- La Revue réformée - http://larevuereformee.net -

Apologie de la création

APOLOGIE DE LA CRÉATION

Jean-Paul DUNAND*

Après un préambule sur l’actualité de notre sujet et sur la méthode apologétique retenue, je vous proposerai dans une première partie de réfléchir ensemble sur l’univers, première forme d’une unique révélation de Dieu dans laquelle le réalisme théiste plonge sa racine1 [1]. Dans une seconde partie, je développerai trois distinctions fondamentales qui, faute d’être faites, rendent toute la question confuse ou suscitent de faux problèmes: nous distinguerons ainsi la création de sa conservation, puis la création médiate de la création immédiate; enfin, un examen du problème du temps et de sa mesure exigera que nous fassions une troisième distinction, entre temps cosmologique et temps cosmogonique.

Au fil des deux parties, nous rencontrerons deux attitudes connues sous les noms de fidéisme et de concordisme; nous analyserons chacune et constaterons qu’elles sont corrélatives.

Actualité de notre thème

Parle-t-on aujourd’hui davantage de la création biblique en dehors qu’à l’intérieur des Eglises? Les grands médias n’avaient plus coutume de parler des dogmes chrétiens, encore moins de la création du monde par Dieu. Serait-ce parce que les chrétiens n’osent plus faire savoir qu’ils y croient?2 [2] Ne sont-ils pas plutôt discrets par perplexité parce que, limitant leur foi à la sphère privée, ils en négligent les prolongements publics relatifs au choix clair d’une conception du monde3 [3] parmi celles qui ont cours?

On constate que ceux qui croient à une création divine de l’univers et des hommes, telle que la Bible la rapporte, suscitent un vif intérêt médiatique. Le courant qu’ils représentent, loin de se tarir, s’étend et gagne plusieurs pays d’Europe. Le journaliste soucieux d’informer ne peut l’ignorer, quitte à mentionner la réaction polémique des évolutionnistes. Ceux-ci s’efforcent de mettre en garde contre toute promotion d’une création divine perçue, à juste titre, comme une menace contre le quasi-dogme de l’évolution darwinienne, qui est aujourd’hui de plus en plus contesté. Certains chrétiens, de façon assez surprenante quand ils sont évangéliques, font la fine bouche sur ce regain d’intérêt pour la création. Doutent-ils que la résistance au darwinisme ne soit pas d’abord due au fait de la création elle-même, un fait abondamment attesté de la Genèse à l’Apocalypse? Non, mais aussi longtemps qu’ils prennent l’évolution darwinienne pour un fait scientifique, ils sont embarrassés (qui ne le serait?) et ne savent plus comment interpréter ces textes bibliques. Ils ont alors le choix entre deux voies possibles, aussi insatisfaisantes l’une que l’autre: soit s’évertuer à concilier le premier chapitre de la Genèse et l’évolution – cas le plus fréquent, comme nous le verrons dans la seconde partie – soit, après «s’en être remis aux scientifiques au sujet de l’évolution», traiter «théologiquement» de la création en omettant prudemment tout aspect scientifique. Comme la seconde attitude confine au fidéisme, nous avons un premier aperçu de son rapport étroit avec le concordisme de la première attitude; on ne quitte l’un que pour rejoindre l’autre.

Cependant tous peuvent remarquer que le dogme réaliste judéo-chrétien de la création est, de nos jours, moins sur la défensive que son imitation néo-païenne, l’évolution. Donc, plus on évitera, ici, la langue de bois du «scientifiquement [pense-t-on] correct», moins on s’isolera de la majorité silencieuse qui croit, sans trop savoir comment, que Dieu a créé le monde et qui ne se résigne pas à l’explication triviale que le darwinisme avance pour un fait aussi sublime.

La contre-offensive – contre la confusion entretenue entre darwinisme et science – a été organisée dès la première moitié du siècle écoulé à l’initiative de chrétiens, surtout américains, étiquetés créationnistes, ce qui rime bien avec évolutionnistes. Cette offensive a repris de plus belle dans la dernière décennie du siècle dernier, après avoir modifié son angle d’attaque. Elle a fait passer au second plan la durée de la création et insiste principalement sur son intelligence et sa finalité, telles qu’elles sont induites des progrès de la physique et de la biologie moléculaire. C’est le «Projet intelligent» (une traduction d’Intelligent Design qui retient les deux aspects mentionnés). Parfois appelés néocréationnistes, ces assaillants-là inquiètent. Je cite: «Un film soupçonné de néocréationnisme fait débat»4 [4], «Dieu face à la science. Mais qui a créé le monde?»5 [5], «Dieu contre Darwin, la théorie de l’évolution est-elle menacée?»6 [6], «Teach the Origins of Life on Evidence, Scientists Demand» [Les scientifiques exigent que les origines de la vie soient enseignées sur la base des faits]7 [7], «Pologne: le ministère de l’éducation conteste Darwin»8 [8], «Théorie de l’évolution: le non à Darwin progresse»9 [9], «Les créationnistes vont-ils triompher de la science?»10 [10], «Offensive créationniste en direction des écoles françaises»11 [11]. Du coup, le nouveau pape se ressaisit là où son prédécesseur avait commencé à lâcher prise: «Toutefois il est également vrai que la théorie de l’évolution n’est pas une théorie achevée, scientifiquement prouvée.» Traduit de Times (13 avril 2007) et le journaliste commente: «Le pape Benoît XVI intervient dans le débat sur le darwinisme en exprimant des remarques qui seront considérées comme une approbation du ‹Projet intelligent».

Je ne suis pas d’accord, en tout, avec les créationnistes (de la première manière), parce qu’il est méthodologiquement maladroit de commencer par la chronologie de la création et parce qu’ils cherchent parfois à trop prouver jusque dans les moindres détails. Mais je fais partie de ceux qui leur savent gré d’avoir été présents, en première ligne, pour relever le défi et mener la contre-attaque. Il n’y a donc pas lieu – imitant, ce faisant, un ou deux d’entre eux – de nourrir à leur égard l’acrimonie, peu fraternelle, que peut éprouver le chrétien évolutionniste pour lequel les chrétiens créationnistes et encore plus néocréationnistes représentent un reproche à son ralliement trop précipité au darwinisme. Tout chrétien évangélique ne se veut-il pas créationniste, mezza-voce? Il serait normal qu’il considère au minimum avec bienveillance ceux qui, à voix haute, revendiquent ce titre12 [12].

Qui ne voit, en effet, que seuls le darwinisme et sa généralisation évolutionniste à l’univers entier posent un problème majeur et spécifique à la doctrine chrétienne? Sur ce point, A. Comte-Sponville est tout à fait clairvoyant quand, avec gratitude, il invoque Darwin à l’appui de son athéisme13 [13]. Pour le reste, il n’est pas le premier à être dupe des efforts que doivent faire les tenants du darwinisme pour cacher leur isolement au sein de la sphère scientifique, en sorte qu’ils puissent ressasser que la création divine s’oppose à la science et sonner l’alarme sous prétexte qu’une foi persistante dans celle-là mettrait celle-ci en danger (voir la note 10)! En laissant le débat être posé de cette façon-là, on fait le jeu de l’évolutionnisme, car on se livre à une pétition de principe sur son caractère scientifique. La science – j’allais dire à tort les autres sciences – n’est pas contestée. Ni Newton, ni Maxwell, ni Einstein, ni de nombreux Prix Nobel de biologie n’ont jamais figuré dans une expression comparable à celle-ci: «Dieu contre Darwin.» En revanche, on a tout de suite et intuitivement compris que l’auteur de l’Origine des espèces et son système entraient en rivalité avec ce que l’Ecriture dit. Le cas à part que représente Darwin est en soi si significatif qu’il sape toute opinion obstinée à ne pas l’admettre, en particulier si elle se veut chrétienne.

Car le défi lancé par le darwinisme n’est ni mineur, ni limité à une culture (l’américaine). Il ne vise à rien de moins qu’à remplacer le premier article – socle sans lequel les articles suivants s’effondrent – du Credo chrétien. «L’Eglise a dû le relever avec le risque, çà et là, d’être tentée par des armistices hâtifs, voire par les retraites dites stratégiques qui cachent le revers puis la défaite.»14 [14] La défaite n’est pas loin quand on tente un compromis bancal avec un système qui réécrirait le début de l’Evangile selon Jean de la façon suivante: «Au commencement était la matière, la matière était la seule réalité; tout a été fait par l’évolution et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle, en elle était la vie.» «La vérité émerge plus facilement de l’erreur que de la confusion.» J’approuve cette maxime méthodologique de Bacon, que Th. Kuhn qualifie de profonde15 [15]. Car il est vain de penser avoir réglé un conflit flagrant en attribuant hâtivement à Dieu16 [16] une évolution inopérante. Cette solution confuse n’en est pas une. On se trouve bel et bien devant deux conceptions opposées, le créationnisme contre l’évolutionnisme, et surtout devant un fait, la création, et une théorie, l’évolution, totalement antagoniques. Ni les premières ni les seconds ne peuvent être vrais en même temps, sauf à édulcorer, tour à tour ou à la fois, les concepts de création et d’évolution. Chacun doit être pris dans son sens fort, biblique pour le premier, darwinien pour le second17 [17].

La méthode apologétique suivie

L’apologie de la création est un cas particulier de l’apologétique, cette discipline défensive qui se réfère à la première lettre de Pierre (3. 15). Elle consiste ou devrait consister à répondre «à ceux qui nous demandent raison de notre espérance». Ceux qui posent la question préféreront généralement nous demander raison de notre foi, tant il est vrai que l’une ne va pas sans l’autre (la foi est même la substance de ce qu’on espère, Hé 11.1). Il n’en demeure pas moins que l’apologétique est remarquablement définie par l’apôtre! Elle signifie que la foi des chrétiens, quoiqu’elle ne dérive pas de la raison, ne lui est cependant pas contraire. Cette caractéristique de la foi définit les conditions dans lesquelles raisonne l’apologétique; si celle-ci peut développer des arguments tirés des bonnes raisons qu’on a de mettre sa foi en Dieu, elle le fait seulement après qu’on a cru en lui sans autre raison que sa Parole. Mais on la caricaturerait si on niait que l’apologétique écarte tout mépris de la connaissance. Sa maxime n’est pas le peu biblique credo quia absurdum, mais credo ut intelligam. «Comme si l’Ecriture n’enseignait point partout que l’intelligence est conjointe avec la foi!»18 [18]

On la caricaturerait encore en disant que l’apologétique refuse le dialogue. Etant, selon 1 Pierre 3.15, la réponse à une question, l’apologétique établit, par définition, un dialogue et cherche à échanger des arguments rationnels. Si, à la suite d’un glissement de sens, dialogue est devenu peu ou prou synonyme de compromis, l’apologétique n’y est pour rien. Elle demeure un dialogue confessant, elle reste liée par l’autorévélation de Dieu. Le dialogue-compromis risque aujourd’hui d’éclipser l’apologétique19 [19]. L’apologétique, enfin et toujours selon 1 Pierre 3.15, respecte l’interlocuteur parce qu’il est, pour chacun, un autre soi-même, un semblable, c’est-à-dire tout le contraire de «l’autre», comme on dit maladroitement dans un jargon à la mode.

Pourquoi la raison ne peut-elle pas parvenir à une connaissance de Dieu qui soit aussi de la reconnaissance à son égard? Parce qu’elle n’est plus pure, y compris en tant que pure raison au sens de Kant (celle qui s’intéresse aux conditions a priori de la connaissance). Le second terme de la séquence biblique qui structure la conception réformée du monde – création, chute, rédemption – constate une corruption extensive qui atteint aussi la raison, au point qu’on peut parler d’un péché de la raison: il la rend aveugle à la source divine des lumières dont elle se prévaut. Elle va alors jusqu’à juger sa source. N’est-ce pas profondément injuste? Tel est le reproche que l’apôtre Paul fait, à deux reprises, dans la même phrase en Romains 1.18. La raison injuste se mêle de raisonner sur Dieu au lieu de raisonner que «sans la foi, il est impossible de lui plaire, car celui qui s’approche de Dieu doit croire que celui-ci est et qu’il récompense ceux qui le recherchent» (Hé 11.6). La foi vient donc en premier, la raison renouvelée par la foi suit à son rang: «soumission et usage de la raison» selon une pensée frappante et juste de Pascal.

Fondamentalement confessante, l’apologétique ne gagnerait rien20 [20] à tenter d’adapter la théologie et, en particulier, l’exégèse biblique à une conception philosophique à la mode, encore moins quand celle-ci se prétend scientifique. Il est, en effet, douteux qu’elle le soit dès lors qu’elle contredit ouvertement l’Ecriture! L’apologétique va plutôt la juger en fonction du principe fondateur de la théologie réformée: la primauté de l’Ecriture Sainte. Dans ce travail critique, l’usage de la raison – soumise à l’Ecriture – est indispensable et fécond, non seulement pour reconnaître et éviter les erreurs, mais aussi pour discerner et accueillir une vérité, parce qu’elle a sa source en l’Esprit Saint («fontaine de toute vérité», selon la belle expression de Calvin), étant entendu, qu’ayant inspiré l’Ecriture, il ne peut pas se contredire.

Les conditions que nous avons posées (primauté de la foi en Dieu, véridicité de l’Ecriture Sainte, conscience de la grâce commune de Dieu) font de l’apologie de la création un exercice empreint de piété21 [21]. Nous y contemplons l’intelligence divine dont témoigne l’univers. Regardée comme tout entière créée, la réalité éveille le sens de la majesté de Dieu et avive celui de notre dépendance à son égard. «Même si nous parlons de Dieu à la troisième personne du singulier, une réflexion théologique de cette nature est conduite devant lui, de telle sorte qu’il est approprié de la tenir pour une forme d’adoration rationnelle dans laquelle la crainte, l’admiration et la joie s’expriment en prière et en louange.»22 [22] Pensons au Psaume 148 !

I. La révélation: ses deux formes et son unité

«Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre» et la suite de Genèse 1 jusqu’à 2.3.

« C’est toi, Eternel, toi seul, qui as fait les cieux, les cieux des cieux et toute leur armée, la terre et tout ce qui est sur elle, les mers et tout ce qu’elles renferment. A tout cela, tu donnes la vie, et l’armée des cieux se prosterne devant toi.» (Né 9.6)

«Au commencement était la Parole; la Parole était auprès de Dieu; la Parole était Dieu.

Elle était au commencement auprès de Dieu. Tout est venu à l’existence par elle, et rien n’est venu à l’existence sans elle.» (Jn 1.1-3, Nouvelle Bible Segond, NBS).

« Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient de ce qui n’est pas apparent. » Hébreux 11. 3, Bible de Jérusalem.

Il y a schématiquement trois façons d’aborder ces textes, en particulier Genèse 1 et Jean 1. On peut les tenir pour mythiques (les libéralismes protestant et catholique); on peut les considérer comme de belles compositions littéraires, le plus souvent poétiques (beaucoup de catholiques23 [23] et divers protestants dont des évangéliques24 [24]); on peut, enfin, estimer qu’ils disent exactement ce qu’ils veulent dire. Dans le premier cas, ne fait-on pas violence aux textes en refusant de voir l’éclatant contraste qu’ils présentent par rapport aux textes païens similaires du Moyen-Orient de l’époque? Dans le second cas, ne les interprète-t-on pas en vertu de l’a priori fidéiste suivant: la Bible ne dit jamais quoi que ce soit qui ait un sens scientifique? La troisième lecture, qui a notre préférence, n’exclut pas que la Bible dise quelque chose de scientifique sans, le plus souvent mais pas toujours, le faire avec les mots du langage scientifique actuel. Pour définir cette troisième lecture, j’emploie une périphrase: «Le texte dit exactement ce qu’il veut dire», de préférence à lecture littérale plus chargée de connotations ambiguës et donc plus facilement déformable dans un sens péjoratif.

Il y a d’abord eu une révélation générale…

Le récit biblique part de Dieu sans se poser de question à son sujet; à la différence des mythes païens, il ne contient pas de théogonie, car Dieu est. Il est, tel est le sens de Yahvé, le nom propre de Dieu plutôt bien rendu par l’Eternel. Le verbe «être» ne peut pas être employé de façon absolue, sans rien après, sauf pour Dieu. Parce que Dieu crée, les cieux et la terre deviennent existants, qui sont la révélation universelle que Dieu est, mais aussi – ajout prédicatif indissociable – qu’il est bon (Gn 1.31 et Lc 18.19). Genèse 1.1, la première phrase de l’Ecriture, donne la seule réponse intellectuellement satisfaisante à la grande question philosophique: «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?» Et, non moins important, Genèse 1.31 affirme la bonté originaire de Dieu déployée dans la création des cieux et de la terre, qui conditionne l’existence de l’humanité – leur «postérité» (Genèse 2. 4) dont l’histoire suit dans le texte.

Même un philosophe athée vacille ici, parce qu’il ne peut nier que la contingence du monde exige un être nécessaire, mais il ajoutera que rien ne prouve qu’il soit personnel. Sur ce dernier point, je serai, en partie25 [25], d’accord avec lui, car il faut le complément de la révélation spéciale pour apprendre que cet être nécessaire dit son nom propre à la première personne du singulier: Je suis (Ex 3.14). Il faut être indépendant du temps pour parler de soi au seul présent de l’éternité. Il faut être Dieu. Sans le secours de la Parole de Dieu, l’être nécessaire sera limité à la Cause des causes (ce qui est bien froid, aurait dit Calvin, et désigne un dieu des philosophes, aurait ajouté Pascal), à une force ou à une puissance, à un moteur non mû (Aristote) ou à un élan vital (Bergson), à l’Etre suprême (dont le culte officiel n’a pas survécu à Robespierre qui l’avait instauré), au divin (comme on dit: le politique, le religieux), ce qui est le comble de la dépersonnalisation. Ces nombreux termes impersonnels entendent désigner un dieu tel que les hommes l’imaginent pour mieux le tenir à distance en le réduisant à des abstractions – une réponse décalée à sa révélation si concrète.

Quoique sa personne soit invisible, les qualités personnelles de Dieu sont observables dans ses œuvres. Sa volonté intelligente a créé le monde intelligible de telle sorte qu’il le révèle à l’intelligence humaine (Rm 1.19-20 NBS). Cette révélation des qualités divines est à l’origine de ce qu’on appelle la théologie (ou philosophie) naturelle. La théologie naturelle considère la nature comme le premier livre où Dieu a parlé. Son fondement biblique n’est pas douteux (Gn 1, Jn 1) et il interdit de l’écarter comme elle l’a été par K. Barth. Elle retrouve, de nos jours, notamment dans le cadre du «Projet intelligent», la place justifiée qu’elle avait occupée lors de l’essor de la science moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Karl Barth l’avait rejetée parce que l’adjectif – naturelle – qui qualifiait cette théologie avait pris un sens naturaliste, faisant oublier que la nature est signifiante au-delà d’elle-même. Une exégèse emportée de Romains 1 par Luther26 [26] avait été suivie, en sens opposé, d’une exégèse tout aussi excessive du Concile de Trente, qui surévaluait la raison en la mettant sur le même pied que la révélation (elle-même pratiquement réduite au magistère catholique romain). L’opposition barthienne avait l’avantage de bien délimiter la frontière avec le catholicisme, qui avait effectivement fait dévier la nature, «théâtre de la gloire de Dieu», en source de connaissance indépendante sous le couvert d’une «lumière naturelle de la raison humaine». Mais, en écartant la théologie naturelle, au lieu de corriger sa grave déviation, on favorise la mise à l’écart de la théologie révélée qui la contient27 [27] et l’on commence à s’engager dans la voie sans issue d’un dualisme de la connaissance. Or une connaissance scientifique authentique28 [28] de la nature a le même objet qu’une connaissance théologique biblique de la révélation générale, première forme d’une seule grande révélation de Dieu. Les deux connaissances sont donc en consonance l’une avec l’autre.

La position barthienne, qui a exercé une influence sur plusieurs générations de pasteurs29 [29], rend compte incomplètement des initiatives successives prises par Dieu. La théologie réformée calviniste rejette effectivement que les hommes puissent avoir une quelconque connaissance de Dieu si elle ne vient pas d’une révélation préalable, si Dieu n’a pas, d’abord, pris l’initiative de se faire connaître. Mais elle ajoute que précisément, Dieu l’a fait; sa révélation ne se borne pas à l’incarnation de Jésus-Christ – qui en est le sommet, mais qui vient en troisième dans la séquence création-chute-rédemption. L’incarnation suppose un espace-temps antérieur où elle puisse se produire, illic et tunc, au temps et au lieu favorables. Avant l’appel de Dieu à Abraham, avant l’incarnation du Fils de Dieu dans sa descendance, le monde est déjà en lui-même une révélation de Dieu, de sa puissance et de sa bonté. Il n’est pas du tout notre monde, comme on le dit à la légère, il est le monde de Dieu30 [30]. A côté de la révélation particulière, la préparant puis l’accompagnant, la révélation générale de Dieu dans la création des cieux et de la terre permet à celle-la d’être audible autant que visible31 [31].

La révélation générale fait appel à l’intelligence, pas à l’imagination ni au sentiment, et elle l’appuie sur l’évidence objective des ouvrages créés32 [32]. Une évidence est tout le contraire d’un vide rationnel à franchir d’un saut. Le «saut de la foi» était cher à la pensée de Kierkegaard, dont on sait l’influence qu’elle a eue sur celle de Barth. Il y a du fidéisme dans la position barthienne, qui ignore superbement la portée de la révélation générale pour la connaissance scientifique qu’elle fonde et intègre à la connaissance théologique. Ce fidéisme-là, paradoxalement, rétrécit le règne de Dieu et déséquilibre la foi, au détriment de l’immanence de Dieu au sein des structures intelligibles du monde qu’il a créé. En créant les cieux et la terre puis l’homme, Dieu, Sujet personnel absolu, se donne à connaître, dans ses œuvres, comme Objet accessible à l’intelligence inductive et déductive, sans cesser d’être le Sujet absolu inaccessible. Autrement dit, l’immanence de Dieu dans sa création n’ôte rien à sa transcendance. Calvin, avec rigueur, l’exprime ainsi: «Son essence est incompréhensible, tellement que sa majesté est cachée bien loin de tous nos sens; mais il a imprimé certaines marques de sa gloire en toutes ses œuvres, voire si claires et notables, que toute excuse d’ignorance est ôtée…»33 [33]

Le champ d’une connaissance unifiée inclut la réalité créée tout entière et son Créateur. Dans son entreprise de connaissance scientifique, l’homme dialogue, par induction et déduction, avec l’intelligence supérieure qui structure la réalité objective. Ces structures ne sont pas une projection subjective de l’intelligence humaine (idéalisme). Celle-ci les discerne parce qu’elles sont intrinsèques aux objets observés (réalisme)34 [34]. Genèse 1 fonde une épistémologie non pas à deux termes (sujet-objet), mais à trois termes: (1) Dieu, Sujet absolu, (2) le monde créé qui objective les qualités invisibles de Dieu et, enfin, (3) l’homme créé, à la fois objet dans le monde, mais aussi sujet relatif en tant qu’image du Sujet absolu. Les cieux et la terre, c’est l’univers comme évidence empirique massive de la réalité objective de Dieu qui ne peut, lui, être vu. Après que le freudisme ait refermé plusieurs générations sur elles-mêmes dans une subjectivité narcissique, qui accentuait encore un Cogito cartésien déjà à la limite du solipsisme35 [35], elles ont perdu de vue l’objectivité libératrice impliquée par la confession que Dieu est le Créateur des cieux et de la terre. Heureusement, dans le même temps, au contraire des sciences humaines caractérisées par leur enlisement dans la subjectivité, les progrès des sciences exactes, dont la physique et la biologie moléculaire, les rapprochaient du réalisme foncier de la révélation générale, à proportion de l’intelligence qu’elles découvraient être inhérente à l’univers dans toutes ses dimensions: galactique, moléculaire et subatomique.

Un chrétien calviniste36 [36] est, dès lors, très surpris d’entendre répéter, dans son entourage chrétien, qu’on ne doit pas mêler discours de foi et discours de science. L’Ecriture, en effet, ne les entremêle-t-elle pas constamment et à juste titre, puisque l’un et l’autre portent sur la révélation d’une source unique37 [37]. Il n’y a donc aucune raison de dédoubler la réalité (le déisme), encore moins de la tronquer (l’athéisme) pour tenter de faire une place à son autocréation, dite Evolution38 [38]. Pour expliquer le monde sans Créateur, on n’a pas d’autre moyen que de recourir à une pure abstraction mystérieusement dotée du pouvoir créateur de Dieu, à l’exclusion du principal: son intelligence. En se voulant strictement scientifique – dans le sens très contestable d’un matérialisme, voire d’un athéisme, méthodologique qui, par principe, bannit Dieu hors de la nature – l’évolutionnisme se heurte à l’immanence causale de Dieu (le théisme) et, in fine, rétrograde au rang de la pensée préscientifique.

Comment a-t-il pu se faire que des chrétiens évangéliques respectés aient été entraînés dans l’orbite de l’évolution, sinon parce qu’ils ont pensé devoir céder à son attraction qui leur était dite scientifique mais qui était seulement philosophique?39 [39] Avant eux, comment avait-il pu se faire que des savants de bonne foi aient adopté une théorie qui n’a été à l’origine d’aucune découverte ni d’aucun progrès scientifiques, et se soient néanmoins contentés, pour toute preuve, de l’affirmation gratuite que l’évolution était un fait?40 [40] N’y aurait-il pas une raison fondamentale qui explique cette crédulité irrationnelle et qui annonce que l’évolutionnisme était condamné à échouer comme science? Elle nous parait être la suivante: l’évolution est le concept le plus séduisant qu’on ait trouvé pour rivaliser avec le concept de création, pourtant fondateur de la science, dans le but d’abord de le banaliser, puis de l’évincer41 [41].

A cet égard, la sélection naturelle de Darwin fut un coup de génie, mais sémantique et non pas scientifique. L’adjectif – naturelle – reprenait habilement celui qu’on trouvait dans la théologie (ou philosophie) naturelle. L’expression signifiait que l’idée de révélation générale de Dieu dans la nature était passée dans la culture et qu’il y avait consensus à cet égard. Naturel se rapportait donc à une nature créée. Darwin modifia subrepticement le sens de l’adjectif: naturel se rapportant désormais à une nature autocréatrice. Premier coup de génie. Sélection, le substantif, était lui aussi habile, puisqu’il est synonyme de choix. Or choisir est une activité de l’intelligence. Une qualité personnelle de Dieu était tout aussi subrepticement transférée à la nature; mais comme la nature, impersonnelle, est tenue pour la seule réalité, l’intelligence (tout comme la téléologie reconnue ci-après par Popper) est et doit rester un mot totalement tabou pour le darwinisme, d’où l’offensive inquiète de ses partisans contre le «Projet intelligent». Ainsi la sélection naturelle tient-elle, mutatis mutandis, le même rôle qu’avaient tenu les esprits dans la pensée préscientifique, tout en étant présentée comme le nec plus ultra de la science. Second coup de génie. Ils expliquent tous les deux la place qu’occupe Darwin par son influence sur la pensée et la culture occidentales; une place aux côtés de Marx, Nietzsche et Freud, mais pas de Newton, Maxwell et Einstein.

Nul mieux que K. Popper ne montre davantage le caractère philosophique du pouvoir de séduction de la sélection naturelle en tant que substitut, ne serait-ce que possible, de la création surnaturelle. Le philosophe des sciences, qui s’est rendu célèbre par un critère permettant de séparer la science de la non-science, reconnaît que la sélection naturelle est une tautologie42 [42], qu’il «n’existe pas de lois darwiniennes de l’évolution»43 [43]. Il avait d’ailleurs fortement douté que le darwinisme pût être pris au sérieux à titre scientifique (qualificatif qu’il refuse au marxisme et au freudisme). Néanmoins, il a rallié ensuite une philosophie évolutionniste pour des motifs qu’il exprime ainsi: 

«La théorie darwinienne de l’évolution montra qu’il est possible, par principe, de réduire la téléologie à la causalité en expliquant, en termes purement physiques, l’existence de desseins et de projets dans le monde. Ce que Darwin nous a montré, c’est que le mécanisme de la sélection naturelle est capable, par principe, de simuler les actions du Créateur [sic], ses desseins et ses projets [sic], et qu’il peut également simuler l’action humaine rationnelle orientée vers un projet ou un but. […] Bien qu’il s’agisse là d’une grande réussite, nous devons ajouter que la clause par principe est une restriction très importante; ni Darwin ni aucun darwinien n’a jusqu’à présent donné une explication causale effective de l’évolution adaptative d’un seul organisme ni d’un seul organe… Tout ce qu’on a montré – et c’est déjà beaucoup – c’est que de telles explications pourraient exister, autrement dit, qu’elles sont logiquement possibles.»44 [44]

Le raisonnement est logiquement spécieux qui conduit à fonder sur le possible une théorie qui échoue lors de sa confrontation avec le réel45 [45]. Il est manifeste que l’attrait du darwinisme réside dans son aptitude à singer sans dessein la création – dont on admet qu’elle dénote une téléologie intelligente! Peu importe que cette capacité soit purement conjecturale; il importe moins de prouver que d’accueillir toute solution qui permettrait de supplanter la création, parce qu’elle est révélatrice de Dieu.

Nous comprenons mieux pourquoi l’évolutionnisme, si faible du point de vue scientifique de l’aveu même de K. Popper, peut être devenu si fort sur le plan culturel dans une civilisation occidentale de postchrétienté. Si, avec lui, on pouvait, enfin, réussir à se débarrasser du concept de création, on aurait alors porté un coup fatal au judéo-christianisme. Parce qu’elle fonde la suite, la doctrine – de la création divine de l’univers et de l’homme – fait que la théologie chrétienne tout entière tient ou, sans elle, tombe. La science dont se targuent les darwinistes a toutefois seulement le statut d’une croyance (Ph.E. Johnson, R. Chauvin) en… une simple simulation. Simuler n’est pas accomplir. En dépit de tous leurs efforts, la nature ne leur a jamais permis de reproduire effectivement sa création. En outre, celle-ci continue de recevoir le renfort décisif de l’Ecriture, après comme avant Darwin.

«Car si on regarde combien l’esprit humain est enclin et fragile pour tomber en oubliance de Dieu; combien aussi il est facile à décliner [dévier] en toutes espèces d’erreurs; de quelle convoitise il est mené pour se forger des religions étranges à chaque minute: de là on pourra voir combien il a été nécessaire que Dieu eût ses registres authentiques pour y coucher sa vérité, afin qu’elle ne pérît point par oubli, ou ne s’évanouît par erreur, ou ne fût corrompue par l’audace des hommes.»46 [46]

… suivie d’une révélation particulière

Avec le talent qu’il a pour argumenter, l’apôtre Paul a développé, en Romains 1, le fait d’une révélation générale47 [47] qui avait déjà été observé par David dans le Psaume 19.1-7. Le Psaume expose, dans l’ordre chronologique, les deux formes qu’a eues la révélation. A la révélation générale succède, à partir du verset 8, la révélation particulière. Alors limitée à la Torah (la Loi-Enseignement), celle-ci comprendra la totalité des Ecritures canoniques. La révélation particulière se précise: elle concerne, ensemble, la Sainte Bible et le Christ incarné parce qu’ils sont inséparables l’un de l’autre48 [48], à tel point qu’une connaissance sûre du Seigneur est seulement possible «selon les Ecritures»49 [49].

C’est en elles que Dieu se révèle précisément, notamment en Exode 3.13-15 où il dit son triple nom. Le troisième – l’Eternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob – comporte deux parties. La première partie (l’Eternel) est un nom absolu comme l’étaient les deux premiers (Je suis qui je suis, Je suis). Tous trois désignent Dieu considéré en lui-même dans la lumière inaccessible de sa majesté, hors espace et hors temps. Mais, avec la seconde partie du troisième nom, il y a du nouveau.

Si Dieu se révèle réellement à nous, alors il le fait dans l’espace-temps où il nous a fait vivre50 [50]. Or, les premiers noms divins n’indiquaient aucun repère spatio-temporel qui nous permît de distinguer Dieu au milieu de la foule des faux dieux. Etant des créatures plongées dans le temps et l’espace, nous ne sommes pas capables de connaître quoi que ce soit sans ces coordonnées-là, y compris le vrai Dieu qui les a créés l’un et l’autre et ne dépend donc pas d’eux. En complétant son nom par «Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob», Dieu donne ses coordonnées spatio-temporelles personnelles. Il lie son nom non pas à un, mais à trois hommes pour nous donner, à son sujet, une référence historique datable et situable, afin que nous puissions savoir, dans toutes les générations (Ex 3.15) où le chercher et où le trouver. Un dieu qui n’est pas le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob est au mieux un dieu imaginaire, au pire une corruption du vrai Dieu.

Les trois patriarches, en effet, n’ont pas tiré Dieu de leur subjectivité, même religieuse. On se tromperait lourdement en pensant que «Dieu d’Israël» désigne le Dieu qu’Israël s’est donné. «Dieu d’Israël» signifie que Dieu s’est révélé objectivement à Israël par sa Parole51 [51]; ce qui est tout différent et justifie qu’il soit, seul, le vrai Dieu de tous les hommes. Il a fidèlement continué de se révéler à la descendance des trois patriarches, à Moïse notamment comme dans le texte de l’Exode. Et, finalement, Dieu le Fils a pris, dans leur descendance, son humanité de la vierge juive Marie pour devenir notre bien-aimé Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Jean, son apôtre, introduit le quatrième Evangile d’une façon qui confirme l’ordre dans lequel les deux révélations se succèdent et s’enchaînent l’une à l’autre de telle sorte que la première a installé la scène où va avoir lieu la seconde. Cette seconde révélation prépare (par l’appel d’Abraham) puis narre l’incarnation historique du Fils de Dieu, créateur de l’univers, afin de sauver son Eglise et de lui donner la vie éternelle. Ecrivant son Evangile en dernier, Jean devait développer ce point en négligeant les précisions déjà données par Matthieu et Luc sur la nativité. Jean souligne donc que le commencement des événements relatifs au Christ, dont il a été témoin lui aussi, se situe très en deçà de sa conception miraculeuse sous Auguste, rapportée en détail par Luc. En fait, la Parole était là au commencement de l’univers, «la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu… Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.»

L’apôtre établit ainsi une identification, trop audacieuse pour ne pas résulter d’une conviction scellée par le Saint-Esprit, entre la Parole créatrice de Genèse 1 et la personne historique de Jésus-Christ. Implicite dès 1.5ss, cette identification devient tout à fait explicite en 1.1452 [52]. D’emblée, l’apôtre invite à prêter attention à un aspect de la personne de Jésus-Christ auquel les chrétiens sont moins habitués. Le cœur de la foi chrétienne est pourtant ici en jeu, ce qui risque de leur échapper s’ils limitent leur connaissance de Jésus au Maître enseignant en paraboles et particulièrement accueillant envers ceux qui, dans la société, étaient exclus de la faveur d’autrui. Il est, certes, cela, mais il est beaucoup plus encore.

Très rapidement, en effet, après la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ, ses apôtres, guidés par le Saint-Esprit, n’ont pas hésité à employer à son sujet un langage trinitaire faisant de lui sans équivoque l’égal de Dieu (le Père) aux côtés duquel il est Créateur de l’univers. Ainsi, au texte de Jean 1.1-4 et 29, s’ajoutent notamment Colossiens 1.13-17 et Hébreux 1.2-3. Ni la négation de la création divine, ni non plus l’édulcoration du concept ne sauraient dès lors être une affaire secondaire qui laisserait intacte la foi chrétienne. Elles modifient l’identité du Christ des Ecritures. Il n’est plus le Christ historique dont les apôtres ont été témoins s’il n’est pas le Créateur de l’univers et des hommes, dont il est venu expier les péchés; ou bien s’il l’est seulement à titre d’image poétique – pour céder à une prétendue règle de séparation entre «le religieux et le scientifique». Or, il est significatif que les textes précités de l’évangile selon Jean, des lettres aux Colossiens et aux Hébreux ne séparent pas l’œuvre rédemptrice du Christ de son œuvre créatrice, mais les lient l’une à l’autre. Aux époques de pluralisme religieux, la nôtre certainement mais déjà celle du Nouveau Testament, il a toujours été très difficile de rendre compte, de façon convaincante, de l’exclusivité du salut en Jésus-Christ. Ces trois textes en donnent la seule raison qui soit irréfragable: il ne peut y avoir d’autre Sauveur que le Créateur soi-même. Nous n’admettrons jamais qu’un autre que nous soit la cause exclusive de notre salut si nous ne comprenons pas que le même est la cause, tout aussi exclusive, de notre propre existence. L’évangélisation a tout à perdre de l’affadissement du dogme de la création, tout à gagner de son affirmation.

Dans la seconde révélation, la Parole fut personnellement présente dans le monde qui lui doit son origine. Incarnée dans la postérité de David, elle a fait voir la personne du Créateur soi-même en grâce et en vérité dernière53 [53]. Par la création d’un univers immense, Dieu a manifesté la puissance et l’abondance avec lesquelles, en Christ (Col 1.16b-17!), il a voulu avoir du temps et de l’espace pour nous. Puis par l’incarnation du Fils, Créateur de tout ce qui existe et «en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés», il a exprimé la surpuissance et la surabondance avec lesquelles il a voulu avoir de l’amour pour nous, en sorte qu’il nous a accordé sa grâce sans manquer à lui-même (il est inséparablement et juste et compatissant). Aussi la puissance mais également la bonté et la sainteté de Dieu doivent-elles être mesurées non seulement à la création des cieux et de la terre, mais encore à son abaissement, en son Fils, pour devenir soi-même une créature, non pas qu’il eût quelque chose à prouver, mais par pure grâce envers son Eglise.

Les deux révélations sont, à la fois, distinctes l’une de l’autre et liées l’une à l’autre, comme le sont l’effet et la cause, l’œuvre et son auteur. L’unité de la révélation est un autre exemple de la pensée synthétique54 [54] de l’Ecriture (l’unicité de Dieu et ses trois personnes co-éternelles; la nature divine et la nature humaine unies dans la personne de Jésus-Christ; la Bible à la fois parole humaine et Parole de Dieu; la souveraineté de Dieu incluant la liberté-responsabilité humaine; et encore la transcendance et l’immanence de Dieu dans sa révélation). Quoique sa forme générale soit davantage concernée par l’activité scientifique, l’unité de la révélation rend artificielle toute séparation entre théologie biblique et science empirique. Une seule et même révélation donne à la fois son objet à la science et lui fixe son paradigme théiste, dont le texte suivant de Jean Calvin pourrait donner une bonne définition:

«Je confesse bien que ceux qui sont entendus et experts en science ou les ont tant soit peu goûtées, sont aidés par ce moyen et avancés pour comprendre de plus près les secrets de Dieu.»55 [55]

Deux conclusions partielles

Erreur sur la science

Il serait donc inexact, quoique courant, de suivre la trace d’un idéalisme de la connaissance56 [56] pour dire que la science invente son objet. Elle trouve son objet déjà là, donné (par Dieu) sinon il ne se présenterait pas comme la donnée d’un problème à résoudre. La science cherche à comprendre et parvient à connaître quelques-uns des secrets de Dieu. Elle accède ainsi à une approximation provisoire de la vérité car – distance Créateur-créé oblige – les actes de Dieu ne livrent jamais tout leur secret. Aussi l’horizon de la science recule-t-il au fur et à mesure qu’elle progresse; la gravité, finalement, tient plus d’une accélération (Einstein) que d’une attraction (Newton). Les secrets de Dieu précèdent la découverte toujours inachevée que peut en faire le savant et en sont indépendants, ce qui privilégie un réalisme de la connaissance.

Il ne serait pas non plus exact de parler de la science en en faisant une sorte d’abstraction personnifiée, détentrice infaillible de la vérité. Quoique cette opinion soit affaiblie par le courant postmoderne, elle demeure vivace dans certains milieux scientifiques ou non scientifiques, mais que la science fascine. La science est seulement une activité humaine; elle n’est pas séparable du savant qui a des présupposés tantôt justes, tantôt faux (il en va de même de la théologie et du théologien chrétien dont la sûreté repose sur la considération en laquelle il tient l’Ecriture). Que le savant comprenne de plus près les secrets de Dieu n’empêche pas que tous puissent, même de loin, se faire une idée juste de sa puissance:

«Il y a des enseignements infinis tant au ciel qu’en la terre pour nous attester sa puissance admirable; je ne dis pas seulement des secrets de nature qui requièrent étude spéciale et savoir d’astrologie [au sens d’astronomie], de médecine et de toute la physique, mais j’entends de ceux qui sont si apparents que les plus rudes et idiots [au sens d’ignorants] y connaissent assez, en sorte qu’ils ne peuvent ouvrir les yeux qu’ils n’en soient témoins.»57 [57]

La première révélation, étant vraiment générale, n’est pas réservée à quelques initiés; elle ne fait pas de différence entre les personnes. Il y a danger que la connaissance de quelques secrets de Dieu, sans sa louange, n’égare le scientifique dans ses raisonnements et ne le fasse dévier vers un paradigme matérialiste et vers l’adoration de la nature58 [58]. Plus il sera ambitieux quant à la connaissance de la vie et de l’univers, plus il aura besoin de garder un bon équilibre en ne sous-estimant pas les intuitions du sens commun59 [59], comme la citation ci-dessus de Calvin y invite, sans faire la moindre place à l’obscurantisme.

Une autre façon d’énoncer le paradigme théiste de la connaissance peut être la suivante: les hommes n’ont pas renoncé à la superstition après être parvenus à la science, mais ils sont parvenus à la science après avoir abandonné la superstition. De fait, la science moderne s’est développée dans l’aire européenne puis nord-américaine caractérisée par une culture judéo-chrétienne longtemps dominante. «Car tous les dieux des peuples sont de faux dieux, Mais l’Eternel a fait les cieux60 [60]

Le risque de déraison n’a jamais été et n’est toujours pas du côté de la reconnaissance d’un Dieu Créateur et de la reconnaissance envers lui qu’elle inspire, mais du côté du refus de l’une et de l’autre (voir Rm 1.21-22). La foi au Dieu trinitaire, loin d’être une fuite hors de la réalité, est la condition de sa compréhension. «Par la foi nous comprenons que le monde a été formé par la Parole de Dieu.»61 [61] Elle s’enracine dans un réalisme théiste qui concerne aussi bien l’histoire62 [62] des civilisations que les sciences de la nature. Ce réalisme permet, dans le premier cas, de savoir discerner «les signes des temps» de l’histoire et, dans le second qui nous intéresse, les empreintes intelligentes laissées par le Créateur dans les faits scientifiques.

Erreur sur la foi

Pour comprendre tout le sens du réalisme théiste et sa capacité heuristique, il est utile de l’aborder négativement par son quasi-antonyme: le fidéisme, une sorte d’idéalisme spirituel. Parce qu’il semble exalter la foi, le fidéisme tend un piège subtil. Comme M. Jourdain faisait de la prose, on peut faire du fidéisme sans le savoir; par exemple, en déclarant bien haut: «Même si Abraham n’a jamais existé, rien n’est changé à ma foi.» (Sic.) Cette déclaration remplace le Dieu des vivants (voir Mt 22.32) par un dieu des fantômes qui n’est qu’une illusion. Freud, qui en a taxé le christianisme, aurait dans ce cas raison, car l’étreinte du fidéisme est mortelle pour la foi.

Le fidéisme tient de la crédulité, la foi de la démonstration; le fidéisme n’est plus la foi qui comprend (voir Hé 11.1-3 en prêtant attention au caractère noétique des mots avec lesquels l’auteur décrit les propriétés d’une foi pure de tout fidéisme). Il signifie que la foi serait d’autant plus grande qu’elle serait sans rapport avec les faits. Il peut ainsi se glisser dans l’exégèse d’un texte biblique narratif pour la rendre symbolique. Posture d’échappatoire commode, le fidéisme exerce un attrait dans la mesure où il supprime d’emblée tout supposé conflit entre la foi chrétienne et la science; or, la foi n’a aucun conflit avec la science, mais elle en a un avec le darwinisme parce qu’il n’en fait pas partie. Le prix à payer par le fidéisme est élevé63 [63]. Il empêche de voir que les faits, dont il se désintéresse, vont contre l’évolutionnisme. Il fait donc le jeu de ce dernier. La disjonction que le fidéisme opère entre foi et faits convient d’autant mieux aux darwinistes qu’ils voudraient enfermer la foi théiste dans le domaine subjectif et privé – et réserver à la science, synonyme pour eux d’évolutionnisme, le domaine objectif et factuel, bref la réalité. On est tombé dans le piège dès qu’on sépare, avec les meilleures intentions, discours de foi et discours de science64 [64], une séparation qui fait renouer avec le dualisme de la connaissance. Avoir conscience du caractère captieux du fidéisme prépare à y résister, y compris quand la «spiritualité» lui sert de synonyme masqué. Se réfugier dans le fidéisme pour sauvegarder la foi dans un texte biblique qui, depuis Darwin, ne pourrait plus avoir de rapport avec la réalité abandonnée à une idéologie qui tient lieu de science, n’est rien d’autre qu’un sacrifice de la raison. L’application de l’intelligence aux faits scientifiques est le meilleur antidote à la propagande outrancière de l’évolutionnisme dont le mode de pensée est devenu une mode culturelle lente à passer, mais désormais sur la défensive. A sa racine, le fidéisme a abandonné l’unité des deux révélations. Il tend à troquer la foi argumentée, attentive à l’intelligence opérant selon le modèle épistémologique de Romains 1.20, qui a fait ses preuves, contre une croyance privée délaissant la réalité.

II. D’un univers conservé à sa création

Le choc des images n’avait pas encore envahi les médias au même degré qu’aujourd’hui quand Camus écrivait, de façon profonde, que «mal nommer les choses ajoute au malheur du monde». Sous-estimer le poids des mots ajoute, en effet, à la confusion. Le sens du mot «création», que sa polysémie en français rend ambigu, doit donc être clarifié. En premier lieu, il faut se débarrasser de sens du verbe «créer» qui font se méprendre sur cette action de Dieu quand il faudrait radicalement la distinguer.

Par les associations d’idées anthropomorphiques qu’il charrie, le verbe «créer» brouille une action sui generis, propre à Dieu. Elle doit être pensée comme une impossibilité humaine. Or, en français, n’importe qui peut créer n’importe quoi, un comité par exemple, contrairement à l’hébreu biblique où le verbe bara a toujours Dieu pour sujet. Au sens strict du mot, nous ne créons jamais rien. Nous nous servons toujours, non seulement de matières, mais aussi de formes déjà disponibles. La façon de les disposer peut, parfois, en faire un chef-d’œuvre. Mais, même dans ce cas, le grand artiste ne crée rien, il pose ensemble, bref il compose. Il faudrait étendre à toutes les productions artistiques le terme juste employé pour désigner l’auteur d’une œuvre musicale. L’homme d’art, de l’architecte au peintre, n’est pas un créateur, mais seulement un compositeur.

Ayant écarté l’imprécision qui banalise l’action, sans pareille, de créer, nous sommes en mesure de comprendre que le verbe et le substantif impliquent nécessairement une capacité divine et, donc, que la création, par définition, ne peut aucunement être continuée par quelque créature que ce soit, y compris l’homme65 [65].

Une création achevée, une conservation continue

L’ordre, logique et chronologique, va évidemment en direction inverse de celui du titre de cette seconde partie (qui sera justifié à la fin du second paragraphe, suivant): de la création au sens actif (le fait de créer) vers la conservation de la création au sens passif (ce qui a été créé), puisque le mot a ces deux sens en français. Or, l’usage courant les confond pratiquement. De même, la nature (création passive) suppose étymologiquement une naissance (création active). Nous avons vu, dans la première partie, que la science tirait son objet de la révélation générale faite dans la création. Il faut donc préciser: dès ses premiers balbutiements, la curiosité scientifique a porté sur la création passive. Et, aujourd’hui encore, le savant qui observe et étudie rationnellement la nature n’a pas affaire à l’action créatrice de Dieu, mais seulement à son action conservatrice (sa Providence)66 [66].

Même dans ce domaine-là, où le savant sait faire, «comprendre de plus près les secrets de Dieu» ne les dévoile pas entièrement. La création n’est pas inachevée, mais sa connaissance l’est et le restera. Il est constaté que deux corps s’attirent en raison directe du produit de leurs masses et en raison inverse du carré de leur distance et que E=mc2, mais pourquoi est-ce ainsi? A cette question que pose notre intelligence, il n’y a pas de réponse dans la matière. L’intelligence qui l’a créée peut seule expliquer la forme mathématique et la fiabilité des lois dites de la nature. A plus forte raison est-il absurde de reprocher aux critiques de l’évolution de n’avoir pas d’autre solution à proposer, car la seule solution de rechange est évidemment la création active. Avec elle, on change de domaine et, dans celui-ci, le savant n’est plus autant à son affaire; mais un semblant de science passe outre à la difficulté en simulant – en fin de compte piètrement – par une évolution de l’existant… la création qui donne l’existence.

En effet, quand partant du monde présent, conservé, le savant essaie de remonter vers son origine, il cherche cette fois à décrire la création active. Il entreprend dès lors une tâche très difficile, voire impossible:

«On ne peut concevoir l’origine de l’univers, que le terme soit pris au sens chronologique (point de vue temporel) ou fondateur, explicatif (point de vue logique). L’espace et le temps […] font partie de l’univers. Donc l’origine, en tant qu’événement, ne pourrait être considérée que dans un cadre où l’espace et le temps n’existent pas. […] Sans espace et temps, nous ne pouvons faire de science. […] Le processus fondateur de l’univers, s’il en existe un, n’a pu se dérouler dans le cadre de l’univers puisqu’il a abouti, précisément, à créer ce cadre. Si l’on veut aborder ces concepts [origine, début], il faut se placer d’un point de vue ‹hors du temps›. Mais la science – et c’est peut-être sa barrière la plus fondamentale – ne peut rien nous dire de l’intemporel.»67 [67]

Le fait est que le scientifique, comme les autres, ne peut ni observer, ni penser, ni raisonner autrement que de l’intérieur du continuum spatio-temporel créé dont il fait partie. Autrement dit, le savant est soumis à une nécessité à la fois ontologique (son statut de créature) et noétique (son recours à des catégories spatio-temporelles également créées) qui l’oblige à penser rétrospectivement les deux actions divines (créations passive, puis active) donc dans l’ordre inverse de celui de leur succession. Seul, un texte se présentant comme Parole de Dieu exprimant son point de vue, le seul qui puisse être extra-spatio-temporel et prospectif, comme le fait Genèse 1 dès son premier verset, peut suivre l’ordre logique qui devient aussitôt un ordre chronologique.

Dans le récit biblique, Genèse 2.1 (l’achèvement) compte autant que Genèse 1.1 (le commencement). L’univers n’a pas seulement commencé, il a aussi été achevé. Il a donc eu une histoire antérieure à son achèvement, puis une autre qui lui est postérieure. Il y a deux histoires distinctes qui ne doivent pas être confondues, erreur qui est souvent commise. Si on ne distingue pas la période qui va du commencement à l’achèvement de celle qui va de l’achèvement à aujourd’hui – et nous y reviendrons plus loin lors de notre réflexion sur la mesure du temps de la création active –, on n’évitera pas l’imprécision qui caractérise trop souvent le débat sur la création et qui la fait se compromettre avec une évolution apocryphe. Parce que l’on a tendance à confondre la cosmologie avec la cosmogonie, on commet l’erreur de penser pouvoir passer, sans solution de continuité, de l’une à l’autre. On ne saurait donc trop souligner l’importance de la démarcation opérée par le septième jour – nous y reviendrons aussi à propos du temps – entre l’accès soudain à l’être au moyen de la Parole de Dieu, d’une part, et la conservation d’une création achevée et désormais en régime de croisière avec la Providence à la barre, d’autre part.

La distinction, faite par la Bible, a une conséquence épistémologique capitale qui, sinon, est ignorée. Connaître la nature et le monde existants qui sont observables et susceptibles d’expérimentations est une chose. C’en est une autre de chercher à savoir comment ils sont venus à l’existence. L’objet étudié, à portée de la science dans le premier cas, échappe complètement à son observation, encore plus à toute expérience directe dans le second cas. On pourra seulement échafauder des hypothèses et élaborer des théories presque toujours invérifiables. On sort alors du domaine de la science, testable et réfutable, pour entrer dans celui d’une philosophie qui risque d’être plus spéculative que rationnelle. Il y a plus qu’un fossé, il y a un abîme épistémologique entre la connaissance des œuvres déjà créées par Dieu et conservées par lui et celle de leur création même, entre la connaissance de la façon dont les cieux, la terre et ses êtres vivants sont maintenus dans l’être et celle de leur venue à l’être. Toute recherche sur la dernière fait atteindre une frontière au-delà de laquelle on quitterait le continuum spatio-temporel pour observer sa création. La physique est alors contrainte de s’effacer devant la métaphysique, car cette frontière est évidemment infranchissable de notre côté en vertu du principe de causalité qui interdit que l’effet précède sa cause68 [68]. Mais pour le réalisme théiste, il n’y a pas de raison que Dieu, lui, ne puisse la franchir et, de l’extérieur, entrer dans sa création achevée. Il l’a fait; en notre faveur, propter nos homines; à Nazareth, en Galilée, sous Auguste: Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria virgine69 [69].

L’information créatrice et conservatrice

Pour considérer ce point, passons aux très petites dimensions en évoquant la découverte récente (1953 par Crick et Watson) de la molécule héréditaire et identitaire propre au monde vivant. Bornons-nous à retenir les composants de sa célèbre longue chaîne en double hélice: quatre bases azotées (A, T, G, C), des hydrates de carbone, des groupes de phosphates, des liaisons d’hydrogène. L’ADN est, dans le noyau de la cellule, la bibliothèque contenant le programme original qui fait, notamment, que toute vie se reproduit (et se répare) selon son espèce tout en étant individuellement unique; l’ADN est une signature biologique70 [70]. Ce programme s’exécute au moyen d’un second acide nucléique (ARN) qui en transfert une copie hors du noyau de la cellule pour fabriquer des protéines. Celles-ci constituent «l’étoffe même de la vie». «On peut se représenter la séquence linéaire d’une protéine comme une phrase constituée d’une longue combinaison des vingt lettres que sont les acides aminés. Tout comme les phrases différentes sont composées de différentes suites de lettres, les protéines différentes sont composées de différentes séquences d’acides aminés.»71 [71] Les protéines remplissent toutes sortes de fonctions biochimiques caractéristiques de la vie parce qu’elles sont chargées d’information, comme le signifie la terminologie à laquelle recourent, pour les décrire, les biochimistes.

Voici donc qu’apparaît, à côté de l’énergie et de la matière qui constituent l’espace-temps, une nouvelle grandeur, l’information. Or l’information a pour caractéristique d’être indépendante de son support matériel auquel elle ne se réduit jamais72 [72]. L’énorme quantité d’information contenue dans l’ADN et les protéines est difficilement imaginable.

«Entre une cellule vivante et le système non biologique le plus ordonné, tel le cristal et le flocon de neige, il y a un abîme aussi vaste et absolu qu’il est possible de concevoir.»

Et encore:

«Chaque noyau […] contient une base de données numériquement codées plus grande, en contenu d’information, que les trente volumes de l’Encyclopedia Britannica mis ensemble. Ce chiffre concerne chaque cellule, non toutes les cellules de l’organisme prises ensemble.»73 [73]

Cette découverte74 [74] ne doit rien au darwinisme; elle embarrasse fort les évolutionnistes, qui en sont réduits à recourir au mythe de la «soupe primitive» d’où la baguette magique de la sélection naturelle aurait fait surgir, par hasard, la première ADN, laquelle toujours par hasard aurait muté en d’autres ADN. Ce conte évolutionniste est-il crédible qui attribue au hasard deux propriétés essentielles de l’ADN: définir non seulement l’identité précise d’une espèce, mais encore celle de l’individu au sein de son espèce? Le hasard, cause fictive, est une façon dénuée de sens d’évoquer la contingence du monde vivant. Au contraire, sa contingence, elle, a un sens; elle signifie qu’il doit trouver hors de lui la nécessité intelligente qui lui fait défaut.

La raison est plus à l’aise avec le texte inspiré de l’apôtre Jean et sa pertinence: «Tout a été fait par elle (la Parole), et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle; en elle était la vie.» Evidemment, l’apôtre ne savait rien de l’ADN; mais Dieu si. Projeter sur l’apôtre un savoir qui date seulement d‘une cinquantaine d’années serait un anachronisme. En revanche, nous devons imputer à l’inspiration du Saint-Esprit le choix du vocabulaire le plus approprié dont disposait l’auteur pour signifier aussi des réalités qu’il ne pouvait pas connaître sous le nom qui leur est donné aujourd’hui. Le fait que Dieu a créé par sa Parole est caractéristique du récit du livre de la Genèse – et nous verrons ci-après que le sens profond de cette précision n’échappe pas même à un théologien pourtant enclin à suivre le darwinisme. L’apôtre Jean (qui fait du début de son évangile un écho de Genèse 1) a confirmé que la Parole-Sagesse de Dieu du texte hébreu, dont il était nourri, était personnelle (voir Proverbes 8 et, notamment, les versets 22-31). Il a, en outre, employé le mot logos signifiant à la fois parole et raison) qui avait, pour lui et pour les non-Juifs, un sens riche dans la culture hellénistique de son époque. Il n’y a pas de hasard si le mot logos est de surcroît75 [75] le meilleur pour évoquer l’information équivalente à un programme (dont un logiciel – même étymologie – est une forme). Le logos ne décrit pas la vie, il l’écrit dans la matière qu’il a déjà créée; le mot implique encore que l’information est immatérielle comme la parole ou la raison. La seule façon, linguistique, dont on puisse évoquer l’information donne à penser, et fait effectivement penser, à la Parole (de Dieu) dont elle provient.

Le lecteur contemporain de l’Ecriture a une culture. Un fait scientifique avéré, comme l’existence d’une information biologique, en fait légitimement partie. Ce lecteur contemporain lit donc la Bible à partir d’un autre arrière-plan culturel que son trisaïeul ne l’a lue. Ce faisant, il n’ajoute ni ne retranche rien à la Bible. Il en approfondit simplement la vérité invariable: «Il en va de même des auteurs de l’Ecriture que de ses lecteurs; le Saint-Esprit ne court-circuite la personnalité ni des uns ni des autres, il n’enseigne personne à partir de zéro. Il s’est servi de l’arrière-plan culturel des auteurs bibliques, des hommes réels dans des circonstances réelles, pour leur communiquer de façon adéquate le message de Dieu. De la même façon, il se sert de l’héritage culturel des lecteurs de la Bible pour leur transmettre, par l’Ecriture, la même vérité vivante.»76 [76]

Ce qui précède a donné un exemple précis de concordisme et a indiqué avec clarté en quoi il consiste et comment en faire bon usage. Or, comme nous allons le constater, il est souvent et véhémentement rejeté; mais, plus revendiqué qu’appliqué, ce rejet équivoque demande à être éclairci qui fait augurer que le concordisme n’est pas un point accessoire.

Le concordisme, une conséquence du réalisme théiste

Il y a au moins trois raisons, deux bonnes et une mauvaise, pour aborder le concordisme avec discernement. Ecartons, d’abord, la mauvaise raison. Elle refuse tout concordisme; elle entend séparer strictement ce qui relève de la foi de ce qui relève de la science. Quoique les motifs de cette séparation puissent varier, ils aboutissent à une même conséquence: un dualisme de la connaissance que le réalisme théiste nous a déjà fait repousser77 [77]. Un premier motif peut être énoncé ainsi: l’Ecriture ne dit rien dans le domaine scientifique; il n’y a donc pas à chercher un rapport quelconque entre elle et tels ou tels faits ou théories scientifiques. Un second motif dira: l’Ecriture dépend des connaissances de l’époque de ses auteurs; elles sont aujourd’hui complètement dépassées. Le premier motif, plus respectueux de l’Ecriture, sera invoqué du côté évangélique, le second du côté des partisans de l’exégèse historico-critique qui traite la Bible comme un texte seulement humain. Dans les deux cas, l’Ecriture étant incompétente en matière scientifique, le concordisme est sans objet. Dans les deux cas, aussi, la disqualification du concordisme implique un fidéisme inavoué. Réciproquement, quiconque rejette, à juste raison, le fidéisme doit savoir qu’il n’échappera pas à un concordisme qui reste à préciser.

Une première bonne raison – de ne pas faire du concordisme un système – tient à la priorité que l’Ecriture donne au Créateur par rapport à sa création, à la personne de Dieu par rapport à ses œuvres; elles le révèlent. Cette priorité ne remet pas en question le lien étroit existant entre l’Auteur et son œuvre, mais dit simplement – à l’instar des deux grands commandements – que le premier est bien premier et la seconde bien seconde. Le but de l’Ecriture, mais déjà de la révélation générale, est que les hommes reçoivent la vie éternelle qui consiste à «connaître le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ»78 [78]. C’est le secret primaire qui a été dévoilé par la révélation particulière79 [79]. On ne doit donc pas attendre que l’Ecriture dise en détail les «secrets de Dieu» secondaires.

La seconde bonne raison concerne la nature, dont il ne faut pas attendre qu’elle livre en totalité les secrets de Dieu; la connaissance scientifique ne sera jamais exhaustive. Comme Einstein a complété Newton, la connaissance de demain ajoutera à celle d’hier sans l’infirmer, si l’une et l’autre sont avérées. Il faut donc être attentif au caractère non scientifique d’une hypothèse philosophique qui prétend avoir prononcé le dernier mot (Evolution), comme le fait de plus en plus dogmatiquement un darwinisme aux abois. Notre choix est fait entre une pensée soumise à la révélation biblique et une pensée subjuguée par une idéologie qui a vieilli; les faits et la théorie scientifiques confortent, de plus en plus, la première et confondent la seconde.

L’exigence concordiste est, paradoxalement, bien illustrée par A. Houziaux. Nous avions déjà eu l’occasion de le noter: tous les chrétiens qui ont cru devoir faire une place à l’évolution tentent, quoiqu’ils s’en défendent, un concordisme avec cette théorie. A. Houziaux ne fait pas exception; il pratique constamment un concordisme évolutionniste implicite, qui devient carrément explicite dans son interprétation de Genèse 1.2680 [80]. Il refuse néanmoins d’être dit concordiste parce que, dit-il: «Les rapprochements sont au niveau des mots et des images. Ils ne sont pas au niveau des réalités et des faits décrits.» Cette manière de parler trahit un nominalisme auquel s’oppose le réalisme théiste. Mais, et c’est le plus le plus intéressant, A. Houziaux énonce sa réserve nominaliste juste après avoir constaté, comme nous, un concordisme – entre la Parole de Dieu et l’information observée de nos jours dans la nature – un concordisme qui, cette fois, n’est plus évolutionniste: «Cette notion d’information peut être mise en parallèle avec ce que la Bible appelle la Parole (Dabar en hébreu) de Dieu. Et, de fait, selon le récit biblique de Genèse 1, c’est la Parole de Dieu qui suscite l’apparition de la lumière, puis celle de la flore, de la faune, de l’homme.» Le nominalisme de l’auteur intervient donc à point pour l’excuser d’avoir invoqué l’autorité de la Bible en matière scientifique, mais il contredit alors un éclair de lucidité remarquable:

«Il faut cependant reconnaître que le concordisme et la religion naturelle [entendez la théologie/philosophie naturelle] posent une question que l’on ne peut pas éluder facilement. Si l’on prend au sérieux la confession d’un Dieu créateur du monde, on ne peut pas ne pas se poser la question de la visibilité de cet acte créateur dans le fonctionnement de l’univers tel que peut le décrire le scientifique.»81 [81]

Il est clair que le rejet du concordisme (sous-entendu non évolutionniste) exprime seulement une réticence à reconnaître à l’Ecriture une quelconque autorité en matière véritablement scientifique. Mais, on le voit encore, il est pratiquement impossible d’écarter un concordisme, dès lors qu’on ne cède pas au dualisme fidéiste. C’est pourquoi, quoique rejeté comme une «tentation […] une impasse […] une erreur»82 [82], le concordisme est néanmoins plus ou moins explicitement recherché… pourvu qu’il soit évolutionniste. Mais peut-on, dans ce cas, parler encore de concordisme quand on cherche une correspondance entre la vérité de la Parole de Dieu et une idéologie pseudo-scientifique? Le concordisme ne consiste sûrement pas à rechercher un accord mou entre une croyance inconséquente et une croyance déguisée qui, toutes les deux, font fi de rigueur, l’une envers l’Ecriture et l’autre envers la science. Il n’est pas surprenant qu’un concordisme aussi irrationnel soit pratiqué en catimini, tout en étant ouvertement désavoué.

Le concordisme – entre la Bible reçue comme Parole de Dieu et une connaissance scientifique authentique – ne doit toutefois pas être considéré comme faisant correspondre systématiquement un texte biblique, fondamentalement narratif, à un texte scientifique qui est d’abord descriptif. En ce sens-là, je serais d’accord pour dire que la Bible n’est pas un manuel de sciences. Un concordisme pertinent doit plutôt être conçu comme l’existence, logique et contraignante, de concordances entre, d’une part, la Parole de Dieu écrite (et incarnée) dans l’espace-temps et, d’autre part, le monde spatio-temporel et matériel créé, au commencement, par cette même Parole et partiellement connu, au niveau de sa conservation, par les sciences83 [83]. En ce sens-ci, je suis en désaccord avec l’affirmation que la Bible ne contiendrait pas de vérités scientifiques. Pour donner un autre exemple que celui de l’information biochimique, la théorie physique de la relativité générale – pour laquelle l’espace et le temps ne sont plus absolus mais étroitement liés l’un à l’autre et à la masse-énergie – exprime, à leur niveau créaturel, une cohérence avec un Auteur intelligent, seul absolu et pourtant capable de relations en soi-même. Les relations structurelles de la physique relativiste renvoient au-delà d’elles-mêmes aux qualités relationnelles de Dieu, d’où elles proviennent84 [84]. Le refus de ces concordances85 [85] équivaudrait, une nouvelle fois, à un fidéisme qui va de pair avec un dualisme de la connaissance. Sous ces diverses réserves, nous pouvons être sûrs que la connaissance scientifique, toujours approximative, du monde créé par la Parole de Dieu ne peut pas contredire l’Ecriture-Parole de Dieu en ce qu’elle dit clairement dans ses textes originaux86 [86]. Par conséquent, la confrontation qu’implique le concordisme doit donner la priorité à la normativité permanente du texte biblique. Je dirai encore que le concordisme est pareil à un regard d’intelligence échangé – entre le lecteur réel contemporain du texte biblique et son auteur réel de jadis – sur la connaissance de la nature, c’est-à-dire de la révélation générale, le premier se ralliant à l’avis du second, porteur d’une révélation particulière canonique.

La création de la lumière, avant celle du soleil, donne une autre illustration de la validité du concordisme tel que nous l’avons défini. Outre la note 115 ci-après, il faut mentionner ici l’intervention de Trinh Xuan Thuan, lors du Café biblique sur la création, une émission télévisée de Présence protestante (12 février 2006). Interrogé par l’animatrice pour savoir si le texte biblique n’était pas inepte en faisant tout commencer par la lumière, l’astrophysicien, qui avait déjà confirmé le commencement du monde, affirma sans ambages que «ce n’était pas une ineptie». Tranchant avec cette réponse concordiste claire, les dérobades, qui condamnent le concordisme mais le tolèrent s’il est évolutionniste, n’en apparaissent que plus incohérentes.

La création, immédiate puis médiate

L’énumération, plus haut, des composants de l’ADN n’a pas été faite sans raison. Comme la plupart des créatures de Dieu, dont l’homme, l’ADN ne fut pas créé à partir de rien. La molécule, où est enregistrée la programmation de la vie, fut créée à partir des éléments chimiques qui la composent. Le moment est donc venu de faire une distinction – que la théologie réformée calviniste fait87 [87] – entre création immédiate et création médiate. A partir du troisième jour du récit de Genèse 1, la création devient médiate:

«Que la terre se couvre de verdure […] la terre produisit de la verdure… Qu’il y ait des astres dans l’étendue céleste […] Dieu fit les deux grands astres… Que les eaux se mettent à grouiller d’êtres vivants […] Dieu créa selon leur espèce les grands monstres marins et tous les êtres vivant qui nagent […] Que la terre produise des êtres vivants… Dieu fit les animaux de la terre […] Dieu créa l’homme à son image […] L’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière du sol (2. 7).»

Pour autant, il serait tout à fait faux de penser que les choses déjà créées coopèrent aux créations ultérieures; dans le texte, l’Agent actif est toujours Dieu. Dans la création médiate, il y a certes une cause seconde, mais elle n’équivaut pas à une cause efficiente88 [88]; elle est seulement une cause matérielle. Ne pas être créé sans rien, n’empêche pas d’être bel et bien créé: le tout, qui est plus que l’addition de ses parties, est le résultat d’un acte de création. Ainsi Dieu crée encore quand il emploie l’énergie et la matière, précédemment créées, pour donner leur existence finale aux cieux, à la terre, à la vie végétale, animale et, enfin, humaine. En particulier, les variations morphologiques innombrables que le Créateur tire du grand quatuor chimique hydrogène/carbone/azote/oxygène émerveillent quant à son art pour développer, en le diversifiant abondamment, un même modèle d’organisme vivant. La volonté d’écarter toute intervention de l’intelligence divine a conduit le darwinisme à tirer la matière de son rang subordonné de simple médiation, pour lui conférer un pouvoir propre, quasi mythique, de création. D’où l’hypothèse gratuite et vaine de l’ancêtre commun unicellulaire d’une arborescence supposée des êtres vivants, alors que leur diversité, dans le traitement de formes homologues, s’explique par l’action intelligente du Concepteur commun. Nous avions déjà noté l’abondance cosmologique qui caractérise la puissance créatrice de Dieu; un autre exemple d’abondance est donné par la biodiversité produite au moyen des mêmes matériaux chimiques. Il faut y ajouter la précision qui donne un ordre à l’abondance et la protège de tout chaos. On la trouve dans des paramètres physiques (comme les 299 792, 458 km/s de la vitesse de la lumière) ou encore biochimiques (le chimpanzé et l’homme ont en commun 98% de leur code génétique, mais combien lourd pèsent les 2% qui les différencient si profondément).

Il ne serait pas non plus exact (tendance plutôt catholique, mais pas seulement) de limiter l’intervention surnaturelle de Dieu à la création de l’homme, tout le reste ayant été produit par les seules lois naturelles – introuvables, rappelons-le – de l’évolution. Cette concession flatteuse mais erronée conduit à souligner l’importance de la première distinction faite. Avec la création médiate, on n’est pas encore entré dans l’action de conservation du monde créé, la seule à portée de l’observation humaine; on est toujours dans la création active et on a toujours affaire à des actes de création, certes seconds, mais néanmoins rebelles à une confirmation empirique, encore plus à toute reproductibilité. Le savant sait de quoi sont faits (la médiation des éléments chimiques antérieurement créés) les plantes, les poissons, les oiseaux, les animaux et le corps humain; mais personne n’est près de savoir faire, ni aucun mécanisme naturel ne peut faire (l’acte de création médiate de Dieu) un premier chêne, ou turbot, ou dauphin, ou cygne, ou éléphant, ou gorille, ni un premier homme et sa femme.

Penser que «Dieu a pu utiliser un mécanisme évolutif pour accomplir son plan créationnel»89 [89] trahit la naïveté du raisonnement concordiste évolutionniste car, enfin, une telle supposition est infondée à deux égards. Scientifiquement, elle prend pour démontré un mécanisme qui ne l’a jamais été (voir, entre autres, l’opinion de K. Popper à laquelle renvoient les notes 42, 43 et 45). Théologiquement, elle méconnaît que la création, médiate comme immédiate, n’est pas produite par un processus naturel, mais par le propos créateur de Dieu: «Il dit, et la chose arrive; il ordonne, elle est là » (Ps 33.9 NBS). Enfin, elle oublie que la révélation scripturaire ne nous invite guère à imaginer ce que Dieu aurait pu faire pour alimenter notre spéculation, mais nous dit plutôt ce qu’il a fait pour nourrir notre connaissance.

La création de la lumière/énergie et de ses corollaires – l’espace/temps et la matière – a bien été, elle, une création première, sans aucun matériau, bref immédiate. C’est ce que le vocabulaire théologique classique a voulu exprimer au moyen de l’expression latine ex nihilo. Comme, à strictement parler, de rien il ne peut rien sortir, il serait préférable de dire «sans rien», à défaut d’employer l’expression ex Deo qui serait la meilleure90 [90]. Les cieux et la terre ont existé en puissance dans l’Esprit de Dieu avant que sa Parole ne les fît exister en acte (Gn 1.2-3ss).

Avec la création immédiate de la lumière/énergie, l’univers commence. Il faut considérer comme tout à fait exceptionnel qu’une expérience ait pu récemment être faite, qui a confirmé indirectement que l’univers a commencé. Selon le modèle théorique standard – élaboré durant la première moitié du XXe siècle – l’univers immense que l’on observe est le résultat d’une expansion à partir d’un commencement où l’espace-temps avait une dimension proche du néant (l’époque de Planck), mais possédait une densité et une énergie extrêmes. Quoique la plus probable, la théorie suscita l’opposition des savants qui voulaient maintenir le modèle qui avait prévalu jusque-là: le modèle stationnaire (un monde éternel) qui, à leurs yeux, avait l’avantage considérable d’éviter toute idée de commencement. Est-ce parce que l’idée était scientifiquement inconcevable? Non, puisque la nouvelle théorie la prenait en compte. Mais elle évoquait le premier mot de la Bible et laissait donc craindre un retour à la théologie/philosophie naturelle que la croyance/philosophie naturaliste athée, à laquelle le darwinisme sert de couverture pseudo-scientifique, était censée avoir supplantée. Le modèle stationnaire, défendu notamment par Hoyle, était donc «au sommet de sa popularité»91 [91] au début des années 1950. En effet, une conséquence du modèle standard, quoiqu’elle fût susceptible d’être vérifiée par l’expérience, ne l’avait pas encore été. Et personne ne se souciait vraiment de le faire. Elle le fut donc accidentellement – première ironie – en 1965 par Penzias et Wilson qui jusque-là étaient des partisans du modèle stationnaire de Hoyle – seconde ironie. Leur découverte, le rayonnement cosmique de fond de l’univers à 3,5 K92 [92], leur a valu le prix Nobel de physique en 1978. Elle représente un bon exemple de science empirique à caractère hypothético-déductif et ne doit rien à la théorie évolutionniste93 [93]. La plupart des partisans du modèle stationnaire reconnurent leur erreur; certains se réfugièrent dans la chimère d’un univers en oscillation perpétuelle94 [94]. Les évolutionnistes s’empressèrent de minimiser l’expérience de 1965, en recourant à des raisonnements alambiqués développant des arguties sur un univers qui aurait commencé… sans commencer95 [95].

Du temps et de sa mesure

J’ai gardé pour la fin la question difficile, et à bien des égards déconcertante, du temps. Méthodologiquement, il eût été stérile de l’aborder en premier. Comme saint Augustin l’avait déjà remarqué, vous croyez savoir ce qu’est le temps jusqu’au moment où l’on vous demande de le définir. Le physicien contemporain confirme cet embarras: «Notre expérience quotidienne du temps touche à certains des plus épais mystères de l’univers.»96 [96] Le présent est si fugitif qu’il dévore constamment le futur pour le digérer aussitôt en passé. Le présent meurt en naissant. D’autre part, le présent «imbrique contradictoirement la permanence et le changement»97 [97]. Aristote avait eu une intuition exacte en y voyant «le nombre du mouvement selon l’avant et l’après», mais «l’arrêt du mouvement n’équivaut pas à l’arrêt du temps: un objet immobile est tout aussi temporel qu’un objet en mouvement»98 [98]. En effet, tout objet se déplace également dans le temps, de telle sorte que «la vitesse combinée de son mouvement dans l’espace et de son mouvement dans le temps est toujours précisément égale à la vitesse de la lumière». Il en résulte que «la lumière […] représente un cas particulier, puisque son mouvement se fait toujours uniquement dans l’espace», ce qui signifie que «le temps s’arrête quand on voyage dans l’espace à la vitesse de la lumière»99 [99]. Tout ceci est la conséquence du lien qui noue étroitement ensemble le temps et l’espace et même le temps et la matière, selon la théorie de la relativité d’Einstein. Des notions temporelles courantes, comme la simultanéité et la durée, en sont profondément bouleversées. La mesure du temps est, en fait, beaucoup plus complexe que dans notre expérience habituelle; en outre, la lumière et sa vitesse remplissent une fonction de coordination déterminante entre les deux composantes d’un seul et même espace-temps.

A ce point de notre réflexion – et à ce point seulement –, nous devons essayer d’examiner, sur des bases à la fois plus claires et plus sûres, la question de la durée de la création active, jusqu’ici laissée de côté. Six étapes… Il a provisoirement été substitué au mot du texte biblique un mot sans durée. En effet, il n’y a pas de consensus parmi les chrétiens y compris évangéliques sur la durée de la création active, d’autant moins que cette dernière n’est le plus souvent pas distinguée de la création passive. Le désaccord porte sur l’interprétation du mot «jour» dans le texte de Genèse 1. Restent finalement en présence deux exégèses opposées. Pour les uns, le texte doit être lu comme la narration de faits; il n’a pas une forme poétique – comme par exemple le Psaume 104 – il est un récit et il contient une chronologie comptée en jours solaires100 [100]. Pour les autres, le texte est au mieux un poème, au pire un mythe ou un conte101 [101]. Des chrétiens évangéliques penchent du côté d’un texte poétique. Ils semblent ainsi ne percevoir ni leur fidéisme ni la dangereuse ambiguïté de la notion de poème (et de mythe même revisité). Que l’on pense à l’empressement condescendant avec lequel les évolutionnistes sont prêts à laisser les chrétiens se bercer d’une vision poétique des choses, qui leur fait appeler création divine ce que la sélection naturelle, le hasard et le temps auraient, en fait, seuls réellement accompli. Comme la lecture poétique et quoiqu’elle reconnaisse au texte un genre composite où domine le récit, l’interprétation littéraire102 [102] de Genèse 1 a pour conséquence d’exténuer la portée scientifique du texte et d’émousser son tranchant temporel.

A première vue, une interprétation symbolique des «jours» de Genèse 1 peut sembler sauvegarder l’autorité de l’Ecriture, quoi qu’il advienne, puisqu’elle se veut neutre par rapport à toute chronologie, ce qui lui donne un attrait peut-être trompeur. Cette interprétation ne peut-elle, en effet, être taxée de facilité? Ne peut-on pas aussi lui reprocher de réduire l’autorité biblique à une apparence, en vidant de tout contenu concret un mot – au sens temporel encore précisé par la succession des soirs et matins – six fois répété? L’exégèse symbolique «a l’inconvénient de rayer la notion de chronologie que suggère l’ordonnance des six jours qui semblent se faire suite les uns aux autres»103 [103]. Sa neutralité même est d’ailleurs contestable car (1) elle est contraire au réalisme théiste de l’Ecriture et (2) n’est-elle pas en fait très orientée? En effet, si les «jours» ne sont pas des jours solaires successifs, pourquoi ne représenteraient-ils pas symboliquement aussi bien six heures ou même six minutes? D’un point de vue théorique, théologique comme scientifique, Dieu aurait pu créer l’univers en de tels laps de temps104 [104]. Si Dieu, par hypothèse, aurait pu créer en six minutes, il n’est guère satisfaisant de passer à l’extrême opposé. Finalement, il faut bien constater que l’interprétation symbolique des «jours» de Genèse 1 se démasque: elle sert à ménager un concordisme évolutionniste, à peine tacite, selon lequel l’âge de l’univers se situerait entre 10 et 15 milliards d’années. Cet âge immense – avec une marge d’erreur qui ne l’est guère moins – est cependant, mathématiquement, encore insuffisant pour rendre crédible le rôle du hasard dans la théorie évolutionniste. Le rôle qu’y tient le hasard empêche d’ailleurs de dire que le darwinisme est scientifique, ne serait-ce que comme simple hypothèse, car le hasard est totalement incompatible avec l’organisation biocentrique si précise de l’univers, admise à contrecœur comme auto-complexification – ce qui attribue gratuitement à la matière un projet intelligent.

Certes, il y a, pour l’interprétation du temps dans Genèse 1, deux grandes difficultés mais elles ne sont pas du même ordre. L’une est externe, l’autre interne. La difficulté externe au texte tient à la pression intellectuelle qu’exerce encore un évolutionnisme désormais vieillissant. Le statut du temps est considérablement surévalué par l’évolutionnisme (et par ceux qui en subissent l’influence) pour lequel il devient une entité co-créatrice aux côtés de la sélection naturelle et du hasard. Le gradualisme darwinien a désespérément besoin (quoique en vain, comme il vient d’être rappelé) d’une chronologie en millions et milliards d’années.

Or, il faut bien admettre que l’on est encore très loin de tout savoir sur la façon dont l’univers est devenu tel qu’il est et, donc, sur son âge. Il est théoriquement acquis que l’expansion de l’univers a décéléré «que l’on peut chiffrer approximativement entre 10 et 20 milliards d’années, durée que l’on nomme – abusivement – âge de l’univers»105 [105]. Nous verrons plus loin en quoi consiste cet abus. Il ne faut pas perdre de vue la difficulté de mesurer la durée d’un événement qui, non seulement, fait commencer le temps, mais encore lui assigne un cours qui est propre à cet événement. Parce qu’ils concernent un tel événement, c’est-à-dire la création active de son début à son terme, les six jours de la Genèse ne sont pas invraisemblables et ils n’invalident sûrement pas une théologie rigoureuse, qui entend garder cette question d’autant plus ouverte qu’elle n’est scientifiquement pas close.

Il reste toutefois la difficulté interne que l’on peut toutefois résoudre d’une façon dépassionnée, une fois levée l’hypothèque de la difficulté externe. Comment le jour du verset 5 peut-il être un jour de 24 heures, ce qui suppose, par définition, une terre en rotation sur elle-même et autour du soleil en un an? Or, le soleil n’existe pas avant le verset 14, au quatrième jour, et la terre non plus avant le verset 9, au troisième jour106 [106]. La contradiction est si apparente qu’elle n’a pas pu échapper à l’auteur de la Genèse, dont le récit est très construit107 [107]. Si elle est volontaire, comme je le pense, l’auteur veut nous faire comprendre quelque chose et la solution doit être dans son texte.

L’arbre peut cacher la forêt. Obnubilé par la dispute philologique autour de la durée du «jour», on a le plus souvent été empêché de voir que le texte parle, avec un réalisme très fin, du temps et de sa création qui suit immédiatement celle de la lumière. Le texte ne dit pas «Le premier jour, Dieu dit que la lumière soit!», ce qui signifierait que le temps existait déjà. Le texte dit «Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut […] il y eut un soir, il y eut un matin, premier jour […] il y eut un soir, il y eut un matin, second jour […] il y eut un soir, il y eut un matin, troisième jour », etc. Tic-tac, tic-tac, tic-tac… Une horloge est désormais en marche, car le temps a commencé à exister et donc à se décompter. Il est décompté dans un ordre irréversible (nous aurons à reparler de l’irréversibilité du temps) exprimé par les chiffres 1 à 6. Le commencement du monde, et du temps, a lieu au jour 1. Il n’y a pas de jour 0, puisque 0 équivaut à rien. Genèse 1.1 affirme avec force une relation non pas chronologique mais purement logique: ayant été créés, les cieux et la terre sont liés à Dieu par une relation de dépendance irréversible. La chronologie commence seulement en Genèse 1.3-5. Désormais, le temps ne cessera plus d’être mesuré, ce qui ne veut pas dire qu’il le sera nécessairement avec la même horloge, car il n’y a pas d’horloge absolue. Il est décompté dès le jour 1, mais il n’y a alors pas d’autre horloge que la lumière pour le mesurer. De même que Dieu a créé la lumière sans le soleil, il l’a créée sans le temps.

Etant à l’intérieur du continuum, l’homme ne peut penser ni avant le temps ni hors de l’espace – comme le signifient ces deux prépositions, dans ce cas impropres, car elles supposent l’existence de l’un et de l’autre – mais seulement avec le temps et dans l’espace. Nous devons donc faire quelque effort – une litote – pour comprendre un fait au demeurant lumineux pour l’intelligence: Dieu n’a créé ni avec le temps ni dans l’espace, mais il a créé la lumière/énergie qui a eu l’un et l’autre pour corollaires. C’est pourquoi l’un et l’autre se définiront désormais par rapport à la lumière. Elle «est le coefficient de proportionnalité qui permet d’échanger coordonnées d’espace et de temps»108 [108]. La remarque suivante peut aider à comprendre un peu mieux. Le temps nous manquerait pour parcourir un espace qui semble définitivement nous refuser l’ubiquité. Mais est-ce bien un manque de temps, ne serait-ce pas plutôt un manque de vitesse? En s’y déplaçant à une vitesse encore plus élevée que la vitesse actuelle de la lumière, on serait présent partout au même instant. La façon dont nous venons de parler indique que le temps et l’espace sont deux aspects d’une seule et même réalité109 [109] créée par Dieu où la lumière, sa première créature, joue un rôle fondamental par sa vitesse.

En plaçant, au quatrième jour, la création du soleil et de la lune, l’auteur de la Genèse nous semble avoir eu une double intention. L’une d’elles, polémique et souvent mentionnée, désacralise les astres: faits par Dieu, ils n’occupent même pas le premier rang de ses créatures; ils ne méritent donc pas d’être divinisés et leur culte ne peut être qu’idolâtre. Mais l’autre intention semble rester inaperçue, quoique présente dans le texte qui précise que ces astres «sont des signes pour marquer les… jours et les années». Autrement dit, ils sont l’horloge des jours (le soleil), des mois (la lune) et des années (le soleil). Comme l’auteur sait très bien qu’il a précédemment parlé de jours, en l’absence de cette horloge-là, il nous invite à en conclure qu’il n’y a pas eu besoin de l’horloge solaire pour mesurer le temps, du début de la création à son achèvement à partir duquel, étalonnée, elle sera mise en mouvement. Ce qu’il suggère fortement ici devient tout à fait explicite au Psaume 90, attribué aussi à Moïse, et dont le verset qui nous intéresse est précisément placé dans le contexte de la création: «Avant que […] tu aies donné un commencement à la terre et au monde, D’éternité en éternité tu es Dieu […] Mille ans sont, à tes yeux, comme le jour d’hier quand il passe, Et comme une veille de la nuit.» Qu’est-ce à dire? Le texte affirme expressément que Dieu est souverain sur le temps, sa créature, mais, plus précisément encore, sur sa mesure. Nous avons appris de la théorie de la relativité que le temps n’est pas absolu dans la création conservée, a fortiori l’est-il encore moins dans la création en train de se faire.

Dans ces conditions, il faut poser correctement la question de la durée de la création active et se garder de raisonner, à propos de l’action du Créateur du continuum spatio-temporel, de façon anthropomorphique, c’est-à-dire comme des créatures qui en font partie et y trouvent leurs limites (suite du Psaume 90, versets 5-12). N’est-ce pas cette mise en garde que fait le texte de Job 38.2-4ss avec un argument d’une logique irrésistible («Où est-ce que tu étais quand je fondai la terre? Dis-le-moi puisque tu es si savant», verset 4, TOB) à laquelle aucun discutailleur ne peut répliquer (42.2)?110 [110] La question ne doit pas être posée de cette façon, comme si Dieu était dépendant du temps: combien de temps a-t-il dû prendre? Mais de la façon qui convient à celui qui, créant, accomplit l’acte souverain par excellence: combien de temps a-t-il décidé de prendre pour donner l’être à tout ce qui existe, à la lumière, au temps, à l’espace, à la matière, bref aux cieux et la terre et à ce qu’ils contiennent? Lui seul peut le dire111 [111]. Et, si Dieu veut bien le dire, ne sera-ce pas dans l’Ecriture, car sa révélation générale qui rend possible une connaissance scientifique de la création conservée ne permet aucune observation directe de son action proprement créatrice?

A son insu, Voltaire vient ici en aide aux sceptiques. Ceux qui doutent qu’une semaine puisse suffire à Dieu pour créer l’univers, la terre et ses habitants, comme la Bible le dit, pourraient se rappeler l’erreur du philosophe112 [112] du XVIIIe siècle. Il tournait en dérision le texte de Genèse 1 parce que la lumière y est créée avant le soleil113 [113]. Mais Voltaire se trompait et la Bible avait raison: selon le modèle théorique standard (XXe siècle), la lumière a existé bien avant les étoiles dont le soleil. Je doute qu’il faille encore que deux siècles s’écoulent avant que l’évolutionnisme ne s’écroule et que la théorie scientifique n’intègre – après une résistance désespérée, toujours pour la même raison: trop de proximité, trop de concordance avec la Bible – de nouvelles hypothèses par rapport auxquelles une création soudaine et courte ne pourrait plus être taxée d’invraisemblance.

Préoccupé à tort de donner une durée indéfinie au septième jour, on risque de nouveau de passer à côté du point le plus important. Selon Genèse 2.2, le septième jour marque expressément l’achèvement de l’activité proprement créatrice de Dieu: il «cessa (littéralement) ce jour-là toute l’œuvre qu’il faisait». Le septième jour marque une rupture entre deux activités de Dieu, la fin d’une activité et le commencement d’une autre. Dieu ayant cessé de créer au septième jour n’en continua pas moins de travailler, mais dorénavant à conserver en l’état sa création: 

«Dès le commencement, Dieu a montré qu’il n’y a nul être sinon en lui et, comme le tout en dépend et procède, qu’aussi il faut que ce qu’il a créé soit conservé par lui: car nous reviendrions à notre commencement, à savoir à rien, sinon que notre Seigneur continuât en nous ce qu’il a commencé, c’est-à-dire qu’il nous maintînt ainsi en notre état. Et ainsi cet état continuel que nous voyons en l’état de nature, n’est pas moins l’œuvre de Dieu que la création première quand nous avons bien tout regardé [au sens de considérer]. Et quand il est parlé de la création du ciel et de la terre, connaissons qu’en cela est compris ce qu’il conduit et gouverne toutes les choses qu’il a faites, comme notre Seigneur Jésus-Christ dit (Jean 5.17)114 [114]

Et la cessation, au jour 7, d’une répétition comparable au tic-tac d’une horloge «il y eut un soir, il y eut un matin» indique que la façon, souveraine, de mesurer le temps qui est propre à la création active, s’achève aussi avec celle-ci.

Le concept biblique d’achèvement pose ainsi, en aval, une limite à la durée durant laquelle Dieu crée souverainement. Il implique un Agent intelligent ayant un projet – ce que le texte exprime par la succession des «Dieu vit que cela était bon», où l’Auteur évalue son œuvre par rapport à son intention et constate, chaque fois, que le premier jet est identique au projet. Le concept d’achèvement fait défaut à l’évolutionnisme. Le prétendu «fait» de l’évolution, vœu pieux de la religion naturaliste, suffirait à expliquer qu’il n’est pas observable; mais, en outre, la théorie évolutionniste étant dépourvue non seulement d’un terminus a quo (le jour 1), mais surtout d’un terminus ad quem, comparable au septième jour, elle est incapable de dire pourquoi la sélection naturelle et les mutations aléatoires ont faussé compagnie à leur compère le temps qui, lui, égrène toujours ses siècles.

Si le cours du temps n’a pas été uniforme, de la création active de l’univers à sa conservation ultérieure jusqu’à aujourd’hui, il devient de plus en plus problématique d’égaler la dimension de l’univers à son âge. Or «un aspect nouveau et important de la cosmologie «inflationnaire» est qu’elle décrit une courte période durant laquelle l’expansion de l’espace se fait à une vitesse supérieure à celle de la lumière.115 [115] Il faut, en effet, que la lumière ait été encore plus rapide pour expliquer l’expansion de l’univers. Avant de se stabiliser par décélération à sa valeur actuelle, la vitesse de la lumière, horloge principale de la création active, a donc varié, qui est aujourd’hui une constante fondamentale de la physique. Du coup, est invalidé un type de raisonnement uniforme, qui devient inapproprié, ce que prévoyait l’interruption du septième jour qui sépare la cosmogonie de la cosmologie entre lesquelles il n’y a pas de mesure commune du temps. Parce qu’on avait constaté l’uniformité des lois de la physique dans l’univers achevé – elle contribue à sa conservation116 [116] – on avait jusqu’ici considéré que les lois actuelles de la nature avaient toujours été invariables; et, de là, conclu qu’elles pouvaient s’appliquer uniformément à son passé pour l’expliquer.

Cet uniformitarisme aboutit à un raisonnement circulaire: le passé explique le présent et le présent explique le passé. Des scientifiques l’admettent: «Beaucoup d’assertions en physique, comme […] l’uniformité du temps […] sont effectivement, dans une certaine mesure, circulaires.»117 [117] Magueijo évoque un chiffre vertigineux pour la vitesse initiale de la lumière mais, intellectuellement marqué par l’évolutionnisme, il en tire des conclusions complètement extravagantes118 [118]. Or, à une vitesse de la lumière bien supérieure, propre à la création active, le trajet dans l’espace fut certes immense et explique son expansion119 [119]. Mais la même vitesse implique un mouvement dans le temps, tout aussi distinctif de la création active, extrêmement lent et, donc, un temps parcouru très court durant lequel la complexification de la matière fut intense pour créer la terre, sa flore, sa faune et l’homme. Une vitesse cosmogonique de la lumière supérieure à celle d’aujourd’hui entraîne donc que la dimension de l’univers achevé, mesurée à la vitesse de 300 000 km/s, et son âge ne coïncident pas; l’univers en est considérablement rajeuni120 [120].

Enfin – ultime leçon du texte si dense de Genèse 1 – il décrit le cours du temps de la création active de telle sorte qu’il associe étroitement la succession des soirs et des matins (les six jours) à une Parole de Dieu, qui produit chaque fois de nouvelles créatures. Si «l’évolution créatrice» a seulement été un fantasme philosophique, l’information créatrice fut une réalité théologique, physique et biologique. Le temps, par le trajet qu’il a mesuré d’un jour à l’autre, n’a rien produit, mais il a marqué la succession de paroles qui furent, elles, créatrices. Chaque «Dieu dit» a correspondu à la transmission d’une extraordinaire quantité d’informations qui eut pour effet de créer un univers extrêmement ordonné121 [121]. La physique moderne renverse le mythe grec du chaos originel au profit «d’un univers naissant extraordinairement ordonné […] d’origines hautement ordonnées de l’univers»122 [122]. La conséquence fut une caractéristique du temps appelée sa flèche. La flèche du temps élimine un autre mythe, celui du temps cyclique. «La flèche du temps a pris son envol dans l’état hautement ordonné, de très basse entropie, de l’univers des premiers instants.»123 [123]

Pour la physique, il y a «une parenté étroite entre les trois concepts a priori différents de flèche du temps, de désordre mesuré par l’entropie, et de connaissance mesurée par l’information»124 [124]. «L’interprétation de l’entropie comme un manque d’information à l’échelle microscopique [et de] l’irréversibilité […] comme la manifestation à notre échelle d’une perte d’information»125 [125] permet de se faire une idée du réalisme avec lequel l’Ecriture évoque, à maintes reprises, la souveraineté de Dieu sur une création qui relève de lui. Dieu la connaît parfaitement, sans la moindre perte d’information. Ses miracles gracieux en faveur de ses élus sont, à notre échelle, des prodiges, mais ils ne font que manifester sa maîtrise totale de l’information qu’il a mise dans sa création et, donc, sa capacité à même, exceptionnellement, inverser la flèche du temps (résurrections du fils de la veuve de Naïn, de la fille de Jaïrus et de Lazare). Jésus n’a pas souvent revendiqué sa divinité, mais il a accompli, de façon soudaine126 [126], de nombreux miracles qui témoignent de son identité transcendante avec la Parole créatrice.

CONCLUSION

En raison de la grâce commune, une erreur, quelque grande qu’elle soit, n’est souvent jamais totale. Il y a ainsi, dans l’évolutionnisme, trois bribes de vérité qui lui permettent d’enfoncer, à grand bruit, des portes ouvertes par l’Ecriture Sainte. Les cieux, la terre et ce qu’elle renferme ont eu une histoire, mais Genèse 1 le dit qui donne l’équivalent de six jours à leur accès soudain à l’être, qui n’a pas été une lente évolution dans l’être. Tout l’univers, y compris la vie sur la terre, a été édifié avec les mêmes briques chimiques, mais Genèse 1 le dit qui, dès le troisième jour, décrit une création médiate à partir de la matière. Enfin, les variations, au sein d’une même espèce, supposent un ancêtre commun, mais Genèse 2 (cf. aussi Ac 17.26) le dit qui donne un ancêtre commun à la diversité du genre humain et le nomme.

Sinon, la théorie de l’évolution devait nécessairement échouer en raison d’un vice constitutif rédhibitoire: l’ambition scientiste de décrire et d’expliquer l’origine de la réalité. Or, qu’elle soit immédiate ou seulement médiate, la création active ne peut être décrite que par son Auteur et expliquée que par sa Parole. Newton, Maxwell, Einstein et bien d’autres savants ont réussi, parce qu’ils ont décrit la réalité au stade de sa conservation; l’échec de Darwin confirme cette limite de la science. Elle n’a pu trouver aucune loi de la nature susceptible de créer quoi que ce soit, parce que les lois de la nature, comme nous disons, s’appliquent à la conservation de la création achevée. En fait, elles ne sont pas autre chose que la Parole de Dieu agissant de façon immanente et, donc, scientifiquement observable. Au contraire, l’acte de création, qui a fait passer à l’être, a été un acte de la Parole de Dieu agissant d’une façon transcendante, laquelle est définitivement hors de portée d’observation et de science. La prétention darwiniste d’avoir trouvé le mécanisme qui donnerait une explication scientifique de «l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle» se réduit à en donner l’illusion au moyen d’un interminable simulacre de leur création divine soudaine.

Le scientisme naturaliste est, avec le darwinisme, parvenu à son faîte. Sa chute n’en sera que plus dure, car «en prétendant un voile de nature, laquelle ils font ouvrière et maîtresse de toutes choses, ils mettent Dieu à l’écart»127 [127]. Or, la Parole, qui est Dieu, est dans le monde, non qu’il se confonde avec elle, mais parce qu’il a été fait par elle et ne subsiste que par elle (Jn 1.10, Hé 1.3a).

Toute la révélation de notre grand Dieu a lieu à la fois par (c’est la première révélation) et dans (c’est la seconde révélation) le monde, qui est tout entier sa créature.

L’unité de la grande révélation de Dieu, dans la théologie réformée, a permis de repousser tout dualisme de la connaissance, qui risquerait d’affaiblir durablement la foi des chrétiens. Sous la forme des deux discours (de science et de foi), ce dualisme tombe dans le terrain favorable d’une spiritualité privilégiant les émotions et les expériences subjectives; et il ne tarde guère à réveiller un fidéisme latent. Sous la forme du pourquoi et du comment (le premier réservé à la foi, le second à la science), le dualisme est tout aussi faux, car il masque d’un côté que la nature créée est signifiante et de l’autre que l’Ecriture rapporte des faits. Ainsi trouve-t-on, d’une part, l’intelligibilité de l’univers, qui renvoie à une Intelligence au-delà de lui-même, et le principe anthropique des physiciens qui fait de la terre – naïvement dite décentrée depuis Copernic – le centre téléologique de l’univers. Et, d’autre part, nous trouvons, dans l’Ecriture, le comment le plus important, jusque dans ses conséquences observables dans la création conservée: le comment de la création active, au moyen de la Parole de Dieu, qui produit l’univers en transmettant ex Deo une information générale gigantesque (pour l’énergie et à la matière) et une information particulière encore plus grande (pour la vie); leur rémanence les rend l’une et l’autre observables par les sciences exactes contemporaines.

Le fil d’Ariane, qui nous a permis de ne pas nous perdre dans le labyrinthe des origines128 [128] et de ne pas céder à la facilité illusoire d’un compromis129 [129] pourrait être décrit par ces mots de Th. Torrance:

«Dans l’interprétation des Ecritures, nous sommes renvoyés à la vérité de la Parole de Dieu; nous devons lui consentir de garder son poids et sa majesté propres, fût-ce contre nous; pour la comprendre, nous devons lui consentir de s’imposer à nous et donc aussi de remettre en question nos préconceptions et d’autres autorités jusque-là vantées.»130 [130]

Le réalisme théiste fait sortir la foi des chrétiens de la clandestinité de la subjectivité où l’on voudrait l’enfermer et où elle est parfois près de se laisser enfermer. C’est la rupture avec la réalité. Ou bien ils peuvent être tentés par un accommodement illusoire avec une conception controuvée de la réalité. Et c’est la rupture avec la vérité. Le réalisme théiste de la foi réformée évite l’une et l’autre ruptures. Ayant été libérée de tout excès d’idéalisme et de toute illusion scientiste, l’intelligence peut alors constater combien les progrès de la science, quelque tâtonnants131 [131] qu’ils soient, témoignent que l’univers ayant eu un commencement est la réalisation d’un «Projet intelligent». De l’infiniment grand à l’infiniment petit, l’univers, puisqu’il doit son existence à Dieu par création, porte la marque de son origine transcendante.

«Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car tu as créé toutes choses, et c’est par ta volonté qu’elles existent et qu’elles furent créées.» (Ap 4. 11)

1 [132]

* J.-P. Dunand habite à Paris. Il est licencié ès lettres, diplômé de l’Ecole nationale de la santé publique, directeur honoraire d’hôpital.

Conférences données au Colloque biblique francophone de Belley (Ain), en avril 2007, dans un style évidemment plus oral.

2 [133] «Au milieu du XXe siècle, le dogme de la création était devenu le dogme le plus négligé de la foi chrétienne, au point que certains se sont même demandé si cette doctrine ne devait pas être considérée comme périmée.» J. Arnould, Dieu versus Darwin (Paris: Albin Michel, 2007), 34.

3 [134] Voir sur ce point N. Pearcey, Total Truth, Liberating Christianity from is Cultural Ccaptivity [Une vérité qui embrasse tout, libérer le christianisme de sa prison culturelle] (Chicago: Crossway Books, 2004). Voir aussi L. Newbigin, Truth to Tell, the Gospel as Public Truth (Grand Rapids: Eerdmans, 1991).

4 [135] Le Monde, 29 octobre 2005.

5 [136] Le Point, 15 décembre 2005, 62.

6 [137] La Recherche, magazine mensuel sur l’actualité des sciences, avril 2006, 30.

7 [138] The Times, 22 juin 2006. Les scientifiques évolutionnistes allèguent le prétendu fait de l’évolution pour tenter de contrer l’enseignement créationniste qui se répand dans les écoles privées britanniques.

8 [139] Le Monde, 20 octobre 2006.

9 [140] Le Point, 4 janvier 2007, 65.

10 [141] Sous-titre du livre de J. Arnould, op. cit. Malheureusement, sa rédaction entérine la confusion entre évolutionnisme et science.

11 [142] Le Monde, 2 février 2007, à la suite de la diffusion du livre de Harun Yahya, L’Atlas de la création, dans les établissements d’enseignement.

12 [143] «Je suis d’abord tenté d’imiter la réaction de mes collègues évolutionnistes: un rejet franc et agacé de ces énergumènes qui, en défendant coûte que coûte les récits bibliques, empêchent […] les théories de l’évolution d’être enseignées aux jeunes générations. Puis, je me souviens qu’il s’agit de croyants, le plus souvent de chrétiens tout comme moi, qui lisent la même Bible que moi et confessent la même foi en Jésus-Christ. Il faut aller y regarder de plus près.» J. Arnould, op. cit., 7. A comparer avec le mépris du pasteur L. Pernot [dans Sciences et conscience, ouvrage collectif sous la direction d’A. Houziaux (Gordes: Albin Michel, 1999), 95-96] et avec l’agressivité de J. Humbert (dans Création/Evolution, faut-il trancher? (Méry sur Oise: Sator, 1989), 125, 151, 155-157) à l’égard des créationnistes.

13 [144] L’Esprit de l’athéisme (Paris: Albin Michel, 2006), 101, 130, 133. Les propos du philosophe français, élevé catholique et devenu transfuge, sont comme un écho à la déclaration du zoologiste évolutionniste britannique R. Dawkins: «Grâce à Darwin, nous pouvons désormais être des athées intellectuellement comblés.»

14 [145] J.-P. Dunand, «L’évolutionnisme: d’un succès ambigu à une nouvelle critique radicale», Hokhma, 88 (2005), 22.

15 [146] Cité par T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques (Paris: Flammarion, 1983), 40.

16 [147] C’est faire appel à un «Dieu bouche-trou» (God of the Gaps) auquel Darwin (cité dans J.-P. Dunand, art. cit., 28), ici conséquent, estime inepte de recourir à l’appui de la sélection naturelle. Car si l’évolution crée, Dieu est inutile; mais, puisqu’elle ne crée rien, Dieu n’en a que faire.

17 [148] La définition officielle (1995) de l’évolution par l’Association nationale américaine des enseignants de biologie est la suivante: «La diversité de la vie sur la terre est l’aboutissement de l’évolution: un processus naturel, imprévisible, impersonnel, non dirigé, de reproduction dans le temps, comportant des modifications génétiques, résultant de la sélection naturelle, du hasard, des circonstances historiques et des changements de l’environnement.» Cité par Ph. Johnson dans Comment penser l’évolution? L’intelligence contre le darwinisme (Valence: Ligue pour la Lecture de la Bible, 2003), 16. Cette définition récente montre qu’il n’y a pas de différence significative entre le néodarwinisme (ou théorie synthétique de l’évolution) et le darwinisme. Dans le premier, comme dans le second, la même triade (sélection naturelle, hasard et influence de l’environnement) est censée produire la spéciation. Pour l’honneur de la science, le juriste américain P.E. Johnson est un de ceux qui ont le plus travaillé au désillusionnement nécessaire, en montrant avec rigueur que le darwinisme n’est rien de plus que le «récit de la création culturellement dominant». Ses principaux ouvrages sont Darwin on Trial (Downers Grove, Illinois: InterVarsity Press, 1991, 2e édition 1993); traduction française Le darwinisme en question (Chambéry: Exergue, 1996, un ouvrage qu’il faut lire); Reason in the Balance (même éditeur, 1995); An Easy-to-Understand Guide for Defeating Darwinism by Opening Minds (même éditeur, 1997; traduction française Comment penser l’évolution? L’intelligence contre le darwinisme, un ouvrage facile pour aborder le concept de ‹Projet intelligent›); The Wedge of Truth (même éditeur, 2000); The Right Questions (même éditeur, 2002). L’illusion darwinienne est aussi dénoncée par des biologistes dont, en particulier, M. Denton, Evolution: une théorie en crise (Paris: Flammarion, 1992, préface de M.-P. Schützenberger, docteur en médecine, docteur en mathématiques, membre de l’Académie des sciences); L’Evolution a-t-elle un sens? – titre original: The Long Chain of Coincidence – (Paris: Fayard, 1997), et aussi M. Behe, Darwin’s Black Box (New York: The Free Press, 1996), R. Chauvin, Le darwinisme ou la fin d’un mythe (Monaco: Editions du Rocher, 1997).

18 [149] Jean Calvin, Institution chrétienne, III.ii.3.

19 [150] Dans un excursus sur le créationnisme, P. Gisel et L. Kaennel semblent confondre le dialogue apologétique confessant avec le dialogue-compromis, ce qui leur fait écrire: «Le récit de la création tel qu’il nous est rapporté dans le livre de la Genèse est, en effet, le seul et authentique discours sur la création […] Tel est le postulat sur lequel repose le créationnisme […], postulat qui, dès son énoncé, souligne l’impossibilité d’un dialogue avec des tenants d’une autre position.» La création du monde (Genève: Labor & Fides, 1999), 112.

20 [151] Beaucoup de dérives théologiques ont été motivées, à l’origine, par une préoccupation apologétique respectable qui a entraîné des compromis inefficaces. A. Lecerf en donne pour exemple l’affirmation d’une indépendance et d’une autonomie humaines outrées, en vue de décharger Dieu de la responsabilité de l’existence du mal (Introduction à la dogmatique réformée (Aix-en-Provence: Kerygma, 1999 t. II), 101.

21 [152] L’usage de notre intelligence pour observer, discerner et comprendre ne fait-il pas partie de l’amour qui est dû à Dieu (Mt 22.37)?

22 [153] T. Torrance, Reality and Scientific Theology (Eugene, Oregon: Wipf and Stock, 2001), xii, traduction personnelle.

23 [154] «Le premier chapitre du livre de la Genèse, et donc de toute la Bible, est un long poème sur la création.» B. Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les hommes et les femmes du XXIe siècle (Paris: Droguet et Ardant, 1999), 138.

24 [155] Comme ceux qui, en France, en restent à l’essai de concordisme évolutionniste de J. Humbert, Création/Evolution, faut-il trancher? L’équivoque du titre annonce le compromis du contenu.

25 [156] En effet, Dieu a, ici-bas, une image personnelle de lui: vous et moi. Il a donc été interdit, puisque superfétatoire, de tailler dans la matière des images de Dieu: il l’a déjà fait lui-même. Et si l’image est personnelle, l’Original l’est. D’où la déraison complète de celui qui nie ce qu’il prouve (Psaume 14.1).

26 [157] «Ne peut être à bon droit appelé théologien celui qui perçoit et comprend la nature invisible de Dieu par ses œuvres. Cela est patent si l’on se réfère à ceux qui étaient théologiens de cette manière et sont pourtant appelés insensés par l’apôtre en Romains 1.22.» Cité par J. Arnould, op. cit., 240.

27 [158] «Si nous rejetons une séparation déiste entre Dieu et le monde, comme nous sommes contraints de le faire, la théologie naturelle ne peut plus être pratiquée sous sa forme abstraite traditionnelle en tant que système conceptuel préalable autonome, mais elle doit être incluse dans le corps de la théologie positive et pratiquée en étroite liaison avec elle.» T. Torrance, op. cit., 40, traduction personnelle.

28 [159] Dont seul le darwinisme ne fait pas partie. C’est pourquoi les essais pour accorder le darwinisme et l’Ecriture ne peuvent être que dissonants, au contraire de la science, qui est toujours consonante avec elle.

29 [160] Remarque de P. Gisel, op. cit., 75. Comme nous, il constate le bien-fondé de la réaction barthienne mais, comme nous aussi, l’estime déséquilibrée (76). Il propose alors de «retravailler chacun des deux termes qui se font face; mettre donc en perspective et problématiser ce qui est central dans la vision chrétienne de la création d’une part, ne pas s’installer dans une focalisation sur le seul moment du salut de l’autre. Et c’est, du coup, renouer avec la confrontation, difficile mais nécessaire et fructueuse, de la foi et de la raison, raison scientifique en l’occurrence (une confrontation que la théologie dominante de ce siècle avait le plus souvent abandonnée).» 77. Selon nous, pour que ce programme, tout à fait opportun, d’un re-travail soit fructueux, il requiert de redécouvrir l’unité de la révélation de Dieu à l’aide de la théologie réformée calviniste.

30 [161] Jn 1.10.

31 [162] 1Jn 1.1.

32 [163] Rm 1.20, Nouvelle Bible Segond (NBS).

33 [164] Institution chrétienne, I.v.1. C’est moi qui souligne.

34 [165] Voir A. Lecerf, in Introduction à la dogmatique réformée, 137-138, t. I: «Nous ne pouvons comprendre l’harmonie qui existe entre la raison qui pense, et le monde qui est pensable, qu’à la condition de reconnaître que la raison et le monde ont leur commun principe dans une intelligence originelle et constitutive. […] Dès lors, la vérité objective n’est plus seulement une adaptation de la pensée aux choses. Elle est l’accord de la pensée créée, qui voit de l’intelligible dans les choses, avec la pensée créatrice qui y a inséré cette intelligibilité. La pensée, notre pensée, ne peut s’accorder qu’avec une pensée. Il faut donc que le réel soit l’expression d’une pensée, puisque la pensée peut s’accorder avec lui.» Le théologien réformé a exprimé ici, avec bonheur et par anticipation, le fondement théologique du ‹Projet intelligent› (Intelligent design). Quoique, pour s’en tenir au seul fait qu’il y a de l’intelligence dans les choses, il soit le plus souvent présenté en termes laïcisés ne mentionnant ni Créateur ni création, le ‹Projet intelligent› ne suscite donc pas sans motif un soupçon de néocréationnisme de la part des évolutionnistes. Mais leur opposition est un combat d’arrière-garde, car le fait demeure et oblige, au minimum, à reconnaître avec le professeur agnostique R. Chauvin: «Nous sommes bien forcés de conclure qu’il existait, sous quelque forme que ce soit, quelque intelligence avant l’homme.» Le darwinisme ou la fin d’un mythe, 316.

35 [166] «J’admets que la croyance en notre propre existence est très forte. Mais ce que je n’admets pas, c’est qu’elle puisse supporter le poids de quelque chose comme l’édifice cartésien; comme base de départ, elle est beaucoup trop étroite.» K. Popper, La connaissance objective (Paris: Flammarion, 1979, 1991), 88.

36 [167] J’appelle calviniste le chrétien qui a été enseigné dans la théologie biblique, dont Jean Calvin reste le docteur inégalé. Ainsi le recours à Calvin en appelle, au-delà du réformateur, à l’autorité décisive de l’Ecriture, avec une double conséquence: (1) il ne se réduit pas à «l’argument d’autorité», se fiant à un expert, toujours à vérifier selon Ac 17.11; et (2) loin d’être une belle pièce de musée, la pensée du réformateur français est constamment stimulante pour comprendre l’actualité et répondre aux interrogations de nos contemporains.

37 [168] Cf. le Psaume 136.5, un texte qui juxtapose une remarque de science et une remarque de foi! «Celui qui a fait les cieux avec intelligence, car sa miséricorde dure à toujours!» Voir aussi Ps 119.89-92.

38 [169] «Voire, mais c’est pour revenir à un point diabolique, à savoir que le monde, qui a été créé pour spectacle de la gloire de Dieu, soit lui-même son créateurInstitution chrétienne, I.v.5. C’est moi qui souligne.

39 [170] «A mon avis, la plupart des évolutionnistes théistes admettent, comme scientifique, la thèse selon laquelle la sélection naturelle a accompli la création, tout en essayant de repousser la thèse métaphysique connexe selon laquelle la compréhension scientifique de l’évolution exclut tout dessein et tout projet. Le problème, avec ce compromis, est que la thèse métaphysique n’est pas simplement décorative, elle est le fondement même de la thèse scientifique.» P.E. Johnson, Darwin on Trial, 168, traduction personnelle. Cette citation caractéristique interdit évidemment de ranger P. Johnson parmi les évolutionnistes théistes, une erreur commise par J. Arnould (op. cit., 92).

40 [171] «On pourrait dire que le darwinisme a si bien gagné qu’on ne s’en occupe plus; il serait plus juste de constater que la plupart des chercheurs ne s’en soucient tout simplement pas […] Le problème est de savoir si le darwinisme est encore utile en biologie. Il ne joue pas un si grand rôle dans les sciences de la vie qu’on se l’imagine.» R. Chauvin, Le darwinisme ou la fin d’un mythe, 13 et 19. On peut même considérer que le statut dogmatique de l’évolution est un obstacle à la recherche scientifique: «Il me semble que depuis de nombreuses années, la conviction que le darwinisme était la réponse définitive a paralysé la recherche dans des directions différentes.» R. Chauvin, 11.

41 [172] Ami de Darwin et fervent propagandiste de sa théorie, T. Huxley écrivait: «J’en avais fini depuis longtemps avec la cosmogonie du Pentateuque.» Il ajoutait nourrir «la pieuse conviction (sic) que l’évolution, finalement, s’avérerait exacte.» Cité dans Mere Creation, ouvrage collectif sous la direction de W.A. Demski (Downers Grove, Illinois: InterVarsity Press, 1998), 80; traduction personnelle. Cette déclaration est tout à fait significative des motifs principalement religieux, ouvertement opposés au judéo-christianisme, qui ont été à l’origine de l’engouement pour le darwinisme. On se préoccupait moins de faire de la science que de farder, sous ce nom, une croyance inventée qu’on pût substituer à une foi révélée.

42 [173] «Ce qui fait problème dans la théorie évolutionniste elle-même, c’est son caractère tautologique ou quasi tautologique. […] Il ne semble pas y avoir beaucoup de différence, s’il y en a une, entre l’affirmation ‹ceux qui survivent sont les plus aptes› et la tautologie ‹ceux qui survivent sont ceux qui survivent.» Op. cit., 365.

43 [174] Op. cit., 399.

44 [175] Ibid., 399-400, les italiques de par principe sont de l’auteur, les autres de moi.

45 [176] L’idéalisme de la connaissance est à son comble quand il fait préférer une possibilité à la réalité. D’où une vision de la science aux accents étonnamment postmodernes: «Je vois dans la science l’une des plus grandes créations de l’esprit humain. […] C’est l’étape où nos mythes explicatifs s’ouvrent à la critique consciente et consistante et où nous sommes mis au défi d’inventer de nouveaux mythes.» Op. cit., 151.

46 [177] Jean Calvin, Institution chrétienne, I.vi.3.

47 [178] Même si nous en retenons surtout cet aspect-ci, la révélation générale ne se limite pas à la nature qui fait l’objet des observations scientifiques. Elle comprend aussi «une semence de religion plantée en tous par inspiration secrète de Dieu», Calvin, Institution chrétienne, I.iv.1. Elle explique que des vérités peuvent être dites par des personnes étrangères à la révélation judéo-chrétienne et même, exceptionnellement, trouver place dans le canon biblique (cf. Ac 17.28b). Dans les deux cas, évidemment, ces vérités se reconnaissent au fait qu’elles ne contredisent jamais l’ensemble de l’Ecriture.

48 [179] Jn 5.39.

49 [180] Jn 20.9; Rm 1.2-3; 1Co 15.3-4. Sous la plume des apôtres, les Ecritures désignaient la Bible hébraïque (notre Ancien Testament). La remarque est aussi valable des écrits des apôtres eux-mêmes (le Nouveau Testament) auxquels la qualité d’Ecriture rédigée elle aussi sous l’autorité du Saint-Esprit (cf. 2P 1.20-21 et Jn 14.26; 16.13-14) a rapidement été reconnue par le canon chrétien.

50 [181] «Puisque nous sommes nous-mêmes membres de l’univers, c’est seulement dans le cadre du rapport contingent et signifiant de l’univers au Créateur que nous pouvons nouer connaissance avec Dieu, c’est-à-dire dans le cadre de l’espace et du temps que Dieu a fait venir à l’existence avec l’univers en tant que dépositaires de son ordre rationnel et comme moyens de se faire connaître à nous et de nous appeler à une relation intelligente avec lui.» T. Torrance, op. cit., 36, traduction personnelle.

51 [182] «Car d’autant que l’entendement humain, selon sa faiblesse, ne peut en aucune façon parvenir à Dieu, sinon étant élevé et aidé par sa Parole sacrée, il ne se pouvait faire que toutes créatures mortelles, excepté les Juifs, ne fussent égarées en erreur et vanité, en cherchant Dieu sans cette aide nécessaire.» Calvin, Institution chrétienne, I.vi.4. Voir aussi Jn 4.22 et la note 63.

52 [183] Il semble très difficile de tenir Jn 1.1-4 pour un texte de forme poétique parce qu’une rupture de style serait introduite de façon forcée avec Jn 1.5ss qui relève clairement du style narratif se rapportant à des faits historiques commentés. En outre, l’apôtre semble avoir pour intention d’établir une continuité entre les événements dont il a été témoin et ceux de la création du monde dont, évidemment, Dieu seul a été témoin.

53 [184] Jn 1.17-18; 14.9.

54 [185] Bien utile ailleurs la pensée analytique, qui privilégie le ou au et, est inadaptée pour décrire la totalité de la réalité.

55 [186] Institution chrétienne, I.v.2.

56 [187] Comme par exemple dans le sous-titre, accrocheur, de l’ouvrage de l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, La mélodie secrète. Et l’homme créa l’univers (Paris: Fayard, 1988 et Paris: Gallimard, 1991).

57 [188] Calvin, Institution chrétienne, I.v.2.

58 [189] Rm 1.21-23!

59 [190] Ce point a été développé par le philosophe écossais T. Reid (1710-1796) dans An Inquiry into the Human Mind on the Principles of Common Sense (1785). Il a influencé le philosophe français V. Cousin au XIXe siècle.

60 [191] Ps 96.5. Les mots soulignés expriment ce qui fait la différence entre les faux dieux et Dieu.

61 [192] Hé 11.3. La traduction de pistei nooumen a été soulignée, car il n’y a aucune opposition mais une complémentarité entre la foi et la connaissance: d’où le Credo ut intelligam d’Augustin repris avec une logique implacable par Anselme de Cantorbéry dans son Proslogion. De même, chez Paul, voir Romains 1.20.

62 [193] Comme cet aspect ressortit davantage à la révélation particulière, il sera ici laissé de côté, en rappelant toutefois que les deux révélations sont liées; et en soulignant que le Seigneur, Créateur et Sauveur du monde (Jn 4.42) appartient au peuple juif quant à son humanité (Jn 4.22; Ap 22.6). Les deux textes de Jean 4 cités unissent dans la personne du Sauveur la singularité et l’universalité, de telle sorte que celle-là est la seule voie réaliste vers celle-ci (d’où Mt 28.18-19). C’est pourquoi la révélation particulière invite expressément chacun à entrer hic et nunc dans l’histoire singulière de Jésus-Christ, par la foi (Jn 20.31), une foi exempte de fidéisme. Le dialogue interreligieux tend à rechercher l’universalité au détriment de la seule singularité historique qui peut y conduire. Il atteint rapidement la limite de son efficacité.

63 [194] «Si nous évitons de tenir compte de ce que la Bible dit sur la création de l’univers matériel, nous favoriserons la tendance à considérer que la religion est déconnectée du monde réel ou, pour le dire autrement, la tendance à mettre l’Ecriture et le christianisme au placard, un placard avec vitrail, mais sans aucun rapport avec l’espace/temps […] Si l’Eglise traite sérieusement de la création, elle fera voir aussitôt que Dieu agit dans le monde réel où chacun vit, dans l’histoire, dans l’espace et dans le temps. Il en résultera que la Bible deviendra très importante pour la vie de chacun et pour sa destinée personnelle.» D. Kelly, Creation and Change (Fearn, GB: Christian Focus, 1997), 17-18, traduction personnelle.

64 [195] Cette séparation a été défendue habilement par le paléontologiste évolutionniste américain Stephen Jay Gould dans son livre Et Dieu dit: «Que Darwin soit!» (Paris: Seuil, 2000; le titre provocateur est dû à l’éditeur français, le titre original étant: Rocks of Ages, Science and Religion in the Fullness of Life). Gould préconise le principe de NOMA (NOn empiétement des MAgistères). Mais en octroyant à la science tout le domaine factuel et en reléguant la religion au domaine poétique, Gould n’a pas du tout dissipé le soupçon qu’il énonce lui-même ainsi: «Pourquoi le lecteur ne me tiendrait-il pas pour un scientifique arrogant, qui en appellerait hypocritement à une non-interférence fondée sur une sympathie et un respect profonds, mais en réalité chercherait à réduire la religion à l’impuissance et à l’inanité?» 65.

65 [196] «L’homme est invité à exercer sa maîtrise sur elle [la création], à la continuer en quelque sorte ou à l’achever. […] Le christianisme n’entend nullement démobiliser le chrétien devant les tâches à accomplir pour achever ce monde créé.» Sesboüé, op. cit., 141, 147. L’auteur déforme le mandat créaturel qui est une délégation de gestion, autant conservatrice que novatrice, non de continuation d’une création expressément dite achevée et parfaite (Gn 1.31).

66 [197] Ces deux actions sont affirmées et distinguées dans Hé 1.2-3. Pour la conservation du monde, voir aussi Ps 119.89-91 et Ap 4.11: dia to yelhma sou eisin. La structure granulaire de la matière est si ténue qu’elle en devient quasi immatérielle et, pour nous, probabiliste (théorie des quanta). Mais la Parole puissante de Jésus-Christ soutient le tout (Hé 1.3). Elle dose aussi la densité de l’univers qui, si le niveau critique était dépassé, serait victime d’un effondrement gravitationnel tel qu’il cesserait d’exister.

67 [198] Professeur M. Lachièze-Rey, in Le temps et sa flèche, ouvrage collectif sous la direction d’E. Klein et M. Spiro (Paris: Flammarion, 1996), 92.

68 [199] Pour la même raison, aucun bébé ne peut observer sa conception. Il est significatif qu’au terme d’un raisonnement purement théorique, les scientifiques se soient heurtés au «mur de Planck» à 1-42 seconde de l’origine du continuum; on ne saurait s’être approché plus près d’une limite sans pouvoir l’atteindre.

69 [200] Credo de Nicée-Constantinople. J.-S. Bach (Messe en si mineur) et Mozart (Messe en ut mineur) ont composé sur ce texte latin une musique admirable qui exprime toute la tendresse de Dieu à l’origine de l’événement.

70 [201] D’où son usage en procédure criminelle à des fins d’identification sûre.

71 [202] M. Denton, Evolution, une théorie en crise, 243. C’est moi qui souligne. «Les acides aminés seuls ne font pas de protéines, pas plus que les lettres seules ne font des mots, des phrases ou de la poésie. Dans les deux cas l’arrangement séquentiel des parties constitutives détermine la fonction ou l’absence de fonction du tout. Dans le cas du langage, l’arrangement séquentiel des lettres et des mots est évidemment exécuté par des agents intelligents. Dans la cellule, l’arrangement séquentiel des acides aminés est dirigé par l’information – la série des instructions biochimiques – codée dans la molécule d’ADN […] De même que les lettres de l’alphabet d’une langue transmettent un message donné qui est fonction de leur arrangement séquentiel, de même l’arrangement séquentiel des nucléotides ou bases dans la molécule d’ADN transmet des messages biochimiques précis qui dirigent la synthèse des protéines dans la cellule.» S. Meyer, dans Mere Creation, ouvrage collectif, 121, traduction personnelle.

72 [203] «Le développement précédent indique que les propriétés de la matière constituant l’ADN, et celles de tout support porteur d’information, n’expliquent pas l’information transmise par la molécule […] L’information ne peut ni être déduite du support matériel ni lui être imputée.» S. Meyer, dans Mere Creation, 134, traduction personnelle. L’information interdit donc définitivement d’expliquer «en termes purement physiques l’existence de desseins et de projets dans le monde», comme le supposait trop vite Popper.

73 [204] M. Denton, Evolution, une théorie en crise, 258; puis R. Dawkins, cité par Ph. Johnson dans Comment penser l’évolution? L’intelligence contre le darwinisme, 81. Même un adepte farouche de l’évolutionnisme, comme Dawkins, ne peut pas nier une évidence aussi contrariante pour sa thèse: l’existence d’une information spécifique de la vie et quelle information!

74 [205] Elle a fait que l’information ne pouvait plus passer inaperçue, au grand embarras des évolutionnistes. Crick, qui en faisait partie, comprit que l’information propre à la vie n’avait pas pu être produite par le mécanisme darwinien. Il s’en tira par une pure spéculation: l’information venait d’ailleurs… de l’espace extraterrestre, d’où une civilisation en danger d’extinction avait envoyé les premières bactéries; ensuite, bien sûr, l’évolution faisait le reste.

75 [206] Si Caïphe a pu exprimer une phrase qui avait un premier sens pour lui, mais aussi un second sens ultérieur qui lui était caché (Jn 11.49-51), a fortiori le peut un apôtre auteur de textes canoniques.

76 [207] J. Stott, «The Authority and Power of the Bible», in The New Face of Evangelicalism, ouvrage collectif sous la direction de C. René Padilla (Downers Grove, Illinois: InterVarsity Press, 1976), 44-45, traduction personnelle.

77 [208] Dans le sens du réalisme théiste, citons encore: «J’ai parlé ici de religion en termes presque exclusivement intellectuels, la présentant comme une façon de comprendre l’expérience humaine au niveau le plus profond et le plus global. J’ai choisi cette attitude en partie parce que, comme intellectuel et scientifique, j’ai tendance à privilégier cette approche, mais aussi en partie parce que je souhaitais prendre le contre-pied d’une attitude trop fréquemment adoptée dans la société occidentale, par laquelle on attribue à la science le domaine des faits publics et on relègue la religion dans le domaine de l’opinion privée. Je considère qu’il s’agit là d’une vue étriquée et inexacte de leurs relations.» J. Polkinghorne, in Le savant et la foi, ouvrage collectif (Paris: Flammarion, 1989), 245.

78 [209] Jn 17.3.

79 [210] Rm 16.25-26.

80 [211] A. Houziaux fait cette exégèse désespérée de Gn 1.26, pour coller avec la «science» officielle: «Que Dieu emploie le pluriel lorsqu’il formule sa décision de créer l’homme (‹faisons l’homme›, Gn 1.26) montre que l’homme a été formé grâce à un processus conjoint entre Dieu et quelque chose d’autre (et pourquoi pas la nature, l’évolution et son auto-complexification).» Op. cit., 90. Il est dommage que le brillant pasteur-conférencier en soit réduit au suivisme d’une prétendue science. Combien plus convaincante est l’exégèse de Calvin: «Il ne faut pas douter que Dieu ne délibère avec soi-même, parce qu’il n’a que faire d’autre conseiller… Dieu n’appelle en conseil nul étranger.» Commentaire de la Genèse (Aix-en-Provence: Kerygma, 1978), 35.

81 [212] A. Houziaux, op. cit., 19, 18 et note 10.

82 [213] J.-M. Maldamé, in Création et providence, Bible, science et philosophie (Paris: Cerf, 2006), 101, 108 et 132. Son motif de rejet est le second évoqué ci-dessus. Il écrit: «Nul ne peut ignorer que ces récits [les premières pages de la Genèse] ne s’accordent pas avec les connaissances scientifiques. […] Si, pendant des siècles, on a lu les textes bibliques en leur reconnaissant une certaine valeur documentaire pour la science ou l’histoire de l’humanité, celle-ci a changé sous l’effet des progrès des connaissances…» 13-14. Et, malgré son rejet du concordisme, l’auteur en pratique un, évolutionniste bien sûr, quand il écrit: «On peut inférer que le même [Saint] Esprit étant à l’œuvre pour guider l’évolution, le meilleur adviendra comme fruit de toute la genèse d’une création en travail d’enfantement (voir Rm 8.22).» 148. En déniant à la Genèse toute valeur scientifique moderne, l’auteur ne parvient à sauvegarder «l’intention théologique», à laquelle il réduit le texte, qu’au prix d’une interprétation concordiste évolutionniste qui tient de l’élucubration théologique: «La théologie de la création donne à voir en quel sens le monde est autonome dans son être, auteur et acteur de son propre devenir, appelé à se transcender dans les valeurs qui sont portées par l’humanité.» 149; c’est moi qui souligne.

83 [214] «Puisque c’est seulement dans le cadre des rapports ontologiques et référentiels du monde avec Dieu que nous pouvons penser à Dieu et parler de lui, il doit y avoir une coordination étroite entre concepts théologiques et concepts physiques: ce qui, après tout, est la conséquence obligée des doctrines chrétiennes de la création et de l’incarnation, ainsi que de la relation indissoluble qu’elles établissent entre le Logos et l’être.» T. Torrance, op. cit., 36, traduction personnelle.

84 [215] «Le chrétien croit à une relation dynamique entre Dieu et le monde, non seulement du fait que Dieu l’a créé, mais aussi du fait qu’il conserve continuellement son ordre. Il en résulte que la plus grande attention doit être prêtée au lien existant entre les structures rationnelles de l’univers créé et leur source dans la Rationalité transcendante de Dieu.» T. Torrance, op. cit., xiii, traduction personnelle.

85 [216] La concordance entre l’Ecriture et l’information biologique (Jn 1) porte sur un fait scientifique. Il peut aussi y avoir concordance partielle entre l’Ecriture et un point, indirectement vérifié (l’univers a commencé et il a commencé avec la lumière/énergie, Gn 1) d’un modèle scientifique théorique comme le modèle standard.

86 [217] C’est pourquoi il faut déplorer que certaines versions bibliques soient plus des interprétations que des traductions du texte fondateur de Gn 1. C’est le cas, au verset 1 de la TOB («Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre») qui, en revanche, rend très bien Gn 2.2; au verset 2, de la Bible en français courant («l’océan primitif»), de la Bible Parole de Vie («La terre est dans la nuit. Une eau profonde la recouvre») et même de la NBS («chaos»). Cette idée, grecque, de chaos ne nous paraît pas pouvoir être surimposée à l’hébreu tohou-bohou (informe et vide) dont elle empêche d’autres interprétations.

87 [218] Cf. Dieu, la création et la Providence dans la prédication de Calvin, note 33, 218.

88 [219] «Je vois une succession de changements, mais je ne vois pas le pouvoir qui en serait la cause efficiente; comme je tire la notion de pouvoir actif de la conscience de ma propre activité et comme je trouve qu’elle est un principe premier selon lequel tout produit requiert un pouvoir producteur, je peux raisonner sur un pouvoir actif de ce genre qui m’est familier, c’est-à-dire qui suppose une pensée et un choix et qui s’exerce par la volonté. Mais s’il y a quelque chose, dans un être inanimé sans pensée, qui soit appelé un pouvoir actif, je ne sais pas ce que c’est et je ne peux pas raisonner à son sujet.» T. Reid, traduction personnelle, cité par P. Chézaud in La philosophie de Thomas Reid, des Lumières au XIXe siècle (Grenoble: Ellug, 2002), 87.

89 [220] J. Humbert, op. cit., 189.

90 [221] Elle a un solide répondant biblique: le texte canonique de Rm 11.36 «de, par et pour Lui», à préférer au texte deutérocanonique de 2 Maccabées 7.28. En latin, la préposition ex ne connote aucune consubstantialité (donc pas de risque de panthéisme dans ex Deo), comme le fait la préposition de. Le Credo de Nicée-Constantinople, après avoir dit que Jésus-Christ est «ex Patre natum ante omnia saecula», précise qu’il est «Deum de Deo, lumen de lumine, Deum verum de Deo vero, genitum non factum, consubstantialem Patri».

91 [222] J.-P. Luminet, L’invention du big bang (Paris: Seuil, 1997 et 2004), 163.

92 [223] Ce rayonnement, extrêmement froid, est une conséquence du commencement extrêmement chaud de l’univers. Il a ensuite été mesuré plus exactement (2,736 ± 0,017 K) par le satellite «COBE» dans les années 1990.

93 [224] Mais comme le mode de pensée de celle-ci contamine constamment les esprits et donc le langage, ce rayonnement est couramment appelé le rayonnement fossile, ce qui n’est pas innocent. «La détection du rayonnement fossile a pratiquement signé l’arrêt de mort du modèle de Hoyle.» J.-P. Luminet, op. cit., 166. De même Luminet évoque, à propos du big bang, «les fondations de la cosmologie évolutionniste», 159-160. C’est moi qui souligne. La même contamination du raisonnement apparaît dans les schémas, très spéculatifs, relatifs à un «multivers» d’où, par sélection darwinienne, serait sorti l’univers actuel.

94 [225] La revue britannique Nature se veut la gardienne du dogme évolutionniste. Elle publiait en 1976, No 259, 15-16, le texte suivant de J. Gribbin, cité par H. Ross dans Dieu et le cosmos (Québec: La Clairière, 1998), 6 : «La difficulté principale du big bang comme théorie de l’origine de l’univers est d’ordre philosophique, voire théologique: qu’y avait-il avant le big bang? A lui tout seul, ce problème était suffisant pour donner un puissant coup de pouce à la théorie de ‹l’état stationnaire›. Mais en raison du conflit regrettable entre cette théorie et les observations, la meilleure solution pour contourner cette difficulté initiale est donnée par un type de modèle suivant lequel l’univers s’étend à partir d’une singularité (c’est-à-dire un commencement), s’effondre de nouveau, puis répète ce cycle indéfiniment.» De quoi faut-il s’étonner le plus? De la naïveté de l’aveu que le commencement du monde, désormais scientifique, est néanmoins «regrettable» pour des raisons philosophiques ou de l’incohérence qu’il y a à multiplier les commencements pour nier le commencement?

95 [226] «Il est fondamentalement erroné d’interpréter la cosmologie moderne (dite du ‹big bang›) à l’instar de la plupart des textes de vulgarisation, comme affirmant l’existence d’un début de l’univers. Bien au contraire, cette théorie, si on l’interprète correctement, nous dit précisément qu’il n’y a pas d’instant originel! On peut alors énoncer à la fois et sans contradiction (1) que l’univers a un âge de 15 milliards d’années, (2) qu’il n’a pas connu de naissance.» J.-M. Lévy-Leblond, in Sciences et conscience, 51-52. Les textes publiés dans la revue Nature (1) sont plus que de la vulgarisation et (2) J. Gribbin y exprimait son embarras après que le «conflit regrettable», entre le modèle stationnaire et la vérification expérimentale du rayonnement cosmique de fond, ait imposé un commencement du monde (voir note précédente).

96 [227] B. Greene, La magie du cosmos (titre original The Fabric of the Cosmos [L’étoffe du cosmos]) (Paris: R. Laffont, 2005), 159. Astrophysicien, B. Greene fait remarquer que toutes les équations de la physique traitent le passé et le futur de façon symétrique; et pourtant il y a une flèche du temps.

97 [228] E. Klein, Les tactiques de chronos (Paris: Flammarion, 2004), 30.

98 [229] E. Klein, op. cit., 21.

99 [230] B. Greene, op. cit., 70.

100 [231] D. Kelly, professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie réformée de Charlotte, en Caroline du Nord (USA), argumente en ce sens et conclut: «En résumé, la forme de littérature constatée dans Genèse 1-11 est, quoique d’une variété unique, celle de la narration historique.» Op. cit., 44, traduction personnelle.

101 [232] Voir la citation de B. Sesboüé, à la note 23. L’auteur ajoute, op. cit., 66, cette remarque qui, quant à sa chronologie, assimile Genèse 1 à un conte: «Le mythe a pour caractère général de s’inscrire dans un temps de convention qui n’a rien à voir avec le temps cosmique réel. C’est le temps du ‹Il était une fois…› de nos contes d’enfants. Ainsi en va-t-il dans la Genèse.»

102 [233] Elle a été exposée en France par le professeur H. Blocher dans Révélation des origines (Lausanne: Presses Bibliques Universitaires, 2e édition, 1988). Ce type d’interprétation ouvre sans surprise la voie au concordisme évolutionniste, implicite dans l’appendice du livre où l’évolution est admise «comme procédure de création». Il faut néanmoins savoir gré à H. Blocher d’avoir mentionné, même faite incidemment, l’objection décisive au darwinisme – un mécanisme jamais prouvé, faute de quoi tout son édifice s’écroule: «Plus les mécanismes éventuels de l’évolution sont obscurs, plus on est en droit d’exiger des preuves du fait qu’elle a eu lieu – on ne peut pas séparer entièrement les deux problèmes. Ainsi nous paraît-il téméraire d’affirmer: l’évolution n’est pas une hypothèse, mais un ‹fait›, tant qu’on ignore comment elle aurait pu se produire.» 236-237.

103 [234] J.-M. Nicole, Précis de doctrine chrétienne (Nogent-sur-Marne, 1983), 75.

104 [235] Selon l’astrophysique théorique, il peut se passer tant de choses en seulement quelques minutes. Cf. S. Weinberg, Les trois premières minutes de l’univers (Paris: Seuil, 1978).

105 [236] M. Lachièze-Rey, op. cit., 89.

106 [237] Le point de vue du texte semble géocentrique, c’est le plus spontané pour nous encore aujourd’hui. Mais ceci ne veut pas dire que la lumière du verset 3 soit une éclaircie dans d’épais nuages. Ce serait bien naïf, ce que l’auteur est loin d’être. Il s’agit de la lumière-énergie, première créature de Dieu.

107 [238] «De surcroît, sur le plan de la logique, la logique simple de tout le monde, quel récit court prétendument scientifique résiste mieux à l’épreuve d’un examen critique que la Genèse?» G. Reeb, in Le savant et la foi, ouvrage collectif, 253.

108 [239] C. Paulot, Science et création (Paris: Téqui, 1992), 61.

109 [240] Ce qui avait déjà été entraperçu par Aristote a été confirmé et précisé par la théorie de la relativité d’Einstein.

110 [241] La révélation générale s’illumine alors pour rendre Dieu visible dans ses œuvres (Jb 42.5, dont Rm 1.20 sera l’écho néotestamentaire, davantage argumenté).

111 [242] En se donnant souverainement un temps équivalant à six jours solaires, Dieu a eu une intention qu’il révèle dans Ex 20.11. La durée de la création active est un élément particulier (donner son rythme d’activité à la dernière créature à laquelle Dieu avait spécialement pensé «avant – ou dès – la fondation du monde») d’une téléologie plus générale: aboutir à la seule créature qui soit «à son image». Remarquons en passant que le principe anthropique de l’astrophysique moderne est vraisemblable qui est conforme à l’Ecriture.

112 [243] Auquel nous savons gré de sa défense efficace des protestants Calas et Sirven injustement condamnés.

113 [244] «C’était encore une opinion fort ancienne que la lumière ne venait pas du soleil. On la voyait répandue dans l’air avant le lever et après le coucher de cet astre; on s’imaginait que le soleil ne servait qu’à la pousser plus fortement. Aussi l’auteur de la Genèse se conforme-t-il à cette erreur populaire, et même il ne fait créer le soleil et la lune que quatre jours après la lumière.» Dictionnaire philosophique, article «Genèse». Remarquons que l’argumentation voltairienne, pourtant prise en défaut, est toujours celle invoquée pour discréditer le réalisme du texte biblique: les auteurs de la Bible étaient tributaires des connaissances de leur temps.

114 [245] Calvin, Premier sermon sur la Genèse, cité dans Dieu, la création et la Providence dans la prédication de Calvin, 285-286. C’est moi qui souligne la citation biblique.

115 [246] B. Greene, op. cit., note 634. Cet aspect effectivement important de la cosmogonie théorique du modèle standard mériterait beaucoup plus qu’une note discrète, en fin de volume.

116 [247] La terre – comparable à nulle autre planète – ne pourrait pas être conservée en son état sans le soleil; mais, en vertu d’un «uniformitarisme» contestable, on tente d’expliquer son évolution à partir du soleil pour écarter sa création, avant et donc sans le soleil, attestée par le texte de Genèse 1. Loin d’être invraisemblable, le texte n’est-il pas plutôt, une fois de plus, en avance? Des recherches astronomiques récentes sont contraintes de recourir à l’idée d’une «migration» des planètes: «Les planètes qu’on observe actuellement n’auraient pas été toujours là où on les observe; elles se seraient formées loin de leur étoile avant de s’en rapprocher peu après.» «L’énigme des planètes extrasolaires», Le Figaro, 25 août 2005. C’est moi qui souligne.

117 [248] J. Magueijo, Plus vite que la lumière (Paris: Dunod, 2003), 240. C’est moi qui souligne.

118 [249] Voir par exemple 121, 126, 273. L’auteur prévoit ainsi des conséquences de ce genre: cette nouvelle théorie, «si elle est vraie, changera complètement notre perception de notre place dans l’Univers et nos perspectives de contact avec une vie extra-terrestre […] De façon étrange et assez élégante, il est possible que la VVL [vitesse variable de la lumière] conduise à un Univers éternel sans début ni fin.» Op. cit., 275. Etrange en effet. Mais à aucun moment et malgré une observation lucide (voir la citation à laquelle renvoie la note 119), le professeur de physique théorique n’aperçoit la conséquence la plus évidente: un rajeunissement considérable de l’âge de l’univers; une conséquence à éviter à tout prix et donc refoulée par le subconscient évolutionniste. Une autre conséquence concernerait la vitesse de l’électron, dont le rapport à celle de la lumière est constant.

119 [250] «Il a fait la terre par sa puissance, Il a fondé le monde par sa sagesse, Il a étendu les cieux par son intelligence.» Jr 10.12. Voir aussi Es 45.12.

120 [251] Ce qui permet à D. Kelly d’écrire: «Il n’y a rien de plus rationnel que de supposer que la même Parole est tout aussi vraie dans le domaine de la chronologie qu’elle l’a été dans le domaine du ‹Projet intelligent›, avant même d’en avoir une confirmation empirique incontestable.» Creation and Change, 139; traduction personnelle. J’ajoute seulement que cette confirmation ne sera pas directe, puisque la création active n’est pas et ne peut pas être un objet d’investigation scientifique. Une confirmation empirique ne pourra être faite qu’au niveau d’une conséquence rémanente; et elle sera admise de plus mauvais gré encore que celle du commencement de l’univers ne l’a été en 1965.

121 [252] Pour cette raison l’exégèse de Gn 1.2 de Renckens et D. Lys (non-existence du monde) est plausible, mais en la précisant. Le verset décrit la terre (la partie la plus complexe pour le tout) qui n’existe pas encore, sinon en puissance dans l’Esprit de Dieu, sans employer le terme de néant qui serait inexact, puisqu’il n’y a pas rien quand il y a Dieu! Le texte décrit donc le quasi-néant au moyen de l’informe sans ordre qu’il oppose à l’ordre informé par la Parole de Dieu et constitutif de l’être donné aux cieux et à la terre par les actes de création des versets 3 à 31.

122 [253] B. Greene, op. cit., 215.

123 [254] Ibid., 216.

124 [255] R. Balian, directeur de recherches au CEA, professeur à l’Ecole polytechnique, dans Le temps et sa flèche, op. cit., 210.

125 [256] Ibid., 210 et 191.

126 [257] Luc 4.39, 5.13, 25, 8.44, 55, 13.13, 18.43.

127 [258] Calvin, Institution chrétienne, I.v.4.

128 [259] Pour reprendre le titre de l’ouvrage d’A. Kuen, Le labyrinthe des origines (Saint-Légier: Editions Emmaüs, 2005). A. Kuen se livre à une compilation très fouillée de diverses positions évangéliques sur le sujet. Le genre compilation a toutefois son revers: en achevant le livre, le lecteur garde le sentiment de ne pas être sorti du labyrinthe. Je dois en partie à ce livre la persuasion qu’on en sortirait seulement à condition de dissiper plusieurs graves confusions, d’où la priorité d’aborder l’ensemble de la question par ses prolégomènes.

129 [260] J. Arnould, qui conclut en affirmant «Dieu et Darwin, sans complexe» exprime néanmoins ce qui ressemble à un embarras final: «On me reprochera un apparent oubli des Ecritures.» Il se justifie ainsi: «Je suis aussi fils d’une tradition catholique qui, sans nier la place qu’il convient de leur accorder, invite à les relire à la lumière des intelligences et des cœurs de générations de croyants et de croyantes, dans la richesse des cultures et la pluralité des genres littéraires.» Op. cit., 275. Il ajoute avec lucidité: «La controverse créationniste souligne pourtant combien restent d’actualité les questions de rapport d’autorité entre le Bible, la tradition et les instances ecclésiastiques.» 279. En effet, l’autorité de l’Ecriture est bien au centre de toute la question.

130 [261] Ibid., 15, traduction personnelle.

131 [262] Cf. Actes 17.27. Ces progrès montrent que la science a sa part dans la recherche d’un Dieu qui n’est pas loin.