perdons de vue la grâce de Dieu, le pardon qu’il nous a accordé, nous devenons ingrats, égoïstes et prétentieux. Mais lorsque nous considérons la richesse de sa miséricorde, notre cœur est rempli de reconnaissance et toutes nos pensées et attitudes en sont transformées.

Dans l’Ancien Testament, lorsqu’un Israélite voulait exprimer à Dieu sa reconnaissance, il lui offrait un sacrifice. Paul nous invite à offrir nos propres corps en sacrifice vivant, saint et agréable. C’est notre deuxième clé pour vivre une vie chrétienne plus cohérente.

Deuxième clé : offrir son corps en sacrifice vivant

Alors que les non-croyants déshonorent leurs propres corps (Rm 1.24), en se livrant notamment à des pratiques contre nature, les chrétiens vivifiés par l’Esprit doivent faire mourir les actions mauvaises qu’ils accomplissent dans leur corps (8.13). Nous devons offrir à Dieu chacun de nos membres : nos yeux, nos oreilles, notre bouche… Si nous ne les offrons pas à Dieu, nous les livrerons à des idoles et nous développerons toutes sortes d’addictions destructrices. Offrir notre corps à Dieu « sera de notre part un culte raisonnable », c’est-à-dire un culte « conforme à la Parole » (NBS) ou plus probablement un culte cohérent avec notre intelligence renouvelée.

Nous offrir entièrement à Dieu en sacrifice va nous amener à adopter des attitudes très différentes de celles que l’on observe généralement dans le monde. Nous allons :

C’est notre troisième clé : la non-conformité au siècle présent. Cela va beaucoup plus loin que la simple dénonciation des fausses idéologies.

Troisième clé : la non-conformité au siècle présent

Quelqu’un a défini le siècle présent comme « cette masse flottante de pensées, d’opinions, de maximes, de spéculations, d’espérances, d’impulsions, d’aspirations, ayant cours en tout temps dans le monde, qu’il est impossible de saisir et de définir exactement, mais qui constitue une puissance très réelle, très effective, puisqu’elle est l’atmosphère morale ou immorale qu’à chaque instant de notre vie nous respirons pour l’exhaler, ensuite, inévitablement[2] [2] ». Cette masse flottante contient donc un mélange de bonnes et de mauvaises choses qu’il n’est pas toujours facile de distinguer. Paul nous exhorte à ne pas nous conformer à cette masse flottante, c’est-à-dire à ne pas nous laisser passivement modeler par tout ce qu’elle contient, à ne pas imiter sans réfléchir les modes et les habitudes de la société actuelle, à ne pas nous couler dans le moule.

Il ne s’agit pas de tout rejeter, comme si tout dans le monde était mauvais, tout ce qui n’est pas explicitement « chrétien », mais de faire preuve de discernement et d’oser nager à contre-courant dans certains domaines. Il s’agit, surtout, d’être miséricordieux comme notre Père céleste est miséricordieux, de marcher humblement devant lui et devant les hommes, d’être pleins de douceur dans nos relations les uns avec les autres, de faire passer les intérêts des autres avant les nôtres et, même, d’aimer nos ennemis. De telles attitudes sont le fruit d’une intelligence renouvelée par l’Esprit de Dieu.

Quatrième clé : être transformés par le renouvellement de l’intelligence

Il s’agit d’être à l’extérieur ce que nous sommes à l’intérieur, d’adopter des comportements qui correspondent à notre nouvelle nature, de subir une véritable métamorphose. Le même verbe est utilisé, dans les évangiles, pour décrire la transfiguration de Jésus. La gloire dont il s’est volontairement dépouillé pour devenir semblable à nous refait surface : « Son visage se met à resplendir comme le soleil ; ses vêtements prennent une blancheur éclatante, aussi éblouissante que la lumière. » (Mt 17.2)

Etant unis à Jésus, nous sommes appelés à refléter sa gloire, à être « transformés en son image dans une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir. C’est là l’œuvre du Seigneur, c’est-à-dire de l’Esprit. » (2Co 3.18) Une telle transformation est le résultat du renouvellement de notre intelligence. La raison pour laquelle les non-croyants ne sont pas attirés par l’Evangile et se dévorent les uns les autres, c’est que « leur intelligence a été aveuglée par le dieu de ce monde » (2Co 4.4). Paul dit aussi, à leur sujet, que « comme ils n’ont pas jugé bon de garder la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur intelligence sans jugement » (Rm 1.28 TOB). Mais lorsque l’Esprit nous fait naître de nouveau, nos yeux s’ouvrent et notre intelligence est renouvelée. Nous commençons à « discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable est parfait ».

Le moyen principal que l’Esprit utilise pour renouveler notre intelligence, c’est la Parole de Dieu. Etre rempli de toute sa richesse, du plein conseil de Dieu, est le meilleur moyen de ne pas se laisser modeler par les idéologies actuelles. Si vous jetez une éponge sèche dans une flaque de boue, elle absorbera la boue jusqu’à en être saturée. Mais si l’éponge est déjà imbibée d’eau, la boue aura plus de difficulté à pénétrer.

Imprégnons-nous donc de la grâce de Dieu, afin que nos cœurs soient remplis de reconnaissance envers Dieu et d’amour envers le prochain !


* J.-P. Bru est professeur-coordinateur de théologie pratique à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

[1] [3] Editions Biblos, Pierrelatte, 2011, 7-8.

[2] [4] G.C. Trench, Synonymes du Nouveau Testament, Copiexpress, Trois-Rivières, Québec, Canada, 1984, 242.