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Chapitre 18. Des ministres de l’Eglise, de leur institution et de leurs devoirs

Chapitre 18. Des ministres de l’Eglise, de leur institution et de leurs devoirs

1. Dieu a toujours employé des ministres pour rassembler ou établir son Eglise, pour la gouverner et la conserver. Il fait de même aujourd’hui encore, et il agira ainsi aussi longtemps que l’Eglise sera sur la terre. L’origine, l’institution et les fonctions des ministres sont donc anciennes; elles remontent à Dieu lui-même et non à une institution nouvelle ou humaine. Dieu est certes capable, dans sa puissance, de rassembler une Eglise sans aucun moyen, mais il préfère agir à travers et par le ministère des hommes. Aussi les ministres ne doivent-ils pas être considérés pour eux-mêmes, mais comme des instruments par lesquels Dieu réalise le salut des hommes. Par conséquent, nous avertissons de ne pas attribuer notre conversion et notre instruction à la seule puissance secrète du Saint-Esprit, en évacuant le ministère de l’Eglise. Il convient de garder constamment à l’esprit les paroles de l’apôtre: Comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs? Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la Parole du Christ1 [1]. Ou encore, ce que le Christ a dit dans l’Evangile: En vérité, en vérité, je vous le dis, qui reçoit celui que j’aurai envoyé me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé2 [2]. Rappelons-nous aussi les supplications du Macédonien, apparaissant dans une vision à Paul alors que celui-ci était en Asie: Passe en Macédoine, viens à notre secours!3 [3]Et le même apôtre dit ailleurs: Car nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu4 [4].

2. Cependant, il faut également prendre garde de ne pas attribuer aux ministres et au ministère une importance excessive, nous rappelant les paroles du Seigneur rapportées dans l’Evangile: Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire5 [5]; et les paroles de l’apôtre: Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul? Des serviteurs par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun. J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître. Ainsi ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître6 [6]. Nous devons donc croire que Dieu nous enseigne sa Parole extérieurement par ses ministres, et qu’il meut intérieurement le cœur des élus par le Saint-Esprit en vue de la foi. De la sorte, toute la gloire de ce bienfait doit être rapportée à Dieu seul.

3. Malgré cela, Dieu a employé dès le commencement du monde les hommes les plus excellents de la terre, à savoir les patriarches. Et bien que plusieurs gens simples n’aient pas été versés dans la sagesse ou la philosophie du monde, ils excellaient, cependant, dans la vraie théologie. C’est avec eux que Dieu s’est souvent entretenu par les anges. En effet, les patriarches ont été les prophètes ou docteurs de leur temps. C’est pourquoi Dieu a voulu qu’ils vivent pendant des siècles, afin d’être les Pères et les lumières du monde. Ils ont été suivis par Moïse et les prophètes, dont la renommée est universelle.

4. Puis, en ces temps qui sont les derniers, le Père céleste a envoyé son Fils unique, celui qui, le plus parfaitement au monde, enseigne la volonté divine, et en qui est cachée la sagesse même de Dieu. C’est de lui que découle la plus sainte, la plus simple et la plus parfaite doctrine qui soit. Or, il s’est choisi des disciples, qu’il a fait apôtres. Allant dans le monde entier, ceux-ci ont rassemblé en tout lieu des Eglises par la prédication de l’Evangile. Par la suite, ils ont consacré des pasteurs et des docteurs dans toutes les Eglises du monde, selon l’ordre du Christ qui, par ces successeurs, enseigne et gouverne l’Eglise jusqu’à présent. De la sorte, comme Dieu a donné à l’ancien peuple les patriarches, Moïse et les prophètes, il a envoyé son Fils unique au peuple du Nouveau Testament, avec les apôtres et docteurs de l’Eglise.

5. Les ministres du peuple nouveau sont désignés par divers noms. En effet, ils sont appelés apôtres, prophètes, évangélistes, évêques, presbytres, pasteurs et docteurs7 [7]. Les apôtres ne sont pas restés à un endroit fixe mais ont dressé diverses Eglises par toute la terre. Une fois ces Eglises établies, l’office d’apôtres a cessé et des pasteurs ont pris leur place en chacune d’elles. Les prophètes, autrefois, prédisaient l’avenir; mais ils interprétaient aussi les Ecritures et, en ce sens, il en existe encore aujourd’hui. On a donné le nom d’évangélistes à ceux qui ont écrit l’histoire évangélique et prêché l’Evangile du Christ; Paul recommande ainsi à Timothée de faire l’œuvre d’un évangéliste8 [8]. Les évêques sont des surveillants et gardiens, dispensant la nourriture et les choses nécessaires à l’Eglise. Les presbytres sont les anciens et, pour ainsi dire, les sénateurs et pères de l’Eglise, gouvernant celle-ci par des conseils salutaires. Les pasteurs gardent le troupeau du Seigneur et lui donnent ce qui est nécessaire. Les docteurs instruisent, enseignant la foi et la piété véritables. Ceux qui sont maintenant les ministres des Eglises peuvent donc être appelés surveillants, anciens, pasteurs et docteurs.

6. Toutefois, avec le temps, les ministres de l’Eglise ont été désignés par des titres beaucoup plus nombreux qui ont été introduits peu à peu dans l’Eglise de Dieu. En effet, les uns ont été consacrés comme patriarches, les autres comme archevêques, d’autres encore comme suffragants ou métropolitains, archiprêtres, diacres, sous-diacres, acolytes, exorcistes, chantres, portiers et autres; cardinaux, prévôts et prieurs, abbés du premier et du second rang, des ordres majeurs et mineurs. Cependant, nous faisons peu de cas de ce que tous ceux-ci ont été autrefois ou de ce qu’ils sont maintenant; la doctrine apostolique des ministres nous suffit.

7. D’autre part, puisque nous savons indubitablement que les moines et les ordres, ou sectes monastiques n’ont été institués ni par le Christ ni par ses apôtres, nous enseignons qu’ils ne sont d’aucune utilité à l’Eglise et lui sont même nuisibles. Car, bien qu’autrefois ils aient été tolérables (puisqu’ils vivaient dans la solitude, gagnant leur nourriture par le travail de leurs mains, qu’ils n’étaient à la charge de personne et qu’en tout lieu ils se soumettaient aux pasteurs des Eglises, comme des laïcs), ce qu’ils sont maintenant, le monde entier le voit et l’aperçoit. Ils prennent pour prétexte toutes sortes de vœux obscurs et mènent une vie qui y est absolument contraire. De la sorte, les plus distingués d’entre eux méritent d’être mis au nombre de ceux dont parle l’apôtre: Nous apprenons que certains d’entre vous vivent dans le désordre et qu’au lieu d’agir ils s’agitent9 [9]. Nous n’avons donc pas de telles personnes dans nos Eglises, et nous enseignons que les Eglises du Christ ne doivent pas en avoir.

8. D’autre part, nul ne doit usurper l’honneur du ministère ecclésiastique, c’est-à-dire se l’arroger avec convoitise par des présents ou autres artifices, ou en étant poussé par l’ambition personnelle. Mais que les ministres de l’Eglise soient appelés et choisis légitimement par une décision communautaire; autrement dit, qu’ils soient élus d’une manière religieuse par l’Eglise même ou par une députation de l’Eglise, en bonne et due forme, sans tumulte, sédition ou querelle. Que l’on ne retienne pas n’importe qui, mais que ce soient des hommes capables, doués d’une érudition juste et sainte, d’une éloquence pieuse, d’une sagesse jointe à la simplicité et, enfin, de la modération et des signes d’une vie honnête, suivant la règle apostolique10 [10]. Que ceux qui sont élus soient consacrés par les plus anciens, avec prières publiques et imposition des mains. Nous condamnons ici tous ceux qui courent au seul gré de leurs désirs, sans avoir été élus, envoyés ou consacrés11 [11]. Et nous condamnons les ministres inaptes, auxquels manquent les dons nécessaires à un pasteur.

9. Nous reconnaissons, néanmoins, que dans l’Eglise primitive la simplicité innocente de certains pasteurs a parfois été plus profitable à l’Eglise que l’érudition recherchée, raffinée et artificielle de certains. De là, nous ne rejetons pas aujourd’hui la simplicité et l’authenticité de quelques-uns, à condition qu’ils ne soient pas entièrement ignorants.

10. Les apôtres désignent comme sacrificateurs tous ceux qui croient en Christ; non en référence au ministère mais parce que, par le Christ, tous les croyants ont été faits rois et sacrificateurs, et peuvent offrir à Dieu des sacrifices spirituels12 [12]. Le sacerdoce et le ministère sont donc des choses fort différentes. En effet le premier, comme nous venons de le dire, est commun à tous les chrétiens; mais il n’en est pas de même du second. Nous n’avons donc pas ôté le ministère de l’Eglise en rejetant de l’Eglise du Christ la prêtrise telle qu’elle se pratique dans la papauté.

11. Assurément, dans la nouvelle alliance du Christ, il n’est plus de sacrificature comme celle que l’on trouvait au sein de l’ancien peuple, avec une onction extérieure, des habits sacrés et des cérémonies nombreuses. Celles-ci ont été des préfigurations du Christ qui, une fois venu, les a abolies. Le Christ lui-même demeure donc seul Sacrificateur pour l’éternité13 [13]. Or, afin de ne rien lui dérober, nous ne donnons ce titre de sacrificateur à aucun ministre. Car notre Seigneur n’a pas consacré dans l’Eglise du Nouveau Testament de sacrificateurs qui, ayant reçu l’autorité d’un évêque, offrent quotidiennement une victime, à savoir la chair et le sang mêmes du Seigneur pour les vivants et les morts. Mais il a établi des pasteurs pour qu’ils enseignent et administrent les sacrements. En effet, en exposant simplement et sommairement ce que nous devons penser de la nouvelle alliance ainsi que des ministres de l’Eglise chrétienne, et ce que nous devons leur attribuer, Paul dit: Ainsi, qu’on nous regarde comme des serviteurs de Christ et des administrateurs des mystères de Dieu14 [14]. L’apôtre veut donc que nous considérions les ministres comme des serviteurs. Or il les appelle uperetas, « rameurs subordonnés », qui ont les yeux fixés uniquement sur le pilote: des hommes qui ne vivent pas selon leurs désirs mais selon la volonté de leurs patrons, dont ils dépendent entièrement. Il est donc exigé du ministre de l’Eglise qu’il s’adonne totalement et dans toutes ses fonctions, non à ses propres désirs mais à l’exécution de ce qu’il a reçu comme commandement de son maître. De plus est souligné qui est ce maître, à savoir le Christ, auquel les ministres sont soumis dans toutes les fonctions de leur ministère.

12. L’apôtre, afin d’expliquer plus clairement ce qu’est le ministère, ajoute que les ministres de l’Eglise sont intendants ou administrateurs des mystères de Dieu. Or Paul, en parlant en plusieurs endroits des mystères de Dieu15 [15], désigne l’Evangile du Christ. Et les Pères ont appelé du nom de « mystères » les sacrements du Christ. Voici donc à quoi sont appelés les ministres de l’Eglise: à la proclamation de l’Evangile du Christ aux fidèles, et à l’administration des sacrements. En effet, l’Evangile met devant nous l’exemple de l’intendant fidèle et prudent que le maître établira sur ses gens de service pour leur donner leur ration de blé au moment convenable16 [16]. Et nous voyons ailleurs dans l’Evangile l’homme qui, partant en voyage, laisse sa maison et donne à ses serviteurs l’autorité sur elle ainsi que sur ses possessions, et assigne à chacun son travail17 [17].

13. Il convient donc ici de parler de l’autorité et du devoir des ministres de l’Eglise. Au sujet de l’autorité, certains se sont disputés de façon très vive et ont voulu y soumettre tout ce qui existe de plus grand sur la terre; et cela contre le commandement du Seigneur, qui a interdit toute domination et vivement recommandé une attitude d’humilité18 [18]. De fait, il y a une sorte de pouvoir, simple et absolu, qui est appelé « pouvoir de droit ». Par ce pouvoir, tout l’univers est soumis au Christ le Seigneur, ainsi que lui-même en a rendu témoignage en disant: Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre19 [19]; et encore: Moi je suis le premier et le dernier. Me voici vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de l’enfer et du séjour des morts20 [20]. De même, il est celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et personne ne fermera, celui qui ferme et personne n’ouvrira21 [21].

14. Ce pouvoir, le Seigneur se le réserve à lui-même; il ne le cède à aucun autre, comme s’il devait assister en spectateur passif au travail de ses ministres. Dieu dit en effet, par Esaïe: Je mettrai sur son épaule la clef de David22 [22]; et encore: La souveraineté reposera sur son épaule23 [23]. Il ne met donc pas ce gouvernement sur les épaules d’autrui, mais il garde et utilise son pouvoir pour diriger toutes choses. Du reste, il y a un autre pouvoir, celui de devoir ou de ministère, qui est circonscrit par celui qui a toute autorité. Ce pouvoir ressemble davantage à un service qu’à une domination. Car un maître confie à son intendant l’autorité sur sa maison et lui en remet par conséquent les clefs, afin qu’il fasse entrer dans sa maison ou en exclue ceux que le maître veut faire entrer ou exclure. C’est en vertu de ce pouvoir que le ministre établi fait ce que le Seigneur lui a ordonné. Le Seigneur ratifie ce qu’il fait et veut que cette action soit estimée et reconnue comme étant accomplie par lui-même.

15. C’est à cela que se rapportent les affirmations de l’Evangile: Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux24 [24]. De même: Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus25 [25]. Toutefois, si le ministre n’agit pas conformément à ce que le Seigneur a ordonné mais qu’il outrepasse les limites de sa charge, assurément le Seigneur rejette son action. Le pouvoir ecclésial des ministres de l’Eglise est donc cette fonction par laquelle ils gouvernent l’Eglise de Dieu; mais en tout ce qu’ils font dans l’Eglise ils doivent agir selon ce que le Seigneur a prescrit dans sa Parole. En conséquence, les fidèles y reconnaîtront les actions du Seigneur lui-même26 [26].

16. Or une même et égale autorité et charge est donnée à tous les ministres dans l’Eglise. Il est certain qu’au commencement les évêques, ou anciens, gouvernaient l’Eglise en une activité commune. Nul ne s’élevait au-dessus d’un autre ni ne s’arrogeait une plus grande autorité ou domination sur les autres anciens. En effet, ils se souvenaient des paroles du Seigneur: Que le plus grand parmi vous soit comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert27 [27]. Ils se maintenaient dans l’humilité et, par des charges réciproques, s’aidaient les uns les autres dans le gouvernement et la conservation de l’Eglise. Cependant, dans l’intérêt de l’ordre, l’un ou l’autre ministre désigné convoquait l’assemblée, y proposait les questions à délibérer, recueillait les avis des autres et, dans la mesure de ses possibilités, veillait à ce qu’il n’y ait pas de confusion.

17. C’est ainsi, comme nous lisons dans les Actes des apôtres, que Pierre a agi sans être pour autant supérieur aux autres ou avoir une plus grande autorité qu’eux. Cyprien, le martyr, disait donc très justement: « Les autres apôtres étaient indubitablement ce qu’était Pierre, jouissant d’un même honneur et d’un même pouvoir; mais du premier d’entre eux procède l’unité, afin que l’Eglise se manifeste comme étant une. »28 [28] Saint Jérôme, quant à lui, ne dit pas autre chose dans son commentaire de l’épître de Paul à Tite: « Avant que, par l’instigation du diable, il n’y eût des factions dans la religion, les Eglises étaient gouvernées par le conseil commun des anciens. Mais après, quand chacun s’est mis à imaginer que ceux qu’il avait baptisés étaient à lui et non au Christ, il fut résolu que l’un des anciens serait élu et placé au-dessus des autres, que la charge de toute l’Eglise lui incomberait, et que les semences du schisme seraient ainsi ôtées. » Toutefois, Jérôme ne met pas ce décret en avant comme étant d’origine divine, car il dit aussitôt après: « Comme les anciens savent que, selon la coutume de l’Eglise, ils sont soumis à celui qui est établi sur eux, de même les évêques doivent savoir qu’ils sont supérieurs aux anciens plutôt par coutume que par une prescription de la vérité du Seigneur, et que c’est en commun avec eux qu’ils doivent gouverner l’Eglise. »29 [29] Ainsi nul ne peut nous interdire de retourner à l’ancienne constitution de l’Eglise de Dieu et de la recevoir elle, plutôt qu’une coutume humaine.

18. Les devoirs des ministres sont multiples. Beaucoup, néanmoins, les ramènent à deux, dans lesquels sont compris tous les autres: l’enseignement de la doctrine évangélique du Christ et l’administration légitime des sacrements. Les ministres ont, en effet, à convoquer les saints rassemblements, à y exposer la Parole de Dieu et à appliquer la doctrine universelle à la situation et l’usage de l’Eglise. De la sorte, ce qu’ils enseignent profitera à ceux qui écoutent et édifiera les fidèles. Il revient encore aux ministres d’instruire les ignorants, d’exhorter et d’inciter avec empressement ceux qui se sont arrêtés, ou qui avancent lentement, à faire des progrès dans la voie du Seigneur; de consoler et d’affermir ceux qui manquent de courage, de les prémunir contre les diverses tentations de Satan; de corriger les pécheurs, de ramener ceux qui s’égarent, de relever ceux qui sont tombés; de convaincre les contradicteurs, de chasser le loup loin du troupeau du Seigneur; de combattre avec clairvoyance et sérieux les méfaits ainsi que ceux qui les commettent; de ne pas participer à la méchanceté ou la passer sous silence. De plus, ils doivent administrer les sacrements, en recommander un bon usage et préparer chacun, par la sainte doctrine, à les recevoir; conserver les fidèles dans une unité sainte et prévenir les schismes; catéchiser les ignorants, mettre devant les yeux de l’Eglise les besoins des pauvres; visiter, instruire et retenir dans le chemin de la vie les malades et ceux qui sont en proie à diverses tentations. En outre, il leur incombe d’offrir des prières publiques ou des supplications dans des temps de besoin, accompagnées du jeûne, c’est-à-dire d’une sainte abstinence; enfin, de rechercher avec diligence tout ce qui contribue à la tranquillité, à la paix et au salut des Eglises.

19. Afin que le ministre puisse accomplir tout cela avec le plus de rectitude et de facilité possible, il lui est surtout recommandé de craindre Dieu, d’être attaché à la prière, de s’adonner à des lectures saintes, de veiller constamment sur sa conduite et de vivre en toute pureté.

20. La discipline est absolument nécessaire dans l’Eglise. Les Pères ont fait usage de l’excommunication, et il y avait des jugements ecclésiastiques au sein du peuple de Dieu, où cette discipline était exercée par des gens sages et intègres. Par conséquent, il incombe aux ministres, pour l’édification de l’Eglise, d’exercer cette même discipline suivant les circonstances du moment, la situation publique et les besoins. Cette règle doit toujours être observée: que tout se fasse en vue de l’édification, avec bienséance et franchise, sans tyrannie ou injustice. En effet, l’apôtre témoigne de l’autorité que le Seigneur lui a donnée pour édifier et non pour abattre30 [30]. Et le Seigneur lui-même a défendu d’arracher l’ivraie du champ du maître, de peur que le bon grain ne soit aussi déraciné.

21. D’autre part, nous avons en exécration l’erreur des Donatistes, qui estimaient que l’efficacité ou l’inefficacité de la doctrine et de l’administration des sacrements dépendait du comportement, bon ou mauvais, des ministres. Car nous savons que la voix du Christ doit être écoutée, quand même elle procéderait de la bouche d’un ministre méchant, puisque le Seigneur lui-même a dit: Faites donc et observez tout ce qu’ils diront mais n’agissez pas selon leurs œuvres31 [31]. Nous savons que les sacrements sont sanctifiés par l’ordre et par la Parole du Christ et qu’ils sont efficaces pour les croyants, quand bien même ils seraient présentés par des ministres indignes. A ce sujet, Augustin, ce serviteur béni de Dieu, a opposé aux Donatistes plusieurs arguments à partir des Ecritures.

22. Cela étant, il faut toutefois une discipline parmi les ministres; en effet, que l’on s’enquière diligemment dans les synodes de la doctrine et de la vie des ministres. Que ceux qui commettent le péché soient corrigés par les plus anciens et ramenés sur le chemin, s’ils sont à même d’être récupérés. Ou alors, s’ils sont incorrigibles, qu’ils soient déposés et, comme des loups, chassés du troupeau du Seigneur par les vrais pasteurs. Car s’ils sont de faux docteurs ils ne doivent en aucun cas être tolérés. En outre, nous ne désapprouvons nullement les conciles œcuméniques, à condition qu’ils se réunissent, selon l’exemple des apôtres, pour le salut et non la ruine de l’Eglise.

23. Tous les ministres fidèles, comme de bons ouvriers, sont dignes de leur récompense; ils ne commettent aucun mal en recevant un salaire et tout ce qui leur est nécessaire, à eux et à leurs familles. Car l’apôtre montre que c’est à bon droit que ces choses sont fournies par l’Eglise et acceptées par les ministres32 [32]. Les anabaptistes sont ainsi réfutés par cette doctrine apostolique, vu qu’ils condamnent et couvrent d’opprobre les ministres qui vivent de leur ministère.


1 [33] Rm 10:14, 17.

2 [34] Jn 13:20.

3 [35] Ac 16:9.

4 [36] 1 Co 3:9.

5 [37] Jn 6:44.

6 [38] 1 Co 3:5-7.

7 [39] 1 Co 12:3; Ep 4:11.

8 [40] 2 Tm 4:5.

9 [41] 2 Th 3:11.

10 [42] 1 Tm 3:2-7; Tt 1:7-9.

11 [43] Jr 23:32.

12 [44] Ex 19:6; 1 P 2:9; Ap 1:6.

13 [45] He 5:6.

14 [46] 1 Co 4:1.

15 [47] Cf. surtout Ep 3:3.

16 [48] Lc 12:42.

17 [49] Mt 25:14ss.

18 [50] Lc 22:25; Mt 18:1ss; 20:25.

19 [51] Mt 28:18.

20 [52] Ap 1:18.

21 [53] Ap 3:7.

22 [54] Es 22:22.

23 [55] Es 9:5.

24 [56] Mt 16:19.

25 [57] Jn 20:23.

26 [58] Il a déjà été question du pouvoir des clefs; cf. supra, 14.8.

27 [59] Lc 22:26.

28 [60] De l’unité de l’Eglise, chap. 4 (la Confession renvoie, à tort semble-t-il, à De simplicitate clericorum). Cyprien affirme dans ce passage que, malgré la parité profonde qui régnait entre les apôtres, le Christ, en Matthieu 16, mentionne Pierre seul, afin d’illustrer le principe d’unité. La position particulière que Pierre occupe ici (il est « le premier ») sert donc avant tout à montrer qu’il y a une seule Eglise. Si les termes de Cyprien ne sont pas absolument clairs, il est toutefois certain que Bullinger cite celui-ci à bon escient. (N.d.t.)

29 [61] Jérôme, Commentaire sur l’épître à Tite, chap. 1.

30 [62] 2 Co 10:8.

31 [63] Mt 23:3.

32 [64] 1 Co 9:14; 1 Tm 5:17-18 et passim.