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À propos de la vocation

À propos de la vocation

 

Maurice LONGEIRET*

Chaque vendredi, tous les ministres du territoire genevois, accompagnés d’un certain nombre de laïcs, en tout environ une soixantaine de personnes, se réunissent pour un partage biblique. Chaque pasteur, à tour de rôle, explique un passage de l’Ecriture et introduit une discussion. Il s’agit là d’une institution, appelée “congrégation”, inscrite dans Les ordonnances ecclésiastiques.

 

Pendant trois ans, de 1550 à 1553, ces messieurs suivent, dans leur méditation, l’évangile de Jean. Calvin est très assidu à ces rencontres au cours desquelles il ne manque pas de prendre la parole et même de conclure. Le bon et fidèle secrétaire, biographe du réformateur, Nicolas Colladon, écrit que Calvin donne “comme une leçon”.

 

Du coup, aiguillonné par tous ces échanges, Calvin, doté d’une mémoire exceptionnelle, rédige un commentaire sur le quatrième évangile. Le livre sort de presse en janvier 1553 et les dédicataires sont les “Seigneurs syndics et Conseil de Genève” auxquels Calvin adresse une requête précise concernant l’accueil des réfugiés.

 

Cette brève présentation permet de comprendre que, dans le livre, il est très souvent question du ministère pastoral, en particulier dans les explications des chapitres 15 à 17. Les entretiens de la chambre haute concernent bien les disciples. Ce sont eux qui sont, au premier chef, au cœur de “la prière sacerdotale”. Cette lecture du texte met à sa juste place la question de l’unité (Jn 17:21). Les apôtres doivent être “un” en Christ comme le Fils est “un” avec le Père, afin que leur parole “apostolique” soit effectivement exempte d’erreur et qu’elle ait la force de la vérité (v. 17), et que la puissance de la “doctrine” convainque le monde de péché, de justice et de jugement.

 

Au premier degré, il ne s’agit pas de l’unité de l’Eglise qui est un don, mais de l’unité des apôtres avec le Seigneur pour fonder l’autorité de leur parole. La prière sacerdotale nous donne l’assurance que l’Ecriture est la Parole de Dieu. Christ a prié pour qu’il en soit ainsi. Nous sommes à cent lieues du discours sentimental sur l’unité, discours fondé sur la tolérance, le melting-pot doctrinal et le fair-play.

 

Autre exemple tiré du chapitre 15, verset 16: “Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure.” Calvin explique qu’il ne s’agit pas ici de “l’élection commune des fidèles”, mais de “l’élection particulière” par laquelle Dieu choisit les apôtres pour écrire l’Evangile. Si les disciples ont reçu cette charge, événement unique dans l’histoire de l’Eglise, ce n’est pas à cause de leur mérite, de la qualité de leur mémoire, mais c’est par un effet de la grâce divine. “Ici (v. 16), il est proprement et notamment parlé de l’office d’apôtre.” Il en est question ailleurs: “Qui est suffisant pour ces choses?” demande l’apôtre Paul (2 Co 2:16).

 

“C’est par Jésus-Christ que nous avons reçu la prière et l’apostolat pour amener en son nom à l’obéissance de la foi toutes les nations.” (Rm 1:5) “Quand celui qui m’a mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, a trouvé bon de révéler en moi son Fils pour que je l’annonce, je n’ai consulté ni la chair ni le sang.” (Ga 1:15-16)

 

Les apôtres ont été choisis pour aller, pour annoncer, pour amener à l’obéissance tous les hommes par le fait qu’ils sont témoins de l’œuvre accomplie. Les Ecritures ne sont pas une simple chronique, mais la prédication du salut réalisé en celui qui est venu pour accomplir le dessein rédempteur de Dieu.

 

Calvin prolonge sa méditation en tirant quelques leçons pour les prédicateurs d’aujourd’hui.

 

1. Il leur dit: ne désespérez pas, même si les moqueurs vous ridiculisent. “Travaillez, écrit-il, diligemment à faire votre office. Ne soyez pas nonchalants.” J’ajoute qu’en effet le ministère pastoral n’est pas un métier comme les autres avec traitement garanti, congés payés, jour férié hebdomadaire, voiture de fonction et autres avantages en nature.

 

2. Calvin exhorte, ensuite, à ne pas compter sur ses capacités intellectuelles, oratoires, sur ses connaissances (les qualificatifs sont de moi…!). Soyez plutôt des hommes de prière afin que ce que vous demanderez au Père vous soit donné (v. 16), c’est-à-dire qu’il vous donne la fidélité dans la transmission de l’Evangile “Celui qui s’appuie sur sa propre force et son industrie, écrit Calvin, et qui n’est pas soigneux à invoquer l’aide de Dieu ou bien jettera là la lance, l’épée et le bouclier quand il en sera besoin ou bien pourra travailler beaucoup et toutefois ne profitera de rien.”

 

3. Enfin, dernière exhortation: aimez-vous les uns les autres, vous les pasteurs de l’Eglise. “Si donc les ministres n’entretiennent pas une société fraternelle entre eux, il pourra bien advenir qu’ils dresseront quelque grande apparence de bâtiment mais toutes ces choses seront lourdes, mal jointes et compassées et, ce faisant, il n’y aura en cela aucun édifice d’Eglise.”

 

Nous retrouvons, ici, le thème de l’unité de l’Eglise qui “n’est pas dans une grande apparence de bâtiment”, mais qui n’existe que dans la fidélité à la Parole donnée par Dieu à son Eglise, sur sa véracité à laquelle il a veillé et le témoignage d’amour fondé sur l’unité de la vocation.

 

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L’impératif du ministère

“Je me dois…” (Romains 1:14)

Marcel VERSEILS**

C’est un jour mémorable. Le Seigneur nous comble de joie; apportons-lui notre louange!

 

Un jeune va “prendre le travail de Dieu”. Vous l’entourez, en cette heure décisive, de votre affection et de vos prières fraternelles; vous créez autour de lui un doux climat d’oraison et d’amour. J’en suis profondément ému et vous en remercie de tout cœur.

 

Vous savez combien le candidat me touche de près. Vous trouverez naturel, dès lors, que je donne aux exhortations qui lui sont destinées, et dont je serai le canal, la forme directe et personnelle d’un entretien paternel.

 

Ainsi Paul en usait envers Timothée; et le ton intime de ces messages apostoliques ne leur a point empêché d’être, au même titre que les autres, et pour l’Eglise tout entière, une manne providentielle, dont elle ne cesse de se nourrir.

 

Le ministère s’ouvre donc devant toi, mon enfant. Tremble et sois confiant! Le ministère est grand; mais la grâce qui en permet l’exercice est plus grande encore. Or, la grâce est acquise au serviteur qui se met humblement en constante position de disponibilité par-devers Christ. Courage! Tu seras pasteur, c’est-à-dire l’élu, et aussi l’oblat, toujours prêt à répondre au sublime impératif de mon texte: “Je me dois!”

 

A) Je me dois, d’abord, je dois

Il s’agit, essentiellement, d’une reconnaissance de dette. Soyons-y attentifs! D’une dette contractée par le sujet, non point envers le sujet. Ceci est capital. Si, en effet, nous renversions les termes, nous entrerions, d’emblée, dans l’optique de l’homme du monde, nous abandonnerions celle du pasteur. L’homme du monde peut être défini: le revendicateur convaincu. Il dit, il répète: “L’on me doit!” La famille lui doit; le voisin lui doit; l’Etat lui doit… Et Dieu lui-même lui doit.

 

Quant à établir en vertu de quoi, c’est une autre affaire; quant à envisager sous réserve de quelle contrepartie, la question, évidemment, ne le préoccupe pas. L’homme du monde a sa philosophie simpliste; et par un a priori gratuit, mais d’une inouïe hardiesse, il se considère ingénument comme une espèce de créancier universel.

 

Le serviteur de Christ s’inspire de tout autres principes. Il ne se croit nullement fondé à rien exiger d’autrui pour lui-même: il est reconnaissant de ce qu’il en reçoit. Et il s’interdit bien davantage de se prévaloir de quoi que ce soit à l’endroit du Seigneur. Ce qu’il attend de lui, il l’implore; et ce qu’il en obtient, il l’attribue aux seules dispensations de la toute miséricordieuse libéralité.

 

Bref, il estime toujours être, de ses frères et de son Père céleste, l’insolvable et perpétuel débiteur. Ainsi, mon enfant, ne perds jamais de vue cette vérité première: nul ne te doit… par contre, tu dois.

 

B) Il y a beaucoup plus: je me dois

Ceci précise opportunément la nature de la dette. Et du même coup, ceci oppose, d’une irréductible opposition, l’esprit pastoral à l’esprit légaliste: l’antithèse du jour et de la nuit. Le légaliste est un brillant calculateur qui excelle à tenir le strict bordereau de ses obligations envers son prochain et envers son Dieu. Il doit tant à l’un, et tant à l’autre. Il doit, et il s’acquitte. Il s’acquitte par des prélèvements sur sa bourse, sur son temps – en définitive sur ce qu’il a. Il paie avec ses biens. Le prochain et Dieu “passent au guichet”.

 

Chacun, sans doute, sent les choses à sa manière. Mais c’est un soulagement pour nous de penser que le pasteur n’a pas, quant à lui, cette vocation d’expert-comptable. Sa dette propre, en effet, est vivante. Elle est chair et sang, âme, pensée, volonté, esprit. Elle est une personne, sa personne. Il ne peut y faire honneur que par le don complet de lui-même. Et c’est pourquoi il ne dit pas: “Je dois.” Il dit, oh! le noble langage: “Je me dois!”

 

Mon enfant, tu n’as plus à choisir. Le choix est fait. Grâce à Dieu et gloire à Dieu!

 

Le choix est fait. Comprends que tu as la meilleure part; tu as l’éminent privilège du pasteur. Le privilège du pasteur c’est, précisément, de ne plus s’appartenir. Certes, il en coûte de se détacher de soi-même, de se renoncer. Toutefois, quand l’acte est, enfin, accompli, comme tout le reste est facile! Oui, n’en doutons pas: l’enthousiasmante libération humaine, fruit surnaturel de l’Esprit, se consomme sur l’autel de la consécration. Elle est la glorieuse récompense du: “Je me dois!”

 

C) Poursuivons. Tu te dois et, donc, à qui te dois-tu? La réponse est sans ambages: tu te dois à Jésus-Christ

Tu te dois à lui depuis que tu t’es approprié l’œuvre rédemptrice de la croix. Ce faisant, tu as pris rang parmi les rachetés du Sauveur. Or, un racheté est lié à qui a payé sa rançon. Tu te dois à lui parce qu’il a éteint ta dette. Et tu te dois à lui doublement depuis que tu as ratifié son appel à le servir…

 

Bien entendu, tu te dois à lui sans partage. D’abord, parce que la dualité du service est une impossibilité, ainsi qu’il nous en a expressément avertis; ensuite, parce qu’à supposer possible un tel arrangement, il le repousserait comme injurieux pour lui. Lui s’est donné entièrement; il nous veut entièrement… C’est à prendre ou à laisser. Qui laisse, du moins a compris, alors que n’a pas compris qui marchande. Tu te dois sans réserves à Jésus-Christ!

 

Bien entendu, aussi, tu te dois à lui pour toujours. Le contrat qui nous engage ne comporte aucune clause suspensive ou résiliative. Il n’est pas prévu d’heures libres, de jours non ouvrables, ni de retraite dans le sens rigoureux du terme. Le pasteur n’est pas un fonctionnaire. Il doit sa vie en bloc, donc en détail, tous les instants de sa vie.

 

Proclamons hautement l’absolu de l’obligation: tu te dois à Jésus-Christ! A lui seul! Pour toujours!

 

D) Là est bien la vocation, ta vocation… pourtant, serrons la chose de plus près encore. Tu te dois à Jésus-Christ, mais dans la réalité pratique, comment cela se traduira-t-il?

Voici: la volonté du divin Maître est que tu te donnes à lui en la personne des hommes, tes frères. C’est en eux que tu lui dédieras ton offrande; c’est en eux qu’il l’agréera.

 

Tu te donneras donc aux hommes. A tous, sans doute. Mais, en fait, surtout à ceux que Dieu lui-même a groupés dans le cadre géographique bien déterminé de ta paroisse. Wesley, ce saint conquérant, se traçait des ambitions plus vastes. C’était son affaire. Il n’est pas interdit de voir grand; il voyait très grand… Le ministère en extension m’effraie un peu, je l’avoue; et j’avoue aussi lui préférer le ministère en profondeur. A celui qui sillonne le monde, celui qui ne dépasse pas les limites d’un modeste village… Et plus je vais, plus je me convaincs que le champ de travail le plus petit ne sera jamais trop petit pour l’ouvrier le plus doué, le plus actif et le plus consciencieux.

 

Ainsi, pasteur de Lézan, c’est auprès des quelques centaines d’âmes lézanaises qu’à mon avis tu te dois particulièrement à Jésus-Christ… Installe-toi donc là, au poste que t’assigne le Maître de la moisson. De ce milieu, sors le moins possible. Sans être casanier, ne sois pas globe-trotter. Je crois à la valeur du ministère circonscrit et stable. Je crois qu’il y a erreur et faute à être comme en villégiature et de passage dans son Eglise, et de se répandre abondamment au dehors. Quand tout sera fait chez toi, et fait au mieux, tu jugeras s’il convient que tu ailles au-delà de tes frontières. Mais, en règle, freine l’appel des lointains espaces. Ministre, sois, d’abord, un bon “ministre de l’intérieur”.

 

Rassemblé sur la superficie d’un bourg, je considère que ton troupeau comprend l’ensemble de la population de ce bourg. Evidemment, tu te dois à tes coreligionnaires; mais tu te dois encore aux catholiques et aux athées. Et tu te dois premièrement aux sujets les plus éloignés de l’Evangile, à ceux qui sont le plus exposés à vivre et mourir sans posséder la salutaire connaissance de la Vérité. Retiens bien la parabole de la brebis égarée! Elle t’interdit de réserver tes soins aux brebis dociles; elle t’ordonne même de les délaisser momentanément pour voler à la recherche de celle qui est en péril. Ah! quand tu l’auras retrouvée, celle-là, tu sauras ce qu’est l’un des plus purs ravissements du ministère, et qu’il est des heures où l’on dirait que toutes les harmonies célestes ont fait soudain irruption dans notre pauvre cœur!

 

E) J’en arrive maintenant à mes ultimes conseils

1. Le premier: puisque tu te dois, ne te marchande pas! L’homme de Dieu abdique s’il ne passe pas outre les suggestions d’une certaine prudence bourgeoise habile à le persuader que du zèle il en faut, sans trop. Le zèle qu’on modère est un zèle qu’on éteint. Il est arbitraire et coupable, par exemple, d’étiqueter nos activités; de dire des unes: elles sont nécessaires; des autres: elles sont importantes; des autres: elles sont accessoires… A ce compte, on se ménage beaucoup de loisirs! Or, par un déconcertant paradoxe, plus on a de loisirs, plus aussi on prétend être surmené…

 

Du zèle, il en faut: n’en fixons pas la mesure; nous ne risquons guère, en la matière, de pécher par excès! N’oublions pas que le Seigneur a été “dévoré” par le sien. Afin de stimuler le nôtre, si souvent languissant, il nous invite à répéter souvent avec lui: “Tandis qu’il fait jour, il me faut accomplir les œuvres de celui qui m’a envoyé. La nuit vient, où nul ne pourra plus travailler!” (Jn 6:4) La nuit vient! Oui, mon enfant! Elle vient vite! Allons, hardi à la tâche! Ne te marchande pas!

 

2. Je m’empresserai, toutefois, d’ajouter, et ce sera mon second conseil: “Pourtant, ne te gaspille pas!” Il est présomptueux, et donc contre-indiqué, de vouloir tirer de soi, au physique et au moral, sans prendre jamais le temps de souffler et de se renouveler. Il y a un déraisonnable activisme qui vide et détériore l’homme sans aucun profit pour sa mission, au contraire, à son détriment. Jésus a évité cette agitation désordonnée et nocive. Faisons comme lui.

 

Apprends à te mettre à l’écart et à te détendre quand il le faudra. Aie surtout soin de t’accorder, non, de t’imposer, périodiquement, toutes affaires pendantes, et sans scrupule, un après-midi de culture personnelle, de méditation et de recueillement. L’étude, la prière sont de fécondes disciplines pour le pasteur. Sous peine de s’appauvrir et de nuire grandement à son ministère, on n’a pas le droit de les sacrifier, il est interdit de les minimiser.

 

Pareillement, ne te gaspille pas en assumant des charges qui ne sont pas les tiennes, qui ressortissent de tes auxiliaires, conseillers presbytéraux et autres responsables de l’Eglise. Nul ne joue au “Maître Jacques” impunément. Tu n’es pas l’unique serviteur de Dieu dans la paroisse. D’autres y sont avec toi; Dieu les y a mis comme toi. Non point pour en faire des figurants. A toi de les former en équipe militante. Dirige-les; anime-les; néanmoins, ne les supplante pas!

 

En résumé, du zèle, mais aussi, de la sagesse! Donne-toi à fond, mais judicieusement. Pour mieux te donner, évite de t’abîmer en pure perte; veille à t’enrichir toujours davantage. J’en reviens à mon slogan: “Ne te gaspille pas!”

 

3. Il me reste encore une recommandation. La voici: “Surtout, ne murmure pas!” Tu te dois! Tu as usé de ta liberté pour la soumettre à la souveraineté de Jésus-Christ. Dès lors, ne te plains pas! Ne gémis pas à propos des incompréhensions, des ingratitudes, du traitement pastoral, des innombrables difficultés de l’œuvre… Ah! je t’en conjure, sous la voûte du ciel, ne sois pas un grincheux de plus! Ne gémissent que les outils rouillés!

 

Ne te plains jamais! Si le fielleux esprit de maussaderie et de mécontentement s’emparait de toi, ce serait un fort mauvais signe: le signe que le noble esprit du service aurait été sournoisement altéré, qu’il y aurait une maladie et une décadence de ta vocation. Cela, n’est-il pas vrai, ne sera pas! Encore une fois: tu te dois! Tu l’as voulu! Dieu l’a voulu! C’est un suréminent honneur! Ne murmure pas comme si c’était une disgrâce! Alléluia! Rends grâce! Chante!

 

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Mon enfant, tu n’es pas seul dans la vie. Une compagne, choisie par Dieu, fait route avec toi. A tes côtés en toutes choses, il serait inadmissible qu’elle se séparât de toi dans le ministère; alors, contrairement au dessein du Père céleste, vous ne seriez plus un, mais deux… Cela, non plus ne sera pas. Comme toi, avec toi, elle se trouve, dès aujourd’hui, engagée au même Maître, promue au même service. A genoux, tout près de toi, elle va, elle aussi, prononcer, dans un instant, le vœu solennel: “Je me dois… Je me dois!”

 

Un vœu? Il en est un, très doux, qu’il me serait difficile de taire. Dans les bras de sa maman, je vois votre petit Jacques endormi. Alors, de toute mon âme, je demande à Dieu qu’il t’accorde un jour, mon enfant, l’ineffable joie qu’il m’a donnée en te permettant d’occuper à ton tour cette chaire, pour y présider la cérémonie de consécration de votre premier-né.

 

Désormais, mon rôle s’achève. Je n’ajouterai plus qu’un mot, mais qui me paraît essentiel. En écoutant ce message, tu as certainement pensé: “Oui, c’est bien ça le ministère! C’est ce que vivent les hommes qui, comme moi, ont été appelés. En regardant à eux, je retrouverai exactement tout ce qui m’a été décrit.” Eh bien, mon enfant, pour ce qui me concerne, je m’humilie devant toi, devant tous, devant Dieu, d’être resté bien au-dessous du bel idéal qu’il m’appartenait d’évoquer. Jamais, comme en te pressant d’être le pasteur selon l’Evangile, jamais je n’ai plus douloureusement senti ma propre misère. Et jamais non plus je n’ai aussi ardemment désiré, et espéré, recommencer, au travers de toi, un ministère pénétré, cette fois, de l’authentique esprit du ministère, l’esprit du don de soi intégral, du: “Je me dois!”

 

Je t’adjure donc en conséquence, et avec toute ma tendresse, de ne point regarder à l’homme… de regarder toujours et uniquement, par delà l’homme, au divin Maître à qui tu te dois! Il est, lui, le parfait modèle des pasteurs, le seul Bon Berger! Amen!


* M. Longeiret est pasteur à la retraite de l’Union nationale des Eglises réformées évangéliques indépendantes, dont il a présidé la Commission permanente pendant bien des années.

** Sermon de consécration prononcé à Lézan (Gard) à l’occasion de la consécration au saint ministère de M. Pierre Verseils, fils du prédicateur, le dimanche 21 février 1954, au cours du Synode national des Eglises réformées évangéliques indépendantes de France.