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Le Professeur Cornelius Van Til que j’ai connu

Le Professeur Cornelius Van TIL que j’ai connu

« Dieu l’a dit, je le crois »

Réflexions sur l’apologétique selon Van Til

Un entretien avec Rousas RUSHDOONY*

Le calvinisme a toujours été une menace pour les dirigeants. Il produit des personnes droites, qui ne transigent pas avec le mal, ou l’erreur, des gens qui restent debout, même s’ils sont considérés comme des hors-la-loi.

Voudriez-vous évoquer quelques souvenirs sur vos relations avec Van Til,

sa pensée, son influence dans l’Église et dans la société actuelle?

Cornelius Van Til était un homme dont les connaissances étaient très étendues et dont la foi était d’une remarquable simplicité. L’expression familière « Dieu l’a dit, je le crois » résume bien sa pensée. Il a été un magnifique prédicateur, d’une grande éloquence et très biblique. Il connaissait la Bible par coeur, en anglais et en hollandais. Il savait donner un bon goût aux choses les plus simples de la vie (…).

Van Til était étonnant et merveilleux. Politiquement, en tant que calviniste, il estimait que l’on ne peut pas faire grande confiance à l’Etat: l’Etat n’étant que le péché amplifié, même si c’est un Etat « chrétien », doit être considéré avec précaution. Il n’y a aucune raison de faire confiance aux hommes, à l’Eglise établie, ou à l’Etat. Ainsi son approche de la politique était très cohérente.

Van Til a vécu dans un monde en train de mourir. En Europe où il est né, la sécularisation a submergé un pays après l’autre. Ce qui était encore une ère chrétienne jusque vers 1850 s’est ensuite rapidement sécularisé. Le romantisme, l’esprit révolutionnaire, le darwinisme et le freudisme en ont été les principaux artisans.

Le résultat a été l’écroulement de l’ordre ancien. Pendant un certain temps, Abraham Kuyper[1] a cherché à restaurer celui-ci aux Pays-Bas (…).

Lorsque les Etats-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale, cet ordre a achevé de s’effondrer, l’esprit de la sécularisation s’est répandu partout. Sous bien des aspects, l’européanisation de l’Amérique a commencé avec Théodore Roosevelt, qui a été le premier à parler des droits de l’homme, opposés au droit de propriété. Cette pensée européenne pseudo-marxiste n’a pas été comprise tout de suite aux Etats-Unis.

Van Til pensait que « le plus grand bonheur pour l’homme est le Royaume de Dieu », alors qu’aujourd’hui, l’Eglise est devenue une fin en soi au lieu d’être un moyen. L’Eglise se considère comme le Royaume de Dieu, attitude qui a détruit l’Eglise médiévale.

Au début, la Réforme protestante a considéré le Royaume comme un but à atteindre, et l’Eglise comme l’armée chargée de le conquérir (…) Aujourd’hui, à nouveau, l’Eglise se considère comme la fin en soi et son unité le but à atteindre; en conséquence, les chrétiens cherchent à construire les Eglises et ignorent le Royaume de Dieu. Or, lorsque l’Eglise est centrée sur elle-même, elle se contemple et ne se préoccupe que d’amener des gens en son sein. C’est tout.

Ce que l’on appelait jadis les trois S (sin, salvation, service ; le péché, le salut et le service) n’est quasiment plus connu de nos jours. Ces trois mots récapitulent pourtant le fondement, reconnu par les protestants, et l’essence du plan de salut de Dieu pour l’homme. Celui-ci est soumis au péché, il a besoin d’être sauvé de sa mort spirituelle, et il entre ensuite au service du Seigneur. Aujourd’hui, tout se passe comme si le péché n’existait plus, le salut est l’attente d’être enlevé au ciel, ou de mourir pour aller au ciel, sans effectuer aucun service. Servir pour glorifier Dieu n’est plus à l’ordre du jour!

La communauté réformée a également été polluée par cette forme de pensée (…).

Dans les années 40 et au début des années 50, comme vous le savez, un grand nombre d’évangéliques et d’intellectuels se sont enthousiasmés pour ce qu’on a appelé « la nouvelle évangélisation », qui apparaissait comme une défense respectable de la foi face aux « libéraux ». Pourquoi, les écrits de Van Til étant disponibles, n’ont-ils pas été utilisés pour s’opposer au libéralisme?

(…) Van Til était considéré comme une menace par l’establishment évangélique[2], car il montrait qu’il y avait une ligne de partage, bien définie, entre la foi chrétienne et l’incroyance, entre le peuple de Dieu et le peuple d’Adam déchu. Le précurseur de Van Til était Calvin qui, lui aussi, a fondé sa théologie sur la Parole de Dieu. Mais, depuis Calvin, une forte proportion de rationalisme est entrée dans l’expression de la foi réformée. Si, aux Pays-Bas, A. Kuyper a amorcé une rupture avec le rationalisme, sa position n’a pas été assez claire, parce qu’il commenÁait juste à comprendre ce qui distinguait le monde de la philosophie grecque et le christianisme. Aux Pays-Bas encore, Dooyeweerd et Vollenhoven ont continué sur la même voie, mais avec moins de rigueur que Van Til. On s’est élevé avec une sauvagerie incroyable contre Van Til. Lorsqu’il est venu faire une conférence à Princeton, peu avant sa mort, Karl Barth, en apprenant que Van Til était dans la salle, a perdu son calme et a prononcé ces paroles: « Cet homme me hait » avant d’ajouter que même si, lui, Barth, ne croyait pas à l’existence de l’enfer, « il fallait qu’il y en eut un pour un tel homme ». Ces paroles ont été rapportées par un témoin. Van Til a également provoqué de dures réactions de la part de ceux qui se disent notoirement réformés, mais qui, en fait, sont des rationalistes.

La pensée de Van Til est-elle toujours d’actualité?

Elle est plus pertinente que jamais, parce que Van Till affirme de faÁon non équivoque que Dieu n’est pas la dernière explication, quand tout a été essayé. Dieu a toujours la première place: il n’est pas « un don surajouté », point de vue scolastique adopté malheureusement par le protestantisme. Selon ce point de vue, si nous croyons en Jésus, nous pourrions être détendus et vivre tranquillement; nous devrions simplement veiller à agir aussi bien que possible. Il n’existerait pas de mandat de service. Un peu de « nettoyage », mais pas de loi. Lorsque les antinomiens sont là, quand il n’y a plus de Loi de Dieu, l’Eglise est sur la pente raide de la destruction.

Etre avec Van Til était un plaisir sans mélange pour moi; nous savions que nous étions devant la face de Dieu. Il était avant tout un théologien et un philosophe; il confessait humblement son ignorance en beaucoup d’autres domaines. Même lorsqu’on n’était pas d’accord avec lui, on se rendait compte qu’il était d’une intelligence exceptionnelle, et d’une remarquable humilité. Dès ses premiers écrits, il s’est montré très prudent et ne faisait pas tellement confiance à lui-même. Il ne doutait pas de la qualité de sa position, mais il n’était pas conscient de l’importance de son oeuvre. Pour lui, sa position était tout simplement biblique et il ne faisait ainsi que son devoir (…).

J’ai évoqué la simplicité de Van Til qui pouvait présenter des résumés d’une remarquable clarté et exposer en quelques mots le point principal d’une matière importante. Il a écrit: « il faut choisir entre l’autonomie et la théonomie », c’est-à-dire entre la loi que l’on se fait soi-même et la Loi de Dieu. Je suis naturellement d’accord avec Van Til. Si la Loi de Dieu n’est pas acceptée, par exemple, comme au temps des Juges, chaque individu est sa propre loi, parce qu’il ne reconnaÓt aucune autorité au-dessus de lui; à ses propres yeux, il est juste et bon (…).

La critique de Van Til est très importante, car elle met à nu les erreurs de la pensée moderne. On ne peut pas accepter les prémisses de Van Til sans accepter la théonomie. Ceci n’est qu’une extension de la pensée de Van Til.

Comment la méthode apologétique de Van Til rompt-elle avec le passé? Vous avez dit qu’elle est, jusqu’à un certain point, l’extension de la pensée de Calvin, envisagée sous son angle apologétique et épistémologique. Comment alors l’apologétique de Van Til s’inscrit-elle en rupture avec l’apologétique antérieure?

La méthode apologétique historique classique est une adaptation de la culture grecque et romaine; c’est pourquoi elle part de l’homme, de l’esprit de l’homme, du raisonnement de l’homme qui veut prouver Dieu.

Du point de vue de Calvin, il faut, à l’inverse, partir de Dieu et de Sa Parole infaillible, la Bible; ce faisant, on prouve tout ce qui existe. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas de preuves; les preuves humaines n’ont aucune valeur.

L’essence de l’approche non chrétienne, dans chaque sphère de la connaissance, n’a réellement aucune signification. Refuser d’accepter le compte rendu du livre de la Genèse, par exemple, revient à dire que tout ce qui existe a été produit par hasard, par chance. Ainsi le choix ultime est entre Dieu et le hasard. Toutes les autres positions ne sont que des variations de ces deux-là. Vous pouvez croire au hasard et à la nécessité, mais cela n’a rien de logique. L’islam est prisonnier de la nécessité, c’est pourquoi les musulmans ne croient pas à la prédestination, et sont, au contraire, fatalistes instant après instant.

Si vous croyez que l’alternative, c’est, d’une part, la chance ou le hasard et, d’autre part, le Dieu de la Bible, tout l’univers est alors une vaste série de miracles plus étonnants les uns que les autres: de rien surgit et se développe soudainement un atome primitif; ensuite, il y aurait eu une étincelle de vie. Cet atome primitif se serait développé et aurait formé le vaste univers. C’est là un concept invraisemblable, qui embrouille l’esprit, qui s’oppose à toute rationalité. Si vous tournez le dos à Dieu, vous êtes obligés, de faÁon ultime, de tomber dans la plus totale irrationalité.

C’est pourquoi Van Til a très souvent répété que les rationalistes finissent toujours dans l’irrationnel. C’est toujours le même problème. Les hommes veulent faire ce que Carnel croyait être la bonne faÁon d’agir: jouer à être comme Dieu. E.J. Carnel disait: « Faites connaÓtre vos révélations, si elles ne passent pas le test de la logique d’Aristote, la loi de non-contradiction, alors elles sont sans valeur. »

Que pensez-vous du développement que Van Til a fait de l’apologétique de Calvin?

Ces dernières années, la théonomie a connu un développement complet. Nombreux sont encore ceux qui considèrent que la Bible est toujours la Parole infaillible de Dieu, y compris l’Ancien Testament. Jaques Saurin, pasteur franÁais réfugié aux Pays-Bas, a déclaré que l’antinomisme est vraiment une croyance ridicule. Il ne pouvait pas comprendre comment des personnes intelligentes et sensibles pouvaient adopter un tel comportement. De son temps, il y a environ deux cents ans, Saurin était considéré comme le prédicateur le plus réformé et le plus important dans toute l’Europe.

Aujourd’hui il est oublié. Quand Saurin est venu prêcher à Londres dans l’église de Orange Street (j’ai également prêché là et je suis content de le dire), Isaac Newton, qui habitait à cÙté, est allé l’écouter et a raconté, ensuite, qu’il avait eu l’impression d’écouter un ange. Mais aujourd’hui, la communauté réformée ne sait même pas qui était Saurin. Cela montre à quel point nous avons abandonné une grande partie de notre héritage.

Quelles sont les implications de la méthode apologétique de Van Til pour l’évangélisation?

Les implications de l’apologétique de Van Til sont d’une importance capitale. Si la souveraineté de Dieu est niée dans l’évangélisation et si la liberté de l’homme est affirmée face à la Parole de Dieu, la substance de l’appel est: acceptez Jésus comme votre Sauveur et Seigneur; autrement dit, c’est l’individu qui est souverain, puisqu’il a la possibilité d’accepter ou de refuser.

Cette négation de la souveraineté de Dieu a corrompu les Eglises. Les gens ne viennent plus rendre un culte à Dieu, en esprit et en vérité, et faire l’effort d’ouvrir leur intelligence pour comprendre sa Parole; c’est l’assemblée, au contraire, qui est souveraine. Le prédicateur et sa prédication doivent plaire à l’auditoire. Je peux et vous pouvez sûrement citer plusieurs cas de pasteurs qui ont prêché au sein d’une Eglise arminienne, sans s’éloigner d’un seul iota de l’Ecriture; mais parce qu’ils ont prêché la gr,ce souveraine, une assemblée générale a été convoquée et a voté leur renvoi immédiat.

Van Til n’a certainement pas contracté d’engagement politique, mais toute l’idée de reconstruction chrétienne provient de l’antithèse entre la méthode biblique et celle de l’humanisme sécularisé. Comment pouvez-vous, dans votre esprit, travailler et écrire, pour faire le lien entre la pensée de Van Til et les applications de la foi à l’ordre politique?

Le calvinisme a emprunté des éléments à l’augustinisme et les a développés. L’augustinisme a de nombreuses branches. Augustin a été, en réalité, le fondateur de la position amillénariste qui, aussi bien entre les mains de Rome que dans le protestantisme, conduit à mettre la plus lourde contrainte sur l’Eglise. En effet, s’il n’y a pas d’espoir, et si le monde va progressivement de plus en plus mal, alors on ne peut mettre l’accent ni sur la reconstruction, ni sur la Loi de Dieu. On attend simplement la fin. C’est une sorte de prémillénarisme sans espoir. Le monde va de plus en plus mal, et au lieu d’un enlèvement de l’Eglise, le monde va très mal. La position augustinienne, bien quelle n’ait pas triomphé dans la théologie romaine, a cependant triomphé dans son ecclésiologie. L’Eglise romaine est construite sur la prémisse qu’elle est l’arche toute suffisante du salut. Si la Bible compare l’Eglise à une arche, elle ne dit pas que le Royaume de Dieu est seulement dans l’Eglise et pas ailleurs. Le Royaume est plus vaste que l’Eglise.

Si l’on suit la perspective réformée, qui se trouve implicitement dans le postmillénarisme de Calvin – on le voit dans son Commentaire du livre de Daniel , et aussi très largement dans son Commentaire d’EsaÔe – Calvin incline vers une eschatologie victorieuse. Certes, il n’entre jamais dans le sujet de l’eschatologie parce qu’il a eu beaucoup d’autres combats à mener. A son époque, les principaux Réformateurs n’ont pas exposé les fins dernières dans tout leur contenu. Mais le calvinisme authentique a toujours été postmillénariste. On le voit dans les Textes de Westminster et dans la Confession de Savoy , où il est tout à fait présent. Cela signifie que les premiers calvinistes, bien que n’ayant pas de grands leaders avec eux, ont marché à la conquête pacifique de l’Europe par la prédication de la foi réformée. Le roi Jacques Ier d’Angleterre, secrètement arminien, a agi contre la grande stratégie du calvinisme et, avec la guerre de Trente Ans, a fait des dégâts irréparables. Il a donné le pouvoir aux arminiens, que nous pouvons nommer néo-catholiques. Cependant, aux Pays-Bas, ce sont les calvinistes qui sont réellement les artisans de la victoire sur les Espagnols; avec une foi sans compromis, ils constituent une colonne vertébrale. Un ami hollandais m’a raconté que lorsque les Espagnols arrivèrent dans le village d’une communauté réformée, ils ont arrêté les anciens de l’Eglise calviniste pour les brûler sur la place devant tout le peuple. Lorsque tout a été réduit en cendres, la pluie a commencé à tomber. Les fidèles n’ont pas bougé jusqu’à ce que les cendres se soient refroidies; chacun alors en a ramassé dans son mouchoir pour les déposer sur le manteau de sa cheminée afin de pouvoir dire à ses enfants et à ses petits-enfants: « Voilà comment un chrétien vit et meurt. »

Le calvinisme a toujours été une menace pour les dirigeants. Il produit des hommes droits, qui ne transigent pas avec le mal, ou l’erreur; des hommes qui restent debout, même s’ils sont considérés comme des hors-la-loi. Il y a une remarquable clarté dans ces hommes. Lorsqu’on lit Calvin et Luther, la différence est très importante. Luther est souvent intéressant parce qu’il fait beaucoup de digressions hors sujet. La démarche de Calvin, au contraire, est toujours systématique, contrairement à d’autres écrivains, enclins à la prolixité, et qui s’invectivent à titre d’arguments chocs.

Le grand maÓtre des insultes est sir Thomas Moore. Calvin avait eu l’intention de répondre aux insultes de Pighus, mais il s’est arrêté lorsqu’il a été informé de sa mort, car il pensait qu’on l’accuserait de « frapper un chien mort »; il faut dire que le langage du temps était loin d’être incolore et sans saveur, comme celui d’aujourd’hui.

Les puritains anglais n’étaient pas aussi calvinistes qu’on aurait pu le souhaiter, mais certains, comme John Owen, ont été très clairs dans leurs écrits et ont eu une grande influence. Partout où l’on trouve la solide charpente du calvinisme chez les écrivains anglais du XVIIe siècle, le style est systématique, clair et précis. Mais certains puritains, calvinistes jusqu’à un certain point, ne pouvaient que se perdre dans les méandres de l’analyse psychologique.

Comment pouvons-nous utiliser la pensée de Van Til, pour le futur, dans l’effort de reconstruction de l’Eglise et de la société?

J’ai déjà dit que la prémisse fondamentale de Van Til est le choix entre l’autonomie et la théonomie. De même la prémisse essentielle de la reconstruction chrétienne est que, dans toutes les sphères de notre vie, nous appliquions la Parole de Dieu dans sa totalité. C’est précisément ce qu’a fait Van Til. Dans le domaine de la psychologie, de l’éthique théiste chrétienne, de l’apologétique, le fondement est la théologie biblique systématique, sans aucune spéculation. Il faut toujours commencer et finir avec la Parole de Dieu. C’est ainsi que nous procédons pour convaincre l’Eglise de ce qu’elle doit faire. Autrement elle met en danger la foi chrétienne; elle sort du bon chemin et devient impotente. Elle n’a plus l’impact qu’elle devrait avoir dans tous les pays.

Si les chrétiens sont bien enseignés, prêts à agir, ayant bien compris, ils peuvent alors entendre et comprendre une prédication biblique sérieuse. Si vous adoptez la position de Van Til, vous êtes contraints de la soutenir. Il n’y a rien eu de plus fort que ce qu’ont fait les Eglises réformées orthodoxes, les hollandaises en particulier. Elles ont consacré les soirées du dimanche à la prédication sur les articles de la confession de foi et aux questions et réponses du catéchisme. On le fait encore, mais parfois de faÁon plus légère.

Van Til a certainement été un penseur systématique au plus profond de son être. Nous devons l’être également. L’une des choses importantes que j’ai apprises dans les années 30, lorsque j’étudiais de faÁon intensive les Pères de l’Eglise, c’est que ces hommes (je ne dit pas qu’ils ont toujours été cohérents dans leurs pensées) prêchaient la Bible de faÁon systématique. Si vous considérez les volumes de leurs écrits, vous y trouverez, par exemple, une série de sermons sur l’évangile selon Matthieu, sur le livre de Job, ou d’EsaÔe, ou encore sur les lettres aux Corinthiens, etc. Ils voulaient suivre la Bible de faÁon systématique.

Un des aspects du génie du calvinisme est son aptitude à marier une pensée biblique, solide et théologique, avec l’action…

Oui, ce qui me plonge dans une grande tristesse, c’est que nous avons un christianisme de papier. Les Eglises, qu’elles soient modernistes, arminiennes ou réformées, font des déclarations sans agir. Elles semblent croire que formuler des voeux est suffisant. Nous avons besoin d’un retour à un christianisme actif. Le salut doit conduire à l’action et au service, au service du Dieu créateur.


* Cette interview de R. Rushdoony, publiée dans le Chalcedon Report, 358 (mai, 1995) a été traduite et adaptée par M. A. Coste. R. Rushdoony, théologien et auteur de nombreux livres, est le président de la Fondation Chalcédoine à Vallecito, en Californie.

1 A. Kuyper (1837-1920), premier ministre des Pays-Bas, théologien, journaliste et philosophe chrétien et fondateur de l’Université libre d’Amsterdam.

2 Rushdoony cite C. Henry, E.Carnell et Billy Graham.