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6. Les attributs communicables

VI. Les attributs communicables1 [1]

(Dieu en tant qu’Esprit personnel)

Si les attributs étudiés dans le chapitre précédent soulignent le caractère absolu de l’Etre de Dieu, ceux qui restent à considérer accentuent sa nature personnelle. Par ses attributs communicables, Dieu se révèle comme un être conscient, intelligent, libre, moral et personnel au plus haut degré. L’idée d’existence personnelle est-elle compatible avec le concept d’Absolu? Telle est la question qui attire depuis longtemps l’attention des philosophes et demeure d’actualité. La réponse dépend très largement de la signification donnée au mot « Absolu ». La philosophie reconnaît trois sens possibles à ce mot: le sens agnostique, le sens logique et le sens causal.

– Au sens agnostique, l’Absolu n’ayant de relation avec personne, on n’en peut rien savoir, car les choses ne sont connaissables qu’à travers les relations qu’elles ont les unes avec les autres. Et si l’on n’en peut rien connaître, on ne peut leur conférer une personnalité. Aussi, puisqu’une personnalité est impensable sans relations, l’identifier avec l’Absolu, par essence « sans rapport », est-il impossible.

– Au sens logique, l’individuel est subordonné à l’universel, et l’universel suprême est la réalité ultime, « la substance absolue » chez Spinoza, ou « l’esprit absolu » chez Hegel. L’Absolu peut s’exprimer dans et par le fini, mais rien de ce qui est fini ne peut en exprimer la nature essentielle. Lui attribuer une personnalité serait le limiter à un mode d’être, et détruirait son caractère absolu. En fait, cette notion de l’Absolu constitue un concept purement abstrait et vide de tout contenu.

– Au sens causal, l’Absolu est perçu comme la raison ultime de toutes choses. Il ne dépend de rien, mais toutes choses dépendent de lui. Il n’est pas nécessairement sans relation et peut entrer en communication avec des créatures finies. Une telle conception de l’Absolu est compatible avec le concept de personnalité. Souvenons-nous que celui-ci correspond, pour les philosophes, dans leur argumentation, à ce qu’ils observent chez l’homme; ils perdent ainsi de vue que la personnalité de Dieu est quelque chose d’infiniment plus parfait. A vrai dire, seule la personnalité de Dieu est parfaite; celle de l’homme n’est qu’une copie finie de cet unique original. Enfin, la tri-personnalité qui est en Dieu n’a pas d’analogie en l’être humain.

Plusieurs facteurs naturels, tout à fait similaires à ceux que l’on évoque pour affirmer l’existence de Dieu, sont avancés pour établir la réalité de la personnalité divine:

l) Seul un Dieu personnel peut expliquer la personnalité humaine. L’homme n’est ni indépendant, ni éternel; il est un être fini, avec un commencement et une fin. L’ensemble de ces réalités doit donc être suffisamment expliqué par la source dont elles sont issues. Puisque l’homme est un être personnel, la puissance qui en est l’auteur doit être aussi personnelle. Sinon, l’effet serait supérieur à sa cause, ce qui est tout à fait impossible.

2) L’univers en général témoigne de la personnalité de Dieu. Sa structure révèle très clairement les traces d’une intelligence infinie, d’une sensibilité tout à la fois profonde, élevée et aimante, et d’une volonté toute-puissante. C’est pourquoi nous devons admettre que le monde a été « fabriqué » par un être intelligent, sensible et doté de volonté, c’est-à-dire par une personne.

3) La nature morale et religieuse de l’homme présuppose aussi la personnalité de Dieu. Sa nature morale l’oriente vers le bien, vers ce qui implique nécessairement l’existence d’un légiste suprême. Sa nature religieuse l’incite constamment à entrer en communication personnelle avec un être plus élevé; tous les éléments constitutifs d’une religion quelle qu’elle soit, même panthéiste, sont orientés vers un Dieu personnel. Les notions de pénitence, foi, obéissance, amitié, amour, loyauté dans le service et le sacrifice, confiance dans la vie et la mort sont, en effet, dépourvues de signification si un Dieu personnel ne leur en donne pas une.

Si toutes ces considérations sont exactes et ont une valeur de témoignage, elles ne servent cependant pas de fondement à la doctrine de la personnalité de Dieu. Elles constituent plutôt des preuves de l’auto-révélation de Dieu dans l’Ecriture. Le terme « personne » n’est pas utilisé dans la Bible pour désigner Dieu, même si des mots tels que l’hébreu panim et le grec prosopon, proches de cette idée, le sont. Cependant, l’Ecriture atteste la personnalité de Dieu de plusieurs manières.

La présence de Dieu, telle qu’elle est décrite par les auteurs de l’Ancien et du Nouveau Testament, apparaît clairement comme une présence personnelle. Et les représentations anthropomorphiques et anthropopathiques de Dieu dans l’Ecriture – à ne pas opposer à sa nature spirituelle et à sa sainteté – ne se justifieraient guère si elles ne s’appliquaient pas à une personne réelle, quoique dépourvue de toute limitation humaine. Dieu est représenté comme un Dieu personnel: les hommes peuvent s’entretenir avec lui et avoir confiance en lui; il les soutient dans leurs épreuves et met dans leur cœur la joie de la délivrance et de la victoire. Enfin, la plus haute révélation de Dieu, selon la Bible, est une personne. Jésus-Christ révèle le Père d’une manière si parfaite qu’il a dit à Philippe: « Celui qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 14:9) Une démonstration plus détaillée sera faite lors de l’étude des attributs communicables de Dieu.

A) La nature spirituelle de Dieu

La Bible ne nous donne aucune définition de Dieu. Le texte qui s’en approche le plus est la parole du Christ à la femme samaritaine: « Dieu est Esprit. » (Jn 4:24) Jésus tente là de définir Dieu en un seul mot. Il ne dit pas simplement que Dieu est « un » esprit, mais qu’il est Esprit. Cette affirmation claire suffit à justifier l’étude, avant toute autre chose, de la nature spirituelle de Dieu.

En parlant de la nature spirituelle de Dieu, la théologie veut souligner que Dieu est en lui-même un être substantiel, distinct du monde, immatériel, invisible, sans éléments constitutifs ni extension. Ainsi, toutes les qualités essentielles liées au concept parfait d’Esprit se trouvent en lui; en d’autres termes, il est un être conscient qui s’autodétermine. Etant Esprit au sens le plus pur et le plus absolu du mot, il n’est pas composite. L’affirmation que Dieu est Esprit exclut toute idée de corporéité de Dieu et condamne donc les fantaisies de certains des premiers gnostiques, des mystiques du Moyen Age et de toutes les sectes modernes qui attribuent un corps à Dieu.

Il est bien vrai que la Bible parle des mains et des pieds, des yeux et des oreilles, de la bouche et du nez de Dieu. Ce faisant, elle s’exprime de manière anthropomorphique ou figurative qui transcende de très loin notre connaissance humaine; nous n’en pouvons parler qu’en balbutiant à la manière des hommes.

Attribuer un caractère spirituel à Dieu, c’est affirmer également qu’il n’a aucune des propriétés propres à la matière et qu’il échappe à la perception des sens corporels. Paul parle de lui comme du « Roi éternel, immortel, invisible » (1 Tm 1:17), et encore comme du « Roi des rois et du Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir: à lui, honneur et puissance éternelle » (1 Tm 6:15, 16).

B) Les attributs épistémologiques

Dieu est représenté dans l’Ecriture comme lumière et, donc, comme parfait dans sa vie intellectuelle. Les attributs épistémologiques de Dieu comprennent trois perfections: la connaissance, la sagesse et la véracité.

l. La connaissance de Dieu

On peut la définir comme « la perfection, par laquelle il se connaît lui-même d’une manière totalement unique, ainsi que toutes les choses possibles et existantes par un acte simple et éternel ». La Bible atteste abondamment la connaissance de Dieu (1 S 2:3; Jb 12:13; Ps 94:9, 147:4; Es 29:15, 60:20, 28, etc.). En relation avec la connaissance de Dieu, il nous faut considérer sa nature et son étendue.

a) Sa nature

La connaissance de Dieu diffère sur plusieurs points importants de la connaissance de l’homme. Elle est « archétypique », ce qui veut dire qu’il connaît l’univers tel qu’il a voulu qu’il existe dans son plan éternel, antérieur à sa création, sous forme de réalité finie dans le temps et l’espace. Sa connaissance n’est pas, comme la nôtre, venue du dehors; elle est caractérisée par la « perfection absolue ». En tant que telle, elle est « intuitive » plutôt que démonstrative ou discursive. Elle est « innée et immédiate » et ne résulte pas de l’observation ou d’un processus de raisonnement. Etant parfaite, elle est également « simultanée » et non successive, de sorte qu’il voit les choses dans leur totalité, et non pas l’une après l’autre. En outre, elle est « complète » et « pleinement consciente », alors que la connaissance de l’homme est toujours partielle, fréquemment indistincte et souvent incapable de s’élever à la claire lumière de la conscience.

On a distingué entre connaissance « nécessaire » et connaissance « libre » de Dieu. La première est la connaissance que Dieu a de lui-même et de toutes les choses possibles; c’est une connaissance qui s’appuie sur la conscience de son omnipotence, on l’appelle « connaissance nécessaire », parce qu’elle n’est pas déterminée par une action de la volonté divine, on la connaît aussi sous le nom de « connaissance d’intelligence simple », considérant qu’elle est un pur acte de l’intellect divin, sans le concours de sa volonté.

La seconde est la connaissance qu’il a de toutes les choses existantes, c’est-à-dire, des choses qui ont existé dans le passé, qui existent dans le présent, ou qui existeront dans l’avenir. Elle est fondée sur la connaissance infinie que Dieu a de son dessein éternel, qui comprend tout et est immuable, on l’appelle « connaissance libre », parce qu’elle est déterminée par un acte simultané de la volonté, ou encore scientia visionis, « connaissance de la vision ».

b) Son étendue

La connaissance de Dieu n’est pas seulement parfaite en nature, mais aussi dans sa globalité, on parle d’omniscience, parce qu’elle comprend tout. Pour préciser plus clairement cette affirmation, ajoutons que:

– Dieu connaît lui-même et en lui-même tout ce qui provient de lui (connaissance interne).

– Il connaît toutes les choses telles qu’elles se sont passées autrefois, se passent aujourd’hui et se passeront demain réellement, ainsi que leurs véritables relations. Il connaît l’essence cachée des choses, ce que la pensée de l’homme ne peut pas faire. Contrairement à l’homme qui n’observe que les manifestations extérieures de la vie, il pénètre jusqu’au tréfonds du cœur humain. Bien plus, il sait ce qui est possible aussi bien que ce qui se produit réellement; toutes les éventualités d’un événement lui sont connues.

L’omniprésence de Dieu est clairement enseignée par plusieurs passages de l’Ecriture. Il est parfait en connaissance (Jb 37:16), ne regarde pas à l’apparence extérieure mais au cœur (1 S 16:7; 1 Ch 28:9, 17; Ps 139:1-4; Jr 17:10), observe les chemins des hommes (Dt 2:7; Jb 23:10, 24:23, 31:4; Ps 1:6, 119:168), connaît l’endroit où ils habitent (Ps 33:13) et la durée de leur vie (Ps 37:18).

Cette doctrine de la connaissance de Dieu doit être maintenue contre toutes les tendances panthéistes qui représentent Dieu comme la cause inconsciente du monde phénoménal, et contre ceux qui, comme Marcion ou Socinius, croient en un Dieu fini et ne lui attribuent qu’une connaissance limitée.

Une question demeure et demande à être étudiée plus particulièrement: comment Dieu peut-il avoir la pré-connaissance des actions libres des hommes et donc des événements conditionnels? Nous pouvons comprendre que Dieu ait la pré-connaissance des événements gouvernés par la nécessité, mais nous concevons difficilement une connaissance antérieure des actions que les hommes accomplissent librement. Certains, à cause de la difficulté de ce problème, ont été conduits à nier, soit la pré-connaissance de Dieu, soit la liberté humaine.

Il est parfaitement évident que l’Ecriture enseigne la pré-connaissance divine des événements contingents (1 S 23:10-13; 2 R 13:19; Ps 81:14-15; Es 42:9, 48:18; Jr 2:2-3, 38:17-20; Ez 3:6; Mt 11:21). En outre, elle ne nous permet, ni de douter de la liberté de l’homme, ni de refuser la prescience de Dieu. Nous sommes confrontés ici à un problème que nous ne pouvons entièrement résoudre, bien qu’il soit possible d’approcher d’une solution. Dieu a ordonné toutes choses et les a décrétées avec leurs causes et leurs conditions dans l’ordre exact dans lequel elles se réalisent. Sa prescience des choses futures et des événements contingents s’appuie sur sa décision. Ce qui résout le problème.

Mais alors se pose une question: la prédétermination des choses est-elle compatible avec la liberté de l’homme? On peut répondre qu’elle ne l’est certainement pas, si la liberté de la volonté est considérée comme indifferentia (arbitraire), mais ceci est une conception incertaine de la liberté de l’homme. La volonté de l’homme n’est pas quelque chose d’entièrement indéterminé, suspendu dans l’air et qui pourrait osciller capricieusement dans une direction ou dans une autre. Elle est plutôt enracinée dans notre nature même, reliée à nos émotions, à nos instincts les plus profonds, et déterminée par nos facultés intellectuelles et par notre caractère même. Si nous concevons notre liberté humaine comme une lubentia rationalis (autodétermination raisonnable), nous pouvons également dire qu’elle est compatible avec la prescience divine.

Orr déclare: « Il existe une solution à ce problème, bien que nos esprits soient incapables de la saisir. Il faut probablement, au lieu de nier la liberté, en réviser notre conception. Car la liberté, après tout, n’est pas l’arbitraire. Il y a dans toute action rationnelle un ‹pourquoi›, une raison qui provoque l’action. L’homme véritablement libre n’est pas incertain, mais ‹fiable›. En fait, la liberté a ses lois spirituelles et l’Esprit omniscient les connaît bien. Mais il faut reconnaître qu’un élément mystérieux demeure toujours présent. »2 [2]

Les théologiens jésuites, luthériens et arminiens ont cru régler le problème en forgeant le concept de scientia media. Par ce nom, ils désignent une connaissance intermédiaire entre la connaissance libre et la connaissance nécessaire de Dieu. Cette scientia media diffère de la première parce que son « objet » n’est pas tout ce qui est possible, mais « une série particulière d’événements futurs », et de la seconde parce que sa cause n’est pas le but éternel de Dieu, mais « un acte libre de la créature simplement prévu par Dieu »3 [3]. Dabney précise que ces théologiens l’appellent médiate, parce qu’ils « supposent que Dieu l’obtient, non directement par la connaissance de son propre dessein qu’il réalise, mais indirectement par la perception infinie qu’il a de la manière dont la cause contingente seconde agira, selon des circonstances données extérieures, prévues ou produites par lui-même »4 [4].

Mais ceci ne résout pas du tout le problème. On essaie ainsi de réconcilier deux choses qui s’excluent logiquement l’une l’autre, à savoir, la liberté d’action au sens pélagien et une « certaine » pré-connaissance de cette action. Les actions qui, directement ou indirectement, ne sont nullement déterminées par Dieu, mais qui sont totalement dépendantes de la volonté arbitraire de l’homme, ne peuvent guère être l’objet de la pré-connaissance divine. En outre, on fait dépendre la connaissance divine du choix de l’homme, ce qui ôte, de fait, la certitude que Dieu a de la connaissance des événements futurs, et nie donc de manière implicite l’omniscience de Dieu. Ceci est également contraire à certains passages de l’Ecriture (Ac 2:23; Rm 9:16; Ep 1:11; Ph 2:13).

2. La sagesse de Dieu

On peut la considérer comme un aspect particulier de sa connaissance. Evidemment, connaissance et sagesse ne sont pas équivalentes; bien qu’elles soient étroitement liées, elles ne vont pas toujours de pair. Un homme sans éducation peut être supérieur en sagesse à un savant. La connaissance s’acquiert par l’étude, mais la sagesse provient d’une perception intuitive des choses. La première est théorique, tandis que la seconde est pratique, subordonnant la connaissance à la réalisation d’un but précis. Les deux sont imparfaites en l’homme, mais sont caractérisées en Dieu par une perfection absolue.

La sagesse de Dieu est son intelligence, et elle se manifeste dans l’adaptation de ses moyens à ses desseins. Ceci veut dire qu’il recherche les fins les meilleures possibles et choisit les meilleurs moyens pour réaliser ses projets. H.B. Smith définit la sagesse divine comme « l’attribut de Dieu par lequel il produit les meilleurs résultats possibles par les meilleurs moyens possibles ». Nous pouvons être un peu plus précis et la définir comme « cette perfection de Dieu par laquelle il utilise sa connaissance pour arriver à ses fins de la manière qui le glorifie le plus ». Ceci implique que tous les buts secondaires sont subordonnés au but final qui, selon l’Ecriture, est la gloire de Dieu (Rm 11:33, 14:7-8; Ep 1:11-12; Col 1:16). L’Ecriture se réfère à la sagesse de Dieu dans plusieurs passages et va jusqu’à la personnifier en Proverbes 8; on peut voir cette sagesse de Dieu en particulier dans la création (Ps 19:1-7, 104:1-34), dans la providence (Ps 33:10-11; Rm 8:28) et dans la rédemption (Rm 11:33; 1 Co 2:7; Ep 3:10).

3. La véracité de Dieu

L’Ecriture utilise plusieurs mots pour exprimer la véracité de Dieu: dans l’Ancien Testament ’emeth, ‘amunah et ‘amen, et dans le Nouveau Testament alethes (aletheia), alethinos et pistis; on voit ainsi que l’Ecriture inclut sous ce mot plusieurs idées comme la vérité, la véracité, la fidélité. Lorsque Dieu est appelé vérité, on doit le comprendre au sens large.

– D’abord, il est la vérité au sens « métaphysique », c’est-à-dire qu’en lui le concept de la divinité est parfaitement réalisé. Il est, tel qu’il est, tout ce que Dieu devrait être, et se distingue ainsi de tous les soi-disant dieux, appelés vanités et mensonges (Ps 96:5, 97:7, 115:4-8; Es 44:9, 10).

– Ensuite, il est la vérité au sens « éthique », et se révèle tel qu’il est réellement, de sorte que sa révélation est absolument digne de confiance (Nb 23:19; Rm 3:4; Hé 6:18).

– Enfin, il est aussi la vérité au sens « logique ». Il connaît les choses telles qu’elles sont réellement, et a constitué l’esprit de l’homme pour permettre à ce dernier de connaître, non seulement l’apparence des choses, mais aussi leur réalité.

Ainsi, la vérité de Dieu est le fondement de toute connaissance. Retenons qu’il s’agit de trois aspects différents de la vérité, qui est une en Dieu. Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons définir la véracité ou vérité de Dieu comme « cette perfection de son être par laquelle il répond pleinement au concept de la divinité, est parfaitement digne de confiance dans sa révélation, et voit les choses telles qu’elles existent réellement ». A cause de cette perfection, il est la source de toute vérité, non seulement dans le domaine moral et religieux, mais aussi dans le domaine scientifique. L’Ecriture fait abondamment référence à Dieu comme vérité (Ex 34:6; Nb 23:19; Dt 32:4; Ps 25:10, 31:6; Es 65:16; Jr 10:8, 10-11; Jn 14:6, 17:3; Tt 1:2; Hé 6:18; 1 Jn 5:20-21).

Un autre aspect de cette perfection divine a une grande importance: la fidélité. En vertu de cette dernière, il se souvient toujours de son alliance et accomplit toutes les promesses qu’il a faites à son peuple. Cette fidélité a une signification extrêmement pratique pour le peuple de Dieu. En effet, elle est le fondement de sa confiance, de son espérance et la cause de sa joie. Elle le sauve du désespoir auquel peut facilement mener sa propre infidélité, lui donne le courage de persévérer en dépit des échecs et remplit son cœur d’attente joyeuse, même quand il est conscient de ne plus mériter les bénédictions de Dieu (Nb 23:19; Dt 7:9; Ps 89:33; Es 49:7; 1 Co 1:9; 2 Tm 2:13; Hé 6:17-18, 10:23).

C) Les attributs éthiques

Les attributs éthiques de Dieu sont, en général, considérés comme ses perfections les plus glorieuses. Cela ne veut pas dire qu’un attribut soit en lui-même plus parfait ou plus glorieux qu’un autre, mais par rapport à l’homme, chaque perfection éthique de Dieu brille de sa propre splendeur. On les classe en général sous trois rubriques:

– la bonté de Dieu;

– la sainteté de Dieu;

– et la justice de Dieu.

l. La bonté de Dieu

C’est un terme générique incluant plusieurs attributs que l’on distingue selon leurs objets. On ne devrait pas confondre bonté et bienveillance de Dieu, car la seconde est plus limitée. Nous disons d’une personne qu’elle est bonne quand elle répond entièrement à notre idéal. Quand nous disons que Dieu est bon, nous disons qu’il est, à tous les sens du mot, tout ce que Dieu devrait être, et qu’il répond donc parfaitement au concept exprimé par le mot « Dieu ». Il est bon au sens métaphysique du terme; sa perfection est absolue et sa félicité parfaite en lui. C’est dans ce sens que Jésus a dit au jeune homme riche: « Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul. » (Mc 10:18) Mais si Dieu est bon en lui-même, il l’est également envers ses créatures et peut donc être appelé le fons omnium bonorum. Il est la source de tout bien, et la Bible le représente ainsi de multiples manières. Le psalmiste chante: « Car auprès de toi est la source de la vie; par ta lumière nous voyons la lumière. » (Ps 36:9) Toutes les bonnes choses dont jouissent les créatures dans le présent et qu’elles espèrent pour l’avenir leur viennent de cette source inépuisable. D’autre part, Dieu est aussi le sumum bonum, le bien suprême, pour toutes ses créatures, bien qu’il le soit à des degrés différents et dans la mesure où elles répondent au but de leur existence. Dans cet exposé, nous accentuons naturellement la bonté éthique de Dieu et ses différents aspects, tels que ceux-ci sont déterminés par la nature de ses objets.

a) La bonté de Dieu envers ses créatures en général

On peut la définir comme « cette perfection qui incite Dieu à agir libéralement et avec bienveillance envers toutes ses créatures ». C’est l’affection que le Créateur ressent à l’égard de ses créatures sensibles. Le psalmiste la chante dans ces paroles bien connues: « L’Eternel est bon envers tous, et ses compassions s’étendent sur toutes ses œuvres… Tous, avec espoir, tournent les yeux vers toi, c’est toi qui leur donnes leur nourriture en son temps. Tu ouvres ta main et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie. » (Ps 145:9, 15-16) Cet intérêt bienveillant de Dieu est révélé dans l’attention qu’il porte au bien-être de ses créatures, bien-être convenant à leur nature. Cette bonté varie naturellement en degrés, selon la capacité des objets à la recevoir. Et bien qu’elle ne soit pas réservée aux croyants, ceux-ci sont les seuls à apprécier pleinement ses bénédictions qu’ils désirent utiliser au service de leur Dieu. La Bible parle de cette bonté de Dieu à plusieurs reprises (Ps 36:6, 104:21; Mt 5:45, 6:26; Lc 6:36; Ac 14:17).

b) L’amour de Dieu

Lorsque la bonté de Dieu s’exerce envers ses créatures rationnelles, elle revêt la forme la plus haute de l’amour; elle peut même se différencier selon les objets sur lesquels elle s’exerce. En général, la bonté de Dieu est distincte de l’amour que l’on peut définir comme « cette perfection par laquelle il est éternellement mu vers l’autocommunication ». Si Dieu est absolument bon en lui-même, son amour ne peut trouver de satisfaction complète que s’il s’exerce en faveur d’un objet doté de la perfection absolue. Il aime ses créatures rationnelles pour l’amour de lui-même ou, en d’autres termes, il s’aime lui-même en elles, ainsi que ses vertus, son œuvre et ses dons. Il ne retire pas complètement son amour au pécheur, malgré son état actuel de péché, bien que le péché lui soit en abomination. En effet, il reconnaît dans le pécheur le porteur de son image (Jn 3:16; Mt 5:44-45). Simultanément, il aime les croyants d’un amour particulier, car ce sont ses enfants spirituels en Christ. C’est à eux qu’il se communique au sens le plus riche du terme, dans toute la plénitude de sa grâce et de sa miséricorde (Jn 16:27; Rm 5:8; 1 Jn 3:1).

c) La grâce de Dieu

Ce mot significatif est la traduction de l’hébreu chanan et du grec charis. Selon l’Ecriture, la grâce n’est pas seulement manifestée par Dieu, mais aussi par les hommes, et indique alors la faveur qu’un être humain manifeste à l’un de ses semblables (Gn 33:8, 10, 18, 39:4, 47:25; Rt 2:2; 1 S 1:28, 16:22). Dans ces textes, la faveur n’est pas nécessairement imméritée. Cependant, on peut dire en général que la grâce est le don libre de son amitié, don accordé par une personne à quelqu’un qui n’y a aucun droit. Ceci est particulièrement vrai quand il s’agit de la grâce de Dieu. Son amour pour l’homme est toujours immérité et quand il le donne aux pécheurs, il est même perdu. La Bible utilise généralement le mot (grâce) pour indiquer « la bonté imméritée ou l’amour de Dieu pour ceux qui l’ont perdu, et qui sont par nature condamnés ». La grâce de Dieu est la source de toutes les bénédictions spirituelles qui sont accordées aux pécheurs (cf. Ep 1:6-7, 2:7-9; Tt 2:11, 3:4-7). Si la Bible parle souvent de la grâce de Dieu comme d’une grâce salvatrice, elle en parle aussi dans un sens plus large (cf. Es 26:10; Jr 16:13).

Sur le plan pratique, la notion de la grâce de Dieu a une importance cruciale pour les hommes pécheurs. C’est par grâce que le chemin de la rédemption leur a été ouvert (Rm 3:24; 2 Co 8:9) et que le message de la rédemption s’est répandu dans le monde (Ac 14:3). Par grâce, les pécheurs reçoivent le don de Dieu en Jésus-Christ (Ac 18:27; Ep 2:8). C’est par grâce qu’ils sont justifiés (Rm 3:24, 4:16; Tt 3:7), qu’ils sont enrichis de toutes bénédictions spirituelles (Jn 1:16; 2 Co 8:9; 2 Th 2:16) et, enfin, qu’ils héritent du salut (Ep 2:8; Tt 2:11). N’ayant absolument aucun mérite personnel, ils sont entièrement dépendants de la grâce de Dieu en Christ.

Dans la théologie moderne, qui croit en la bonté originelle de l’homme et en sa capacité à se tirer d’affaire tout seul, la doctrine du salut par grâce a pratiquement perdu toute valeur; le mot même de grâce a été vidé de toute signification spirituelle et a disparu des discours religieux. On la retient uniquement au sens de « condescendance », comme quelque chose de purement extérieur. Heureusement, on peut constater les signes d’une redécouverte de la notion de péché et d’un réveil du besoin de l’homme de la grâce divine.

d) La miséricorde de Dieu

Un autre aspect important de la bonté et de l’amour de Dieu est sa miséricorde, ou tendre compassion. Le mot hébreu employé plus généralement pour désigner cela est chesed. Il existe cependant un autre mot qui exprime une compassion tendre et profonde; le mot racham, qui est traduit avec justesse par « tendre miséricorde » dans la Bible anglaise. La Septante et le Nouveau Testament emploient le mot grec eleos pour désigner la miséricorde de Dieu.

Si Dieu dans sa grâce considère l’homme comme coupable devant lui et donc comme ayant besoin de pardon, dans sa miséricorde, il le voit comme portant les conséquences du péché, se trouvant dans un état pitoyable et ayant donc besoin de l’aide divine. On peut définir la miséricorde comme « la bonté ou l’amour de Dieu manifesté à ceux qui se trouvent dans la misère ou la détresse et l’angoisse, indépendamment de leurs mérites ».

Dans sa miséricorde, Dieu se révèle comme un Dieu compatissant, qui a pitié de ceux qui sont dans la misère et qui est toujours prêt à soulager leur détresse. Cette miséricorde est généreuse (Dt 5:10; Ps 57:10, 86:5) et les poètes d’Israël se plaisaient à la chanter comme étant éternelle (1 Ch 16:34; 2 Ch 7:6; Ps 136; Esd 3:11).

Dans le Nouveau Testament, on en parle souvent, à côté de la grâce de Dieu, surtout dans les salutations (1 Tm 1:2; 2 Tm 1:1; Tt 1:1). On nous dit régulièrement qu’elle est dévoilée à ceux qui craignent Dieu (Ex 20:2; Dt 7:9; Ps 86:5; Lc 1:50). Cela ne signifie pas cependant qu’elle leur est réservée, bien qu’ils la goûtent plus spécialement.

Les compassions de Dieu se manifestent au profit de toutes ses œuvres (Ps 145:9) et même ceux qui ne le craignent pas y ont part (Ez 18:23, 32, 33:11; Lc 6:35-36). Il n’est pas possible d’opposer justice et miséricorde de Dieu. Cette dernière s’exerce uniquement en harmonie avec la justice la plus stricte de Dieu, qui considère les mérites de Jésus-Christ. La Bible utilise aussi d’autres termes: « pitié », « compassion » et « tendre considération ».

e) La patience de Dieu

La patience de Dieu est encore un autre aspect de sa bonté ou de son amour. L’hébreu utilise l’expression erek ‘aph, qui veut dire littéralement « qui a le nez long » et donc aussi « lent à la colère », tandis que le grec exprime la même idée par le mot makrothumia. C’est « cet aspect de la bonté ou de l’amour de Dieu en vertu duquel il supporte celui qui s’oppose à lui et le méchant en dépit de leur désobéissance sans fin ». Dieu voit que, malgré ses exhortations et ses avertissements, le pécheur s’obstine dans la voie du péché. Sa patience se révèle dans le fait qu’il repousse le jugement que l’homme mérite. L’Ecriture en parle en plusieurs textes (Ex 34:6; Ps 86:15; Rm 2:4, 9:22; 1 P 3:20; 2 P 3:15). Un terme synonyme, mais de connotation légèrement différente, est celui de longanimité.

2. La sainteté de Dieu

Le mot hébreu quadash traduit par « être saint » est dérivé de la racine qad, qui signifie couper ou séparer. C’est l’un des mots religieux les plus remarquables de l’Ancien Testament, et il est appliqué avant tout à Dieu. La même idée est rendue dans le Nouveau Testament par les mots hagiazo et hagios. Il ne faut absolument pas penser que la sainteté est, d’abord, une qualité éthique ou religieuse, comme on le fait souvent, et qu’elle désigne fondamentalement une « position » ou une « relation » existant entre Dieu et une personne ou une chose.

a) Sa nature

La notion scripturaire de la sainteté de Dieu est double. Dans son sens originel, elle exprime l’idée qu’il est absolument distinct de toutes ses créatures, et qu’il est exalté au-dessus d’elles dans une majesté infinie. Comprise ainsi, la sainteté de Dieu est l’un des attributs qui caractérise sa transcendance; elle est parfois considérée comme sa perfection centrale et suprême. Il ne semble pas opportun de dire d’un attribut de Dieu qu’il est plus central et fondamental qu’un autre; mais, si c’était possible, l’insistance scripturaire sur la sainteté de Dieu semblerait justifier ce choix.

Il est bien évident cependant que la sainteté, en ce sens du mot, n’est pas vraiment un attribut éthique, qui peut être co-ordonné aux autres, comme l’amour, la grâce et la miséricorde; mais elle est plutôt co-extensive avec et applicable à tout ce qui peut être attribué à Dieu. Il est saint dans tout ce qui le révèle, dans sa bonté et sa grâce, autant que dans sa justice et sa colère. On peut l’appeler la « sainteté-majesté » de Dieu, et il y est fait référence en plusieurs endroits (Ex 15:11; 1 S 2:2; Es 57:15; Os 11:9).

C’est cette sainteté de Dieu que Otto, dans son ouvrage important Das Heilige5 [5], considère comme la perfection la plus essentielle en Dieu, et qu’il appelle « le numinous ». Il la considère comme appartenant à la partie non rationnelle de Dieu, impensable conceptuellement, et qui inclut des idées telles que « l’inaccessibilité absolue » ou « la toute-puissance absolue », ou encore « la majesté solennelle ». Elle éveille en l’homme le sens du néant absolu, la prise de conscience qu’il n’est qu’une créature menant à l’humiliation absolue.

Mais, la sainteté de Dieu a aussi un aspect spécifiquement éthique dans l’Ecriture, et c’est en cela qu’elle nous concerne plus directement. L’aspect éthique de la sainteté divine ne peut être dissocié de l’idée de la sainteté-majesté de Dieu. L’idée fondamentale de la sainteté éthique de Dieu est aussi celle de séparation, mais dans ce cas, il s’agit d’une séparation du mal moral ou du péché. En vertu de sa sainteté, Dieu ne peut avoir aucun rapport avec le péché (Jb 34:10; Ha 1:13). Utilisé dans ce sens, le mot « sainteté » indique la pureté majestueuse de Dieu ou la majesté éthique.

D’autre part, l’idée de sainteté éthique n’est pas simplement négative (séparation du péché); elle a également un contenu positif, celui d’excellence morale ou de perfection éthique. Si l’homme réagit à la sainteté-majesté de Dieu par un sentiment d’insignifiance absolue et de crainte, sa réaction à la sainteté éthique se révèle par un sentiment d’impureté, de conscience du péché (Es 6:5). Otto inclut aussi cet élément dans la sainteté de Dieu, bien qu’il souligne l’autre. Il dit: « La simple crainte, le simple besoin de se protéger de la ‹grandeur absolue› a été ici élevé à ce sentiment: l’homme, dans son impiété naturelle, n’est pas ‹digne› de se tenir dans la présence du Saint, et sa totale indignité personnelle peut arriver jusqu’à salir la sainteté. »6 [6] Cette sainteté éthique de Dieu peut se définir comme cette perfection, en vertu de laquelle il veut et maintient sa propre excellence morale, abhorre le péché et exige la pureté de ses créatures morales.

b) Sa manifestation

La sainteté de Dieu est révélée dans la loi morale implantée, d’une part, au cœur même de l’homme et parlant à sa conscience et, d’autre part, plus particulièrement dans la révélation spéciale de Dieu. Elle apparaît clairement dans la Loi donnée à Israël. Cette Loi, dans tous ses aspects, était calculée pour inculquer à Israël ce qu’est la sainteté de Dieu, et pour exhorter le peuple à mener une vie sainte. Telle était la raison de symboles et de types tels la nation sainte, la terre sainte, la ville sainte, le lieu saint et la prêtrise sainte. La sainteté de Dieu se révélait dans la manière par laquelle Dieu récompensait ceux qui respectaient la Loi, et punissait implacablement ses transgresseurs. La révélation suprême en a été donnée en Jésus-Christ, qui est appelé « le Saint et le Juste » (Ac 3:14). Il a reflété dans sa vie la sainteté parfaite de Dieu. Enfin, celle-ci est également révélée dans l’Eglise en tant que corps du Christ.

Il est frappant de constater que la sainteté est attribuée à Dieu beaucoup plus fréquemment dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, qui la mentionne occasionnellement (Jn 17:11; 1 P 1:16; Ap 4:8, 6:10). C’est probablement parce que le Nouveau Testament attribue plus particulièrement ce terme à la troisième personne de la Sainte Trinité, celle dont la tâche spéciale est, dans l’économie de la rédemption, de communiquer la sainteté à son peuple.

3. La justice de Dieu

Cet attribut est étroitement lié à la sainteté de Dieu. Shedd parle de la justice de Dieu comme d’« un mode de sa sainteté ». Strong l’appelle simplement « la sainteté transitive ». Cependant, ces termes s’appliquent à ce que l’on appelle généralement la justice « relative » de Dieu, distincte de sa justice « absolue ».

a) L’idée fondamentale de justice

Fondamentalement, la justice est la stricte adhésion à la Loi. Pour les hommes, cela présuppose qu’il y ait une Loi à laquelle ils doivent se conformer. On dit parfois que nous ne pouvons parler de justice de Dieu, parce qu’il n’existe aucune loi à laquelle il est soumis. Mais bien qu’il n’y ait pas de loi au-dessus de Dieu, il existe certainement une loi dans la nature même de Dieu, qui est le modèle le plus élevé possible, et à l’aune duquel toutes les autres lois sont jugées. On distingue généralement justice absolue et justice relative de Dieu.

La première est cette rectitude de la nature divine, en vertu de laquelle Dieu est infiniment juste en lui-même, tandis que la seconde est cette perfection par laquelle il maintient sa sainteté contre toute violation, et montre ainsi à tous égards qu’il est le Saint. C’est à cette justice que le terme « justice » s’applique plus particulièrement. Elle se manifeste spécialement en donnant à chaque homme son dû, en le traitant selon ses mérites. La justice inhérente de Dieu est naturellement le fondement de la justice qu’il révèle dans ses relations avec ses créatures, et que nous allons étudier maintenant.

Les termes hébreux pour « juste » et « justice » sont tsaddik, tsedhek et tsedhakah, et les termes grecs correspondants dikaios et dikaiosune, qui contiennent tous l’idée d’une conformité à un modèle. Cette perfection est régulièrement attribuée à Dieu dans l’Ecriture (Esd 9:15; Né 9:8; Ps 119:137, 145:17; Jr 12:1; Lm 1:18; Dn 9:14; Jn 17:25; 2 Tm 4:8; 1 Jn 2:29, 3:7; Ap 16:5).

b) Distinctions appliquées à la justice de Dieu

Il existe, d’abord, une justice de Dieu en tant que Recteur de l’univers. Cette justice, comme son nom l’indique, est la droiture que Dieu manifeste en tant que Souverain à la fois du bien et du mal. En vertu de cette justice, il a institué un gouvernement moral dans le monde, et a imposé à l’homme une Loi juste, qui promet de récompenser celui qui obéit et menace de punir le transgresseur. Dieu apparaît nettement dans l’Ancien Testament comme le Législateur d’Israël (Es 33:22), du peuple en général (Jc 4:12) et ses lois sont des lois justes (Dt 4:8). La Bible se réfère à cette œuvre de direction divine également au Psaume 99:4 et en Romains 1:32.

Cette première justice est étroitement liée à la « justice distributive » de Dieu. Ce dernier terme sert habituellement à désigner la rectitude de Dieu dans l’exécution de la Loi et la distribution de récompenses ou de punitions (Es 3:10-11; Rm 2:6; 1 P 1:17).

On distingue:

1) « La justice rémunérative », qui se manifeste dans la distribution de récompenses à la fois aux hommes et aux anges (Dt 7:9, 12-13; 2 Ch 6:15; Ps 58:11; Mi 7:20; Mt 25:21, 34; Rm 2:7; Hé 11:26). Elle est véritablement une expression de l’amour de Dieu, lequel distribue ses dons, non seulement sur la base du mérite strict – car la créature ne peut se prévaloir d’aucun mérite absolu devant le Créateur – mais aussi en vertu de sa promesse et de son approbation (Lc 17:10; 1 Co 4:7). Les récompenses de Dieu sont gratuites et jaillissent de l’Alliance qu’il a lui-même établie.

2) « La justice rétributive », qui proportionne le châtiment mérité et les sanctions qui en découlent. Elle est l’expression de la colère divine. Tandis qu’elle serait inutile dans un monde sans péché, elle occupe nécessairement une place très importante dans un monde rempli de péché. En fait, la Bible souligne davantage la récompense du juste que la punition du méchant; mais même cette dernière est assez fréquente (cf. Rm 1:32, 2:9, 12:19; 2 Th 1:8 et beaucoup d’autres passages). A noter que, si l’homme ne mérite pas la récompense qu’il reçoit, il mérite vraiment la punition qui lui est infligée. La justice divine est, de par son origine, nécessairement obligée de punir le mal, mais non de récompenser le bien (Lc 17;10; 1 Co 4:7; Jb 41:11). Beaucoup de théologiens nient la justice strictement rétributive de Dieu et prétendent que Dieu punit le pécheur pour le réformer ou pour détourner les autres du péché; mais ces positions sont insoutenables. Le but premier du châtiment du péché est le maintien du droit et de la justice. Bien sûr, elle peut servir incidemment et peut même être secondairement conçue pour réformer le pécheur et détourner les autres du péché.

D) Les attributs de souveraineté

La souveraineté de Dieu est fortement soulignée dans l’Ecriture. Dieu y est représenté comme le Créateur, et sa volonté comme la cause première de toutes choses. En vertu de son œuvre créatrice, la terre et le ciel et tout ce qu’ils contiennent lui appartiennent. Il est revêtu d’autorité absolue sur les armées du ciel et les habitants de la terre. Il maintient toutes choses par sa force toute-puissante, et en détermine les buts. Il règne comme Roi au sens le plus absolu du mot; toutes choses dépendent de lui et lui sont subordonnées. La souveraineté de Dieu est affirmée avec abondance dans l’Ecriture, mais nous nous limiterons aux quelques passages les plus significatifs (Gn 14:19; Ex 18:11; Dt 10:14, 17; 1 Ch 29:11-12; 2 Ch 20:6; Né 9:6; Ps 22:28, 47:2-3, 7-8, 50:10-12, 95:3-5, 115:3, 135:5-6, 145:11-13; Jr 27:5; Lc 1:53; Ac 17:24-26; Ap 19:6). Deux attributs ressortent particulièrement: la volonté souveraine de Dieu et sa puissance souveraine.

l. La volonté souveraine de Dieu

a) La volonté de Dieu en général

La Bible emploie plusieurs mots pour signifier la volonté de Dieu, à savoir les mots hébreux chaphets, tsebhu et ratson et les mots grecs boule et thelema. L’importance de la volonté divine apparaît de plusieurs manières dans l’Ecriture. Elle y est représentée comme la cause finale de toutes choses: la création du monde, sa conservation (Ps 135:6; Jr 18:6; Ap 4:11), son gouvernement (Pr 21:1; Dn 4:35), l’élection et la réprobation (Rm 9:15-16; Ep 1:11), les souffrances du Christ (Lc 22:42; Ac 2:23), la régénération (Jc 1:18), la sanctification (Ph 2:13), les souffrances des croyants (1 P 3:17), la vie de l’homme et sa destinée (Ac 18:21; Rm 15:32; Jc 4:15), et même les choses les plus petites de la vie (Mt 10:29). A partir de là, la théologie chrétienne a toujours reconnu la volonté de Dieu comme la cause ultime de toutes choses, bien que la philosophie ait quelquefois recherché une cause plus profonde dans l’être même de l’Absolu. Cependant, la tentative de fonder toutes choses dans l’être même de Dieu résulte du panthéisme.

Le mot « volonté » appliqué à Dieu n’a pas toujours la même connotation dans l’Ecriture. Il peut signifier:

– la nature morale de Dieu dans son ensemble, incluant les attributs comme l’amour, la sainteté, la justice, etc.;

– la faculté d’autodétermination, c’est-à-dire le pouvoir de choisir une ligne d’action plutôt qu’une autre;

– le produit de cette activité, qui est le plan ou le but prédéterminé;

– la puissance d’exécuter ce plan et de réaliser ce but (la volonté en action ou l’omnipotence);

– et, enfin, la règle de vie établie pour des créatures rationnelles.

C’est d’abord la volonté de Dieu en tant que faculté d’autodétermination qui nous intéresse maintenant, on peut la définir comme « cette perfection de son être, par laquelle tout acte, même le plus simple, est accompli, soit en faveur de lui-même pour sa joie propre, soit en faveur de ses créatures pour la seule gloire de son nom, et est ainsi le fondement de leur être et du maintien de leur existence ». Ceci inclut naturellement l’idée de causalité, en référence à l’univers et à toutes les créatures qu’il contient.

b) Distinctions appliquées à la volonté de Dieu

On a établi plusieurs distinctions dans la volonté de Dieu. Certaines ne sont guère employées dans la théologie réformée: ainsi la distinction entre volonté « antécédente » et « volonté conséquente » de Dieu, ou celle entre volonté « absolue » et volonté « conditionnelle ». Ces distinctions n’étaient pas seulement causes de malentendus, mais ont donné lieu à des interprétations réellement inacceptables.

Cependant, d’autres distinctions, jugées utiles, ont été généralement acceptées, on peut les énoncer ainsi:

« La volonté décrétive et préceptive de Dieu »

La première est la volonté par laquelle Dieu se propose ou décrète s’il veut accomplir lui-même ce qui arrive, ou s’il promet que cela se produise par l’entremise libre de ses créatures rationnelles. La seconde est la règle de vie que Dieu a établie pour ses créatures morales et qui leur indique ses prescriptions. La première s’accomplit toujours, alors que la seconde est souvent contrecarrée.

« Volonté d’eudokia et volonté d’eurestia »

La distinction entre ces deux volontés n’est pas établie pour en distinguer le but, ou le plaisir, ou le désir de réaliser quelque chose. Elle est cependant en rapport avec ce que nous avons dit précédemment. La volonté d’eudokia ou décrétive comprend ce qui sera certainement accompli, tandis que la volonté d’eurestia ou préceptive recouvre simplement ce que Dieu est heureux de voir faire par ses créatures. Malgré ce que le mot eudokia pourrait nous suggérer, la volonté d’eudokia ne se réfère pas seulement au bien (cf. Mt 11:26). On ne peut pas dire que l’élément de satisfaction ou de délice lui soit toujours associé.

« Volonté de beneplacitum et volonté du signum »

La première expression désigne la volonté de Dieu telle qu’elle est fixée dans son dessein caché, jusqu’à ce qu’il la fasse connaître par une révélation ou un événement. Toute volonté révélée ainsi devient un signum. Cette distinction est censée correspondre à celle établie entre volonté décrétive et volonté préceptive de Dieu, mais on peut difficilement recommander ces expressions. En effet, le bon plaisir de Dieu s’exprime également dans sa volonté préceptive; et sa volonté décrétive nous parvient quelquefois par un signum.

« Volonté secrète et volonté révélée de Dieu »

C’est la distinction la plus commune. La première est la volonté décrétive de Dieu, cachée en grande partie en lui-même, alors que la seconde est la volonté préceptive, révélée dans la Loi et l’Evangile. Cette distinction est fondée sur Deutéronome 29:29. La volonté secrète de Dieu est mentionnée au Psaume 115:3, Daniel 4:17, 25, 32, 35, Romains 9:18-19, 11:33-34, Ephésiens 1:5, 9, 11, et sa volonté révélée en Matthieu 7:21, 12:50, Jean 4:34, 7:17, Romains12:2. Cette dernière est accessible à tout homme et ne se trouve pas loin de nous (Dt 30:14; Rm 10:8). La volonté secrète de Dieu comprend tout ce qu’il désire, soit accomplir, soit permettre, et donc tout ce qui est absolument fixé. La volonté révélée prescrit les devoirs des hommes et indique le chemin à suivre pour pouvoir jouir des bénédictions divines.

c) La liberté de la volonté de Dieu

On se demande souvent si Dieu, dans l’exercice de sa volonté, agit de manière nécessaire ou libre. Il faut y répondre prudemment. Comme il existe en Dieu une scientia necessaria et une scientia libera, de même il existe en lui une voluntas necessaria (volonté nécessaire) et une voluntas libera (volonté libre). Dieu est lui-même l’objet de la première. Il se désire « nécessairement » lui-même, ainsi que sa nature sainte, et les distinctions personnelles existant au sein de la divinité. Ceci signifie qu’il s’aime nécessairement et prend plaisir à contempler ses propres perfections. Néanmoins, il n’est soumis à aucune contrainte, mais agit selon la loi de son être propre; et cette nécessité représente également le degré le plus haut de sa liberté.

Il est bien évident que l’idée de causalité est ici absente, et que la pensée de satisfaction de soi-même ou d’auto-approbation se situe au premier plan. Les créatures de Dieu sont les objets de sa voluntas libera. Dieu détermine volontairement ce que et qui il va créer, ainsi que les temps, les lieux et les circonstances de la vie de ces personnes et de ces choses. Il jalonne le chemin de ses créatures rationnelles, détermine leur destinée, et les utilise pour ses plans. Bien qu’il les dote de liberté, sa volonté contrôle leurs actions. La Bible parle de cette liberté de Dieu en termes absolus (Jb 11:10, 33:13; Ps 115:3; Pr 21:1; Es l0:15, 29:16, 45:9; Mt 20:15; Rm 9:15-18, 20-21; l Co 12:11; Ap 4:11).

L’Eglise a toujours défendu cette liberté, mais a aussi montré que l’on ne peut la considérer comme de l’indifférence absolue. Scot a émis l’idée d’une volonté indéterminée de Dieu, mais l’Eglise a rejeté cette idée d’une volonté aveugle, agissant avec une indifférence parfaite. La liberté de Dieu n’est pas pure indifférence, mais autodétermination rationnelle. Dieu a des raisons pour vouloir ce qu’il fait, qui l’incitent à choisir un but plutôt qu’un autre, et un ensemble de moyens pour accomplir ce but précis. Dans chaque cas prévaut un motif, qui détermine le but choisi et les moyens sélectionnés qui lui sont plus plaisants, encore que nous ne puissions pas déterminer ce motif.

D’une manière générale, on peut dire que Dieu ne peut vouloir ce qui serait contraire à sa nature, son amour, sa sagesse, sa justice ou sa sainteté. Bavinck précise que nous pouvons rarement savoir pourquoi Dieu a voulu une chose plutôt qu’une autre, et que nous ne pouvons ni ne devons chercher aux choses une cause plus profonde que la volonté de Dieu, parce que toutes ces tentatives aboutissent à chercher dans l’être même de Dieu une cause à la créature, en lui dérobant son caractère contingent, et en la rendant nécessaire, éternelle et divine7 [7].

d) Volonté de Dieu et péché

La doctrine de la volonté de Dieu pose souvent de sérieuses questions qui n’ont encore jamais été résolues et qui ne le seront probablement jamais.

l) Si la volonté décrétive de Dieu a déterminé l’entrée du péché dans le monde, Dieu, de ce fait, est devenu l’auteur du péché, et a ainsi véritablement voulu quelque chose de contraire à ses perfections éthiques. Pour échapper à cette difficulté, les arminiens font dépendre la « volonté de Dieu à permettre le péché » de sa prescience des choix de l’homme. Les théologiens réformés, tout en maintenant que la volonté décrétive inclut aussi les actions pécheresses de l’homme (Ac 2:23, 3:18, etc.), sont toujours très prudents et font remarquer que l’on ne doit surtout pas en conclure que Dieu est l’auteur du péché. Ils admettent franchement qu’ils ne peuvent résoudre la difficulté, mais font simultanément quelques distinctions salutaires. La majorité insiste sur le fait que la volonté de Dieu quant au péché consiste simplement à permettre le péché, et non à le réaliser, comme il le fait d’un bien moral. Cette terminologie peut être utilisée, à condition d’être comprise correctement. Il faut se souvenir que « la volonté de Dieu à permettre le péché » est une chose certaine. Pour d’autres, tandis que les termes « volonté » et « vouloir » peuvent inclure une idée de satisfaction de soi-même ou de joie, ils peuvent aussi indiquer une simple détermination de la volonté; ainsi, « la volonté de Dieu à permettre le péché » n’implique pas nécessairement qu’il prenne plaisir au péché.

2) D’autre part, on prétend que les volontés décrétive et préceptive de Dieu sont souvent contradictoires. Sa volonté décrétive permet des choses que sa volonté préceptive défend (cf. Gn 22; Ex 4:13-23; 2 R 20:1-7; Ac 2:23). Cependant, il est très important de maintenir ensemble ces deux volontés, tout en nous souvenant que, si elles nous apparaissent distinctes, elles sont néanmoins fondamentalement une en Dieu. Bien qu’aucune solution parfaitement satisfaisante n’ait été trouvée jusqu’à présent, il est possible de s’en approcher. Quand nous parlons des volontés décrétive et préceptive de Dieu, nous utilisons le mot « volonté » selon deux sens différents. Au premier sens (volonté décrétive), Dieu a déterminé ce qu’il fera ou ce qui arrivera. Au deuxième sens (volonté préceptive), il nous révèle ce que, par devoir, nous sommes tenus de faire8 [8]. La loi morale, règle de notre vie, est également l’expression de la volonté de Dieu, de sa sainte nature, et de tout ce que celle-ci exige par essence de toutes les créatures morales. Ajoutons que les volontés décrétive et préceptive de Dieu n’entrent pas en conflit, parce que dans la première il prendrait plaisir au péché, tandis qu’il ne le ferait pas dans la seconde – ou parce que, selon la première, il ne voudrait pas le salut de chaque individu « avec une volonté positive », tandis que dans la seconde il le voudrait. En fait, même dans sa volonté décrétive, Dieu ne prend aucun plaisir au péché; et même dans sa volonté préceptive, il ne veut pas le salut de tout individu « avec une volonté positive ».

2. La puissance souveraine de Dieu

La souveraineté de Dieu trouve son expression, non seulement dans la volonté divine, mais aussi dans l’omnipotence de Dieu, ou le pouvoir qu’il a d’exécuter sa volonté, on peut identifier cette puissance qui est en Dieu avec l’énergie effective de sa nature, ou la définir comme « cette perfection de son être par laquelle il est la causalité absolue et suprême de toutes choses ». Il est courant d’établir une distinction entre:

potentia Dei absoluta (puissance absolue de Dieu) et

potentia Dei ordinata (puissance ordonnée de Dieu).

Cependant, les théologiens réformés ont rejeté cette distinction, du moins telle que la comprenaient les scolastiques, qui soutenaient que Dieu, en vertu de sa puissance absolue, peut se contredire et pourrait même pécher et s’annihiler lui-même. Les théologiens réformés reconnaissent en cette distinction l’expression d’une vérité réelle, bien qu’ils ne la représentent pas toujours de la même manière. Selon Hodge et Shedd, la puissance absolue est la capacité divine, exercée sans l’intervention de causes secondes; tandis que la puissance ordonnée est la capacité de Dieu, exercée par l’opération ordonnée de causes secondes9 [9]. L’opinion la plus générale est énoncée par Charnock de la façon suivante: « La puissance absolue de Dieu est cette puissance par laquelle Dieu peut tout faire, même ce qui n’est pas sa volonté, mais qu’il est possible qu’il fasse. La puissance ordonnée de Dieu est celle par laquelle Dieu fait ce qu’il a décrété vouloir faire. Ces deux puissances ne sont pas distinctes, mais constituent une seule et même puissance. Sa puissance ordonnée fait partie de sa puissance absolue, car s’il n’avait pas le pouvoir de faire tout ce qui est possible, il n’aurait peut-être pas le pouvoir de faire tout ce qu’il choisit de faire. »10 [10]

La potentia ordinata peut être définie comme « cette perfection de Dieu par laquelle il peut réaliser, par le simple exercice de sa volonté, tout ce qui est présent dans sa volonté ou son dessein. » La puissance de Dieu dans son exercice actuel se limite à ce qui est compris dans son décret éternel. Mais cela ne représente pas ses limites. Dieu pourrait faire plus que cela, si telle était son intention. En ce sens, nous pouvons parler de potentia absoluta, ou de la puissance absolue de Dieu.

Cette position doit être maintenue contre ceux qui, comme Schleiermacher et Strauss, soutiennent que la puissance de Dieu est limitée à ce qu’il accomplit effectivement. Mais en affirmant la puissance absolue de Dieu, il est nécessaire de se garder de tout malentendu. La Bible nous enseigne, d’une part, que la puissance de Dieu s’étend au-delà de ce qui est effectivement réalisé (Gn 18:14; Jr 32:27; Za 8:6; Mt 3:9, 26:53). Nous ne pouvons donc dire que Dieu est incapable de faire ce qu’il ne réalise pas.

Mais, d’autre part, la Bible indique qu’il y a beaucoup de choses que Dieu ne peut faire. Il ne peut ni mentir, ni pécher, ni changer, ni se renier lui-même (Nb 23:19; 1 S 15:29; 2 Tm 2:13; Hé 6:18; Jc 1:13, 17). Sa puissance absolue ne peut être séparée de ses perfections, et il ne peut donc faire des choses contradictoires. L’idée de l’omnipotence de Dieu est exprimée dans le nom ‘El Shaddai. La Bible en parle en termes certains (Jb 9:12; Ps 115:3; Jr 32:17; Mt 19:26; Lc 1:37; Rm 1:20; Ep 1:19). Dieu manifeste sa puissance dans la création (Rm 4:17; Es 44:24), dans les œuvres de la Providence (Hé l:3), et dans la rédemption des pécheurs (1 Co 1:24; Rm 11:16).

VII. LA SAINTE TRINITÉ11 [11]

A) La doctrine de la Trinité dans l’histoire

La doctrine de la Trinité a toujours présenté de grandes difficultés et il n’est donc pas étonnant que l’Eglise, dans sa tentative de la formuler, ait été régulièrement tentée de la rationaliser, et d’en donner des définitions non conformes aux données scripturaires.

l. La période pré-réformatrice

Les Juifs de l’époque de Jésus soulignaient très fortement l’unité de Dieu, et l’Eglise chrétienne les a suivis sur ce point. C’est la raison pour laquelle certains théologiens ont entièrement éliminé les distinctions de personnes existant au sein de la Trinité. D’autres n’ont pas réussi à reconnaître la divinité de la deuxième et de la troisième personnes de la Sainte Trinité. Tertullien fut le premier à utiliser le terme « Trinité » et à en formuler la doctrine, d’ailleurs incomplète, puisqu’elle comportait une subordination non justifiée du Fils au Père. Origène est même allé plus loin, en enseignant explicitement que le Fils est subordonné au Père « quant à l’essence », et que le Saint-Esprit est subordonné au Fils. Réduisant ainsi l’essence divine de ces deux personnes, il a fourni un tremplin aux ariens, qui niaient la divinité du Fils et du Saint-Esprit, représentant le Fils comme la première créature du Père, et le Saint-Esprit comme la première créature du Fils.

Ainsi, la consubstantialité du Fils et du Saint-Esprit avec le Père était sacrifiée afin de préserver l’unité de Dieu, les trois personnes de la Divinité différant par le rang. Si les ariens conservaient partiellement la doctrine des trois personnes dans la Divinité, par contre le monarchianisme, qui voulait à la fois préserver l’unité de Dieu et la divinité du Fils, l’a entièrement éliminée. Le monarchianisme dynamique n’a vu en Jésus qu’un homme et dans le Saint-Esprit qu’une influence divine, tandis que le monarchianisme modaliste a simplement considéré le Père, le Fils et le Saint-Esprit comme trois modes de manifestation revêtus successivement par la Divinité. Certains autres théologiens ont perdu de vue l’unité de Dieu, au point qu’ils ont abouti au trithéisme. Quelques monophysites tardifs comme Jean Ascunages et Jean Philoponus sont tombés dans cette erreur, ainsi que le nominaliste Roscelinius au Moyen Age.

L’Eglise commença à formuler sa doctrine de la Trinité au IVe siècle. Le Concile de Nicée (325) déclarait le Fils consubstantiel au Père, tandis que le Concile de Constantinople (381) affirmait la divinité du Saint-Esprit, bien que de manière moins précise. En ce qui concerne l’interrelation entre les trois personnes de la Trinité, la doctrine officielle affirme que le Fils est engendré par le Père, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. La doctrine de la Trinité a été énoncée le plus précisément à l’Est par Jean Damascene, bien qu’il retienne encore un élément de subordination, et à l’Ouest par saint Augustin dans son De Trinitate.

2. La période post-réformatrice

Cette période ne laisse apparaître aucun développement plus précis de la doctrine de la Trinité; par contre, d’aucuns sont revenus à certaines constructions primitives erronées. Les arminiens Episcopius, Curcellaeus et Limborgh ont repris la doctrine de la subordination, avant tout, semble-t-il, pour maintenir l’unité de la Divinité. Ils ont attribué au Père une certaine prééminence sur les autres personnes, « dans l’ordre, la dignité et la puissance ». Une position quelque peu similaire a été adoptée par Samuel Clarke en Angleterre et par le théologien luthérien Kahnis. D’autres ont suivi Sabellius, enseignant une forme de modalisme, comme par exemple Emmanuel Swedenborg, qui soutenait que le Dieu-homme éternel s’est incarné dans le Fils et a opéré par le Saint-Esprit; de même Hegel, qui parle du Père comme Dieu en lui-même, du Fils comme la forme objective de Dieu lui-même, et du Saint-Esprit comme Dieu retournant à lui-même; enfin, Schleiermacher, qui considère simplement les trois personnes de la Trinité comme trois aspects de Dieu: le Père représente Dieu comme l’unité fondamentale de toutes choses, le Fils comme venant dans la personnalité consciente de l’homme et le Saint-Esprit comme vivant dans l’Eglise.

Les sociniens de l’époque de la Réforme ont suivi Arius et sont même allés plus loin que lui, en réduisant le Christ à un homme et le Saint-Esprit à une influence ou une puissance. Ils sont les précurseurs des unitariens et des théologiens libéraux qui parlent de Jésus comme d’un maître divin et confondent le Saint-Esprit avec le Dieu immanent. Enfin, certains théologiens, considérant la notion de Trinité ontologique comme inintelligible, ont choisi de se limiter à la notion d’une simple Trinité économique, telle qu’elle se révèle dans l’œuvre de rédemption et dans l’expérience humaine.

Pendant longtemps, les théologiens se sont désintéressés de la doctrine de la Trinité, et la discussion théologique s’est centrée plus particulièrement sur la personnalité de Dieu. C’est Brunner et Barth qui ont de nouveau attiré l’attention sur son importance. Barth la replace fermement au premier plan, la mettant en relation avec la doctrine de la révélation; il y consacre une grande section dans sa Dogmatique. Matériellement, il fait dériver la doctrine de la Trinité de l’Ecriture, mais formellement et logiquement, il pense qu’elle est contenue dans cette phrase toute simple: « Dieu parle. » Il est Révélateur (le Père), Révélation (le Fils), et acte de Révélation (Saint-Esprit). Il se révèle, il est la Révélation, et il est aussi le contenu de la Révélation. Dieu est identifié à sa Révélation. Il demeure absolument libre et souverain dans sa Révélation. Barth n’est pas sabellien, car il reconnaît trois personnes dans la Divinité. En outre, il ne permet aucune subordination. Il déclare: « Ainsi, à ce Dieu qui, dans une inaltérable unité, est à la fois le Révélateur, l’acte de Révélation et le révélé, est également attribué ce triple mode d’être dans une inaltérable distinction. »12 [12]

B. Dieu comme Trinité dans l’unité

Le mot « Trinité » indique simplement l’état d’être trois, sans aucune implication quant à l’unité des trois. Cependant, il est généralement admis en théologie que ce terme technique inclut également les deux idées. Il est bien évident que, lorsque nous parlons de la Trinité de Dieu, nous parlons d’une trinité dans l’unité, et d’une unité trine.

1. Le caractère personnel de Dieu et la Trinité

Comme nous 1’avons établi précédemment, les attributs communicables de Dieu soulignent son caractère personnel, puisqu’ils le révèlent comme un Etre rationnel et moral. Sa vie est clairement définie dans 1’Ecriture comme une vie personnelle, et il est, bien sûr, primordial de maintenir le concept du Dieu personnel. En effet, sans cela, il ne peut y avoir aucune religion au sens réel du mot: pas de prière, pas de communion personnelle, pas de confiance et pas d’espoir possibles. Puisque l’homme est créé à l’image de Dieu, nous pouvons appréhender quelque chose de la vie personnelle de Dieu, en étudiant la personne humaine. Nous devrions cependant être prudents et ne pas mesurer le caractère personnel de Dieu à l’aune de celui de l’homme. Le caractère personnel originel n’est pas en l’homme mais en Dieu, celui-ci étant archétypique, et celui-là ectypique. Le caractère personnel de l’homme n’est pas identique à celui de Dieu, mais présente simplement quelques similitudes avec lui. Nous ne devrions pas dire que l’homme est personnel, tandis que Dieu est super-personnel (ce terme est inapproprié), car ce qui est super-personnel n’est pas personnel. Il est préférable de dire que ce qui apparaît comme imparfait en l’homme existe avec une infinie perfection en Dieu. La seule différence fondamentale entre les deux est que l’homme est unipersonnel, alors que Dieu est tri-personnel. Cette existence tri-personnelle est une nécessité dans l’Etre Divin et, en aucun cas, le résultat d’un choix de Dieu. Il ne pourrait exister sous aucune autre forme qu’une forme tri-personnelle.

Plusieurs argumentations ont été avancées, dont la plus courante part de l’idée de caractère personnel lui-même. Shedd fonde son raisonnement sur l’auto-conscience « générale » du Dieu trine, distinguée de l’auto-conscience individuelle et particulière de chacune des personnes de la Divinité; en effet, dans l’auto-conscience, le sujet doit se connaître comme un objet et percevoir aussi qu’il se connaît ainsi. Ceci n’est possible en Dieu qu’à cause de son existence trine. Il sait qu’il ne pourrait se contempler lui-même, se connaître lui-même et communier avec lui-même s’il n’était pas trine dans sa constitution13 [13]. Barlett présente de façon intéressante une diversité de considérations pour prouver que Dieu est nécessairement tri-personnel14 [14]. L’argument du caractère personnel pour prouver la pluralité qui existe en Dieu peut être formulé ainsi: l’homme ne prend conscience de lui-même que lorsqu’il entre en contact avec quelqu’un d’autre. Le caractère personnel ne se développe ni n’existe dans l’isolement, mais seulement en relation avec d’autres personnes. De cette constatation, nous concluons qu’il n’est pas possible de concevoir de caractère personnel en Dieu, sauf s’il existe plusieurs personnes « égales » en lui. Les relations qu’il entretient avec ses créatures ne pourraient rendre compte de son caractère personnel, pas plus que les relations que l’homme entretient avec les animaux ne pourraient expliquer son caractère personnel. L’existence tri-personnelle de Dieu lui procure une plénitude de vie divine. L’apôtre Paul parle de cette pleroma (plénitude) de la Divinité en Ephésiens 3:19, en Colossiens 1:9 et 2:9. Sachant qu’il existe trois personnes en Dieu, il est plus adéquat de dire que Dieu est personnel que de parler de lui comme d’une personne.

2. Preuves scripturaires de la doctrine de la Trinité

Cette doctrine est véritablement une doctrine révélée. D’une part, il est vrai que, par la simple raison humaine, les hommes ont pu proposer quelques arguments pour l’étayer. Ils ont quelquefois abandonné l’idée d’une unité simple en Dieu pour des raisons purement philosophiques, et ont introduit la notion d’un mouvement vivant et d’une auto-distinction.

D’autre part, il est vrai aussi que l’expérience chrétienne semble nécessiter une telle conception de Dieu. Mais en même temps, il faut reconnaître que c’est une doctrine que nous n’aurions ni pu connaître ni été capables de maintenir avec confiance sur la base de l’expérience seule. C’est la révélation spéciale de Dieu qui nous l’a enseignée. Il est donc fondamental d’en rassembler les preuves scripturaires.

a) Preuves vétérotestamentaires

D’un côté, certains des premiers Pères de l’Eglise et certains théologiens tardifs, sans considérer le caractère progressif de la révélation de Dieu, ont prétendu que la doctrine de la Trinité était déjà complètement révélée dans l’Ancien Testament. D’un autre côté, les sociniens et les arminiens pensaient qu’elle ne s’y trouvait pas du tout. Les uns et les autres étaient dans l’erreur. L’Ancien Testament ne contient pas une pleine révélation de l’existence trinitaire de Dieu, mais en contient en revanche plusieurs indications véritables.

C’est d’ailleurs exactement ce que l’on peut attendre de la Bible. Elle ne traite jamais de la doctrine de la Trinité comme d’une vérité abstraite, mais révèle la vie trinitaire dans ses diverses relations comme une réalité vivante, en rapport, en général, avec les œuvres de création et de providence et, en particulier, avec l’œuvre de rédemption. Sa révélation la plus fondamentale est donnée par les faits plutôt que par les mots. Et cette révélation s’éclaire au fur et à mesure que l’œuvre rédemptrice de Dieu est plus clairement révélée, comme l’incarnation du Fils et l’effusion du Saint-Esprit. Plus la réalité glorieuse de la Trinité ressort dans les faits historiques, plus les affirmations de la doctrine deviennent limpides. La révélation complète de la Trinité dans le Nouveau Testament est due au fait que la Parole s’est faite chair et que le Saint-Esprit a fait de l’Eglise sa demeure.

On a parfois voulu trouver la preuve de la doctrine de la Trinité dans la distinction entre YHWH et Elohim et dans la forme plurielle du mot Elohim; le premier argument est injustifié et le second douteux15 [15]. Il est possible que les passages dans lesquels Dieu parle de lui-même au pluriel (Gn 1:26, 11:17) contiennent une indication de distinctions personnelles en Dieu. Cependant, même celles-ci n’indiquent pas forcément une Trinité, mais simplement une pluralité de personnes.

On trouve des indications de distinctions personnelles dans les passages qui se réfèrent à l’Ange de l’Eternel (à la fois identifié à l’Eternel lui-même et différencié de lui) – Genèse 16:7-13, 18:1-21, 19:1-28; Malachie 3:1 – et dans les passages dans lesquels la Parole ou la Sagesse de Dieu sont personnifiées (Ps 33:4, 6; Pr 8:12-31). Dans certains cas, plusieurs personnes sont mentionnées (Ps 33:6, 45:6, 7, cp. Hé 1:8, 9). Dans d’autres, Dieu est l’interlocuteur et parle à la fois du Messie et de l’Esprit, ou alors le Messie est l’interlocuteur et parle à la fois de Dieu et de l’Esprit (Es 48:16, 61:1, 63:9, 10). Ainsi, on trouve dans l’Ancien Testament une anticipation claire de la Trinité telle qu’elle nous est révélée dans le Nouveau Testament.

b) Preuves néotestamentaires

Le Nouveau Testament contient une révélation plus claire des distinctions personnelles existant au sein de la Divinité. Si YHWH est représenté dans l’Ancien Testament comme le Rédempteur et le Sauveur de son peuple (Jb 19:25; Ps 19:14, 78:35, 106:21; Es 41:14, 43: 3, 11, 14, 47:4, 49:7, 26, 60:16; Jr 14:3, 50:14; Os 13:3), c’est le Fils de Dieu qui remplit ce rôle dans le Nouveau Testament (Mt 1:21; Lc 1:76-79, 2:17; Jn 4:42; Ac 5:3; Ga 3:13, 4:5; Ph 3:30; Tt 2:13, 14). Si, dans l’Ancien Testament, YHWH habite au milieu d’Israël et dans les cœurs de ceux qui le craignent (Ps 74:2, 135:21; Es 8:18, 57:15; Ez 43:7-9; Jl 3:17, 21; Za 2:10-11), dans le Nouveau Testament, c’est le Saint-Esprit qui habite dans l’Eglise (Ac 2:4; Rm 8:9, 11; 1 Co 3:16; Ga 4:6; Ep 2:22; Jc 4:5). Le Nouveau Testament révèle clairement Dieu, envoyant son Fils dans le monde (Jn 3:16; Ga 4:4; Hé 1:6; 1 Jn 4:9), ainsi que le Père et le Fils envoyant l’Esprit (Jn 14:26, 15:26, 16:7; Ga 4:6). Le Père s’adresse au Fils (Mc 1:11; Lc 3:22), le Fils communie avec le Père (Mt 11:25-26, 26:39; Jn 11:41, 12:27-28), et le Saint-Esprit prie Dieu dans le cœur des croyants (Rm 8:26).

Les trois personnes de la Trinité nous sont ainsi révélées explicitement. Au baptême du Fils, le Père parle depuis le ciel et le Saint-Esprit descend sous la forme d’une colombe (Mt 3:16-17). Dans la mission confiée à l’Eglise par Jésus, celui-ci parle des trois personnes de la Trinité: « … les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » (Mt 28:19) On mentionne aussi ces trois personnes en 1 Corinthiens 12:4-6, 2 Corinthiens 13:14 et 1 Pierre 1:2. Le seul passage indiquant très précisément la tri-unité de Dieu est 1 Jean 5:7, mais son authenticité est douteuse, ce qui l’a fait éliminer des éditions critiques les plus récentes du Nouveau Testament.

3. Exposé de la doctrine de la Trinité

On peut étudier plus brièvement cette doctrine en la reliant aux différentes affirmations qui constituent la quintessence de la foi de l’Eglise sur ce point.

a) L’Etre Divin est constitué d’une seule essence indivisible (ousia, essentia)

Dieu est un dans son Etre essentiel ou dans sa nature. Certains des premiers Pères de l’Eglise ont utilisé le terme substantia comme synonyme d’essentia. Les écrivains postérieurs ont évité cet usage, parce que, dans l’Eglise latine, substantia était utilisé pour traduire à la fois hupostasis et ousia. Ceci était donc ambigu. De nos jours, « substance » et « essence » sont interchangeables. Cela importe peu, pourvu que nous gardions à l’esprit que ces deux mots ont des connotations légèrement différentes. Shedd les distingue ainsi:

« Le terme essence, de esse (être), désigne un être dynamique; il décrit Dieu comme la somme totale de perfections infinies. C’est un mot actif et spirituel. Le mot substance, de substare, implique une virtualité (litt.: une possibilité latente d’être); il décrit Dieu comme le principe fondamental d’activités infinies. C’est un mot passif et matériel. On parlera plus volontiers de substance matérielle que d’essence matérielle. »16 [16]

Nous avons déjà étudié précédemment la notion d’unité de Dieu, il n’est donc pas nécessaire d’y revenir en détail. Rappelons simplement qu’elle s’appuie, d’une part sur des textes tels que Deutéronome 6:4, Jacques 2:19, d’autre part sur l’aséité et l’immutabilité de Dieu, et enfin sur le fait qu’il est identique à ses perfections (quand on dit, par exemple, qu’il est la vie, la lumière, la vérité, la justice, etc.).

b) Dans cet Etre Divin unique, il existe trois personnes ou existences individuelles: le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Les différents passages que nous avons déjà évoqués établissent la doctrine de la Trinité. Pour marquer ces distinctions dans la Divinité, les auteurs grecs ont en général employé le terme hupostasis, alors que les auteurs latins ont utilisé le terme persona et quelquefois celui de substantia. Le premier pouvant induire en erreur et le second étant ambigu, les théologiens forgèrent le mot subsistentia. La variété des termes utilisés montre bien que leur inadéquation était parfaitement perçue. On admet en général que le mot « personne » n’est que l’expression imparfaite du concept lui correspondant. Dans le langage courant, il désigne un individu distinct, rationnel et moral, doté d’une conscience propre, et conscient de son identité, malgré les changements possibles autour de lui. L’expérience nous enseigne que, là où il y a une personne, il y a aussi une essence individuelle et distincte. Chaque personne est un individu différent et séparé, doté d’une nature individualisée. Mais en Dieu, il n’y a pas trois individus juxtaposés l’un à l’autre, ni séparés les uns des autres, mais seulement trois consciences personnelles au sein de l’essence Divine, qui n’est pas seulement génériquement mais aussi numériquement une. En conséquence, beaucoup ont préféré parler de trois hypostases en Dieu, de trois modes différents, non pas de manifestation comme l’enseignait Sabellius, mais d’« existence » ou de « subsistance ». Ainsi Calvin écrit: « J’appelle une ‹personne› une ‹subsistance› en l’essence de Dieu, qui, ayant relation à d’autres personnes divines, est distinguée d’elles par une propriété incommunicable. »17 [17]

Ceci est parfaitement correct et peut éviter un malentendu, à condition de ne pas oublier que les consciences existant dans l’Etre Divin impliquent un « je », un « tu » et un « il » qui supposent des relations personnelles entre elles (Mt 3:6, 4:1; Jn 1:18, 3:16, 5:20-22, 14:26, 15:26, 16:13-15).

c) La totalité de l’essence de Dieu appartient également à chacune des trois personnes

Cela signifie que l’essence divine ne se répartit pas entre les trois personnes, mais qu’elle est entièrement dans sa perfection absolue dans chacune des trois personnes, de sorte qu’elles ont une unité numérique d’essence. La nature divine se distingue de la nature humaine, parce qu’elle existe d’une manière « totale et indivisible » en plusieurs personnes. Quand on dit de trois personnes humaines qu’elles ont une unité « spécifique » de nature ou d’essence, c’est qu’elles ont une même sorte de nature ou d’essence. Par contre, quand on dit des personnes divines qu’elles ont une unité « numérique » d’essence, c’est qu’elles possèdent une essence identique. On peut considérer la nature ou l’essence humaine comme une espèce dont chaque homme a sa part individuelle, de sorte qu’il y a une unité « d’espèce ». Mais la nature de Dieu est indivisible et donc identique dans les personnes de la Divinité. Elle est numériquement une seule et même nature et, donc, l’unité d’essence dans les personnes est une unité numérique. De cela, il découle que l’essence divine n’existe pas indépendamment des trois personnes. Il n’y a aucune existence en dehors des trois personnes. Si c’était le cas, il n’y aurait pas de vraie unité, mais une division qui nous conduirait au tétra-théisme. La distinction personnelle est une au sein de l’essence divine. Il s’agit, selon le terme usuel, de trois modes d’existence. Une autre conclusion découle de ce qui précède: il ne peut y avoir aucune subordination de « l’Etre essentiel » d’une personne de la Divinité à l’autre, et donc aucune différence sur le plan de la dignité personnelle. Il faut maintenir cela contre le subordinationisme d’Origène, de certains autres premiers Pères de l’Eglise, des arminiens, de Clarke et d’autres théologiens anglicans. La seule subordination dont nous puissions parler est celle qui concerne l’ordre et la relation. Lorsque nous réfléchissons spécialement aux relations entre les trois personnes de l’essence divine, nous ne disposons de plus aucune analogie. Nous réalisons alors que la Trinité est un mystère bien au-delà de notre compréhension, et c’est là sa gloire incompréhensible. Tout comme la nature humaine est trop riche et trop pleine pour être contenue en un seul individu et ne trouve sa plénitude que dans l’humanité tout entière, ainsi l’Etre de Dieu ne se déploie dans toute sa plénitude que dans la triple existence du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

d) L’existence et le mode d’opération des trois personnes de l’Etre Divin sont marqués par un ordre précis et défini

Il y a un certain ordre dans la Trinité ontologique. En ce qui concerne l’existence personnelle, le Père est premier, le Fils second et le Saint-Esprit troisième. Rappelons ici que cet ordre ne s’applique ni au temps ni à la dignité essentielle des personnes. Il s’applique uniquement à l’ordre logique, selon lequel le Père n’est pas engendré et ne procède de personne, le Fils est éternellement engendré du Père, et l’Esprit Saint procède du Père et du Fils de toute éternité. Etre engendré et procéder ont bien lieu à l’intérieur de l’Etre Divin et impliquent une certaine subordination quant à la manière personnelle d’exister, mais aucune subordination en ce qui concerne la possession de l’essence Divine.

Cette Trinité ontologique et l’ordre qui lui est inhérent constituent le fondement métaphysique de la Trinité économique. Il est donc naturel d’admettre que l’ordre existant au sein de la Trinité essentielle se reflète dans les opera ad extra, attribués plus particulièrement à chacune des personnes. L’Ecriture indique clairement cet ordre par les propositiones distinctionales: ek, dia et en, utilisées pour exprimer l’idée que toutes choses proviennent du Père, par le Fils, dans le Saint-Esprit.

e) Les trois personnes se distinguent par des attributs personnels

Ceux-ci sont également qualifiés d’opera ad intra, parce qu’ils n’ont d’influence qu’à l’intérieur de l’Etre Divin, et non pas sur la créature. Il s’agit d’opérations personnelles qui ne sont pas remplies par les trois personnes, et qui sont incommunicables. L’engendrement est un acte du Père seul, la filiation n’appartient qu’au Fils, la procession ne peut être attribuée qu’au Saint-Esprit. En tant qu’opera ad intra, ces œuvres se distinguent des opera ad extra, c’est-à-dire de ces activités et de ces effets par lesquels la Trinité se manifeste extérieurement. Les opera ad extra ne sont jamais les œuvres d’une seule personne, mais toujours de l’Etre Divin tout entier.

En même temps, il est vrai que, selon l’ordre économique des œuvres de Dieu, certains opera ad extra sont attribués plus particulièrement à une personne, et d’autres plus spécialement à une autre. Bien qu’ils soient tous conjointement l’œuvre des trois personnes, la création est d’abord attribuée au Père, la rédemption au Fils et la sanctification au Saint-Esprit. Cet ordre, selon lequel se déroulent les opérations divines, nous renvoie à l’ordre essentiel de Dieu, et constitue le fondement de ce qu’on appelle, d’une manière générale, la Trinité économique.

f) L’Eglise confesse que la Trinité est un mystère que l’homme ne peut comprendre

La Trinité est un mystère, non pas seulement au sens biblique du terme (vérité d’abord cachée et maintenant révélée), mais aussi au sens profane, selon lequel l’homme ne peut ni comprendre, ni rendre intelligible un tel concept. Nous pouvons appréhender d’une manière intelligible certaines relations et certains modes de manifestation de la Trinité, mais non pas sa nature essentielle.

Tous les efforts qui ont été tentés pour expliquer ce mystère relèvent de la spéculation plutôt que de la théologie. Ils résultent invariablement d’une conception tri-théiste ou modaliste de Dieu, c’est-à-dire d’un refus d’une unité au sein de l’essence divine, ou de la réalité de distinctions personnelles à l’intérieur de cette essence. C’est la relation existant entre les personnes divines au sein de la Trinité qui pose problème, et cela l’Eglise ne peut pas l’effacer. Elle ne peut qu’essayer de formuler une définition appropriée. Elle n’a jamais tenté d’expliquer le mystère de la Trinité, mais uniquement cherché à en formuler la doctrine, de manière à écarter les erreurs qui la menaçaient.

4. Quelques analogies

Depuis le tout début de l’ère chrétienne, on a essayé de rendre compréhensible la notion d’Etre Trinitaire de Dieu (la trinité dans l’unité, et l’unité dans la trinité) à l’aide d’analogies diverses. Bien qu’elles soient toutes imparfaites, on ne peut leur refuser quelque valeur dans la discussion trinitaire. Ceci est particulièrement vrai pour celles qui ont un rapport avec la nature constitutionnelle ou la psychologie de l’homme. Sachant que l’homme a été créé à l’image de Dieu, il est normal de supposer que, s’il y a des traces de vie trinitaire dans la créature, c’est en l’homme qu’elles seront les plus apparentes.

a) Certaines de ces analogies ont été empruntées à la nature inanimée, ou à la vie des plantes, comme l’eau de la fontaine, le ruisseau et la rivière, ou la brume qui se lève, le nuage et la pluie (ou bien la neige et la glace), ou l’arbre avec sa racine, son tronc et ses branches. Ces illustrations et d’autres du même genre sont très imparfaites, car l’idée de personnalité en est entièrement absente. Si elles illustrent bien ce qu’est la nature, elles ne sont plus adéquates quand il s’agit d’éclairer l’essence qui est présente, non pas partiellement, mais totalement, dans chacune des parties ou des formes qui constituent cette nature.

b) D’autres, plus importantes, ont été tirées de la vie de l’homme, surtout de la constitution et des mécanismes de l’esprit humain. On leur a attribué une signification spéciale, parce que l’homme porte en lui l’image de Dieu. Les combinaisons: psychologique (saint Augustin: intellect, affectivité et volonté), ou bien logique (Hegel: thèse, antithèse et synthèse), ou encore métaphysique (Olshausen ou Shedd: sujet, objet et sujet-objet) appartiennent à cette catégorie. Nous avons là une certaine trinité dans l’unité, mais pas de tri-personnalité dans l’unité de substance.

c) On a aussi attiré l’attention sur la nature de l’amour. En effet, il présuppose un sujet et un objet, et exige l’union des deux, de sorte que, lorsque l’amour se manifeste parfaitement, trois éléments sont inclus. Mais il est aisé de constater que cette analogie est erronée, puisqu’elle coordonne deux personnes et une relation. Elle n’illustre nullement une tri-personnalité. D’ailleurs, elle ne se réfère qu’à une qualité et non pas à une substance, que posséderaient en commun le sujet et l’objet.

C. Les trois personnes considérées séparément

1. Le Père, première personne de la Trinité

a) Le nom « Père » appliqué à Dieu

Il n’est pas toujours utilisé dans le même sens dans l’Ecriture:

(1) On l’applique parfois au Dieu trine, origine de toutes les choses créées (1 Co 8:6; Ep 3:15; Hé 12:9; Jc 1:17), mais, le plus souvent, il désigne la première personne de la Trinité, à qui est attribuée plus spécialement l’œuvre de création dans l’Ecriture.

(2) On l’applique également au Dieu trine, pour exprimer la relation théocratique qu’il entretient avec Israël son peuple (Dt 32:6; Es 63:16, 64:8; Jr 3:4; Ml 1:6, 2:10).

(3) Dans le Nouveau Testament, ce nom est en général utilisé pour désigner le Dieu trine comme le Père de tous ses enfants spirituels au sens éthique (Mt 5:45, 6:6-15; Rm 8:16; 1 Jn 3:1).

(4) Dans un sens totalement différent, ce nom s’applique aussi à la première personne de la Trinité, dans sa relation avec la deuxième personne (Jn 1:14, 18, 5:17-26, 8:54, 14:12-13). La première personne est le Père de la seconde au sens métaphysique. Toute paternité terrestre n’est qu’un pâle reflet de cette paternité originelle de Dieu.

b) Caractéristique du Père

Le Père, négativement parlant, n’est ni engendré, ni créé, et positivement, il engendre le Fils, et le Saint-Esprit procède de lui. Il est bien vrai que le Saint-Esprit procède aussi du Fils, mais ce dernier n’engendre pas parallèlement. Donc, la seule œuvre qui appartient au Père seul est l’engendrement.

c) Les opera ad extra attribués plus particulièrement au Père

Tous les opera ad extra de Dieu sont les œuvres du Dieu trine. Toutefois, le Père se situe au premier plan dans certaines de ces œuvres:

(1) Dans l’œuvre de rédemption, qui comprend aussi l’élection, dont le Fils a été lui-même l’objet (Ps 2:7-9, 40:6-9; Es 53:10; Mt 12:32; Ep 1:3-6).

(2) Dans les œuvres de création et de Providence, spécialement à leur stade initial (1 Co 8:6; Ep 2:9).

(3) Dans l’œuvre de représentation de la Trinité au Conseil de Rédemption, comme l’Etre saint et juste dont le droit a été violé (traduction littérale) (Ps 2:7-9, 40:6-9; Jn 6:37, 38, 17:4-7).

2. Le Fils, deuxième personne de la Trinité

a) Le nom de « Fils » appliqué à la deuxième personne

La deuxième personne de la Trinité est appelée « Fils » ou « Fils de Dieu »:

(1) Au sens métaphysique.

Ceci doit être maintenu fermement contre les sociniens et les unitariens, qui rejettent l’idée d’une Divinité tri-personnelle, voient en Jésus un simple homme, et considèrent son nom de « Fils de Dieu » comme un titre honorifique qui lui a été conféré. Il est bien évident que Jésus-Christ est représenté comme le Fils de Dieu dans l’Ecriture, indépendamment de sa position et de son œuvre de médiateur.

(a) On en parle comme du Fils de Dieu du point de vue de la pré-incarnation, par exemple en Jean 1:14, 18, Galates 4:4.

(b) Il est appelé le Fils unique de Dieu ou du Père, et on ne lui aurait pas attribué ce terme s’il n’avait été le Fils de Dieu que dans un sens officiel et éthique (Jn 1:14, 18, 3:16, 18; 1 Jn 4:9 (cp. 2 S 7:14); Jb 2:1; Ps 2:7; Lc 3:38; Jn 1:12).

(c) Dans certains passages, il est évident, en s’appuyant sur le contexte, que ce nom indique la divinité du Christ (Jn 5:18-25; Hé 1).

(d) Si Jésus enseignait à ses disciples à considérer Dieu comme leur Père et à s’adresser à lui comme à notre Père, il parlait lui-même de Dieu comme de son Père et lui disait Père ou mon Père, montrant ainsi qu’il était conscient d’une relation unique au Père (Mt 6:9, 7:21; Jn 20:17).

(e) Selon Matthieu 11:27, Jésus en tant que Fils de Dieu revendique une connaissance unique de Dieu, telle que personne ne peut la posséder.

(f) Les Juifs ont bien compris que Jésus revendiquait le titre de Fils de Dieu au sens métaphysique, car ils ont considéré comme un blasphème la manière dont il se déclarait lui-même Fils de Dieu (Mt 26:63; Jn 5:18, 10:36).

(2) Au sens officiel ou messianique.

Dans certains passages, le mot est employé au sens officiel ou messianique et au sens métaphysique. Dans d’autres, l’expression « Fils de Dieu » est appliquée au Christ en tant que Médiateur (Mt 8:29, 26:63 – aux deux sens -, 27:40; Jn 1:49, 11:27).

Cette caractéristique de « Fils-Messie » est, bien sûr, reliée à la nature originelle de « Fils » du Christ. C’est seulement parce qu’il est le Fils éternel de Dieu par essence qu’on a pu l’appeler Fils de Dieu en tant que Messie. Du reste, la caractéristique de Fils-Messie reflète la nature de « Fils éternel » du Christ. C’est même pour cela que Dieu est appelé le Dieu du Fils (2 Co 11:31; Ep 1:3) et qu’il est parfois mentionné comme Dieu à côté du Seigneur (Jn 17:3; 1 Co 8:6; Ep 4:5-6).

(3) Au sens naturel.

Le nom de Fils de Dieu est aussi donné à Jésus parce qu’il doit sa naissance au Père. Il a été engendré, selon sa nature humaine, par l’opération surnaturelle du Saint-Esprit, et dans ce sens il est le Fils de Dieu. Luc 1:32, 35 l’indique très clairement. On peut le déduire probablement aussi de Jean 1:13.

b) L’existence personnelle du Fils

Elle doit être maintenue fermement contre les modalistes qui, d’une manière ou d’une autre, refusent d’admettre qu’il existe des distinctions personnelles dans la Divinité. La personnalité du Fils peut être justifiée ainsi:

(1) La manière dont la Bible parle du Père et du Fils l’un à côté de l’autre implique que les deux sont également personnels, et indique une relation personnelle entre les deux.

(2) L’utilisation des qualificatifs « unique » et « premier-né » implique que la relation entre le Père et le Fils, même si elle est unique, peut néanmoins être approximativement représentée comme une relation d’engendrement et de naissance. L’expression « premier-né », que l’on trouve en Colossiens 1:15, Hébreux 1:6, souligne l’engendrement du Fils de toute éternité. Cela signifie simplement qu’il existait avant la création.

(3) L’utilisation parallèle du mot Logos dans l’Ecriture va dans le même sens. On applique ce terme au Fils, non pas d’abord pour exprimer sa relation avec le monde (qui est tout à fait secondaire), mais pour indiquer la relation intime qu’il entretient avec le Père, comme celle qui existe entre la parole et celui qui parle. Contrairement à la philosophie, la Bible considère le Logos comme une personne et l’identifie au Fils de Dieu (Jn 1:1-14; 1 Jn 1:1-3).

(4) Le Fils est décrit comme l’image même de Dieu en 2 Corinthiens 4:4, Colossiens 1:15, Hébreux 1:3. Dieu apparaît clairement dans l’Ecriture comme un Etre personnel. Si le Fils de Dieu est l’image même de Dieu, alors il doit être aussi une personne.

c) L’engendrement du Fils de toute éternité

La qualité personnelle du Fils est d’être engendré du Père de toute éternité, et de partager avec le Père la « spiration » de l’Esprit. La doctrine de l’engendrement du Fils est suggérée par la façon dont la Bible représente la première et la deuxième personne de la Trinité dans une relation Père-Fils. Non seulement les mots « Père » et « Fils » suggèrent un engendrement du second par le premier, mais le Fils est aussi régulièrement appelé « l’unique » (Jn 1:14, 18, 3:16, 18; Hé 11:17; 1 Jn 4:9). Plusieurs particularités sont soulignées au sujet de l’engendrement du Fils:

(1) C’est un acte nécessaire de Dieu.

Origène, l’un des premiers à parler de l’engendrement du Fils, le considérait comme un acte dépendant de la volonté du Père et par conséquent comme un acte libre. D’autres, à différentes époques, ont exprimé la même opinion. Mais Athanase et d’autres ont clairement vu qu’un engendrement dépendant d’un dessein de la volonté du Père entraînerait une existence contingente du Fils et lui ôterait donc sa divinité. Ainsi, le Fils ne serait plus égal et homoousios (d’une même substance) au Père, car le Père existe nécessairement et l’on ne peut concevoir qu’il n’ait pas existé. L’engendrement du Fils doit être considéré comme un acte nécessaire et parfaitement naturel de Dieu. Cela ne veut pas dire qu’il n’a aucun rapport avec la volonté du Père. Celle-ci, quoique simplement concomitante à cet acte nécessaire, a participé joyeusement à ce dernier.

(2) C’est un acte éternel du Père.

Cette affirmation est la suite logique de ce qui précède. Si l’engendrement du Fils est un acte nécessaire du Père, alors il est impossible d’imaginer le Fils comme non engendré, puisqu’il partage naturellement l’éternité du Père. Cela ne signifie pas cependant que c’est un acte accompli dans un passé lointain, mais seulement qu’il s’agit d’un acte éternel, éternellement présent, toujours continué et cependant jamais achevé. Son éternité ne résulte pas seulement de l’éternité de Dieu, mais aussi de l’immutabilité divine et de la véritable divinité du Fils. Tout cela peut être déduit des passages de l’Ecriture qui enseignent la préexistence du Fils et son égalité avec le Père (Mi 5:2; Jn 1:14, 18, 3:16, 5:17-18, 30, 36; Ac 13:33; Jn 17:5; Col 1:16; Hé1:3). L’affirmation du verset 7 du Psaume 2 (« Tu es mon Fils, c’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui ») est généralement citée pour prouver l’engendrement du Fils, contrairement à l’opinion de certains qui, s’appuyant sur les textes d’Actes 13:33 et d’Hébreux 1:5, supposent que ces mots se réfèrent à l’élévation de Jésus au rang de Roi messianique et à sa reconnaissance comme Fils de Dieu au sens officiel. Ces mots seraient ainsi probablement liés à la personne contenue en 2 Samuel 7:14, tout comme ils le sont en Hébreux 1:5.

(3) C’est un engendrement de l’existence personnelle, plutôt que de l’essence divine du Fils.

Certains ont laissé supposer que le Père a engendré l’essence du Fils, mais cela reviendrait à dire qu’il a engendré sa propre essence, car l’essence du Père et du Fils est la même. Il est préférable de dire que le Père engendre l’existence personnelle du Fils, et lui communique ainsi l’essence divine dans sa totalité.

Mais ce faisant, nous devons nous garder de l’idée que le Père a d’abord engendré une seconde personne, puis qu’il lui a communiqué l’essence divine. En effet, cela nous mènerait à la conclusion que le Fils n’a pas été engendré de l’essence divine, mais créé ex nihilo. Dans l’engendrement, il y a eu communication d’essence. Cela a été un acte indivisible. Et en vertu de cette communication, le Fils a aussi la vie en lui-même. Ceci est en accord avec l’affirmation de Jésus: « En effet, comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. » (Jn 5:26)

(4) Cet engendrement doit être considéré comme spirituel et divin.

Contrairement aux ariens qui disaient que l’engendrement du Fils implique nécessairement une division dans l’Etre Divin, les Pères de l’Eglise soulignaient le fait que cet engendrement doit être considéré, non comme physique et « créaturel » mais comme spirituel et divin, excluant ainsi toute idée de division ou de changement. Il entraîne distinctio et distributio, mais non diversitas ou divisio dans l’Etre de Dieu (Bavinck). C’est dans le couple pensée-parole de l’homme que l’on trouve la meilleure analogie de cette affirmation. La Bible elle-même semble l’indiquer, quand elle parle du Fils comme du Logos.

(5) On peut définir ainsi l’engendrement du Fils: « C’est par un acte éternel et nécessaire de la première personne de la Trinité que celle-ci est, au sein de la Divinité, le fondement d’une existence personnelle seconde semblable à la sienne, à laquelle elle communique la totalité de son essence divine, sans aucune division, aliénation ou changement. »

d) La divinité du Fils

Dans l’Eglise primitive, ébionites, alogiens, monarchianistes dynamiques et ariens l’ont niée. A l’époque de la Réforme, les sociniens les ont suivis et ont considéré Jésus comme un simple homme. Schleiermacher et Ritschl ont soutenu la même thèse, ainsi que l’école libérale (en particulier en Allemagne), les unitariens, les modernistes et les humanistes contemporains. Ce refus ne peut s’expliquer que par une méconnaissance des enseignements de l’Ecriture, pourtant clairs en ce qui concerne la divinité du Christ18 [18].

(l) L’Ecriture affirme explicitement la divinité du Fils (Jn 1:1, 20:28; Rm 9:5; Ph 2:6; Tt 2:13; 1 Jn 5:20).

(2) L’Ecriture lui applique des noms divins (Es 9:6, 40:3; Jr 23:5,-6; Jl 2:32, à comparer avec Ac 2:21, 1 Tm 3:16).

(3) L’Ecriture lui confère des attributs divins comme l’éternité (Es 9:6; Jn 1:1-2; Ap 1:8, 22:13), l’omniprésence (Mt 18:20, 28:20; Jn 3:13), l’omniscience (Jn 2:24-25, 21:17; Ap 2:23), l’omnipotence (Es 9:6; Ph 3:21; Ap 1:8), l’immutabilité (Hé 1:10-12, 13:8), et en général tout attribut appartenant au Père (Col 2:9).

(4) L’Ecriture parle de lui comme accomplissant les œuvres de Dieu comme la création (Jn 1:3, 10; Col 1:16; Hé 1:2, 10), la Providence (Lc 10:22; Jn 3:35, 17:2; Ep 1:22; Col 1:17; Hé 1:3), le pardon des péchés (Mt 9:2-7; Mc 2:7-10; Col 3:13), la résurrection et le jugement (Mt 25:31-32; Jn 5:19-29; Ac 10:42, 17:31; Ph 4:21; 2 Tm 4:1), la dissolution et le renouvellement de toutes choses aux temps eschatologiques (Hé 1:10-12; Ph 3:21; Ap 21:5).

(5) L’Ecriture lui confère l’honneur divin (Jn 5:22-23, 14:1; 1 Co 15:19; 2 Co 13:13; Hé 1:6; Mt 28:19).

e) La place du Fils dans la Trinité économique

Notons que l’ordre existant dans la Trinité économique reflète celui de la Trinité ontologique. Le Fils occupe la deuxième place dans les opera ad extra. C’est du Père que viennent toutes choses, mais elles sont par le Fils (1 Co 8:6). Si le Père est la cause absolue de toutes choses, le Fils en est clairement la « cause médiatrice ». Ainsi, dans la sphère naturelle, le Fils crée et maintient toutes choses (Jn 1:3, 10; Hé 1:2-3). Il est la lumière qui éclaire tout homme dans le monde (Jn 1:9). De même, dans la sphère de rédemption, il accepte d’être le garant de son peuple et d’exécuter le plan de rédemption du Père (Ps 40:7-8). C’est par son incarnation, ses souffrances et sa mort qu’il mène plus particulièrement cette œuvre à bien (Ep 1:3-14). C’est en relation avec cette fonction qu’on lui attribue plus spécialement la sagesse et la puissance (1 Co 1:24; Hé 1:3), la miséricorde et la grâce (2 Co 13:13; Ep 5:2, 25).

3. Le Saint-Esprit, troisième personne de la Trinité

a) Le nom appliqué à la troisième personne de la Trinité

Quand il nous est dit en Jean 4:24 que Dieu est Esprit, ce nom est plus particulièrement appliqué à la troisième personne de la Trinité. Le terme hébreu par lequel il est désigné est ruach, et le terme grec pneuma. Leur racine, à tous deux, comme celle du latin spiritus, signifient « respirer », « souffler ». Ils peuvent donc aussi être rendus par « souffle » (Gn 2:7, 6:17; Ez 37:5, 6) ou « vent » (Gn 8:1; 1 R 19:11; Jn 3:8).

L’Ancien Testament utilise généralement le terme « esprit » sans aucune qualification, ou emploie l’expression « Esprit de Dieu » ou « Esprit du Seigneur ». Il n’emploie l’expression « Saint-Esprit » qu’en Psaume 51:13, Esaïe 63:10-11, alors que c’est celle-ci qui est la plus couramment employée dans le Nouveau Testament pour désigner la troisième personne de la Trinité. Tandis que l’Ancien Testament parle constamment de Dieu comme du « Saint d’Israël » (Ps 71:22, 89:18; Es 10:20, 41:14, 43:3, 48:17), le Nouveau Testament applique rarement l’adjectif « saint » à Dieu en général, mais l’utilise fréquemment pour caractériser l’Esprit: c’est très probablement parce que Dieu se révèle lui-même comme le « Saint » à travers l’œuvre de sanctification de l’Esprit. C’est le Saint-Esprit qui vient habiter dans le cœur des croyants, les met à part pour Dieu et les purifie du péché.

b) La personnalité du Saint-Esprit

Le terme « Esprit de Dieu » ou « Saint-Esprit » n’évoque pas une personnalité d’une manière aussi précise que le terme Fils. D’ailleurs, la personne du Saint-Esprit n’est pas apparue de manière tangible parmi les hommes, comme cela a été le cas pour le Fils de Dieu. C’est pour cette raison que la personne du Saint-Esprit a été souvent mise en question, et elle mérite donc une attention spéciale.

Dans l’Eglise des premiers siècles, la personnalité du Saint-Esprit a été rejetée par les monarchianistes et par les pneumatomaquistes. Les sociniens, à l’époque de la Réforme, puis Schleiermacher, Ritschl, les unitariens, les modernistes contemporains et tous les sabelliens modernes les ont suivis dans cette voie.

On dit souvent aujourd’hui que les passages qui semblent indiquer l’idée de personnalité du Saint-Esprit ne contiennent qu’une simple personnification. Mais les personnifications sont rares dans les écrits du Nouveau Testament, et elles sont aisément reconnaissables. D’ailleurs, une telle explication détruit clairement le sens de certains passages, par exemple Jean 14:26, 16:7-11, Rm 8:26. Les preuves scripturaires de la personnalité du Saint-Esprit sont tout à fait suffisantes:

(1) On le désigne comme une personne. Bien que le mot pneuma soit neutre, c’est le pronom masculin ekeinos qui est utilisé pour le Saint-Esprit en Jean 16:4; on trouve aussi le pronom relatif masculin hos en Ephésiens 1:14. De plus, le nom Parakletos lui est appliqué en Jean 14:26, 15:26, 16:7, et il ne peut être traduit par « consolation » ou être considéré comme le nom d’une quelconque influence abstraite; on voit que le Saint-Esprit est considéré comme une personne, parce qu’il est appelé « Consolateur », comme le Christ à qui le même terme est appliqué en 1 Jean 2:1. Il est vrai que ce terme est suivi du neutre ho et auto en Jean 14:16-18, mais cela provient de la présence de pneuma.

(2) On lui attribue les caractéristiques d’une personne: comme l’intelligence (Jn 14:26, 15:26; Rm 8:16), la volonté (Ac 16:7; 1 Co 12:11), les sentiments (Es 63:10; Ep 4:30). Du reste, il accomplit des actes propres à une personne. Il sonde, parle, témoigne, ordonne, révèle, lutte, crée, intercède, ressuscite les morts, etc. (Gn 1:2, 6:3; Lc 12:12; Jn 14:26, 15:26, 16:8; Ac 8:29, 13:12; Rm 8:11, 1 Co 2:10, 11). Ces actes ne peuvent être le fait d’une simple puissance ou influence, mais proviennent bien d’une personne.

(3) Ses relations avec les autres personnes impliquent sa propre personnalité. Il est juxtaposé aux apôtres (Ac 15:28), il est avec le Christ (Jn 16:14), et avec le Père et le Fils (Mt 28:19; 2 Co 13:13; 1 P 1:1-2; Jude 20-21). Une saine exégèse exige que, dans ces passages, le Saint-Esprit soit considéré comme une personne.

(4) Dans certains passages, le Saint-Esprit est différencié de sa propre puissance (Lc 1:35, 4:14; Ac 10:38; Rm 15:13; 1 Co 2:4). De tels passages deviendraient tautologiques, sans signification et même absurdes, si l’on en déduisait que le Saint-Esprit n’est qu’une simple puissance, on peut le démontrer en remplaçant l’expression « Saint-Esprit » par un mot comme « puissance » ou influence.

c) Relation entre le Saint-Esprit et les autres personnes de la Trinité

Les premières controverses trinitaires aboutirent à la conclusion que le Saint-Esprit, aussi bien que le Fils, est de la même essence que le Père, et lui est donc consubstantiel. Les discussions sans fin, pour savoir si le Saint-Esprit procède du Père seul ou du Père et du Fils conjointement, se terminèrent finalement, en 589 au Synode de Tolède, par l’ajout du mot Filioque dans la version latine du symbole de Nicée-Constantinople: Credimus in Spiritum Sanctum qui a Patre Filioque procedit (« Nous croyons au Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils »). Cette procession du Saint-Esprit, appelée plus simplement « spiration », est sa caractéristique personnelle. Presque tout ce qui a été dit au sujet de l’engendrement du Fils peut être appliqué à la « spiration » du Saint-Esprit, et n’a donc pas besoin d’être répété. Cependant, on peut noter les points suivants, spécifiques au Saint-Esprit:

(1) L’engendrement est l’œuvre du Père seul, tandis que la « spiration » est l’œuvre conjointe du Père et du Fils.

(2) Par l’engendrement, le Fils devient capable de participer à l’œuvre de « spiration », mais le Saint-Esprit n’acquiert pas cette puissance.

(3) Dans l’ordre logique, l’engendrement précède la « spiration ».

Rappelons-nous simplement que cela n’implique pas la subordination d’essence du Saint-Esprit au Fils. Dans la « spiration », comme dans l’engendrement, il y a communication de toute l’essence divine, de telle façon que le Saint-Esprit est sur le même plan d’égalité que le Père et le Fils. La doctrine de la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils est fondée sur Jean 15:26 et sur le fait que l’Esprit est aussi appelé l’Esprit du Christ, ou l’Esprit du Fils (Rm 8:9; Ga 4:6), et est envoyé par le Christ dans le monde.

La « spiration » peut être définie comme: « Cet acte éternel et nécessaire de la première et de la deuxième personne de la Trinité, par lequel, à l’intérieur de l’Etre Divin, elles deviennent le fondement de l’existence personnelle du Saint-Esprit, et mettent la troisième personne en possession de la totalité de l’essence divine, sans division, aliénation ou changement. »

« Le Saint-Esprit est dans la plus étroite relation avec les autres personnes de la Trinité », parce qu’il procède à la fois du Père et du Fils.

De 1 Corinthiens 2:10-11, nous pouvons inférer, non que le Saint-Esprit est la conscience d’exister de Dieu, mais qu’il est en aussi étroite relation avec Dieu que l’âme d’un homme l’est avec lui-même. En 2 Corinthiens 3:17, nous lisons: « Maintenant, le Seigneur c’est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » Ici, le Seigneur (Christ) est identifié à l’Esprit, non avec sa personnalité, mais avec sa manière d’agir. Dans le même passage, l’Esprit est appelé « l’Esprit du Seigneur ». L’envoi du Saint-Esprit dans l’Eglise au jour de la Pentecôte est fondé sur son unité avec le Père et le Fils. Il vient, en tant que Parakletos, prendre la place du Christ et accomplir son œuvre sur la terre, c’est-à-dire enseigner, proclamer, témoigner, etc., comme le Fils l’a fait. En ce qui concerne le Fils, cette œuvre de révélation demeure en union avec le Père. De la même façon, l’œuvre du Saint-Esprit est fondée sur son unité avec le Père et le Fils (Jn 16:14-15). Notons les paroles de Jésus dans ce passage: « Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a est à moi; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera. »

d) La divinité du Saint-Esprit

Celle-ci peut être établie de la même manière que celle du Fils, à partir de l’Ecriture.

(1) L’Ecriture donne au Saint-Esprit des noms divins (Ex 17:7, cf. Hé 3:7-9; Ac 5:3-4; 1 Co 3:16; 2 Tm 3:16, cf. 2 P 1:21).

(2) L’Ecriture lui attribue des perfections divines, telles que l’omniprésence (Ps 139:7-10), l’omniscience (Es 40:13, 14, cf. Rm 11:34, 1 Co 2:10-11), l’omnipotence (1 Co 12:11; Rm 15:19), et l’éternité (Hé 9:14).

(3) Il accomplit des œuvres divines, comme la création (Gn 1:2; Jb 26:13, 33:4), le « renouvellement providentiel » (Ps 104:30), la régénération (Jn 3:5-6; Tt 3:5) et la résurrection des morts (Rm 8:11).

(4) L’Ecriture lui accorde l’honneur divin (Mt 28:19; Rm 9:11; 2 Co 13:13).

e) L’œuvre du Saint-Esprit dans l’économie divine

Certaines œuvres sont plus spécialement accomplies par le Saint-Esprit, non seulement dans l’économie générale de Dieu, mais aussi dans l’économie de la rédemption. En général, la tâche spéciale du Saint-Esprit est de conduire les choses à leur plénitude, en agissant immédiatement dans la créature et sur elle. Comme il est lui-même la personne qui complète la Trinité, ainsi son œuvre achève l’œuvre de Dieu dans toutes ses relations avec ses créatures. Il complète l’œuvre du Fils, comme l’œuvre de celui-ci complète l’œuvre du Père. Il est important de s’en souvenir, car si l’on isole l’œuvre du Saint-Esprit de l’œuvre objective du Fils, on ne peut que tomber dans un faux mysticisme. L’œuvre du Saint-Esprit intègre ce qui suit dans la sphère naturelle:

(1) L’engendrement de la vie: comme ce qui existe provient du Père, et est par le Fils, ainsi la vie est médiatisée par le Saint-Esprit (Gn 1:3; Jb 26:13; Ps 33:6; Ps 104:30). A cet égard, il met la touche finale à l’œuvre de création.

(2) L’inspiration générale et la qualification des hommes. Le Saint-Esprit inspire et qualifie les hommes pour les tâches qu’il leur confie dans les domaines de la science, de l’art, etc. (Ex 28:3, 31:2, 3, 6, 35:35; 1 S 11:6, 16:13-14).

L’œuvre du Saint-Esprit est encore plus importante dans la sphère de la rédemption. Notons les points suivants:

(1) La préparation et la qualification du Christ en vue de son œuvre de médiateur.

Il a préparé un corps au Christ, et l’a rendu capable de se sacrifier pour le péché (Lc 1:35; Hé 10:5-7). Dans les mots « tu m’as formé un corps », l’auteur de l’épître aux Hébreux suit la Septante. Ici, la signification est la suivante: « Tu m’as rendu capable, par la préparation d’un corps saint, de devenir un réel sacrifice. » A son baptême, le Christ a été oint du Saint-Esprit (Lc 3:22) et a reçu sans mesure les dons nécessaires à son ministère (Jn 3:24).

(2) L’inspiration du Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit a inspiré l’Ecriture et a donné aux hommes la révélation spéciale de Dieu (1 Co 2:13; 2 P 1:21) et la connaissance de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus.

(3) La constitution et la croissance de l’Eglise. Le Saint-Esprit constitue et développe l’Eglise, corps mystique de Jésus-Christ, par la régénération et la sanctification. En l’habitant, il en devient le principe de la vie nouvelle (Ep 1:22-23, 2:22; 1 Co 3:16, 12:4ss).

(4) Il enseigne et conduit l’Eglise.

Le Saint-Esprit témoigne du Christ et conduit l’Eglise dans toute la vérité. Ainsi, il manifeste la gloire de Dieu et du Christ, augmente la connaissance du Sauveur, garde l’Eglise de l’erreur et la prépare pour sa destinée éternelle (Jn 14:2, 15:26, 16:13-14; Ac 5:32; Hé 10:15; 1 Jn 2:27).


1 [19] Systematic Theology, chap. VII.

2 [20] Orr, op. cit., 30.

3 [21] A.A. Hodge, Outlines of Theology, 147.

4 [22] Dabney, op. cit., 156.

5 [23] Otto, Das Heilige, trad. angl., The Idea of the Holy.

6 [24] Ibid., 56.

7 [25] Bavinck, Gereformeerd Dogmatik, II, 241.

8 [26] Cf. Bavinck, ibid., 246ss; Dabney, op. cit., 162.

9 [27] Shedd, op. cit., I, 361ss; C. Hodge, Systematic Theology, I, 410s.

10 [28] Charnock, Existence and Attributes of God, II, 12. Cf. Bavinck, op. cit., 252; Kuyper, op. cit., 421s.

11 [29] Systematic Theology, chap. VIII.

12 [30] K. Barth, The Doctrine of the Word of God, 344.

13 [31] Shedd, Dogmatic Theology, I, 393s, 251ss, 178ss.

14 [32] Barlett, The Triune God, II.

15 [33] Cf. Rottenberg, De Triniteit in Israéls Godsbegrip, 19ss.

16 [34] Shedd, op. cit., 271.

17 [35] J. Calvin, Institution chrétienne, I, XIII, 6.

18 [36] Ceci a été résumé, avec beaucoup de compétence, dans des ouvrages tels que The Divinity of the Lord de Liddon, The Lord of Glory de Warfield et Our Lord de Robinson.