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Le sérieux et le scandale de la souffrance

Le sérieux et le scandale
de la souffrance

Hébreux 12.5-17

Paul WELLS*

La souffrance est le problème numéro un des êtres humains. Kafka a dit que les souffrants fuient les bien portants et que les bien portants fuient les souffrants. Certaines formes de souffrances sont, en effet, insupportables à considérer.

La souffrance humaine a de multiples formes : physique, psychologique, individuelle, collective. Elle nous est soit imputable, soit causée très souvent par d’autres. Les mots pour la cerner sont multiples : douleur, peine, épreuve, mal, torture, angoisse, crainte, peur… La médecine moderne parle de « douleur totale » lorsque l’être humain n’est que douleur.

Les tentatives d’explication de la souffrance sont multiples et complexes ; aussi ne me risquerai-je pas dans ce labyrinthe. La plupart des livres sur ce sujet sont écrits par des bien portants, quelques exceptions ayant, entre autres, pour nom Primo Levi, qui en a connu les profondeurs, ou C.S. Lewis, qui a analysé la souffrance suscitée par un deuil.

 

Aucun domaine de notre vie personnelle ou sociale n’en est exclu. Toutes les religions s’en préoccupent. C’est donc une question sérieuse !

Notre attitude face à la souffrance est un indicateur de la nature de notre relation avec Dieu. La souffrance est-elle pour vous un scandale ? Si tel est le cas, une réflexion s’impose. Avez-vous remarqué que la Bible ne traite jamais du « scandale de la souffrance » ? En revanche, elle parle du « scandale de la croix » pour ceux qui ne croient pas ; et pour celui qui croit, la croix est une sagesse de Dieu pour le salut (1Co 1.23-24). Les souffrances, y compris les nôtres, sont donc un sujet de méditation sur la foi que nous avons en Dieu.

« Je ne crois pas en Dieu parce que la souffrance existe. » La réalité de la souffrance est souvent invoquée pour ne pas croire. Pourtant, si Dieu n’existe pas, pourquoi le mal ? Le croyant sait que Dieu existe et que la souffrance fait partie de sa réalité quotidienne. Comment, en effet, dans un monde déchu depuis Eden, la souffrance pourrait-elle être inexistante ? Ainsi, face à la souffrance, deux attitudes sont possibles : pour le croyant, elle est dramatique et douloureuse. Pour ceux qui ne connaissent pas le Dieu de la Bible, elle est un scandale.

Se pose alors la question : la souffrance peut-elle susciter une sagesse ?

Le chapitre 11 de l’épître aux Hébreux propose une liste de personnes qui ont enduré une lourde épreuve et qui, par la foi, ont su la surmonter de façon remarquable. Il n’en reste pas moins que nombreux sont les chrétiens qui « perdent pied » face à la souffrance. Le doute s’insinue peu à peu dans leur esprit jusqu’au rejet de la foi. Pourtant Hébreux 12 dit que si, face à la souffrance, nous ne persévérons pas, nous serons perdus.

C’est pourquoi au début du chapitre 12, nous trouvons trois bons conseils :

Leçon : souffrir ne peut être supportable que les yeux fixés sur Christ ; autrement, cela est intolérable, révoltant et injuste.

Est-ce une mission impossible ? Pourquoi, en effet, nos chemins sont-ils parsemés de difficultés, avons-nous à endurer épreuves, douleurs, tentations, souffrances morales ou/et physiques ? Pourquoi la vie du chrétien n’est-elle pas tout simplement facile ?

La tentation est, en effet, de penser que la vie chrétienne devrait être non seulement sans problèmes, mais faite de louanges et de bénédictions, de miracles de guérison, le tout vécu dans une joie permanente. Or, il n’en est pas ainsi et l’apôtre dit pourquoi par deux images à notre portée : versets 5-11, celle de la famille et, versets 12-17, celle de la marche.

Ces images montrent le rôle de la souffrance dans la vie du chrétien.

A. La famille : douleurs et joies (vv. 5-11)

Pourquoi faut-il souffrir ? En posant cette question, on met en évidence une ignorance du livre des Proverbes, car l’apôtre, en citant Proverbes 3.11-12, donne une réponse que nous oublions facilement.

Versets 5-6 : Dieu agit comme un  père 

Dieu nous fait faire, dans nos vies, des expériences de souffrance. L’exemple par excellence est celui de Job (1.21 à 2.9-10). C’est Dieu qui a pris la décision, et non le diable ; pour sa part, Job a eu la sagesse de reconnaître que sa souffrance venait de Dieu.

Notre réaction naturelle est de dire : si Dieu était bon, il ne se comporterait pas comme une sorte de tyran, avec méchanceté. Cette pensée est, certes, compréhensible mais scandaleuse. Il est bien vrai que la Bible bouscule nos façons naturelles de penser. Impossible de prendre son enseignement à la légère en le rejetant d’un revers de main. Notons-le, Job ne dit pas : « Je suis frappé, quelle joie ! Dans ma souffrance, gloire à Dieu ! » Bien au contraire, il ne comprend pas, il lutte, il est tout meurtri… et il s’humilie devant Dieu.

Il nous est demandé de dépasser les pourquoi en recherchant le but poursuivi : pourquoi cette souffrance, pour quel but positif, dans quelle perspective meilleure ? En matière de sport, un bon entraîneur ne craint pas de faire souffrir son équipe pour qu’elle gagne !

L’image de la famille (v. 7)

Les parents savent ou devraient savoir que, dans la relation avec leurs enfants, la fermeté est tout aussi importante que les bisous. Ils n’appliquent pas de correction à un enfant pour lui faire du mal ou par méchanceté gratuite, mais pour son bien, parce qu’ils l’aiment.

La preuve que nous sommes de vrais enfants (v. 8)

Nous n’avons pas à corriger l’enfant de notre voisin ou d’un tiers ; en revanche, il est de notre responsabilité de punir, de façon appropriée, le nôtre. Dieu agit de même avec nous et nous manifeste, par la punition qu’il nous inflige, qu’il est notre Père.

Dieu n’éduque pas ceux qui ne croient pas en lui. Il n’en est pas le Père. Ce verset ne les concerne pas.

Les désastres, naturels ou non, dont nous informent les médias manifestent que nous sommes dans un monde dangereux, déréglé et déchu. Il n’est pas juste de dire que les tsunamis, le sida, les accidents nucléaires… sont autant de jugements de Dieu contre le monde. Ces catastrophes interpellent effectivement tout être humain et devraient lui rappeler qu’il faut « mourir un jour et qu’ensuite vient le jugement ». Ici, l’apôtre ne considère que les enfants de Dieu qui comprennent son intention. Toutes les autres souffrances, tous les autres malheurs restent, en effet, un mystère.

Dieu est un Père, parfait dans son amour, qui nous corrige par nos épreuves. Si notre vie se présente, à nos yeux, comme un long fleuve tranquille, il est permis de se demander si nous sommes vraiment des enfants de ce Père. La souffrance que nous avons à endurer les yeux fixés sur Jésus nous apporte une preuve que nous lui appartenons. Elle est comme un sceau qui authentifie notre qualité d’enfants de Dieu.

Dieu serait-il méchant en nous faisant souffrir ? (v. 9)

Nos pères humains le sont-ils

Au sein de nos épreuves, nous sommes donc appelés

Mais il y a des différences à noter entre Dieu et les pères humains (vv. 10-11)

Les pères humains

En revanche, la discipline que Dieu fait subir à ses enfants est parfaite.

Si nous percevions que nos épreuves, nos souffrances, nos  peines viennent de Dieu dont la volonté « sainte, juste et bonne » est de nous entraîner à la sainteté, que ferions-nous ?

Nous lui demanderions de nous aider à nous jeter dans ses bras et à participer à sa sainteté. Nous apprendrions peu à peu que ce temps douloureux est une occasion qu’il nous donne de nous rendre de plus en plus conformes à lui.

Paul a demandé à trois reprises que son écharde soit enlevée. La réponse qui lui a été faite est « Ma grâce te suffit », et l’écharde est restée. La bénédiction suprême n’est pas obligatoirement la guérison, mais l’appropriation de la grâce qu’est l’amour de Dieu au milieu de nos souffrances.

La situation de l’enfant de Dieu se trouve résumée par Jésus en Jean 15.2 : « Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il [mon Père] le retranche ; et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde afin qu’il porte encore plus de fruit. » Etre émondé n’a rien de plaisant, mais l’objectif est notre bien et notre croissance dans la foi, même s’il nous est très difficile de le reconnaître sur le moment.

Alors, quand le trouble, les épreuves et les souffrances arrivent, quelle attitude adopter ? Le texte précise qu’il convient :

Dieu nous traite ainsi parce que nous sommes ses enfants. Nous devons en être conscients, nous le répéter et lui demander le secours nécessaire pour avancer malgré tout.

B. L’image de la course : continuez à courir (vv. 12-17)

Qu’en est-il en pratique ? Certains se demandent même pourquoi être chrétien si on doit souffrir, être éprouvé. A quoi bon ?

Cette question est mal posée. Les chrétiens, en effet, ont à endurer comme les non-chrétiens les conséquences de la désobéissance en Eden : la souffrance. La différence tient au fait que, seul, le croyant sait, avec certitude, que Dieu, selon sa promesse, prend soin de lui… même si, en particulier, la guérison tant désirée par tous les malades ne se produit pas.

L’apôtre expose, aux versets 1 à 4, quelle est la bonne attitude : « Courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée. » La persévérance nous est donnée dans la souffrance si nous regardons à Jésus, « qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection ».

L’apôtre formule trois exhortations :

a. Ne vous découragez pas

b. Luttez

Quand la course devient difficile, il faut se préoccuper d’avoir la bonne tactique, qui consiste à se projeter en avant. Dieu, en effet, veut que nous progressions.

c. Veillez

Ce mot se trouve deux fois dans les versets 15 et 16.

Conclusion

La souffrance, l’épreuve, qu’elle soit correction d’un père aimant ou non, sont une invitation à tout attendre de Dieu et à ne pas douter de son amour pour nous, amour qui est réel et éternel.

Comment éviter, en particulier, la situation terrible d’Esaü, qui s’est détourné de Dieu pour un plaisir immédiat ? Dans les bons comme dans les mauvais jours, ne permettons pas au doute de s’insinuer dans notre cœur et regardons à Jésus-Christ, qui a acquis à grand prix notre salut, expression de l’immense compassion de Dieu pour nous, ses enfants !


* P. Wells est professeur de théologie systématique et doyen adjoint de la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Ce texte reproduit l’essentiel de la conférence qu’il a faite lors de la Convention d’Anduze (Gard) en octobre 2011.