- La Revue réformée - http://larevuereformee.net -

Prêcher le dessein de Dieu dans sa totalité

Prêcher le dessein de Dieu dans sa totalité[1] [1]

Douglas F. KELLY*

Nous avons déjà évoqué la détermination[2] [2] de l’apôtre Paul à sacrifier tout ce qui était nécessaire pour que l’Evangile et la personne du Christ soient connus. Nous avons également précisé que pour être un fidèle transmetteur « de la connaissance de la gloire de Dieu qui resplendit sur la face de Jésus-Christ », il fallait prêcher le dessein de Dieu dans sa totalité, en utilisant toutes les pages de l’Ecriture.

Oui, saint Paul l’écrit aux premiers versets du chapitre 4 de la seconde épître aux Corinthiens: pour que la gloire du Christ resplendisse sur les membres du peuple de Dieu, pour que ses bénédictions soient répandues sur ceux qui les entourent, il faut que les prédicateurs exposent toutes les faces de l’Ecriture. Il y a une bonne raison à cela, comme l’écrit un prédicateur écossais, pasteur de la même paroisse depuis 1945 à Aberdeen, William Still, dans son livre, L’oeuvre du pasteur (The Work of the Pastor):

Tout le Christ est dans toute l’Ecriture. Pour comprendre la plénitude de la personne du Christ, ceux qui vous écoutent ont besoin des Proverbes, de la Genèse, de Philémon tout autant que de l’évangile de Luc et de l’épître aux Romains.

Nous qui sommes les héritiers de la Réforme de Calvin, nous croyons qu’il y a une Alliance de grâce qui se déroule à travers toute l’Ecriture, de la Genèse à l’Apocalypse; une Alliance de grâce qui donne une profonde unité à la Bible, qui s’étend à travers bien des périodes différentes de l’histoire et présente ainsi des phases successives: l’Alliance avec Abraham, avec Moïse, avec David, avec le peuple de Palestine, la nouvelle Alliance annoncée par le prophète Jérémie au chapitre 31… mais, au travers de toutes ses formes, une seule et même Alliance fondée sur la grâce de Dieu en son Fils Jésus-Christ.

L’Ecriture n’est pas faite de morceaux épars, contradictoires ou sans relations les uns avec les autres. Bien au contraire, elle est tout entière sous la même inspiration du Saint-Esprit et elle présente la même Alliance dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, dont Christ est la somme et la substance. C’est pourquoi il faut prêcher chaque fragment de l’Ancien et du Nouveau Testaments pour comprendre la plénitude de l’Alliance, la plénitude de l’inspiration et la plénitude du Christ.

Exemple: Jésus-Christ, qui est la sagesse personnifiée (cf. Pr 8 et 1 Co 1:30) a beaucoup à dire à son peuple à travers les sages conseils des Proverbes. Ne jamais prêcher sur les Proverbes, c’est priver les auditeurs d’une aide que le Christ veut leur donner, afin de vivre, chaque jour, pour sa gloire dans le monde actif – the business world – qui est le nôtre. Il faut prêcher sur les Proverbes et sur chacun des livres de l’Ecriture, car le Saint-Esprit les a tous inspirés, afin de donner au peuple de Dieu un caractère et une pensée équilibrés.

Pour que la lumière de la gloire du Christ brille sur les auditeurs (cf. 2 Co 4), la totalité de la Parole doit être présentée: l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, les livres historiques et les Proverbes, les Psaumes et les paraboles, les évangiles et les épîtres, les prophètes et les apôtres, la guerre et la paix, la bénédiction et la réprimande, la vie terrestre et la vie éternelle, les menaces et les promesses, la Genèse et l’Apocalypse, l’Alpha et l’Oméga. La meilleure méthode consiste à avancer pas à pas, en prêchant directement et en séquences chacun des passages d’un livre de la Bible, sans en laisser aucune partie dans l’ombre.

« La méthode d’exposition séquentielle est pour la prédication le moyen le plus évident et le plus naturel pour transmettre aux auditeurs la teneur des livres sacrés. C’est pour un tel travail – interpréter les Ecritures – qu’un ministère a été institué. Le commentaire séquentiel est le mieux adapté pour communiquer la vérité biblique dans sa totalité. Connaître la Bible, c’est plus que connaître des versets isolés. C’est acquérir une pleine compréhension de la relation de chaque proposition à l’ensemble narratif ou argumentaire dont elle fait partie.

« La méthode d’exposition séquentielle oblige le prédicateur à rendre compte, à chaque pas, du plan de Dieu dans sa totalité. En choisissant au hasard des textes isolés, on risque de négliger l’enseignement de nombreux éléments de doctrines et des devoirs importants. Le commentaire séquentiel conduit tout naturellement celui qui s’y astreint à corriger et même à éviter les effets pervers de la prédication telle qu’elle est habituellement faite sur un texte isolé. »

Au cours de mon ministère, je me suis astreint à prêcher sur un livre biblique le dimanche matin, sur un autre le dimanche soir et sur un troisième le mercredi soir. J’ai très vite remarqué combien j’étais aidé, dans la préparation de mes sermons, par les relations que l’on trouve dans un même livre. Et de se demander alors: « Pourquoi telle doctrine, pourquoi tel récit sont-ils placés ici, à la suite? »

Les commentaires de Martin Lloyd Jones sur l’épître aux Romains m’ont beaucoup apporté. Il recommande de toujours se demander: « Pourquoi l’apôtre Paul place-t-il ici cet argument dans sa démonstration, alors qu’on s’attendrait à en voir un autre? » Et ensuite: « Qu’est-ce donc que j’attendais? Qu’aurais-je dit à sa place? Pourquoi l’apôtre n’a-t-il pas suivi ma logique? » C’est alors que les relations entre les différents passages de la Bible, entre les évangiles, les épîtres, les livres historiques, les livres politiques apportent une très grande aide pour interpréter le message dans sa totalité. La prédication séquentielle permet de comprendre pourquoi un texte en suit un autre et quelles relations existent entre les livres de l’Ecriture.

Un autre avantage de la prédication séquentielle est que l’on sait ce sur quoi on va prêcher le dimanche suivant. Quand on n’a pas beaucoup d’expérience, il est difficile de se reposer sur son intelligence tout humaine pour décider du sujet de son prochain sermon[3] [3]. Ce choix peut prendre beaucoup de temps. Il convient parfois de faire des exceptions pour donner un message spécial et ainsi introduire un peu de variété. Mais, d’une façon générale, c’est une bénédiction de savoir quel sujet développer, de ne pas avoir à passer du temps à se tourmenter pour en trouver un, alors que ce temps peut être utilisé de façon bien plus utile à progresser dans l’interprétation du passage et à l’approfondir dans la prière.

La prédication séquentielle du plan de Dieu dans sa totalité suscite l’intérêt des auditeurs qui veulent en entendre plus sur la pure Parole. Pensons à la façon dont les enfants développent leur goût, par exemple, pour la grande musique. On commence par leur faire entendre quelques morceaux, peut-être contre leur gré au début. Il en va de même pour la prière en famille: ils trouveront toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas y participer. Mais il faut persister et, peu à peu, les sons et les paroles entrent dans leurs oreilles et dans leur esprit; un goût réel pour la grande musique, ou pour la prière en famille, ou pour la lecture, ou pour toute autre chose, se développe. Il en est de même pour la prédication de la Parole de Dieu dans sa totalité. Il convient de tout faire pour que les auditeurs trouvent cette Parole attirante, intéressante et qu’ils soient touchés au stade où ils se trouvent; c’est pourquoi il ne faut être ni trop intellectuel, ni trop long lorsqu’on commence son ministère.

Le pasteur Spurgeon, de la paroisse du Metropolitan Tabernacle, à Londres, s’est entendu dire, après de nombreuses années de ministère: « Monsieur Spurgeon, votre façon de prêcher est bien différente de celle d’il y a vingt ans. Vous êtes beaucoup plus profond. » Et il a répondu: « Il y a vingt ans, j’érigeais cette paroisse. Aujourd’hui, elle est bien établie et je peux l’instruire. » Cette distinction est importante: il faut avoir suffisamment de sensibilité pour discerner ce que les paroissiens sont en mesure d’accueillir et de comprendre pour adapter en conséquence le style et la durée de la prédication. Ce n’est que peu à peu, ensuite, que la longueur de celle-ci pourra être allongée.

La prédication séquentielle permet aussi de traiter un très large éventail de problèmes pastoraux. Et là, on touche au domaine du surnaturel. Nous servons un Dieu qui est vivant et nous vivons dans le monde naturel, aussi ne devrions-nous jamais avoir honte de dire: « Dieu est à l’oeuvre de façon surnaturelle dans nos ministères. »

En exposant de façon poussée les implications pratiques d’un livre de la Bible, on est souvent étonné de découvrir plus tard qu’il y avait là, juste devant soi, sans qu’on le sache, un couple en difficulté qui écoute. Personne d’autre ne le sait. Et pourtant ce que vous dites est exactement ce dont cet homme et cette femme ont besoin pour reconsidérer leurs différends. A côté, se trouve aussi quelqu’un qui est consumé par la tentation: ce qui a été dit ce dimanche au cours de la prédication a parlé à son coeur. Vous ne pouviez pas le savoir…

Tout une variété de questions sont ainsi soulevées au long d’une prédication. Le Saint-Esprit met le prédicateur en présence, le dimanche ou en semaine, de personnes qui se posent des questions précises, qui éprouvent les appétits, les espérances, ou ont les aspirations dont traite justement la partie de la Parole de Dieu qu’il est en train de commenter.

Martin Lloyd Jones indique, dans son livre La prédication et les prédicateurs (Preaching and Preachers), à quel point le conseil pastoral a été partie intégrante de sa prédication. J’ai entendu bien des personnes en témoigner. Ainsi, en disant qu’il faisait de la cure d’âmes par sa prédication, M. Lloyd Jones ne voulait pas dire qu’il refusait de passer du temps dans le un à un; bien au contraire, il a consacré beaucoup de son temps à soulager et à réconforter des hommes et des femmes qui en avaient besoin. Mais il était aussi convaincu qu’en prêchant la Parole de Dieu dans son intégrité, il satisfaisait de nombreux besoins pastoraux et aidait à résoudre bien des problèmes. Il n’est pas nécessaire d’avoir exercé longtemps le ministère pastoral pour en être persuadé.

La prédication séquentielle, c’est-à-dire ligne à ligne, mot à mot d’un livre biblique, afin d’en découvrir les implications et les relations internes, permet d’évoquer publiquement des questions, des besoins, des péchés ou des circonstances de la communauté paroissiale. Si on choisit délibérément un texte de l’Ecriture pour traiter un problème – des questions morales graves à l’occasion d’une élection, une affaire de corruption, des changements importants à réaliser dans le système scolaire local, etc. -, les gens croiront que la Parole de Dieu est utilisée pour les attaquer personnellement: la prédication perdra beaucoup de son efficacité.

Mais si on suit fidèlement le texte d’un livre dans les prédications et que, par une marque de la divine providence, le texte qui est commenté évoque une question objet de controverse dans la communauté, personne ne peut de bonne foi reprocher l’explication du texte qui est donnée, ni l’application à la situation actuelle qui en a été faite. Le serviteur de la Parole n’a fait que son devoir. Chacun comprendra qu’il n’a pas choisi un texte intentionnellement, par désir personnel de régler un compte avec quelqu’un. Le peuple de Dieu ne pourra que s’émerveiller – et les pécheurs ne pourront qu’être remplis de crainte – de ce que la providence divine a fait en sorte que la méditation de ce texte intervienne à ce moment particulier.

Il est vraiment souhaitable que les prédicateurs aient une foi plus grande, plus profonde en la providence de Dieu qui les guide dans leur prédication, dans leur méditation des passages à lire et à commenter, aussi longs soient-ils. Dieu sait à l’avance ce qui va arriver dans chaque Eglise. Il faut donc être persuadé que c’est lui qui va assembler les pièces du puzzle que le prédicateur découvre en lisant ligne après ligne les livres de la Bible. Dieu les assemblera de façon si parfaite que le message qu’elles apportent parlera de lui-même sur la situation présente et que chacun des auditeurs comprendra que le prédicateur n’a pas agi de lui-même mais a été conduit.

Une autre qualité de la prédication séquentielle est d’obliger le prédicateur à examiner des parties de l’Ecriture qui ne l’intéressent pas spécialement, ou qui lui paraissent difficiles à comprendre, ou encore qui vont à l’encontre de la façon de voir de la génération présente. C’est ainsi que les prédicateurs des Eglises « évangéliques » – tout au moins dans les pays anglo-saxons – ont négligé l’Ancien Testament depuis un siècle et plus. La plupart des prédicateurs célèbres de ces cent dernières années n’ont choisi que des textes du Nouveau Testament, ou alors ceux de l’Ancien Testament qui peuvent être coulés dans le moule d’un message de bonne nouvelle du salut. Cet ostracisme est, sans conteste, en relation avec le mouvement général d’éloignement vis-à-vis du calvinisme du XVIe siècle – qui avait une vue globale du monde et de la vie – au profit d’une sorte de piétisme plus étroit, qui néglige la culture du monde et tous les aspects de la vie autres que le salut de l’âme.

Notre manque d’attention sur les vérités enseignées par l’Ancien Testament est une des raisons pour lesquelles le christianisme a perdu son influence sur la culture et que le laïcisme, cet humanisme séculier, s’est développé. Comme l’Eglise ne propose plus de ligne de conduite en matière d’éducation, d’économie ou de politique, l’idéologie laïque s’est engouffrée dans le vide ainsi créé et a imposé une vision athée du monde, contraire à l’enseignement biblique.

Voici une illustration de cette négligence: d’un côté, l’étatisme est considéré, aujourd’hui, à peu près partout, comme le seul remède, la panacée, qui guérira de la pauvreté; de l’autre, une forme de capitalisme exacerbé méprise les pauvres et se désintéresse de leurs souffrances. La Parole de Dieu n’offre-t-elle pas une meilleure attitude? Il est certain que l’Evangile enseigne, de façon générale, le principe de l’amour du prochain et de la compassion active envers ceux qui sont dans le besoin, comme dans la parabole du Bon Samaritain. Mais une prédication éclairée de toute l’Ecriture ne nous apprend-elle pas davantage? Considérons les prescriptions concernant la glane dans l’Ancien Testament. Elles stipulent à la fois qu’une aide soit apportée aux pauvres et que la dignité de ceux-ci soit sauvegardée par l’obligation de ramasser eux-mêmes les épis laissés par les moissonneurs. Il y a là un bon thème de réflexion et le point de départ d’une mise en application adaptée à notre temps.

Autre question, bien plus complexe: comment appliquer, dans notre société moderne, la loi de remise générale des dettes tous les cinquante ans, lors de l’année du jubilé?

Telles sont quelques-unes des réflexions que la prédication séquentielle peut susciter. Elle est de nature à permettre de libérer l’Eglise du piétisme qui l’a envahie. Elle aide les prédicateurs à cibler leur message sur tous les aspects de la vie et ainsi à provoquer un début de transformation de notre mentalité, affectée négativement depuis plus d’un siècle par la laïcisation.

Il faut reconnaître aussi qu’il n’est pas toujours aisé de comprendre comment appliquer aujourd’hui bien des principes énoncés dans la Bible, en particulier dans l’Ancien Testament. Il y aura beaucoup à faire, dans ce domaine, dans les années à venir, pour que la prédication retrouve la plénitude de son application à la vie réelle du monde d’aujourd’hui, tout en préparant à la vie du monde à venir.

Prêcher sur les principes de l’Ecriture face aux grands défis de la vie courante va attirer jeunes et moins jeunes. Nombreux sont ceux – notamment des hommes – qui ne vont pas à l’église parce qu’ils estiment que l’Eglise n’a pas de message sur les questions les plus importantes auxquelles ils doivent faire face dans la vie des affaires. C’est pourquoi ils ont abandonné l’Eglise aux femmes et aux petits enfants. Les personnes reviendront en nombre croissant si on leur montre, par une exposition du dessein de Dieu à travers l’Ecriture, qu’une analyse serrée des situations d’hier permet de déterminer une ligne d’action pour aujourd’hui, dans les situations pratiques de la vie auxquelles elles sont confrontées: travailler dur, prospérer, éviter de s’endetter, mettre au point un système analogue à celui de la glane, faire apprendre un métier à son fils, etc.

Au cours de l’histoire de la prédication séquentielle, une mention spéciale doit être faite de saint Jean Chrysostome, qui, à Antioche et à Constantinople, par sa prédication de la bonne nouvelle à travers toute l’Ecriture, a obtenu que des changements merveilleux se produisent dans l’Eglise, dans l’Etat et dans la société. Il a si bien proclamé la vérité que beaucoup de vies en ont été sanctifiées.

Il y eut ensuite une période au cours de laquelle les prédicateurs ont commencé à s’écarter de plus en plus de la proclamation pure et simple du message de l’Ecriture, en arrivant à une prédication dont la fantaisie, au Moyen Age, est allée jusqu’à l’allégorie la plus extravagante.

A la Réforme, un retour à la prédication séquentielle de toute la Bible se produit: Zwingli, à la cathédrale de Zurich, provoque des réformes considérables dans les domaines spirituel, moral, politique, économique, par ses sermons qui font pas à pas l’exégèse de chacun des livres de la Bible. Son successeur, Bullinger fait de même.

Au cours des dix-huit années de son ministère à Zürich, à partir de 1549, Bullinger fait cent sermons sur l’Apocalypse, soixante-six sur Daniel, cent soixante-dix sur Jérémie, cent quatre-vingt-dix sur Esaïe. Rien que dans les dix premières années, il parcourt presque tous les livres de la Bible, égalant Calvin lui-même dans l’étendue quasi complète de sa prédication de la Bible. La culture de la société zurichoise, comme celle de la société genevoise, en ont bénéficié. Ces hommes prêchaient chaque jour ou presque, ce qui a provoqué une vraie réforme. Quelques historiens marxistes d’aujourd’hui voudraient ne voir dans les Réformateurs que des hommes politiques; ils étaient, certes, des hommes plongés dans la vie et dans le monde de leur temps. Mais ils étaient, surtout, des prédicateurs résolus du grand dessein de Dieu, révélé par l’étude de l’Ecriture tout entière, et des hommes de prière, qui « cherchaient premièrement le royaume et la justice de Dieu » (Mt 6:33). C’est cette prédication-là qui a suscité une réforme politique.

Calvin a vécu cinquante-cinq ans et a prêché plus de trois mille fois. Deux mille de ses sermons ont été conservés, bien que nombre d’entre eux aient été mis au rebut par la Bibliothèque de Genève au début du XVIIIe siècle! Heureusement, quelques-uns d’entre eux ont été retrouvés, plus tard, dans une boutique de vieux papiers par des étudiants en théologie (des membres de la famille Monod) et restitués à la Bibliothèque de Genève.

Calvin prêchait presque chaque jour. Dans son premier ministère à la cathédrale Saint-Pierre à Genève, il prêchait trois fois le dimanche et tous les deux jours en semaine. Après 1540, il ne l’a plus fait que deux fois le dimanche et chaque jour toutes les deux semaines. Le dimanche matin, il méditait sur le Nouveau Testament; l’après-midi, il expliquait un psaume ou bien il prêchait encore sur le Nouveau Testament. En semaine, Calvin se consacrait à l’Ancien Testament.

Je viens d’achever la traduction d’une centaine de pages de ses sermons sur le second livre de Samuel. Comment ne pas être frappé par sa façon si contemporaine et si convaincante de commenter le texte? L’application pratique qu’il tire de l’Ecriture pousse le coeur à l’action.

Calvin a persévéré dans la prédication de la Bible, livre après livre: deux cents sermons sur le Deutéronome, cent cinquante-neuf sur Job, cinq sur Abdias, cent six sur la première épître aux Corinthiens, quarante-trois sur l’épître aux Galates, etc. Sa prédication a amené réforme, restauration, nettoyage, guérison, quelquefois aussi lutte et révolution, simplement parce qu’il s’est servi de la Parole de Dieu et de l’illumination du Saint-Esprit comme d’une énergie transformatrice de la vie.

Le Dieu que nous adorons aujourd’hui est le même qu’au temps de Chrysostome, Zwingli, Bullinger ou Calvin. Nous disposons comme eux des mêmes moyens de la puissance de la grâce de Dieu.

Le rôle de chaque pasteur dans l’histoire n’est sans doute pas aussi crucial que celui de Bullinger, Zwingli, Calvin ou John Knox, et la mission dont il a la responsabilité n’a peut-être pas autant d’influence que la leur, mais si Dieu l’a placé là où il est, il peut opérer des miracles grâce à son ministère, si du moins il place celui-ci sous la bannière de la Parole et s’il le vivifie par la prière.

Pour terminer, voici deux strophes du Psaume 19[4] [4], si souvent chantées par les protestants de France:

2. La loi de l’Eternel

Est parfaite, et du ciel

Surpasse la splendeur;

Elle instruit l’ignorant

Et c’est elle qui rend

A l’âme sa vigueur.

C’est un riche trésor

Plus précieux que l’or

Qu’au creuset l’on affine;

Et le miel le plus doux

L’est moins encore pour nous

Que sa vertu divine.

Qu’il en soit ainsi!

4. Garde ton serviteur:

Que le péché, Seigneur,

Ne règne plus sur moi;

Alors par ta bonté,

Cherchant l’intégrité,

Je vivrai sous ta loi.

Ma bouche ne dira,

Mon coeur ne pensera,

On ne me verra faire

Rien, ô Dieu mon Sauveur,

Rien, ô mon Rédempteur,

Qui te puisse déplaire.


* Le docteur Douglas F. Kelly est professeur au Reformed Theological Seminary de Jackson, Mississippi, Etats-Unis.

[1] [5] Ce texte est celui d’une des trois conférences données par D. F. Kelly lors de la Pastorale de Dijon 1987. Le premier est paru dans le numéro 98:2 de La Revue; le troisième sera publié dans un prochain numéro.

[2] [6] On le voit en 2 Corinthiens et dans toutes les autres épîtres de Paul.

[3] [7] Les « textes du jour » de la Fédération protestante de France supposent une certaine sélection faite dans l’Ecriture (n.d.l.r.).

[4] [8] In recueil Louange et prière (Paris: Delachaux & Niestlé, n° 7), poème de Clément Marot, 1539, revu par Valentin Conrart en 1677, chez qui se tinrent les premières séances de l’Académie française, dont il devint le premier secrétaire perpétue. Mélodie attribuée à tort à Louis Bourgeois; en fait, elle est de Guillaume Franc (1542).