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La tâche du Saint-Esprit

La tâche du Saint-Esprit [1] [1]

Pierre MARCEL*

Le Consolateur, le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, celui-là vous enseignera toutes choses, et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit. (Jn 14:26)

C’est lui qui rendra témoignage de moi et vous aussi vous me rendrez témoignage. (Jn 15:27)

Chers frères, permettez-moi de penser que vous êtes, ici, quelques disciples du Christ. Le serviteur, le disciple, l’ami du Christ est placé dans une réalité qui implique une constante tension.

Avec votre Seigneur, vous êtes dans une relation aussi intime et profonde que le sarment avec le cep qui le porte. Le Christ vous a choisis pour une mission: garder ses commandements et ses paroles, demeurer en lui et – avec une joie pleine et solide – porter du fruit dans le monde, un fruit qui demeure jusque dans la vie éternelle. Ici, c’est la règle et le règne de l’amour.

Mais là, c’est la règle et le règne de la haine; car, dans le monde sans être du monde, portant la parole de votre Seigneur et vivant en communion avec lui, vous affrontez la haine du monde, sa haine de l’amour. Le monde hait le Christ parce qu’il hait son Père, Dieu! Sa haine se déchaîne contre tous ceux qui sont vraiment les serviteurs du Christ: « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. » (Jean 15:20) Comme lui, à la mesure de votre fidélité, vous rencontrez l’opposition, le dénigrement, la calomnie, la persécution: à tout âge, les enfants, les jeunes comme les adultes. Mais voici, pour tous, votre premier sujet de joie: la haine du monde ne parviendra pas à altérer cette joie pleine et solide que vous recevez du Christ.

Et voici votre second sujet de joie qui s’enracine dans une seconde promesse: comme plusieurs, dans le monde, ont entendu et reçu la parole du Christ, plusieurs également entendront et retiendront votre parole!

Surgit alors une question capitale: en l’absence de notre Seigneur, ne sommes-nous pas seuls? Sous les vagues agressives du monde, comment resterons-nous le sarment attaché au cep? Comment demeurerons-nous dans l’amour du Christ, nous en lui et lui en nous? Comment maintenir inaltérable notre joie? Comment témoigner, porter un fruit qui demeure, triompher de la haine par l’amour et de la persécution par la persévérance? N’allons-nous pas chanceler, trébucher, chuter peut-être tout à coup? Oui, comment, nous les jeunes, si fragiles, influençables, impressionnables, et nous tous, comment?

C’est ici qu’interviennent les promesses du Christ sur le don, la présence, l’activité et la puissance du Saint-Esprit, promesses qu’il se hâte, avant de conclure cet ultime entretien, de donner à ses disciples et à tous leurs successeurs, à chacun de nous:

Je prierai le Père, dit Jésus, qui vous donnera un autre Consolateur, afin qu’il soit éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous et il sera en vous. (Jn 14:16-17)

Ce n’est donc pas nous, mais l’Esprit saint qui trace la ligne de séparation entre l’Eglise et le monde, entre l’esprit de vérité des disciples et l’esprit d’erreur des gens du monde (1 Jn 4:6). C’est la présence de cet Esprit, demeurant avec nous, en nous, qui fait cette démarcation. Ce n’est pas nous qui nous séparons: c’est l’Esprit qui nous sépare. Nous ne pouvons que prendre acte de ce fait divin, faire l’expérience de sa réalité: qui ne se sent pas, qui n’est pas, d’une certaine manière, séparé du monde, n’est pas encore disciple du Christ.

Parce que nous ne pouvons trouver notre vraie consolation que dans les paroles du Christ, en Christ, la première tâche du Saint-Esprit que le Père nous envoie au nom du Christ est de

« nous enseigner toutes choses et de nous remettre en mémoire tout ce que le Christ nous a dit » (Jn 14:25-26).

Vous entendez? « Remettre en mémoire tout ce que le Christ nous a dit »! Il nous faut donc connaître ce que le Christ nous a dit et nous répète par sa Parole. Il faut la lire, la relire, la sonder, la recevoir, la mettre en pratique… Il ne faut pas la délaisser, l’ignorer. Sans la Parole du Christ, à côté d’elle ou hors d’elle, l’Esprit ne peut rien pour nous! Il ne peut rien pour vous! Sans la Parole, vous êtes privés de consolation et d’intelligence de l’Evangile et de la vie, privés de paix, privés de joie. L’Esprit n’agit pas sans moyens: il part de la Parole pour renvoyer à la Parole, pour nous « remettre en mémoire », en temps opportun et dans toutes les circonstances. Sans la parole du Christ qui est la parole de Dieu, nous n’avons rien et il ne se passe rien! L’Esprit est impuissant. Vous retombez dans la mort du monde.

Mais l’Esprit fait beaucoup plus que de nous « rappeler » les paroles littérales du Christ consignées dans les Ecritures. Il nous « enseigne toutes choses », il nous donne une représentation vivante de tout ce qu’il a dit, une explication créatrice de l’Evangile, et en fait autre chose qu’un code fossilisé. C’est Jésus lui-même, en effet, qui est au-delà de ses paroles, ou en deçà de ses paroles, car il est tout à la fois avant et après ses paroles, c’est Jésus lui-même qui est la Vérité. L’Esprit rappelle, l’Esprit explique, il nous montre les conséquences de la Parole, sa portée infinie, pour nous et pour le monde, et il la rend dans nos coeurs plus puissante que tout.

Timidité, crainte et détresse disparaissent alors, car nous n’avons rien à crainde: « Je vous laisse ma paix; je vous donne ma paix (…) Que votre coeur ne se trouble pas et qu’il ne craigne pas » (Jn 14:27). Que votre coeur, chers frères, soit jeune ou buriné par la vie! Car l’ordre nouveau du Christ pour nous est tout simplement la paix de Dieu vécue dans le monde, une paix qui vient de Dieu et du Christ par le Saint-Esprit. Assurément, la paix du Christ n’est ni une fausse sécurité, ni l’absence de combat; la paix du Christ est l’union avec le Père, maintenue à travers un combat incessant avec le monde et pour le monde, dans l’humilité, l’humiliation, la persécution souvent, dans une sorte de mort à nous-mêmes pour la gloire de Dieu: et cette mort-là est la vraie vie.

« Je vous ai dit tout cela pour que vous croyiez » (Jn 14:29). Notre foi est fondée non sur notre expérience, mais sur les paroles du Christ enracinées dans ce que le Christ nous dit. Seule, cette foi-là fait que notre coeur « ne se trouble pas et ne craigne pas » (Jn 14:27).

Craindre! Ce verbe n’est employé qu’ici dans le Nouveau Testament. Dans l’Ancien, il signifie la crainte ressentie par l’imminence de la guerre. De même que Moïse dit à son peuple arrivé au pied de la montagne des Amoréens:

Regarde, l’Eternel, ton Dieu, te livre ce pays. Monte, prends-en possession, comme l’Eternel, le Dieu de tes pères, te l’a dit, ne crains point et ne sois pas effrayé. (Dt 1:20-21)

C’est l’Eternel, ton Dieu, en effet, qui marche avec toi, devant toi; il ne te délaissera point et ne t’abandonnera pas. (Dt 30:6, 8)

De même que Dieu dit à Josué: « Ne te l’ai-je pas commandé? Sois ferme et prends courage, sois sans crainte et sans peur; car l’Eternel, ton Dieu, est avec toi dans toutes tes entreprises. » (Jos 1) De même le Christ, nous envoyant chacun dans le monde, pour y implanter sa Parole, reprend exactement les mêmes mots: « Que votre coeur ne se trouble pas et qu’il ne craigne pas »; car la paix du Christ implique la guerre avec le monde, mais cette guerre avec le monde ne détruit pas la paix du Christ dans nos coeurs, et ne nous ôte jamais cette joie pleine et solide d’être ses témoins quand nous sommes vraiment ses disciples.

C’est comme témoins du Christ que nous sommes envoyés dans le monde. Toute notre capacité de rendre témoignage dépend de notre communion avec lui, car nous avons été choisis et désignés pour être avec lui. Du milieu du monde, Christ nous a choisis pour être avec nous et nous envoyer avec lui dans le monde. Aucun de nous ne peut rester immobile, inactif, prendre une résidence, prendre racine. Chacun de nous est un envoyé du Christ ici-bas, depuis le jour où il a été appelé à la foi: dans sa famille, dans sa paroisse, dans le monde… Chacun doit être un témoin actif, dynamique! Chacun doit se poser chaque jour la question: « Puisque je suis l’envoyé du Christ, attaché à lui pour porter du fruit à la gloire de Dieu, auprès de qui et comment dois-je témoigner aujourd’hui? »

Chers frères, si chacun de vous se posait vraiment cette question, chaque matin, quels bouleversements en nous et autour de nous! Vous ne mettriez pas longtemps à faire l’expérience de la puissance de la parole du Christ et du témoignage de l’Esprit saint à travers votre témoignage, car voici la promesse:

Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, c’est lui qui rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous me rendrez témoignage. (Jn 15:26-27)

Là est le secret de l’autorité de notre témoignage dans le monde. L’Esprit que le Christ nous donne de la part du Père est l’Esprit de Vérité. Or Jésus est la Vérité. L’Esprit saint sera pour nous le témoin du Christ en nous donnant de comprendre, par son illumination, les paroles qu’il a dites et les oeuvres qu’il a faites. L’Esprit témoigne dans notre coeur pour que chacun de nous, avec foi, avec intelligence, rende témoignage au Christ (15:27). Par l’Esprit de Vérité, notre témoignage est un témoignage rendu à la Vérité. Notre mission est de proclamer cette vérité autour de nous. Nous sommes les instruments de l’oeuvre de l’Esprit, et l’Esprit oeuvre par nous. L’Esprit ne témoigne du Christ en nous que par la Parole; il ne témoigne du Christ autour de nous que par nous, porteurs de la Parole.

En tant que disciples du Christ, notre autorité, quand nous témoignons, est dans celle du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et notre enseignement, notre témoignage sont revêtus de cette autorité-là, avec la promesse que quelques-uns au moins l’entendront, le recevront, le retiendront, viendront au Christ et le serviront. Et par notre témoignage, Christ sera glorifié et Dieu avec lui.

Chers frères, tout disciple est un témoin. Témoignez! Chassez toute crainte, chassez toute peur, là aussi! C’est un ordre de Dieu, un ordre du Christ avec promesse: je te le commande, sois ferme et prends courage, sois sans crainte et sans peur, car je suis avec toi, je marche avec toi et devant toi. Vous n’êtes pas seuls. Votre parole, votre témoignage, l’Esprit saint s’en empare et leur donne la puissance et l’autorité mêmes de Dieu. Pensez-y, soyez-en sûrs, quand vous témoignez, et vous ne tarderez pas à en voir le fruit! Mais demandez, demandez l’Esprit saint et vous le recevrez « afin que votre joie soit parfaite » (Jn16:24). Car Dieu donne le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent (Lc 11:13).


* P. Marcel (1910-1992) a été pasteur de l’Eglise réformée de France et fondateur deLa Revue réformée.

1 [2] Prédication donnée le 19 mars 1967. Lectures: Jn 14-15-17; 25-27; 15:26-27; 16:1-15.