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La Bible face à la société idéologique : l’éthique protestante et la mutation du capitalisme

La Bible face à la société idéologique :
l’éthique protestante et la mutation du
capitalisme

Pierre-Sovann CHAUNY*

En 1992, trois ans après l’effondrement du mur de Berlin, le politologue américain Francis Fukuyama publie un essai retentissant. Il proclame la victoire idéologique définitive de la démocratie libérale sur les autres idéologies politiques dans La fin de l’Histoire et le dernier homme[1] [1]. Après l’auto-anéantissement des régimes communistes, les nations n’auraient plus d’autre choix que la démocratie et le libéralisme. Fukuyama reprend donc le leitmotiv attribué à Margaret Thatcher lorsqu’elle fut premier ministre du Royaume-Uni. Son fameux slogan There Is No Alternative soutient l’absence d’alternative à l’économie de marché, au capitalisme libéral et à la mondialisation économique.

Vingt ans après l’effondrement de l’Union soviétique, le nouvel ordre mondial qui a émergé de l’après-guerre froide[2] [2] a permis la généralisation de la « société de marché » et de l’idéologie néolibérale de telle sorte qu’il est difficile aux Occidentaux d’imaginer d’autres modèles que la démocratie et l’économie de marché. Pour autant, l’ensemble des motifs idéologiques du néolibéralisme[3] [3] n’est pas accepté par tous, loin s’en faut ! Ainsi, en France, à gauche comme à droite, l’ultralibéralisme est un repoussoir. Un certain consensus sur l’acceptation des mécanismes de marchés et sur la nécessité d’atténuer leurs conséquences sociales a émergé : la gauche et la droite de gouvernement prônent aujourd’hui des politiques économiques semblables[4] [4]. La rhétorique demeure, toutefois, distincte[5] [5]. L’analyse des discours met en évidence les « valeurs » et, le cas échéant, les « idoles » des uns et des autres (I) malgré la convergence des partis de gouvernement dans l’acceptation de la nouvelle idéologie mondiale (II). La Parole inspirée met en évidence une autre perspective (III) qui implique des comportements et des attitudes nouveaux pour les chrétiens du XXIe siècle (IV).

I. L’analyse des discours politiques met en évidence les « valeurs » de gauche et de droite

Le clivage gauche/droite a longtemps désigné, avant tout, un clivage socio-économique[6] [6]. La droite serait du côté des patrons, la gauche de celui des ouvriers. La droite aurait à cœur la compétitivité économique des entreprises au risque de fragiliser la situation des salariés, la gauche l’obtention de nouveaux acquis sociaux au risque de fragiliser la situation des entreprises. La droite croirait au libre-échange et en l’efficience des marchés, la gauche serait interventionniste et anticapitaliste. Ces « valeurs » socio-économiques sur lesquelles les uns et les autres se font élire, bonnes en elles-mêmes comme fins, ou neutres en elles-mêmes comme moyens, peuvent devenir des idoles lorsqu’elles sont absolutisées ; et elles le sont souvent. La liberté individuelle ou la prospérité économique, par exemple, ne sont pas de mauvaises choses en soi. Mais si nous levons les yeux vers ces valeurs pour en attendre le secours, nous en avons fait des idoles[7] [7].

 

Un rapide survol historique, même simplificateur, permet de mieux cerner les valeurs de gauche et de droite.  

1. L’Assemblée constituante de 1789 oppose les conservateurs aux partisans de la révolution

La première Révolution française d’inspiration libérale oppose, aux partisans d’une conservation d’un ordre social fondé sur une très forte hiérarchisation, les promoteurs d’une égalité d’abord juridique : l’égalité devant la loi de tous les citoyens français. Les notions de gauche et de droite politiques apparaissent alors : dans l’Assemblée constituante de 1789, les partisans du roi siègent à droite, ceux de la révolution à gauche. La gauche de la première révolution est libérale au plan économique et la droite royaliste, mercantiliste, colbertiste est favorable à une intervention du gouvernement dans l’économie[8] [8].

Depuis, la conservation de l’ordre social, parfois au détriment de la justice, est une valeur plutôt de droite, et l’aspiration à toujours plus d’égalité, quitte à faire usage de force pour l’établir, comme une valeur plutôt de gauche[9] [9].

2. En 1793, la Terreur met à jour une tension entre égalité et liberté

La seconde Révolution française d’inspiration utopiste fait table rase du passé : la monarchie a été abolie et l’an I du calendrier révolutionnaire est proclamé. Il n’est plus question seulement d’égalité juridique mais aussi d’égalité de condition sociale. Cet accent égalitariste se manifeste de diverses manières avec, comme forme la plus extrême, l’idéal d’abolition de la propriété privée. L’esprit de 1793 s’oppose donc à celui de 1789[10] [10]. Le marxisme et tous les mouvements socialistes qui prennent leur essor au XIXe siècle se situent nettement dans la lignée utopiste de 1793. Une gauche libérale, non dirigiste, héritière de 1789, survit néanmoins, mais les effets désastreux de la Révolution industrielle sur la classe ouvrière « gauchise » progressivement l’échiquier politique. Les défenseurs du libre-échange et de la propriété privée des moyens de production se retrouvent de plus en plus à droite. La bourgeoisie commerçante, en général favorable au statu quo en ce qui concerne l’ordre social, soutient d’ailleurs les thèses libérales.

Dès lors, s’il faut choisir entre liberté et égalité, la droite aura tendance à favoriser plutôt la liberté individuelle et la gauche plutôt l’égalité de condition. La responsabilité individuelle devient plutôt une valeur de droite, la solidarité républicaine plutôt une valeur de gauche.

3. Après la crise de 1929, keynésianisme et néolibéralisme s’affrontent   

De 1921 à 1929, la production industrielle américaine croît de 50%. Pendant ce temps, les cours de Bourse américains augmentent de 300%. Lorsque cette bulle spéculative éclate en octobre 1929, l’économie américaine s’effondre et entraîne dans sa chute l’économie mondiale tout entière dans la crise économique la plus violente du XXe siècle. La « main invisible » de la libre concurrence d’Adam Smith[11] [11] est dès lors durablement remise en cause. Une main bien plus visible, celle de l’Etat, est appelée à mettre en place des politiques de relance et des réglementations économiques. Les réformes qui permettent de sortir de la Grande Dépression des années 1930 – dont Keynes est le théoricien[12] [12] – posent les fondements institutionnels des Trente Glorieuses de l’après-guerre. Au plan théorique, la « synthèse néo-classique », qui intègre mécanismes keynésiens à court terme et éléments de la théorie classique à long terme, triomphe jusqu’aux années 1970. Apparaît alors la « stagflation[13] [13] », que les dépenses gouvernementales ne peuvent pas juguler. Les auteurs néolibéraux[14] [14] de l’école autrichienne de Friedrich von Hayek (Prix Nobel d’économie en 1974) et de l’école de Chicago de Milton Friedman (Prix Nobel d’économie en 1976) réhabilitent la croyance dans l’efficience du marché, militent pour le retrait de l’Etat de l’économie et inspirent, dans la décennie suivante, les politiques de Thatcher et de Reagan.

Depuis, la croyance en l’efficience des marchés, en la main invisible de la libre concurrence et le minimalisme étatique est plutôt de droite ; et l’interventionnisme étatique, la redistribution des richesses et la défiance envers la libre concurrence et le libre-échange plutôt de gauche.

4. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, le clivage gauche/droite se révèle principalement rhétorique

Les politiques de réformes et de modernisation menées par Gorbatchev, la Glasnost et la Perestroïka, n’ont pas pu sauver le système soviétique. L’URSS, qui incarnait l’économie planifiée centralisée et l’égalitarisme, s’effondre en 1991. C’est la fin du communisme comme force majeure et l’avènement, au plan mondial, de la démocratie libérale et de l’économie de marché comme unique modèle dominant[15] [15]. En France, les éléments communistes et anticapitalistes sont désormais voués à rester à la marge de la gauche de gouvernement. Dans l’Hexagone, il faut choisir entre le « capitalisme étatique » à droite et la « social-démocratie de marché » à gauche. Dès lors, c’est principalement le discours qui démarque la droite et la gauche, par exemple sur la dette publique et sur la rigueur[16] [16]. Quelques solutions techniques à haute portée symbolique, concernant notamment la politique de l’emploi, permettent aussi de faire la différence : les lois sur la semaine de 35 heures ou sur la défiscalisation des heures supplémentaires en témoignent.

La « valeur travail » serait plutôt de droite, le « partage du temps de travail », et donc la générosité, plutôt de gauche. Le courage, l’effort et même « la France qui se lève tôt » seraient plutôt de droite, le partage des gains par une meilleure répartition permettant une augmentation des salaires et du niveau de vie même sans augmentation des profits serait plutôt de gauche. Travailler plus pour gagner plus serait de droite. Mieux répartir la richesse pour mieux vivre ensemble serait de gauche.

5. Conclusion

Le tableau ci-dessous récapitule sommairement les valeurs des uns et des autres :

Gauche

Droite

1789

Egalité

Ordre social

1793

Solidarité républicaine

Responsabilité individuelle

1929

La main visible de l’Etat
Keynes, synthèse néo-classique

La main invisible du marché
Smith, Hayek, Friedman

1991

Partage du temps de travail

« Valeur travail », courage, effort…

Bien souvent, ces valeurs deviennent des idoles, des fins en elles-mêmes. En tant qu’êtres humains, nous sommes tentés de chercher notre secours dans l’efficience du marché, l’interventionnisme de l’Etat, la maximisation de la liberté des individus, le bien-être matériel, la grandeur économique de la Nation ou encore la poursuite perpétuelle de la croissance. Aucun de ces motifs n’est mauvais en soi, mais chacun d’eux peut devenir une idole, y compris pour les chrétiens.

II. La nouvelle idéologie mondiale impose, elle aussi, des idoles qu’il faut démasquer

Si, au niveau des paroles, la droite et la gauche de gouvernement veulent se démarquer l’une de l’autre, il n’en demeure pas moins que l’économie de marché est perçue comme la seule option viable : There Is No Alternative. A bien des égards, l’économie de marché n’est pas une solution très satisfaisante, mais elle est, nous semble-t-il, la seule solution possible. La fin de l’Histoire envisagée par Fukuyama paraît inéluctable : le dernier homme sera certainement mondialiste, capitaliste, libéral et démocrate.

Dans cet article, il me faut remettre en cause cette vision des choses, cette nouvelle idéologie mondiale. Non, Monsieur Fukuyama, ce que vous nous présentez n’est pas la fin de l’Histoire ! Il n’est pas raisonnable de dire qu’il n’y a pas d’autres solutions : tout autour du monde, et surtout hors de l’Occident, s’élèvent des voix pour crier qu’il existe des milliers d’autres alternatives ![17] [17] 

Même si ces solutions existent, nous sommes cependant souvent pris dans la confusion générée par l’absence de discours alternatifs clairement identifiés[18] [18]. C’est pourquoi il nous faut examiner les ressorts de la nouvelle idéologie mondiale et en dénoncer les idoles. Son analyse est restreinte ici à l’explication de trois concepts : l’humanisme, l’individualisme et l’économisme.

1. L’humanisme réduit l’horizon de l’humanité à elle-même

Le compromis libéral interventionniste qui domine aujourd’hui le monde est résolument moderne. Il est héritier de l’humanisme de la Renaissance qui reprit à son compte l’aphorisme de Protagoras, suivant lequel « l’homme est la mesure de toute chose ». La primauté de l’homme, l’homme au centre : certains accents du discours humaniste sont congruents avec ceux du discours chrétien sur la dignité de l’homme créé en tant qu’image de Dieu. Mais, pour l’humanisme, l’homme est aussi lui-même la solution. Ainsi, l’humanisme est une forme d’idolâtrie, celle de l’homme sans Dieu qui se sauve lui-même et qui construit toujours à nouveau la tour de Babel, afin de se faire un nom sous le soleil.

2. L’individualisme réduit la société à la somme des individus qui la composent

L’homme est au centre et, plus précisément, l’individu compris de manière atomiste comme l’unité de base de la société. La démocratie libérale est pleinement acquise à l’individualisme de la Révolution française, avec sa liberté contractuelle, sa liberté d’entreprendre, son égalité des citoyens devant la loi et son état de droit. Dans cette perspective, la société est réduite à la somme des individus qui la composent. L’individu tend à acquérir toujours plus de libertés, de droits qui comblent les ruptures d’égalités entre les individus. Ce qui importe, c’est le bonheur de chacun pris isolément. La maximisation du profit des particuliers est égale – ou presque – au bien-être de la société, une société fondée sur l’égoïsme de chacun de ses membres.

3. L’économisme réduit les relations sociales à des échanges économiques

La « semence de religion[19] [19] » implantée en l’homme implique qu’il a constamment besoin de dieux. S’il ne se tourne pas vers le Dieu vivant et vrai, c’est vers des idoles qu’il se prosterne. Et lorsque l’humanisme et l’individualisme l’ont conduit à abandonner tout ce qui relève de la transcendance, le désenchantement du Ciel reporte notre recherche de sens vers l’immanence – et très souvent vers l’amour de l’argent, cette « racine de tous les maux » (1Tm 6.10). De là à ce que tout devienne économique, il n’y a qu’un pas.

Cet économisme est une nouveauté radicale inventée par l’Occident moderne tout comme, d’après l’anthropologue Louis Dumont[20] [20] et l’économiste hétérodoxe Karl Polanyi[21] [21], « l’économie de marché » elle-même. Le triomphe de l’économie de marché est aujourd’hui si complet

qu’il nous est même difficile […] de concevoir cette nouveauté, et d’éviter de projeter sur le passé lointain des structures et des concepts dont la simple possibilité était inimaginable dans la plupart des civilisations connues. La nouveauté consiste en ceci : pour la première fois dans l’histoire humaine, à partir du XVIIIe siècle, en Occident, l’économie s’est détachée du tissu social pour se constituer en domaine autonome. Cette réalité, pour nous familière, « le marché », est une innovation sans précédent, qui a véritablement transformé de fond en comble notre manière de concevoir la vie sociale[22] [22]

Les échanges marchands tout comme, d’ailleurs, la cupidité ont toujours existé – mais pas l’économie de marché ! Jusqu’à récemment, en effet, l’économie « comme domaine séparé, régi par des lois propres distinctes de celles qui gouvernent l’ensemble de la vie sociale[23] [23] » n’existe tout simplement pas. Les aspects économiques restaient alors

solidaires d’aspects politiques, moraux ou religieux, tandis que la révolution moderne des valeurs consiste précisément à isoler la politique, la morale, la religion et l’économie comme autant de domaines distincts. Ce qui est moderne, c’est de distinguer et séparer ce qui, auparavant, constituait une vie sociale unique, dont les circonstances amenaient à privilégier tantôt la dimension politique, tantôt la dimension religieuse, tantôt la dimension économique[24] [24].

Il y a, pour utiliser le langage de Polanyi, un véritable « désencastrement » de l’économie. Dans toutes les sociétés humaines, à la seule exception de la société de marché, l’économie est pensée et pratiquée en tant qu’auxiliaire de la société, au service des relations sociales. A l’inverse, dans la société de marché, les relations que nous entretenons avec les marchandises prennent le pas sur les relations que nous entretenons avec les autres. Dans les sociétés traditionnelles[25] [25], la terre, le travail et l’argent ne sont pas considérés comme des marchandises – ces « biens » ne sont échangeables que sous des conditions très strictes. Dans la société marchande, tout est à vendre : la terre de nos ancêtres, la force de nos bras et l’intelligence de nos cerveaux – le fameux « capital humain » – et même l’argent.

Ceux d’entre nous qui sont familiers avec le néocalvinisme de Kuyper[26] [26] et de Dooyeweerd voient peut-être la proximité de certaines de leurs analyses avec celle de Polanyi. L’autonomisation de l’économie, de la politique, de la religion, et ainsi de suite, correspond à la « différenciation culturelle normative » chère à Dooyeweerd[27] [27]. Cette « différenciation des sphères » n’est pas mauvaise en soi : elle correspond au développement historique normal d’une société. Le problème apparaît lorsqu’une ou plusieurs de ces « sphères de souveraineté » différenciées enflent au point de régir ce qui appartient à d’autres sphères. L’économisme moderne procède de cette déviance : en se « désencastrant » du reste des relations sociales, l’économie tend à devenir une « sphère des sphères » (rôle normalement dévolu à l’Etat) qui va bien au-delà de ses limites naturelles[28] [28]. Une telle inflation de l’économie dans la vie moderne n’est pas conforme à l’ordre créationnel.

4. Conclusion

Sans forcément correspondre aux prédictions d’effondrement du capitalisme annoncées par Polanyi en 1944, il semble inéluctable que la bulle de l’économisme éclate un jour. Quelle catastrophe devra-t-il advenir cependant pour que nous changions de système ? Que ressortira-t-il de cette période de l’histoire humaine dévouée corps et âme au tout économique ? Certainement autre chose que ce que nous connaissons aujourd’hui…

III. La Bible propose une autre fin de l’Histoire et un autre dernier homme

Quelle perspective la Parole inspirée nous offre-t-elle ? Avec sa fin de l’Histoire et son dernier homme libéral qui s’épanouit dans la société de marché, Fukuyama nous propose une eschatologie, c’est-à-dire un discours sur la finalité du genre humain. La Bible nous propose une tout autre vision, une tout autre eschatologie, une tout autre fin de l’Histoire et un tout autre dernier homme.

1. Le récit de la création du monde contient déjà une eschatologie

L’eschatologie biblique commence initialement avec le récit de la création du monde[29] [29]. Ce récit nous présente Dieu comme le créateur du ciel et de la terre. Lors de sa semaine de travail créationnel, Dieu configure la matière créée pour que le monde soit comme son temple[30] [30], le théâtre de sa gloire[31] [31]. Pour ce faire, Dieu établit, d’abord, des distinctions dans le monde créé (jours 1-3), avant de remplir le monde (jours 4-6). L’homme est créé le sixième jour pour servir d’effigie de Dieu sur la terre. Avant même la formulation du commandement, l’homme, image de Dieu, doit déjà agir à la manière du Créateur, en organisant la création et en la remplissant. C’est exactement ce qui est signifié dans le mandat créationnel : soumettre la terre et s’y multiplier. La mission de l’humanité, en tant qu’effigie de Dieu sur la terre, consiste donc à faire de la « semaine » de l’Histoire humaine une imitation de la semaine de travail de Dieu, telle qu’elle est rapportée en Genèse 1.

Dans ce contexte, le repos sabbatique de Dieu au début de Genèse 2 tient lieu de promesse : si vous imitez comme vous le devez l’œuvre de Dieu, si vous respectez son commandement, si vous cultivez le jardin et que vous le gardez des intrusions extérieures, et ainsi de suite, alors vous entrerez dans le repos de Dieu, vous accéderez à la plénitude pour laquelle vous avez été conçus.

Dans le récit, mandat créationnel et repos sabbatique sont intrinsèquement liés. L’homme doit amener la création vers son accomplissement. Le sabbat lui rappelle que l’Histoire humaine suit une trajectoire, qu’elle se dirige vers son achèvement. C’est cette fin de l’Histoire qui était initialement proposée au premier homme.

2. Le peuple d’Israël reçoit à son tour une promesse eschatologique

Lorsque le serpent s’est introduit dans le jardin, l’homme ne l’a pas rabroué ; il n’a pas gardé le jardin. Le péché a tout gâté.

Commence, alors, une nouvelle ère, celle de la malédiction commune, celle aussi de la grâce commune. La malédiction commune prononcée contre le labeur humain signifie que l’homme ne pourra plus obtenir par ses propres forces la récompense du repos éternel signifiée par le sabbat. La grâce commune restreint, cependant, les effets du péché, permet tant bien que mal la vie en société et assure la perpétuation de l’espèce humaine.

Quant au sabbat, nous n’en trouvons plus mention dans la suite du livre de la Genèse. Il réapparaît seulement avec l’alliance conclue au Sinaï. Il faut bien noter que le peuple sauvé de l’esclavage d’Egypte l’est par une intervention divine en faveur de son peuple : il s’agit donc fondamentalement d’une alliance de grâce. Au niveau du fonctionnement concret de l’alliance, il y a cependant une réédition du principe en œuvre avant la chute, le principe selon lequel le repos se mérite. Le peuple d’Israël est sur le point d’entrer dans une sorte de nouveau jardin d’Eden, le pays de Canaan, et s’il respecte les lois qui lui sont données, il vivra dans ce pays, le repos lui sera accordé, les nations viendront au Dieu de l’alliance et seront bénies dans le nom d’Abraham. L’eschatologie est réintroduite en même temps que le signe du sabbat.

Les Israélites, fils d’Adam comme nous, n’ont, bien sûr, pas fait mieux que le père de tous les humains : ils se sont rebellés dans le désert avant même d’entrer dans leur jardin de Canaan. Le sabbat est, dès lors, devenu pour eux le signe d’un repos dans lequel ils ne pouvaient entrer par eux-mêmes.

3. Le Fils de l’homme fait advenir la nouveauté eschatologique

Lorsque le Christ – la descendance d’Abraham, le fils d’Adam, le fils de l’homme – est apparu, il a donc dû accomplir par sa vie et sa mort ce que ni Adam ni Israël n’avaient su faire : résister à la tentation, accomplir la Loi et mériter pour ceux dont il était le représentant – le chef d’alliance – la vie éternelle. Il a accompli ce que le sabbat signifie : l’entrée dans le repos de Dieu. Jésus est le nouvel Adam, le second Adam, le dernier Adam, le dernier Homme. Avec sa résurrection a commencé la véritable fin de l’Histoire : le Fils de Dieu auquel tout pouvoir a été remis mettra inéluctablement tous ses ennemis sous ses pieds.

Alors adviendra la Palingenèse (Mt 19.28) de l’univers – le renouvellement de toute chose, la nouvelle création dans toute sa force, le nouveau jardin d’Eden, la nouvelle Jérusalem – dans lequel résidera la gloire de Dieu, mais aussi notre humanité glorifiée.

4. Conclusion

La Bible promet cette fin de l’Histoire à ceux qui se confient dans le dernier Homme, Jésus-Christ, notre Seigneur. Telle est la vision de la Parole inspirée face à toutes les eschatologies sécularisées, celle du marxisme du XXe siècle, celle du néolibéralisme du XXIe siècle.

IV. La Bible fournit aux chrétiens le cadre de leur implication dans le monde présent

Qu’implique pour nous une telle remise en perspective ? Il s’agit de trouver le juste équilibre qui permette de s’impliquer dans le monde sans croire que nous pourrons faire ce que seul Christ accomplira, lorsqu’il reviendra dans la gloire.

L’apôtre Paul, en 1 Corinthiens 7.29-31, valide une stratégie de type « ni-ni » : ni retrait, ni activisme ! Car voici ce que nous lisons : « Ce que je dis, mes frères, c’est que le temps se fait court ; désormais, que […] ceux qui usent du monde [soient] comme s’ils n’en usaient pas, car la figure de ce monde passe. »

Dans ce passage, il n’est pas question de se retirer du monde, de l’abandonner à ses turpitudes, de fuir. Nous devons « user du monde », mais en user « comme n’en usant pas », c’est-à-dire faire preuve de recul : la réalité intramondaine n’est pas notre seul horizon et il faut réfléchir concrètement à notre implication dans la mutation du capitalisme.

1. Les chrétiens doivent repousser les tentations de l’activisme et du retrait 

Dans certains milieux chrétiens, nous sommes invités à nous engager pour transformer le monde. Et c’est bien – jusqu’à un certain point – car l’ordre de la grâce commune sous lequel nous vivons connaît une continuité avec le mandat créationnel initial : l’humanité est toujours appelée, comme au commencement, à soumettre la terre et à la remplir d’hommes. L’entreprise scientifique, technologique, artistique, économique relève toujours de la vocation de l’humanité. Notre implication, cependant, ne peut pas être la même que ce qu’elle aurait été avant la chute. L’humanité ne peut plus mériter son entrée dans le repos de Dieu. Lutter contre la pauvreté, préserver la nature, progresser dans la science, produire des œuvres d’une grande qualité artistique est assurément bon, mais il ne faut pas en faire une planche de salut.

En pratique, nous usons souvent du monde sans prendre de recul, en nous laissant immerger dans le consumérisme, mais aussi dans l’activisme. Notre désir de transformer le monde ne doit pas devenir, à son tour, une idole. Il faut user de ce désir comme n’en usant pas, en prenant du recul, ne pas s’impatienter de ce que tous ne soient pas aussi actifs dans l’engagement social ou dans la mutation du capitalisme. Il y a des choses que l’Eglise dans son ensemble est appelée à faire sans que chaque chrétien en particulier ait reçu cette vocation[32] [32]. Les chrétiens qui s’engagent contre tels ou tels maux pourraient adopter comme devise – afin que leur bel engagement ne devienne pas pour eux un piège, une idole – la formule suivante : « Agir dans le monde comme n’y agissant pas. »

Pourrions-nous dire : « Transformons le monde comme ne le transformant pas » ? Ce que nous faisons dans notre travail ou dans nos engagements associatifs a de l’importance. La gloire et l’honneur des nations seront apportés à la nouvelle Jérusalem comme les trésors d’Egypte ont été emportés par le peuple d’Israël lors de l’Exode. Le bien que nous faisons dans ce monde demeurera pour l’éternité, même si, bien sûr, Dieu transfigurera le bien imparfait que nous avons accompli pour le porter à sa perfection. Nous impliquer dans le monde est nécessaire pour accomplir des commandements aussi basiques que celui d’aimer notre prochain. Si nous avons la possibilité de changer le monde, faisons-le !

2. Les protestants peuvent contribuer à la mutation du capitalisme

Et si, un jour, un ouvrage paraissait sous le titre L’éthique protestante et la mutation du capitalisme ? Cela n’arrivera que si nous prenons conscience de l’emprise idéologique néolibérale et consumériste de notre siècle, si nous cherchons à nous en défaire, et si certains d’entre nous, selon leurs vocations et leurs circonstances, contribuent à la transformation du monde.

La responsabilité des uns et des autres varie considérablement. Certains d’entre nous ne sont pas du tout appelés à remettre en cause le système en place : qu’ils se contentent de pourvoir aux besoins des leurs, de travailler consciencieusement en faisant confiance à la providence divine et, s’ils peuvent prendre un peu de recul par rapport à notre société, même sans rien en changer, ce sera déjà très bien.

En revanche, ceux d’entre nous qui ont plus de moyens et qui sont sensibles aux dysfonctionnements de notre société de marché doivent réfléchir à la manière d’encourager une autre forme d’économie, qui ne soit pas uniquement axée sur le profit : une partie de notre argent peut être employée dans l’achat de biens ne répondant pas uniquement à une logique strictement financière. Nous pouvons aussi nous joindre à ce mouvement de la « consom’action » (dans la perspective duquel chaque achat est un acte citoyen) bien implanté dans les « magasins bio », même si toutes sortes de spiritualités nouvelles tentent de se greffer sur ce mouvement de contestation[33] [33], ce qui implique un recul critique de notre part.

Autre exemple qui peut nous faire réfléchir : celui des AMAP, ces Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, au moyen desquelles des citoyens s’engagent à soutenir des agriculteurs locaux non seulement avec leur argent en échange de produits frais, mais aussi avec leur temps et leur force, via la participation à certains menus travaux. Il faut pouvoir trouver le temps et l’argent, mais un certain retour à la réalité agricole sera probablement utile aux plus citadins d’entre nous.

Dans le monde du travail, des cadres d’entreprise ou des dirigeants sont certainement appelés à promouvoir plus de relationnel et de respect dans le fonctionnement de leur entreprise. Pour un patron, il ne s’agit pas, bien sûr, de sortir de la logique du profit financier, au risque de fermer l’entreprise et de licencier, avec les conséquences sociales et économiques induites : se préoccuper des collaborateurs en tant qu’ils sont des êtres humains avant d’être des acteurs économiques, c’est déjà sortir de la logique du tout financier.

Commerce équitable, économie sociale et solidaire, soutien apporté aux plus démunis dans notre pays ou dans notre monde via des associations humanitaires, participation à des groupes de réflexion (think tank) sur la relation entre économie et pauvreté ou sur la réduction des dépenses énergétique et des coûts induits par la pollution, mise en place de systèmes d’échanges alternatifs en Occident (troc de biens d’occasion) et d’alternative à l’économie de marché dans les pays en développement, et ainsi de suite, sont autant de pistes à explorer.

3. Conclusion

Il n’y a pas de solution toute prête : il revient à chacun de décider comment contribuer à la mutation du capitalisme. Mais, là encore, ce désir de remettre en cause la nouvelle idéologie mondiale ne doit cependant pas devenir, à son tour, une idole. Jusqu’à la fin du monde, jusqu’à la venue de celui qui vient pour juger les vivants et les morts, il faudra se rappeler qu’en vérité « le changement, ce n’est pas maintenant » ! Le vrai changement, la fin de l’Histoire, aura lieu quand apparaîtra, aux yeux de tous, le second et dernier Adam, le dernier Homme.


* P.-S. Chauny est diplômé de HEC (H.07) et a terminé son Master 2 Recherche à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, où il est également chargé de travaux dirigés en méthodologie.

[1] [34]

 F. Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme, collection Champs, Flammarion, 1992.

[2] [35] En utilisant cette expression, il ne s’agit pas d’accréditer les diverses théories de la conspiration. Il est ici question du sens de l’expression « Nouvel ordre mondial » telle qu’elle a été employée dans les discours de l’immédiat après-guerre froide, par exemple dans l’allocution du 11 septembre 1990 prononcée par le président américain George Bush (http://bushlibrary.tamu.edu/research/public_papers.php?>, page consultée le 25 février 2013).   [36]

[3] [37] Voir l’analyse qu’en fait un sociologue se réclamant de la gauche libertaire : A. Bihr, « L’idéologie néolibérale », Semen 30 (novembre 2010), 43-56.

[4] [38] La moitié du PIB français est redistribuée chaque année, que la gauche ou la droite soit au pouvoir.

[5] [39] Tel homme de droite fustigera la semaine de 35 heures, même si la droite a eu dix ans pour revenir sur cette mesure et qu’elle n’a rien fait. Ou tel homme de gauche dira : « Je n’aime pas les riches, j’en conviens », en citant la somme de 4000 € net mensuel comme le seuil où l’on devient riche, alors même qu’il fait partie selon sa définition des riches qu’il n’aime pas…

[6] [40] Pour une synthèse des différences entre la droite et la gauche sur les plans variés des différences sociologiques, historiques, politiques, économiques, philosophiques, psychologiques et culturelles, voir l’article « Droite/Gauche » d’André Comte-Sponville dans Le dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 2001.

[7] [41] Cf. B. Goudzwaard, Idols of our Time, Downers Grove, IVP, 1984, 21 : « First, people sever something from their immediate environment, refashion it and erect it on its own feet in a special place. Second, they ritually consecrate it and kneel before it, seeing it as a thing which has life in itself. Third, they bring sacrifices and look to the idol for advice and direction. In short, they worship it. […] Fourth, they expect the god to repay their reverence, obedience and sacrifice with health, prosperity and happiness. »

[8] [42] Certaines idées, aujourd’hui « de gauche », étaient donc « de droite » à l’époque, et réciproquement.

[9] [43] La droite est traditionnellement le parti de l’ordre, la gauche celle du mouvement. Cf. N. Truong, « La gauche, c’est Don Quichotte, et la droite, Sancho Pança », Le Monde (13 septembre 2012),

http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/13/la-gauche-c-est-don-quichotte-et-la-droite-sancho-panca_1759900_3232.html [44], consulté le 19 février 2013 : « Autrefois, tout paraissait simple. La droite, c’était le parti de l’ordre ; la gauche celui du mouvement. Autorité, famille [45], religion et tradition d’un côté ; égalité, fraternité, progrès et émancipation de l’autre. Or la campagne présidentielle de 2007 a fait valser [46] cette antinomie. Nicolas Sarkozy [47] mit le mouvement et la ‹rupture› de son côté. Et Ségolène Royal défendit ‹l’ordre juste› avec âpreté. »

[10] [48] Voir l’utilisation de cette typologie 1789/1793 qui en est faite par P. Nemo, Les deux républiques françaises, Paris, PUF, 2008.

[11] [49] A. Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Flammarion, 1991, tome II, 43 (première édition anglaise 1776).  

[12] [50] J.M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Paris, Payot, 1988 (première édition anglaise 1936). 

[13] [51] Terme qui désigne la combinaison au plan économique de la stagnation et de l’inflation. Durant les années 1970, les politiques interventionnistes ne parviennent pas à sortir les économies nationales d’une stagnation entraînant un chômage de masse mais qui alimente une forte inflation.

[14] [52] Cf. M. Friedman & R. Friedman, La Liberté du choix, Paris, Belfond, 1980.

[15] [53] Cf. F. Fukuyama, op. cit.

[16] [54] Au niveau du discours, la droite serait favorable à la réduction des dettes publiques alors que la gauche favoriserait un soutien de la croissance par des dépenses publiques et se refuserait à parler d’austérité. Dans la pratique, la gauche de gouvernement est convertie à un certain libéralisme économique qui peut la conduire à adopter des politiques de restrictions budgétaires depuis le « tournant de la rigueur » de 1983 opéré par le gouvernement Mauroy. A l’inverse, la droite au pouvoir durant dix ans a laissé s’envoler la dette publique. Depuis 2007, ne sont respectés ni le seuil du déficit public annuel (3% du PIB) ni celui de la dette publique (60% du PIB) définis par le Traité de Maastricht lors de l’établissement des critères de convergence en vue de la création de la monnaie unique.  

[17] [55] Cf. B. Goudzwaard, « Faith, the Economy and People Movements in the Era of Globalization : The Role of Churches and Non-Governmental Organizations », discours donné en Indonésie à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du Yayasan Bimbingan Kesajahteraan Sosial, 1999, http://www.allofliferedeemed.co.uk/goudzwaard/BG78.pdf [56], page consultée le 25 février 2013.  

[18] [57] Je ne prétends pas m’extraire mieux que d’autres de cette confusion : j’ai bien des difficultés à imaginer autre chose que l’économie de marché. Cf. A. Bihr, op. cit. (56) : « Le néolibéralisme est même sans doute aujourd’hui non seulement l’idéologie dominante dans le champ politique, mais encore la seule idéologie véritablement constituée au sein de ce champ : il n’a pour l’instant aucun rival digne de ce nom. » Mes études en école de commerce constituent, sans doute, un handicap supplémentaire : cf. F. Noiville, J’ai fait HEC et je m’en excuse, collection Librio n° 1052, Paris, J’ai Lu, 2012.

[19] [58] Cf. IRC I.iii.1.

[20] [59] L. Dumont, Homo aequalis. Genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Paris, Gallimard, 1977.  

[21] [60] K. Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (première édition anglaise : 1944).

[22] [61] Cette citation provient du billet « L’invention de l’économie » (http://lescalier.wordpress.com/2009/05/06/linvention-de-leconomie/ [62], consulté le 25 février 2013) du blog L’esprit de l’escalier (http://lescalier.wordpress.com/ [63], consulté le 25 février 2013) écrit par un professeur de philosophie catholique qui se cache sous le pseudonyme Philarête. Je tiens à lui exprimer ma reconnaissance pour avoir porté à ma connaissance les ouvrages de Louis Dumont et de Karl Polanyi.

[23] [64] Ibid.

[24] [65] Ibid.

[25] [66] Il ne s’agit pas d’idéaliser ces sociétés traditionnelles qui sont, tout autant que les sociétés de marché, marquées par de graves dysfonctionnements. La comparaison permet seulement d’établir que l’économisme n’est pas une fatalité.

[26] [67] A. Kuyper, « Sphere Sovereignty », in J.D. Bratt (sous dir.), A Centennial Reader, Grand Rapids/Carlisle, Eerdmans/Paternoster, 1998, 461-490.

[27] [68] Voir, par exemple, H. Dooyeweerd, Roots of Western Culture. Pagan, Secular, and Christians Options, Toronto, Wedge, 1979, 73-80 et passim.

[28] [69] Cf. J.D. Bratt, « Abraham Kuyper’s Calvinism. Society, Economics, and Empire in the Late Nineteenth Century », in E. Dommen & J.D. Bratt (sous dir.), John Calvin Rediscovered. The Impact of His Social and Economic Thought, Louisville, Westminster John Know, 2007, 79-92 (92) ; K.A. Van Til, « Not Too Much Sovereignty for Economics, Please : Abraham Kuyper and Mainstream Economics », Perspectives, volume 23, n° 9 (novembre 2008), 12-17.

[29] [70] G. Vos, Biblical Theology. Old and New Testament, Edimbourg, Banner of Truth, 1975, 27-44 ; M.G. Kline, Kingdom Prologue. Genesis Foundations for a Covenantal Worldview, Overland Parks, Two Age Press, 2000, 175. Toute la réflexion qui suit a été formée au contact de la pensée de ces deux théologiens et de ceux qui, au sein de ce pan de la tradition réformée le plus sûr et solide, les ont précédés, tels Herman Witsius et François Turretin pour n’en citer que deux.

[30] [71] Cf. M. Richelle, « L’origine de l’humanité selon le début de la Genèse », in L. Jaeger, Adam, qui es-tu ? Perspectives bibliques et scientifiques sur l’origine de l’humanité, Charols/Paris, Excelsis/GBU, 2013, 11-36 (30-32) ; B. Waltke, Théologie de l’Ancien Testament, Charols, Excelsis, 2012, 258.

[31] [72] Cf. IRC I.xiv.20.

[32] [73] Voir D. Hillion, « Does Integral Mission Include Everything that God Requires of Us, and Does God Require of Us Everything Included in Integral Mission ? »,

http://www.micahnetwork.org/sites/default/files/doc/page/does_im_include_everything_that_god_requires_of_us_daniel_hillion.pdf, consulté le 11 mars 2013.

[33] [74] En parlant de contestation, je ne signifie pas que nous devrions être des révolutionnaires qui pensent que la fin justifie les moyens, y compris la violence. Les chrétiens ne sont pas appelés à être des révolutionnaires. Notre vocation de sel de la terre implique un certain conservatisme. Pour une distinction entre vrai et faux conservatisme, voir A. Kuyper, « Conservatism and Orthodoxy : False and True Preservation  », in J.D. Bratt (sous dir.), op. cit., 65-85. Nous ne sommes pas appelés à bouleverser les structures sociales en une seule nuit. Notre vocation de sel de la terre implique aussi une certaine volonté de changer les choses, de refuser le conformisme politique. Cf. A. Bieler, La pensée économique et sociale de Calvin, Genève, Georg, 1959, 285. Bref, c’est d’une contestation non révolutionnaire dont il est question ici.